WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les relations internationales âpres la guerre froide: analyses et perspectives

( Télécharger le fichier original )
par Merveil Ilonga leka bilimba
Université pédagogique nationale - Licence 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

§3. Une réforme structurelle

Depuis que la question de la réforme des Nations Unies est étudiée et envisagée, c'est-à-dire depuis déjà les années 50185, trois courants de pensée principaux ont prévalu: un courant réformiste qui souhaite une "revitalisation", une "rationalisation" de l'Organisation à l'intérieur du cadre fixé par la Charte; un courant plus hostile qui va dans le sens d'une ONU réduite au strict minimum (courant notamment représenté par la frange anti-ONU du Parti républicain américain et, en particulier par le Président de la Commission des affaires étrangères du Sénat, M. Jesse Helmes186); un courant radical qui préconise le remplacement de l'actuelle ONU par une "Organisation de la 3ème génération" (thèse soutenue par Maurice Bertrand187).

Ces courants ont plus ou moins d'impact sur le plan international en fonction du contexte dans lequel ils évoluent, des intérêts qu'ils remettent en cause et des changements qu'ils impliquent, mais tous posent de façon aiguë le problème de l'adaptation de l'Organisation aux nouveaux défis globaux et au nouveau contexte international à l'aube du XXIème siècle.

Comment l'ONU peut-elle s'adapter pour ne pas apparaître comme une organisation du passé, pour être en phase avec les aspirations des populations de ce monde, avec les possibilités d'action? La réponse à ces questions doit

183 Bruce Russett, "Ten Balances for Weighing UN ReformProposals", Political Science Quarterly, 111(2), été 1996, p. 259269.

184ZakiLaïdi, "La mondialisation tue-t-elle l'universel?", Sources UNESCO, n°79, mai 1996.

185 Selon Yves Daudet, "la question de la réforme de l'ONU est aussi ancienne que la Charte elle-même dont les premières propositions de révision ont été présentées dès 1946.", Etat du monde, 1995, p. 608.

186Voir son article: "Saving the U.N.: A Challenge to the Next Secretary-General", Foreign Affairs, 75(5), septembre/octobre 1996, pp. 2-7. Voir son article: "Saving the U.N.: A Challenge to the Next Secretary-General", Foreign Affairs, 75(5), septembre/octobre 1996, pp. 2-7.

187 Voir Maurice Bertrand, La fin de l'ordre militaire, 1996, Paris, Presses de la FNSP; et Daniel Warner (dir.), A New Charter for a Worldwide Organisation, 1996, La Haye, MartinusNijhoff.

68

aussi s'accompagner d'une connaissance et d'une vision réaliste de la nature du système des Nations Unies et de ses acquis.

Aux esprits critiques qui la jugent inutile, rappelons que l'ONU a fait un travail considérable. Qu'il suffise d'évoquer l'extension du droit international, le travail de délégitimation de la guerre entre les Etats, l'action en faveur de meilleures relations interétatiques par le biais de la diplomatie multilatérale, ou la prise en compte des problèmes des plus démunis, ou le bilan dans la sphère des droits de l'homme -- conçus au sens large et incluant par conséquent la promotion des droits de l'enfant, de la femme, des minorités, des populations autochtones, ou des réfugiés. De toute évidence, l'Organisation ne peut être tenue pour responsable de l'indécision des Etats qui la composent, de leur manque de volonté politique et de leurs erreurs.

Rappelons également que l'ONU n'est pas un acteur indépendant ou autonome des relations internationales au même titre que le sont les Etats: la supranationalité qu'elle revendique ou qu'on lui attribue demeure en fait théorique.188 L'ONU n'est pas un gouvernement mondial, mais un système de coopération entre Etats.189

C'est une organisation intergouvernementale dont le pouvoir de décision se trouve entre les mains de ses Etats membres, et notamment entre celles de ses membres les plus puissants composant le Conseil de sécurité. Ainsi l'Organisation n'a pas de ressources financières propres, mais un budget constitué par les contributions des Etats, et le chef de l'Organisation, le Secrétaire général, est proposé par les membres du Conseil de sécurité à l'Assemblée générale qui l'élit en dernier ressort.

"L'ONU est la fille des Etats, et une fille mal aimée. Dotée d'instruments pour agir, elle n'est pas jugée digne de les utiliser. On lui confie le maintien de la paix, mais elle doit y veiller dans le respect de la "compétence nationale" des Etats membres. On l'accuse d'être passive, inefficace, voire contre-productive, mais on la prive des moyens financiers pour remplir sa mission.

Plus grave: les grandes puissances la considèrent comme universelle, mais lui interdisent de s'occuper des questions qui les concernent de près et qui, plus que d'autres, font peser une menace sur la sécurité internationale. C'est pourquoi les critiques contre l'ONU sonnent aussi faux que celles qui sont parfois adressées à la presse: elles relèvent moins d'un jugement objectif

188 The United Nations remains, first and last, simply an organisation of member states, with little or no independent power, and with its ultimate effectiveness dependent on the unity of the major powers", George Soros (président), "American National Interest and the United Nations", Statement and Report of an Independent Task Force on the United Nations, août 1996, p. 3.

189 "The Charter was not, is not and will not be a blue-print for an embryonic World Government. It is a set of purposes and guidelines governing the functioning of a voluntary association of member states." Anthony Parsons, The Security Council: An Uncertain Future, Occasional Paper #8, novembre 1994, Londres, p. 13.

69

que de l'inculpation d'un organe qui ne veut pas -- ou n'arrive pas à -accomplir la première des tâches que les puissants lui assignent: dissimuler les hésitations, les contradictions ou simplement la lâcheté des gouvernements."190

Il faut bien distinguer la nature de l'Organisation de ses fonctions. Ainsi, celles-ci peuvent l'amener, dans certains cas, à apparaître comme étant davantage que la simple somme de ses composantes nationales, et jouer un rôle "semi-autonome".

Cela dépend en fait des domaines dans lesquels elle évolue et des intérêts qu'elle dérange. Ici, on retrouve la distinction faite en relations internationales entre "highpolitics" et "lowpolitics", les Etats étant plutôt réticents à l'idée que l'Organisation se mêle des affaires essentielles. Ainsi, l'ONU est-elle tour à tour un organe mondial de gestion ("global manager") et un organe mondial de consultation ("global counsel").191

A ces fonctions s'ajoutent celles que peuvent lui donner, pour une période donnée, les Etats: un instrument de politique étrangère, une instance de négociations, un bouc émissaire, un organe de légitimation. Mais il reste que l'Organisation n'a qu'une indépendance relative, indépendance limitée par la souveraineté et les intérêts nationaux des Etats. Les décisions, actions ou inerties de l'Organisation sont en fait le résultat de rapports de force et de conflits d'intérêts se cristallisant au niveau du système international, mais reproduits par les Etats membres au sein de l'Organisation. Ceci explique ainsi, pour partie, la lenteur d'un processus de réforme qui doit tenir compte de l'avis, des intérêts et des propositions de tous les Etats membres et groupes régionaux.

Le courant réformiste prévaut actuellement: du fait de leur radicalité, les deux autres courants impliqueraient des transformations trop importantes. Il existerait, en théorie, un quatrième courant soutenu par un certain nombre d'organisations non gouvernementales: celui de la supranationalité effective des Nations Unies. Mais les Etats ne sont pas prêts à tolérer l'existence d'un véritable acteur supranational qui limiterait de façon plus ouverte et plus efficace leur volonté de puissance et leur liberté de décision.

De toute façon, la dynamique du changement n'implique pas forcément un processus révolutionnaire, et peut favoriser un processus évolutif d'adaptation.19Q En conséquence, aux questions d'adaptation de l'Organisation à son environnement, les Etats membres ont clairement répondu par la

190GhassanSalamé, op. cit. (note Q8), p. 137-138.

191 UNU Public Forum Report, The United Nations System in the Q1st Century, mai 1996, New York, p. 1.

19Q Keith Krause / Andy Knight, "Evolution and Change in the UN System" (p. 1Q), qui pensentquel'évolution de la sociétéinternationalepeutêtrepenséecomme un processusdialectique, in State, Society, and the UN System: Changing perspectives on multilateralism, 1995, UNU Press.

70

volonté de rationaliser l'Organisation et de la rénover, mais sans en bouleverser les fondations.193

Ainsi, sans être parvenus à un véritable consensus sur l'avenir des Nations Unies et sur la manière de concevoir le rôle d'une organisation internationale, les Etats ont énoncé, depuis deux ans, un certain nombre de priorités qui devraient inspirer le processus de réforme, celui-ci consistant pour l'essentiel en un "toilettage" du système, centré sur l'identification de ses avantages comparatifs, sur une meilleure coordination inter-institutions et sur la volonté de faire mieux avec moins.

En effet, selon les pays membres du G7, l'ONU doit, pour être plus efficace, "identifier son rôle et ses avantages comparatifs. Elle doit renforcer l'efficacité de son Secrétariat et de son dispositif opérationnel, les rendre plus cohérents et assurer une véritable coordination à tous les niveaux."194

Les pays membres du G7 faisaient ici plus particulièrement référence aux activités de l'Organisation en matière de développement, ce qui est très significatif de l'orientation que veulent donner les Etats à l'ONU: se concentrer sur ce qu'elle sait faire le mieux, et, par conséquent, relativiser graduellement les volets du "maintien de la paix" et de l'"intervention militaire" qui touchent directement aux intérêts nationaux de sécurité (conçus au sens strict du terme) et à la souveraineté des Etats.

Les pays membres du G7 ont ainsi souligné les "domaines d'intervention prioritaires pour les Nations Unies": "l'éradication de la pauvreté, l'emploi, le logement, la fourniture de services de base, tout particulièrement ceux qui sont liés à l'éducation et à la santé, la protection du statut de la femme et de l'enfant et l'aide humanitaire dans son ensemble."195

En ces temps de restrictions budgétaires et de crise financière, les Etats veulent que l'ONU fasse mieux avec moins. Cela signifie notamment réduire le personnel ("down-sizing"), remédier aux doubles emplois et aux chevauchements de compétence, éliminer ou "fusionner" certains fonds et programmes qui font double emploi entre eux ou avec les agences spécialisées.

Les agences spécialisées du système semblent voir ainsi leur rôle et leurs compétences reconnus, pourvu qu'elles se concentrent "sur les domaines dans lesquels elles possèdent un avantage comparatif."196

193 Toutes les propositions allant dans ce sens doivent partir des structures existantes." Paragraphe 42 du Communiqué

économique du G7 au Sommet de Lyon, juin 1996.

194Ibid., paragraphe 42.

195Ibid., paragraphe 41.

196Ibid., paragraphe 45.

71

Il est en effet indispensable que les différentes agences spécialisées du système retrouvent leur pleine autorité face aux fonds et programmes qui empiètent le plus souvent sur leurs compétences et qui conduisent de façon artificielle à l'hypertrophie de l'ensemble du système.

Mais, pour être réellement efficace, cette réforme devrait aussi être appliquée aux institutions de BrettonWoods, lesquelles devraient se concentrer sur les aspects financiers de l'aide au développement197et cesser d'empiéter sur les domaines de substance des institutions spécialisées du système. Ce point n'a pas encore été nettement souligné dans les plans de réforme qui ont été préconisés par le G7/G8.

Dans cette perspective de rationalisation des actions du système, les Etats membres recommandent une meilleure coordination du système des Nations Unies (par l'intermédiaire notamment du Comité administratif de coordination)198 et "un renforcement de la coopération entre les agences des Nations Unies, les institutions financières internationales et l'Organisation mondiale du commerce."199

Une telle coordination est certes indispensable pour que le système forme un "tout" et que l'action des différentes institutions qui le composent soit encadrée, mais ces propositions ne tiennent pas compte du fait que les chefs des grandes institutions spécialisées ne sont pas des adjoints du Secrétaire général de l'ONU, mais sont élus par leurs Etats membres et responsables devant leurs propres organes directeurs, et que ces organisations disposent de leur propre constitution. "Cette indépendance est d'ailleurs expressément établie par leur Charte constitutive qui n'est autre qu'un Traité international, tout comme l'est la Charte des Nations Unies, issu de la volonté souveraine des Etats, régi par le droit international et dont la modification n'incombe pas à l'Organisation centrale, mais obéit au mécanisme de révision des Traités selon les règles du droit des Traités."200

197 Début mars 1997, James Wolfensohn a d'ailleurs présenté un plan de réformes de la Banque mondiale comprenant quatre objectifs principaux: la nécessité d'alléger les services centraux pour se rapprocher du terrain; recentrer la politique de développement vers le social, rendre efficace et payante une base de données économique et sociales unique au monde; développer une stratégie de ressources humaines et de la formation. Les Echos, 13 mars 1997.

