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La production littéraire tchadienne écrite d'expression française : essai d'analyse sociologique.

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par Robert MAMADI
Université de Ngaoundéré - Master ès Letrres 2010
  

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3.3 Les poètes : niveau intellectuel, distinctions diverses et enjeu littéraire

L'enquête donne une liste de quatre poètes de renom (annexe 1, question 20). Il s'agit de deux enseignants-chercheurs, philosophe et dramaturge et de deux politologues de formation. Nimrod est auteur d'une thèse de doctorat en philosophie soutenue en France en 1996. Il a obtenu en 1989, le prix de la Vocation pour son recueil de poèmes intitulé Pierre, poussière (Paris, Obsidiane, Sens, 1989). Il est rédacteur en chef d'une revue semestrielle, artistique, philosophique et littéraire dénommée Aleph Beth en France. Ceci est une distinction qui mérite d'être signalée. Les deux dernières décennies du 20e siècle sont ses années d'inspiration littéraire : un roman, trois recueils de poèmes, un essai et une vingtaine d'articles parus dans des revues spécialisées en France. Koulsy Lamko, fils d'instituteur, a vu ses études secondaires interrompues par la guerre civile de 1979. Sur le chemin de l'exil, il a eu son baccalauréat au Burkina-Faso où il amorça des études supérieures. Il obtint en 1988 une maîtrise de lettres à Ouagadougou. Il est titulaire d'un certificat d'entrepreneur culturel puis d'un doctorat sur l'émergence d'un théâtre de la participation en Afrique noire francophone. L'homme le plus riche en titres au sein de la littérature tchadienne des années 1990, il est comblé distinctions. Après la bourse de la Fondation Beaumarchais qu'il obtient en 1993, pour une résidence d'écriture à Limoges, son talent n'est pas à contester. Il participe à plusieurs festivals et décroche autant de prix : prix Rfi-Théâtre en 1989, prix du concours "Afrique trente ans d'indépendance" en 1990, prix Unicef Musée en 1992, etc. Si Koulsy a un doctorat sur les nouvelles esthétiques théâtrales en Afrique noire francophone, il s'affirme aussi comme griot par la poésie, la musique et le cinéma et compte parmi les novateurs. Malgré ses nombreuses activités, Koulsy a été membre du jury du CTI de RFI en 1994, ainsi que membre du jury des 3es jeux de la francophonie de Madagascar. Bourdette-Donon analysant ce qui fait la particularité de Koulsy, affirme en ces termes : « Tout le mérite de Koulsy consiste à être parvenu à partir des scènes privées, à porter l'art sur le terrain de l' action politique en relatant l'agonie, entrecoupée de cris, de douleur et de révolte, d'un peuple dressé contre la cruauté et la corruption» (Bourdette-Donon 2000 : 128). Koulsy, dans ce cas, lutte comme Mougnan et Nébardoum contre le silence, l'indifférence et appelle à la justice, la lucidité et à l'engagement. Ceci, il l'exprime lors de son passage à N'Djaména en 1998 : « Il y a une indifférence à se boucher l'oreille, une honte à se fermer les yeux, un crime à se taire.» (Benadji, in Malt, n° 005, 1998 : 7). N'Djékornondé Moise Mougnan, fils d'André Mougnan, homme politique mort dans les geôles de Tombalbaye, est un politologue et

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journaliste de formation qui a lutté pour le panafricanisme et les droits de l'Homme. Son premier recueil de poèmes, interdit au Tchad sous Habré, est enseigné en République démocratique du Congo, aux USA et à Haïti. Ces textes sont, selon Bourdette, une révolte contre l'injustice : « Ces poèmes vont de l'hommage à Sankara, au salut adressé à Mandela en passant par la dénonciation de l'oppression des femmes ou le rejet des dictatures. Ils crient la douleur tenace de l'exil, exaltent l'encre et la plume, les outils et les mots du poète pour rappeler le sang versé sur tout le continent» (Bourdette-Donon, 2003 : 230). Après les études secondaires débutées au Lycée Félix Éboué à N'Djaména et achevées à Libreville, Mougnan poursuit ses études supérieures au Canada. Cette ouverture sur le monde anglophone est rendu possible grâce à un séjour d'apprentissage de la langue de Shakespeare au Nigeria. La popularité de Mougnan réside dans sa volonté, depuis le Canada, de faire l'éloge des grandes figures qui ont combattu l'injustice, le racisme, la guerre et le sous-développement. À eux, il dédie Des Mots à dire, son livre écrit contre la dictature et l'oppression. En plus de la littérature, la lutte associative pour la liberté, l'égalité et les droits de l'Homme est un pan de la philosophie politique de Mougnan. Nébardoum Derlemari Abdias a achevé ses études secondaires, interrompues par la guerre civile de 1979, à N'Djaména, au Togo. Là il suit des études de droit et s'oriente en Sciences Politiques et Administration Publique, formation qu'il achèvera plus tard au Canada. Politologue diplômé des sciences sociales, ce chercheur s'intéresse à la «diplomatie de population» en Relation Internationale au détriment de la «diplomatie d'État». Comme Mougnan, il s'intéresse dans ses écrits à l'Afrique et particulièrement au Tchad et rêve voir une Afrique dépourvue de disputes et de clivages. Il est un poète de développement. Au Tchad, il est moins connu, mais les critiques littéraires font de lui une figure de la lutte non armée contre l'oppression et l'injustice. Sa poésie est pour Bourdette-Donon « un acte de connaissance et d'éclaircissement politique qui propulse l'image phare du poète prophète» (Bourdette-Donon, 2003 :236). Nébardoum de son «là-bas» se voit obligé de dire l'«ici» et cela gagne l'admiration de Bourdette. Pour ce dernier, « tous les textes se nourrissent de l'absence et de ce qui hante l'artiste, de la libération de paroles refoulées ou réprimées pour faire de la poésie le noeud dramatique du poète à son histoire personnelle comme à l'autre, la grande, l'Histoire» (Bourdette-Donon, 2000 : 100). A. Taboye avoue également que l'engagement du poète est incontestable dans la mesure où il dénonce les catastrophes du pays. Il ajoute que le poète ne fait pas que dénoncer, mais accuse et crie. Car son espoir réside dans l'écriture du cri

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qui est : « l'expression la plus immédiate de la douleur et la plus accessible à tout le monde» (Taboye, 2003 : 290). Nocky Djédanoum est connu comme journaliste de formation, fondateur du Festival Fest'Africa. Sa popularité tient de l'organisation et de la réalisation du «Fest'Africa sous les étoiles». Ce festival qui a eu lieu à N'Djaména a réuni en 2005 des éminentes personnalités de la littérature, de l'art et de la presse. Avant cela, son oeuvre intitulée Illusions, primée en 1984, a été diffusée sur les ondes de la Radio France Internationale dans le cadre de l'émission « premières chance sur les ondes». En 1997, sa pièce L'Aubade des coqs a été représentée par le Logone-Chari Théâtre au MASA d'Abidjan et est retenue par cette troupe pour participer, la même année, au Fest'Africa de Lille.

Au niveau local, la poésie est produite par des intellectuels pas des moindres. Mais il serait tôt de parler de distinction littéraire pour ces jeunes poètes en quête d'éditeurs. Amine Idriss Adoum est licencié en Histoire et archéologie et titulaire d'un diplôme supérieur de Management. Djikoloum Nang a été rendu populaire après Tchad mon pays, recueil de poèmes primé, publié et diffusé par le Centre Dombao de Moundou. Mahamat Djeddid Ahmat a eu une licence à la faculté de lettres, à l'université de N'Djaména, en 1996 et a obtenu un diplôme de l'ENA option : diplomatie, en 1997. Il a été primé en 1990 par le centre Dombao de Moundou pour l'ensemble de ses poèmes. Mbaïdam Boguy a les mêmes diplômes que Djeddid, ci-haut cité. Sa poésie est rendue publique grâce au journal N'Djaména-Hebdo.

Dans ce chapitre, nous avons démontré que les expatriés, par leurs productions littéraires, ont posé les jalons de la littérature tchadienne écrite d'expression française. Les concours, représentations et prix au niveau international ont participé à la popularité des auteurs. Six associations littéraires et quelques centres culturels ont soutenu des activités littéraires. Il a aussi été question de dévoiler quelques sources d'inspiration qui sont motivées par des événements sociopolitiques. Le niveau intellectuel des écrivains tchadiens est appréciable, car la grande majorité des écrivains ont au moins le Baccalauréat, une formation universitaire ou équivalente. La plupart d'entre eux ont suivi des études littéraires. Ceci peut être un gage non seulement pour la qualité de la production, mais aussi pour la connaissance et l'étude des genres littéraires. Il se trouve qu'il y a des facteurs défavorables pour la mise sur pied d'une institution de la littérature. Le champ littéraire est jalonné d'obstacles d'ordre linguistique, religieux et culturel. Le chapitre suivant a pour objet l'analyse de ces éléments et la proposition de quelques solutions à ses obstacles afin de permettre l'éclosion de la production littéraire au Tchad.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo