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Crowdsourcing le graphisme peut-il se faire uberiser ?

( Télécharger le fichier original )
par Damien Henry
CELSA Paris Sorbonne - M2 Communication et Technologie Numérique 2015
  

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Master professionnel

Mention : information et communication Spécialité : Médias et Communication Option : Communication et Technologie Numérique

Crowdsourcing

Le graphisme peut-il se faire uberiser ?

Responsable de la mention information et communication
Professeure Karine Berthelot-Guiet

Tuteur universitaire : Françoise Armand

Rapporteur professionnel : Antoine Ducrocq Président du Jury : Yves Jeanneret

Nom, prénom : Henry Damien

Promotion : 2014-2015

Soutenu le : 10 novembre 2015

Note du mémoire : 15/20 (mention Bien) Contact : damien.henry@mines-ales.org Linkedin : https://fr.linkedin.com/in/damienhenry

Ce travail a reçu le prix du mémoire digital 2016 d'Arctus

École des hautes études en sciences de l'information et de la communication - Université Paris-Sorbonne 77, rue de Villiers 92200 Neuilly tél. : +33 (0)1 46 43 76 76 fax : +33 (0)1 47 45 66 04 www.celsa.fr

Ecole des mines d'Alès -Site de Nîmes, Parc scientifique Georges Besse - 30035 Nîmes cedex 1
Tél : +33 (0)4 66 38 70 52 - www.mines-ales.fr

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À propos de l'auteur de ce mémoire...

Extrait ajouté au texte initial faisant suite à l'interview réalisé par Yannig Roth en février 2016 :

À 34 ans je viens de terminer une seconde fois mes études ! Designer en agence pendant 10 ans, je suis tout d'abord ce que l'on appelle : un créatif. Après des études de design à l'ésad d'Amiens, j'ai commencé par un projet de court-métrage d'animation (stop-motion et mapping vidéo) intitulé « Passe-Muraille ». Ce film est véritablement une carte de visite pour démarcher mes premiers clients en freelance ou effectuer des missions en agence. Après un bref passage par Marseille, je suis pendant 8 ans graphiste-couteau-suisse dans une petite agence de Cavaillon (avec de gros projets). J'accumule une expérience très large en touchant aussi bien au film d'entreprise, à l'identité, au web ou au motion-design (dominante sur ce poste). Je peux alors partir en tournage en Allemagne pour un fabriquant de sel de déneigement le lundi et boucler un stand de 100m2 pour un salon de l'habitat le vendredi... des missions très variées qui m'ont aussi permis de voir que l'on pouvait combiner le motion, l'impression 3D, l'identité et l'espace au sein d'un même projet.

Un parcours de designer est forcément lié aux évolutions technologiques, les métiers de la communication évoluent et il est parfois utile d'effectuer une mise à jour de ses compétences pour apporter toujours de l'innovation dans son travail.

Les nouveaux usages numériques permettent aujourd'hui d'obtenir une approche de la communication avec beaucoup plus de connexions entre les supports. Lorsque l'on est graphiste en agence, on répond à des commandes. Mais je trouve parfois que ça ne va pas assez loin, que les concepts manquent un peu de fond ou d'astuce. Malgré un rendu très pro, il faut de l'intelligence en design. Je veux donc intervenir au niveau de la réflexion sur le projet : sur le fond et pas uniquement sur la couche esthétique.

Avec cette remise en question sur ma pratique, je choisi en 2013 de reprendre des études en communication digitale. Une démarche qui demande du temps, car il faut accepter de quitter un poste

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confortable pour se lancer dans une aventure qui demande, beaucoup d'investissement et une nouvelle logistique familiale. J'intègre donc en septembre 2014 le master pro communication et technologie numérique du CELSA et des Mines D'Alès.

Je conseille cette expérience à tout le monde, on devrait pouvoir se former plusieurs fois dans une vie. Cela remet en perspective ce que l'on a appris et donne un regain de motivation pour un métier qui est au départ une passion.

Diplômé en Octobre, à la suite de ma soutenance. Je viens de boucler une mission de chargé de communication dans un centre de R&D de Saint-Gobain. Une expérience très enrichissante qui m'a permis de découvrir les rouages d'une (très) grosse organisation. J'envisage désormais de travailler au niveau d'une grande entreprise ou dans une agence spécialisée dans la transformation digitale : à partir du moment où la structure véhicule des valeurs humaines et n'a pas peur d'innover en tentant parfois des choses inédites ça me va. Avec le recul, on sait un peu plus ce que l'on attend d'un cadre de travail. Les valeurs véhiculées par l'entreprise sont aussi importantes que la mission. L'enseignement peut être complémentaire car c'est aussi une manière de se former en apportant à de futurs professionnels une part de son expertise.

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Remerciements

Un grand Merci à mes rapporteurs universitaires qui m'ont accompagné et soutenu lorsque la force n'était plus avec moi. Françoise Armand et Antoine Ducrocq qui ont réussi à lire (plusieurs fois) mes pavés de texte parfois truffés de fautes.

Merci à l'équipe pédagogique du CTN, Annie Liothin, Pierre Jean et Isabelle Maurin en particulier.

Merci également aux différents contacts qui m'ont permis d'avancer dans mes recherches :

Éric Favreau et Yannig Roth (Eyeka), François Caspar (AFD), Baptiste Fluzin (Tank), Geoffrey Dorne (Design&human, graphism.fr), Sophie Renault (Université d'Orléans), Sébastien Drouin (Aether Concept), les 43 gagnants Creads qui ont bien voulu répondre (@Mistizouk et Fabienne Chabus notamment), Pierrick Vieux-Crumière (DRH Saint-Gobain CREE).

Je tiens enfin à remercier particulièrement les personnes qui ont été présentes tout au long de ce cursus et qui m'ont permis de réaliser cette parenthèse professionnelle :

Celles qui m'ont appuyé pour le CIF : Mes anciens employeurs Corinne et Éric Vidal (Kariba Productions), Anne Laure Stretti Bouscarle (initiative Cavare-Sorgue), Monsieur le Député-Maire de Cavaillon Jean-Claude Bouchet.

Mes amis, Élodie Cavel pour son éclairage de free-lance, Augustin Derigny pour son hospitalité et Chantal Millet pour son aide logistique précieuse.

Enfin, ma femme Adeline, mes deux filles Agathe et Louison qui ne m'auront pas beaucoup vu et qui auront su me soutenir dans cette étape importante.

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Table des matières

À propos de l'auteur de ce mémoire 2

Remerciements 4

Table des matières 5

I. Introduction Générale 7

La genèse du mémoire 7

Connaissez-vous le design ? 7

Les pratiques amateur 10

Émergence de nouvelles pratiques 11

Problématisation du sujet 15

Hypothèses 16

Méthodologie et corpus 18

II. Les Recettes du crowdsourcing 23

1) Introduction 23

2) Des positionnements différents 24

Creads et la production 24

Eyeka et les grandes marques 26

3) Ce que veulent les marques 29

Diversité, innovation et coût 29

Le consommacteur 31

4) Discours 33

Bienvenue chez nous, vous faites partie de l'agence 33

Profil de performances 35

5) Les mécanismes du concours 38

Les phases des concours 38

Les règles et les différents types de concours 39

Démarche de création 42

La phase des délibérations 44

Les gains 46

Les droits d'auteurs 52

6) De nouvelles façons de travailler 56

Se libérer des contraintes de salarié en agence 56

Un moyen de débuter une activité ? 58

7) La montée des inquiétudes (Conclusion) 60

III. Le crowdsourcing au coeur des préoccupations 63

1) Introduction 63

2) L'outsourcing pour comprendre les dérives possibles 65

Les forçats du cybermonde 65

Certains modèles bien moches 66

3) Perverted--crowdsourcing 68

Les craintes des professionnels face au perverted-crowdsourcing 68

Apparition du terme spec-work 69

À quel moment cela devient du travail spéculatif ? 69

La Saga Creads 70

4) Contexte difficile pour les professionnels du design 72

Les Gratuistes et la méconnaissance du métier 72

Dévalorisation de l'image que l'on a du design et du designer 74

5) Les appels d'offres et leurs dérives 75

Deux cadres d'appels d'offres 75

La charte de l'AFD 75

L'ère du Pitch : le crowdsourcing CS, sans plate-forme. 76

6

Du temps perdu pour tout le monde 77

Un système qui devient la norme 77

Dérives au niveau des écoles 78

6) Le statut complexe du designer free-lance 79

Essoufflement du système actuel 79

Le CS par simplicité : Paypal et la vision court-terme 80

Peut-on contrôler les gains ? 80

Volonté d'un statut pour tous 81

7) Une prestation incomplète: Impact sur la qualité des productions 81

Le logo du neveu du patron 82

Le brief figé / autodiagnostic 82

Le manque de pratique discursive 83

8) Uniformisation du paysage graphique 83

Rentabilité et recyclage 84

Plagiat 84

9) Un impact à échelle variable 85

Pour les grandes marques 85

Pour les PME 85

Le risque de grogne de la part de la communauté 86

Un impact en terme de réputation pour les marques 86

10) Un bon exemple d'identité : Charleroi 87

11) Conclusion seconde partie 89

IV. Les pistes d'ouverture 92

1) Les pistes pour le design 93

Graphisme à deux vitesses ? 93

Refuser les idées gratuites : Élaborer une stratégie 94

Les clients à éduquer 95

Les initiatives politiques 96

Reconnaître la valeur du travail 96

2) Vers un collaboratif vertueux 97

Quelques formes intéressantes 97

Le Co working équitable 98

L'exception des concours à caractère humanitaire 98

Les concours aux enjeux sociétaux 99

3) Vers un statut qui protège les créatifs sur les plates-formes 101

Donner un cadre légal à ces pratiques 101

Travail ou pas ? 102

Faut-il encadrer davantage le crowdsourcing ? 103

4) Conclusion générale 105

V. Bibliographie 106

VI. Annexes 113

1) Entretiens 113

Yannig Roth (entretien N°1) 113

Éric Favreau (entretien n°2) 123

Baptiste Fluzin (entretien n°3) 130

François Caspar (entretien n°4) 141

Geoffrey Dorne (entretien n°5) 149

2) Sources et références Creads 160

3) Sources et références Eyeka 182

4) Références citations (hors plates-formes) 189

5) La zone de confort et la prise de risque 192

RESUMÉ 195

7

I. Introduction Générale

La genèse du mémoire

Professionnel de la création depuis 10 ans, je constate au quotidien qu'il faut souvent expliquer son travail et même défendre un savoir-faire face à certains clients, pour qui nous sommes de simples techniciens maîtrisant les outils de création : des infographistes. Partant de cette constatation, j'ai découvert récemment des plates-formes sur le web (Creads notamment) permettant aussi bien aux amateurs qu'aux professionnels de répondre à des briefs par l'intermédiaire d'un concours. Comme en agence, l'internaute répond à une commande de logo ou d'affiche destinés à la communication d'une marque ou d'une entreprise. Cette nouvelle pratique appelée crowdsourcing (CS) a d'abord éveillé ma curiosité. Je me suis ensuite demandé en quoi cela pouvait changer d'une véritable commande et si les professionnels devaient y voir une nouvelle forme de concurrence. Le sujet de mémoire est devenu évident.

Je souhaite trouver des pistes qui permettraient de voir comment le CS peut s'intégrer à l'économie du design, sa place au niveau de la qualité et son positionnement vis à vis des professionnels. Je vais essayer de rester dans une démarche de recherche en me détachant de mon statut de graphiste, ce qui ne va pas être facile. Le principe est de faire un constat pour dire aux graphistes : « regarder où vous mettez les pieds » et aux marques « voilà ce que vous pouvez espérer de cette pratique ». À première vue, le CS présente de nombreux avantages pour tout le monde. Pourtant, les graphistes étant majoritairement contre cette nouvelle pratique il est indispensable de comprendre ce qui peut faire débat sans tomber dans une opposition catégorique afin de définir où se situent les « zones grises ». L'objectif est de dégager des pistes pour les professionnels du design permettant de trouver un terrain d'entente et des ouvertures sur ce que peut devenir la commande (graphique en particulier) dans un contexte où l'uberisation au coeur des débats est susceptible aussi toucher les designers graphiques.

Afin de comprendre comment le CS vient s'inscrire comme acteur de la création de design, je suis convaincu qu'il est indispensable d'avoir une vue d'ensemble du phénomène. Quitte à parfois m'égarer un peu...

Le point de vue des marques et des plates-formes, celui des participants et des professionnels du design mais aussi de la législation : à partir de ces observations très larges, il est possible de cerner à la fois les grandes tendances du CS créatif ainsi que les principaux points de tensions qui viennent alimenter les débats souvent passionnés et difficiles à nuancer. Dans cette introduction, nous allons présenter tout d'abord le métier de designer qui sera évoqué tout au long de ce mémoire. Puis nous donnerons une rapide définition de l'amateur en design afin de comprendre comment ces deux mondes cohabitent sur ces plates-formes. Nous définirons enfin les grandes formes de CS afin de cadrer notre étude et de définir une problématique.

Connaissez--vous le design?

Lorsque l'on parle de design, on imagine toujours le concept car, voir le presse-citron de Philippe Starck (pour les connaisseurs). Pourtant le design, est bien plus vaste. Un designer aujourd'hui peut exercer des domaines très variés souvent transverses : design d'intérieur ou industriel (les plus connus),

graphisme, typographie, webdesign, vidéo, culinaire, sonore... En général, un designer reste spécialisé et expert sur un périmètre : un motion-designer sera plus sensible au son et appréhende le graphisme de manière animée. Même les meilleurs, comme Mathias Persini (studio Mattrunks1) ne maîtriseront pas autant la typographie ou la signalétique comme le font Stefan Sagmeister2 ou Ruedi Baur (studio Intégral3). Un typographe, connait chaque subtilité des polices de caractère alors qu'un webdesigner va savoir adapter visuellement les besoins d'utilisateurs aux contraintes techniques du web.

« La forme, c'est le fond qui remonte à la surface. » (Victor Hugo)

Bien plus qu'un simple adjectif désignant ce qui peut être beau, la notion de design est souvent mal interprétée pas le grand public. La surface sensible et émotionnelle d'un bon produit de design représente en fait une petite part du travail du designer. Le design est comparable à la géologie du globe : composé de strates représentant chaque étape de la démarche du designer. Le noyau, pourrait être la recherche de sens une notion mobile, invisible et inaccessible, c'est l'âme qui va faire vivre l'idée, une volonté d'imaginer de nouvelles façons de voir les choses, la quête de facilité et d'amélioration de l'usage (on parle désormais d'UX design) pourrait être le manteau inférieur, la partie structurelle et solide d'un projet, ce qui fait qu'un concept « tient la route ». Ensuite on trouve le manteau qui va représenter la partie technique d'un projet : toujours consistante et plus ou moins « épaisse », cette partie technique existera toujours. Enfin, la croûte qui contrairement au terme employé pour désigner un tableau banal et amateur, représente en géologie une très mince pellicule de terre, ce que les gens désignent comme « beau ».

La face cachée du travail de design (source aetherconcept.fr)

1 http://studio.mattrunks.com/

2 http://www.sagmeisterwalsh.com/

2 sagmeisterwalsh.com/

3 http://www.irb-paris.eu/4 Luton E. D.I.Y.: Design It Yourself. 1 edition. New York : Princeton Architectural Press, 2006. 176 p.ISBN :

3 http://www.irb-paris.eu/9781568985527.

5 « Celui qui réalise et celui qui apprécie » (P. Flichy, 2010)

6 Flichy P. Le Sacre de l'amateur (2010) - Patrice Flichy [En ligne]. 2010. 112 p. (Seuil-La République des idées).

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Alors qu'un artiste choisi seul la direction de son travail, en fixant les frontières de son univers. Pour le designer, c'est le principe de commande et des contraintes qui domine. Celui-ci aura du mal à travailler sans un cadre défini par un brief. On peut considérer une problématique comme un boîte à chaussure, possédant un couvercle par lequel on ne peut rentrer. Un ingénieur, fonctionnera plutôt avec méthode, en trouvant même d'ingénieux systèmes pour ouvrir le couvercle, quelqu'un du marketing pourra par son analyse nous dire en combien de temps ouvrir le couvercle et si c'est rentable de le faire. Le designer aborde une problématique de manière différente à la jonction des trois univers. Il le fera en pensant out of the box (en dehors de la boîte), en regardant où se trouve la boîte. En voyant les choses de manière globale et intuitive, cela permet d'avoir un point de vue particulier sur le monde et les objets qui nous entourent. C'est pour cette raison qu'un designer doit travailler en étroite collaboration avec son client, afin de cerner parfaitement la demande.

Un graphiste communique pour les autres, il sait interpréter une demande et la traduire visuellement, faire passer des émotions. Il fait jusqu'à cinq années d'études pour apprendre à répondre de manière pertinente à une commande en utilisant un savoir-faire technique basé sur des règles de mise en page et de typographie. Les graphistes sont des artistes qui répondent à des commandes. C'est d'ailleurs ce qui les distingue des plasticiens. Chaque graphiste a sa propre approche du métier, basée sur une expérience enrichie par une succession de projets. Vous ne trouverez pas deux professionnels qui ont la même réponse à une problématique client car chacun possède sa propre sensibilité et développe son propre cheminement dans le processus de création.

« Je mets surtout l'accent sur le fait que le design est une pratique vivante, non un débat théorique mais un travail concret dans un studio. J'insiste sur la valeur de communication au public du design plus que sur sa dimension d'expression personnelle. » (Ellen Lupton, 2006)4

Le typographe Ruedi Baur, fondateur du studio Intégral étudie avec attention un lieu et ses spécificités pour y associer la création d'une signalétique qui réponde aux particularités de l'espace. Ce travail, long et précis est l'excellence même de ce que l'on peut trouver dans une démarche de création graphique. Il exprime très bien ce propos qui peut donner une première approche du métier de designer (ici en signalétique) :

« La qualité, l'originalité, la non-reproductivité, la justesse par rapport au contexte pourront contribuer à transformer ces territoires en de véritables lieux, c'est à dire en espaces où l'on désire se rendre pour le fait même de sa qualité. » (Baur, 2005)

Les graphistes, depuis les affichistes du début XXe siècle jusqu'à Savignac ont souvent marqué de leur style l'univers visuel d'une époque. Aujourd'hui encore certains graphistes travaillent toujours à la main ou avec un style et une approche typographique de puriste. Étienne Robial (Canal+) porte en horreur les ordinateurs. Le graphisme minimaliste d'Apeloig semble avoir été simplement finalisé dans un format informatique. Pourtant les typographes n'ont pas disparu comme les peintres en lettres. Certains graphistes comme Serroussi ou Batory sont des orfèvres de Photoshop. John Maeda détourne

4 Lupton E. D.I.Y.: Design It Yourself. 1 edition. New York : Princeton Architectural Press, 2006. 176 p.ISBN : 9781568985527.

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l'outil informatique pour produire des visuels à la limite de la recherche scientifique. Les outils sont simplement plus accessibles, les talents s'adaptent.

Les pratiques amateur

La notion d'amateur existe depuis longtemps, et ne n'est pas uniquement liée à notre société contemporaine. L'accroissement du niveau moyen de l'instruction et les nouveaux outils offerts par Internet permettent de définir de nouvelles formes de pratiques. La figure de l'amateur prend différentes formes : celui qui réalise, l'artisan et celui qui apprécie5, le connaisseur. Ils ne prétendent pas rivaliser avec les experts mais développent une expertise ordinaire :

« Nous vivons une révolution silencieuse : la montée en puissance des amateurs, ces passionnés qui ne sont ni des novices, ni des professionnels, mais de brillants touche-à-tout6. » (P. Flichy, 2010).

Patrice Flichy, fait un constat sur les pratiques actuelles des amateurs. Au travers plusieurs exemples concrets, on découvre ces «amateurs » dans leurs différents domaines d'activité tels que la politique ou les sciences. Il existe différents types d'amateurs sur les plates-formes de Crowdsourcing, chacun ayant sa propre façon d'agir en fonction de ses objectifs. L'amateur s'impose comme la figure emblématique d'une nouvelle forme d'expertise basée sur l'expérience et le partage, il se situe dans un entre-deux facilité par un accès aux outils lui permettant de développer de nouvelles compétences qu'il peut ensuite mettre en pratique par le biais de concours de création, un mélange entre l'ignorant et le professionnel :

« L'amateur se tient à mi-chemin de l'homme ordinaire et du professionnel, entre le profane et le virtuose, l'ignorant et le savant, le citoyen et l'homme politique » (P. Flichy, 2010).

Cette zone grise jusqu'alors assez identifiable en graphisme est occupée par ce que Flichy désigne comme les Pro-Am (concept été proposé par Alvin Toffler en 1980)7 :

« Un nouveau règne s'annonce, qui brouille toutes les frontières : celui du pro-am (professionnel-amateur), citoyen-acteur, expert autodidacte, créateur à part entière. » (P. Flichy, 2010)

En design, il est souvent difficile de distinguer le pro de l'amateur... Il y a de très bons techniciens qui pratiquent l'infographie, qui font de belles choses de manière passionnée sans pour autant exercer l'activité de designer professionnel. À l'inverse, on trouve des free-lances qui devraient peut-être penser à une reconversion. Le web participatif, permet non seulement de rivaliser avec les experts, mais de se réapproprier tous les aspects de la culture contemporaine. Certains sont de brillants touches-à-tout ayant appris le métier de manière autodidacte avant de devenir professionnels.

« Le design est un art que les gens utilisent » (E. Lupton, 2006, à propos du DIY)

5 « Celui qui réalise et celui qui apprécie » (P. Flichy, 2010)

6 Flichy P. Le Sacre de l'amateur (2010) - Patrice Flichy [En ligne]. 2010. 112 p. (Seuil-La République des idées). Disponible sur : < http://Www.seuil.com/livre-9782021031447.htm > (consulté le 16 janvier 2015)

7 Toffler A. (1980), The third wave, New York, Bantam Books.:

La notion du concepteur, ayant besoin d'une formation classique, est remplacée par celle du DIY (do it yourself), ce qui peut démocratiser un métier jusque là considéré comme nombriliste et même prétentieux. La communauté des designers-bricoleurs, est de plus en plus complexe et remet en question la pratique professionnelle, ses normes et usages.

Les amateurs-graphistes ont toujours existé, et s'expriment sur des forums spécialisés ou à travers la communication associative. Il s'agit de la secrétaire de direction qui va occuper malgré elle un poste de "chargé de com" ou le président d'un club de voile qui va mettre en ligne son site web et les affiches annonçant la régate à venir...

En 2009, Yoann Bertrandy, dans son mémoire de fin d'étude intitulé Tout le monde est graphiste, a interrogé ces amateurs-graphistes en partant du principe que les professionnels auront forcément un avis très tranché sur la question. Il voulait comprendre leur démarche et leur point de vue sur le graphisme en étudiant comment ces personnes abordent un sujet de communication. Une citation célèbre de Sabo Tercero précise bien cette pensée :

« We are all designers, the difference is that only a few of us do it full-time. » Sabo Tercero8

Jusqu'à présent ces amateurs n'inquiétaient pas les professionnels, chacun travaillant dans son périmètre. On commence à voir apparaître depuis quelques années une forme de commande proche du bénévolat et l'on constate des dérives au niveau des appels d'offres où de véritables graphistes sont assez facilement mis en compétition par un simple pitch sans espoir d'être rémunéré pour le travail effectué. Le sujet concerne plutôt les indépendants débutants, qui doivent eux-mêmes trouver leur clientèle lorsqu'ils n'interviennent pas en agence, mais celles-ci sont également confrontées à des clients de plus en plus interventionnistes qui n'hésitent pas à brandir la menace de la concurrence pour faire baisser les prix. Le contexte est donc très compliqué car le métier est aussi mal identifié. Le paysage de la commande graphique se complexifie de plus en plus avec l'arrivée de nouveaux acteurs où se côtoient de véritables professionnels, venus chercher une forme d'épanouissement, et des amateurs. La démocratisation des outils et l'apparition de templates sur le web permettent aujourd'hui à n'importe qui de devenir graphiste, de concevoir un site web sans parti pris créatif ou de vendre sa création sur des plates-formes comme Fiverr qui proposent de faire des logos ou des chartes pour 5$ (prix unique).

Les lignes entre amateurs et experts sont floues et sont en train de changer certains domaines jusque là réservés aux professionnels. Pour comprendre comment les amateurs ont progressivement été en position de concurrencer les professionnels, il est indispensable d'associer ce mouvement aux technologies numériques.

Émergence de nouvelles pratiques

De nouveaux mastodontes du web aux capitalisations équivalentes au PIB de certains pays ont récemment bousculé les acteurs traditionnels de nombreux secteurs aux réglementations parfois lourdes ou désuètes. Ces NATU (Netflix, AirB&B, Tesla, Uber), sont les exemples les plus couramment utilisés pour désigner cette nouvelle économie « collaborative ». Il vous suffit aujourd'hui

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8 « Nous sommes tous des créateurs, la différence est que seulement quelques-uns d'entre nous le font à temps plein. »

de sortir votre Smartphone pour décrocher un rendez-vous avec un coiffeur à domicile (Popmyday)9, trouver un avocat, un notaire (Testamento)10, un moyen de financer votre projet (kisskissbankbank) 11, un agent immobilier, un transport de colis (Goshipster)12, un co-voiturage(Blablacar), une chambre chez l'habitant, un taxi conduit par un particulier, ou un graphiste amateur pour réaliser votre logo (Fiverr)13... Uber, la société lancée par Travis Kalanick a réussi en six mois à mettre à mal le secteur pourtant très protégé des taxis partout dans le monde. Maurice Lévy, patron de Publicis parle pour la première fois d'uberisation14pour désigner l'inquiétude grandissante des acteurs de la vieille économie, ces professions qui n'ont pas su se moderniser à temps :

« Tout le monde commence à craindre de se faire Uberiser. C'est l'idée qu'on se réveille soudainement en découvrant que son activité historique a disparu... Les clients n'ont jamais été aussi désorientés ou inquiets au sujet de leur marque et de leur modèle économique » (Maurice Levy, 2014)

Autrefois Napsterisées, Youtubisées puis enfin netflixisées, ce sont les industries culturelles qui ont d'abord vécues les premières vagues de ce tsunami numérique15(B. Teboul, 2015)16, cause des bouleversements pour tous les secteurs, à commencer par la publicité : Google ou Facebook ont largement changé la manière de consommer l'information. Il faut désormais compter sur des data-scientist17 des community manager pour communiquer...Des emplois très qualifiés. Uber devient un thème central de la campagne présidentielle américaine, car cette start-up représente une remise en cause des pratiques et usages. Désormais l'association d'un logiciel (la plateforme) et des données utilisateurs (big-data), permet de mettre en relation par le biais d'une application un client avec des collaborateurs de toute la planète en mesure de fournir un service dans les meilleurs délais et surtout au meilleur tarif. Les avantages sont évidents pour les consommateurs qui voient surtout une face sublimée par le marketing puissant du service. Mais ce phénomène ne fait que créer de la valeur et le revers de la médaille est qu'il y a plus de destruction que de création. Cette révolution silencieuse (P. Flichy, 2010) se développe avec l'apparition du web 2.0 dont nous allons à présent définir le terme.

Le web 2.0, naissance du crowdsourcing

La genèse du CS remonte à 2001, après l'explosion de la bulle Internet où de nombreuses start-up ont fermé leurs portes aussi rapidement qu'elles les avaient ouvertes. Cet événement a remis en question

9 https://www.popmyday.com/ permet de décrocher un rendez-vous avec un coiffeur à domicile 7 jours sur 7.

10 https://testamento.fr/fr/ permet en quelques clics de rédiger un testament juridiquement fiable pour quelques dizaines d'euros. https://captaincontrat.com/ commence quant à lui à inquiéter les avocats.

11 http://www.kisskissbankbank.com/ et sa filiale Lendopolis est une plate-forme de crowdfunding qui joue un rôle de mécène auprès des porteurs de projets, elle connait un succès grandissant auprès des PME qui ne trouvent plus le soutien financier des banques.

12 http://goshipster.com/ va devenir probablement un acteur majeur du transport de colis, au point d'inquiéter les géants du secteur.

13 Nous étudierons cette plate-forme par la suite en page 67

14 Thomson A. « Maurice Lévy tries to pick up Publicis after failed deal with Omnicom ». Financial Times [En ligne]. 14 décembre 2014. Disponible sur : < http://www.ft.com/intl/cms/s/0/377f7054-81ef-11e4-b9d0-00144feabdc0.html#axzz3M8s3UwVa > (consulté le 1 août 2015)

15 Teboul B. « L'ubérisation, ce tsunami qui va déchirer notre économie ». Capital.fr [En ligne]. Aout 2015. Disponible sur : < http://www.capital.fr/bourse/actualites/l-uberisation-ce-tsunami-qui-va-dechirer-notre-economie-1061678 > (consulté le 1 août 2015)

16 Teboul B., Picard T. « Uberisation - Économie déchirée ? » | Editions Kawa [En ligne]. , 2015. Disponible sur : < http://www.editions-kawa.com/home/113-uberisation-economie-dechiree-.html > (consulté le 1 août 2015) ISBN : 978-236778-050-4.

17 Associés à l'analyse des BIG DATA ou aux algorithmes

12

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de nombreux modèles économiques. Avec le recul, et l'explosion des utilisateurs à travers le monde on voit alors le web 2.0 comme une rupture avec l'ancien modèle.