198 Pour les Américains, le CAC doit devenir l'équivalent d'un "cabinet" du système onusien (document d'avril 1996). Malheureusement, le CAC est, à l'heure actuelle, un mécanisme insuffisant pour remédier à la sectorisation de l'ensemble du système et surtout, n'a aucun pouvoir contraignant. Ainsi, comme le souligne S.Cortembert, "les organes établis pour coordonner le système des Nations Unies [le Comité consultatif sur les questions administratives et budgétaires (CCQAB), le Comité de coordination des questions administratives (CCAQ), le Comité du programme et de la coordination (CPC)] n'ont abouti qu'à une complication du mécanisme régulateur." "L'ONU et le système des Nations Unies", in Colloque de la Faculté de Besançon, L'ONU, 50 ans après: bilan et perspectives, 29-30 mars 1995, p. 44.

199 Paragraphe 45 du Communiqué économique.

200 S. Cortembert ajoute que "les Chartes constitutives fixent les objectifs que les institutions spécialisées doivent atteindre et leur attribuent leur propre structure. Les décisions prises par les organes de ces organisations ne peuvent absolument pas être modifiées par l'ONU puisque celle-ci ne peut interférer dans leur processus décisionnel. Quant à leurs budgets, ils ne relèvent aucunement de celui de l'ONU.", op. cit. (note 58), p. 41. C'est pourquoi le Secrétaire général a mis les Etats membres devant leurs responsabilités en suggérant la mise en place d'une "Commission spéciale au niveau ministériel chargée d'examiner les changements éventuels à apprter à la Charte des Nations Unies et aux traités dont découle le mandat des institutions spécialisées" (paragraphe 89 du "Track II").

72

Les chefs des agences spécialisées n'ont donc de comptes à rendre qu'aux organes directeurs de leurs institutions. De plus, certains fonds, programmes ou organes subsidiaires des Nations Unies possèdent également une incontestable autonomie, tel le PNUD201, l'UNICEF ou le FNUAP, et les politiques préconisées par les institutions de BrettonWoods et celles du système onusien sont souvent sensiblement différentes.202

Un mécanisme de coordination efficace devrait donc permettre d'harmoniser les activités des agences spécialisées, des fonds et des programmes, de l'ONU et des institutions de BrettonWoods, et resserrer les liens entre ces différentes organisations.

Ainsi, une telle coordination devrait impliquer un changement complet des structures du système et des innovations radicales en ce qui concerne les relations entre ces structures et les politiques qu'elles élaborent. Elle pourrait aussi avoir pour conséquence l'élimination de tous les fonds, programmes et secteurs concurrents développés par l'ONU qui font largement double-emploi avec les activités des institutions spécialisées.

Par exemple, le Programme alimentaire mondial et le Fonds intergouvernemental du développement agricole concurrencent la F.A.O.; la Commission du développement durable concurrence le Programme des Nations Unies pour l'environnement; l'UNICEF, la Banque mondiale et le PNUD concurrencent l'UNESCO dans le domaine de l'éducation.

Enfin et surtout, cette coordination ne peut aboutir que si se met en place une réelle coordination des politiques au niveau des Etats, car une "micro-coordination" ne peut avoir d'effet réel sans une coordination à grande échelle et un accord sur les objectifs à poursuivre. Cette coordination doit se faire en amont, avant la prise de décision, et à trois niveaux: entre les Etats eux-mêmes, entre les Etats vis-à-vis des institutions du système, et au sein même des Etats entre les différents organes gouvernementaux.

Enfin, une importance toute particulière est accordée à la réforme du mode de financement des activités de l'ONU, à une modification de la répartition des contributions payées par chaque Etat, et à la diminution du budget. Ainsi, des coupes sombres ont-elles été réalisées dans les budgets de la plupart des agences, fonds et programmes du système onusien (en particulier à la CNUCED et à l'ONUDI). M. Boutros Boutros-Ghali avait annoncé un budget pour 1998-1999 en baisse de 7,5% (soit une réduction de 178,9 millions de dollars) par rapport à celui de 1996-1997. Kofi Annan, quant à lui, a annoncé une réduction supplémentaire du budget 1998-1999 de 23 millions de

201 Le PNUD sort plutôt renforcé des propositions contenues dans le plan de réforme du Secrétaire général.

202 Par exemple, les politiques d'ajustement structurel imposées par le F.M.I. et de la Banque mondiale tiennent peu compte des politiques sociales recommandées par l'OIT, l'UNICEF, la F.A.O. ou l'UNESCO.

73

dollars dont une réduction des coûts administratifs de 18% et l'élimination de 1000 postes.203

Cependant une véritable réforme financière se heurte à la contradiction qui existe entre la volonté de payer moins et la volonté de garder un contrôle sur l'Organisation. Certains pays se plaignent de payer une contribution trop élevée. Mais sont-ils prêts pour autant à voir diminuer leur pouvoir de contrôle et de pression politique?

C'est bien dans cette situation que se trouvent actuellement les Etats-Unis. La part disproportionnée de leur contribution au budget de l'ONU (25% pour le budget ordinaire, 31% pour le budget des opérations de maintien de la paix) leur donne un pouvoir de contrôle extraordinaire sur l'Organisation toute entière.

Les Etats-Unis accepteraient-ils vraiment d'abandonner une partie de ce pouvoir, par la redistribution des quotes-parts, au profit d'Etats plus favorables au renforcement du rôle des Nations Unies? On peut en douter. Peut-être est-ce d'ailleurs pour la même raison que les propositions visant à doter l'Organisation de sources de financement indépendant204 ont été écartées de facto de l'agenda de discussions des réformes du système des Nations Unies.

Aussi, le non-paiement des contributions est-il bel et bien un problème de nature politique (et non financière). Au regard du budget d'une grande puissance, le budget des Nations Unies ($1,3 milliards pour le budget ordinaire et $3 milliards pour le budget des opérations de maintien de la paix) est en effet dérisoire. Le budget des opérations de maintien de la paix représente 1,1% du budget militaire américain, ce qui équivaut à deux journées de l'opération "Tempête du désert". Le budget ordinaire de l'ONU représente environ 4% du budget annuel d'une ville comme New York.205 La contribution des Etats-Unis au budget ordinaire coûte 1,2 dollar par Américain et par an et celle du budget des opérations de maintien de la paix coûtent environ 7 dollars par Américain.

Quant au coût négligeable du budget onusien, l'exemple le plus parlant est le chiffre de 5 milliards de dollars dépensés par le système des Nations Unies dans le domaine économique et social qui équivaut à 88 cents dépensés pour chaque habitant de la planète; alors que dans le même temps, les Etats dépensent environ 767 milliards de dollars par an en matériel militaire, ce qui

203International Herald Tribune, 3 mars 1997. Communiqué de presse GA/AB/3137 (17 mars 1997).

204 "Taxe Tobin" (taxe sur les transactions internationales en devises), Voir Rapport mondial sur le développement humain 1994, p.75. D'autres propositions ont été faites dans le chapitre 5 du rapport Ramphal/Carlsson (taxe sur les billets d'avion, sur le transport maritime,...).

205 Informations données par le Bulletin du Centre d'information des Nations Unies à Paris, n°19, mai 1996, p. 38.

74

équivaut à 134 dollars par habitant206, c'est-à-dire nettement plus que ce dont, selon Wally N'Dow, Secrétaire général du Sommet sur la ville à Istanbul, il faudrait (c'est-à-dire moins de 100 dollars par personne) pour "procurer un toit, une eau salubre et des équipements sanitaires de base à chaque homme, à chaque femme et à chaque enfant de cette planète".

Ces "réformettes" sont sans aucun doute très utiles, car elles permettent de faire du système onusien, décentralisé à l'extrême69, un système plus "compact", plus rationnel, avec des lignes d'autorité plus claires, et un système plus équilibré entre ses composants. Mais, là, comme partout, les Etats membres doivent encore faire la preuve de leur détermination à mettre en oeuvre ces propositions qui nécessitent quand même un changement de comportement et remettent en cause certains intérêts.

Les groupes de travail ne sont pas encore arrivés à un consensus sur des propositions concrètes, sur un calendrier ou sur des mesures précises. Toutefois, aussi justifiées que soient ces propositions, elles ne constituent pas pour autant un réel projet d'avenir pour les Nations Unies et ne peuvent se suffire à elles-mêmes.

Les réformes ponctuelles, organisationnelles ne remplaceront jamais une réforme de fond de l'Organisation alliant vision et projet ou stratégie à long terme afin de redonner une crédibilité à ses actions et décisions. Or, selon Jean Touscoz, "la crise de l'ONU est d'abord d'ordre conceptuel."

Béatrice Pouligny ajoute: "C'est peut-être pour cela que les innombrables réformes dont on parle depuis la création de l'Organisation n'ont jamais abouti", car elles ont toujours été trop centrées sur la question "comment faire" et non sur celle "que faire?" ou "quelles missions pour

l'ONU?".

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille