WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les relations internationales âpres la guerre froide: analyses et perspectives

( Télécharger le fichier original )
par Merveil Ilonga leka bilimba
Université pédagogique nationale - Licence 2011
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

    Les années qui ont suivi l'effondrement du mur de Berlin sont marquées par la découverte des règles de fonctionnement de la nouvelle configuration

    1

    INTRODUCTION

    1. PROBLEMATIQUE

    Jusqu'à la fin des années 80, les relations internationales étaient profondément marquées par la Bipolarisation issue de la Seconde Guerre mondiale. Pendant presque 50 ans, le face à face entre les Etats - Unis et l'URSS, même en l'absence d'affrontement direct, est une véritable guerre, un conflit global et mondial. Cette guerre froide qui imprègne autant les calculs de politique intérieure que de politique extérieure à cause de sa durée, modèle des réalités politiques, économiques, sociales et culturelles du monde ; elle structure toute une époque. Elle est le canevas idéologique de référence qui permet de lire le monde. Entre 1987 et 1991, ce système bipolaire disparaît. Maints repères, et stratégies politiques sont alors bouleversés. Privés d'ennemi, les Etats-Unis désormais seule superpuissance doivent repenser leur politique étrangère. Dès 1991, le président américain G. Bush assigne à son pays une tâche ambitieuse : refonder « un nouvel ordre mondial sur des bases plus conformes aux principes et aux valeurs de la démocratie ». En l'absence de leur grille d'analyse traditionnelle, les politologues, les historiens cherchent de leur côté à comprendre ce monde de l'après-guerre froide et à trouver quel « nouvel ordre » régit les relations internationales. Cependant c'est le désordre, l'instabilité, la complexité qui semblent régner en maître sur une « planète balkanisée » sans qu'apparaissent des recompositions géopolitiques pérennes. Les USA peuvent-ils être les seuls gendarmes du monde (notamment contre la montée du terrorisme islamique) ? Quelles sont les clés de la compréhension des relations internationales aujourd'hui ?

    2. HYPOTHESES DU TRAVAIL

    Les relations internationales s'opéraient dans une configuration multipolaire caractérisée par la division de l'espace politique mondial en plusieurs entités souveraines et par la rupture avec les traités de paix conclu au lendemain de la première guerre mondiale, pour ensuite évoluées dans un environnement bipolaire dominé par deux grandes puissances qui dictaient le cours de l'action internationale enfin, au lendemain de la disparition de l'URSS la bipolarité a cédé la place à un univers unipolaire qui se manifeste par la diffusion des valeurs démocratiques, l'économie de marché et le caractère universel des droits de l'homme.

    2

    unipolaire, dans un environnement confronté aux effets de la globalisation. La résurgence aux Etats-Unis des thèses isolationnistes au lendemain de la chute du mur de Berlin ne peut être considérée comme la manifestation d'un changement systématique qui aurait modifié la nature des relations internationales

    3. METHODE ET TECHNIQUE DU TRAVAIL

    Pour exécuter tout travail scientifique, il s'avère nécessaire de tenir compte et d'appliquer les méthodes et techniques. Nous n'avons pas dérogé à cette obligation scientifique.

    A. Méthodes utilisées

    Nul n'ignore que toute science se caractérise par sa spécificité et sa méthode, ainsi la méthode est définie comme étant « l'ensemble des opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à atteindre les vérités qu'elle poursuit ».1

    Cependant, au cours de notre étude, nous avons eu à recourir à deux méthodes à savoir :

    La Dialectique et analytique

    La dialectique selon LOUBET Del Bayle, est d'abord associée au concept de totalité en niant l'isolement entre ensemble et leurs parties et en soulignant que la réalité sociale est le fait de l'ensemble des interactions entre ses différents éléments.

    Dans le cadre de notre travail, cette méthode va nous permettre de démontrer comment la fin d'un monde bipolaire marque-t-elle le début d'une ère sans affrontements, et Comment s'organise le monde aujourd'hui. Est-il dominé par une ou plusieurs puissances ? Et de voir ses lignes de fracture, ses divisions.

    Cette méthode nous permet également d'analyser aussi les différents faits qui ont parcouru après la fin des affrontements bipolaires de la guerre froide concrètement menés par les USA et l'ex URSS.

    Quant à la deuxième, elle nous a permis d'analyser la fin de la guerre froide qui correspond à la fin de la domination et de l'hégémonie et à une mise en place d'un nouvel ordre dans lequel la puissance redéfinit ses contours, sans

    1 LOUBET Del Bayle J.L, Cité par SHOMBA, Méthodes de la recherche scientifique, PUR, 2002, p.95

    3

    annuler pour autant tous les cadres anciens....» qui est l'un des principaux enjeux des relations internationales.

    B. Techniques utilisées

    Pour sa part « le concept » « technique » est entendu comme étant une « procédure par laquelle les chercheurs récoltent les données à être analysées.2

    Dans ce travail, nous avons fait recours à la technique documentaire car elle nous a permis de consulter des ouvrages, des articles des cours et mémoires relatifs à notre objet d'étude.

    4. CHOIX ET INTERET DU SUJET

    Cette étude s'assigne comme objectif d'évaluer la contribution de l'hyperpuissance dans la gouvernance mondiale. En effet, après la guerre froide, le monde n'est pas entré dans la tranquillité comme on s'y attendait une myriade de conflits, dans l'ombre de la guerre froide, ont commencé à émerger.

    Depuis la fin de la guerre froide, les relations internationales ont sans aucun doute perdu de leur stabilité et, partant, de leur lisibilité. L'affrontement bipolaire a vécu, les acteurs non-étatiques ont commencé à jouer un rôle croissant (multinationales, ONG, crime organisé, etc.), de nouveaux types de conflits, intra-étatiques, se sont multipliés, la mondialisation des échanges ou encore les problèmes environnementaux occupent désormais le devant de la scène médiatique... ces changements profonds et rapides suscitent en retour une demande d'expertise, de la part du public comme acteur du monde politique et économique. De fait, les travaux ayant pour objet les relations internationales se sont multipliés.

    5. DELIMITATION DU SUJET

    La fin d'un mode bipolaire correspond à l'affirmation d'une superpuissance, certes, mais son hégémonie n'est pas totale. D'autres puissances tentent dans leur intérêt de promouvoir le multilatéralisme.

    Dans l'espace, les USA constituent notre champs d'investigation, car ils restent la seule superpuissance et ils jouent le rôle de "gendarme du monde et dans le temps, cette étude va de l'année 1991 date à laquelle l'empire

    2 GOODE. WETHATT. P., Cités par KUYANSA, B et SHOMBA, K. Initiation aux méthodes de recherches en Sciences Sociales, éd. PUZ, Kinshasa, 1995, p.178.

    4

    communiste a pris fin jusqu'à 2001 l'année où les villes américaines avaient été atteintes par des attaques terroristes du réseau d'Al-Qaïda.

    6. SUBDIVISION DU TRAVAIL

    Outre l'introduction et la conclusion, notre travail est subdivisé en trois chapitres : le premier est consacré à l'héritage de la guerre froide, le deuxième nous plonge dans la recherche d'un nouvel ordre mondial et enfin, le troisième chapitre, étude du système international en gestation.

    Mais en vérité la Guerre froide a été un conflit global, idéologique, politique, géopolitique, forcément militaire, mais avec de très fortes

    5

    CHAPITRE I : HÉRITAGE DE LA GUERRE FROIDE

    Après la fin de la Guerre froide l'ordre mondial bipolaire qui a caractérisé la deuxième partie du XXe siècle a disparu à une vitesse « révolutionnaire ». Mais les effets de la « guerre » ont laissé de nombreuses traces. Les systèmes sociaux, l'organisation des armées, les manières de raisonner dans les organisations publiques des différents pays des deux blocs ont été influencés par l'idéologie de la Guerre froide et, 18 ans après, « l'ombre de la guerre » est encore présente et hante les populations.

    Les grands acteurs mondiaux n'étaient sans doute pas prêts à l'achèvement de la Guerre froide, et lorsque les problèmes ont émergé, les réactions ont été trop tardives et ont été pensées « Guerre froide ».

    Aujourd'hui le plus grand défi auquel nous devons faire face est le nouvel ordre mondial du XXIe siècle, qui sera probablement multipolaire. La question est de savoir si nos gouvernements et les organisations alliées disposent d'une stratégie commune face à ce profond changement.

    En ce qui concerne les questions militaires, après la Guerre froide on a également pu constater que les puissances mondiales n'étaient pas capables de prévoir cette évolution radicale. La chute de l'Union Soviétique et la rupture du Pacte de Varsovie n'ont pas été anticipées par les grandes organisations internationales et en particulier par l'OTAN. La disparition de l'ennemi visible a mis l'OTAN en grande difficulté et l'organisation a perdu brusquement sa légitimité.

    Au sein de l'OTAN il a fallu répondre à une question complexe : comment peut-on redéfinir la stratégie d'une organisation internationale qui a été créée pour faire face à la menace d'expansion de l'idéologie communiste et qui a fonctionné sur ces bases pendant des décennies P

    SECTION 1. LA CARACTERISTIQUE GENERALE DE LA GUER FROIDE

    qu

    Dans la mémoire de la grande majorité de nos contemporains, la Guerre froide reste une période conflictuelle pendant laquelle deux grandes organisations militaires ennemies ont lutté pour être la première ou la seule puissance mondiale. Dans ce contexte la Guerre froide n'était rien d'autre 'une opposition militaire entre deux alliances délimitées.

    6

    répercussions dans des domaines très variés : culturel, économique, scientifique. Elle a structuré toute une époque3.

    On peut dire que la Guerre froide, durant des décennies, a fait partie de notre vie quotidienne. À l'Est, dans chaque pays communiste, ce mode de vie a revêtu « la parure dictatoriale » avec des régimes à parti unique, le centralisme soviétique, l'économie planifiée, étatisée et bureaucratisée, le mépris des droits de l'homme et de la volonté individuelle face aux impératifs de la « construction du socialisme ».

    En résumé, la présence des partis communistes était dominante dans tous les domaines de la vie quotidienne. Par contre, de l'autre côté du rideau de fer, à l'Ouest, dans les pays démocratiques le développement était assuré, des régimes démocratiques pluralistes se sont installés, l'économie de marché capitaliste libérale reposant sur l'initiative individuelle a entraîné la stabilité et le bien-être des sociétés occidentales.

    Malgré des inconvénients innombrables (la menace nucléaire permanente, l'oppression communiste dans les pays de l'Est, la division de l'Europe, etc.) la Guerre froide, a eu sans aucun doute, l'avantage de désigner clairement les ennemis. On connaissait exactement les frontières des territoires contrôlés par les deux puissances antagonistes, les États-Unis d'un côté et l'URSS de l'autre, et cette démarcation n'a pas été seulement une ligne virtuelle, puisqu'elle a été incarnée en Europe par le rideau de fer et le mur de Berlin.

    Ces deux constructions épouvantables n'ont pas été qu'une ligne symbolique, elles ont montré nettement où se situaient les limites géographiques de la responsabilité des deux puissances au sein desquelles elles pouvaient agir quasi librement en préservant l'ordre bipolaire mondial. La Guerre froide a donc garanti une stabilité « confortable » et, a désigné en même temps, un ennemi visible et bien déterminé pour l'ensemble des acteurs. La Guerre froide n'a nullement été une affaire purement américano-soviétique. Elle a impliqué pleinement « les deux Europes », celle de l'Ouest et celle de l'Est, et la plupart des régions de la planète4.

    Dans les pays qui ont été touchés par les effets de la Guerre froide, le raisonnement politique s'est conformé à cette logique d'opposition. Les nations se sont organisées pour faire à cette guerre potentielle, elles ont maintenu des armées gigantesques, et l'esprit public a été formaté par cette logique d'hostilité. La Guerre froide était plus qu'un jeu politique, ses effets ont imprégné la mentalité des nations et la pensée des contemporains. C'est cette

    3 Georges-Henri Soutou : La guerre de Cinquante Ans, Fayard 2003, p. 10

    4 Georges-Henri Soutou : La guerre de Cinquante Ans, Fayard 2003, p. 11

    7

    dernière conséquence qui s'avère être la plus dramatique, car elle a divisé les peuples.

    §1. La naissance des deux blocs

    La fin de l'année 1946, a été caractérisée par des tensions croissantes dans les rapports entre Washington et Moscou. La question de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Grèce, la rapide démobilisation militaire américaine suivie par une rapide démobilisation des armées soviétiques a déclenché une atmosphère d'incertitude et accroître la méfiance réciproque entre les deux blocs.

    En Février 1947, le Président américain Harry Truman allait exposer devant le congrès américain, sa doctrine sur la politique étrangère, dans un contexte international grave (la Grèce qui était en proie d'une guerre civile, l'arrivée des régimes communistes en Europe centrale) qui avait exigé une intervention américaine directe en Europe sous forme d'un plan de réajustement de l'économie européenne, via l'approbation du congrès d'une aide financière de 400 milliards de dollar, pour favoriser l'aide économique des pays de l'Europe Ouest, susceptible de maîtriser leurs indépendances économiques.

    D'autre part, le pentagone s'engagera à fournir des aides militaires pour les alliés des Etats-Unis, il s'agissait en somme d'une aide qui avait une profonde signification politique.

    Le discours de Truman fut prononcé au moment, où venait de s'ouvrir à Moscou, la conférence des Ministres des Affaires Etrangères des quatre grands alliés de la seconde guerre mondiale (Etats-Unis, Grande Bretagne, U.R.S.S, France), qui fut très influencée par les déclarations de Truman, car, les responsables concernés avaient du mal, dans un tel climat de tension, d'arriver à un accord sur le statut d'occupation de L'Allemagne.

    L'échec de cette conférence a été suivi par la décision du gouvernement français de révoquer les Ministres communistes, dans le cadre d'une tentative qui visait de s'approcher de plus en plus du camp occidental. Des semaines après, le Secrétaire Général des Affaires Etrangères américaines Marshall prononce à l'université de Harvard un discours très important : (la situation mondiale est très sérieuse, la deuxième guerre mondial avait laissé des ruines, de telles sortes que les besoins de l'Europe sont plus grands que ces capacités de payement, il est nécessaire d'envisager une aide supplémentaire, qui sera gratuite, pour éviter une dislocation économique, politique et social très grave)5, ici, il est important d'évoquer les faits essentiels : l'Angleterre comblait dans un déficit de payement, qui avait atteint 38 milliard de dollar, le manque

    5 Jean Baptiste Duroselle (Histoire des relations internationales de 1945 jusqu'à nos jours - page58)

    8

    du charbon provoquait des coupures électroniques qui entraînaient les plans de relèvement des activités économiques.

    En France, la hausse des prix avait atteint 80 pour cent durant une année, le cycle des salaires et des prix reprit vite. Dans la fin du discours, Truman nota que : (si les pays du continent européen continuèrent de se laisser convaincre de chercher à résoudre les problèmes économiques d'une Europe comme un but, l'aide des Etats-Unis serait plus efficace)6 et ajouta (les Etats-Unis feraient tout ce qui lui étaient nécessaire pour aider le monde à retrouver sa santé économique, sans laquelle il n'y aura pas de stabilité politique)7.

    On comprend ainsi, que les Etats-Unis invitaient les pays de l'Europe de l'Ouest à dresser le bilan de leurs ressources et leurs possibilités, afin d'établir une coopération entre eux, en proposant une construction politique d'ensemble, via des réalisations concrètes reposant sur la solidarité en vue de piloter la production européenne, et améliorer les conditions de vie de la population européenne, pour réaliser une intégration institutionnelle. Truman évoqua : (l'initiative doit venir de l'Europe, puisque c'est leurs affaires, qui justifient la détermination de leurs besoins)8.

    La doctrine de Truman et le plan Marshall nous conduit à la conclusion suivante : les Etats-Unis optaient pour l'Europe, considérée par les dirigeants du White House Office comme l'élément décisif de l'équilibre mondial, en admettant que le réarmement ne devrait pas compromettre les efforts du relèvement économique assuré par Marshall.

    Mais derrière, il y avait d'autres significations de nature stratégiques et géopolitiques qui expliquaient la position de Washington sur le dossier européen, car elles devaient chercher à établir une défense politico-économique solide capable de stopper la montée en puissance du communisme, qui se diffusait d'une vitesse rapide en Europe.

    La réaction européenne sur le plan Marshall fut vite accueillie, le Times britannique qualifia cette politique de courageuse et de constructive, France Presse annonça qu'il s'agissait d'une idée sympathique. Mais en contrepartie, la réaction de la presse soviétique était trop nuancée, malgré cela, Moscou accepta de participer dans la conférence de Paris en Septembre 1947 pour discuter de l'offre américaine, durant cette conférence, Marshall essaya de créer un environnement diplomatique favorable au consensus de l'Europe pour son plan, en s'appuyant sur la réconciliation et la coopération de toute l'Europe pour son bien commun.

    6 André Fontaine (Histoire de la guerre froide - page 381)

    7 André Fontaine (Histoire de la guerre froide - page 382)

    8 André Fontaine (Histoire de la guerre froide - page 384)

    9

    Molotov (le Ministre des Affaires Etrangères soviétiques) s'opposa totalement au plan Marshall, estimant d'une part qu'il n'était pas de nature à satisfaire les immenses besoins de l'Europe, et d'autre part qu'il violait la souveraineté nationale des pays européens, puisque les questions du relèvement économique relevaient de la compétence nationale des Etats concernés, et ajouta que les pays de l'Europe de l'Est avaient déjà mis en place des programmes de relèvement économique. En effet, l'attitude de Moscou à l'égard du plan Marshall était très agressive, car celle-ci, refusait de remettre son influence exclusive sur ses satellites.

    Le refus soviétique allait obliger les pays de l'Europe de l'Ouest à tenir une réunion à Paris, qui se soldera par le transfert d'un rapport vers Washington, contenant le consentement des pays signataires de la déclaration de Paris au plan Marshall. Sur le plan politique, l'élément le plus important est la réaction immédiate,9 brutale et violente de l'U.RS.S à l'égard du plan Marshall, considéré comme la manifestation de l'impérialisme américain pour établir sa domination économique et politique sur l'Europe.

    Moscou décida de rompre ses relations politiques et diplomatiques avec les pays signataires de la déclaration de Paris, en les considérant comme (les valets de l'impérialisme américain)10 qui cherchent à satisfaire les désirs de Washington, au détriment des leurs souverainetés politiques et économiques.

    La véritable réaction soviétique à l'égard du plan Marshall, fut la création du Kominform. Dans le discours de la constitution, le représentant soviétique annonça que le monde était divisé entre deux blocs hostiles : un bloc capitaliste et impérialiste dirigé par les Etats-Unis, et un autre bloc anticapitaliste et anti-impérialiste, dirigé par U.RS.S ayant pour objectif de saper l'impérialisme et de renforcer la démocratie.

    Des jours après la constitution du Kominform, des grèves communistes s'éclatèrent à Paris, ce qui allait aboutir à la dislocation de la confédération démocratique des travailleurs, ainsi que le rapatriement de certains citoyens communistes, sous le prétexte d'aider les grévistes, en leurs fournissant des aides financières et militaires.

    En fin de 1947 s'était tenu à Londres une conférence qui connut moins de succès que la première conférence. En effet, les circonstances étaient moins favorables (constitution du Kominform, dégradation des relations entre Washington et Moscou...). En conclusion, Marshall ajouta (nous ne pouvons rien faire pour l'Allemagne, nous devons faire notre possible dans les régions ou notre intervention est sentie).11

    9 Daniel Colard (Les relations internationales de 1945 jusqu'à nos jours - page 42)

    10 Jean Baptiste Duroselle (Histoire des relations internationales de 1945 jusqu'à nos jours - page 61)

    11 Jean Baptiste Duroselle (Histoire des relations internationales de 1945 jusqu'à nos jours - page 61)

    10

    Cette déclaration constitua la gage irréfutable que le monde était bien divisé entre deux blocs hostiles : un bloc occidental qui croyait aux valeurs du libéralisme politique et économique, et un bloc communiste qui prévalait l'idéologie de son existence dans tous les pays où la lutte des classes existait, et cela jusqu'au triomphe du prolétariat.

    §2. L'évolution de la guerre froide et les conflits localisés :

    En effet, le terme (guerre froide) signifie la confrontation politico-idéologique entre deux blocs hostiles et contradictoires. L'expression a été utilisée pour la première fois par le journaliste du New York Times (Walter Lippmann). Reymont Arrond quant à lui avait défini la guerre froide comme « étant une guerre limitée dans un espace mondial bipolaire, où les deux grands parties du conflit évitaient de se confronter directement » Laguerre froide était surnommé (l'équilibre de la terreur) qui fait référence au danger que courrait la planète à cause de la compétition nucléaire entre les deux grands géants (U.SA. et U.RS.S). Ainsi, on comprend que la guerre froide n'était que le synonyme de la polarisation du système international, autour de deux puissances majeures, et dont le produit des blocs n'était que la manifestation de la révolution nucléaire qu'avaient connue les relations internationales.

    L'évolution de la guerre froide généra deux périodes : la première période qui allait débuter avec la crise de Berlin et s'achèvera avec la résolution de la question cubaine en 1962, alors que la deuxième période durera de 1962 jusqu'à la chute du mur de Berlin en 1989

    §3. La première phase de la guerre froide :

    Cette période allait commencer avec l'échec de la conférence de Londres, il s'agissait d'une période de tension au cours de laquelle le monde entier a pu craindre le déclenchement d'une troisième guerre mondiale sous le danger nucléaire. Il s'agissait d'une période qui reflétait la dégradation des relations entre les Etats-Unis et l'Union républicaine socialiste soviétique, perçue dans le cadre des conflits localisés (le coup de Prague, l'arrivée des communistes au pouvoir en Chine, la guerre civile en Grèce...), et en particulier la première crise de Berlin et la crise de la Corée.

    SECTION 2. LA PREMIERE CRISE DE BERLIN

    Le problème de Berlin s'était déclenché suite à la décision des trois forces occupantes de l'ancienne capitale allemande, d'unifier tous les coins de la ville pour instaurer une nouvelle monnaie. Les soviétiques qui étaient mécontents de la manière dont les occidentaux géraient le dossier berlinois, décidèrent de contrôler militairement toute la ville. Le 1er Juillet 1948, Berlin fut siégée par l'armée rouge soviétique, les demandes occidentales faites auprès

    11

    de Staline n'aboutirent à rien, celui-ci leurs avait infligé la responsabilité de la crise de Berlin.

    Malgré cela, les occidentaux acceptèrent l'épreuve de force, et constituèrent un pont aérien qui allait permettre de suppléer aux besoins de ravitaillement de la ville. Le refus soviétique de coopérer avec les américains pour trouver une solution à la crise obligea Washington de soumettre le dossier de Berlin devant le Conseil de Sécurité des Nations Unis.

    On se trouvait dans une situation ou les politologues et les auteurs appelaient la guerre froide, et on se mettait à parler de la possibilité de déclenchement d'une troisième guerre mondiale. Lorsque le Conseil de Sécurité (après avoir bien étudié le dossier de Berlin) s'apprêtait à adopter une résolution en faveur des occidentaux, les soviétiques utilisèrent leur veto, comme signe de la fin des efforts de médiation.

    Mais après une année du blocus, Moscou constata l'échec de son opération militaire sur Berlin, ce qui allait permettre la réouverture des entretiens entre les représentants soviétiques et américains au sein des Nations Unis, qui aboutiront à la levée du blocus et le rétablissement des relations économiques et commerciales entre les deux zones de Berlin. Les deux parties se sont mis d'accord sur l'organisation d'une nouvelle conférence des Ministres des Affaires Etrangères à Paris, durant laquelle les Etats-Unis ont essayé de convaincre les soviétiques de la nécessité d'étendre l'organisation qui était en train de se fixer à Berlin Ouest vers son côté Est, mais Moscou refusa, et proposa une initiative basée sur la proposition d'un projet de traité de paix définitif avec l'Allemagne par les quatre puissances, comme locomotive du retrait des troupes d'occupation de l'ensemble du territoire allemand une année après la ratification du traité, chose que Washington avait refusé.

    En Juillet 1948, les américains décidèrent d'approuver la constitution d'une assemblée constituante à Bonn, qui siégea en automne et en hiver, ainsi que la constitution d'un gouvernement allemand, qui sera doté d'une autonomie importante, compatible avec celles des autorités alliées, leurs permettront d'annuler tous les actes ou décisions prises par le gouvernement ou le parlement allemand, susceptibles de mettre en jeu la stabilité de l'Allemagne ou de l'Europe. Des mois après, le conseil parlementaire élabora la loi fondamentale (la constitution allemande) dont le référentiel combinait entre les thèses centristes et fédérales, et proclama que l'Allemagne de l'Ouest était une république fédérale composée de 11 landers. Des élections étaient organisées, et avaient fait de Konrad Adenaour premier chancelier, et Théodore Heusse président de la république. Dans le coté Est de l'Allemagne, le conseil du peuple allemand prononça la constitution de la république populaire allemande, et élira Otto Grotewohl comme président-ministre de la république populaire allemande. Ainsi, s'acheva la première crise de Berlin, qui allait être

    12

    accompagné par le déclenchement d'une autre nouvelle crise dans un autre coin du monde, à savoir la crise coréenne.

    SECTION s. LA CRISE DE LA COREE

    Les Etats-Unis et U.R.S.S s'étaient mis d'accord, après la fin de la deuxième guerre mondiale, de mettre la Corée, sous le contrôle du Trusteeship (la tutelle internationale) durant lequel Moscou U.R.S.S occupa le nord de la Corée, tandis que les Etats-Unis occuperont le sud du pays, ainsi que de fixer la zone de démarcation des troupes occupantes de la Corée. La conférence de Moscou avait recommandée aux Etats-Unis et à U.R.S.S le droit d'entamer des pourparlers et des négociations avec les chefs des partis politiques et des organismes sociaux coréen pour créer un gouvernement provisoire qui allait préparer l'organisation des élections nationales. Le désaccord entre Washington et Moscou sur la manière d'organisation des élections coréennes allait laisser la voie ouverte devant la médiation des Nations Unis, qui décidera la création d'une commission internationale qui veillera à l'adoption d'une constitution, et contrôlera l'organisation des élections. La riposte soviétique se tiendra en gelant sa collaboration avec la commission internationale, et constitua à Pyong Yong une assemblée de peuple qui créera un cité exécutif, chargé d'élaborer une constitution en Corée du nord. Cette riposte soviétique nuancée allait obliger la commission internationale à effectuer et établir sa mission, uniquement dans la zone occupée par les Etats-Unis. Vers la fin de 1949, les forces américaines et soviétiques quittèrent la Corée, laissant le pays déchiré entre deux zones hostiles, dans la ligne de démarcation des troupes d'occupations est redevenu une ligne frontalière entre les deux Corées. En 1950, les troupes communistes de la Corée du nord pénétrèrent sur le territoire de la Corée du sud, avec le désir de l'annexer à la zone communiste et d'unifier la Corée, chose qui allait obligé les Etats-Unis à intervenir, et obliger les troupes de la Corée du nord de se retirer. L'agression militaire allait contribuer au déploiement des troupes internationales (commandées par Washington) dans la zone frontalière, Celle-ci qui était persuadé que les problèmes politiques étaient liés aux problèmes militaires, décida d'intervenir militairement en Corée du nord, pour renverser le régime communiste. Mais l'arrivée et l'intervention surprise des forces chinoises, sous ordres soviétiques, durant les marches des forces américaines allaient obliger les américains à se retirer vers la Corée du sud. Dans un tel climat de tension, le général américain Mac Arthur proposa à Pékin la conclusion d'un acte politique sur la Corée, et la menaça de bombarder la Chine, si elle refusa de négocier, mais Washington et Moscou, qui étaient très conscient de la possibilité de déclenchement d'une guerre directe entre eux au cas de nom résolution rapide du problème Corée, parviendront à adopter l'idée de coexistence pacifique entre les deux régimes dans la Corée, ainsi, la signature du pacte d'Armiticie sur le cessé de feu allait mettre fin à la crise coréenne.

    13

    Ainsi, on constate que la période entre (1948-1953) a été caractériser par l'arrivée de la guerre froide vers un stade de tension inconnu, marqué dans le cadre de la crise de Berlin et de la crise coréenne. Cependant, la mort de Staline en 1953 et l'arrivée des républicains au White House, allaient créer un espace favorable pour une détente provisoire, qui allait permettre la réactivation des canaux de dialogues directs entre les puissances, car le nouveau président américain Eisenhower annonça une nouvelle vision dans la lecture des relations internationales, par la lancée de la doctrine The New-Look Strategic and Diplomatic. Cette doctrine consacrait l'impossibilité de la victoire du capitalisme sur le communisme à court terme et à travers l'usage de la force, mais à travers l'adaptation de l'économie américaine avec les exigences internationales. Cette doctrine a été derrière une restructuration de l'appareil politico-économique, tel que de réduire le budget militaire en faveur des besoins de l'économie américaine, la réduction de l'arsenal nucléaire américain et le renforcement de la fabrication des armes scientifiques...Eisenhower réussira à relancer la consommation, et contribuera à la construction d'environ 65000 km d'autoroutes reliant les états entre eux. Le secteur social avait connu lui aussi une évolution avec l'extension des assurances maladies. Au niveau de la politique étrangère, la tendance américaine s'acheminait vers le renforcement de sa coopération militaire avec ses alliés, le cas du renforcement des actions de O.T.A.N ou de la constitution de l'organisation du traité d'Asie- Sud, qui insista dans la charte constitutive sur le désir des pays contractants de maintenir la coopération économique et technique sur le droit des peuples asiatiques de disposer d'eux-mêmes, et sur l'intervention militaire de tous les pays ratifiant du traité, en faveur d'un pays membre au cas d'agression de la Chine ou de U.R.S.S. LES Etats-Unis qui était très consciente de l'importance que représentait l'Europe, allait encourager les initiatives françaises et allemandes sur la mise en place d'un marché économique européen commun, qui se concrétisera par l'adoption du traité de Rome du 25 Mars 1957 relatif à la création d'une union douanière et de libération de la circulation des capitaux et des personnes. On constate aussi l'adoption de la politique de la dissuasion nucléaire, destinée à minimiser les dangers que représentait l'équilibre de la terreur.

    En contrepartie, le décès de Staline en 1953 a été considéré par un grand cercle de l'opinion publique mondiale, comme le pont de passage entre l'ère de Staline vers l'impulsion d'une nouvelle doctrine qui allait être manifesté dans le congrès du partis communiste en 1956, durant lequel Nikita Khrouchtchev avait concrétiser la rupture avec le culte stalinien (il est intolérable aux yeux d'un homme marxiste-léniniste d'exalter une personne et d'en faire un surhomme doté de qualité surnaturelle)5(*), (l'erreur de Staline est d'avoir recourir à la répression, alors que la révolution était victorieuse)9, (cette concentration du pouvoir dans les mains d'une seule personne a entraîné de graves conséquences)10, ( Staline est responsable de l'impréparation, de l'élimination des valeurs, et surtout des grandes erreurs stratégiques)11.

    14

    Khrouchtchev a laissé prévoir la nécessité de promouvoir le respect de la souveraineté et l'égalité des droits des démocraties populaires, ainsi que la diffusion du principe de la séparation des pouvoirs.

    En 1957, le leader soviétique effectuera un voyage aux Etats-Unis, où il prononça un discours important à la maison blanche (je suis venu voir comment vivaient les esclaves du capitalisme, et bien, je dois dire qu'ils ne vivent pas mal)12, (nous estimons que notre système est le meilleur, et vous pensez que le vôtre est aussi le meilleur, mais bien sûr, nous devons pas transformer cette querelle en une lutte ouverte)13. En retournant à Moscou, il annonça que le président américain était un grand président, et scanda (vive l'amitié soviéto-américaine), le approchement américain soviétique va aboutir au retrait des troupes soviétiques de l'Autriche, ainsi que de remettre les problèmes de désarmement devant les Nations Unis, de lever toutes les restrictions qui entravent l'échange culturel et commercial entre les peuples, ainsi que le voyage du chancelier allemand à Moscou, où il décrocha la reconnaissance de U.R.S.S de la république fédérale allemande, mais ces réalisations n'ont pas empêcher l'arrivée de deux nouvelles crises : ( la deuxième crise de Berlin et la crise du Cuba).

    SECTION 4. LA DEUXIEME CRISE DE BERLIN

    L'origine de la seconde crise de Berlin remonte à l'accord de Potsdam de 1945, qui prévoyait l'existence de trois zones d'occupations occidentales, et d'une zone d'occupation soviétique à Berlin. Les zones occidentales constituaient au coeur même de la république populaire allemande une enclave qui démontrait le contraste existant entre le haut niveau de vie que l'on atteint dans les pays d`économies libérales et les misères des pays communistes, ce qui incitaient Beaucoup des habitants de la république populaire allemande de profiter de l'ouverture des frontières du pays à Berlin-Ouest. Ainsi, progressivement, un grand nombre d'émigrants (attirés par la liberté politique et d'un plus haut niveau de vie) de rendaient à l'autre côté de l'Allemagne. La crise allait s'éclater en 1958, lorsque Khrouchtchev déclara qu'il était temps de mettre fin au système d'occupation à Berlin, et annonça que :(U.R.S.S transférera à la souveraineté de la république populaire allemande, les fonctions qu'exercent encore à Berlin les organes soviétiques, ce qui fait que les puissances occidentales devraient traiter n'importe quelles questions qui relèvent du domaine allemand avec la république populaire allemande)6(*). Khrouchtchev est allé encore plus loin, d'une part lorsqu'il a menacé d'intervenir militairement auprès de sa satellite au cas d'agression occidentale et d'autre part lorsqu'il avait annoncé sa volonté de faire de Berlin une unité politique indépendante et contrôlée par les Nations Unis. Cette initiative soviétique allait mettre les Etats-Unis dans une situation compliquée, puisque cette initiative allait obliger Washington à coopérer avec la république populaire allemande, ce qui équivalent à le reconnaître, alors que l'intervention

    15

    militaire risquerait de déclencher une guerre atomique. Cependant, une conférence des quatre ministres des affaires étrangères à Genève avait eu lieu, mais ne donna aucun résultat concret, car les deux camps s'y opposèrent, puisque les occidentaux préféraient que le processus de l'unification se réalise à travers des élections libres alors que les soviétiques prévalaient l'idée de négociations directes entre les deux Allemagnes). Le voyage de Khrouchtchev à Washington avait ouvert de nouveau la voie devant la reprise des efforts diplomatiques via l'organisation d'une nouvelle conférence des ministres des affaires étrangères à Paris, mais celle-ci fut interrompue, avant d'avoir commencé par la décélération d'une tentative d'espionnage de l'aviation américaine au-dessus du territoire soviétique. L'échec de la conférence de Paris allait pousser les soviétiques ( après avoir constaté que Washington n'allait pas leurs faire des concessions sur Berlin) à fixer les limites entre le secteur soviétique et les trois zones secteurs occidentales, c'est dès lors que les autorités Est-allemandes commencèrent la construction du mur de Berlin, qui symbolisait la guerre froide, comme signe d'atteinte à la liberté individuelle, et à la liberté de circulation, de telle sorte que l'opinion publique mondiale l'avait surnommé( le mur de la honte).

    SECTION 5. LA CRISE DU CUBA

    L'île de Cuba était une ancienne colonie espagnole, qui avait subi au cours de son histoire, les effets de l'influence américaine, qui exerça un véritable protectorat sur l'île. En effet, Washington contrôlait 40 pour cent de production du sucre qui représentait 80 pour cent de l'exportation cubaine, et possédait plus de la moitié des actions de chemin de fer, électricité, sans oublier le poids américain en matière de prise de décision, de telle sorte qu'un diplomate américain avait dit que le pouvoir de l'ambassadeur américain à La Havane était plus grand que celui du président cubain. En contrepartie, et à côté de la tutelle américaine, s'ajouta le régime totalitaire du colonel Baptiste, qui exerça son pouvoir par la force et fit plusieurs milliers de victimes, ce qui avait substitué un grand mécontentement de la société cubaine à l'égard du système politique cubain, qui s'étendait jusqu'au gouvernement de Washington. Cette situation chaotique allait encouragée un jeune avocat cubain (Fidel Castro) a entamé une lutte armée contre le régime du pouvoir qui dura 6 année, et se soldera par l'entrée de ses troupes à La Havane le 10 Janvier 1959, qui fut reconnu immédiatement par les Etats-Unis. Celle-ci n'allait se détourner contre lui que lorsque Castro annonça une politique de partage des terres, y compris celles de quelques grandes compagnies américaines ( United Fruit Compagny), ainsi que l'expulsion d'un grand nombre de militants politiques cubains aux Etats-Unis, dénonçant une infiltration communiste au Cuba. Les relations entre Washington et La Havane allaient se compliquer de plus en plus, suite à l'approchement de Castro (qui accusait les Etats-Unis d'organiser et d'encourager des mouvements anticastristes) de U.R.S.S, caractérisé par la signature d'un grand nombre d'accords commerciales et militaires, et en profita

    16

    du soutien de Moscou pour multiplier ses critiques sur les Etats-Unis, celle-ci décida de prendre des mesures disciplinaires à l'égard du régime Castro (l'entrée au Etats-Unis des exilés cubains qui promettent de renverser le régime cubain, l'arrêt des aides financières au Cuba, la suppression des importations du sucre cubain...)pour l'obliger à changer sa conduite, mais cela n'allait que lui rapprocher du bloc socialiste, et dont Moscou avait laissé prévoir l'usage des fusées atomiques, si ceci était nécessaire pour protéger l'île de la corruption occidentale. Dans ces circonstances, Castro annonça que Cuba faisait désormais partie du camp communiste. Ce danger d'infiltration du communisme dans le territoire d'un pays se trouvant à proximité géographique des Etats-Unis allait obliger Washington à intervenir, afin d'éviter la diffusion du communisme en Amérique Latine, voila pourquoi le président américain John Kennedy décidera de renforcer ses aides financières aux pays du continent américain dans le cadre du programme (l'alliance pour le progrès), et obtenir le consentement de la quasi-totalité des pays de l'organisation des états américains, pour exclure la Cuba de l'organisation, celle-ci se trouva désormais ( en dépit de l'accroissement des achats soviétiques) isolée du reste du monde.

    Le blocus politique, économique et commercial qu'avait exerçaient les Etats-Unis à l'égard de La Havane, allait obliger Castro à réclamation une protection soviétique immédiate et efficace, voilà que Khrouchtchev allait accepté l'envoi des techniciens soviétiques vers le Cuba pour construire de façon secrète des bases de missiles nucléaires. Les Etats-Unis, et suite d'une opération d'espionnage, allaient informées le 22 Octobre 1962, le monde de sa décision d'exercer un blocus militaire sur l'île, et de sa volonté de lancer un ultimatum pour retirer ses fusilles nucléaires, à moins qu'elle cherchait à déclencher une guerre nucléaire : (nous ne courrons pas sans nécessité les risques d'une guerre mondiale dans laquelle les fruits de la victoire seraient cendres dans notre bouche, mais nous ne reculerons pas face à se risque à tout moment ou il faut envisager).7(*)

    Kennedy avait informé les détails de cette décision à l'organisation des Nations Unis, à l'organisation des états américains et de ses alliés. Khrouchtchev qui était conscient de la gravité de la situation allait finalement proposer une offre à Kennedy qui consista sur le retrait des missiles soviétiques du Cuba dans le cadre d'un contrôle international. En contrepartie, Washington s'engagera à ne pas envahir le Cuba. Le même jour, le leader soviétique envoya une lettre à son homologue américain, lui expliquant que l'objet des missiles était orienté seulement à la protection du Cuba, finalement, Kennedy accepta le règlement de la crise sur la base des propositions soviétiques.

    Ainsi, on pourra considérer que la crise du Cuba est l'événement le plus important de l'histoire diplomatique mondiale, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Elle a consacré le processus de la dissuasion graduée, qui traduit cette conclusion qu'une agression même mineure suscitera une seule

    17

    forme, à savoir l'attaque atomique, cela veut dire qu'a une attaque conventionnelle, on ripostera par des armes conventionnelles, au cas d'attaque atomique, le riposte sera fait par des armes atomiques, si l'adversaire procède à l'explosion atomique, n répondra par la même manière.

    Avec le recul historique, il apparaît bien que la première phase de la guerre froide avait pris fin avec la résolution de la crise cubaine. Cette phase avait été marquée par la séquence historique allant de la conférence de Londres de 1947 jusqu'à la résolution du confit cubain en 1962, ouvrant la voie devant l'émanation du processus de la détente ou de la coexistence pacifique.

    SECTION 6. L'ECHEC DU MARXISME LENINISME ET LA FIN DE LA GUERRE FROIDE

    En effet, la résolution de la crise cubaine allait ouvrir la voie devant la consécration de deux nouveau processus (la détente- la coexistence pacifique).

    La détente est terme occidental qui constituait une sorte d'atténuation de la tension qui régnait entre l'ouest et l'est à l'époque de la première phase de la guerre froide. Il s'agissait d'une innovation qui visait à traduire le climat pacifié dans lequel évolué les relations internationales depuis la fin des crises des missiles du Cuba. Une sorte d'adoption d'une nouvelle politique destinée à surmonter la division entre les deux systèmes antagonistes, en reconnaissant à l'autre le droit d'exister, afin de jeter les bases d'un nouvel ordre économique mondial, destinées à réduire les inégalités de développement, et d'éviter une confrontation économique entre les pays riches et les pays pauvres à travers la prise en compte des besoins des pays du tiers monde, en particulier au niveau de leurs souverainetés sur leurs richesses et ressources naturelles. Dans cette perspective, le président américain Richard Nixon (1968-1975) allait essayer de doter le monde d'une nouvelle structure de paix, en passant de l'ère de la confrontation indirecte vers l'ère de la négociation et de la coopération. Cette politique aboutira à la signature du traité de SALT sur la limitation des armements stratégiques, qui allaient être renforcée par la signature d'un autre accord politique SALT II sur la prévention de la guerre nucléaire.

    En contrepartie, la coexistence pacifique est un terme marxiste qui correspondait à une conception des relations entre les états appartenant à des systèmes politiques et économiques différents. Elle représentait la formule d'une paix provisoire, qui n'était que le résultat d'une période historique exceptionnelle, marquée par l'amplification du danger nucléaire. Certains auteurs ont évoqué que l'usage de ce processus s'explique par l'affaiblissement qu'avait connu le bloc occidental (le fiasco du Viêtnam, le fiasco du Watergate, le boycotte de la France aux institutions de OTAN...), et qui ne rendait plus nécessaire l'utilisation de la révolution puisque, celle-ci constitue une des voies les plus efficaces pour instaurer la dictature du prolétariat, en utilisant la diplomatie parlementaire. La coexistence pacifique tire ses fondements de la

    18

    vision de Lénine qui évoquait que tous les Etats ne parviendront pas au socialisme, par le même rythme, et qu'il y'aura toujours des variantes importantes dans les plans de passage, afin de raffiner les moyens de la lutte des classes. Ces variantes qui étaient derrière l'émanation du processus de la coexistence pacifique sont :

    - l'internationalisation croissante de la vie économique mondiale

    - l'équilibre de la terreur, qui allait obliger Moscou à poursuivre ses objectifs par des moyens non militaires

    Ainsi, on comprend que la coexistence pacifique ne constitue pas la traduction idéologique et philosophique de la détente. La détente est un processus qui appelait à l'ouverture d'une nouvelle page dans les relations internationales entre les deux blocs, alors que la coexistence pacifique na signifiait pas la fin de la lutte des classes et de la compétition internationale entre les deux blocs, mais faisait référence au moyen le plus élevé de la lutte des classes, qui allait permettre à U.R.S.S de remporter dans la fin la compétition économique sur les Etats-Unis, et de faire prévaloir la supériorité du système production socialiste sur le système de production capitaliste, qui était condamné à mourir par l'Histoire selon la doctrine communiste.

    Cette divergence dans l'application des deux termes allait aboutir au triomphe du bloc occidental sur le bloc socialiste, car dans le bloc socialiste, la chute de Kourbachtchv va être accompagnée par l'arrivée de Brejnev12 au pouvoir en U.R.S.S, celui-ci exerça un pouvoir totalitaire, et pris une série de mesure (dans le cadre de la compétition contre les Etats-Unis) qui passa au détriment des besoins de la population soviétique. Ainsi un pouvoir bureaucratique s'exerça sur la population et amena plusieurs intellectuels, journalistes et écrivains aux prisons. L'ère de Brejnev était caractérisée par la domination d'un seul parti politique qui monopolisa la vie politique, et s'étendra jusqu'au satellite d'U.R.S.S. En effet, Brejnev a tenté de rallier le processus de la coexistence pacifique avec ses propres convictions, qui justifient la souveraineté limités des états socialistes, pour intervenir directement en Tchécoslovaquie, ou en dehors du territoire soviétique (l'Afghanistan en 1979). La doctrine de Brejnev prévoyait que les partis communistes étaient responsables non pas seulement devant les partis communistes, mais aussi devant l'ensemble des mouvements communistes, et qu'en cas de trahison, U.R.S.S disposait du droit d'intervenir, étant donné qu'elle est la gardienne du système (une sorte de retour au culte stalinien).

    12 Brejnev, Leonid (1906-1982), homme politique et maréchal soviétique, successeur de Nikita Khrouchtchev au poste de premier secrétaire du comité central du Parti communiste soviétique (1964-1982).

    19

    Par ailleurs, dans les Etats-Unis, la stratégie américaine du New-Look Strategic et Diplomatic, le Containment, allaient se poursuivre jusqu'à l'arrivée de Jimmy Carter au White House (1976-1980). Carter allait ajouté à la stratégie de la détente le processus de la diplomatie préventive, qui allait permettre à la population américaine de surmonter l'humiliation engendrée par la Watergate et la guerre du Viêtnam, en menant une nouvelle politique qui reposait sur la nécessité d'insuffler à la politique étrangère américaine une dynamique, à travers l'abondants de toutes formes d'hégémonies, et la promotion des droits de l'homme qui allaient se transformer à une politique de conduite. Il s'agissait d'une véritable modification du Realpolitiks américain, puisque Carter défendait l'idée que l'influence sur les comportements des autres exigeait la connaissance de ses préoccupations, de ses craintes et de ses intérêts.

    L'arrivée de Carter pénétrait dans un moment crucial de la guerre froide, car il a réussi à refléter le retour aux préoccupations morales américaines, puisque, l'opinion publique américaine ne se reconnaissait plus dans une diplomatie d'équilibre, mais dans le cadre d'un système national, par la reconnaissance des impératifs géopolitiques et celles du combat en faveur des droits de l'homme dans l'action américaine, ainsi que le renforcement des liens transatlantiques avec ses alliés ( L'Europe occidentale et le Japon), une sorte de retour en effet au processus du Containment développé à l'ère de John Kennedy, car il évoquait que toute tentative par une puissance étrangère de prendre le contrôle de n'importe quelles régions, sera considéré comme une attaque contre les intérêts vitaux des Etats-Unis ( l'appel de Carter au boycottage des jeux olympiques de Moscou, suite à l'invasion de l'Afghanistan par l'armée rouge).

    L'ère de Ronald Reagan (1980-1988) avait prouvé la supériorité économique et technologique américaine sur son homologue soviétique, en cherchant à renforcer les ambiguïtés Ouest Est, par la nécessité de mener une politique étrangère globale en renouant avec l'élément de la puissance, et la considération de l'ennemi comme l'empire du mal. L'administration de Reagan tentera de réaffirmer le leadership américain sur le monde libre, en considérant le communisme comme étant un système condamné à l'échec, puisque il n'est pas fiable. Il tenta de mettre une politique basée sur la combinaison d'idéalisme et d'intérêts matériels (la réconciliation avec la Pologne). Mais cependant, on a constaté l'apparition d'une nouvelle arme, à savoir l'arme technologique dans le cadre du projet de la guerre des étoiles qui a été lancé dans le cadre d'une nouvelle vision politique cherchant à neutraliser les missiles soviétiques par des mesures défensives, ce programme avait bien prouvé l'énorme différence technologique entre les deux blocs.

    Dès la fin des années soixante-dix, U.R.S.S s'enlisait progressivement sur le plan économique et social, les problèmes avec les satellites (Pologne, Tchécoslovaquie) allaient contribuer au blocage du système soviétique. L'invasion de l'Afghanistan et l'incapacité de réaliser la victoire finale, la course

    20

    ruineuse à la supériorité militaire, l'incapacité soviétique de s'adapter avec l'ouverture de l'économie du marché et des contingences planétaires et la crise agricole allaient créer une crise économique flagrante. Le régime politique dictature qui empêchait la population de s'exprimer allait substituer un large mécontentement de la population soviétique, tout en ajoutant la crise politique que U.R.S.S a dû comblé après la mort de Brejnev. Bref, tous les ingrédients de la dislocation future de l'empire étaient présents. En 1984, Jean Baptiste Duroselle écrira : (tout empire périra)13 si celle-ci est incapable de satisfaire les aspirations de tous les hommes et de sauvegarder leurs droits et leurs libertés les plus fondamentaux.

    Quoiqu'il soit, Mikhaïl Gorbatchev allaient mener des essaies pour moderniser le système politique, telle que l'annonce d'une nouvelle révision constitutionnelle en 1988 et la libération de l'espace politique, mais cela n'allait pas pu éviter le sauvegarde de l'empire. Le 9 Novembre 1989, le mur de Berlin qui symbolisait la guerre froide allait être brisé, provoquant un séisme d'ordre politico-historique qui aboutira à la déligitimation des classes sociales, et les remplacements de toute une classe dirigeante, dans la dislocation de U.R.S.S. et la proclamation de l'indépendance de la Pologne, Roumanie, Tchécoslovaquie, la Hongrie, et l'unification des deux Allemagnes. Les médias occidentaux ont parlé de la mort de l'année, et d'une deuxième mort de Lénine, ou que Karl Marx n'avait créé qu'une idéologie et non pas système capable de gouverner les gens, cependant, il a fallu attendre le 25 décembre 1991 après le coup d'état de Eltsine, et la démission de Gorbatchev de la tête d'une empire qui n'existait plus, perçu dans la disparition de la bannière rouge qui ne flotta plus sur le Kremlin, ou du déboulonnement des statuts de Marx ou de Lénine, couronnant la mort de l'Union républicaine socialiste soviétique, et l'instauration d'un nouvel ordre mondial.

    13 Jean Baptiste Duroselle (Histoire des relations internationales de 1945 jusqu'à nos jours - page 408)

    21

    CHAPITRE II : A LA RECHERCHE D'UN NOUVEL ORDRE MONDIAL

    La Guerre froide permettait à la politique étrangère américaine de se fonder sur trois paradigmes simples : "endiguer" (contain) l'Union Soviétique, empêcher la diffusion du communisme, promouvoir une croissance économique globale, sous-direction américaine. Pour la première fois depuis plus de quarante ans, les Etats-Unis doivent réévaluer leur place dans le monde, penser à nouveau leur politique extérieure, "repartir à zéro".

    En fait, depuis l'attaque japonaise sur Pearl Harbor le 7 décembre 1941, la politique étrangère américaine n'a été formulée qu'en réponse à une menace posée par des ennemis. Depuis cette date fatale, l'engagement actif à l'extérieur n'a jamais cessé. Quand les armes se taisaient, la confrontation se poursuivait sous d'autres formes. Depuis 1990, les Etats-Unis ont retrouvé une véritable liberté de choix.

    SECTION 1. CONCEPTS AMERICAINS POUR L'APRES-GUERRE FROIDE

    Le regard se porte, dans un réflexe compréhensible devant l'inconnu, sur ces années cruciales où avaient été définies les grandes options vis-à-vis de l'extérieur. On va rechercher certaines études des années 1945-1949. On interroge à nouveau George Kennan, Robert Strausz-Hupé, Dean Acheson. La référence à l'histoire oblige même à remonter à la seconde décennie du XIXe siècle, lorsqu'un "nouvel ordre mondial", arrêté au Congrès de Vienne, avait mis un terme aux guerres napoléoniennes. Même si la compétition entre les puissances continue, la crainte d'une domination globale par la force semble avoir disparu, et avec elle, au fond, la première caractéristique de la politique internationale au XXe siècle.

    Les Américains ont toujours aimé utiliser des expressions-clés, des concepts significatifs d'une vision du monde et du rôle de leur pays. Le "nouvel ordre mondial" préconisé par George Bush au moment de la guerre du Golfe est le plus connu de ces concepts d'après-guerre froide.

    Il n'est pas le seul. D'autres sont apparus, dans la même mouvance d'un "internationalisme triomphant" ou dans celle, bien connue, de l'isolationnisme : thèse et antithèse. L'administration Clinton semble avoir recherché une sorte de synthèse en pratiquant un "nouvel internationalisme" aux contours assez flous mais dont émergent malgré tout certains concepts tels que l'"engagement global sélectif" ou la "sécurité économique".

    22

    §1. L'internationalisme triomphant

    Les Etats-Unis sont naturellement triomphants pour les analystes qui s'étaient spécialisés dans l'étude de la menace soviétique et plus généralement pour ceux qui considèrent la dimension militaire comme le fondement ultime de la puissance. Il en a été de même pour l'administration Bush, qui avait un intérêt politique évident à engranger les bénéfices de la "victoire", mais dont les conceptions fondamentales insistaient aussi sur le rôle de commandant en chef du Président14.

    Pour ceux qui sont davantage sensibles aux aspects économiques de la puissance et qui font des comparaisons avec le Japon et l'Allemagne, le triomphe des Etats-Unis paraît plus modeste. D'une manière générale, l'option internationaliste triomphante est celle de la continuité dans la politique étrangère, mais avec cette caractéristique, pour certaines variantes du moins, que l'instant est à saisir, que l'Amérique doit profiter au maximum de sa position actuelle d'unique superpuissance.

    §2. Le nouvel ordre mondial

    Le 11 septembre 1990, George Bush présentait l'instauration d'un "nouvel ordre mondial" comme le cinquième des objectifs à atteindre dans l'affrontement avec l'Irak de Saddam Hussein. Mais c'est après la fin des hostilités, en avril 1991, qu'il donna une signification précise au concept : celui-ci voulait décrire la nouvelle responsabilité que leurs propres succès imposaient aux Etats-Unis.

    C'était une nouvelle façon de travailler avec les autres nations pour dissuader toute agression, assurer la stabilité, la prospérité et la paix. Dans le cas de l'invasion du Koweït par l'Irak, les Nations Unies avaient pu fonctionner comme cela avait été prévu par leurs fondateurs et des nations du monde entier s'étaient coalisées contre l'agresseur15. Le Président ajouta cependant que la recherche d'un nouvel ordre mondial restait en grande partie un défi : il fallait y oeuvrer pour écarter les dangers de désordre. Le monde restait dangereux et avait besoin du leadership américain. Les Etats-Unis ne pouvaient rester en retrait16.

    14«Aucune fonction, aucun des chapeaux du Président, selon moi, n'est plus important que son rôle de commandant en chef» a dit George Bush à l'académie de West Point, le 5 janvier 1993 («Bush Says U.S. Military Power Must Help Promote Peace»,United States Information Service (USIS), Presidential Text,Bruxelles, Ambassade des Etats-Unis, 7 janvier 1993, p. 1). Les références à ces documents reproduits par l'Ambassade des Etats-Unis àBruxelles apparaîtront désormais sous la forme abrégée USIS.

    15The White House, National Security Strategy of the United States, Washington, D.C., Government Printing Office, août 1991, p. V.

    16Ibid., pp. V, 1-Q.

    23

    En fait, il n'y a rien eu de très nouveau dans le nouvel ordre mondial de George Bush. Le Secrétaire d'Etat James Baker n'a pas donné de contenu véritable au concept en dehors d'un souci constant de la "stabilité"17. Il y a, dans la responsabilisation des Etats-Unis, une continuité certaine avec la pratique de la Guerre froide, mais la clé du nouvel ordre mondial semble bien n'être que le maintien du statu quo. C'est la vision d'un monde qui n'aurait pas réellement changé.

    Les dangers évoqués sont l'instabilité et l'incertitude18. L'Amérique deviendrait alors le principal gardien de la stabilité et de l'ordre, contre tout Etat menaçant la tranquillité du système international19. Il y aurait un leadership global, qui agirait dans le cadre d'une réponse collective. Les Etats-Unis seraient en quelque sorte le catalyseur, la conscience des démocraties.

    Le concept de nouvel ordre mondial a donné lieu à de nombreuses analyses critiques, d'autant plus qu'il avait eu l'occasion d'être "mis en oeuvre" avec le conflit du Golfe. En dehors de la volonté de punir l'agression, un autre objectif est apparu dans ce conflit : la nécessité de détruire la machine militaire irakienne. L'argument, lié au concept de nouvel ordre mondial, n'était pas éloigné de la justification d'une guerre préventive20.

    Les bombardements dont l'Irak fut encore l'objet en janvier 1993, dans les derniers jours du mandat de George Bush, sont venus renforcer cet aspect du concept de nouvel ordre mondial. Pour d'aucuns, la guerre dans le Golfe n'a pas créé les conditions d'une paix meilleure. Les Etats-Unis joueraient un rôle impérial en se déchargeant des devoirs classiques qui incombent à un empire, à savoir ramener la paix et l'ordre civil après la guerre.

    Cette disjonction entre puissance et responsabilité mettrait en doute la capacité de la nation américaine à veiller militairement à l'instauration d'un nouvel ordre mondial21. Les limites de cette étude - dont l'objet n'est pas la politique étrangère de George Bush - ne permettent pas d'épiloguer pour savoir si le concept de nouvel ordre mondial est mort à Sarajevo, comme l'a dit Pierre Hassner22.

    Il faut toutefois mentionner que l'opération Restore Hopemenée en Somalie à partir de décembre 1992 a apporté une dimension supplémentaire.

    17Garry Wills, «The End of Reaganism», Time, 16 novembre 1992, p. 73 ; Richard Lacayo, «Boldness Without

    Vision», Time, 9 mars 1992, pp. 20-21.

    18The White House, op. cit., p. 25.

    19James Chace, The Consequences of the Peace. The New Internationalism and American Foreign Policy, New York-

    Oxford, Oxford University Press, 1992, pp. 10-12.

    20David C. Hendrickson, «The End of American History : American Security, the National Purpose, and the New World

    Order»,Rethinking America's Security. Beyond Cold War to New World Order, sous la dir. de Graham Allison et Gregory

    F. Treverton, New York, Norton, 1992, pp. 397-398.

    21Ibid., pp. 399-401 ; Alain Joxe, L'Amérique mercenaire, Paris, Stock, 1992, pp. 401-402.

    22ime, 8 juin 1992, p. 25.

    24

    Cette fois, il s'est agi d'une intervention purement "humanitaire", où les Etats-Unis n'avaient apparemment aucun intérêt stratégique ou économique en jeu.

    Il y avait cependant un point commun avec l'engagement dans le Golfe : le déploiement militaire était impressionnant, mais l'objectif politique à long terme n'était pas clairement défini. Le nouvel ordre mondial semble décidément très lié à une capacité militaire opérationnelle. En effet, s'il a été décidé d'intervenir en Somalie et non en Bosnie, par exemple, c'est parce que les militaires ont estimé que c'était "faisable" dans le premier cas23.

    §3. Maintien du leadership de l'empire du bien» et unilatéralisme global

    Le sénateur Malcolm Wallop (Républicain, Wyoming) a plaidé pour une interprétation plus activiste du concept de nouvel ordre mondial. Ronald Reagan avait qualifié l'URSS d'"empire du mal". Wallop n'hésite pas à qualifier les Etats-Unis d'"empire du bien"24.

    C'est, selon lui, l'unique pays dévoué aux notions universelles de liberté et de justice et cela lui donne des responsabilités mondiales. La géographie contraint l'Amérique à rester engagée et active au dehors. Cela doit se faire par la puissance maritime et, surtout, par la maîtrise de l'espace. Ce deuxième champ stratégique est du même type que le premier : les espaces intersidéraux sont les mers du futur. La maîtrise de l'espace est le nouveau challenge pour les Américains, la "nouvelle frontière"25.

    En mars 1992, une version du Defense Planning Guidance du Pentagone, qui n'était pas destinée à être rendue publique, est dévoilée par le New York Times et provoque une certaine sensation par son interprétation du concept de nouvel ordre mondial. Le texte a été rédigé par des fonctionnaires du département d'Etat et du Pentagone, sous la direction du sous-secrétaire à la Défense chargé des Affaires politiques, Paul D. Wolfowitz, et en liaison avec le Conseil national de sécurité.

    Le rapport Wolfowitz affirme la volonté des Etats-Unis de garder leur statut de superpuissance unique. Il souligne le rôle privilégié, à cette fin, de la puissance militaire. Celle-ci devra éventuellement être utilisée de façon unilatérale par les Etats-Unis car l'ordre international est, en définitive, garanti par eux. L'Europe et le Japon devront être empêchés de porter ombrage à la

    23Time, 14 décembre 1992, p. 25. Il y aurait eu aussi «l'effet CNN» : les scènes d'horreur en Somalie ternissaient, aux yeux du public américain, les derniers jours d'une présidence qui avait appelé à un nouvel ordre mondial (Le Monde, 5 décembre 1992, p. 3).

    24Malcolm Wallop, «The Ultimate High Ground», America's Purpose. New Visions of U.S. Foreign Policy, sous la dir. d'Owen Harries, San Francisco, ICS Press, 1991, p. 98.

    25Ibid., pp. 100-105.

    25

    domination américaine. L'OTAN, véhicule des intérêts américains en Europe, doit rester le premier garant de la sécurité sur le vieux continent26.

    La presse reprocha au Pentagone de chercher à définir un agenda politique pour l'après-guerre froide et d'attribuer brutalement aux Etats-Unis ce rôle de "gendarme du monde" qu'on les soupçonne souvent de vouloir jouer. Mais si ce rapport fut rédigé, c'est à cause de l'absence de directive en provenance de la Maison blanche ou du Congrès27.

    Le nouvel ordre mondial n'étant pas suffisamment défini par les autorités politiques, certaines autorités militaires crurent bon de préciser leur propre vision des intérêts américains. Celle-ci correspondait à un "unilatéralisme global", position soutenue par certains conservateurs qui croient que les Etats-Unis doivent agir seuls pour imposer la paix au monde.

    §4. L'unipolarité

    Pour le journaliste Charles Krauthammer, le monde de l'après-guerre froide est unipolaire et les Etats-Unis sont la superpuissance incontestée. Dans une génération, d'autres grandes puissances auront émergé et pourront rivaliser avec eux mais, en attendant, c'est l'"instant unipolaire"28. Si les Etats-Unis sont prééminents, c'est parce qu'ils sont le seul pays dont les atouts soient à la fois militaires, diplomatiques, politiques et économiques.

    Cela leur permet d'être le joueur décisif dans n'importe quel conflit partout dans le monde. La guerre du Golfe, comme celle de Corée, a été l'occasion d'un pseudo-multilatéralisme. En réalité, les Etats-Unis ont réagi seuls mais, pour sacrifier à l'autel de la sécurité collective, ils ont recruté des alliés et ont cherché à obtenir l'aval du Conseil de sécurité. L'Amérique, comme la Grande-Bretagne auparavant, est une nation commerçante, maritime, échangiste, qui a besoin d'un environnement mondial ouvert et stable. Si elle abdique et que le monde se peuple de Saddam Hussein, son économie sera gravement atteinte. Les engagements extérieurs sont une charge mais aussi une nécessité. La stabilité internationale n'est jamais donnée. Si l'Amérique la veut, elle devra la créer car personne ne le fera à sa place.

    Le concept d'unipolarité offre une alternative à la politique étrangère américaine. Il implique la reconnaissance, au centre du système mondial, d'une confédération occidentale où, comme dans la construction européenne, des abandons progressifs de souveraineté seraient prévus. Le G-7, sorte de comité occidental des finances, en est une préfiguration.

    26Paul-Marie de la Gorce, «Washington et la maîtrise du monde»,Le Monde diplomatique, avril 1992, pp. 1 et 14-15. 27Christopher Ogden, «Globocop Glop», Time, 23 mars 1992, p. 14.

    28Charles Krauthammer, «The Unipolar Moment», Foreign Affairs,vol. 70, 1990/1991-1, pp. 23-33.

    26

    Autour de cette confédération occidentale tourneraient des cercles concentriques : celui des Etats est-européens, qui deviendraient progressivement des membres associés, celui des Etats en développement, dont certains (Corée du Sud, Brésil, Israël) pourraient s'attacher davantage au centre29. L'objectif est d'arriver à un marché commun mondial, ce que décrivait Francis Fukuyama dans son célèbre essai sur la "fin de l'histoire"30.

    L'universalisme des Nations Unies postulait que les structures allaient produire la communauté, mais cela s'est avéré une erreur. Il faut au contraire partir de la communauté démocratique occidentale. La périphérie s'adaptera d'elle-même. Le premier objectif est l'unification de l'Ouest industrialisé. Voilà à quoi doivent travailler les Etats-Unis.

    §5. La gestion de l'interdépendance transnationale

    Robert L. Bartley, du Wall Street Journal, n'est pas loin de Krauthammer lorsqu'il traite du rôle des Etats-Unis dans un monde de plus en plus interdépendant. Il faut, selon lui, travailler non pas à un gouvernement mondial mais à ce que le monde évolue pas à pas vers une plus grande unité, surtout sur le plan économique, comme on le voit en Europe avec la Communauté européenne. Il faudra un nouveau Bretton Woods et une amplification des accords forgés au sein du G-731.

    La gestion de l'interdépendance transnationale par les Etats-Unis semble un des thèmes majeurs de l'internationalisme triomphant. Pour Joseph Nye, cela doit se faire par des instruments variés comme le GATT, le Fonds monétaire international, le Traité de non-prolifération nucléaire, l'Agence internationale de l'énergie atomique32. Pour lui aussi cependant, la guerre du Golfe a renversé l'idée que la puissance économique s'était désormais substituée à la puissance militaire.

    L'Amérique conserve, en matière de puissance, une gamme de ressources plus vaste que celle de n'importe quel autre pays. Elle dispose en particulier des atouts de la puissance "dure" et de ceux de la puissance "douce". La première est la capacité de commander à autrui, en se servant de moyens matériels comme la force militaire ou la force économique. La seconde est la capacité d'obtenir la coopération des tiers plutôt que leur obéissance, en les amenant à faire ce qui demandé. Elle est associée à des ressources immatérielles comme la culture, l'idéologie et le recours aux institutions internationales.

    29Charles Krauthammer, «Universal Dominion», America's Purpose..., pp. 9-11.

    30»... the common marketization of the world» (Ibid., p. 1Q). Francis Fukuyama, «The End of History ?», The National

    Interest,n° 16, été 1989, pp. 3-18

    31Robert L. Bartley, «A Win-Win Game», America's Purpose...,pp. 76-77.

    32Joseph S. Nye, Jr., Bound to Lead, New York, Basic Books, 1990.

    27

    Dans la crise du Golfe, il était capital d'acheminer rapidement des troupes en Arabie Saoudite, mais il était tout aussi important d'obtenir des Nations Unies une résolution condamnant l'intrusion de l'Irak au Koweït comme une violation du droit international33. Pour Joseph Nye, les Etats-Unis ne doivent pas être les gendarmes du monde si l'on précise : "à eux seuls". Les Etats-Unis doivent prendre la tête de la communauté internationale car le monde est confronté aujourd'hui à des problèmes transnationaux. "Gérer l'interdépendance", voilà la principale raison pour laquelle l'Amérique doit s'employer à assurer le leadership mondial et en faire le noyau de sa politique étrangère.

    L'Amérique peut alors devenir le "grand arrangeur"34. Le concept évoque d'une part un rôle d'arbitre bienveillant ou d'"honnête courtier" et, d'autre part, le jeu traditionnel de la Grande-Bretagne qui, aux XVIIIe et XIXe siècles, tenait la balance de l'équilibre en Europe. Il y eut d'autres grands arrangeurs dans l'histoire : l'Athènes des guerres médiques jusqu'à la veille de la guerre du Péloponnèse, quand sa prééminence se mua en impérialisme ; la papauté des XIIe et XIIIe siècles ; l'Autriche de 1812 à 1818.

    Le signe distinctif du grand arrangeur est sa capacité à faire correspondre ses intérêts nationaux avec ceux d'autres Etats et avec les aspirations de la société internationale. Dans un monde où les différentes sociétés et le système international lui-même évoluent dans des directions nouvelles, les Etats-Unis devront arriver à "gérer" le changement et l'instabilité de façon à ce que les valeurs et les intérêts américains essentiels ne soient pas lésés. Chez certains analystes, la gestion de l'interdépendance transnationale peut prendre des formes plus précises encore.

    §6. Vers un fédéralisme mondial

    Dans son effort de réflexion sur le rôle mondial des Etats-Unis après la Guerre froide, la revue Orbis est allée rechercher la pensée de son père fondateur, Robert Strausz-Hupé35. En 1957, celui-ci avait repris, pour la première livraison d'Orbis, le thème de sa thèse doctorale parue en 1945 : "l'équilibre de demain"36. Strausz-Hupé écrivait sans ambages qu'il s'agissait pour les Etats-Unis d'unifier le globe sous leur leadership en l'espace d'une génération.

    33Joseph S. Nye, Jr., «De nouveaux défis pour l'Amérique»,Dialogue, n° 94, 1991-4, p. 34.

    34Alberto R. Coll, «America as the Grand Facilitator», Foreign Policy, n° 87, été 1992, pp. 47-65.

    35Né à Vienne en 1903, il fut courtier à Wall Street, écrivain, professeur, ambassadeur, conseiller à la Maison blanche et apologiste prolifique de la politique américaine durant la Guerre froide. Considéré comme un «faucon» réaliste par les adversaires de l'engagement au Vietnam, il fut aussi, à l'université de Pennsylvanie, un des fondateurs de la discipline des «relations internationales».

    36Robert Strausz-Hupé, The Balance of Tomorrow : Power and Foreign Policy in the United States, New York, G.P. Putnam's Sons, 1945 et «The Balance of Tomorrow», Orbis, vol. 1, 1957-1, pp. 10-27.

    28

    L'établissement de cet ordre universel était devenu la seule alternative à l'anarchie. Pour lui, l'Etat-nation était une odieuse invention de l'idéologie française et "la force la plus rétrograde du vingtième siècle". Elle n'avait produit que violences et dictatures. Strausz-Hupé se faisait l'apôtre d'un fédéralisme mondial. Il voyait l'histoire du XXe siècle comme celle d'une lutte entre le "pouvoir fédératif" et le nationalisme en tant que principes organisateurs de la politique mondiale.

    Les Etats-Unis étaient les seuls vrais dépositaires du principe de la puissance fédérative. En 1957, Strausz-Hupé prévoyait que dans leur duel avec l'URSS les Etats-Unis l'emporteraient grâce à la supériorité de leur système. Le rêve américain allait devenir universel.

    Le pouvoir fédératif américain consistait déjà en trois éléments : son centre, les Etats-Unis eux-mêmes, avec son contrôle de facto sur l'Hémisphère occidental et la région du Pacifique ; ensuite l'alliance euro-américaine ; enfin le leadership à l'ONU. L'OTAN, où Strausz-Hupé fut ambassadeur, représentait pour lui le noyau du processus fédératif mondial37. La mission du peuple américain était d'"enterrer" les Etats-nations. Ainsi s'accomplirait le nouvel ordre mondial,novus orbis terrarum38.

    Il est étonnant que Strausz-Hupé, qui a fui les Nazis et les a combattus, ne puisse s'empêcher de leur emprunter la nécessité d'une représentation globale, une Weltanschauung, pour que l'Amérique puisse exercer sa poussée impérialiste au dehors. Il ne s'est pas contenté de l'internationalisme libéral de Franklin Roosevelt. Il a fallu qu'il articule une vision géopolitique. Ce qui est remarquable, c'est que certains Américains sont capables de faire leur une telle conception typiquement germanique. Pour Robert Strausz-Hupé, l'esprit d'ouverture et d'accueil des Américains les rend aptes à devenir les architectes d'un empire sans impérialisme. La culture anglo-saxonne peut servir de pont idéal entre les anciennes cultures et la nouvelle culture mondiale qui doit émerger39. L'idée d'un fédéralisme mondial a été reprise par Strobe Talbott dans la magazine Time40.

    Pour lui aussi, d'ici une centaine d'années la nationalité telle que nous la connaissons sera devenue "obsolète" ; tous les Etats reconnaîtront une seule autorité globale. Pour lui aussi, l'OTAN a été l'expérience la plus ambitieuse, la plus durable et la plus réussie de sécurité collective et de dilution des souverainetés nationales. Les institutions financières multilatérales, GATT et FMI, sont pour lui les "proto-ministères" du commerce, des finances et du

    37Robert Strausz-Hupé, «The Balance of Tomorrow», Orbis,vol. 36, 1992-1, pp. 5-9.

    38De là le nom de la revue Orbis

    39Ibid., p. 20.

    40Strobe Talbott est devenu le numéro deux du département d'Etat dans l'administration Clinton.

    29

    développement d'un monde unifié41. Le fédéralisme mondial n'est pas encore, cependant, le concept le plus surprenant de l'internationalisme triomphant de l'après-guerre froide.

    §7. Une nouvelle «destinée manifeste»

    Pour Ben J. Wattenberg, vice-président de Radio Free Europe et de Radio Liberty et membre de l'American Enterprise Institute, les Etats-Unis doivent reconnaître leur "nouvelle destinée manifeste"42. Il reproche à l'unipolarité de Charles Krauthammer de déprécier la souveraineté et ne voit pas quel est l'objectif de la gestion de l'interdépendance transnationale préconisée par Joseph Nye43.

    Cet objectif doit être la promotion de la démocratie de type américain. L'Amérique peut vivre avec des démocraties sociales de type européen, mais elle peut essayer d'en "déterminer l'évolution". Le numéro un de demain sera celui qui déterminera la culture démocratique globale et, pour Wattenberg, seuls les Américains ont le sens de la mission dans ce domaine. C'est leur "destinée manifeste". Ils ont les meilleures armes culturelles : le monde du spectacle et des média, la langue anglaise, l'immigration, le tourisme, les universités, les systèmes d'information.

    Il faut donc encourager la diffusion des programmes télévisés américains, des films, de l'anglais, la venue des touristes et des étudiants aux Etats-Unis. Il faudra inclure l'entertainment business dans les négociations du GATT ! L'information fait partie de la politique étrangère, comme la force armée, la diplomatie, le renseignement, et son importance s'accroît. Wattenberg le dit explicitement : un monde unipolaire, c'est une bonne idée, "si l'Amérique est réellement le seul pôle"44.

    SECTION 2. LE NÉO-ISOLATIONNISME

    Pour les néo-isolationnistes, les Etats-Unis ne peuvent plus se permettre une politique étrangère internationaliste à base de prouesses militaires et économiques. Un budget de la Défense qui, dans les années 1990, approcherait encore les 300 milliards de dollars par an, n'est plus supportable pour un pays où le poids de la dette ne fait que s'accroître, où l'infrastructure

    41Strobe Talbott, «The Birth of the Global Nation», Time, 20 juillet 1992, pp. 54-55.

    42Le concept de «destinée manifeste» (manifest destiny) est apparu dans les années 1840, au milieu des débats sur la guerre contre le Mexique. Il peignait les Etats-Unis comme une république dynamique et les Américains comme les messagers particuliers de la liberté et du progrès humain (Michael H. Hunt,Ideology and U.S. Foreign Policy, New Haven, Yale University Press, 1987, p. 30).

    43Ben J. Wattenberg, «Neo-Manifest Destinarianism», America's Purpose..., p. 108.

    44Ibid., pp. 112-114.

    30

    est dégradée, où le système d'éducation est en faillite, où le taux d'épargne est des plus bas et où manque la volonté pour investir à long terme45.

    Dans l'histoire des Etats-Unis, l'isolationnisme n'a jamais signifié une volonté d'isolement total du reste du monde. Les relations économiques avec l'outre-mer devaient être poursuivies. C'est sur le plan politique que les isolationnistes préconisaient le détachement. Rejetant la sécurité collective et les alliances nécessaires au maintien de l'équilibre des forces, l'isolationnisme résidait essentiellement dans une volonté de non-engagement, un refus de faire des promesses en matière de sécurité qui puissent enlever à l'Amérique sa totale liberté d'action46.

    Avant la Deuxième Guerre mondiale, l'isolationnisme, un mouvement surtout républicain, voulait que les Etats-Unis se tiennent à l'écart de l'Europe et de ses conflits et, en même temps, qu'ils empêchent toute intervention européenne dans les affaires du continent américain, suivant en cela la "doctrine Monroe". Avec la Guerre froide, la plupart des Républicains isolationnistes se muèrent en croisés de l'anti-communisme.

    Dans les années 1960, l'intervention au Vietnam suscita un deuxième isolationnisme, opposé à la guerre mais favorable à l'Alliance atlantique et à la coopération internationale47. Depuis 1989-1991, la première tendance se retrouve dans le néo-isolationnisme nationaliste et "populiste" de Patrick Buchanan.

    §1. L'Amérique d'abord

    Patrick Buchanan, ancien assistant des présidents Nixon et Reagan et commentateur sur CNN, fut le candidat isolationniste de la droite du parti Républicain aux primaires présidentielles de 1992. Rejetant le concept d'unipolarité de Charles Krauthammer, il voulait d'abord soumettre tous les objectifs de la politique étrangère américaine à une question : se battrait-on pour cela ? Il prônait un retrait total des forces américaines d'Europe, de Corée et d'Asie mais pas un désarmement. Il était favorable à un système de défense anti-missile et n'admettait pas que l'US Navy négocie sa primauté. Les Etats-Unis devaient rester la première puissance sur les mers, dans les airs et dans l'espace48. Toute intervention n'était donc pas exclue, mais elle ne serait pas terrestre. Buchanan s'était opposé à l'expédition dans le golfe Persique. Il pensait que l'altruisme américain avait été suffisamment exploité. Il voulait revenir à la doctrine Monroe et, tout en reconstruisant l'infrastructure

    45J. Chace, op. cit., p. 8.

    46T. L. Deibel, art. cit., p. 92.

    47William Pfaff, «New or Old, Isolation Won't Do», International Herald Tribune, 14-15 mars 1992. 48Patrick Buchanan, «America First -and Second, and Third»,America's Purpose..., pp. 24-29.

    31

    économique des Etats-Unis, étendre les relations commerciales avec le reste du continent américain.

    Il appelait ses compatriotes à un renouveau patriotique et nationaliste49. Au fond, les vues de l'isolationnisme populiste pourraient rejoindre celles des unilatéralistes globaux du Pentagone dans leur désir d'une Amérique hégémonique, si l'hégémonie ne coûtait pas si cher50.

    Sans atteindre au populisme de Buchanan, les arguments néo-isolationnistes n'ont pas manqué pour que les Etats-Unis déposent ou, à tout le moins, partagent leur fardeau.

    §2. Dépôt du fardeau et adaptation à la normalité retrouvée

    Pour Ted Galen Carpenter, directeur d'études au Cato Institute, les Etats-Unis ont besoin d'une stratégie indépendante, libérée des engagements de sécurité obsolètes, coûteux et dangereux51. Ils ne doivent plus porter, comme le géant Atlas dans la mythologie, le poids du monde sur leurs épaules. Il faut définir avec plus de précision les intérêts vitaux et s'abstenir du réflexe interventionniste.

    Des conflits locaux en Europe, comme ceux qui déchirent la Yougoslavie, ne menacent pas les intérêts américains et ne valent pas la peine de risquer des vies américaines. Le système des alliances est dépassé. L'OTAN a vécu52. Il faut cependant garder un certain rôle, même une activité certaine dans les domaines économique, culturel et diplomatique.

    Mais vouloir maintenir une présence militaire significative en Europe réduit à un sens étroitement militaire l'influence américaine et, de plus, est choquant pour les Européens, qui partagent un même héritage démocratique et culturel. Le Japon exerce bien une influence sans passer par l'instrument militaire. En fait, les valeurs américaines sont en elles-mêmes une source d'influence considérable.

    Il faut revenir aux paroles de John Quincy Adams : "L'Amérique souhaite la liberté et l'indépendance pour tous, mais elle n'en est le champion et le justicier que pour elle-même"53. Carpenter admet que le système international est pour l'instant unipolaire mais selon lui cela ne durera pas : c'est un "mirage qui s'évanouira bientôt". Le désir des Européens de constituer

    49Ibid., pp. 30-34.

    50W. Pfaff, «New or Old...».

    51Ted Galen Carpenter, A Search for Enemies. America's Alliances after the Cold War, Washington, D.C., Cato Institute,

    1992.

    52Ted Galen Carpenter, «An Independent Course», America's Purpose..., pp. 82-87.

    53Ibid., p. 87.

    32

    un front commun sur les questions de sécurité n'est encore qu'à l'état embryonnaire, mais le mouvement est visiblement amorcé54.

    Robert W. Tucker adopte une position similaire. Les raisons qui ont poussé l'Amérique à jouer un si grand rôle pendant un demi-siècle ne sont plus valides. Dans le monde de l'après-Guerre froide, la sécurité des Etats-Unis, au sens étroit comme au sens large, n'est plus vraiment menacée55.

    Le leadership américain ne survivra pas à la Guerre froide. Il serait beaucoup plus compliqué pour les Etats-Unis - et aussi moins attrayant pour la nation américaine - d'assurer l'ordre que de défendre la liberté. Et le reste du monde ne manquerait pas de se défier du nouveau gendarme du monde, avec un sentiment mêlé d'ingratitude et de ressentiment.

    Il est temps d'être modeste ! Il fallait bien combattre le nazisme puis le communisme. Mais maintenant ? Quel besoin de maintenir l'OTAN ? La force de l'inertie. Il faut revenir au message d'adieu de George Washington, renoncer aux alliances "empêtrantes" (entangling alliances). L'exemple américain suffit. Il ne faut plus maintenir des armées dans le monde entier56. L'âge des superpuissances est révolu. Celles-ci doivent s'adapter.

    Les leçons de la guerre du Golfe sont trompeuses. Il y aura encore des crises, mais elles auront en elles-mêmes une capacité d'auto-limitation, étant donné la nouvelle fragmentation de la puissance. La politique américaine s'adaptera en conséquence. Elle veillera à maintenir en quarantaine la violence régionale, à compartimenter l'instabilité régionale, sans intervenir activement57. Tout au plus l'Amérique pourra-t-elle encourager les équilibres régionaux. Le monde n'a plus besoin des Etats-Unis comme en 194558.

    Les temps sont redevenus "normaux", écrit Jeane Kirkpatrick, ancien ambassadeur à l'ONU et professeur à l'université Georgetown. Les Etats-Unis ont le droit de redevenir eux aussi un pays "normal". La Guerre froide a donné trop d'importance aux affaires étrangères. Aujourd'hui les objectifs de l'Amérique sont d'abord d'ordre intérieur. Il faut reconstruire une société meilleure59.

    54Ted Galen Carpenter, «The New World Disorder», Foreign Policy, n° 84, automne 1991, pp. 27-29.

    55Robert W. Tucker, «1989 and All That», Sea-Changes : American Foreign Policy in a World Transformed, sous la dir. de

    Nicholas X. Rizopoulos, New York, Council of Foreign Relations Press, 1990, pp. 232-237.

    56Nathan Glazer, «A Time for Modesty», America's Purpose...,pp. 134-141.

    57Earl C. Ravenal, «The Case for Adjustment», Foreign Policy, n° 81, hiver 1990-91, pp. 3-8.

    58Michael Vlahos, «Culture and Foreign Policy», Foreign Policy, n° 82, printemps 1991, p. 68.

    59Jeane J. Kirkpatrick, «A Normal Country in a Normal Time»,America's Purpose..., p. 156.

    33

    §3. Le préalable du renouveau intérieur

    La puissance est devenue essentiellement économique et c'est sur ce plan que va se dérouler la principale compétition. Les Etats-Unis doivent se dégager de l'outre-mer et faire du renouvellement intérieur leur priorité. Il n'y a plus de réels ennemis mais il n'y a plus de vrais alliés60. Car l'Europe et le Japon ne resteront pas simplement des puissances économiques, mais deviendront aussi des puissances militaires. Il faut rejeter l'illusion qu'une politique étrangère globaliste conduira à un monde modelé sur les valeurs américaines.

    Au contraire, à vouloir jouer à tout prix la superpuissance, l'Amérique ne fera que s'épuiser davantage. La guerre du Golfe a déjà levé un coin du voile sur cette nouvelle configuration où les Etats-Unis loueraient leurs mercenaires pour défendre la communauté mondiale, révélant ainsi l'état désastreux de leur économie.

    L'Amérique doit mettre de l'ordre chez elle, non seulement sur le plan économique mais aussi sur le plan socio-culturel, car le développement séparé des communautés et le maintien des ségrégations pourraient conduire à une balkanisation sociale61. Quand le renouveau intérieur aura été opéré, mais alors seulement, l'Amérique pourra réfléchir au maintien d'une certaine collégialité globale qui ne viendrait toutefois qu'en deuxième position après les intérêts nationaux américains.

    Au XIXe siècle, l'isolationnisme fut pour les Etats-Unis une stratégie réaliste et adaptée. Au début du XXe, diverses pressions intérieures continuèrent à le soutenir, en dépit des conditions nouvelles qui en faisaient une dangereuse illusion. Il est permis d'avoir des doutes quant à la similitude de situation avec le XIXe siècle, même si la menace de l'adversaire hégémonique désigné a disparu.

    Les Etats-Unis sont-ils capables d'avoir une politique étrangère sans avoir un "rôle" ? L'isolationnisme n'est pas une option sérieuse. Les Etats-Unis ont été fondés sur des principes universels et veulent rester un exemple pour le reste du monde. Ils ne pourraient abandonner leur vocation universaliste sans se renier eux-mêmes et, plus grave encore, sans risquer de se dissoudre en une cacophonie de tribus rivales : Noirs, Hispaniques, fondamentalistes chrétiens, etc.62.

    60Michael Vlahos, «To Speak to Ourselves», America's Purpose..., pp. 44-50. 61Michael Vlahos, «Culture...», pp. 70-71, 78.

    62Nathan Tarcov, «If this Long War is Over...», America's Purpose..., pp. 17 et 21.

    34

    SECTION 3. NOUVEL INTERNATIONALISME, PRATIQUE ET SÉLECTIF

    L'internationalisme pratique pourrait bien être, selon Richard Gardner, le concept unificateur de la politique étrangère américaine pour l'après-Guerre froide63. Ce concept veut éviter les extrêmes que sont l'isolationnisme, l'unilatéralisme global et le multilatéralisme utopique. Il envisage pour les Etats-Unis un rôle de leadership dans l'édification, avec d'autres nations, d'un ordre de paix, par l'intermédiaire d'organisations internationales qui fonctionnent64.

    §1. La sécurité multilatérale

    Les institutions internationales organisant la défense (OTAN) ou la sécurité collective (ONU, CSCE à un niveau moindre) peuvent être des "multiplicateurs de force" pour la politique américaine, spécialement quand la situation ne demande pas une solution militaire immédiate65. Il y a intérêt à étendre, par l'intermédiaire des Nations Unies, le règne du droit international. Cela contribuera à fournir un point de référence dans un monde qui, depuis la fin de la Guerre froide, manque de certitudes. Cela peut rendre les événements internationaux plus "prévisibles".

    L'Amérique a toujours eu besoin d'une dimension morale dans sa politique étrangère. Le soutien des institutions internationales vouées à la sécurité collective et au maintien de la paix pourrait redonner à la politique étrangère américaine sa dimension morale, tout en servant les intérêts nationaux. Selon James Chace, le nouvel internationalisme doit conduire les Etats-Unis à renforcer l'Organisation des Nations Unies, comme c'était leur objectif après la Deuxième Guerre mondiale. Ils doivent aussi prendre la tête dans la recherche de nouvelles structures de préservation de la paix et d'accroissement de la prospérité66.

    La "sécurité multilatérale" est un des concepts qui ont inspiré la politique extérieure de l'administration Clinton. Selon cette doctrine, parfois identifiée au secrétaire d'Etat-adjoint pour les Affaires politiques Peter Tarnoff, les Etats-Unis n'utiliseraient plus la force que dans un contexte multilatéral, à moins que certains de leurs intérêts vitaux ne soient en jeu.

    63Le professeur Richard Gardner, de l'université Columbia, a contribué à définir les options de politique étrangère de Bill Clinton (Michael Kramer, «Clinton's Foreign Policy Jujitsu», Time,30 mars 199Q, p. Q8).

    64Richard N. Gardner, «Practical Internationalism», Rethinking...,pp. Q67-Q68.

    65R. E. Hunter, art. cit., p. 40. Après avoir été directeur des Etudes européennes au Center for Strategic and International Studies de Washington, Robert E. Hunter a été choisi par Bill Clinton pour être l'ambassadeur américain auprès de l'OTAN.

    66J. Chace, op. cit., pp. 176-179 et 185.

    35

    L'accent serait mis non seulement sur les mécanismes de la sécurité collective mais aussi sur une politique de "sécurité coopérative". Celle-ci, plutôt que de contrer les menaces, s'efforcerait de les prévenir, par une extension des accords bilatéraux et multilatéraux de maîtrise des armements.

    Les sévères critiques reçues par l'administration Clinton pour son traitement des crises bosniaque et somalienne ont conduit le Président et son équipe à abandonner quelque peu leur concept de sécurité multilatérale67. Ils ont tenu à rappeler que l'action unilatérale était toujours à envisager, que le multilatéralisme était un moyen, non une fin en soi68.

    §2. L'indépendance stratégique et le maintien de l'équilibre des forces

    Lié à la possibilité d'une action multilatérale, le concept d'"indépendance stratégique" a fait son apparition pour désigner la posture de "balancier au large" (offshore balancer) que devraient adopter les Etats-Unis dans un monde multipolaire69. Au coeur du concept d'endiguement se trouvait la volonté d'empêcher que l'Eurasie fût dominée par une puissance hégémonique. Cet objectif resterait inchangé mais, au lieu d'assumer la responsabilité première pour contenir la montée d'un "hégémon", les Etats-Unis s'appuieraient sur un réseau d'équilibres globaux et régionaux des puissances.

    L'indépendance stratégique mise sur les avantages géopolitiques inhérents aux Etats-Unis : leur insularité, leur dotation en armes nucléaires, leur éloignement des théâtres de crise potentiels, leurs capacités militaires. Dans un système multipolaire, une grande puissance insulaire jouit de la plus large gamme d'options stratégiques. Elle peut aussi bénéficier des rivalités entre les autres puissances. C'est ainsi qu'au milieu des années 1890, l'Amérique tirait parti de l'instabilité européenne, comme la Grande-Bretagne l'avait fait auparavant70.

    Voilà du vieux vin dans de nouveaux fûts : l'indépendance stratégique ne fait que reproduire le vieux concept de maintien de l'équilibre des forces. Pour l'Amérique, il s'agira d'empêcher la guerre en faisant rapidement contrepoids face aux agresseurs potentiels. Il sera plus difficile de mobiliser l'opinion car le but sera de préserver la paix plutôt que de contrer une puissance hégémonique, ce qui était plus facile à expliquer au public71.

    67Charles Krauthammer, «The U.N. Obsession», Time, 9 mai 1994, p. 52.

    68Mark T. Clark, «The Future of Clinton's Foreign and Defense Policy : Multilateral Security», Comparative Strategy, vol. 13, 1994, pp. 181-195.

    69Christopher Layne, «The Unipolar Illusion : Why New Great Powers Will Rise», International Security, vol. 17, 1993-4, p. 47.

    70Ibid., pp. 48-49.

    71John J. Mearsheimer, «Disorder Restored», Rethinking...,pp. 214-237.

    36

    On ne s'étonnera pas de retrouver le concept d'équilibre des forces sous la plume d'Henry Kissinger. Pour lui, le monde dans lequel nous entrons sera infiniment plus compliqué que celui de la Guerre froide. Les Etats-Unis devront obligatoirement admettre qu'ils ne pourront s'occuper de tous les problèmes à la fois : ils devront opérer une sélection. Certaines menaces nécessiteront une intervention américaine unilatérale, d'autres seront seulement traitées de façon multilatérale, enfin certaines ne concerneront pas les intérêts américains et ne mériteront pas une intervention militaire.

    Il ne faut pas espérer édifier un ordre mondial basé sur un sens de la communauté qui répondrait aux attentes américaines. L'objectif doit être plus limité et Kissinger applaudit à la création d'une zone américaine de libre-échange débutant avec le Mexique, le Canada et les Etats-Unis. D'une façon générale, l'Amérique doit travailler au maintien de l'équilibre des forces, particulièrement au Moyen-Orient, en Asie et en Europe. Une telle politique connaît peu d'ennemis et d'amis permanents72.

    Le monde de l'après-guerre froide donnera l'occasion d'appliquer ce système avec davantage de souplesse. Il y aura davantage de puissances de niveau égal et les différences idéologiques s'estompant, les alignements seront moins rigides. L'équilibre des forces restera le seul jeu possible et les Etats-Unis seront l'indispensable "balancier"73.

    En jouant ce rôle, l'Amérique jouera celui de l'Angleterre au XIXe siècle. La Pax Britannica a permis la paix parce qu'une puissance, sans dominer vraiment, servait de leader, veillait au respect des règles et avait la volonté d'intervenir, au besoin par la force, pour maintenir la stabilité du système74. Les Etats-Unis sont dans la position de l'Angleterre après 181575. Ils peuvent jouer le rôle de l'"honnête courtier" - si tant est que l'Angleterre a vraiment joué ce rôle en 1815 : elle a d'abord veillé à ses intérêts76.

    §3. Splendide isolement et engagement global sélectif

    La ressemblance avec les vues britanniques au lendemain des guerres napoléoniennes va jusqu'à l'adoption possible, pour certains, du concept de "splendide isolement". Vainqueur incontestable de la lutte gigantesque contre la France et puissance aux intérêts mondiaux, l'Angleterre de 1815 avait décidé de ne pas trop s'impliquer dans les affaires européennes et de se concentrer sur l'accroissement de sa richesse par l'expansion de son empire colonial.

    72Henry A. Kissinger, «Balance of Power Sustained»,Rethinking..., pp. 238-248.

    73T. L. Deibel, art. cit., pp. 83-86.

    74Elliott Abrams, «Why America Must Lead», The National Interest, n° 28, été 1992, p. 58.

    75Samuel P. Huntington, «America's Changing Strategic Interests», Survival, vol. 33, 1991-1, p. 12.

    76Andrew C. Goldberg, «Selective Engagement : U.S. National Security Policy in the 1990s», The Washington

    Quarterly, vol. 15, 1992-3, p. 16.

    37

    Pour les tenants américains de ce type de politique, il faut maintenir une forte marine pour projeter la puissance autour du globe ; il ne faut pas stationner de grandes unités terrestres outre-mer ; il faut réduire le nombre et la dimension des bases aériennes en Europe, dans le Pacifique et l'océan Indien. La plupart des crises régionales devraient être résolues par les puissances régionales et les Etats-Unis n'interviendraient militairement qu'en dernier recours, quand cela servirait leurs intérêts vitaux, particulièrement économiques77.

    L'argument est étayé par le constat de la "nouvelle insularité" des Etats-Unis. La fin de la menace soviétique a réintroduit la distance qui séparait traditionnellement l'Amérique des conflits mondiaux. Il en résulte une plus grande liberté d'action78.

    La contribution américaine à la sécurité globale sera, pour Zbigniew Brzezinski, "plus subtile". Les conditions sont trop complexes et la santé intérieure des Etats-Unis trop précaire pour que soit mise en place une Pax Americana mondiale. La sécurité globale sera assurée de plus en plus par des formes de coopération régionales, appuyées par des engagements américains sélectifs et proportionnés. Même avec une présence militaire diminuée, l'Amérique restera ainsi le principal pôle de dissuasion nucléaire et la garantie ultime que tout perturbateur aura à faire face à une coalition écrasante. Ceci permettra aux Etats-Unis de se concentrer davantage sur leur renouveau intérieur, qui à son tour étayera leur capacité de maintenir à long terme une politique internationaliste79.

    Le concept d'engagement global sélectif suppose aussi que les Etats-Unis accepteront l'émergence de nouvelles puissances militaires. Ils veilleront cependant à développer les forces et les technologies qui leur assureront le maintien de leurs avantages comparatifs, c'est-à-dire qu'ils devront mettre l'accent sur les forces navales et aériennes. Ils ne doivent plus considérer l'Europe et le Japon dans l'optique d'un partenariat automatique pour des objectifs globaux clairement définis.

    Les intérêts intérieurs des Etats-Unis ne seront plus nécessairement en synchronie avec ceux "des puissances avec lesquelles ils se sont alliés dans le passé"80. A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les Etats-Unis étaient déjà prêts à adopter une stratégie d'engagement sélectif en continuité avec leur histoire et en accord avec leur position géographique, comme la Grande-Bretagne avant eux.

    77Donald E. Nuechterlein, America Recommitted. United States National Interests in a Restructured World, Lexington, Ky., University Press of Kentucky, 1991, pp. 241-242.

    78Andrew C. Goldberg, «Challenges to the Post-Cold War Balance of Power», The Washington Quarterly, vol. 14, 1991-1, pp. 52-53.

    79Zbigniew Brzezinski, «Selective Global Commitment», Foreign Affairs, vol. 70, 1991-4, pp. 1-20.

    80A. C. Goldberg, «Selective...», pp. 16-17.

    38

    Le concept d'engagement global sélectif permettra à l'Amérique de s'adapter à la dure compétition économique internationale. L'époque est à l'antagonisme économique global, à la mise en place de blocs régionaux politico-économiques et à la diminution des affinités politiques. Les grandes puissances vont redécouvrir leurs intérêts propres de politique étrangère. Les Etats-Unis devront en faire autant.

    Ils s'engageront financièrement ou militairement dans les seules situations où se manifestera une menace claire et imminente pour leurs intérêts, ou bien lorsque l'intervention aura toutes les chances de n'être ni coûteuse ni sanglante. L'administration Clinton a fait sien ce concept d'engagement sélectif pour tout usage de la force, dont les opérations de maintien de la paix81.

    §4. L'élargissement : promouvoir la démocratie et l'économie de marché

    L'engagement global sélectif n'est pas le seul concept de l'après-guerre froide qui offre une alternative au dilemme isolationnisme-internationalisme. La promotion des valeurs américaines peut constituer un nouvel axe de politique étrangère. James Baker avait suggéré le 30 mars 1990 que le principal objectif pourrait être "la promotion et la consolidation de la démocratie" à travers le monde82. L'administration Clinton a fait de ce thème le troisième pilier de sa politique étrangère, après la croissance économique et le maintien d'une défense solide83. Plutôt que de faire contrepoids aux ennemis, il faudrait cultiver les amis. Cela se ferait par une politique de préservation et d'expansion de la "communauté libérale"84. Le conseiller de Bill Clinton pour la sécurité nationale, Anthony Lake, a lancé à ce propos le concept d'"élargissement", qui succéderait ainsi à celui d'endiguement. Il n'est pas question de s'embarquer dans une croisade pour la démocratie, mais de pratiquer une stratégie défensive, pragmatique et sélective, là où ce sera le plus utile aux Etats-Unis. Il faudra cibler les efforts sur les Etats qui affectent les intérêts stratégiques américains, c'est-à-dire d'abord l'ancienne Union Soviétique, les nouvelles démocraties d'Europe centrale et de l'Est, les pays asiatiques du Pacifique85.

    L'Amérique ne peut se permettre, pour reprendre l'expression de John F. Kennedy, de "payer n'importe quel prix, supporter n'importe quel fardeau"

    81«Perry Calls for «Very Selective Use» of Military Force», USIS, Defense, 1er avril 1994 ; «Peacekeeping Directive Designed to Impose More Discipline», USIS, 9 mai 1994.

    82James Baker, «Democracy and American Diplomacy», discours devant le World Affairs Council, Dallas, Texas, 30 mars 1990 (S. P. Huntington, art. cit., p. 7).

    83Warren Christopher, «Economy, Defense, Democracy to be U.S. Policy Pillars», USIS, Foreign Policy, 14 janvier 1993, p. 7.

    84Michael W. Doyle, «An International Liberal Community»,Rethinking..., pp. 318-331.

    85Anthony Lake, «L'engagement des Etats-Unis à l'étranger : une nécessité», discours prononcé le 21 septembre 1993 à la Johns Hopkins' School of Advanced International Studies, U.S. Foreign Policy, Bruxelles, Ambassade des Etats-Unis, USIS, 1993, pp. 39-41.

    39

    pour promouvoir la démocratie86. Mais les Etats démocratiques pourraient se regrouper en une vaste organisation de sécurité qui définirait et coordonnerait les intérêts communs, mettrait en place une gamme de "récompenses" et de "punitions". L'OTAN est évidemment l'organisation idéale "pour que continue derrière l'élargissement des démocraties de marché une sécurité collective essentielle"87.

    La promotion de la démocratie ne signifierait donc pas son "exportation". Il s'agirait d'offrir un soutien moral, politique, diplomatique et financier aux individus et aux organisations qui luttent pour la libéralisation des régimes autoritaires. Il s'agirait également d'encourager la diffusion de l'économie de marché. Un monde plus démocratique serait plus sûr, plus sain et plus prospère, et ce serait tout à l'avantage des Etats-Unis.

    Tous les courants de pensée trouveraient leur compte dans la promotion de la démocratie : les "libéraux" soucieux des droits de l'homme, les conservateurs préoccupés par l'ordre mondial et les internationalistes des deux camps, désireux de voir se poursuivre, pour les uns l'engagement, pour les autres le leadership des Etats-Unis dans le monde88.

    Les entreprises privées représentent un allié naturel des tentatives faites en vue du renforcement des économies de marché, a dit Anthony Lake. Il a également précisé que la stratégie d'élargissement devrait viser à atténuer les capacités des "Etats réactionnaires" qui se défendent contre les "forces libératrices" de la démocratie et du marché89.

    §5. La sécurité économique

    Déjà présente dans d'autres concepts tels que le préalable du renouveau intérieur ou la promotion de l'économie de marché, la dimension économique doit être érigée pour certains en thème central de la politique étrangère américaine. Le bien-être économique pourrait bien prendre le pas sur la "sécurité" et la projection des valeurs90. La primauté de l'économique correspond aux intérêts américains des années 1990. A la place de deux superpuissances militaires, le noyau du système mondial se constitue désormais de trois superpuissances économiques.

    Une tripolarité remplace la bipolarité de la Guerre froide. Pour Stephen J. Solarz, ancien représentant démocrate de l'Etat de New York devenu ensuite collaborateur de Bill Clinton, le premier défi dans le domaine de la sécurité

    86Carl Gershman, «Freedom Remains the Touchstone», America's Purpose..., p. 38.

    87A. Lake, art. cit., p. 41.

    88Larry Diamond, «Promoting Democracy», Foreign Policy, n° 87, été 1992, pp. 25-31.

    89A. Lake, art. cit., p. 42. Voir l'analyse critique de Jacques Decornoy, «La chevauchée américaine pour la direction du

    monde», Le Monde diplomatique, novembre 1993, pp. 8-9.

    90T. L. Deibel, art. cit., p. 99.

    40

    nationale est désormais la compétition économique avec l'Europe et le Japon91. La confrontation idéologique entre le capitalisme et le communisme cède la place à une compétition entre trois versions de l'économie de marché.

    Les alliances s'adapteront à cette évolution et donneront lieu à des regroupements régionaux "plus naturels"9Q. Dans ce contexte, les objectifs américains seront de maintenir les marchés ouverts pour le commerce et les investissements internationaux et de restaurer la force compétitive des Etats-Unis. Il s'agira encore de pratiquer un endiguement mais cette fois au niveau des risques de conflits entre les superpuissances économiques. Car la poursuite des intérêts économiques poussera souvent les Etats-Unis à affronter l'Union européenne ou le Japon et cela nuira à leurs relations.

    La politique étrangère américaine aura tout avantage cependant à promouvoir des systèmes de leadership collectif dans les questions d'économie et de sécurité. Les Etats-Unis ont maintenu des relations plus étroites avec les Européens d'une part et les Japonais d'autre part que ceux-ci n'en ont entre eux.

    Les Etats-Unis sont donc dans une meilleure position pour mettre en place de nouveaux arrangements internationaux qui protégeraient leurs intérêts. Si un tel leadership collectif ne se met pas en place, on verra émerger des blocs régionaux de plus en plus restrictifs et exclusivistes et ce serait contraire aux intérêts américains.

    Pour cela, l'Amérique ne doit pas se retirer prématurément de ses engagements de sécurité. L'interdépendance est trop grande sur le plan économique pour que les Etats-Unis puissent contempler un repli isolationniste. La seule alternative véritable serait un effort désespéré pour maintenir l'hégémonie, en suivant les plans prévus par le Pentagone et divulgués en mars 1992. Mais cela coûterait beaucoup trop cher... Mieux vaut travailler à un certain nombre d'"arrangements"93.

    Les questions économiques font bien partie des préoccupations de sécurité de l'après-Guerre froide. Le secrétaire d'Etat Warren Christopher a déclaré que la "sécurité économique" était le premier objectif de la politique étrangère de l'administration Clinton94. Le département d'Etat s'attache désormais à développer une "diplomatie pour une compétitivité globale" et recycle son personnel dans les questions économiques et commerciales95.

    91Stephen J. Solarz, «On Victory and Deficits», America's Purpose..., pp. 90-9Q.

    9QC. Fred Bergsten, «The Primacy of Economics», Foreign Policy,n° 87, été 199Q, pp. 3-7.

    93Ibid., pp. 8-Q4.

    94W. Christopher, art. cit., p. 6. Voir aussi Bill Clinton, «A Democrat Lays Out His Plan», USIS, Bruxelles, Ambassade des

    Etats-Unis, 13 novembre 199Q, pp. 6-7.

    95Audition de Strobe Talbott, secrétaire d'Etat-adjoint, devant la Commission des relations extérieures du Sénat le 8 février

    1994, USIS, 9 février 1994, p. Q.

    41

    Si les observateurs ont longtemps eu du mal à discerner un concept central dans la politique extérieure de Bill Clinton, ils se sont rendu compte, fin 1993, que l'intérêt porté au commerce en tenait lieu. La promotion de la démocratie, la protection des droits de l'homme, l'interventionnisme humanitaire, tous ces beaux projets du début de la présidence Clinton sont passés au second plan.

    Anthony Lake a été jusqu'à déclarer que les intérêts américains exigeraient parfois de nouer des liens d'amitié avec des Etats non démocratiques et même de les défendre, pour des raisons de "bénéfice mutuel". Comme l'avait dit le président Calvin Coolidge dans les années 1920, "the business of America is business"96. La puissance économique de l'Europe et du Japon ne leur confère pas encore une puissance militaire comparable à celle des Etats-Unis, mais elle les autorise à tendre vers une plus grande influence politique, avec la possibilité d'arriver à des positions autonomes en matière de sécurité.

    Nous sommes entrés dans une nouvelle ère de sécurité, où la puissance économique pourrait assurer une plus grande influence politique. Sans la force modératrice exercée par la Guerre froide et par le besoin de la protection américaine, les conflits de politique commerciale et industrielle pourraient devenir plus prononcés97. Or l'économie américaine ne se distingue plus suffisamment par les proportions de son marché intérieur et le caractère avancé de ses technologies pour que la politique étrangère en tire avantage98.

    Si l'on assiste à l'émergence d'une tripolarité économique, il sera donc dans l'intérêt des Etats-Unis d'intégrer au maximum les questions de géo-économie dans un contexte géopolitique plus vaste, où ils conservent encore les meilleures cartes99. Pour cela, il faut pousser au maximum à l'intégration de la communauté internationale, à un système commercial global et ouvert. Les Etats-Unis, selon le secrétaire d'Etat-adjoint Strobe Talbott, devront veiller à ce que les groupements régionaux ne contrecarrent pas ces objectifs qui expriment l'intérêt supérieur des Etats-Unis100.

    SECTION 4. LE TIERS MONDE DANS LA PENSEE STRATEGIQUE AMERICAINE

    La fin de la Guerre froide signifie, pour certaines régions du monde, le retour des guerres réelles. Pour les Etats-Unis, le défi stratégique passe du global au régional. C'est dans certains régimes "renégats" du Tiers Monde

    96Michael Kramer, «Putting Business First», Time,6 décembre 1993, p. 37.

    97Stanley Hoffmann, «A New World and Its Troubles», Sea-Changes..., p. 285.

    98Michael Borrus et John Zysman, «Industrial Competitiveness and National Security», Rethinking..., pp. 164-169.

    99R. E. Hunter, art. cit., p. 41.

    100Audition de S. Talbott..., p. 4.

    42

    qu'ils voient désormais la menace principale : celle de la prolifération des armes de destruction massive. Y a-t-il pour autant une nouvelle "grande stratégie" américaine à l'égard du Sud ? La guerre du Golfe a pu laisser croire à une volonté américaine de veiller, tous azimuts, à l'instauration d'un nouvel ordre mondial. Mais le retrait peu glorieux de Somalie au printemps 1994 a montré les limites de l'interventionnisme. Cette étude explore différentes facettes de la pensée stratégique américaine relative au Tiers Monde, de Ronald Reagan à Bill Clinton.

    §1. Les principes de politique africaine des USA

    Les USA comme d'autres grandes puissances construisent leurs politiques régionales sur base du contexte géopolitique et surtout en observation de l'environnement international. Il en est de même pour les USA. En effet, les principes qui gouvernent la politique africaine des USA sont très fluctuants en raison des éléments que nous venons de souligner.

    Pour bien les percevoir, nous pouvons les analyser dans une vision diachronique.

    1.1. Pendant la guerre froide

    Le premier principe de politique africaine des USA est celui des droits des peuples à disposer d'eux-mêmes. En effet, à partir de la fin de la deuxième guerre mondiale, les USA comme l'ex URSS a soutenu le processus de décolonisation africaine. Ainsi, cette politique a été fondée sur ce principe. Le deuxième principe est celui du respect des zones d'influence. Ce principe justifie la réticence américaine d'intervenir directement en Afrique. L'objectif principal était de ne pas offusquer les partenaires européens, notamment la Grande Bretagne, le Portugal, la Belgique et la France.101

    Le changement de l'environnement international marqué par le risque de contrôle total du continent par l'ex URSS va marquer l'évolution stratégique des principes de politique africaine des USA. Ils abandonnent le principe de respect des zones d'influences pour adopter celui de retrait de petites puissances et de l'opposition à l'URSS. Dans ce cadre, nous pouvons lire : « Mais, face au risque, réel ou supposé, de prise de contrôle du continent par l'URSS, les États-unis se substituent aux petites puissances pour gérer la décolonisation. Ainsi, Washington intervient au Congo en 1960 et finit par soutenir le général Mobutu qui, pourtant, n'était pas son favori au départ. Dans le sud, en Angola, en Namibie et au Mozambique, l'Amérique intervient très indirectement, via l'Afrique du Sud, à partir de 1975 quand le Portugal se désengage. »102

    101 DUIGNAN, P. et GANN, L.-H. Les États-unis et l'Afrique, une histoire, Economica, Paris, 1984, p. 87

    102 FAFF, W. "L'hégémonie n'a qu'un temps", in Courrier international, n° 540, 8-14 mars. 2001.

    43

    1.2. Après la guerre froide

    La fin de la guerre froide porte un coup fatal à l'intérêt américain sur l'Afrique. La fin de la guerre froide réduit sensiblement les tensions dans le monde. En Afrique, on constate la fin de l'intérêt stratégique et militaire américain. Pour marquer vraiment ce changement, L'administration Bush senior engage une politique d'apaisement et de règlement de certains conflits africains.

    Cette phase est marquée par des hésitations américaines à adopter des principes directeurs de sa politique africaine. Cet ainsi que dans la première moitié des années 1990, le gouvernement américain hésite à s'impliquer dans les problèmes du continent, en particulier dans la gestion du génocide rwandais.

    Dans la seconde moitié, l'administration américaine adopte le principe de progression des positions économiques américaines en Afrique. « Ainsi, en 1996, B. Clinton réoriente les priorités diplomatiques générales du pays, accordant une primauté de l'économique sur le militaire, au risque de mécontenter le Pentagone, dont le budget diminue »103

    L'opinion nationale américaine face aux révélations faites par deux fois par CNN va pousser l'administration à s'impliquer d'avantage en Afrique.

    « Cette chaîne retrace sur le petit écran la guerre civile et la famine qui sévissent en Somalie. Le gouvernement lance alors l'opération "Restore Hope" ("Restaurez l'espoir"), en janvier 1993. Le même appareil médiatique provoque la réaction inverse en octobre 1993, lorsque la diffusion des images du corps d'un soldat américain traîné dans les rues de Mogadiscio soulève l'opinion publique et pousse A. Clinton à retirer les troupes. Cependant, l'objectif géopolitique sous-jacent de cette opération est déjà d'endiguer l'influence islamiste. Cette opération s'achève dans la confusion, de manière tragique et humiliante pour les Etats-Unis.

    B. Clinton promulgue alors les trois principes qui président son action sur le continent :

    trouver des solutions africaines aux problèmes africains, c'est-à-dire limiter les interventions directes et chercher des relais sur place ;

    intégrer l'Afrique dans les circuits de l'économie mondiale, comme fondement de la diplomatie commerciale de l'après-guerre froide ;

    103 NOUAILHAT, Y.-H. Les États-Unis et le monde au XXe siècle,éd. Armand Colin, Paris, 2000, p. 45

    44

    S'opposer activement au terrorisme, islamiste, comme au Soudan ou en Libye. »104

    Les attentats du 11 septembre 2001 vont amener une nouvelle définition des principes de politique africaine des USA. Ainsi, Bush junior. Sous son Administration, les principes se confondent aux objectifs et aux priorités. L'élément majeur de la politique africaine est la lutte contre le terrorisme islamique, le contrôle des rogues states et des failled states en Afrique.

    §2. Les courants philosophiques de la politique africaine des USA Post-guerre froide : l'engagement sélectif et la legacy

    De la naissance de la fédération américaine à la Deuxième guerre mondiale, la politique étrangère américaine à l'égard de l'Afrique est caractérisée par une sorte de négligence sinon d'indifférence perceptible avec les années qui passent sans subir de changement majeur.105

    Après la guerre, la lutte contre l'expansion du communisme est au centre de la politique africaine des Etats-Unis entre 1947 et 1989.

    Au lendemain de la chute du Mur de Berlin, George Bush senior arrive au pouvoir avec aucune vision pour le continent africain. Le nouvel ordre mondial qu'il tente de mettre sur pied exclut totalement l'Afrique qui vient de perdre son importance géopolitique avec l'implosion de l'URSS.

    La politique étrangère à l'égard de l'Afrique sous William J. Clinton, basée, pour la plupart, sur des fondements idéalistes beaucoup plus solides, sera en définitive plus paternaliste que productive. Georges W. Bush, au début de son mandat, est tout simplement laconique dans ses propos à l'égard de l'Afrique. Peut-être ne voulait-il pas mettre en exergue ses impérities quant au continent africain. Finalement, force est de constater qu'aucune administration, comme nous le verrons plus loin, n'a véritablement développé de politique, de stratégie à long terme pour guider les activités et les implications américaines en Afrique dans les années 1990 et 2000.

    104 LERICHE, F., « La politique africaine des États-Unis : une mise en perspective », in Afrique contemporaine no 207, 3/2003 pp. 7-23.

    105 SCHRAEDER, P. - J., United States Foreign Policy Toward Africa : Incrementalism, Crisis, and Change. Cambridge, Cambridge University Press. 1994 , p. 3

    45

    §3. De l'engagement sélectif et son application dans les relations USA-AFRIQUE

    De Ronald Reagan à Georges W. Bush, en passant par Bush senior et Bill Clinton, l'engagement sélectif domine la politique étrangère américaine depuis la fin de la Guerre froide et de l'implosion de l'Union soviétique. Mais, c'est sous la présidence de Georges W. Bush que l'application de cette approche à l'égard de l'Afrique demeure évidente. Pour les observateurs de la politique étrangère, l'engagement sélectif, par définition ou par application, n'est ni du multilatéralisme ni de l'unilatéralisme.106 En 2001 Richard Haas, le chef du Policy Planning Staff au département d'État de l'administration Bush, définit l'engagement sélectif comme du « multilatéralisme à la carte ».107

    Le Secrétaire d'État de l'époque, Collin Powell rejette l'étiquette «unilatéraliste» donnée à la politique étrangère après le 11 septembre 2001. Il explique Washington, n'intervient pour défendre ses intérêts que quand lui et lui seul le juge nécessaire. »108, En réalité, l'approche s'apparente fondamentalement à un véritable bilatéralisme beaucoup plus dangereux que l'unilatéralisme pour le reste du monde.

    En effet, elle conduit la Maison Blanche à faire des choix stratégiques sur le lieu, le moment et la question sur laquelle les États-Unis doivent intervenir. Le critère fondamental à souligner, quant à l'intervention américaine sur la scène internationale, reste l'intérêt national américain en terme géostratégique, économique ou sécuritaire et ce, peu importe l'impact que celle-ci peut avoir sur le reste de la communauté internationale.

    Les caractéristiques de l'engagement sélectif sont :

    1. L'engagement sélectif (comme l'unilatéralisme d'ailleurs) amène Washington à ne pas tenir compte de l'opinion de l'ensemble de la communauté internationale et aussi surtout de l'impact de ses interventions sur cette dernière.

    2. L'approche de l'engagement sélectif favorise la mise sur pied de politiques basées sur le concept du «Pivotal State» qui amène Washington à concentrer l'essentiel de ses relations vers certains pays considérés comme des États pivots ou centraux. Ce qui définit l'État pivot : « c'est sa capacité à influencer la stabilité régionale, leurs succès ou échecs affectent les pays de la région et surtout les intérêts américains».109 Ainsi, nous pouvons citer l'Afrique du Sud en Afrique

    106 STEIN KENNETH W, op.cit. , p. 52

    107 Idem

    108 Ibidem, p.53

    109 CHASE, ROBERT, S, HILL, E.-B. et KENNEDY P., « Pivotal States and U.S. Strategy », in Foreign Affairs, vol. 75, no.1, 1996, p. 37

    46

    australe, le Nigeria en Afrique occidentale. Ces derniers reçoivent des traitements privilégiés de la part de Washington qui, à travers ces puissances hégémoniques régionales africaines, protège ses intérêts régionaux.

    3. Mais, la conséquence la plus sérieuse est que cette approche contraint les Américains à se départir de leur responsabilité de seule superpuissance à l'égard du reste du monde. En effet, Washington rejette les principes et les processus multilatéraux quand vient le temps de faire face à certaines catastrophes et urgences globales. Nous pouvons, à cet effet, rappeler le refus de Bill Clinton d'intervenir lors du génocide au Rwanda en 1994 car Washington n'y avait aucun intérêt aussi bien dans le domaine de la sécurité nationale que dans celui de l'économie. Autrement dit, l'engagement sélectif réduit à néant la notion de «responsabilité positive », liée au rôle de seule superpuissance du monde qui devrait conduire Washington à développer des politiques et des initiatives désintéressées pour aider les pays du Tiers monde à lutter contre la pauvreté, le sida et à favoriser la naissance d'une culture démocratique.

    Quant à l'Afrique, depuis la fin de la Guerre froide, l'intérêt national américain serait principalement lié aux questions de sécurité nationale. Et à un degré moindre, les questions économiques deviennent de plus en plus importantes depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000. Avec la flambée du prix du pétrole sur le marché international, Washington porte une attention encore plus grande à des pays tels que le Nigeria et le Gabon.

    Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la lutte contre le terrorisme devient la pierre angulaire des relations américano-africaines, et ce, en remplacement de l'endiguement. Il s'agit en fait d'un retour vers la politique dangereuse et malsaine de la Guerre froide qui amenait Washington à soutenir les dictatures africaines qui, à des degrés différents, participaient à la lutte contre l'expansion du communisme et ce, malgré les exactions et violations perpétrées par ces dernières à l'égard de leurs populations respectives.

    De nos jours, la Maison Blanche applique cette même politique au nom de la lutte contre le terrorisme. L'approche de l'engagement sélectif conduit donc les Etats-Unis à sélectionner un certain nombre de pays africains avec lesquels Washington développe des relations privilégiées pour la défense de ses intérêts économiques (Nigeria, Afrique du Sud et Gabon, etc.) et sécuritaires (Djibouti, Kenya, et Somalie etc.)

    47

    3.1. De la politique du legacy et son application dans les relations USA-AFRIQUE

    La deuxième approche est celle de la « politique de legacy » qui est construite à partir du concept de legacy lui-même ou d'héritage. La question fondamentale serait de savoir comment se souviendra-t-on du président? Concrètement, cette politique consiste à associer à jamais une politique ou des initiatives au nom de la famille du président.

    Celles-ci peuvent véhiculer des idéologies ou des messages électoraux favorables au président du moment. Ainsi, cette politique de `legacy' permet non seulement, à l'administration Bush de mettre en exergue son soi-disant intérêt pour l'Afrique, mais aussi de redorer son blason auprès de l'électorat noir américain qui dans une certaine mesure s'est toujours soucié du sort du continent africain. Malheureusement, cette approche ne tient compte ni des résultats ni de l'impact des politiques sur les pays africains.110

    En définitive, nous pouvons résumer les principes de politique africaine des USA en plusieurs séquences ou phases. Chacune de ces phases obéit au changement d'environnement international. Le début de la période post guerre froide est marqué par des hésitations quant à l'élaboration des principes clairs de politique africaine. Bill Clinton a posé le principe de la diplomatie commerciale : « l'accent est mis sur le potentiel économique de l'Afrique. Washington, dont l'objectif est de réduire la dépendance énergétique nationale à l'égard du golfe Persique, souhaite accroître ses importations pétrolières en provenance de l'Afrique occidentale, de 15 % en 2001 à 25 % en 2020 ».111 Sous Bush junior la politique africaine des USA était guidée par le principe de sécurisation préventive, lequel principe passe par une politique tournée vers le développement économique, le renforcement du processus de démocratisation du continent et la prévention du sida. Après le 11 septembre, le principe de sous traitance militaire s'est ajouté à ceux existant déjà.112

    3.2. Les lignes forces et stratégies de la politique américaine en Afrique

    La politique africaine des USA est marquée par trois grands objectifs : 1/ La lutte contre le terrorisme ;

    2/ La sécurité énergétique ;

    3/ L'expansion du marché et de la démocratie ;

    110 The Legacy: President Clinton's legacy to Africa. In www.acapublishing.com/legcontent, (consulté en janvier 2004).

    111 SERVANT, J.-C., "Offensive sur l'or noir africain", in Le Monde diplomatique, janvier. 2003,

    112 Voir à ce propos, HASSNER, P. et VAÏSSE J., Washington et le monde, CERI/Autrement, Paris, 2003.

    48

    Les Etats-Unis ont monté une politique africaine construite sur les pôles fédérateurs qu'ils appellent les États pivots. Ces États sont notamment : l'Afrique du sud, l'Éthiopie, le Kenya, l'Ouganda, le Sénégal.

    En dehors des États pivots, les USA ont quelques pays d'importance majeure pour des raisons de sécurité. Ainsi, le Djibouti et le Sao Tome et Principe, ont une importance stratégique dans la gestion militaire et celle de sécurisation des routes maritimes. En plus, Ils chercheront à trouver un pays d'accueil pour l'Africom (unité de commandement américain pour l'Afrique).

    D'une manière générale, il est peu probable que les USA s'engagent dans des dossiers brûlants en Afrique, sauf en cas d'une large nécessité.

    49

    CHAPITRE III : LE SYSTEME INETERNATIONAL EN GESTATION SECTION 1. DESORDRE APRES LA GUERRE FROIDE

    Dans son discours d'adieu à la présidence en janvier 1953, Harry Truman envisageait l'avenir avec confiance. Selon lui, il ne faisait aucun doute que la menace du Communisme, "problème majeur de notre époque", finirait par être résolue. De "ce monde tant espéré et qui émergera tôt ou tard", il dressa les grandes lignes : "une nouvelle ère", un âge d'or fantastique, où notre capital, nos compétences et nos connaissances seront libérées des contraintes de la défense et enfin consacrées entièrement à des fins pacifiques partout dans le monde. Pour en finir avec la pauvreté et la misère humaine sur terre ... il n'existera aucune limite à ce que l'on pourra entreprendre"113.Il semblerait que nous soyons entré dans la nouvelle ère dont parlait Truman.

    La Guerre Froide semblait à l'époque insoluble : neutraliser la force soviétique, comme l'observait Henry Kissinger en 1976, "est une nécessité qui ne nous quittera pas et peut-être ne sera-t-elle jamais complètement résolue114. En 1986, Zbigniew Brzezinski affirmait que "le conflit américano-soviétique n'est pas une aberration temporaire mais une rivalité historique qui persistera longtemps"115. La menace communiste internationale a non seulement été résolue comme l'affirmait Truman, mais de plus elle a complètement disparu. Au cours de ce processus remarquablement bref, tous les problèmes majeurs qui perturbaient depuis près d'un demi-siècle les relations internationales des grands pays, mieux connus sous le nom de Grandes Puissances, ont virtuellement été résolus : on citera l'occupation impopulaire et souvent brutale de l'Europe de l'Est par les Soviétiques, la division artificielle et préoccupante de l'Allemagne, la coûteuse et virulente compétition militaire entre l'Est et l'Ouest ; compétition qui restait toujours dangereuse et dégénérait parfois en crise ouverte, la lutte idéologique entre un communisme autoritaire, expansionniste, qui encourageait la violence et une démocratie capitaliste sur la défensive et parfois affolée.

    Cependant, bien que nous soyons aujourd'hui plus libres que jamais d'utiliser notre capital, nos compétences et nos connaissances scientifiques pour éliminer la pauvreté et la misère humaine, il semblerait que cet « âge d'or » ne soit pas encore arrivé. Bien entendu, la phrase de Truman est exagérée, elle frise même dangereusement la poésie, et interprétée dans le sens d'une utopie insouciante, elle décrit un rêve inaccessible. Cela-dit, même si Truman était parfois un peu rêveur, il était bien trop réaliste pour croire à la perfection absolue. Une grande partie de notre réticence à adhérer à son idée provient de la manière dont nous avons tendance à regarder le monde. Celle-ci

    113Truman H. S., Public papers of the President of the United States: Harry S. Truman, 1952-1953, W(...) 114Kissinger H. A., American Foreign Policy, New York, Norton, 3rd ed., 1977, p. 304

    115Brzezinski Z., Game plan : A geostrategic framework for the conduct of the U.S.-Soviet contest, B(...)

    50

    nous empêche d'accepter l'idée que nous puissions vivre dans un tel âge d'or même si celui-ci vient frapper à la porte. Le personnage principal de la pièce de George Bernard Shaw "Homme et Surhomme" illustre bien ce phénomène : "Dans la vie il y a deux tragédies : l'une est de ne pas réaliser ses désirs, l'autre est de les réaliser".

    Même si la plupart des problèmes qui ont hanté la planète au cours du dernier demi-siècle, problèmes majeurs pour reprendre les termes de Truman, ont été résolus, la quête incessante d'autres sujets de préoccupations se poursuit de plus belle. Et s'est par conséquent répandu la conception selon laquelle les affaires internationales sont devenues aujourd'hui particulièrement tumultueuses, instables et complexes. Cette idée a été reprise si souvent qu'elle sonne aujourd'hui comme un mantra116.

    Ainsi Bill Clinton proclamait-t-il en 1993, dans son discours d'investiture à la présidence que "le nouveau monde est plus libre mais moins stable" et le Directeur de la CIA de l'époque, James Woolsey, non sans une touche d'intérêt corporatiste, faisait part de sa conviction que "nous avons abattu un gigantesque dragon qui nous barrait la route mais nous vivons désormais dans une jungle infestée d'une diversité déconcertante de serpents venimeux"117. Son prédécesseur à la CIA, Robert Gates, abondait en son sens : "Les événements des deux dernières années nous ont précipité dans un monde beaucoup plus instable, turbulent, imprévisible et violent"118. Cette idée a aussi trouvé un écho favorable auprès de nombreux spécialistes des relations internationales qui tentent de s'adapter à un champ en pleine mutation où les anciens paradigmes ne fonctionnent plus et qui voient leur discipline perdre de son attrait. Ainsi, pour Stanley Hoffmann, "la question de l'ordre est devenue bien plus complexe qu'auparavant"119.

    Pour parvenir à une telle conception, cinq procédés ont été utilisés : le passé a été simplifié, un biais eurocentrique a été introduit, les définitions ont été modifiées, les critères ont été rehaussés, et les problèmes auparavant mineurs ont vu leur importance réévaluée.

    §1. Simplification Du Passe : Les Souvenirs De La Guerre Froide

    Les conclusions tirées sur la complexité du monde après la Guerre Froide sont en partie issues d'un schéma remarquablement simplifié de ce qui s'est réellement produit durant cette période. Ce phénomène est lié à notre manière de regarder le passé avec une certaine myopie, à le reconsidérer de

    116En sanskrit, « instrument de la pensée, formule sacrée, hindoue ou bouddhique, qui a un caractère magique 117Cf. Testimony before the Senate Intelligence Committe, 2 february 1993

    118Cf. « No time to disarm », Wall Street Journal, 23 august 1993, A10.

    119Cf. « Delusions of world order », New York Review of Book, 9 april, 1992, p. 37.

    51

    manière beaucoup plus bienveillante, simpliste et innocente qu'il ne l'était en réalité120. Aussi favorable que soit le cours des événements actuels, le passé semble toujours meilleur. Et, plus on y réfléchit, plus on se considère malheureux comparativement à autrefois. Il y a bien des "âges d'or", mais nous ne les vivons jamais, ils se sont toujours enfuis quelque part : dans le bon vieux temps ou dans un avenir inaccessible.

    Par exemple ceux qui se souviennent, avec nostalgie des "happy days" des années 50 oublient le Maccarthysme, la guerre meurtrière en Corée, ou encore le malaise profond suscité par la menace apparemment sérieuse du communisme, avec sa volonté d'"enterrer" l'Ouest en 10 ou 20 ans tout au plus, inquiétudes entretenues par les prévisions de la CIA selon lesquelles le PIB de l'Union Soviétique représenterait le triple de celui des Etats-Unis en l'an 2000121.

    Dans la même veine, il faut rappeler les propos de Woosley qui estimait que la menace de Guerre Froide pouvait être résumée succinctement et brièvement puisque notre adversaire est "une seule puissance dont les intérêts menacent fondamentalement les nôtres"122. Ou encore, l'opinion de Thomas Friedman du New York Times selon laquelle "tout ce que les hommes politiques avaient à faire était de tourner leurs compas en direction des conflits régionaux pour voir quelle position allait adopter Moscou et en déduire immédiatement celle de l'Amérique"123. Et la conviction de Meg Greenfield de Newsweek pour qui "déterminer les intérêts des Etats-Unis à l'étranger est devenu une tâche plus difficile depuis la disparition de la menace uniforme, clairement définie et comprise par tous"124.

    Malgré tout, la menace du communisme était changeante, multiforme et extrêmement complexe. Il y avait la plupart du temps deux sources principales de menace, la Chine et l'URSS et non pas une seule. Ainsi, le défi relevé par la guerre du Vietnam provenait de la Chine et non de l'Union Soviétique125. De plus, les Chinois et les Soviétiques, même s'ils menaçaient conjointement l'Ouest, étaient le plus souvent en profond désaccord, parfois presque en guerre, sur les stratégies et les tactiques à adopter, ce qui compliquaient encore plus les choses126.

    Dans la plupart des cas, il était extrêmement difficile d'adopter une position : les Etats-Unis ont soutenu la Chine contre les Soviétiques en Angola, ont été pendant des années pour le moins perplexes sur l'attitude de Fidel Castro à Cuba, mais ils ont rejoint le camp soviétique pour soutenir la

    120Pour une idée opposée à celle-ci voir, Bettmann O. L., The good old days : They were terrible !,(...) 121Reeves R., President Kennedy : Profile of power, New York, Simon & Schuster, 1993.

    122Op. cit.

    123Cf. « It' harder now to figure out compelling national interest », New York Times, 31 may 1992, E(...) 124Cf. « Reinventing the world », Newsweek, 20 december 1993, p. 128.

    125Cf. Mueller J., Retreat from doomsday : The obsolescence of major war, New York, Basic Books, 198(...) 126Samuel Huntington, soutient que le paradigme de la Guerre Froide « a aveuglé les spécialistes et(...)

    52

    création de l'Etat d'Israël, ainsi qu'un régime gauchiste en Tanzanie, et parce qu'ils considéraient que la plupart des insurrections communistes étaient liées d'une manière ou d'une autre à des troubles internes, ils n'ont jamais pu déterminer si certains pays, comme le Mozambique, devaient ou non être considérés comme des pays communistes.

    Friedman et d'autres peuvent bien penser que la politique du containment et ses implications théoriques sur la gestion de l'expansionnisme soviétique, fournissait une ligne directrice claire et un code de conduite limpide qui garantissaient la cohérence de la politique extérieure américaine.

    La réalité de la Guerre Froide nous suggère au contraire qu'il y eut surtout des hésitations et des improvisations dans l'application de cette politique. A peine la politique du containment était-elle formulée, que Truman laissait la Chine rejoindre le camp communiste.

    Eisenhower quant à lui se refusa à engager des moyens militaires pour empêcher la victoire communiste en Indochine mais il tint bon sur les îles de Quemoy et Matsu au large des côtes chinoises.

    Kennedy pour sa part voulait consolider les positions anticommunistes au Sud Viêt-Nam, mais au même moment il accordait le contrôle effectif du Laos aux communistes. La politique du containment aurait pu constituer une ligne de conduite utile mais elle n'a en réalité guère facilité la formulation d'objectifs politiques. Ainsi, les Etats-Unis et leurs alliés se disputaient fréquemment sur la manière dont ils devaient faire face à la menace "menace uniforme, clairement définie et comprise par tous", telle que la qualifiait M. Greenfield.

    En fait, si la période d'après-guerre Froide ressemble à une jungle infestée de serpents venimeux, la Guerre Froide quant à elle était une jungle dominée par au moins deux dragons et infestée de serpents venimeux dont certains étaient de divers types, sinueux et le plus souvent d'une complicité ambiguë et sournoise avec l'un ou l'autre des deux dragons. Déterminer laquelle de ces jungles est la plus préférable et la moins complexe semble évidente. La Guerre Froide constituait une complexité supplémentaire dans les relations que les Etats-Unis entretenaient avec un grand nombre de pays. Ainsi, les Etats-Unis ont dû traiter Mobutu comme un dictateur qui avait mené son pays à la ruine mais un dictateur qui se trouvait à leurs côtés dans la Guerre Froide. Aujourd'hui, ils peuvent le traiter seulement comme un dictateur qui a mené son pays à la ruine. Il est donc important de souligner dans ce domaine que la politique internationale est devenue bien moins complexe qu'elle ne l'était durant la Guerre Froide.

    53

    M. Greenfield déplore "la disparition de l'ordre, de l'autorité et des institutions à travers le monde", considérant implicitement que nous sortons d'une période où "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil", et où l'autorité restait incontestée suggestion somme toute étonnante127.

    De même, Hoffmann considère que pendant la Guerre Froide, "les Superpuissances, mues par la crainte d'une guerre nucléaire, avaient élaboré petit à petit des règles et des contraintes pour éviter la confrontation militaire directe"128. Ceci est vrai, mais il faut souligner que ces pays finissaient par se trouver impliqués dans des conflits armés indirects, dont certains étaient particulièrement meurtriers.

    Et dans notre nouveau monde, quelque désordonné et complexe qu'il puisse paraître, les risques de confrontation militaire, directe ou indirecte, entre l'Est et l'Ouest, se sont tellement réduits qu'il en est devenu absurde de suggérer qu'un code de règles et de contraintes soit nécessaire pour les éviter, en tout cas tout aussi saugrenu que d'affirmer qu'un tel code est aujourd'hui nécessaire à la prévention d'un conflit entre les Etats-Unis et le Canada.

    §2. Nationalisme, eurocentrisme et guerre locale

    Les guerres ethniques et nationalistes ne sont certainement pas nouvelles. Comme le faisait remarquer Barry Posen, "le nationalisme n'était pas inexistant au cours de ces quarante-cinq dernières années : il a joué au contraire un rôle clé dans le processus de décolonisation, alimentant à la fois les guerres révolutionnaires ou les guerres interétatiques129. Des inquiétudes nouvelles sur le nationalisme en Europe ont vu le jour, mais ceux qui trouvent le monde plus complexe et tumultueux qu'il ne l'était durant la Guerre froide se focalisent en réalité sur le seul continent européen.

    Or, depuis la fin de la Guerre Civile grecque en 1949, l'Europe n'a plus connu de guerre civile. Ce bilan remarquable est aujourd'hui remis en question par les guerres civiles qui ont éclaté dans l'ancienne Yougoslavie. En plus, le chaos politique et économique, parfois violent, a accompagné la désintégration des empires soviétique et russe en Europe de l'Est et particulièrement en Asie.

    Ces problèmes sont bien entendu très réels mais il convient de souligner à nouveau la résolution, remarquablement pacifique, des problèmes internationaux les plus cruciaux qui étaient concentrés en Europe.

    127Op. cit.

    128Hoffmann S., « Delusions of world order », New York Review of Books, 9 April, 1992, p. 37. 129Posen B. R., « Nationalism, the mass army, and military power, International Security, 18 fall, 1(...)

    54

    Par ailleurs, il n'est pas du tout évident que la Guerre Froide ait empêché l'éclosion des conflits civils en Europe. L'épuration ethnique" n'est pas un phénomène récent. Pendant des années, les Bulgares par exemple ont poursuivi une politique de persécution systématique vis-à-vis des immigrés turcs. Les combats entre Arméniens et Azéris ont commencé avant la Guerre Froide, alors que conflit yougoslave résulte d'une tentative mal maîtrisée et incontrôlée de fédérer le pays, une situation qui aurait pu tout aussi bien se produire pendant la guerre froide130.

    Parallèlement, si l'Europe de l'après-guerre Froide subit aujourd'hui plus de conflits armés que durant la Guerre Froide, le reste du monde, lui, connait moins de guerres qu'auparavant. L'Amérique latine a connu une longue et sanglante série de guerres civiles dont la plupart avaient été inspirées ou du moins exacerbées par la compétition de la Guerre Froide.

    A la fin de celle-ci, cette zone du monde s'est affranchie de toute guerre civile. Autre exemple encore plus probant, celui de l'Est et du Sud-est de l'Asie. La Guerre Froide a provoqué ou du moins exacerbé des guerres longues et coûteuses en Corée, en Malaisie, en Thaïlande, en Chine, au Vietnam, et au Cambodge où elle n'a pas seulement mené à la guerre civile mais à une paix qui était bien pire. Des problèmes subsistent dans l'Est asiatique mais cette zone est devenue certainement plus stable, plus pacifique et plus prospère sur le plan économique qu'elle ne l'a été durant la Guerre froide. Par conséquent, à moins d'adopter une perspective complètement eurocentrique, il est tout simplement inexact d'affirmer que "les conflits entre nations et groupes ethniques prolifèrent" comme l'a formulé Samuel Huntington, ou d'affirmer comme Stanley Kober que de tels conflits sont "en train d'envahir le monde"131.

    Dans la mesure où le nationalisme ou l'ultranationalisme constituaient l'une des causes principales de la Première et de la Seconde Guerre Mondiale, le souci de le voir réapparaître en Europe est certainement justifié132. Mais le nationalisme demeure puissant non seulement en Europe de l'Est mais aussi dans les paisibles pays de l'Europe de l'Ouest.

    Or, là, les divergences nationales ne s'expriment que rarement par la violence, ou par des menaces de violence même si des visions messianiques à propos des transformations du monde continuent de se refléter dans les perspectives nationalistes133.

    130Pour les commentaires critiques de Vaclav Havel sur le « nettoyage ethnique » des allemends et de(...) 131Cf. Huntington S., « Why international primacy matters », International Security, 17, spring, 199(...) 132VoirMearsheimer J. J., « Back to the future : Instability after the Cold War », International Se(...) 133Howard M., The Lessons of history, New Haven, CT, Yale University Press, 1991, chapitres 2 et 4.

    55

    Cependant, ceci ne signifie pas forcément que les Européens de l'Ouest sont moins nationalistes qu'ils ne l'étaient dans les années 1920 ou même 1890. Est-ce que les Britanniques dont une bonne partie a récriminé à propos du nouveau tunnel sous la Manche, apprécient les Français plus que jadis ? Est-ce que les Italiens se sentent moins Italiens qu'auparavant ?

    L'émergence de relations économiques plus étroites en Europe peut seulement signifier que ces pays ont enfin compris qu'il y avait un bénéfice à escompter d'une coopération économique mais elles n'impliquent pas que ces Européens s'apprécient plus les uns les autres, ou qu'ils s'identifient davantage aujourd'hui à une nation européenne.

    La réunification de l'Allemagne représente un triomphe spectaculaire et pacifique du sentiment national : Si le nationalisme allemand s'était réellement dégradé, on aurait pu s'attendre à ce que la division de l'Allemagne subsiste après le départ des Soviétiques mais on a constaté rapidement qu'une Allemagne de l'Est indépendante n'avait plus guère de sens et les Allemands se sont jetés dans les bras les uns des autres.

    Le nationalisme peut bien entendu conduire à la guerre et au désastre mais comme le suggère l'expérience de l'Europe de l'Ouest, il n'est pas besoin de le supprimer pour que la paix domine. La France et l'Allemagne aujourd'hui ne s'accordent pas sur tout mais ils n'envisagent plus d'utiliser la guerre ou la menace de la guerre pour résoudre leurs désaccords. Ils ont ainsi modifié l'un des plus importants paradigmes de la première moitié de ce siècle. Il serait particulièrement intéressant de voir si cette attitude peut influencer l'Europe de l'Est au moment où ces pays forgent leur destin.

    La plupart d'entre eux ont parfaitement réussi à éviter la violence au cours de leur libération du joug soviétique ; ceci nous laisse espérer qu'en dépit de la violence nationaliste et malgré le cas Yougoslave, la guerre internationale pourra être évitée dans cette région. Le nationalisme peut en effet aussi être considéré comme une force constructive : si la Pologne parvient à surmonter ses troubles actuels, le nationalisme polonais y aura certainement contribué de manière positive.

    De plus, il est possible d'identifier quatre développements importants susceptibles de réduire la fréquence et l'intensité des guerres locales en Europe ou ailleurs. Tout d'abord, la mort du communisme a entraîné dans sa chute bien des mythes romantiques sur la révolution134. Au cours des deux derniers siècles, de nombreux experts, philosophes et activistes politiques n'ont pas caché leurs enthousiasmes pour la révolution et ses soi-disant effets salutaires et purificateurs.

    134 Par exemple, dans un livre sur le Vietnam qui s'est vu accorder de nombreux prix, le journaliste(...)

    56

    Plus particulièrement, le communisme a affirmé pendant des décennies que les révolutions réussies et les guerres de libération dans le Tiers Monde entraîneraient un renouveau social, politique et économique. Les désastres qui ont suivi les révolutions soi-disant réussies au Vietnam et ailleurs ont surtout "purifié" le monde de l'idée selon laquelle la révolution peut avoir le moindre effet purificateur. Depuis, cette dialectique politique qui avait fait couler tant de litres d'encre et de sang a été heureusement abandonnée.

    Deuxièmement, une fois la violence révolutionnaire discréditée aux yeux du monde entier, les réformes démocratiques pacifiques sont parallèlement devenues de plus en plus séduisantes, avec pour résultat que l'idéal démocratique s'est répandu à travers le monde. La démocratie est certes imparfaite mais souvent efficace pour résoudre les conflits locaux de manière pacifique. De plus, et contrairement à ce que l'on pense généralement, il semblerait que la démocratie soit un processus qui puise s'instaurer relativement aisément135.

    Troisièmement, bien que peu de guerres locales aient été déclenchées directement par les principaux protagonistes de la Guerre Froide, bon nombre d'entre elles se sont sérieusement aggravées suite à leurs interventions. L'un des arguments principaux de l'idéologie communiste reposait sur l'idée que la violence révolutionnaire était la plupart du temps inévitable et que les Etats communistes se faisaient un devoir de les y aider. Parallèlement, la politique du containment à l'Ouest impliquait que la force soit utilisée pour repousser ces interventions.

    Les grandes puissances restreignirent ou tentèrent de restreindre leurs petits "clients", mais le plus souvent elles s'y impliquèrent ouvertement. En plus de la Corée, du Viêt-Nam, de la République Dominicaine, du Liban en 1958, de l'Inde, de l'Afghanistan et de la Grenade où des troupes américaines, soviétiques et/ou chinoises ont été directement engagées, on peut estimer que la Guerre Froide a exacerbé des conflits violents en Thaïlande, en Birmanie, au Guatemala, au Nicaragua, au Salvador, au Venezuela, à Cuba, en Grèce, au Pérou, en Argentine, en Bolivie, au Cambodge, au Laos, en Angola, en Inde, au Mozambique, au Chili, au Congo, au Brésil, en Ethiopie, en Algérie, en Irak, aux Yémen, en Hongrie, à Zanzibar, en Afrique du Sud, en Guyane, en Indochine française, en Malaisie, en Iran, en Indonésie et aux Philippines.

    Avec la fin de la Guerre Froide, on peut s'attendre à ce que de telles recrudescences n'aient plus lieu. Dans la mesure où cela signifie moins d'armes étrangères et moins d'aides extérieures aux potentats locaux, ces conflits et leur intensité devraient diminuer. En 1991, les ventes d'armes à ce que l'on appelait encore le Tiers Monde ont chuté d'un tiers par rapport au record atteint en 1986136. En 1993, elles avaient encore diminué de 20 %137.

    135A ce propos voir Mueller J., « Democracy and Ralph's pretty good grocery : Elections, inequality,(...) 136Wright R. J. Jr, Testimony before the Senate Intelligence Committe, 2 february 1993.

    57

    Mais l'expérience nous a malheureusement montré que les belligérants n'avaient besoin ni d'encouragements ni d'armes sophistiquées pour s'enrichir et semer le désordre. L'amélioration ne sera donc en aucun cas satisfaisante. Quatrièmement, alors que la coopération était particulièrement difficile à mettre en oeuvre durant la guerre froide en raison de la lutte intense qui figeait les positions de l'Est et l'Ouest, ces deux camps ont aujourd'hui de bonnes raisons de coopérer dans la plupart des domaines pour favoriser la paix et la stabilité.

    Cependant, ils ne coopéreront de manière significative, c'est -à-dire en envoyant conjointement leurs troupes dans des zones à risques, uniquement là où ils considèreront que leurs intérêts sont fortement en jeu. La plupart du temps, ils se contenteront d'encourager des organisations comme les Nations unies à assumer les tâches singulièrement peu séduisantes du maintien et du renforcement de la paix dans les zones périphériques138.

    Des "gardiens de la paix" perdront la vie, mais si la structure organisationnelle de ces opérations est modifiée pour que ces pertes touchent principalement des volontaires internationaux plus anonymes que des unités nationales facilement identifiables, alors l'impact de politique intérieure en sera plus faible pour chacun des pays concernés.

    le contraste entre d'une part la lancinante routine des conflits à Chypre et en Irlande du Nord et d'autre part la terrible catastrophe bosniaque nous suggère que le patient travail de police internationale mené à Nicosie et à Belfast pendant des années a certainement permis de sauver des milliers de vies humaines139.

    Avec la fin de la compétition issue de la guerre froide, de telles opérations conjointes seront de plus en plus fréquentes dans la mesure où l'Est et l'Ouest se retrouveront du même côté dans la majeure partie des conflits. Ainsi, sur les 26 missions de maintien de la paix entreprises par les Nations unies entre 1945 et 1992, 12 d'entre elles ont débutées après 1988140. Le budget des Nations Unies affecté au maintien de la paix a quadruplé, passant de 700 millions de dollars en 1991 à 2,8 milliards de dollars en 1992141.

    De plus, avec l'application de sanctions économiques contre l'Iraq en 1990, contre Haïti en 1991 et contre la Serbie en 1992, les grandes nations sont peut-être en train d'affuter une nouvelle arme crédible, bon marché et sans doute efficace contre les agresseurs et semeurs de troubles des petits ou

    137Schmitt E., « Arms sales to third world, especially by Russians », drop, New York Times, 20 July,(...) 138Cf. Urquhart B., « For a UN volunteer military force », New York Review of Books, 10 june, 1993,(...) 139Mais cela tend à être une tâche ingrate dans la mesure où les personnes dont les vies ont été sau(...) 140Prial F. J., « U. N. Seeks signal on troop notice », New York Times, 20 July, A2.

    141New York Times, 12 décembre 1992, p. 12.

    58

    moyens Etats. L'application de ces sanctions a en effet clairement montré que le monde pouvait sans peine se passer de la participation économique de ces pays, et dans un contexte d'harmonie relative, elles permettent de leur infliger de sérieux dommages à peu de frais.

    SECTION 2. L'IMPOSSIBLE GESTION MULTILATERALE DUMONDE ?

    En 1990, le Président des Etats-Unis rêvait à « un nouvel ordre mondial fondé sur le droit » où l'ONU accomplirait « sa destinée de parlement mondial de la paix. »Or en 2010, le moins qu'on puisse dire c'est que le rêve ne s'est pas réalisé, et s'il ne s'est pas transformé en cauchemar, à tout le moins est-il moins sûr qu'en 1990.

    §1. La réforme des nations unies: enjeux et perspectives

    Les changements intervenus dans les relations internationales à partir de 1985-1987, amplifiés et accélérés à partir de 1990-1992, ont posé de façon accrue le problème de la réforme des Nations Unies et de son adaptation à une donne internationale mouvante dans un contexte global caractérisé par ce que les spécialistes ont appelé la mondialisation et la fragmentation.

    A l'origine du débat sur l'avenir des Nations Unies se trouve le sentiment que l'Organisation n'a pas accompagné, dans ses structures et ses méthodes de travail, les évolutions du système international, se contentant de suivre et de mettre en oeuvre un ordre du jour établi pour préserver les "points de repère" de la guerre froide. Le recours massif, voire abusif, aux opérations de maintien de la paix, conforte les critiques du système, accusé de donner les mêmes réponses à des problèmes qui ont à la fois changé de nature et d'origine.

    Le Cinquantième anniversaire de l'Organisation constituait l'occasion "rêvée" qui devait marquer, selon les mots mêmes de l'ancien Secrétaire général, Boutros Boutros-Ghali, le passage de "la vieille à la nouvelle ONU". Force est de constater que cette occasion a été manquée.

    Les Etats membres ont laissé passer, à l'automne 1995, l'occasion de débattre de façon sérieuse et déterminée de la question de la réforme142, et d'établir un ordre du jour précis pour sa mise en oeuvre. Certes, un "Groupe de travail de haut niveau à composition non limitée sur le renforcement des Nations Unies" (ou "Groupe Essy", du nom du Président de l'Assemblée générale qui a recommandé sa création et l'a présidé)143 a été créé, mais il a surtout consacré ses travaux à l'étude de propositions organisationnelles et n'a

    142 Cette question a été évoquée, pour la première fois de façon formelle et concertée, par les pays membres du G7 lors du Sommet tenu à Halifax en juin 1995.

    143 Ce groupe de travail a été établi, à la demande des Etats-Unis, par la résolution 49/252, le 14 septembre 1995, lors de la 49ème session de l'Assemblée générale.

    59

    guère abordé dans sa globalité la question de la réforme.144 Le matériau ne manquait pourtant pas.

    L'année 1995 avait été marquée par la publication de plusieurs rapports de groupes indépendants concernant l'avenir des Nations Unies.145 C'est paradoxalement après le cinquantième anniversaire de l'ONU dont la célébration avait été considérée comme un moment décisif pour la mise en oeuvre de réformes profondes que le processus de réforme du système des Nations Unies suscita un regain d'intérêt auprès des Etats membres.

    1996 a été, à ce titre, une année charnière, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les Etats-Unis sont intervenus au plus haut niveau dans le débat. Ils ont publié en février et en avril deux documents contenant des propositions détaillées à ce sujet.146 La question de la réforme des Nations Unies a, en outre, été, à partir de juin, un enjeu significatif, à défaut d'être central, de l'élection présidentielle américaine entre la majorité républicaine du Congrès et le Président Clinton.

    En juin 1996, la réforme du système des Nations Unies a été à Lyon, pour la deuxième fois, à l'ordre du jour d'un Sommet du G7, sommet auquel ont également été conviés les dirigeants de l'Organisation des Nations Unies, du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale et de l'Organisation mondiale du commerce.

    Le Sommet de Lyon a, entre autres, formulé de nouvelles propositions dans le domaine économique et social147, et a insisté sur la mise en oeuvre immédiate et rapide de certaines réformes relatives à la coordination entre les différents organes du système et aux réductions budgétaires.

    Malgré cette demande les débats de la 51ème session de l'Assemblée générale se sont déroulés dans un climat de relatif attentisme (quant aux résultats des élections présidentielles américaines et de l'élection du Secrétaire général) et soldés par un "consensus mou" quant à la nécessité d'une réforme

    144 Signalons que l'Assemblée générale a créé, en tout, pas moins d'un comité et de 5 groupes de travail chargés d'étudier le futur du système des Nations Unies et de ses actions:

    145 Pour êtreexhaustif, citons: le rapport Ramphal/Carlsson ("Our Global Neighbourhood"), le rapport Qureshi/Weizsäcker ("The United Nations in its Second-Half-Century: A Report of the Independent Working Group on the Future of the United Nations"), le rapport Ogata/Volker ("Financing an Effective United Nations: A Report of the Independent Working Advisory Group on UN Financing"), et le rapport du South Centre ("For a strong and democratic United Nations: A South Perspective on UN Reform"). Ces rapports avaient été précédés en 1994 de trois rapports importants: le rapport mondial sur le développement humain du PNUD, le rapport Urquhart/Childers ("Renewing the United Nations System") et le rapport de la Rajiv Gandhi Memorial Initiative for the Advancement of HumanCivilization ("Reform of the United Nations Organization"); et, en novembre 1993, le rapport Trivelli (du nom de son rapporteur) de la Commission des affaires étrangères du Parlement européen "sur le rôle de l'Union au sein de l'ONU et sur le problème de la réforme de l'ONU". On peut ici regretter l'absence de propositions et d'études significatives purement françaises.

    146 "US Views on Reform Measures Necessary For Strengthening The United Nations System", février 1996; "Preparing the United Nations for Its Second Fifty Years", 24 avril 1996.

    147 Notamment le regroupement des trois départements du Secrétariat s'occupant des questions économiques et sociales dans un seul et même département, proposition qui a été mise en oeuvre dans le plan de reforme de Kofi Annan.

    60

    en profondeur du système. Aucune proposition sérieuse, aucun calendrier précis ni aucun plan concret ne sont venus appuyer cette volonté, et ce malgré la centralité du thème de la réforme dans les débats. Il a fallu attendre la nomination de M. Kofi Annan au poste de Secrétaire général pour voir établir, malgré un contexte difficile dû notamment aux pressions financières des Etats-Unis148, un échéancier strict pour la mise en oeuvre de réformes.149

    Les deux ou trois années qui nous séparent du XXIème siècle apparaissent donc comme cruciales pour l'Organisation des Nations Unies et le système qui l'entoure. L'enjeu du débat actuel est en effet rien moins que leur existence même.

    Mais pour y répondre, encore faut-il s'attaquer aux questions de fond. Une série de questions doit ainsi se poser: quelles sont les missions fondamentales du système des Nations Unies, quel est son rôle, quelle est son utilité dans le monde d'aujourd'hui? Et au XXIème siècle? Quelle est sa vocation prioritaire et que doit-elle être à l'avenir?

    En d'autres termes, comment l'Organisation peut-elle s'adapter aux évolutions du système international pour "donner au XXIème siècle une ONU équipée, financée et structurée de façon à servir efficacement les peuples pour lesquels elle a été créée"?150

    De la réponse à ces questions découle le sens des réformes proposées par les Etats membres et la conception qu'ils ont du rôle futur de l'ONU dans le système international. Surtout, ces questions portent à la fois sur la préparation du XXIème siècle, sur les moyens à mettre en oeuvre en vue d'une "gestion de l'imprévisible"151, et sur les principes, les buts et le futur de l'ensemble du système des Nations Unies. En clair, il ne s'agit pas seulement de s'adapter au jour le jour, mais d'anticiper pour édifier un système réellement en phase avec les défis de demain.152

    148 Les Etats-Unis qui devaient, au 30 novembre 1997, 1,3 milliards de dollars à l'Organisation ont conditionné le règlement de ces dettes à la mise en oeuvre de réformes. Robert Livingstone, président de la Commission des attributions budgétaires à la Chambre des Représentants, avait en effet affirmé de façon très claire: "si nous réglons nos comptes trop vite, nous craignons de ne pas voir les réformes que nous souhaitons" (Le Monde, 26-27 janvier 1997). Voir également l'éditorial du Monde, "l'ONU et la dette américaine", 10 janvier 1997 et le détail des conditions mises par le Congrès (au nombre desquelles se trouvent la réduction de la contribution américaine au budget général et à celui des opérations de maintien de la paix) dans Le Monde, 14 juin 1997. Selon le directeur de l'Association américaine pour les Nations Unies (UNA/USA), "les appels constants à la réforme ne sont qu'un alibi; le but réel est d'affaiblir l'ONU autant que possible et de réduire son rôle, pour que les Etats-Unis puissent décider et agir seuls" (Libération, 22 septembre 1997).

    149 Documents "Track I" (A/51/829) du 17 mars 1997 et "Track II" (A/51/950) du 14 juillet 1997.

    150 Déclaration du 50ème anniversaire de l'ONU, 24 octobre 1995.

    151 Pour reprendre l'expression de Jacques Lesourne (Les mille sentiers de l'avenir, 1981, éditions Pluriel).

    152 Entretiens avec M. Jérôme Bindé, Directeur de l'Unité d'analyse et de prévision de l'UNESCO.

    61

    §2. Un impératif : anticiper pour s'adapter

    Une réforme effective des Nations Unies exige que l'on ait convenablement analysé le contexte international dans lequel elle se situe. Elle ne peut faire l'économie de la réflexion et de l'effort prospectif: "repenser" l'après-guerre froide est donc la première des priorités. En effet, aucune conférence internationale de nature politique n'a été organisée pour répondre aux bouleversements survenus entre 1989 et 1992, comme cela avait eu lieu après la guerre mondiale de 1914-1918 et celle de 1939-1945. Or les changements radicaux engendrés par la chute du mur de Berlin et du Rideau de fer, par la dislocation de l'empire soviétique et par l'accélération de la mondialisation sont tout aussi fondamentaux et importants que ceux engendrés par les deux guerres mondiales.153

    Les processus de globalisation et de fragmentation, l'augmentation des disparités entre riches et pauvres (entre les Etats, mais aussi au sein même des sociétés)154 et des particularismes religieux, ethniques, culturels, les changements quant à la nature des conflits et l'élargissement des concepts de sécurité et de développement155, l'atténuation du caractère, naguère encore absolu, de la notion de souveraineté étatique, la crise de l'Etat-nation, la prévalence des logiques de force, la révolution de l'informatique et de la communication en "temps réel" sont autant de phénomènes-clé que l'ONU se doit d'intégrer dans sa réflexion et ses décisions, car, ainsi que l'a dit l'actuel Secrétaire général, "rester immobile alors que le monde bouge, c'est glisser désespérément en arrière.156

    Ces bouleversements entraînent une véritable métamorphose de l'ensemble du système international.157 Celui-ci est de moins en moins interétatique et de plus en plus transnational. Son centre de gravité s'est progressivement déplacé de l'Europe vers la zone Asie-Pacifique. Le pouvoir financier et économique et le pouvoir d'influence semblent avoir pris le pas sur le pouvoir politique et le pouvoir de commandement.

    Le système international actuel ne connaît plus d'équilibre dû à la présence de puissances régulatrices, car l'influence et les puissances américaines n'ont plus vraiment de contrepoids. Aux yeux d'un certain nombre d'observateurs, les Etats-Unis exercent ainsi un "multilatéralisme

    153 Ainsi que le déplore Jacques Delors, "la culture de la guerre froide n'a pas été remplacée par une culture réaliste du monde nouveau." Par conséquent, "un grand travail intellectuel est devant nous.", in L'unité d'un homme, 1994, Paris, éditions Odile Jacob, p. 197.

    154 Voir PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 1996 et 1997; Le Monde, 18 juillet 1996

    155 Voir chapitres 2 et 3 du Rapport mondial sur le développement humain 1994, PNUD.

    156 Kofi Annan, 2 Peace Operations and the United Nations: Preparing for the Next Century2 ,février 1996.

    157 Bouleversements qui entraînent un changement "du système" des relations internationales, un changement "de système", ou même une quasi-absence de système? Voir Daniel Colard, "La société internationale après la guerre froide", Défense nationale, janvier 1997, p. 68.

    62

    autoritaire"158 ou un "nouvel unilatéralisme"159 qui les conduit à traiter les affaires du monde exclusivement selon leurs propres intérêts, calendrier et objectifs, et à fonder leur action au sein du système international sur une conception instrumentale de l'ONU, ce qui suscite les rancoeurs de bon nombre d'acteurs qui refusent cette domination.

    Par ailleurs, l'essor des interdépendances et des moyens de communication font que les problèmes mondiaux forment désormais un "tout", mais un "tout" irréductible à une seule cause ou à une perception monolithique, et ne requièrent pas forcément une solution globale, l'essentiel étant de trouver "un niveau pertinent de décision et d'action".160 Comme le souligne Béatrice Pouligny, "l'avenir est sans doute moins aux projets de géant qu'aux ajustements à échelle humaine, permettant à des individus d'appréhender un peu de cet universel qui les dépasse."161

    Enfin, le système international de l'après-guerre froide est caractérisé par la disparition de la menace, de la logique de l'adversité, ainsi que par un "vide référentiel"16Q, une perte de sens163, où les "petites idéologies" (individualisme, narcissisme, souci de soi) ont remplacé les "grandes idéologies" porteuses de projet, d'espérance et d'alternative.164

    On peut dire qu'il existe ainsi une perte de sens au niveau global, une absence de projet fédérateur, mais une prolifération de "micro-sens" qui induit "la diffusion d'une mosaïque de "codes" et de "règles" ni reconnus ni unifiant, qui ne seront respectés par personne." Telle est ici l'une des conséquences de la fragmentation du monde qui conduit à une "atomisation croissante de la société" et privilégie "les dynamiques individuelles plutôt que les situations collectives".165

    Ces phénomènes qui génèrent une complexité croissante sont le reflet de ce que beaucoup d'auteurs appellent une "crise de civilisation", laquelle comprend trois volets principaux: la crise de l'Etat-nation, la crise de la société, qui est aussi celle de la communication et de l'intelligibilité, et la crise de l'Homme.166

    158IrnerioSeminatore, "Les relations internationales de l'après-guerre froide: une mutation globale", Etudes internationales, Q7(3), septembre 1996, p. 605.

    159 G. Achcar (Le Monde diplomatique, octobre 1995, p. 9) citant un article paru dans International Herald Tribune, "Going It Alone and MultilateralismAren't Leadership", 4-5 février 1995.

    160ZakiLaïdi, "Le rite médiatique du G7", Libération, 15 juin 1996.

    161 Béatrice Pouligny, "Force armée de l'ONU ou nouvelle ONU?", Etudes, mars 1994, p. 304.

    16Q I. Seminatore, loc. cit. (note 17), p. 611.

    163ZakiLaïdi, Un monde privé de sens, 1994, Paris, Fayard.

    164 Même si cette alternative s'est souvent soldée par des régimes autoritaires et des catastrophes humaines et humanitaires ! Notons également, comme me l'a fait remarqué M. Jérôme Bindé, que le "déclin des grands récits", c'est-à-dire des grandes "idéologies d'émancipation" a en fait précédé la fin de la guerre froide et a, par exemple, été annoncé dès 1979 dans un essai prophétique du philosophe Jean-François Lyotard, La condition post-moderne, 1979, Paris, éditions de Minuit.

    165ZakiLaïdi, "L'urgence est mauvaise conseillère du prince", Libération, 11 octobre 1996.

    166 Voir, à ce sujet, les remarquables analyses d'Eric de la Maisonneuve (La violence qui vient, 1997, Arléa) et d'Edgar Morin et Sami Naïr (Une politique de civilisation, 1997, Arléa).

    63

    L'Organisation mondiale est donc aujourd'hui amenée à faire face à une série de problèmes qui n'avaient pas été prévus par la Charte des Nations Unies. Comme le dit Richard J. Poncio, "les mots "population", "migration", "famine", "pauvreté" et "environnement" n'apparaissent pas dans la Charte de 1945"167, pas plus d'ailleurs que le mot "développement"; toutefois, la Charte évoque déjà la nécessité de "favoriser le progrès social"168, et l'Acte constitutif de l'UNESCO parle de la "prospérité commune de l'humanité".

    Tout naturellement, depuis 1945, les préoccupations et les problèmes ont changé, et l'ONU doit pouvoir accompagner les évolutions dans les trois domaines (politique, économique et social) dans lesquels s'inscrit la Charte.

    Ainsi que le dit Ghassan Salamé, "diplomates, chercheurs et stratèges doivent désormais analyser une kyrielle de situations concrètes où il ne s'agit plus de dénicher la "main de Moscou" ou les "agents de la CIA", mais de comprendre des sociétés en voie de décomposition, des territoires en cours de morcellement et des Etats en panne."169 Tel est le défi à relever aujourd'hui: "saisir la multidimensionalité des réalités"170 et acquérir "l'intelligence de situations complexes"171. Pour cela, il faut éviter de compartimenter les solutions données aux problèmes ou de les limiter à un domaine particulier. En effet, un problème ne peut plus être abordé au seul niveau politique car les sphères politique, économique et sociale sont étroitement imbriquées. Au contraire, "pour comprendre les phénomènes, il faut s'interroger sur les causes, mais aussi sur les interconnexions entre les différents acteurs que sont le politique, la guerre, le droit, l'économie, la culture, la morale... et embrasser le tout d'un seul regard et du plus simple regard".172 Ceci serait tout particulièrement utile pour mieux appréhender la nature intraétatique de la plupart des conflits actuels et les causes profondes de leur déclenchement.

    Le règlement des conflits intraétatiques ou infraétatiques n'a pas non plus été prévu par la Charte en 1945. Pendant 40 ans, ces conflits ont été transformés en confrontations Est-Ouest et en guerres idéologiques dont la solution se heurtait au célèbre Article 2(7) de la Charte qui stipule qu'"aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat ni n'oblige les Membres à soumettre les affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte."

    167 Richard J. Poncio, "Beyond 1995: negotiating a new UN through Article 109", Fletcher Forum of World Affairs, 20(1), hiver/printemps 1996, p. 152.

    168 L'Article 1, paragraphe 3, exprime la nécessité de "réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire".

    169GhassanSalamé, Appels d'empire: ingérence et résistances à l'âge de la mondialisation, 1996, p. 87.

    170 Edgar Morin, op. cit. (note 25), p. 25.

    171 Eric de la Maisonneuve, op. cit. (note 25), p. 19.

    172 Eric de la Maisonneuve reprenant Jean Guitton (La pensée et la guerre, 1969), op. cit. (note 25), p. 215.

    64

    La prédominance actuelle de la guerre intraétatique ou civile s'accompagne de formes de violences diffuses -- prolifération des milices et par conséquent privatisation de la violence, criminalisation du politique, massacre de populations civiles, terrorisme, voire génocide173 --, qui bouleverse les grilles d'analyse et les relations interétatiques.

    Ces conflits "décomposés", "dégénérés", voire "anarchiques" n'ont plus de règles et prennent plutôt la forme de violences éclatées. Ces violences, même si elles se déroulent au sein d'un pays donné, ne concernent plus seulement ce pays, mais interpellent (par l'intermédiaire des médias) le monde entier.

    Ainsi les gouvernements ne peuvent plus comme auparavant mettre en avant l'Article 2 pour écarter la "communauté internationale" du règlement des actions perpétrées à l'intérieur de leurs frontières. Mais le problème est que la "communauté internationale" n'est pas encore prête à mettre cet article entre parenthèses, à intervenir et à contenir de façon efficace les violences infraétatiques.

    Cette réticence est due au fait que la conception que les Etats se font de la souveraineté et de son contenu est restée inchangée depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, alors que la notion a, elle, peu à peu évolué. Le glissement de ce concept est survenu parce que la souveraineté des Etats est aujourd'hui battue en brèche par une multitude d'acteurs (supranationaux, transnationaux, subnationaux) et de forces (économique, commerciale, technologique, culturelle).

    Les Etats sont de plus en plus concurrencés par la place croissante prise par les individus. Aussi, comme le note Samuel A. Makinda, l'idée de souveraineté ne fait plus aujourd'hui seulement référence à la souveraineté de l'Etat, mais aussi à la souveraineté populaire174, tout comme la sécurité internationale va de plus en plus de pair avec une "sécurité humaine".

    En effet, depuis plusieurs années maintenant, le Conseil de sécurité a pris en compte l'élargissement de la notion de sécurité internationale en reconnaissant que les "menaces de nature non militaire" contre "la paix et la sécurité trouvent leur source dans l'instabilité qui existe dans les domaines économique, social, humanitaire et écologique".175

    Cette prise en compte n'est toutefois pas encore systématique et se fait plutôt au coup par coup, encore beaucoup trop conditionnée par les intérêts

    173 Pierre Hassner, "Par delà la guerre et la paix: violence et intervention après la guerre froide", Etudes, 1996.

    174 Samuel A. Makinda, "Sovereignty and International Security: Challenges for the United Nations", Global Governance, 2(2), mai-août 1996, pp. 149-168.

    175 Déclaration du président du Conseil de sécurité des Nations Unies, le 31 janvier 1992.

    65

    contradictoires des membres permanents du Conseil de sécurité ou de groupes régionaux.

    Or "une souplesse excessive, une indifférence à la catégorisation et une approche pragmatique au cas par cas peut mener à une "incertitude opérationnelle" et à un refus d'obéissance"176, et par conséquent à s'écarter des principes sur lesquels est fondée l'ONU.

    Ceci porte également à s'interroger sur les objectifs initiaux de la Charte: visent-ils la protection des Etats ou celle de leurs citoyens?177 Enfin et surtout, un manque de rigueur quant à la prise en compte des changements survenus peut faire croire que l'ONU décide selon le principe des "deux poids, deux mesures".

    Ainsi, "à force de se montrer trop sélectif dans le choix de ses missions, le Conseil de sécurité pourrait devenir - ne l'est-il pas déjà ? - un organe interstitiel qui s'insère dans les brèches du monde considérées comme mineures par les grandes puissances".178

    Mais là encore, les décisions du Conseil de sécurité ne sont que le reflet de la volonté ou du manque de volonté, des intérêts ou du manque d'intérêt de ses Etats membres, au lieu d'être le reflet d'un organe de concertation établi pour la mise en oeuvre de politiques de coopération au bénéfice de tous.

    L'exercice effectif de la souveraineté populaire au niveau international - multilatéral ou même régional - requiert en outre la constitution d'une "société civile internationale" plus organisée et structurée que celle qui existe aujourd'hui. Un embryon de société civile internationale a pu émerger au plan international lors des grandes conférences organisées par les Nations Unies (notamment au Sommet de la ville à Istanbul179), auxquelles ont participé des organisations non gouvernementales, des associations ou d'autres organisations infraétatiques, le secteur privé, les représentants des collectivités locales, et les communautés scientifiques et d'experts. Mais ce germe de société civile internationale est loin de pouvoir peser de façon efficace et constante sur les décisions et les actions des Etats. Toutefois, petit à petit, la participation des acteurs de la société civile aux débats et travaux de

    176 Stanley Hoffmann, "Thoughts on the UN at Fifty", European Journal of International Law, 6(3), 1995, p. 321.

    177 Georges Kiejman, évoquant le "drame algérien", considère que "la justification même de l'Organisation des Nations Unies" n'est pas de protéger les nations, mais "les hommes, les femmes, les enfants qui les constituent". "Le drame algérien et la Charte des Nations Unies", Le Monde, 13 janvier 1998.

    178GhassanSalamé, op. cit. (note 28), p. 150.

    179 Lors de ce sommet, une série de forums consultatifs ont été créés par les autorités locales et municipales, les ONG, les représentants du secteur privé, « dont les conclusions [faisaient] l'objet de rapports et de recommandations susceptibles d'influer directement sur la négociation.» Voir article de Jérôme Bindé, "Sommet de la ville: les leçons d'Istanbul", Futuribles, n° 211, juillet-août 1996, p. 84 (traduction anglaise: "The City Summit: The Lessons of Istanbul", Futures, 29(3), 1997, pp. 213-227).

    66

    l'ONU peut aider à contenir le pouvoir de certains grands Etats et à réduire les tensions existant entre l'universalité et la souveraineté nationale.180

    La question d'un "rapport plus direct [de l'Assemblée générale notamment] avec les peuples du monde et avec les diverses organisations politiques, syndicales et culturelles civiles au sein desquelles sont organisées les sociétés modernes"181 et de l'intégration des acteurs infraétatiques et transnationaux aux débats, décisions et actions de l'Organisation reste posée, même si certains de ses organes l'ont déjà pris en compte.

    Cette intégration, bien qu'essentielle, reste imparfaite, inégale, non-systématique et soumise au bon vouloir des Etats. De plus, ce qui est vrai pour les acteurs non étatiques l'est aussi pour les acteurs étatiques. Il faut ici souligner la participation inégale des Etats aux décisions de l'ONU, surtout dans ses principaux organes (Assemblée générale, Conseil de sécurité). Par exemple, les dispositions des Articles 31 et 32 quant à la participation d'Etats non membres du Conseil de sécurité à ses débats sont-elles toujours respectées?

    Et même si cette participation est effective, les idées émises par ces Etats peuvent-elles influer sur des "pré-décisions" qui sont, le plus souvent, prises à huis clos par les membres permanents? Dans ce cas, comme dans beaucoup d'autres, l'application stricte des articles de la Charte signifierait déjà une avancée réelle et permettrait de relativiser l'approche instrumentale de l'Organisation privilégiée par les grandes puissances, qui ne permet pas aux moyennes puissances et aux petits Etats de faire suffisamment entendre leur voix, et qui contrevient aux dispositions de la Charte.182

    Ces changements internationaux engendrent des tensions souvent difficiles à gérer tout en suscitant des défis essentiels à relever à l'aube du XXIème siècle. Ils font en outre ressortir à la fois la diversité des forces et des acteurs à l'oeuvre à l'échelon international et les paradoxes structuraux qu'ils induisent.

    Tensions entre le transnational et l'interétatique, entre la souveraineté et l'ingérence, entre des intérêts divergents, entre la lenteur des Etats et la rapidité des autres acteurs, entre la faisabilité et les aspirations ou les espérances, entre la force et le pouvoir d'un côté et la justice et l'égalité de

    180Razali Ismail, président de la 51ème session de l'Assemblée générale, GA/9091, 17 septembre 1996.

    181 Rapport de la Commission des affaires étrangères du Parlement européen, A3-0331/93, 8 novembre 1993, p. 14. Le rapport ajoute: « s'il s'avère complexe (et à la limite pratiquement impossible) de donner une base élective directe à l'Assemblée générale, il ne faudrait pas exclure pour autant l'hypothèse d'une ou plusieurs enceintes où les minorités nationales, régionales et ethniques des différents Etats nationaux pourraient directement s'exprimer par la voix de leurs représentants et qui pourraient influer favorablement sur la vie des Nations Unies.»

    182GhassanSalamé, op. cit. (note 28), p. 146.