Tim O'reilly, considéré comme un des pionniers de l'open source, définit le web 2.0 avec l'apparition des interactions entre les utilisateurs du web. Cette évolution rendant la navigation plus fluide permet à l'internaute de passer de l'état de visiteur à celui d'acteur. Ce concept a permis, grâce aux techniques et aux connexions plus performantes, de développer de nouveaux services. L'open source est propre à l'informatique. Il se développe à partir des années 90 en permettant aux développeurs d'accéder à un code informatique ouvert pour se l'approprier ou l'améliorer de manière continue. Le parfait exemple est celui du système d'exploitation Linux. Le web permet une interaction perpétuelle entre les internautes qui collaborent autour de projets communs. L'open content est différent, il s'agit d'un contenu enrichi par les internautes. L'exemple couramment cité est celui de l'encyclopédie gratuite Wikipédia qui s'affine quotidiennement grâce aux contributions de milliers de bénévoles à travers le monde. On parle alors de CGU18 (Contenu Généré par les Utilisateurs).

On voit alors apparaître de nouveaux mots pour illustrer ces concepts. Le mot crowdsourcing dont la traduction littéraire est approvisionnement par la foule, est alors mentionné pour la première fois en 2006 par Jeff Howe dans un article de la revue Wired intitulé The rise of crowdsourcing. L'auteur utilise l'exemple du site IstockPhoto, une place de marché (Renault, 2014) dont le but est de sourcer (terme utilisé par Creads) des photographes, sans distinction de savoir-faire, afin de revendre leurs clichés à moindre coût. Jeff Howe définit ce concept comme :

«The act of taking a job traditionally performed by a designated agent (usually an employee) and outsourcing it to an undefined, generally large group of people in the form of an open call » (J. Howe, 2006)19

Flichy définit lui-aussi le terme de CS comme une sous-traitance de tâches effectuées par les internautes. Il compare cette pratique à de la recherche « en plein air ». Cette « collecte d'informations réunies par de nombreuses personnes dispersées dans des espaces multiples où l'amateur trouve facilement sa place ». 20 Sophie Renault parle d'une logique d'open innovation : une création de valeur au-delà des frontières des organisations, où matière grise, créativité, argent et données personnelles sont autant de ressources et compétences détenues par la foule dont les organisations souhaitent s'emparer.21 Le CS se distingue donc de la plupart des principes de type Open source car il s'inscrit dans une logique entrepreunariale. Il permet aux entreprises d'accéder à une grande diversité de contenus provenant du monde entier et peut aussi raccourcir considérablement l'obtention d'un résultat pour une problématique donnée.

18 UGC en anglais : User Generated Content, à différencier des conditions générales d'utilisation des concours.

19 Traduction : Le fait de prendre un travail habituellement réalisé par un agent désigné (généralement un employé) et de l'externaliser à un groupe important de personnes sous la forme d'un appel ouvert à contribution.

20 Flichy P. Le Sacre de l'amateur (2010) - Patrice Flichy [En ligne]. , 2010. 112 p. (Seuil-La République des idées). Disponible sur : < http://www.seuil.com/livre-9782021031447.htm > (consulté le 16 janvier 2015)

21 Renault, Sophie. « Comment orchestrer la participation de la foule à une activité de crowdsourcing ? La taxonomie des 4 C ». Systèmes d'information & management 19, no 1 (16 juin 2014): 77?105. doi:10.3917/sim.141.0077

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Ainsi, on voit se développer de nombreuses entreprises dont le fonctionnement est basé sur la production de contenu des utilisateurs. Facebook est certainement le plus représentatif, mais de nombreux services en ligne naissent également à cette époque. En remplissant un formulaire reCAPTCHA, par exemple, l'internaute, participe sans le savoir à une forme de CS qui lui est présenté comme une sécurité. Ce programme de reconnaissance de caractère sert à la numérisation des livres. Les exemples sont nombreux à commencer par la recherche Google... l'internaute n'a pas l'impression de travailler ni d'être rétribué pour ces micro-tâches. Pourtant, il aide les organisations dans leur fonctionnement en apportant de la valeur. Il s'agit d'une relation tripartite où La foule (ressource) n'entre pas en contact direct avec le client final (crowdsourcer) mais passe par un intermédiaire : la plate-forme.

« A l'initiative d'une organisation, le crowdsourcing constitue l'externalisation vers la foule d'activités réalisées classiquement en interne ou par un prestataire identifié. » (S. Renault)

Un large éventail de modèles

Tout comme les définitions, il existe de nombreuses classifications et un large éventail de modèles de CS définies par la recherche. Lebraty et Lobre (2013) définissent 10 types de CS : Crowdjobbing (tâches routinières), Crowdwisdom (avis de la foule), Crowdfunding (financement par la foule), Forecasting (prévisions de la foule), Innovation (la foule répond à des problématiques R&D, techniques ou conceptuelles), Authenticity (lien de proximité entre la foule et le crowdsourcer), Crowddauting (permet de sélectionner du contenu), Crowdcontrol (la sécurité est assurée par la foule), Crowdcuration (la foule peut classer des données), Crowdcare (la foule participe à un programme de santé).

Nous étudierons particulièrement les formes de CS où la foule effectue des tâches créatives (Pénin & al., 2013) également appelé : crowdsourcing d'activité créatives22 (CAI) ou Crowdcreation (Howe, 2008). Il s'agit aussi de CS d'Authencicity (Lebraty & Lobre, 2013) qui permet de créer un lien de proximité entre la foule et le crowdsourcer (la marque ou l'organisation). Les principales plates-formes étudiées organisent des concours de création. L'aspect sélectif ou compétitif (Guitare & Schenk, 2011, Renault, 2014) est souvent très présent, tout comme la notion de gains financiers.

Sophie Renault (2014) propose un recoupement des différentes classifications en quatre grandes familles qu'elle nomme les 4C : Collaboratif, Coopétitif, Compétitif, Cumulatif. Son travail nous permet de positionner les plates-formes étudiées en fonction du niveau de coordination, de compétition, d'interaction et de proposition. Eyeka et Creads sont compétitifs : l'esprit de compétition est fort et le besoin de coordonner les participants entre eux est faible, ils fournissent moins de propositions et le niveau d'interaction avec la plate-forme est limité. Sur Fotolia nous serons dans un CS Cumulatif : il y a moins de compétition, mais le nombre de propositions est potentiellement plus élevé. Sur Fiverr, que nous évoquerons à plusieurs reprises, nous serons à mis chemin entre ces deux positionnements.

22 Sawhney et Prandelli, 2000 ; Sawhney et al. 2005 ; Nambisan et Sawhney, 2007 ; Ågerfalk et Fitzgerald, 2008 ; Pisano et Verganti, 2008; Trompette et al., 2008 ; Schenk et Guittard, 2011 ; Burger-Helmchen et Pénin, 2011

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Nous ferons également un parallèle avec l'outsourcing (crowdjobbing) qui est souvent associé à l'externalisation de micro-tâches pour nous concentrer sur l'étude des sites de CS liés à la création de contenu graphique ou d'idées.

Problématisation du sujet

Face à la montée en puissance du crowdsourcing créatif et un réel manque de reconnaissance du métier de designer, les professionnels de la création se sentent désarmés et associent parfois ce phénomène à la mort du métier.

Le contexte économique est difficile, de nombreuses agences ferment23 et les free-lances peinent à être rémunérés correctement. Les clients de plus en plus interventionnistes, n'hésitent plus à mettre en concurrence plusieurs graphistes sans pour autant rémunérer tous les participants. Faut-il éduquer le client comme le propose certains collectifs ou la récente publication du centre national des arts plastiques24 destinée aux entreprises désireuses de faire appel à une agence ou un indépendant ?

Cependant ces sites ne permettent-ils pas aux débutants de faire leurs armes sur des petits projets ? On sait qu'un étudiant sorti d'une école de design passe par une série de stages et un certain nombre de petits projets afin de constituer un book créatif lui permettant d'intégrer une agence et, avec de la chance de décrocher un CDI. Ces nouvelles formes d'appel d'offres proposées par les plates-formes ouvrent également de nombreuses perspectives aux marques désirant à la fois impliquer leurs consommateurs et obtenir un regard plus frais pour leur communication.

Pour légitimer son statut de professionnel dans cette nouvelle économie 2.0 de la création, le designer doit trouver des pistes lui permettant de se démarquer des tarifs compétitifs pratiqués sur les plates-formes. Au-delà de l'aspect économique, la chaîne de création classique pourrait être transformée par ce nouvel acteur. Cette communauté de créateurs en compétition est constituée d'amateurs éclairés (pro-am), d'étudiants en graphisme et de professionnels. Mais qui sont vraiment les gagnants ? Un professionnel va-t-il modifier sa pratique en participant à ces concours ? Nous allons orienter cette recherche en tentant de comprendre ce que ces plates-formes modifient à la fois au niveau des pratiques professionnelles mais aussi ce qu'elles véhiculent au niveau du design.

Ces plates-formes peuvent-elles évoluer vers des formes plus équitables pour tous ? Peut-on trouver des solutions durables afin que ces deux mondes cohabitent ? Pour le moment les différents articles liées au CS s'attachent surtout à donner un cadre juridique au travail en définissant les différentes formes d'implications de la foule par des classifications (Lebraty, Lobre, Renault, Roth, Favreau, Massanari, Burger-Helmchen). Nous utiliserons ces travaux pour comprendre pourquoi le CS est aussi considéré comme du perverted-crowdsourcing. Sophie Renault se demande à la fin de son article

23 à l'heure où je termine ce mémoire, je viens d'apprendre mon licenciement économique, l'agence dans laquelle je travaille depuis 8 ans doit fermer son service « infographie ».

24 Adebiaye F. Guide : « La commande de design graphique » [En ligne]. Centre national des arts plastiques, 2014. Disponible sur : < http://www.graphismeenfrance.fr/article/guide-commande-design-graphique > (consulté le 19 janvier 2015) ISBN : ISSN : 2267-3075.

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Crowdsourcing : La nébuleuse des frontières de l'organisation et du travail25 si un terrain d'entente entre créatifs et CS peut être envisagé et s'il existe une manière de fidéliser la foule sur un modèle de plate-forme transparente et éthique. Adrienne Massanarri évoque les licences Creative Common26 (CC), qui permettent à l'auteur de conserver ses droits d'exploitation. II faudra probablement considérer le CS comme une facette à part entière du petit monde de la création visuelle.

La Problématique suivante se pose :

En quoi les plates-formes de crowdsourcing font-elles évoluer le paysage de la création graphique et définissent de nouvelles règles aux professionnels de la création ?

Hypothèses

En introduisant de manière détaillée notre sujet d'étude, nous avons évoqué des pistes possibles de recherche. Pour répondre à cette question, trois axes ont semblé pouvoir orienter la réflexion à mener. Nous formulerons deux hypothèses principales qui constitueront le corps de ce mémoire puis procéderons à une ouverture dans une dernière partie.

Hypothèse 1

Comme de nombreuses start-up, les plates-formes de CS créatif affichent une croissance à deux chiffres. Leur discours bien rodé attire aussi bien les marques (annonceurs) que les participants qui trouvent de nombreux avantages à travers ce modèle.

Cette communication efficace basée sur la promesse d'une grande quantité de réponses ne garantit pas pour autant un résultat de qualité. S'il existe des points de ressemblance, le processus de création semble toutefois éloigné du travail habituel d'un free-lance ou d'une agence. Il s'agit d'une nouvelle approche de la communication pour les marques. Celles-ci voient au travers des plates-formes une façon d'interagir avec leurs consommateurs en les impliquant de manière ponctuelle. Cependant les résultats obtenus à la suite de concours répondent à des objectifs différents pour les organisations. Le CS propose une forme attractive d'organisation de la chaîne graphique pour les entreprises qui font appel à leurs communautés de créatifs. Il permet de définir rapidement une idée, comme une première réponse à un brief ensuite être revisitée par les agences pour produire un résultat plus abouti. Le signe n'est pas mis en circulation. Il s'agit juste d'un visuel. Il n'y plus d'argumentation de la part du créatif. Le Jugement du commanditaire est-il uniquement basé sur le j'aime-j'aime pas avec un professionnel qui ne peut expliquer son travail et argumenter se démarche de création ? En interprétant le travail graphique et se permettant d'y retoucher parfois avant de livrer le rendu au client, ces plates-formes semblent modifier la nature des échanges entre le créatif et le client. L'accompagnement et la relation client semblent secondaires au profit d'un résultat uniquement quantitatif. Cette dépossession du travail où les droits d'auteur (droits d'exploitation) sont entièrement cédés nous amènerons à nous demander quelle est la place du créatif sur ces communautés en concurrence.

25 Renault Sophie, « Crowdsourcing : La nébuleuse des frontières de l'organisation et du travail », RIMHE : Revue Interdisciplinaire Management, Homme(s) & Entreprise, 1 mars 2014, vol. 11, no 2, p. 23?40.

26 Les licences CC sont une solution alternative aux cessions de droits d'auteurs classiques et parfois trop restrictifs. Elles permettent d'utiliser la création de manière plus ou moins large et protègent toujours l'auteur de l'oeuvre, à l'inverse d'une complète cession de droit.

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En jouant sur les codes professionnels des agences, les plates-formes de crowdsourcing attirent les créatifs cherchant à s'insérer professionnellement ou souhaitant débuter une activité. Les participants y voient une opportunité pour consolider leurs books de références avec des marques de renom. D'autres y trouvent une autonomie permettant de créer plus librement et d'avoir un rapport à la création plus personnel qu'en agence.

Nous formulerons donc cette première hypothèse :

Le crowdsourcing représente de nombreux avantages pour les marques. Il est en train de modifier la manière dont celles-ci envisagent la création graphique et propose également aux créatifs de nouvelles façon de travailler.

Hypothèse 2

L'accès aux outils permet à l'amateur de pratiquer une activité proche du professionnel dont les nuances sont parfois subtiles. Une limite parfois infime entre le professionnel et l'amateur éclairé, le

«pro-am

» (P. Flichy) permet à n'importe quel individu de pratiquer sur le web une activité jusque là

réservée aux professionnels. Le CS créatif s'inscrit dans un contexte économique difficile pour les professionnels de la création. Leur métier manque de reconnaissance et leur expertise semble se fragiliser davantage avec l'apparition des plates-formes.

Le paysage graphique tend vers une uniformisation au détriment de la réflexion et des échanges créatifs-client. La mise en concurrence semble devenir la norme de l'appel d'offre classique, devient le modèle sur le web. Le professionnel se retrouve directement en compétition avec les amateurs. Au delà de cet aspect concurrentiel, ces nouvelles pratiques soulèvent la question de la valeur de l'expertise du designer. L'uniformisation et l'appauvrissement du paysage visuel lié à la simplification du processus créatif semblent constituer l'inquiétude principale des professionnels du design. Pour les professionnels de la création : le CS est une menace et favorise un appauvrissement des contenus. Le CS s'inscrit-il dans cette mouvance de méconnaissance du métier ? Qui peut être mis à mal par ces pratiques : indépendants ? Agences ? Si ces plates-formes ont pu modifier la nature des échanges entre le créatif et le client, la pertinence des réponses semble amoindrie. L'Alliance Française des Designers (AFD) dénonce de manière virulente cette pratique et la petite communauté des designers sur le web cherche à s'organiser pour trouver à la fois une manière de valoriser leur métier et de se défendre face à ces plates-formes.

À partir de ce constat, nous formulerons cette seconde hypothèse :

Le crowdsourcing s'inscrit dans un contexte économique fragile de l'économie du design. Il brouille d'avantage les frontières entre les amateurs et les professionnels et ne fait qu'augmenter la méconnaissance de ce métier.

Des pistes d'ouverture

N'ayant pu vérifier l'hypothèse d'un modèle vertueux à part entière nous allons dans cette dernière partie étudier, en deux séquences, des pistes d'ouverture. Nous verrons tout d'abord qu'il est urgent de proposer un statut du créatif équilibré. Il existe également des nuances permettant d'affirmer que certaines formes de CS sont vertueuses et peuvent dans certains cas être en accord avec un processus de design de qualité. Peut-on trouver des points sur lesquels le CS, ce nouvel acteur de la place graphique pourrait être bien perçu ?

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Dans un second temps, nous évoquerons des pistes permettant aux professionnels de valoriser cette expertise et de se positionner dans une bulle d'excellence sélective à haute valeur ajoutée : un design à deux vitesses. On voit depuis une décennie (peut-être plus) apparaître un marché saturé de graphistes en tout genre. Avec des formations de graphiste-express, on devient en 5 mois un infographiste prêt à servir, capable d'utiliser des outils. Il est alors souvent difficile de déterminer qui est réellement professionnel et qui ne l'est pas. Nous l'avons évoqué en introduction et nous le verrons tout au long de ce mémoire : un graphiste possède bien plus qu'une expertise technique. Nous verrons qu'il existe plusieurs formes de réponses : un accompagnement pédagogique du client et une stratégie commerciale adaptée.

Méthodologie et corpus

Pour nos recherches, un corpus large a été utilisé. Les principales sources sont :

· Une étude de la littérature liée au sujet

· Une veille active de l'actualité liée au CS et au concept d'uberisation.

· Une étude approfondie des plates-formes (Creads, Eyeka et Fiverr) et des participants (analyse quantitative et questionnaires ciblés)

· Cinq entretiens semi-directifs réalisés auprès de professionnels du design ou de responsables de plates-formes (Eyeka et Creads)

· Des échanges par mail avec certains créatifs des plates-formes, des blogueurs ou des échanges sur les réseaux sociaux au sujet du CS (Twitter et Linkedin)

· Une participation à plusieurs concours en tant que créatif

· Mon expérience de designer

Étude des articles de référence sur le crowdsourcing

Quelques auteurs reviennent régulièrement, certains seront cités pour leurs travaux autour du CS. Les travaux de Sophie Renault (2013, 2014) serviront à cerner les différentes catégories de CS et nous permettrons de définir les mécanismes des concours. Adrienne Massanari (2012) nous permet d'entrevoir les limites possibles du CS créatif, nous utiliserons sa méthode pour calculer les probabilités des concours.

Des travaux généralistes sur les CS permettent également d'appuyer nos propos : Brabham et Daren (2013), Cédric Pelissier (2011), Burger-Helmchen (2011), Divard (2010, 2014)

Les travaux d'Éric Favreau & Yannig Roth (2014) et de Charlotte Lucien (2012) nous orienterons sur les notions de droits d'auteurs et de travail liées au CS.

La notion d'amateur traitée en introduction et évoquée à plusieurs reprises est fondée sur les écrits de Patrice Flichy (2008, 2010) et d'Andrew Keen (2008).

Les écrits sur le graphisme permettent d'appréhender la notion de design. Le travail de Blair Enns (2014, traduit par François Capsar que nous avons également interrogé en entretien) ainsi que le guide de la commande graphique (2014) serviront à alimenter ce mémoire et à entrevoir des solutions durables pour les professionnels.

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Quelques vidéos

Les dérives possibles liées à l'outsourcing (externalisation) ou au travail gratuit sont traitées essentiellement à partir du documentaire de Vanina Kanban (2007) et la vidéo de Topic Simple27. D'autres vidéos documentaires servent aussi à recueillir des témoignages de marques ayant eu recours au CS.

Analyse des articles de blog, de Twitter et suivi de l'actualité

Loi Macron, l'affaire Creads, Uber, les polémiques autour des logos, concours ou affiches, des refontes de plates-formes... l'actualité pendant la période de recherche fut ponctuée de plusieurs événements en lien avec ce sujet vivant. Au-delà du CS, c'est l'économie numérique de façon plus large qui est en train de bouleverser nos façons de communiquer. Comprendre ce qui se passe pour certaines professions (pour les taxis ou les hôteliers par exemple) nous donne des pistes pour mieux comprendre les enjeux du CS créatif.

Du côté des professionnels du design

En étudiant l'actualité du graphisme et les différents débats animés par la communauté des graphistes professionnels, il est facile de prendre la mesure du phénomène, la moindre discussion autour du CS générant de nombreux commentaires. Voici les principaux sites ayant permis de recueillir des informations :

Graphisteries (Ludivine Vinot, Julien Moya), le forum kob one, le groupe graphistes et créatifs sur Linkedin, Étapes graphiques (actualités du design), graphism.fr (le blog de Geoffrey Dorne), Manufacture créative Aether Concept (Sébastien Drouin) et les flux Twitter liés au CS.

Nous avons étudié en particulier la démarche de création du studio Pam&Jenny qui a refait l'identité de la commune Belge de Charleroi28, différents travaux de designers viendront compléter cette notion de qualité de design.

Une analyse sémiologique des plates-formes

Un premier comparatif très général a servi à définir les 3 principales plates-formes servant à l'étude Creads, Eyeka et Fiverr. Nous étudierons la plate-forme Creads et Eyeka de manière plus poussée. La plate-forme Fiverr sera analysée par une étude issue de retour d'expériences existantes.

Creads est spécialisée principalement en concours de design et de logo ou création de nom (naming) dont la particularité est de livrer rapidement une production au client. Eyeka propose à l'inverse des concours qui serviront ensuite aux marques à travailler sur de plus gros projets, il s'agit d'une forme de « brainstorming » à grande échelle : l'idéation. Nous ferons la distinction de ces concepts en première partie. Pour chaque site une même approche, en essayant de dégager par l'observation :

· Les résultats des concours, la moyenne des participants, les fourchettes de prix pour les lauréats, le type de concours, la communauté.

· Le discours et la promesse pour les marques ou les communautés créatives.

· Le discours en rapport crowdsourcing / travail / la transparence du service.

27 Qu'est-ce que le travail spéculatif ? [En ligne], 2012. Disponible sur : < https://www.youtube.com/watch?v=gemQQ0-RSyQ&feature=youtube_gdata_player > (consulté le 15 novembre 2014)

28 Etapes Graphiques. Charleroi : le logo aspire à la couronne [En ligne]. mars 2015. Disponible sur : < http://etapes.com/charleroi-le-logo-aspire-a-la-couronne > (consulté le 21 mars 2015)

·

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Pratiques d'écritures, idéologies sous-jacentes d'un espace hypercollaboratif et démédiatisation sur ces plates-formes : raccourcissement de la chaîne.

· Le déroulement d'un concours.

Identification des créatifs sur les différentes plates-formes

Les chiffres qui entourent les participants sur les plates-formes sont assez flous. Il est possible d'obtenir de grandes tendances, mais ces données sont communiquées par les plates-formes à des fins de communications. Pour obtenir des statistiques intéressantes sur les profils des créatifs, nous avons choisi de cibler les gagnants, et se focaliser sur des créatifs mis en avant sur la plate-forme. Nous avons utilisé plusieurs sources :

· Les données fournies par le site, visibles

· Les données fournies par le site suite à une analyse.

· Les études chiffrées sur le sujet (S. Renault, Massanari)

· Les blogs des plates-formes, les profils Linkedin des créatifs, leurs portfolios, les profils sur les plates-formes

Pour chaque profil, nous avons cherché à obtenir :

· Le statut (amateurs/pro/étudiants)

· S'ils ont fait des études en lien avec la création

· La nationalité des lauréats

· Si cette activité est ponctuelle ou représente une réelle façon de travailler

· S'ils cherchent un emploi

· Les taux de réussite au concours (selon pertinence des informations)

· Les gains moyens des lauréats

Sur Creads, nous avons tout d'abord recensé 24250 membres, uniquement français (les autres ne sont pas visibles). Sur les 50000 annoncés par le site, il y a donc des membres fantômes. Seuls 544 profils ont remporté au moins un des 1814 concours référencés. À partir de cette analyse nous avons pu obtenir un classement statistique des taux de réussite.

Nous avons ensuite effectué un questionnaire à questions fermées pour obtenir plus de détails concernant le rendement de production, les objectifs des participants et les profils (amateurs, professionnels ou pro-am). Vous trouverez en annexe en page 177 l'ensemble des résultats pour les 43 créatifs interrogés (qui cumulent 16,8% des 1814 victoires possibles)

Sur Eyeka, nous ne pouvions effectuer la même étude, car les profils sont affichés de manière aléatoire. Nous avons donc étudié les créatifs de manière plus ciblée en étudiant la façon dont ils se présentaient sur les plates-formes ou à travers les témoignages de blogs (Holly Mac Alister en particulier). Nous avons observé la manière dont ils se présentaient sur leur portfolio. Des statistiques affichées sur la plate-forme ont ensuite été confirmées par les responsables d'Eyeka.

Des entretiens semi-directifs

Un entretien d'embauche et cinq entretiens semi-directifs constituent la base principale de ce mémoire (disponibles en intégralité en annexe en page 113). Nous pouvons scinder en deux catégories ces échanges : les professionnels du design et les professionnels des plates-formes. Ces entretiens me permettent de comprendre la démarche créative, le rapport au client ou les attentes face à un brief : à

21

chacun sa vision du marché de la création graphique. Tous ces entretiens sont complétés par des échanges mails.

Un premier entretien, qui n'a pas été retranscrit est en fait une expérience vécue lors d'un entretien d'embauche au sein de Creads (pour un stage de responsable de projet). J'ai été reçu comme candidat par le responsable de la stratégie (Monsieur Minh Loïc Hoang-Xuan). De nombreuses informations ont permis de compléter l'étude du site, j'ai découvert « l'envers du décor » et quelques aspects de l'agence concernant l'externalisation du concept et l'organisation du travail. Cependant, mon attitude très dubitative lorsque j'ai découvert la manière de concevoir les mockups de site web (maquettes ergonomiques) et mon manque de conviction ont sans surprise débouché vers une fin de non-recevoir. Les deux entretiens dans les locaux d'Eyeka servent à approfondir les observations effectuées sur la plate-forme. Nous nous sommes rapprochés de Yannig Roth et Éric Favreau à la lecture de leurs travaux présentés aux journées MTO de l'école des Mines d'Ales en octobre 2014. Yannig Roth est responsable Marketing d'Eyeka, il intervient auprès des marques et connaît parfaitement les statistiques liées aux concours. Nous avons surtout abordé les mécanismes des concours, la question du perverted crowdsourcing et le concept d'idéation. Éric Favreau a donné un éclairage concernant l'implication du créatif sur la plate-forme, nous avons évoqué le statut du créatif, à mi-chemin entre le professionnel et l'amateur. Les deux participants ont insisté sur le fait que le CS d'idéation était complémentaire au travail effectué par les agences.

Les entretiens avec les professionnels du design sont complémentaires, les points de vues sont plus ou moins engagés et tous ont été choisis pour leur notoriété et leur expérience reconnue par leurs pairs. Tous ont également été invités en Juillet 2014 au ministère de l'économie par Axelle Lemaire, Secrétaire d'État chargée du Numérique afin de rencontrer autour d'une table les responsables de Creads. Ils nous ont été conseillé par le graphiste et bloggeur Sébastien Drouin (par téléphone) qui a écrit plusieurs articles au sujet de ces rencontres.

Nous avons tout d'abord rencontré Baptiste Fluzin, directeur de création de l'agence Spintank qui héberge également des créatifs sous la forme de co-working au sein du TANK. Nous avons évoqué le travail du designer et celui d'un créatif sur une plate-forme de CS.

Puis nous nous sommes entretenus avec François Caspar (Skype), président de l'AFD (Alliance Française des designers), LE syndicat des designers. Également traducteur de l'ouvrage de Blair Enns (2014), Nous avons principalement évoqué les pistes permettant aux designers de « gagner sans idées gratuites ». L'entretien a abordé aussi des questions de droits d'auteurs, d'appels d'offres et d'expertise du design.

Enfin, nous avons échangé avec Geoffrey Dorne (téléphone). Multicasquette, il est Fondateur de Design & Human, (une agence de design éthique, sociale et radicale), responsable pédagogique au sein de la Webschool Factory, dispense également des cours et des workshops dans plusieurs écoles en France (la Sorbonne, l'Ensci, les Gobelins, l'école des Arènes de Toulouse, la Webschool Factory...). Enfin Blogger sur graphism.fr, il est suivi par 19,5K followers sur Twitter (@GeoffreyDorne). Nous avons évoqué les process de création sur les plates-formes, et les pistes possibles pour valoriser l'expertise des créatifs et les clés de l'enseignement. Le concept du graphisme à deux vitesses et certaines dérives liées au CS.

L'observation participante

Pour avoir accès à une information plus complète, il est indispensable de créer un compte utilisateur sur ces plates-formes. Participer à un concours permet également d'avoir accès à l'ensemble des éléments du brief. Ainsi il est possible de comprendre comment fonctionne une communauté créative et ce qu'est l'expérience d'un créatif sur une plate-forme. Il s'agit également, en tant que professionnel de la création de comprendre si en appliquant une démarche classique, il est possible de répondre dans les temps et avec sérieux à un brief sans tomber dans la facilité ou une réponse précise. En tant que graphiste, je me positionnerai comme créatif et non comme auteur lors de cette étape. Nous emploierons donc le « je » lorsqu'il s'agira d'une expérience personnelle et le nous en tant qu'auteur de ce mémoire. Deux concours ont donc été testés :

Le premier sur Creads, pour une refonte de logo. Le client SEGASEL, est un garage de poids lourds souhaitant moderniser son identité. Ce concours s'est déroulé entre juillet et aout 2015. Ce concours répond à une demande de produit fini où la production est utilisée rapidement en l'état par le client.

Le second concours sur Eyeka est plus proche de l'élaboration de concept (idéation). Il s'agit de mettre en place un concept. Nous avons demandé à une personne tierce de répondre afin d'avoir le point de vue d'un non-professionnel ayant cependant suivi des études de design. Cette personne pratique également le Do it yourself (DIY)29 au quotidien. Ces observations permettent surtout de compléter les témoignages des responsables Eyeka rencontrés en entretien.

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29 Le DIY « fais-le toi-même » désigne une activité de création, artistique ou non, souvent liée aux travaux manuels (Scrapbooking, bricolage, couture, graphisme amateur, encadrement...)

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