    67

    l'autre, entre l'universalité et l'individualisme ou les particularismes, entre l'intervention, la neutralité et l'impartialité.183

    C'est dans ce contexte de tensions et d'adaptation que se pose la question du rôle et de l'utilité de l'ONU, et par là même de sa réforme qui devrait prendre en compte l'ensemble des paramètres précédemment évoqués. L'Organisation mondiale devrait pouvoir faciliter cette adaptation en exerçant un rôle de médiateur et de régulateur, et en nouant un lien entre tous les acteurs du système international. Elle devrait susciter une "médiation sociale" qui exprime le "Nous universel" et "dissout (...) un JE à l'échelle mondiale".184 La réforme de l'Organisation mondiale passe donc par une adaptation structurelle qui instaure une plus grande efficacité et une meilleure rationalité, et par une adaptation conceptuelle qui donne sens à un projet collectif.

    §3. Une réforme structurelle

    Depuis que la question de la réforme des Nations Unies est étudiée et envisagée, c'est-à-dire depuis déjà les années 50185, trois courants de pensée principaux ont prévalu: un courant réformiste qui souhaite une "revitalisation", une "rationalisation" de l'Organisation à l'intérieur du cadre fixé par la Charte; un courant plus hostile qui va dans le sens d'une ONU réduite au strict minimum (courant notamment représenté par la frange anti-ONU du Parti républicain américain et, en particulier par le Président de la Commission des affaires étrangères du Sénat, M. Jesse Helmes186); un courant radical qui préconise le remplacement de l'actuelle ONU par une "Organisation de la 3ème génération" (thèse soutenue par Maurice Bertrand187).

    Ces courants ont plus ou moins d'impact sur le plan international en fonction du contexte dans lequel ils évoluent, des intérêts qu'ils remettent en cause et des changements qu'ils impliquent, mais tous posent de façon aiguë le problème de l'adaptation de l'Organisation aux nouveaux défis globaux et au nouveau contexte international à l'aube du XXIème siècle.

    Comment l'ONU peut-elle s'adapter pour ne pas apparaître comme une organisation du passé, pour être en phase avec les aspirations des populations de ce monde, avec les possibilités d'action? La réponse à ces questions doit

    183 Bruce Russett, "Ten Balances for Weighing UN ReformProposals", Political Science Quarterly, 111(2), été 1996, p. 259269.

    184ZakiLaïdi, "La mondialisation tue-t-elle l'universel?", Sources UNESCO, n°79, mai 1996.

    185 Selon Yves Daudet, "la question de la réforme de l'ONU est aussi ancienne que la Charte elle-même dont les premières propositions de révision ont été présentées dès 1946.", Etat du monde, 1995, p. 608.

    186Voir son article: "Saving the U.N.: A Challenge to the Next Secretary-General", Foreign Affairs, 75(5), septembre/octobre 1996, pp. 2-7. Voir son article: "Saving the U.N.: A Challenge to the Next Secretary-General", Foreign Affairs, 75(5), septembre/octobre 1996, pp. 2-7.

    187 Voir Maurice Bertrand, La fin de l'ordre militaire, 1996, Paris, Presses de la FNSP; et Daniel Warner (dir.), A New Charter for a Worldwide Organisation, 1996, La Haye, MartinusNijhoff.

    68

    aussi s'accompagner d'une connaissance et d'une vision réaliste de la nature du système des Nations Unies et de ses acquis.

    Aux esprits critiques qui la jugent inutile, rappelons que l'ONU a fait un travail considérable. Qu'il suffise d'évoquer l'extension du droit international, le travail de délégitimation de la guerre entre les Etats, l'action en faveur de meilleures relations interétatiques par le biais de la diplomatie multilatérale, ou la prise en compte des problèmes des plus démunis, ou le bilan dans la sphère des droits de l'homme -- conçus au sens large et incluant par conséquent la promotion des droits de l'enfant, de la femme, des minorités, des populations autochtones, ou des réfugiés. De toute évidence, l'Organisation ne peut être tenue pour responsable de l'indécision des Etats qui la composent, de leur manque de volonté politique et de leurs erreurs.

    Rappelons également que l'ONU n'est pas un acteur indépendant ou autonome des relations internationales au même titre que le sont les Etats: la supranationalité qu'elle revendique ou qu'on lui attribue demeure en fait théorique.188 L'ONU n'est pas un gouvernement mondial, mais un système de coopération entre Etats.189

    C'est une organisation intergouvernementale dont le pouvoir de décision se trouve entre les mains de ses Etats membres, et notamment entre celles de ses membres les plus puissants composant le Conseil de sécurité. Ainsi l'Organisation n'a pas de ressources financières propres, mais un budget constitué par les contributions des Etats, et le chef de l'Organisation, le Secrétaire général, est proposé par les membres du Conseil de sécurité à l'Assemblée générale qui l'élit en dernier ressort.

    "L'ONU est la fille des Etats, et une fille mal aimée. Dotée d'instruments pour agir, elle n'est pas jugée digne de les utiliser. On lui confie le maintien de la paix, mais elle doit y veiller dans le respect de la "compétence nationale" des Etats membres. On l'accuse d'être passive, inefficace, voire contre-productive, mais on la prive des moyens financiers pour remplir sa mission.

    Plus grave: les grandes puissances la considèrent comme universelle, mais lui interdisent de s'occuper des questions qui les concernent de près et qui, plus que d'autres, font peser une menace sur la sécurité internationale. C'est pourquoi les critiques contre l'ONU sonnent aussi faux que celles qui sont parfois adressées à la presse: elles relèvent moins d'un jugement objectif

    188 The United Nations remains, first and last, simply an organisation of member states, with little or no independent power, and with its ultimate effectiveness dependent on the unity of the major powers", George Soros (président), "American National Interest and the United Nations", Statement and Report of an Independent Task Force on the United Nations, août 1996, p. 3.

    189 "The Charter was not, is not and will not be a blue-print for an embryonic World Government. It is a set of purposes and guidelines governing the functioning of a voluntary association of member states." Anthony Parsons, The Security Council: An Uncertain Future, Occasional Paper #8, novembre 1994, Londres, p. 13.

    69

    que de l'inculpation d'un organe qui ne veut pas -- ou n'arrive pas à -accomplir la première des tâches que les puissants lui assignent: dissimuler les hésitations, les contradictions ou simplement la lâcheté des gouvernements."190

    Il faut bien distinguer la nature de l'Organisation de ses fonctions. Ainsi, celles-ci peuvent l'amener, dans certains cas, à apparaître comme étant davantage que la simple somme de ses composantes nationales, et jouer un rôle "semi-autonome".

    Cela dépend en fait des domaines dans lesquels elle évolue et des intérêts qu'elle dérange. Ici, on retrouve la distinction faite en relations internationales entre "highpolitics" et "lowpolitics", les Etats étant plutôt réticents à l'idée que l'Organisation se mêle des affaires essentielles. Ainsi, l'ONU est-elle tour à tour un organe mondial de gestion ("global manager") et un organe mondial de consultation ("global counsel").191

    A ces fonctions s'ajoutent celles que peuvent lui donner, pour une période donnée, les Etats: un instrument de politique étrangère, une instance de négociations, un bouc émissaire, un organe de légitimation. Mais il reste que l'Organisation n'a qu'une indépendance relative, indépendance limitée par la souveraineté et les intérêts nationaux des Etats. Les décisions, actions ou inerties de l'Organisation sont en fait le résultat de rapports de force et de conflits d'intérêts se cristallisant au niveau du système international, mais reproduits par les Etats membres au sein de l'Organisation. Ceci explique ainsi, pour partie, la lenteur d'un processus de réforme qui doit tenir compte de l'avis, des intérêts et des propositions de tous les Etats membres et groupes régionaux.

    Le courant réformiste prévaut actuellement: du fait de leur radicalité, les deux autres courants impliqueraient des transformations trop importantes. Il existerait, en théorie, un quatrième courant soutenu par un certain nombre d'organisations non gouvernementales: celui de la supranationalité effective des Nations Unies. Mais les Etats ne sont pas prêts à tolérer l'existence d'un véritable acteur supranational qui limiterait de façon plus ouverte et plus efficace leur volonté de puissance et leur liberté de décision.

    De toute façon, la dynamique du changement n'implique pas forcément un processus révolutionnaire, et peut favoriser un processus évolutif d'adaptation.19Q En conséquence, aux questions d'adaptation de l'Organisation à son environnement, les Etats membres ont clairement répondu par la

    190GhassanSalamé, op. cit. (note Q8), p. 137-138.

    191 UNU Public Forum Report, The United Nations System in the Q1st Century, mai 1996, New York, p. 1.

    19Q Keith Krause / Andy Knight, "Evolution and Change in the UN System" (p. 1Q), qui pensentquel'évolution de la sociétéinternationalepeutêtrepenséecomme un processusdialectique, in State, Society, and the UN System: Changing perspectives on multilateralism, 1995, UNU Press.

    70

    volonté de rationaliser l'Organisation et de la rénover, mais sans en bouleverser les fondations.193

    Ainsi, sans être parvenus à un véritable consensus sur l'avenir des Nations Unies et sur la manière de concevoir le rôle d'une organisation internationale, les Etats ont énoncé, depuis deux ans, un certain nombre de priorités qui devraient inspirer le processus de réforme, celui-ci consistant pour l'essentiel en un "toilettage" du système, centré sur l'identification de ses avantages comparatifs, sur une meilleure coordination inter-institutions et sur la volonté de faire mieux avec moins.

    En effet, selon les pays membres du G7, l'ONU doit, pour être plus efficace, "identifier son rôle et ses avantages comparatifs. Elle doit renforcer l'efficacité de son Secrétariat et de son dispositif opérationnel, les rendre plus cohérents et assurer une véritable coordination à tous les niveaux."194

    Les pays membres du G7 faisaient ici plus particulièrement référence aux activités de l'Organisation en matière de développement, ce qui est très significatif de l'orientation que veulent donner les Etats à l'ONU: se concentrer sur ce qu'elle sait faire le mieux, et, par conséquent, relativiser graduellement les volets du "maintien de la paix" et de l'"intervention militaire" qui touchent directement aux intérêts nationaux de sécurité (conçus au sens strict du terme) et à la souveraineté des Etats.

    Les pays membres du G7 ont ainsi souligné les "domaines d'intervention prioritaires pour les Nations Unies": "l'éradication de la pauvreté, l'emploi, le logement, la fourniture de services de base, tout particulièrement ceux qui sont liés à l'éducation et à la santé, la protection du statut de la femme et de l'enfant et l'aide humanitaire dans son ensemble."195

    En ces temps de restrictions budgétaires et de crise financière, les Etats veulent que l'ONU fasse mieux avec moins. Cela signifie notamment réduire le personnel ("down-sizing"), remédier aux doubles emplois et aux chevauchements de compétence, éliminer ou "fusionner" certains fonds et programmes qui font double emploi entre eux ou avec les agences spécialisées.

    Les agences spécialisées du système semblent voir ainsi leur rôle et leurs compétences reconnus, pourvu qu'elles se concentrent "sur les domaines dans lesquels elles possèdent un avantage comparatif."196

    193 Toutes les propositions allant dans ce sens doivent partir des structures existantes." Paragraphe 42 du Communiqué

    économique du G7 au Sommet de Lyon, juin 1996.

    194Ibid., paragraphe 42.

    195Ibid., paragraphe 41.

    196Ibid., paragraphe 45.

    71

    Il est en effet indispensable que les différentes agences spécialisées du système retrouvent leur pleine autorité face aux fonds et programmes qui empiètent le plus souvent sur leurs compétences et qui conduisent de façon artificielle à l'hypertrophie de l'ensemble du système.

    Mais, pour être réellement efficace, cette réforme devrait aussi être appliquée aux institutions de BrettonWoods, lesquelles devraient se concentrer sur les aspects financiers de l'aide au développement197et cesser d'empiéter sur les domaines de substance des institutions spécialisées du système. Ce point n'a pas encore été nettement souligné dans les plans de réforme qui ont été préconisés par le G7/G8.

    Dans cette perspective de rationalisation des actions du système, les Etats membres recommandent une meilleure coordination du système des Nations Unies (par l'intermédiaire notamment du Comité administratif de coordination)198 et "un renforcement de la coopération entre les agences des Nations Unies, les institutions financières internationales et l'Organisation mondiale du commerce."199

    Une telle coordination est certes indispensable pour que le système forme un "tout" et que l'action des différentes institutions qui le composent soit encadrée, mais ces propositions ne tiennent pas compte du fait que les chefs des grandes institutions spécialisées ne sont pas des adjoints du Secrétaire général de l'ONU, mais sont élus par leurs Etats membres et responsables devant leurs propres organes directeurs, et que ces organisations disposent de leur propre constitution. "Cette indépendance est d'ailleurs expressément établie par leur Charte constitutive qui n'est autre qu'un Traité international, tout comme l'est la Charte des Nations Unies, issu de la volonté souveraine des Etats, régi par le droit international et dont la modification n'incombe pas à l'Organisation centrale, mais obéit au mécanisme de révision des Traités selon les règles du droit des Traités."200

    197 Début mars 1997, James Wolfensohn a d'ailleurs présenté un plan de réformes de la Banque mondiale comprenant quatre objectifs principaux: la nécessité d'alléger les services centraux pour se rapprocher du terrain; recentrer la politique de développement vers le social, rendre efficace et payante une base de données économique et sociales unique au monde; développer une stratégie de ressources humaines et de la formation. Les Echos, 13 mars 1997.

    198 Pour les Américains, le CAC doit devenir l'équivalent d'un "cabinet" du système onusien (document d'avril 1996). Malheureusement, le CAC est, à l'heure actuelle, un mécanisme insuffisant pour remédier à la sectorisation de l'ensemble du système et surtout, n'a aucun pouvoir contraignant. Ainsi, comme le souligne S.Cortembert, "les organes établis pour coordonner le système des Nations Unies [le Comité consultatif sur les questions administratives et budgétaires (CCQAB), le Comité de coordination des questions administratives (CCAQ), le Comité du programme et de la coordination (CPC)] n'ont abouti qu'à une complication du mécanisme régulateur." "L'ONU et le système des Nations Unies", in Colloque de la Faculté de Besançon, L'ONU, 50 ans après: bilan et perspectives, 29-30 mars 1995, p. 44.

    199 Paragraphe 45 du Communiqué économique.

    200 S. Cortembert ajoute que "les Chartes constitutives fixent les objectifs que les institutions spécialisées doivent atteindre et leur attribuent leur propre structure. Les décisions prises par les organes de ces organisations ne peuvent absolument pas être modifiées par l'ONU puisque celle-ci ne peut interférer dans leur processus décisionnel. Quant à leurs budgets, ils ne relèvent aucunement de celui de l'ONU.", op. cit. (note 58), p. 41. C'est pourquoi le Secrétaire général a mis les Etats membres devant leurs responsabilités en suggérant la mise en place d'une "Commission spéciale au niveau ministériel chargée d'examiner les changements éventuels à apprter à la Charte des Nations Unies et aux traités dont découle le mandat des institutions spécialisées" (paragraphe 89 du "Track II").

    72

    Les chefs des agences spécialisées n'ont donc de comptes à rendre qu'aux organes directeurs de leurs institutions. De plus, certains fonds, programmes ou organes subsidiaires des Nations Unies possèdent également une incontestable autonomie, tel le PNUD201, l'UNICEF ou le FNUAP, et les politiques préconisées par les institutions de BrettonWoods et celles du système onusien sont souvent sensiblement différentes.202

    Un mécanisme de coordination efficace devrait donc permettre d'harmoniser les activités des agences spécialisées, des fonds et des programmes, de l'ONU et des institutions de BrettonWoods, et resserrer les liens entre ces différentes organisations.

    Ainsi, une telle coordination devrait impliquer un changement complet des structures du système et des innovations radicales en ce qui concerne les relations entre ces structures et les politiques qu'elles élaborent. Elle pourrait aussi avoir pour conséquence l'élimination de tous les fonds, programmes et secteurs concurrents développés par l'ONU qui font largement double-emploi avec les activités des institutions spécialisées.

    Par exemple, le Programme alimentaire mondial et le Fonds intergouvernemental du développement agricole concurrencent la F.A.O.; la Commission du développement durable concurrence le Programme des Nations Unies pour l'environnement; l'UNICEF, la Banque mondiale et le PNUD concurrencent l'UNESCO dans le domaine de l'éducation.

    Enfin et surtout, cette coordination ne peut aboutir que si se met en place une réelle coordination des politiques au niveau des Etats, car une "micro-coordination" ne peut avoir d'effet réel sans une coordination à grande échelle et un accord sur les objectifs à poursuivre. Cette coordination doit se faire en amont, avant la prise de décision, et à trois niveaux: entre les Etats eux-mêmes, entre les Etats vis-à-vis des institutions du système, et au sein même des Etats entre les différents organes gouvernementaux.

    Enfin, une importance toute particulière est accordée à la réforme du mode de financement des activités de l'ONU, à une modification de la répartition des contributions payées par chaque Etat, et à la diminution du budget. Ainsi, des coupes sombres ont-elles été réalisées dans les budgets de la plupart des agences, fonds et programmes du système onusien (en particulier à la CNUCED et à l'ONUDI). M. Boutros Boutros-Ghali avait annoncé un budget pour 1998-1999 en baisse de 7,5% (soit une réduction de 178,9 millions de dollars) par rapport à celui de 1996-1997. Kofi Annan, quant à lui, a annoncé une réduction supplémentaire du budget 1998-1999 de 23 millions de

    201 Le PNUD sort plutôt renforcé des propositions contenues dans le plan de réforme du Secrétaire général.

    202 Par exemple, les politiques d'ajustement structurel imposées par le F.M.I. et de la Banque mondiale tiennent peu compte des politiques sociales recommandées par l'OIT, l'UNICEF, la F.A.O. ou l'UNESCO.

    73

    dollars dont une réduction des coûts administratifs de 18% et l'élimination de 1000 postes.203

    Cependant une véritable réforme financière se heurte à la contradiction qui existe entre la volonté de payer moins et la volonté de garder un contrôle sur l'Organisation. Certains pays se plaignent de payer une contribution trop élevée. Mais sont-ils prêts pour autant à voir diminuer leur pouvoir de contrôle et de pression politique?

    C'est bien dans cette situation que se trouvent actuellement les Etats-Unis. La part disproportionnée de leur contribution au budget de l'ONU (25% pour le budget ordinaire, 31% pour le budget des opérations de maintien de la paix) leur donne un pouvoir de contrôle extraordinaire sur l'Organisation toute entière.

    Les Etats-Unis accepteraient-ils vraiment d'abandonner une partie de ce pouvoir, par la redistribution des quotes-parts, au profit d'Etats plus favorables au renforcement du rôle des Nations Unies? On peut en douter. Peut-être est-ce d'ailleurs pour la même raison que les propositions visant à doter l'Organisation de sources de financement indépendant204 ont été écartées de facto de l'agenda de discussions des réformes du système des Nations Unies.

    Aussi, le non-paiement des contributions est-il bel et bien un problème de nature politique (et non financière). Au regard du budget d'une grande puissance, le budget des Nations Unies ($1,3 milliards pour le budget ordinaire et $3 milliards pour le budget des opérations de maintien de la paix) est en effet dérisoire. Le budget des opérations de maintien de la paix représente 1,1% du budget militaire américain, ce qui équivaut à deux journées de l'opération "Tempête du désert". Le budget ordinaire de l'ONU représente environ 4% du budget annuel d'une ville comme New York.205 La contribution des Etats-Unis au budget ordinaire coûte 1,2 dollar par Américain et par an et celle du budget des opérations de maintien de la paix coûtent environ 7 dollars par Américain.

    Quant au coût négligeable du budget onusien, l'exemple le plus parlant est le chiffre de 5 milliards de dollars dépensés par le système des Nations Unies dans le domaine économique et social qui équivaut à 88 cents dépensés pour chaque habitant de la planète; alors que dans le même temps, les Etats dépensent environ 767 milliards de dollars par an en matériel militaire, ce qui

    203International Herald Tribune, 3 mars 1997. Communiqué de presse GA/AB/3137 (17 mars 1997).

    204 "Taxe Tobin" (taxe sur les transactions internationales en devises), Voir Rapport mondial sur le développement humain 1994, p.75. D'autres propositions ont été faites dans le chapitre 5 du rapport Ramphal/Carlsson (taxe sur les billets d'avion, sur le transport maritime,...).

    205 Informations données par le Bulletin du Centre d'information des Nations Unies à Paris, n°19, mai 1996, p. 38.

    74

    équivaut à 134 dollars par habitant206, c'est-à-dire nettement plus que ce dont, selon Wally N'Dow, Secrétaire général du Sommet sur la ville à Istanbul, il faudrait (c'est-à-dire moins de 100 dollars par personne) pour "procurer un toit, une eau salubre et des équipements sanitaires de base à chaque homme, à chaque femme et à chaque enfant de cette planète".

    Ces "réformettes" sont sans aucun doute très utiles, car elles permettent de faire du système onusien, décentralisé à l'extrême69, un système plus "compact", plus rationnel, avec des lignes d'autorité plus claires, et un système plus équilibré entre ses composants. Mais, là, comme partout, les Etats membres doivent encore faire la preuve de leur détermination à mettre en oeuvre ces propositions qui nécessitent quand même un changement de comportement et remettent en cause certains intérêts.

    Les groupes de travail ne sont pas encore arrivés à un consensus sur des propositions concrètes, sur un calendrier ou sur des mesures précises. Toutefois, aussi justifiées que soient ces propositions, elles ne constituent pas pour autant un réel projet d'avenir pour les Nations Unies et ne peuvent se suffire à elles-mêmes.

    Les réformes ponctuelles, organisationnelles ne remplaceront jamais une réforme de fond de l'Organisation alliant vision et projet ou stratégie à long terme afin de redonner une crédibilité à ses actions et décisions. Or, selon Jean Touscoz, "la crise de l'ONU est d'abord d'ordre conceptuel."

    Béatrice Pouligny ajoute: "C'est peut-être pour cela que les innombrables réformes dont on parle depuis la création de l'Organisation n'ont jamais abouti", car elles ont toujours été trop centrées sur la question "comment faire" et non sur celle "que faire?" ou "quelles missions pour

    l'ONU?".

    §4. Vers une reforme conceptuelle

    Il semble de plus en plus que, pour être efficace et crédible, l'ONU doive se concentrer sur ce qu'elle sait faire le mieux et sur ce qu'elle peut faire, c'est-à-dire exploiter au maximum la marge de manoeuvre, l'interstice, que lui laissent ses Etats membres. C'est en effet "dans les interstices de l'interétatique, dominé, comme toujours, par les inégalités et les rivalités, [que] des éléments de conscience, de compétence et de solidarité universelles, ou du moins universalistes, se font timidement jour."

    C'est dans cette perspective que l'ONU doit aujourd'hui retrouver une action, un mode de fonctionnement et un leadership qui soient cohérents et

    206 Chiffres donnés par le Département de l'Information des Nations Unies, mars 1996, DPI/1753/Rev.3.

    75

    coordonnés entre eux et qui aient pour dénominateur commun l'anticipation et la prévention.

    La raison est essentiellement que l'ONU ne peut plus aujourd'hui espérer se substituer à l'action des Etats. Elle ne peut plus se contenter d'être un simple palliatif. En l'absence de véritable concept opérationnel pour mener des actions armées, l'ONU ne peut être crédible sur un théâtre d'opérations. Sans moyens, sans commandement unique et unifié, sans mandat clair et précis, l'ONU ne peut prétendre faire la guerre à la place des Etats.

    Le maintien de la paix doit ainsi retourner à ce qu'il était à son origine et ne plus se transformer en intervention. De plus, l'action purement militaire est de moins en moins pertinente pour régler les problèmes d'un monde où « la stabilité et la sécurité internationales dépassent (...) la sphère du militaire» , et dépendent plutôt « d'un ensemble de mesures d'ordre économique, financier, politique, éducatif, scientifique et technologique, qui devraient être élaborées de manière concertée et appliquées en temps opportun.»

    Dans l'optique de l'application pleine et entière des principes de la Charte, les Nations Unies doivent pouvoir constituer un cadre permettant de mieux gérer les avantages économiques de la mondialisation, de pallier ses inconvénients, de "partager les bénéfices de la croissance économique", de coordonner les forces d'une "société civile" naissante au niveau international, d'être le garant de la préservation d'un patrimoine mondial et du maintien des diversités culturelles, et de promouvoir un développement humain durable.

    C'est dans ce sens que nous proposons ici trois directions de réforme pour que l'Organisation des Nations Unies ne subisse plus, mais accompagne les évolutions internationales; pour qu'au lieu de réagir, elle agisse.

    §5. Une action renforcée

    L'action de l'ONU doit être formée du triptyque développement durable / prévention / culture de paix, lequel doit être inséré dans une conception élargie de la sécurité internationale et dans une vision à long terme. Comme l'a dit Boutros Boutros-Ghali, l'ONU doit développer "une action préventive afin de mieux maîtriser le présent, et une action prospective afin de mieux assumer l'avenir."

    Le développement est l'élément le plus indispensable pour assurer une paix durable; c'est " la tâche la plus importante à laquelle l'humanité doit faire face aujourd'hui ". Ce développement doit être avant tout centré sur l'homme. Il doit aussi respecter son environnement, et être reconnu comme un droit fondamental de la personne humaine.

    76

    Aussi doit-il aujourd'hui bénéficier d'une plus large compréhension intellectuelle, d'un engagement moral plus profond, et de mesures politiques plus efficaces. Les gouvernements des pays les plus riches sont d'ailleurs en train de constater que le "tout économique" n'est pas la solution et qu'un effort doit être fait en direction des pays les plus pauvres, ainsi d'ailleurs que des régions et des catégories sociales les plus pauvres à l'intérieur même des pays industrialisés).

    C'est ce qui est ressorti du Sommet du G7 à Lyon qui a exprimé la volonté d'établir un "partenariat mondial pour le développement" entre les pays en développement, les pays développés et les institutions multilatérales qui ayant pour objectif principal le développement durable et la réduction de la pauvreté, et devant être fondé sur un esprit de solidarité, car "la paix chez soi (...) implique la paix au dehors et la coopération entre les nations".

    Au cours de ce sommet, les pays du G7 ont également souhaité une réduction de la dette multilatérale des pays les plus pauvres. Mais beaucoup reste à faire pour amener les pays industrialisés à consacrer 0,7% de leur PNB à l'aide au développement, alors même que cette part ne cesse de diminuer depuis plusieurs années. Il faut pourtant rappeler avec force qu'une économie développée offre davantage de bénéfices en matière de partenariat, de commerce et de stabilité économique (et donc politique) qu'une économie en voie de développement. L'aide publique au développement ne peut être complètement remplacée par l'aide ou les investissements privés qui exigent de plus grandes garanties et sont par conséquent trop sélectifs.

    D'autre part, le développement ne se réduit pas à une meilleure compétitivité économique et technologique, mais signifie également et surtout un meilleur bien-être des populations, c'est-à-dire de meilleures conditions de vie, une meilleure éducation, de meilleures conditions sanitaires et un plus grand respect de l'environnement.

    C'est ainsi que le système des Nations Unies doit mettre au point une stratégie cohérente de développement pour une meilleure coordination entre ses institutions et entre celle-ci et les Etats et les acteurs sur le terrain (ONG, associations, organisations régionales) pour favoriser un meilleur aboutissement des projets.

    En effet, " le développement durable a pour préalable un partenariat solide entre les pouvoirs publics et la société civile ". Ces projets doivent avant tout tenir compte des aspirations des populations locales et les aider à se prendre en charge et, ainsi, à favoriser l'émergence d'une société civile.

    Le problème de l'information est crucial pour l'ONU, parce que l'information est à la base de toute action et que l'analyse des données

    77

    En même temps, il faut pouvoir apporter à ces populations tout ce qui, en matière d'avancée technologique, peut leur être utile, être bénéfique à un développement qui intègre les contraintes liées à l'environnement (par exemple les problèmes de l'eau, de la désertification, de la fertilisation des sols et de l'urbanisation).

    Les pays du Nord doivent donc partager leur progrès technologique, leur expérience et leur "expertise", ce qui, par ailleurs, pourra, peut-être, limiter la fuite des cerveaux des ressortissants du Sud.

    En bref, il est primordial que les pays riches aident les pays pauvres à développer leur propre potentiel économique, technologique et humain. Ainsi, comme le dit Jean-Paul Marthoz, "le monde a moins besoin d'ingérence humanitaire que de partage planétaire".

    Le deuxième pilier de l'action de l'ONU doit être la prévention des crises et des conflits. Ainsi que le souligne Gérard Fuchs, "la première forme de l'action doit être la prévention". L'action en faveur du développement y participe déjà en grande partie.

    La diplomatie préventive (qui s'exerce notamment par l'envoi préventif de "Casques bleus" comme cela s'est fait dans l'ex-République yougoslave de Macédoine, des missions d'établissement des faits, de bons offices ou de médiation) n'en est qu'un aspect ou qu'un ensemble de méthodes.

    Mais toutes deux s'inscrivent dans une conception élargie de la sécurité internationale. Comme l'a dit l'ancien Secrétaire général de l'ONU, "nous ne pourrons véritablement prévenir les nouveaux conflits qui apparaissent de toutes parts sur la scène internationale que si nous avons une conception plus large et plus globale de la notion même de sécurité."

    En effet, la prévention ne se limite pas à la maîtrise des armements, au règlement pacifique des différends, au désarmement (notamment l'élimination de l'emploi, voire de la fabrication, des mines antipersonnel), mais concerne aussi la "sécurité économique", la "sécurité sociale", la "sécurité culturelle".

    La prévention est aussi et surtout liée à la détention et à l'analyse d'une information indépendante et interdisciplinaire, et à un changement radical dans la manière de régler les événements, les crises, les problèmes. Il faut d'une part privilégier le long terme vis-à-vis de l'urgence et, d'autre part, retrouver " la capacité de répondre aux alertes " et apprendre à " investir dans l'intangible ".

    78

    conditionne le traitement de celles-ci. L'information doit être non seulement indépendante, mais aussi précise que possible, détaillée, non parcellaire ou fragmentée entre différents services, et constamment actualisée.

    L'ONU ne peut se contenter d'avoir à sa disposition les données officielles de tel ou tel pays, au risque d'arriver parfois à des conclusions hâtives ou erronées. Elle doit susciter une analyse qui prenne en compte toutes les données d'un problème, en détecte les racines profondes, et évite tout stéréotype, jugement de valeur ou ethnocentrisme.

    Ceci est fondamental si l'on veut garantir l'objectivité de l'Organisation, développer sa fonction d'expertise, et donner l'élan décisif à la création d'un système d'alerte avancée ("early-warning system").

    Le récolte d'informations diverses auprès de multiples sources et par des missions sur le terrain permet d'appréhender des situations souvent complexes, de comprendre les sociétés et ainsi d'agir avant qu'un conflit n'éclate. Par ailleurs, cette méthode de proximité renforcerait en même temps le sentiment de sécurité des populations en question et la crédibilité du travail des institutions onusiennes plus proches des préoccupations et de l'histoire de ces populations. Dans ce travail de récolte d'information, l'ONU doit, tout en tenant compte de l'avis des Etats, ne pas être soumise à leur influence.

    Cette action de prévention s'effectue sur le long terme, par anticipation; elle n'est jamais achevée, doit être constamment évaluée, et se doit d'être innovante. Elle doit à la fois "concilier les valeurs universelles et le respect des particularismes"207, et promouvoir l'idée de progrès tout en combinant tradition et modernité.

    Si la prévention est le deuxième volet de la construction de la paix, la promotion d'une "culture de paix" en est le troisième. Elle est en outre le moyen le plus efficace de s'attaquer à la "culture de violence" ambiante, car elle touche aux comportements, aux idées reçues, au manque de communication, à l'intolérance. Contrer la "culture de violence", c'est rendre illégitime les rapports de force, l'utilisation de la force pour régler les différends et les comportements violents.

    Au contraire, la "culture de paix", c'est la gestion non-violente des crises et des conflits, c'est la mise en place de procédures démocratiques et de respect des droits fondamentaux de la personne, c'est la participation de toutes les strates de la société à un dialogue constructif.

    207 Michel Wieviorka, Le Monde, 8 octobre 1996.

    79

    En bref, c'est la construction d'un "cadre de justice, de dignité, d'égalité et de solidarité".208 La culture de paix est un concept qui prend en compte la place des individus dans la construction quotidienne de la paix. En ce sens, c'est, ainsi que Norbert Ropers l'a dit, un "défi transnational" qui est fondé sur les principes de solidarité, de liberté et de tolérance.

    Pour toutes ces actions, l'ONU doit devenir un cadre régulateur international qui a un rôle de moteur, qui focalise les énergies autour d'aspirations économiques, sociales, culturelles clairement établies et gérées à un rythme raisonnable et modéré.

    Ainsi, la mondialisation des échanges commerciaux, financiers, technologiques, culturels ne sera plus un obstacle ou un facteur d'exclusion, mais un atout partagé par tous. Cette coordination des forces de la mondialisation doit aller de pair avec la protection de l'héritage culturel de chacun et du patrimoine humain mondial, et avec la préservation de la diversité pour une plus grande tolérance et une meilleure intégration. Ces actions doivent être le fruit d'un mode de fonctionnement adéquat et d'un leadership plus autonome.

    §6. Un mode de fonctionnement renouvelé

    Le mode de fonctionnement du système onusien doit être en phase avec sa culture qui est celle de la négociation et du compromis. Un dialogue, des consultations et une communication doivent donc s'effectuer à tous les niveaux, entre tous les services et les acteurs (fonctionnaires, représentants, délégués, observateurs). Les rivalités entre institutions, services ou personnes devraient pouvoir céder le pas devant une coopération au service de l'intérêt commun du système.

    L'efficacité requiert également un système d'évaluation dont les résultats sont réellement pris en compte pour améliorer les programmes, les projets ou les actions en cours. Par exemple, un projet ne devrait pas résister à un manque d'efficacité ou de soutien. Le recrutement doit pouvoir se faire avant tout sur la base des compétences et ne devrait pas être soumis aux pressions de tel ou tel Etat membre.

    Aussi le mode de fonctionnement du système doit-il être conditionné par la triple priorité qui doit être accordée à l'expertise, à la formation et à la planification à long terme.

    Chaque fonctionnaire de l'ONU devrait être un expert reconnu dans le domaine qui lui a été assigné, dont les conclusions scientifiques et

    208 Federico Mayor, loc. cit. (note 74).

    80

    indépendantes puissent être respectées, et lui permettraient d'exercer un réel leadership en matière d'orientation ou de choix des politiques à mener, ainsi qu'une réelle autorité en face des Etats membres.

    Deuxièmement, l'ONU doit pouvoir constituer un centre de réflexion et une école de formation à la non-violence, au dialogue interculturel et intersociétal, au respect des différences, sous forme de micro-projets entrepris en partenariat avec des organisations non gouvernementales ou des associations, ou alors en déléguant à ses institutions spécialisées la réalisation de ces projets. On retrouve ici la place essentielle qu'occupe l'éducation sous toutes ses formes, en tous lieux et à tout âge.

    Enfin, l'ONU ne doit pas céder à la tentation de l'urgence.95 Son action se situe à coup sûr dans le long terme pour "préserver les générations futures du fléau de la guerre".96 Elle doit pouvoir anticiper les besoins des hommes, les effets néfastes des dégradations de l'environnement, les problèmes engendrés par l'inégale répartition des richesses et ressources naturelles.

    C'est pourquoi la création d'une cellule de prospective (rattachée directement au cabinet du Secrétaire général) comme il en existe déjà dans nombre d'institutions internationales (l'Unité d'analyse et de prévision de l'UNESCO, la cellule prospective de la Commission européenne, le "Programme d'étude sur l'avenir à long terme" de l'OCDE), paraissait indispensable pour alerter l'opinion des défis à venir et des moyens de les résoudre en agissant en amont et non en aval des problèmes.

    Il faut donc ici saluer la décision du Secrétaire général, M. Kofi Annan, de créer une 2 Unité de planification stratégique2 chargée "d'identifier les problèmes et tendances mondiaux qui se font jour, dcents analyser leurs incidences sur les activités et méthodes de travail de l'Organisation et de formuler des recommandations de politique générale à l'intention du Secrétaire général et du Groupe de gestion de haut niveau."97

    C'est à partir de là que l'Organisation mondiale pourra retrouver une approche novatrice, un rôle d'initiateur, voire de précurseur, et s'imposer en tant qu'organe régulateur et pacificateur. C'est ce rôle que doit pouvoir personnifier le Secrétaire général des Nations Unies.

    §7. Un leadership retrouve

    Ces derniers temps, nombre d'Etats membres ont voulu cantonner le Secrétaire général dans un rôle de simple gestionnaire des affaires onusiennes. Or, de par les dispositions des articles 97, 98 et 99 de la Charte, le Secrétaire

    81

    général n'est pas seulement un chef administratif, mais aussi et surtout un chef politique qui possède un réel pouvoir d'initiative.

    L'Article 98 lui donne un droit d'intervention devant les organes délibérants de l'Organisation (Assemblée générale, Conseil de sécurité, ECOSOC). L'Article 99 lui confère un droit d'initiative diplomatique de nature politique et un pouvoir d'appréciation sur l'opportunité de porter ou non une affaire devant le Conseil de sécurité, dispositions délicates qui impliquent un jugement personnel et un choix politique, mais qui permettent quand même de faire des suggestions.209 Ce sont surtout les dispositions discrétionnaires de l'Article 99 reflétées par les expressions "à son avis" et "pourrait mettre en danger" qui lui permettent de mener des actions préventives ou anticipatrices.

    C'est ici que doit ressortir pleinement le rôle et la fonction du Secrétaire général: anticiper, dénoncer, alerter. En effet, on attend du Secrétaire général qu'il dénonce telle ou telle atteinte aux droits de l'homme dans tel ou tel pays (quelles que soient les réprobations ou les pressions des pays en cause), qu'il mette en garde contre les conséquences de telle ou telle politique, qu'il dénonce les signes avant-coureurs de tel ou tel conflit, qu'il souligne les insuffisances de telle ou telle action.

    En somme, comme l'a dit Javier Pérez de Cuellar, le Secrétaire général est et doit être la "conscience" de l'humanité toute entière: "c'est au nom des peuples que le Secrétaire général doit plaider pour le désarmement, la tolérance et la solidarité".210 En ce sens, c'est au Secrétaire général de promouvoir une certaine éthique au niveau international et de se faire le défenseur des plus démunis.

    Ainsi, en se positionnant en tant qu'autorité morale, le Secrétaire général a-t-il plus d'influence sur le comportement des Etats, pour les encourager à respecter les engagements qu'implique leur adhésion aux principes de la Charte des Nations Unies, même si les résultats ne sont pas toujours visibles à court terme.

    Dans ce contexte, la fonction d'information -- on y revient encore -- du Secrétaire général est primordiale. L'information qu'il détient lui permet, en toute indépendance, non seulement d'anticiper sur les événements à venir, mais aussi de "médiatiser" un problème ou de proposer ou suggérer telle ou telle solution.

    209 L'Article 99 ne fut formellement invoqué que trois fois: lors de la crise congolaise en juillet 1960 (Dag Hammarskjöld), au cours de l'affaire des otages américains à Téhéran en novembre 1979 (Kurt Waldheim) et concernant la situation au Liban en 1989 (Javier Pérez de Cuellar).

    210 Javier Pérez de Cuellar, "Le rôle du Secrétaire général des Nations Unies", Revue générale de droit international public, 1985, n°2.

    211 Boutros Boutros-Ghali, "Relever les nouveaux défis", Rapport annuel sur l'activité de l'Organisation, 1995, New York, Nations Unies, paragraphe 1006.

    82

    Une action renforcée visant à exploiter les avantages comparatifs du système des Nations Unies, un mode de fonctionnement renouvelé et axé sur une éthique de travail visant à l'accomplissement d'un projet collectif et à l'instauration d'un leadership retrouvé au service de la communauté internationale, telles sont, en toute modestie, les orientations de réforme proposées ici.

    En effet, "l'occasion s'offre [aujourd'hui] à nous d'allier le processus de réforme [structurelle] en cours avec une perspective d'ensemble ouverte sur l'avenir. A l'heure où l'Organisation des Nations Unies atteint le demi-siècle, l'héritage de ses fondateurs doit être notre source d'inspiration constante. (...) Agissant de concert, nous pouvons réussir à incarner les impératifs de la Charte dans le monde d'aujourd'hui."211

    SECTION s. DU MONDE BIPOLAIRE AU MONDE MULTIPOLAIRE

    Dans la première conférence des séminaires du monde diplomatique 2010, consacres à la «géopolitique du monde multipolaire », Dominique Vidal présente les évolutions structurelles et conjoncturelles qui se produisent dans le monde contemporain, avec leurs répercussions sur l'architecture internationale.

    À la fin de la guerre froide, le bipolarisme déterminé par le combat entre le bloc occidental et celui soviétique pendant les quarante ans successifs à la deuxième guerre mondiale semble être remplace par une structure unipolaire, centrée sur l'hyperpuissance des Etats-Unis.

    Mais, entre la fin des années 1990 et le début du nouveau millenium le déclin de l'Amérique et l'ascension des puissances émergentes surtout des BRIC font apparaitre un nouvel ordre multipolaire. L'impact du multipartisme sur la violence armée en général, sur la politique des Etats-Unis et la question israélo-palestinienne en particulier était l'objet des conférences suivantes, qui se termineront par une réflexion sur la nécessite et la possibilité de reformer les institutions internationales existantes afin de les adapter aux nouveaux rapports de force de la planète.

    Au cours des deux dernières décennies, nous avons en effet assisté à d'extraordinaires mutations : effondrement de l'Union soviétique et dislocation de son « empire » ; renouveau et expansion de la puissance américaine ; extension planétaire du capitalisme marchand et mondialisation ; réémergence de la Chine, de l'Inde et d'autres États post-coloniaux comme acteurs du système économique et politique international ; prolifération d'acteurs non-étatiques mettant en cause l'autorité des États-nations ; apparition de

    83

    nouveaux enjeux et défis globaux tels que le changement climatique ; enfin crise systémique de l'économie mondiale capitaliste que nous traversons aujourd'hui.

    §1. Superpuissance émergente

    Une superpuissance émergente est un État ou une entité supranationale montrant le potentiel de devenir une superpuissance dans un avenir plus ou moins lointain.

    Les États-Unis sont actuellement considérés comme la seule superpuissance - un terme employé par Zbigniew Brzezinski pour décrire un État avec une très forte influence sur le reste du monde, notamment dans les domaines d'influence que sont l'économie, le militaire, la technologie et le culturel1. Les États-Unis ont même été qualifiés d'hyperpuissance, par l'ancien ministre des Affaires étrangères (1997-2002) Hubert Védrine, en1999212

    Cependant, le déclin américain est sans cesse annoncé depuis la crise du dollar en 1971, l'échec du Viêt Nam(1975), la crise iranienne (1979) ou encore avec l'apparition de l'ouvrage de Paul Kennedy, Naissance et déclin des grandes puissances, en 1987 laissant entrevoir la disparition d'un monde unipolaire pour laisser place à celui d'une multipolarité213 avec des puissances régionales, qui ont vocation ou non à devenir des puissances mondiales, comme de l'Union européenne ou encore du Japon, le retour de la Russie, l'émergence des trois géants que sont le Brésil, l'Inde et la Chine, cette dernière étant considérée comme étant plus proche d'avoir le statut de superpuissance que les autres214.

    Plusieurs analystes prédisent l'émergence de pays ou organisations qui peuvent devenir des superpuissances dans les prochaines années. Tous ces pays ou organisations ont actuellement un impact important à l'échelle d'un continent, voire dans certains cas à l'échelle de la planète. On peut citer notamment :

    1. le Brésil215

    2. la Chine216

    3. l'Inde217

    212Hubert Védrine, L'hyperpuissance américaine, Fondation Jean Jaurès, 2000. Ainsi que Olivier Fraysse, Les États-Unis , hyperpuissance, La Documentation française, coll. Problèmes politiques et sociaux, 2000 ; Gérard Dorel, Atlas de l'empire américain. États-Unis : géostratégie de l'hyperpuissance, Autrement, 2006 ; Josef Josse, Überpower : The Imperial Temptation of America, W. W. Norton, 2006.

    213Voir par exemple, Bertrand Badie, L'impuissance de la puissance. Essai sur les nouvelles relations internationales, Fayard, 2004.

    214Sebastian Santander (sous la dir.), L'émergence de nouvelles puissances : vers un système multipolaire ? Afrique du Sud, Brésil, Chine, Inde, Mexique, Russie, France, Ellipses, 2009(ISBN 978-2-7298-5022-7). 215 http://cornellsun.com/section/news/content/2009/11/01/alumna-analyzes-brazil%E2%80%99s-

    emergence [archive] [archive]

    216Asian Superpower [archive] [archive], Cable News Network, 2001. Consulté le 17 juin 2009

    84

    4. la Russie218

    5. l'Union européenne

    1.1. LE BRESIL

    Le Brésil est considéré par un certain nombre d'analystes comme une superpuissance émergente.

    Dans une conférence intitulée le Brésil comme une puissance mondiale émergente, Leslie Elliot Armijo a déclaré que «Le Brésil va bientôt monter en tant que première superpuissance d'Amérique latine". Selon Armijo, « le Brésil continue de se solidifier en tant que leader de sa région en lançant une série de projets d'intégration », ajoutant également que « en tant qu'acteur international, le Brésil a également pris une part plus importante de la politique mondiale en incrémentant sa présence déjà forte dans les initiatives économiques, comme le Fonds Monétaire International et le G20 », affirmant que « le Brésil prééminence croissante tire de son régime démocratique solide et de son économie forte » et de conclure que« Bientôt, nous aurons deux superpuissances dans l'Hémisphère occidental. »

    1.2. LA CHINE

    La Chine dispose aujourd'hui de l'une des plus fortes croissances économiques au monde. Elle a également la plus importante population au monde (plus de 1,3 milliard d'habitants en2009), la plus grande armée (en nombre d'hommes) et dispose également de l'arme nucléaire depuis 1964. La Chine est membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies : ce qui lui confère une influence diplomatique très importante à l'échelle de la planète. Il s'agit actuellement de la deuxième puissance économique du monde, ayant dépassé le Japon au deuxième trimestre de l'année 2010. Elle est une des trois puissances à avoir envoyé par ses propres moyens des hommes dans l'espace.

    De plus en plus d'observateurs américains considèrent la Chine comme étant déjà une superpuissance ou à un niveau très proche d'une superpuissance

    1.3. INDE

    L'Inde a la seconde population du monde, dispose de l'arme nucléaire et a une économie très active.

    217AnandGiridharadas, « India welcomed as new sort of superpower [archive] [archive] », The New York Times, 21 juillet 2005. Mis en ligne le 21 juillet 2005, consulté le 17 juin 200

    218Simon Hooper, « Russia: A superpowerrisesagain [archive] [archive] », Cable News Network, 13 décembre 2006. Mis en ligne le 13 décembre 2006, consulté le 17 juin 2009

    85

    Forte de 1,36 milliard d'habitants et de ses bonnes performances économiques, l'Inde accentue une position mondiale qui, sans être dominante, s'est considérablement renforcée au fil des années. Son développement économique est, certes, inégal et n'a pas encore résorbé les fortes disparités sociales et régionales.

    Le pays a cependant atteint aujourd'hui un niveau « acceptable » en termes de démocratie, de défense de l'état de droit et de respect des droits humains, estime Olivier Dupont, collaborateur scientifique à l'ULG et consultant international. Sans être une terre d'opulence, elle finance des projets tiers-mondistes en Afrique, se lance dans l'aventure spatiale et revendique, elle aussi, un siège permanent au CSNU.

    La possession de l'arme nucléaire et un rôle international croissant donnent sans doute plus de poids à cette ambition. L'Inde est également impliquée dans de nombreux projets régionaux et sa présence de plus en plus affirmée dans les instances multilatérales l'incite à briguer une place supérieure dans la sphère politique mondiale.

    1.4. LA RUSSIE

    Malgré les années de misère, la Russie a conservé ses attributs de grande puissance que sont l'arsenal nucléaire et un siège permanent au Conseil de sécurité, ce qui a contribué à la perception de soi comme une grande puissance affaiblie, mais non défaite. Elle se voit donc plutôt comme un pays ré-émergent dans un ordre mondial reconfiguré, explique Nina Bachkatov, chargée de cours à l'ULG et professeure invitée à l'ULB.

    L'intérêt de Moscou pour les «BRIC» s'explique par son attachement au développement d'un monde multipolaire et la possibilité d'utiliser ce cadre pour imprimer une dynamique qui, sans être ostensiblement tournée contre les Etats-Unis, offre un contrepoids au système international dominé par l'Occident, tel que ce dernier imaginait l'imposer après la guerre froide.

    Il s'agit donc de conforter la spécificité russe, sans se fondre dans un système créé par d'autres et dans lequel la Russie entrerait, par la petite porte, avec le souci de se conformer. Mais la crise économique de 2008-2009 contraint Moscou à reconsidérer les moyens utilisés pour reconstruire sa grande puissance, dans l'euphorie des prix élevés de l'énergie.

    Le statut futur de la Russie pourrait s'apparenter à celui d'une «grande puissance régionale», capable d'exercer son influence sur la scène internationale. Cette définition correspond assez bien à la vision russe d'un monde multipolaire dont elle serait une composante incontournable, avec

    86

    toutefois la modestie qu'il faut pour accepter un recul par rapport au statut de superpuissance de la guerre froide.

    1.5. L'UNION EUROPEENNE

    Si l'Union européenne (UE) parvient à additionner les qualités et les capacités de chaque État membre, l'UE peut être considérée comme une superpuissance au même titre que les États-Unis (à l'exception du domaine militaire).

    Néanmoins, elle est encore considérée comme une superpuissance émergente, puisqu'elle n'est pas encore totalement unifiée politiquement. Sur le plan international, la présence de grandes puissances, comme le Royaume-Uni, la France ou encore l'Allemagne, mais également celle des 24 autres pays de l'Union fait de l'UE la première puissance économique au monde. D'autres aspects jouent en faveur de l'Union européenne. La culture et le mode de vie européen trouvent écho dans le reste du monde. En ce qui concerne le programme PISA, huit des quinze premiers pays sont membres de l'UE, alors que tous les États de l'Europe de l'Ouest sont dans les trente premiers.

    Ses deux principales faiblesses l'empêchant d'être une véritable superpuissance restent sa désorganisation en politique étrangère et sa défense, puisqu'il n'est pas rare que chaque État agisse d'abord dans ses propres intérêts et priorités.

    Néanmoins, elle reste très influente puisque deux postes permanents du Conseil de sécurité des Nations unies sont occupés par la France et le Royaume-Uni, deux États possédant l'arme nucléaire.

    Il reste cependant un point noir pour l'avenir, l'Europe devrait être le seul continent à voir sa population diminuer 18.

    SECTION 4. L'ABOLITION DE L'ARME NUCLEAIRE

    RENDRAIT-ELLE LE MONDE PLUS SUR ?

    L'heure où se clôt la conférence d'examen sur le traité de non-prolifération nucléaire, et alors que le monde résonne encore du discours antinucléaire de Barack Obama, quels sont les véritables enjeux de l'arme nucléaire dans l'équilibre géopolitique de la planète ?

    Le nucléaire militaire a été ces derniers mois au centre des préoccupations de la communauté mondiale. Après la signature début avril à Prague du traité "New Start" organisant la poursuite de la réduction des arsenaux russe et américain et le sommet de Washington sur la sécurité

    87

    nucléaire, s'est tenue à New York, courant mai, la conférence d'examen du traité de non-prolifération (TNP) programmée tous les cinq ans.

    Les décisions ou orientations adoptées lors de ces rendez-vous s'inscrivent dans une triple exigence, affirmée de façon plus ou moins radicale par la quasi-totalité des protagonistes : les pays "détenteurs" * doivent poursuivre la réduction de leurs stocks d'engins nucléaires ; l'interdiction des essais - aériens ou souterrains- doit être maintenue ; les actions visant à la non-prolifération des armes nucléaires doivent être intensifiées en tenant compte notamment des nouvelles menaces liées au développement du terrorisme et à la volonté attribuée à certains groupes ou organisations de se procurer des matières prohibées pour commettre des attentats.

    Le désarmement nucléaire : un voeu théorique, pas encore une stratégie opératoire...

    Des discussions sur les mesures concrètes à acter ou à mettre en oeuvre dans l'immédiat, un débat fondamental a été spectaculairement relancé lors de ces rencontres, véhiculant une vision que certains responsables politiques s'emploient depuis plus d'un an à réactiver et à présenter comme une issue incontournable : celle d'un monde sans arme atomique. Le ré-initiateur le plus influent de cette idée de "désarmement total" - ou "global zero" - est, comme on l'a noté sans surprise, le président Barack Obama, confirmant dans son discours de Prague, en avril dernier, l'engagement des Etats-Unis à poursuivre l'objectif d'"un monde sans armes nucléaires".

    Un an auparavant, dans cette même ville, le président américain avait solennellement proclamé : "nous ne devons pas cesser nos efforts avant que les armes nucléaires aient été éliminées de la surface de la planète. Telle est notre tâche". Aucun pays n'a officiellement remis en cause cette vibrante profession de foi... d'autant qu'elle reprend les considérations liminaires du TNP lequel, après avoir prôné l'accès universel à l'atome civil trace l'idéal d'un monde sans atome militaire grâce à "l'élimination des armes nucléaires... des arsenaux nationaux en vertu d'un [futur] traité sur le désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace".

    §1. Un horizon très lointain

    Nonobstant le chaleureux accueil que lui ont réservé les militants pacifistes, il faut bien convenir qu'en l'état actuel du monde, l'aspiration de M. Obama participe davantage du voeu pieux que de la stratégie opératoire. Le président le reconnait d'ailleurs lui-même en avertissant que dans la période à venir et jusqu'à un hypothétique désarmement, les Etats-Unis maintiendront

    Certes, cette analyse vaut pour une situation géopolitique donnée, avec une cristallisation des pays en deux grands blocs rivaux (en l'occurrence

    88

    "un arsenal nucléaire sûr, sécurisé et efficace", investissant chaque année plusieurs milliards de dollars dans cette maintenance / modernisation.

    Et dans les scénarios les plus optimistes de "Global Zero" - l'ONG "abolitionniste" internationale créée fin 2008 et qui soutient les positions de M. Obama - les premiers pas vers un désarmement possible ne sont pas attendus avant les années 2030 ! Autant dire que ce "monde sans armes nucléaires" qui, de Washington à Moscou, de New-Delhi à Islamabad, de Pyongyang à Téhéran, se heurte aux irréductibles réalités de la géopolitique internationale, n'est aujourd'hui qu'une représentation théorique dont la concrétisation future est pour le moins incertaine.

    En se faisant, non sans habileté, le héraut de cette vision irénique, le président Obama s'offre à peu de frais un brevet de leader éclairé oeuvrant à la paix du monde. Mais au-delà de ce gain d'image, il est permis de s'interroger : peut-on assimiler l'abolition de l'arme nucléaire à un renforcement de la sécurité et de la paix ?

    De prime abord, pour tout un chacun, cela semble évident : en éradiquant ces armes terrifiantes capables d'anéantissements à grande échelle, le monde deviendrait plus sûr ! Mais si l'on veut aller plus loin que les évidences, alors la réponse à la question ne va pas de soi : elle tend même à établir que dans le monde tel qu'il est aujourd'hui, l'abolition de l'arme nucléaire serait plutôt un facteur déstabilisant porteur d'insécurité. Ce propos se fonde sur trois considérations essentielles

    §2. Sans arme nucléaire, un monde plus sur ? Ce n'est pas évident...

    Tout d'abord, un constat historique : durant les 65 ans écoulés, l'arme nucléaire a été le plus efficace instrument de la paix mondiale. Certaines situations d'extrême tension entre les deux blocs auraient probablement dégénéré en conflit s'il n'y avait eu la bombe atomique signifiant aux dirigeants jusqu'où allé trop loin dans l'escalade !

    Si l'arme nucléaire nous a, de toute évidence, évité une troisième guerre mondiale, c'est parce qu'elle a totalement bouleversé les codes internationaux du recours à la force : elle a fait passer la guerre du statut d'événement "envisageable" (au cas où la diplomatie échouerait) à celui d'événement "inacceptable". De ce fait, elle a forcé les pays détenteurs antagonistes à une cohabitation plus ou moins aménagée et les a encouragés à régler leurs différends autrement que par les armes.

    Dans ce domaine, la supériorité des Etats-Unis est écrasante. Mais elle est en quelque sorte annihilée, en termes de rapports de force entre les

    89

    OTAN et Pacte de Varsovie). Aujourd'hui, le paysage mondial n'est plus le même. C'est maintenant la prolifération de l'arme nucléaire et le terrorisme qui sont l'inquiétude principale.

    Le souci premier n'est plus le risque d'une attaque de grande ampleur d'un camp sur l'autre ; il est d'éviter que la possession de la bombe ne se banalise au-delà du cercle restreint des neuf pays détenteurs, ce qui induirait un danger exorbitant d'accidents et de dérapages. Mais cette configuration nouvelle, qui peut d'ailleurs évoluer, n'enlève pas à l'arme nucléaire son caractère globalement dissuasif et équilibrant.

    §3. Un facteur dissuasif non négligeable

    Ce facteur dissuasif a joué aussi - et continue de le faire - au niveau des antagonismes régionaux. Si le conflit Inde / Pakistan n'a pas franchi le seuil de la guerre ouverte, c'est parce que chacun des deux pays, détenteur d'un arsenal nucléaire de puissance à peu près comparable, a mesuré qu'il aurait beaucoup à y perdre.

    On peut également estimer que le pouvoir équilibrant de l'atome maintient hors du champ guerrier la rivalité entre l'Inde et la Chine. Le cas d'Israël, détenteur non proclamé de la bombe, est très particulier dans la mesure où il est le seul Etat au monde à ne pas voir sa légitimité unanimement reconnue.

    Bien au-delà de la défense de ses intérêts primordiaux, la possession de l'arme nucléaire est pour lui la condition même de sa survie dans une région hostile et face à des pays ou des organisations militant pour sa disparition. Compte tenu de cette hostilité récurrente et des déséquilibres démographique et géographique entre les rivaux, la possession d'un arsenal nucléaire par Israël est le garant d'un statu quo régional protégeant son existence.

    Dans les différents cas de figure considérés, renvoyant tous à des situations critiques, il n'est pas niable que l'arme nucléaire oeuvre à l'éloignement des conflits. Dans le monde violent où nous sommes, et même si le paysage géopolitique a changé, cette capacité pacificatrice n'a pas fini de tenir son rôle : il serait pour le moment imprudent de s'en priver.

    Par ailleurs, dans le contexte actuel, l'abolition de l'arme nucléaire aurait pour corollaire inévitable une relance de la course aux armements conventionnels.

    Outre les neuf pays qui possèdent l'arme nucléaire, on en compte à l'heure actuelle près d'une quarantaine qui aurait les moyens techniques et

    90

    puissances mondiales, par le pouvoir équilibrant de l'atome. Abolir ce facteur équilibrant reviendrait à acter l'extrême infériorité militaire des pays "rivaux" des Etats-Unis : Russie et Chine.

    Une situation que ceux-ci ne pourraient évidemment admettre et qu'ils s'emploieraient à corriger en redéployant leurs programmes d'armement conventionnel. L'Inde ne serait pas en reste, non plus que le Pakistan, sans parler des pays arabes et d'Israël! Ceux-ci, parallèlement à la recherche d'une paix problématique, relanceraient d'autant plus leurs efforts d'équipement militaire qu'une nouvelle confrontation, engagée sans le garde-fou de l'arme nucléaire israélienne, serait considérée comme pouvant aboutir à des issues radicales.

    On assisterait ainsi, de proche en proche, à une relance mondiale des armements conventionnels et également, de toute évidence, à une intensification des programmes visant à la mise au point de nouvelles armes chimiques et bactériologiques. Les risques de conflit en seraient d'autant plus renforcés que dans ce monde dénucléarisé mais militarisé à l'extrême la guerre à grande échelle aura perdu son statut d'événement "inacceptable" et se sera, en quelque sorte, "ré-banalisée".

    La troisième considération inclinant à juger intempestive l'abolition de l'arme nucléaire renvoie à un risque manifeste : celui que certains pays ne jouent pas le jeu et entretiennent en secret un arsenal interdit.

    Pour certains régimes la tentation serait forte de disposer de ce formidable instrument de puissance alors que les autres pays en seraient volontairement dépourvus. Comment, alors, débusquer les tricheurs ? Quelle suite donner aux rumeurs et aux soupçons plus ou moins volontairement propagés sur l'existence, ici ou là, de tel ou tel arsenal clandestin ? Comment confondre les Etats "voyous" et quelles sanctions leur appliquer ? Et aussi : comment parer à d'éventuelles représailles alors que ceux qui décrètent la sanction seraient par définition - en l'occurrence - moins forts que ceux appelés à la subir ?...

    L'éradication de l'arme nucléaire ouvrirait la voie à une ère de suspicion inévitablement déstabilisatrice sur le plan des relations internationales et porteuse de graves conflits entre les pays respectueux de la dénucléarisation et les régimes contrevenants ou supposés tels.

    §4. L'abolition envisageable si la situation mondiale évolue

    91

    organisationnels de s'en doter. Ce qui apparait, d'un point de vue très pragmatique, à peu près gérable avec neuf pays "détenteurs" deviendrait angoissant avec cinquante.

    Rien ne garantit que tous ces pays agiront toujours de façon rationnelle sans jamais se laisser égarer par une peur irraisonnée ou par de fausses interprétations. Rien ne certifie que des gouvernements n'agiront pas avec la même irresponsabilité qu'une organisation terroriste ou qu'une fausse manoeuvre, une erreur technique, une maladresse ne déclencheront pas un accident majeur...Toutes ces défaillances "nucléaires" sont possibles et leur probabilité s'accroit en proportion du nombre des pays détenteurs.

    C'est pourquoi la priorité immédiate est de veiller strictement à la non-prolifération. Et s'il est logique, pour écarter les risques évoqués, d'en appeler à l'abolition de l'arme nucléaire, il faut bien mesurer qu'un tel objectif n'a sa pertinence qu'à plus long terme.

    Dans la période présente, avec une communauté mondiale incertaine dans sa gouvernance, nourrissant des rivalités à grande échelle ainsi que de graves conflits régionaux, le pouvoir dissuasif et stabilisateur de l'atome continue d'avoir une influence favorable, oeuvrant à contenir ou à réduire les ferments guerriers.

    Et l'on peut estimer au total que le risque induit par l'arme nucléaire telle qu'elle est aujourd'hui déployée - auprès des neuf pays considérés - apparaît inférieur au risque qu'entraînerait son abolition dans un monde inchangé.

    En fait l'aspiration légitime à une complète abolition de l'arme nucléaire ne pourra se concrétiser que si la situation mondiale évolue profondément, vers davantage de dialogue et vers une gestion plus apaisée des relations conflictuelles.

    Si, avec le temps et les efforts de dirigeants lucides, les rivalités entre grandes puissances sont assumées plus sereinement ; si les conflits régionaux s'engagent dans la voie de règlements équitables acceptés par tous, alors le désarmement nucléaire pourra cesser d'être un voeu pieux pour devenir un but accessible.

    Il ne faut donc pas inverser l'ordre des facteurs : ce n'est pas l'abolition de l'arme nucléaire qui permettra de rendre le monde plus sûr ; c'est l'avènement d'une communauté mondiale plus paisible et libérée des fanatismes qui pourra créer les conditions de cette abolition. Ce constat résonne comme une invitation, pour tous les Etats de la planète, à progresser encore dans la voie de la démocratie.

    92

    SECTION 5. ETATS UNIS : LA MUTATION DE L'UNIQUE PUISSANCE MONDIALE

    Il était normal et habituel de qualifier les Etats-Unis au lendemain de la fin de la guerre froide, comme étant l'unique puissance mondiale, puisque ces potentiels militaires, économiques, culturelles....ont fait d'elles le gendarme mondial qui pilote les destinées du système international.

    §1. Au niveau économique

    Les Etats-Unis représentent l'économie la plus forte du monde, d'où elles participaient avec 20 pour cent du PNB et dominaient les G7, ses firmes multinationales emploient près de 8 millions de travailleurs à l'étranger et pèsent aussi sur l'économie mondiale.

    Les Etats-Unis sont aussi la première puissante agricole, industrielle et commerciale du monde, qui occupe 16% du marché mondial des services, ils tiennent le premier rang pour les investissements extérieurs dont près de la moitié de l'Europe, les fonds de pensions et les fonds communs de lacements investis en bourse est placés en grande partie hors des frontières représentant environ 7 fois le PIB français.

    Wall Street est redevenu la première place boursière de la planète, au même temps, les Etats-Unis tiennent un discours libre-échangiste, en concluant une série de promesse de libre d'échanges avec plusieurs d'états, et pratiquent une politique à tendance protectionniste.

    §2. Au niveau technologique et culturel

    Les Etats-Unis possèdent la prédominance dans le domaine scientifique et technologique, leurs nombres de prix de Nobel en sciences physiques, chimiques et médicales est impressionnant. Au même temps, la technologie américaine est impressionnante et dominante surtout en informatique et en télé communication, et dont les américains possèdent environ de 50 pour cent du parc mondial des ordinateurs, ils disposent aussi de toute une batterie de satellites surveillantes, efficace aussi bien dans le domaine civil que dans le domaine militaire.

    Au niveau culturel, l'expansion culturelle américaine concerne presque tous les Etats du monde, il s'appuie sur la domination en matière des moyens et des réseaux de communications et sur l'influence de l'anglo-américain. Celui-ci tend à devenir la langue universelle, et déjà elle est la langue scientifique.

    Les Etats-Unis attirent presque 4 000 000 étudiants étrangers, et beaucoup de scientifiques viennent travailler dans les Etats-Unis, accentuant ainsi la puissance culturelle américaine, qui s'appuie aussi sur les masses de

    93

    produits multiples (les vêtements et les loisirs) consacrant l'existence d'une industrie culturelle.

    §3. Au niveau politique, stratégique et militaire

    En effet, la fin de la guerre froide avait concrétisé la disparition du processus de la bipolarité, laissant la voie ouverte devant la perception du processus de l'unipolarité, qui fait référence au leadership. Cela veut dire la capacité des Etats-Unis ou d'un pays donné, d'intervenir sans limite et sans problème à l'échelon mondial.

    Aussi, les Etats-Unis est bien l'unique puissance mondiale, qui figure au premier rang aussi bien au niveau politico-militaire que dans le cadre économique monétaire (le dollar demeure le seul instrument de réserve et d'unité de compte pour l'essentiel de négoce mondial).

    Ce faisceau énorme entraîne la capacité d'exercer une influence multiforme et profonde sur la scène mondiale. En effet, la déclaration du président américain George Bush en 1991 sur la fin de la guerre froide et l'instauration d'un nouvel ordre mondial n'est que la manifestation effective de l'existence du leadership américain, en lui reconnaissant le statut du grand gendarme mondial.

    La disparition d'U.R.S.S avait laissé le champ libre devant les Etats-Unis pour maintenir et gérer le nouvel ordre mondial, désormais placé sous le signe de l'unique empire, ce qui signifie la capacité de l'unique puissance mondiale, qui s'étend à la plus grande partie de la planète pour s'obliger d'être omniprésent.

    Or, s'il est impropre de considérer comme impérialiste toutes les tentatives émanées des dirigeants du White House, dans l'ère de Bill Clinton (1992-2000), puisque celui-ci avait fait de la promotion des droits de l'homme l'élément fondamental de la politique étrangère américaine, mais l'action politique sur les cinq continents émanent toujours du Realpolitik (le réalisme)dans le cadre de la défense des valeurs démocratiques du monde libre, ainsi, la première guerre du golfe en 1991, et l'intervention en Somalie (pour des raisons à la fois humanitaires et de maintien de l'ordre) relève de cette double légitimation des interventions extérieurs.

    Dans ce cadre-là, la première guerre du golfe allait permettre de voir l'établissement de cet ordre mondial, dont les Etats-Unis sont chargées des commandes, les américains ont été encore une autre fois les héros de la démocratie et de la règne du droit, ceci n'allait peut être pas se réaliser de manière rapide et courte si le Koweït n'avait pas été un gros exportateur du pétrole, et si le golfe n'aurait pas été capable d'entraver la moitié des réserves pétrolières mondiales, ce qui aboutit à cette exacte logique : est que les Etats-

    94

    Unis intervient directement dans n'importe quel conflit, lorsque ces intérêts vitaux sont mis en cause.

    En contrepartie, les Etats-Unis dans son statut d'unique puissance mondiale a essayé de donner cette image de son engagement sur le terrain de la défense des droits de l'homme, ce qui était derrière son intervention en Bosnie 1993, Kosovo 1997, même à lancer dans l'ère de Bush le processus de la guerre préventive, qui consista à mener des guerres en dehors du territoire américain pour disloquer les réseaux terroristes et inculquer une culture des droits de l'homme.

    Au même temps, Washington développa le processus de l'interventionnisme sélectif) qui évoque que l'intervention américaine devrait obéir à des contraintes

    Qui expliquent le caractère sélectif des interventions américaines à l'étranger, il s'agit à la fois de la contrainte de sécurité qui conforte l'intervention américaine dans son rôle de gendarme mondial, et deuxièmement le risque de prolifération nucléaire, qui est résolu par l'adoption de certaines résolutions par le conseil de sécurité sous l'impulsion de Washington, celui-ci s'était transformé à un immense mécanique de légitimation des décisions américaines.

    La première guerre du golfe allait aussi concrétiser le statut du leadership américain, incontesté dans une communauté internationale convertie dans sa quasi-unanimité aux idéaux du monde libre, car cette guerre consistait à stopper la montée d'une puissance régionale hégémonique capable de mettre en jeu les intérêts vitaux des Etats-Unis, ce qui a expliqué l'intervention pour mettre fin aux désirs d'une puissance hégémonique montante, en passe nucléaire.

    Le leadership américain est bien perçu, et les Etats-Unis est véritablement l'unique puissance mondiale, car aucune autre nation n'est capable de la concurrencer, de telle sorte qu'on a commencé à parler de l'existence d'une superpuissance.

    §4. La mutation de la superpuissance mondiale

    Au lendemain de la fin de la guerre froide, Bill Clinton a été élu président des Etats-Unis, et par conséquent a hérité la présidence d'un monde prometteur, sur lequel jamais encore les Etats-Unis n'auraient été aussi puissante, elles avaient l'épongée de la grandeur, et disposaient des moyens économiques et militaires nécessaires pour qu'elles puissent assurer convenablement ses objectifs.

    95

    Dans ce contexte, Bill Clinton prononça un discours (aujourd'hui, la différence entre les capacités de nos forces militaires et celles des pays qui nous veulent du mal est plus grande que n'importe quel moment. Et notre défi consistera à maintenir ce delta à niveau tel que n'importe lequel de mes successeurs puisse nous certifier avec d'autant de conviction)219

    Ce terme delta allait progressivement se transformer à la manifestation de l'existence d'une superpuissance américaine, car reconnaître qu'un pays est doté de possibilité incroyable par rapport aux être pays signifie que ce pays est doté de quelque chose d'exceptionnel, et par conséquent, la manifestation de la superpuissance ne se manifeste plus dans son rôle de gendarme mondial et de leadership, mais aussi dans sa capacité de contrôler les destinée du système international, et de piloter la société mondiale. dans ce perspective, Bill Clinton réaffirma que : (parce ce que nous sommes toujours la nation indispensable pour diriger, il nous appartient de diriger)2, ici, le président américain ne reconnaît pas seulement le droit des Etats-Unis d'exercer son leadership, mais aussi de pénétrer au centre du système international , dans le cadre d'une nouvelle architecture qui donnait le droit à Washington de demeurer une puissance aussi bien sur l'Europe que sur le Pacifique, ce qui traduit l'élément de la superpuissance , en particulier avec la révolution démocratique qui venait de se produire dans les anciennes satellites soviétiques.

    Voilà comment on comprend que les Etats-Unis devaient mener une guerre victorieuse contre la terreur représentée par les ennemis de la liberté, sur lequel seul l'usage de ses potentiels techniques, technologiques et militaires surprenantes lui allaient permettre nom pas seulement de s'arrêter devant les frontières des autres nations, mais de nettoyer le monde de la terreur, en reconnaissant que seule les Etats-Unis est apte à le faire.

    Cependant, il a fallu attendre l'arrivée des événements du 11 Septembre 2001, contre le World Center Trade et le siège du Pentagone pour assister à un changement radical dans l'attitude de Washington, gouvernée depuis Janvier 2001 d'une équipe de néo - conservateurs, qui considérée que l'effondrement de U.R.S.S en 1991 avait provoqué un bouleversement mondial qui donnait à Washington le droit d'exercer une hégémonie absolue pour une durée indéterminée, dans le cadre d'un projet (Americain Project Century) qui consistait à maintenir un environnement international conforme aux intérêts américaines.

    Ainsi, la nation qui se considérait pour être la meilleure avait subi pour la première fois de son histoire des attentats planifiés, organisés de façon méthodiques, et décida d'adopter une politique plus efficace au niveau de la lutte contre le terrorisme, ou va s'apercevoir la manifestation de la superpuissance mondiale au nom de la conservation et la diffusion des valeurs du monde libre.

    219Charles Philippe David (La politique étrangère des Etats-Unis - page 76)

    96

    En effet, avant 2001, les Etats-Unis avaient toujours éviter de prendre des mesures militaire préventive contre le terrorisme, car l'administration de Bill Clinton pensait que l'usage à toutes formes d'interventions militaires directes pourra aboutir à des catastrophes militaires susceptibles de nuire le réputation de Washington comme nouvelle superpuissance montante, mais ses contraintes n'avaient plus court en présence d'attentats suicides, ou lorsqu'un tel arsenal se trouve entre les mains des dirigeants qui ne tiennent pas compte des contrepoids institutionnels ou du poids de l'opinion publique, et qui ont recouru aux armes de destructions massives contre leurs populations et leurs voisins ( Irak), ou qui ont condamné des centaines de milliers de la population à mourir de faim (La Corée du Nord).

    L'administration de George Walter Bush allait plaider pour une métamorphose de la puissance conservatrice à une puissance révolutionnaire, pour restructurer le monde à la manière américaine et de le libérer de ses réseaux brutaux. Le processus de la guerre préventive allait être un moyen efficace qui consistait à frapper avant que l'ennemi ne puisse frapper et attaquer. L'usage à cette stratégie a été bénéfique sur un double plan, premièrement la dislocation des régimes terroriste et deuxièmement d'empêcher une futur compétition d'un état envers les Etats-Unis.

    On octobre 2001, Washington après avoir obtenu l'autorisation du conseil de sécurité lança une opération militaire sur le régime des talibans en Afghanistan pour le renverser et d'obtenir un plan d'accès via ce territoire vers la mer Caspienne, le résultat fut impressionnant, puisque les Etats-Unis décrocha une victoire militaire d'une manière rapide, en s'appuyant nom pas seulement sur l'effectivité et l'efficacité des produits et des armes militaires, mais aussi sur la rapidité de l'opération et de la gestion du système numérique.

    Ce n'est qu'après la fin de la guerre sur l'Afghanistan que les Etats-Unis allaient commença à exercer son leadership de façon abusive, le président américain George Bush dénonça l'axe du mal, composé d'un ensemble d'états voyous qui représentait selon lui un danger sur la sécurité mondiale, décida de se nourrir de la doctrine du Containment, et de prévoir la possibilité de déclencher des guerres sans une autorisations préalables du conseil de sécurité, il s'agit de l'unilatéralisme manifesté dans le gestion des affaires étrangères, ainsi, et avant le déclenchement de la guerre sur l'Irak, le vice-président américain Cheney annonce que le changement du régime politique en Irak constituera le meilleur moyen pour permettre à la population irakienne de jouir de la liberté et des valeurs susceptibles d'instaurer une paix durable, afin de construire un monde façonné par l'image des Etats-Unis.

    Le 25 Mars 2003, les Etats-Unis déclencha une nouvelle guerre sur l'Irak sans une autorisation des nations unies, sous le prétexte que le régime de Saddam Hossein continuait de construire des armes de destruction massive,

    La Russie qui est la fille de l'ancienne empire mourante se débrouille assez bien sur la scène international, et a prouvé qu'elle était capable de résister

    97

    comme forme de leurres qui camouflent les intérêts de sauvegardent des besoins vitaux des Etats-Unis, et qui allait s'achevé par l'entrée des forces américaines à Bagdad.

    En effet, l'administration américaine espérait gagner totalement la guerre pour tourner le dos aux contrepoids de la politique internationale, et d'exercer de façon plus effective sa superpuissance, en soumettant le monde sous sa domination, ainsi que de confirmer sa souveraineté sur, le moyen orient qui demeure une zone disposant de réserves pétrolières très important, et se trouvant à proximité de la zone d'Eurasie.

    Au même temps, les Etats-Unis avait laissé envisagé sa volonté de déployer un projet de bouclier antimissile en Europe centrale dans d'une politique défensive fiable consistante à minimiser le danger russe et chinoise.

    La superpuissance américaine se manifeste aussi dans son omniprésence sur la scène mondiale, car l'effet démonstratif des Etats-Unis se transforma en un modèle d'emprise culturel qui est partout, il s'agit de l'attraction qui leurs permettent de conquérir les coeurs des milliers de la population.

    Ainsi en France, en Allemagne ou en Angleterre, la propagation de ce qui est vaguement convenu d'appeler les idées et coutumes américaines sont touchées, ou s'ajoute la suprématie des dollar et la maîtrise des réseaux de communications, les nouvelles technologies... de telle sorte que l'ancien ministre français des affaires étrangères Hubert Veduire constat que les Etats-Unis disposait de cette puissance mentale d'inspirer les rêves et les désirs des autres qui allait faire d'elles une superpuissance et une nation universelle.

    §5. Les limites de la superpuissance américaine

    La fin de la guerre froide et l'effondrement de l'empire soviétique, puis les événements du 11 Septembre 2001 qui ont constitué ce pond de passage vers une autre aire des relations internationales autour duquel les Etats-Unis tentera de gérer à elle seul le système international, et les faits marquants ont bien prouvé que les Etats-Unis ne sont pas une superpuissance mondiale, ainsi que les valeurs du monde libéral ne sont pas fortement enracinés dans l'ensemble du patrimoine humain, ce qui relativise la pensée développée par Francis Fukuyama.

    Quinze ans après le triomphe du droit, comme éphémère d'une manifestation d'un consensus international fondé sur les mobiles équivoques, la notion (ordre mondial) parait difficilement applicable à la constellation planétaire actuelle.

    98

    devant les pressions américaines, car elle a réussi à préserver son influence dans les régions représentant un intérêt géopolitique et historique pour elle, lui permettant d'assurer sa sécurité au cas de l'échec du rapprochement avec Les Etats-Unis (Ukraine, Géorgie, Biélorussie...), ce qui pose la question du poids définitive de la Russie après son adaptation avec l'économie du marché.

    Le Japon qui est un nain politique et au même un géant économique, dans ses produits techniques et technologiques est capable de concurrencer les Etats Unies. L'Union européen se trouve dans une tournée et une impasse suite à son ouverture aux pays de l'est de l'Europe, disposant de vingt-sept membres, le marché européen risque de constituer un long terme une paralysie à l'économie des Etats-Unis.

    La Chine quant à elle est capable durant des années à se transformer à un véritable rival aux Etats-Unis, déjà dans un contexte international qui est celui des échanges et de l'ouverture des frontières, l'extrême rapidité de son dévouement fait redouter aux autres puissances industrielles les effets ravageurs de l'arrivée massive des produits made in China.

    Certes avec un milliard et demi de consommateurs virtuels, le marché chinois parait représenter un immense réservoir des commandes pour les industriels et les hommes d'affaires japonais et européens, mais déjà se font sentir les conséquences sur les économies développés d'une concurrence qui dispose d'une double atout, à savoir la modernité de l'appareil de production, largement installé par les occidentaux, nucléaire et désormais économique, ce qui aboutit à la réalité suivante : est que la Chine commence à prendre le statut d'une grande puissance.

    En Irak, la réussite de l'opération s'était vite heurté à une résistance acharnée de la part de la population, provoquant la mort des soldats de coalition, et contre les membres de la police et les civils irakiens, d'enlèvements des journalistes étrangers, de sabotage, d'entreprises de pure pirate mafieuse et d'actions répressives dont la brutalité a souvent été jugé avec sévérité par la communauté internationale.

    Confronté à ces difficultés et en butte au rejet d'une fraction croissante de l'opinion publique américaine, le président Bush a eu pour modifier sa ligne politique d'une coopération avec les nations unies et d'un rapprochement avec ceux de ses partenaires occidentaux qui avaient refusé de le suivre durant le déclenchement de la guerre.

    Les Etats-Unis est même incapable jusqu'à présent de réaliser la victoire définitive sur le terrorisme, malgré les budgets d'investissements militaires, et l'occupation de l'Afghanistan, et dont les tenants du fatalisme continu de mener leurs politiques, consistantes à expulsées les croisés des

    99

    terres musulmanes, tout autant que de mettre les Etats-Unis en Déroute, et les moyens utilisés sont odieux à quelque code moral qu'on se réfère.

    L'intervention du terrorisme avait réussi à découvrir le point faible et le moyen pour blesser le gendarme mondiale, le problème qui réside est que l'ennemi des Etats-Unis n'est pas un état mais des Kamikazes porteurs des bombes, et dont la défense fiable est impossible dans un champ de batail ou l'agresseur est presque invulnérable.

    En effet, depuis l'effondrement de U.R.S.S, les Etats-Unis se sont bercées à promouvoir l'idée que toute menace étrangère sur la civilisation occidentale américanisée avait disparue à tout jamais. Mais tout à coup un nouveau phénomène mondial allait être l'origine des événements les plus douloureux et dramatique de l'histoire des Etats-Unis, et contribua à un tournant dans les relations internationales, car ce phénomène n'allait n'en pas seulement épargné l'Amérique , mais il avait aussi pris pour cible les installations américaines à l'étranger, concrétisant l'existence d'un groupement humain motivés par une haine profondément enracinées dans ses pensées envers les valeurs occidentales, que ses détenteurs sont prédisposés à affronter la mort (les attentats suicides) et d'infliger la souffrance à la population américaine, sous le prétexte de libérer la terre d'islam des croisés.

    De toute évidence, les réalités du contexte international actuel démontrent l'émancipation d'un sentiment de recul de cette politique expansionniste que Washington avait lancée au lendemain des événements du 11 Septembre, suite à son implication et son incapacité à gérer convenablement le dossier irakien, ou à l'augmentation des prix de baril de pétrole dont les conséquences s'incombent sur l'économie américaine, et enfin les déclarations du président américain laissant entrevoir un abondant au recours à la force sur la question iranienne et coréenne...

    Tout cela nous envoie à la conclusion suivante : les Etats-Unis ne sont pas une superpuissance mondiale, mais plutôt une unique puissance mondiale, celle-ci risque de perdre à long terme son statut de leadership mondial et d'unique puissance devant la concurrence et la compétition de nouvelles puissantes émergeantes, ainsi que devant la dégradation de la situation économique américaine. Cependant, l'étude du phénomène de la superpuissance d'un Etat nous aboutira en fin de lieu à cette réalité politique innové par Jean Baptiste Duroselle : Tout empire périra.

    100

    CONCLUSION

    La fin de la guerre froide ne permet pas la mise en place d'un « nouvel ordre mondial » (Brett Scrowcroft, conseillé de Bush senior, avril 90) mais plutôt d'un désordre mondial provoqué par les replis identitaires qui sont à l'origine d'une multiplication des conflits et de nouvelles menaces pesant sur les grandes puissances.

    La fin de la guerre froide a réveillé les identités culturelles - religieuses, nationales, linguistiques - aux quatre coins de la planète. La confrontation idéologique entre libéralisme et socialisme avait fait passer au second plan ces identités, qui reviennent sur le devant de la scène et se prêtent à toutes les manipulations politiques. La mondialisation, avec les craintes d'uniformisation culturelle qu'elle peut susciter, a aussi favorisé ces replis identitaires.

    Le nationalisme fait un retour spectaculaire en Europe (pays basque, Ulster, Corse, unité de la Belgique et du Royaume-Uni). En Afrique, les ethnies constituent souvent la base de mouvements politiques qui luttent pour le pouvoir (presque un coup d'Etat par an entre 1960 et 1990), la religion peut aussi être instrumentalisée enfin les grandes puissances y jouent souvent un rôle actif.

    L'islamisme, qui s'est développé depuis 1970, prétend revenir aux sources de l'islam en renversant des régimes jugés trop éloignés de la vraie foi et trop conciliants avec l'Occident. En Inde, le communautarisme engendre de nombreuses violences, surtout entre hindouismes et musulmans.

    Ce réveil des identités tend à affaiblir les Etats en multipliant les tensions internes et les guerres civiles. En 2000, 68 conflits ont éclaté contre une moyenne annuelle de 35 conflits depuis 1945.

    C'est le cas en Europe, avec l'implosion des Etats multiethniques qu'étaient l'URSS (guerres de Tchétchénie en 94-96 et depuis 99), la Tchécoslovaquie (scission le 31/12/92) et la Yougoslavie (90-95 guerre entre la Croatie, la Serbie et la Bosnie Herzégovine s'achevant avec les accords de Dayton ; 99 guerre pour le Kosovo).

    C'est aussi nettement visible en Afrique, dans des Etats issus de la décolonisation, où le processus de construction nationale n'est pas encore achevé Les conflits interethniques se sont multipliés (Sierra Leone, Libéria, Côte d'Ivoire... faisant 7,5 millions de morts depuis 45), embrasant parfois toute une région comme celle des Grands Lacs. La lutte entre les Hutus et les Tutsis, en effet, a ensanglanté le Burundi, engendré un génocide au Rwanda

    Le monde à l'aube du XXIe siècle paraît particulièrement divisé et l'on peut se demander si la dernière grande puissance, les Etats-Unis, va réussir à

    101

    (1994), puis contribué à la déstabilisation de la République Démocratique du Congo (ex-Zaïre), (1996-1998).

    La communauté internationale est restée relativement passive face à ces guerres, pour deux raisons. D'abord parce qu'elle peut difficilement intervenir : la plupart de ces conflits ont lieu à l'intérieur d'un Etat, alors que le droit international reste fondé sur la souveraineté nationale. Ensuite, parce qu'elle ne veut pas forcément agir : les grandes puissances ne s'intéressent plus qu'aux régions jugées vitales pour leur sécurité, alors qu'au temps de la guerre froide elles étaient obligées de maintenir partout un certain équilibre des forces.

    C'est souvent dans ces Etats en décomposition ou failed states (Soudan, Somalie, Afghanistan), dans les « zones grises » de la planète, que les réseaux terroristes ou mafieux trouvent refuge. Ils savent utiliser les moyens modernes de communication. Le narcotrafic dégage d'énormes profits qui permettent de corrompre les gouvernements, de financer les guerres, de gangrener les économies (blanchiment de l'argent « sale »). Al Qaida est un réseau terroriste qui maîtrise les techniques de médiatisation ; il peut frapper l'Etat le plus puissant du monde, comme l'ont montré les attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center à New York et contre le Pentagone à Washington.

    Certains redoutent que des armes de destruction massive (nucléaires, chimiques ou bactériologiques) et des missiles ne tombent aux mains d'un mouvement terroriste ou d'Etats bellicistes.

    Ainsi, on assiste à une prolifération nucléaire en Asie : le Pakistan et l'Inde sont devenus des puissances nucléaires en 98. Un Etat, comme la Corée du Nord, utilise d'ailleurs le chantage nucléaire pour obtenir une aide américaine (93-94) puis pour se protéger contre une éventuelle attaque des Etats-Unis (2003-2005). Le premier acte de terrorisme chimique est l'attentat au gaz sarin contre le métro de Tokyo perpétré en 1995 par le secte Aum. Les principales menaces, dans le monde actuel, ne sont plus les guerres « classiques » entre Etats.

    La disparition du monde bipolaire et l'échec du « nouvel ordre mondial » américain permettent l'apparition de nouvelles menaces qui posent la question de l'avenir de la planète d'un point de vue politique.

    102

    imposer sa domination ou si la direction du monde va être partagée entre plusieurs puissances.

    La multiplication des conflits locaux, le développement de nouvelles menaces comme le terrorisme rendent nécessaire de repenser les questions de sécurité à l'échelle mondiale. Il faut aussi élargir la notion même de sécurité, en prenant en compte tous les problèmes qui pèsent sur l'avenir de l'humanité.

    Mais pour imposer des règles aux Etats, il faut dépasser la souveraineté nationale, qui est encore la base du droit international. Cela n'est possible que si l'on parvient à définir des valeurs universelles, communes à une humanité ainsi considérée comme supérieure aux Etats.

    Par ailleurs, la démocratie libérale est loin d'être considérée partout comme un modèle. Le marxisme inspire encore des Etats comme Cuba et la Corée du Nord.

    Engagée depuis la fin des années 1970 dans un processus de modernisation, la Chine s'est ouverte aux investissements étrangers et a récupéré les enclaves capitalistes de Hong-Kong (1997) et de Macao (1999).

    Mais le régime est toujours aux mains du parti communiste et refuse toute ouverture politique, comme l 'a montré la répression du « Printemps de Pékin » en 1989. Cette puissance nucléaire, spatiale, économique, marquée par un passé impérialiste, peut représenter une menace à la domination mondiale des Etats-Unis.

    Les tensions Nord-Sud n'ont pas disparu. La domination des pays riches sur l'économie mondiale, à travers le G7 notamment, est dénoncée par les altermondialistes. Ils accusent l'OMC d'organiser la mondialisation au seul bénéfice du « club » des pays occidentaux. Beaucoup d'Etats du Sud refusent d'accepter des normes « universelles » qu'ils considèrent comme « occidentales ».

    Cette méfiance à l'égard de l'Occident, en général, se double d'une peur des Etats-Unis, en particulier. Aucune puissance n'est capable aujourd'hui de rivaliser avec les Etats-Unis. On peut donc parler d'un monde unipolaire, dominé par l'hyperpuissance américaine.

    Le « nouvel ordre mondial » est d'ailleurs une expression inventée par George Bush (père) en 1990 pour légitimer l'intervention contre l'Irak, coupable d'avoir annexé le Koweït. Cette guerre du Golfe s'est faite en janvier 1991 avec l'accord de l'ONU et la participation de nombreux Etats.

    103

    Mais ce relatif consensus s'est vite dissipé. Jusqu'en 1992, les Etats-Unis veulent rester une grande puissance au milieu des petites nations et cherchent à observer une certaine retenue. Clinton (1991-2001) est partisan de la sécurité collective du monde mais sa volonté de préserver les intérêts américains provoque une évolution vers un « multilatéralisme dégradé » : il intervient au Kosovo malgré l'opposition de la Chine et de la Russie et opte pour une politique d'élargissement - promotion de la démocratie et de l'économie de marché.

    Cependant, la population américaine est réticente à ses interventions coûteuses, financièrement et humainement, ce qui pousse les Etats-Unis à utiliser leurs alliés (financement de la guerre en Irak par le Japon et les pétromonarchies ou intervention militaire au Rwanda pour la France). Les attentats du 11 septembre changent la donne. Les Américains acceptent les sacrifices pour préserver leur territoire (« America first ») en développant une puissance militaire suffisante pour lutter contre le terrorisme et les Etats voyous (« Rogue state ») dans des guerres asymétriques (entre des puissances de forces inégales). Les Etats-Unis sont prêts à se passer de l'ONU quand celle-ci ne veut pas autoriser leur action. L'opération militaire menée en 2003 en Irak pour renverser le régime de Saddam Hussein est un exemple de cet unilatéralisme.

    Beaucoup d'Etats qui se sont opposés à cette intervention souhaitent préserver le multilatéralisme et sortir l'ONU de la crise où elle est plongée. Une fois réformée, l'ONU pourrait représenter l'humanité et faire appliquer un droit d'ingérence qui lui permettrait d'intervenir dans une guerre civile.

    Mais les Etats ne peuvent plus régler seuls tous les problèmes à l'heure de la mondialisation. Ils doivent prendre en compte les autres acteurs des relations internationales.

    C'est l'idée d'une gouvernance globale, qui permettrait de régler les problèmes de la planète d'une manière plus démocratique. Les ONG sont en effet de plus en plus étroitement associées au fonctionnement des organisations internationales. Les organisations régionales semblent appelées à jouer un rôle croissant et l'ONU pourrait se « décentraliser » en s'appuyant dans chaque continent sur une organisation régionale qui disposerait d'une force militaire permanente, ce qui n'est pas le cas actuellement avec les Casques bleues.

    104

    C'est peut-être aujourd'hui la solution la plus efficace pour assurer la paix dans une partie du monde : l'Europe en apporte la preuve. De la même façon, l'action de l'AIEA (Agence Internationale de l'Energie Atomique), dans le cadre du contrôle de la prolifération atomique (prix Nobel de la paix en 2005), montre l'utilité d'agences spécialisées. Enfin, l'espoir d'une justice internationale, capable de traquer les criminels contre l'humanité par-delà les frontières, s'est concrétisé avec la CPI (Cour pénale internationale) fondée en 1998 mais non ratifiée par les Etats-Unis, la Chine et les Etats du Proche-Orient.

    105

    BIBLIOGRAPHIE

    1. ALBERTO R. COLL, «America as the Grand Facilitator», Foreign Policy, n° 87, été 1992.

    2. ANDRE FONTAINE (Histoire de la guerre froide - page 381)

    3. ANDREW C. GOLDBERG, «Challenges to the Post-Cold War Balance of Power», The Washington Quarterly, vol. 14, 1991.

    4. ANDREW C. GOLDBERG, «Selective Engagement: U.S. National Security Policy in the 1990s», The Washington Quarterly, vol. 15, 1992.Donald E. Nuechterlein, America Recommitted. United States National Interests in a Restructured World, Lexington, Ky., University Press of Kentucky, 1991.

    5. BEATRICE POULIGNY, "Force armée de l'ONU ou nouvelle ONU?", Etudes, mars 1994.

    6. BERTRAND BADIE, L'impuissance de la puissance. Essai sur les nouvelles relations internationales, Fayard, 2004.

    7. CHARLES KRAUTHAMMER, «The U.N. Obsession», Time, 9 mai 1994.

    8. CHARLES KRAUTHAMMER, «The Unipolar Moment», Foreign Affairs,vol. 70, 1990/1991.

    9. CHASE, ROBERT, S, HILL, E.-B. et KENNEDY P., « Pivotal States and U.S. Strategy », in Foreign Affairs, vol. 75, no.1, 1996.

    10. CHRISTOPHER LAYNE, «The Unipolar Illusion : Why New Great Powers Will Rise», International Security, vol. 17, 1993.

    11. CHRISTOPHER OGDEN, «Globocop Glop», Time, 23 mars 1992.

    12. DAVID C. HENDRICKSON, «The End of American History : American Security, the National Purpose, and the New World Order»,Rethinking America's Security. Beyond Cold War to New World Order, sous la dir. de Graham Allison et Gregory F. Treverton, New York, Norton, 1992.

    13. DUIGNAN, P. et GANN, L.-H. Les États-unis et l'Afrique, une histoire, Economica, Paris, 1984.

    14. Earl C. RAVENAL, «The Case for Adjustment», Foreign Policy, n° 81, hiver 1990-91.

    15. ELLIOTT ABRAMS, «Why America Must Lead», The National Interest, n° 28, été 1992.

    16. FAFF, W. "L'hégémonie n'a qu'un temps", in Courrier international, n° 540, 8-14 mars. 2001.

    17. FRANCIS FUKUYAMA, «The End of History ?», The National Interest,n° 16, été 1989.

    18. GARRY WILLS, «The End of Reaganism», Time, 16 novembre 1992.

    19. GEORGES-HENRI SOUTOU : La guerre de Cinquante Ans, Fayard 2003.

    106

    20. GOODE. WETHATT. P., Cités par KUYANSA, B et SHOMBA, K. Initiation aux méthodes de recherches en Sciences Sociales, éd. PUZ, Kinshasa, 1995, p.178.

    21. HASSNER, P. et VAÏSSE J., Washington et le monde, CERI/Autrement, Paris, 2003.

    22. HENRY A. KISSINGER, «Balance of Power
    Sustained»,Rethinking..., pp. 238-248.

    23. HOFFMANN S., « Delusions of world order », New York Review of Books, 9 April, 1992.

    24. HOWARD M., The Lessons of history, New Haven, CT, Yale University Press, 1991.

    25. JAMES CHACE, The Consequences of the Peace. The New Internationalism and American Foreign Policy, New York-Oxford, Oxford University Press, 1992,

    26. JOSEPH S. NYE, JR., «De nouveaux défis pour
    l'Amérique»,Dialogue, n° 94, 1991-4.

    27. KISSINGER H. A., American Foreign Policy, New York, Norton, 3rd ed., 1977.g the world », Newsweek, 20 december 1993, p. 128.

    28. LARRY DIAMOND, «Promoting Democracy», Foreign Policy, n° 87, été 1992.

    29. LERICHE, F., « La politique africaine des États-Unis : une mise en perspective », in Afrique contemporaine no 207, 3/2003.

    30. LOUBET Del Bayle J.L, Cité par SHOMBA, Méthodes de la recherche scientifique, PUK, 2002.

    31. MALCOLM WALLOP, «The Ultimate High Ground», America's Purpose. New Visions of U.S. Foreign Policy, sous la dir. d'Owen Harries, San Francisco, ICS Press, 1991.

    32. MARK T. CLARK, «The Future of Clinton's Foreign and Defense Policy : Multilateral Security», Comparative Strategy, vol. 13, 1994.

    33. MICHAEL KRAMER, «Clinton's Foreign Policy Jujitsu», Time, 30 mars 1992.

    34. MICHAEL KRAMER, «Putting Business First», Time,6 décembre 1993.

    35. Michael Vlahos, «Culture and Foreign Policy», Foreign Policy, n° 82, printemps 1991.

    36. NOUAILHAT, Y.-H. Les États-Unis et le monde au XXe siècle,éd. Armand Colin, Paris, 2000.

    37. PAUL-MARIE DE LA GORCE, «Washington et la maîtrise du monde»,Le Monde diplomatique, avril 1992.

    38. PIERRE HASSNER, "Par-delà la guerre et la paix: violence et intervention après la guerre froide", Etudes, 1996.

    39. RICHARD LACAYO, «Boldness without Vision», Time, 9 mars 1992.

    40. ROBERT STRAUSZ-HUPÉ, «The Balance of
    Tomorrow», Orbis,vol. 36, 1992.

    107

    41. ROBERT STRAUSZ-HUPÉ, The Balance of Tomorrow : Power and Foreign Policy in the United States, New York, G.P. Putnam's Sons, 1945 et «The Balance of Tomorrow», Orbis, vol. 1, 1957.

    42. ROBERT W. TUCKER, «1989 and All That», Sea-Changes : American Foreign Policy in a World Transformed, sous la dir. de Nicholas X. Rizopoulos, New York, Council of Foreign Relations Press, 1990.

    43. SAMUEL P. HUNTINGTON, «America's Changing Strategic Interests», Survival, vol. 33, 1991.

    44. SCHRAEDER, P. - J., United States Foreign Policy Toward Africa : Incrementalism, Crisis, and Change. Cambridge, Cambridge University Press. 1994.

    45. SERVANT, J.-C., "Offensive sur l'or noir africain", in Le Monde diplomatique, janvier. 2003.

    46. STANLEY HOFFMANN, "Thoughts on the UN at Fifty", European Journal of International Law, 6(3), 1995.

    47. STROBE TALBOTT, «The Birth of the Global Nation», Time, 20 juillet 1992.

    48. TED GALEN CARPENTER, «The New World Disorder», Foreign Policy, n° 84, automne 1991.

    49. TRUMAN H. S., Papiers publics du président des Etats-Unis: Harry S. Truman, 1952-1953, W(...)

    50. WARREN CHRISTOPHER, «Economy, Defense, Democracy to be U.S. Policy Pillars», USIS, Foreign Policy, 14 janvier 1993.

    51. WILLIAM PFAFF, «New or Old, Isolation Won't Do», International Herald Tribune, 14-15 mars 1992.

    52. WRIGHT R. J. JR, Testimony before the Senate Intelligence Committe, 2 february 1993.

    53. ZAKI LAÏDI, "L'urgence est mauvaise conseillère du prince", Libération, 11 octobre 1996.

    54. ZAKI LAÏDI, "La mondialisation tue-t-elle l'universel?", Sources UNESCO, n°79, mai 1996.

    55. ZAKI LAÏDI, "Le rite médiatique du G7", Libération, 15 juin 1996.

    56. ZAKI LAÏDI, Un monde privé de sens, 1994, Paris, Fayard.

    57. ZBIGNIEW BRZEZINSKI, «Selective Global Commitment», Foreign Affairs, vol. 70, 1991.

    108

    TABLE DES MATIERES

    EPIGRAPHE I

    IN MEMORIAM II

    DEDICACE III

    AVANT-PROPOS IV

    INTRODUCTION 1

    1. PROBLEMATIQUE 1

    2. HYPOTHESES DU TRAVAIL 1

    s. METHODE ET TECHNIQUE DU TRAVAIL 2

    4. CHOIX ET INTERET DU SUJET s

    5. DELIMITATION DU SUJET s

    6. SUBDIVISION DU TRAVAIL 4

    CHAPITRE I : HÉRITAGE DE LA GUERRE FROIDE 5

    SECTION 1. LA CARACTERISTIQUE GENERALE DE LA GUER 5

    FROIDE 5

    §1. La naissance des deux blocs 7

    §2. L'évolution de la guerre froide et les conflits localisés : 10

    §3. La première phase de la guerre froide : 10

    SECTION 2. LA PREMIERE CRISE DE BERLIN 10

    SECTION s. LA CRISE DE LA COREE 12

    SECTION 4. LA DEUXIEME CRISE DE BERLIN 14

    SECTION 5. LA CRISE DU CUBA 15

    SECTION 6. L'ECHEC DU MARXISME LENINISME ET LA FIN DE

    LA GUERRE FROIDE 17

    CHAPITRE II : A LA RECHERCHE D'UN NOUVEL ORDRE MONDIAL

    21

    SECTION 1. CONCEPTS AMERICAINS POUR L'APRES-GUERRE 21

    FROIDE 21

    §1. L'internationalisme triomphant 22

    §2. Le nouvel ordre mondial 22

    §3. Maintien du leadership de l'empire du bien» et unilatéralisme global 24

    §4. L'unipolarité 25

    109

    §5. La gestion de l'interdépendance transnationale 26

    §6. Vers un fédéralisme mondial 27

    §7. Une nouvelle «destinée manifeste» 29

    SECTION 2. LE NÉO-ISOLATIONNISME 29

    §1. L'Amérique d'abord 30

    §2. Dépôt du fardeau et adaptation à la normalité retrouvée 31

    §3. Le préalable du renouveau intérieur 33

    SECTION s. NOUVEL INTERNATIONALISME, PRATIQUE ET s4

    SÉLECTIF s4

    §1. La sécurité multilatérale 34

    §2. L'indépendance stratégique et le maintien de l'équilibre des forces 35

    §3. Splendide isolement et engagement global sélectif 36

    §4. L'élargissement : promouvoir la démocratie et l'économie de marché 38

    §5. La sécurité économique 39
    SECTION 4. LE TIERS MONDE DANS LA PENSEE STRATEGIQUE

    41

    AMERICAINE 41

    §1. Les principes de politique africaine des USA 42

    1.1. Pendant la guerre froide 42

    1.2. Après la guerre froide 43

    §2. Les courants philosophiques de la politique africaine des USA 44

    Post-guerre froide : l'engagement sélectif et la legacy 44

    §3. De l'engagement sélectif et son application dans les relations 45

    USA-AFRIQUE 45

    USA-AFRIQUE 47

    3.2. Les lignes forces et stratégies de la politique américaine en Afrique 47

    CHAPITRE III : LE SYSTEME INETERNATIONAL EN GESTATION

    49

    SECTION 1. DESORDRE APRES LA GUERRE FROIDE 49

    §1. Simplification Du Passe : Les Souvenirs De La Guerre Froide 50

    §2. Nationalisme, eurocentrisme et guerre locale 53

    110

    §1. La réforme des nations unies: enjeux et perspectives 58

    §2. Un impératif : anticiper pour s'adapter 61

    §3. Une réforme structurelle 67

    §4. Vers une reforme conceptuelle 74

    §5. Une action renforcée 75

    §6. Un mode de fonctionnement renouvelé 79

    §7. Un leadership retrouve 80
    SECTION s. DU MONDE BIPOLAIRE AU MONDE MULTIPOLAIRE

    §1. Superpuissance émergente

    82

    83

    1.1. LE BRESIL

    84

    1.2. LA CHINE

    84

    1.3. INDE

    84

    1.4. LA RUSSIE

    85

    1.5. L'UNION EUROPEENNE

    86

    SECTION 4. L'ABOLITION DE L'ARME NUCLEAIRE

    86

    RENDRAIT-ELLE LE MONDE PLUS SUR ?

    86

    §1. Un horizon très lointain

    87

    §2. Sans arme nucléaire, un monde plus sur ? Ce n'est pas évident...

    88

    §3. Un facteur dissuasif non négligeable

    89

    §4. L'abolition envisageable si la situation mondiale évolue

    90

    SECTION 5. ETATS UNIS : LA MUTATION DE L'UNIQUE

    92

    PUISSANCE MONDIALE

    92

    §1. Au niveau économique

    92

    §2. Au niveau technologique et culturel

    92

    §3. Au niveau politique, stratégique et militaire

    93

    §4. La mutation de la superpuissance mondiale

    94

    §5. Les limites de la superpuissance américaine

    97

    CONCLUSION

    100

    BIBLIOGRAPHIE

    105

    TABLE DES MATIERES

    .108

    111






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore