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Presse congolaise et son financement

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par PASSI BIBENE
Senghor dà¢â‚¬â„¢Alexandrie - Master 2013
  

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3 Les raisons des difficultés des médias congolais

Selon l'enquête sur le Profil culturel en République du Congo en 2012, la filière de la presse et des médias a comptabilisé « 2054 emplois »82(*). En 2013, le recensement administratif des professionnels de la communication mené par le CSLC a abouti aux résultats suivants : il y a au Congo 709 journalistes professionnels, 980 journalistes non professionnels83(*), 234 journalistes assimilés, 27 journalistes indépendants et 35 journalistes honoraires. Malgré les potentialités d'emplois offertes par ce secteur, rares sont les rédactions dont les effectifs atteignent la vingtaine de personnes.

3.1 Les acteurs de la presse

La plupart des entreprises médiatiques fonctionnent avec des effectifs très insuffisants, pour minimiser les charges salariales. On note ainsi une grande différence entre la presse publique aux effectifs pléthoriques (Radio et Télé Congo comptent chacune plus de 100 agents) et une presse privée aux effectifs limités dans laquelle l'exception de DRTV, qui emploie une centaine de salariés et collaborateurs, suscite l'admiration.

Les effectifs des rédactions

Métier envahi par des amateurs, des militants, des opportunistes qui y ont élu domicile avec les conséquences que l'on imagine sur la réputation des professionnels, le journalisme au Congo présente deux tableaux : le premier est celui des médias d'État souvent en situation de pléthore (Tidiane Dioh, 2009) et le second correspond au cas des organes de presse privés avec des effectifs modestes voire réduits. Parmi les organes de presse écrite congolaise, les titres comptant plus d'effectifs sont La Nouvelle République, média public (plus de 22 journalistes), Les Dépêches de Brazzaville (20 journalistes), Le Patriote (13 journalistes), La Semaine africaine (8 journalistes), Talassa (9 journalistes dont trois permanents), Boponami (3), L'Observateur (2), Maintenant et Vision Nouvelle un seul. Dans le cas de Talassa, Boponami, l'Observateur, Maintenant et Vision Nouvelle, les journalistes et même parfois des propriétaires de journaux, ont souvent en charge diverses tâches en dehors de celle de la rédaction, des reportages : il s'agit pour illustration, de la distribution et de la vente du journal. En période électorale par exemple, le déploiement des équipes de reportage pour certains organes de presse est difficile à assurer vu qu'il n'y a pas de ressources humaines mobilisables. Dans l'audiovisuel, Télé Congo comptait en 2005 plus de 300 agents. DRTV, première chaîne privée emploie une centaine de salariés et collaborateurs tandis que DVS + en compte une vingtaine.

Journalistes et précarité

La précarité des journalistes congolais est la conséquence d'un manque d'emploi et du non-respect de la convention collective qui devait régir le traitement des chevaliers du micro et de la plume. Face au chômage, volontaire, bénévole ou jeune diplômé, considère le passage à la radio, la télévision ou la presse comme un tremplin vers des meilleurs emplois. Dans certains médias, on parle de pigistes qui, très souvent ne bénéficient d'aucune rémunération et ne vivent que de la camorra.84(*) Cette pratique est également répandue dans les médias publics où plus d'un diplômé sert pendant un certain temps gratuitement dans l'espoir d'une intégration aux effectifs de la fonction publique. La sûreté d'une Sécurité sociale en tant que journaliste dans les médias d'État est d'ailleurs, en dehors de la précarité de l'emploi dans le privé, une des motivations justifiant le recours au débauchage : des journalistes du secteur privé n'hésitent pas à quitter leur rédaction pour rejoindre les médias de service publics dès qu'une occasion se présente... Ce qui ne veut nullement dire que les journalistes dans les médias d'État sont dans l'aisance ; sinon ils ne réclameraient pas le statut particulier de journaliste fonctionnaire.

Du côté des médias privés, la recherche d'une expérience professionnelle et d'un moyen de survie, fut-il dérisoire, l'emporte plus sur la négociation ou signature d'un véritable contrat de travail. Dans cette conjoncture, "l'employeur", le patron de presse est pris pour un bienfaiteur. Or, l'attitude de ces derniers frise généralement l'exploitation : en cas cessation de collaboration, les journalistes ne sauraient s'attendre à un droit ou privilège. Dans les pires des cas, la collaboration entre l'organe employeur et le personnel peut se terminer devant l'inspection du travail comme ce fut le cas en 2006 pour le personnel de Radio Magnificat ou récemment en 2012 à DVS + à la suite d'une grève pour raison de salaires impayés. En 2013, sur douze mois d'arriérés de salaires85(*), les travailleurs exigeaient le paiement du quart (trois mois) avant de relancer les émissions en radio et en télévision. À TPT, une autre chaîne de télévision à Pointe-Noire, les travailleurs sont même arrivés à plus de trente mois d'arriérés impayés de salaires86(*), tandis que les salariés de Talassa ont accusé trois mois d'impayés en 2013. La situation aurait-elle pu être différente ? Sans doute l'inapplication de la convention collective par les patrons de presse et le manque de solidarité professionnelle dans la corporation des journalistes congolais est à cet effet un facteur non négligeable et une lourdeur qui ne profite qu'aux éditeurs/patrons de presse. Le traitement très divers et varié des journalistes d'un média à un autre en est la preuve.

Individualiste et porté par une soif de gloire et d'honneur, le journaliste congolais navigue entre militantisme et propagandisme. Les quelques organisations professionnelles existantes n'ont jusque-là pas pu se fédérer en véritable force syndicale capable de réclamer aussi bien les intérêts des journalistes que de défendre la liberté de presse lorsqu'elle est menacée. Les exemples ne manquent pas : le mutisme de la presse congolaise à la suite de la suspension de quatre périodiques en mai 2013 par le CSLC pour des raisons jugées fallacieuses par Reporters Sans Frontières (RSF) et la bastonnade dont a été victime SADIO KANTE, correspondante de Reuter à Brazzaville, alors qu'elle filmait la devanture de la maison d'arrêt au lendemain du verdict du procès sur les explosions du 4 mars 2012 à la caserne du premier régiment blindé. Cet individualisme révèle que chaque journaliste est directement ou indirectement (par le truchement de la ligne éditoriale ou la sensibilité politique du patron de presse) rangé derrière un homme/parti politique.

Cependant, dans la plupart des entreprises de presse, beaucoup de journalistes travaillent sans contrat ni Sécurité sociale. Leur rémunération est dérisoire et dépasse rarement ou de peu la somme de 100 euros par mois, sauf pour le cas des fonctionnaires ou, dans une certaine mesure, celui des journalistes évoluant aux Dépêches de Brazzaville. Dans son rapport sur l'état de la presse en 2005, l'Observatoire congolais des médias (OCM) indique que « si les agents des radios, des télévisions, périodiques d'État perçoivent des salaires régulièrement, leurs collègues du secteur privé se contentent de faibles rémunérations pour survivre. Aucune structure ne s'est jusqu'ici préoccupée du sort des agents des médias privés ».87(*) Ainsi, l'inapplication de la Convention collective cadre des journalistes dans l'espace CEEAC dans les entreprises de presse débouche sur un traitement des journalistes au cas par cas. Dans ces conditions, toutes les prestations que l'employeur sert au travailleur sont perçues comme des faveurs puisqu'il n'existe pas de contrat de travail dûment signé entre les deux parties. Or, « si la convention collective prévoit que le salaire minimum des journalistes est de 100.000F, l'employeur, lié par cette convention collective ne peut opposer au journaliste une loi prévoyant un salaire minimum plus bas, ni amener un journaliste à accepter un salaire plus bas. S'il essaie de le faire dans le cadre d'un contrat individuel de travail, les stipulations du contrat doivent être écartées au profit de la convention collective qui sert ainsi de statut minimum »88(*). Puisque les journalistes se font payer des per diem ou le déplacement par une personne intéressée par leurs services, la conséquence c'est que sur 100, « 70 % des journalistes congolais sont des propagandistes, et 20 % des griots »89(*) qui manquent de rigueur dans leur travail de rédaction. C'est donc à juste titre que l'OMC souligne que l'application de la « convention collective permettra de créer la fonction journalistique qui n'existe, au Congo, qu'au niveau de la Fonction publique ». Et de notre point de vue, le statut des journalistes semble être utilisé pour museler la presse.

Justification d'une convention collective appliquée à tous

Dans le document intitulé La convention collective cadre des journalistes dans l'espace CEEAC, la convention collective est définie comme « un accord ayant pour objet de régler les rapports professionnels entre les employeurs et les travailleurs soit d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises, soit d'une ou plusieurs branches d'activité » (P.73). Cette définition calquée sur les dispositions de l'OHADA en matière de droit du travail (Articles 177 et 181 de l'Avant-projet d' Acte uniforme OHADA portant droit du travail) vise sans doute à ne léser ni le travailleur, ni l'employeur dans un contrat de travail. Mais pour le juriste camerounais Jean Marie Tchakoua, l'intérêt de la convention collective pour les journalistes tient dans la particularité du métier du journalisme. Ce qui l'a conduit à évoquer le fait que « les recettes séculaires sur la répartition du temps de travail ne conviennent pas forcément à l'exercice de la profession de journaliste ».90(*) Il explique que malgré les dispositions des Codes du travail qui fixent les limites ou le nombre d'heures de travail et établit la nécessité de temps de repos (Articles 226 et 253 de l'Avant-projet d' Acte uniforme OHADA portant droit du travail), le travail du journaliste ne se plie pas à un découpage comme dans une entreprise de textile si bien que le journaliste ne peut bénéficier du même rapport au temps que les autres travailleurs parce que l'emploi du temps de travail des journalistes n'est pas facile à gérer. Aussi pose-t-il une question toute simple : « le journaliste peut-il interrompre un reportage parce qu'il doit prendre sa pause de la mi-journée voire son repos hebdomadaire à partir de 17 heures ? ».

Le raisonnement de l'universitaire camerounais chute sur l'idée de la nécessité d'un statut collectif des journalistes en Afrique centrale. Ce statut passe évidemment par la mise en pratique d'une convention collective qui peut aider à éloigner le journaliste des pratiques déshonorantes. Une allusion peut être faite à ce sujet selon les pays, au coupage (RDC), au gombo (au Burkina Faso) et à la camorra au Congo-Brazzaville. Cette pratique consiste pour les journalistes à arrondir leur gain en sollicitant des reportages et interviews moyennant de l'argent. À ce titre, la forte présence des journalistes à l'ouverture d'un colloque ou d'une conférence internationale - pour prendre "l'allocution d'ouverture" et de clôture - pour le dernier mot, constitue le moment où les organisateurs d'un événement « paient » les journalistes91(*). On comprend aisément que la motivation première des professionnels des médias n'est pas l'information mais la "camorra", l'argent.

Alors, la quasi-inexistence d'un genre journalistique comme l'enquête dans la presse imprimée par exemple est imputable non seulement à la paresse, mais surtout à un manque de moyens (financier, humain et logistique) et de rigueur. Il ne suffit donc pas de condamner les auteurs des articles, étant entendu que le mal s'enracine dans les conditions de travail des professionnels des médias. Parce que, ne pouvant réserver un traitement digne aux journalistes, les organes de presse limitent au mieux leur effectif rédactionnel et préfèrent, soit les services des stagiaires, soit les prestations des diplômés sans emploi qui s'essaient au journalisme, ou les offices des journalistes -- fonctionnaires prêts à arrondir leurs gains dans les colonnes d'un organe privé.

Par ailleurs, la condition socio-économique des patrons des médias est très souvent différente de celle de leurs employés. Généralement, ces patrons présentent une situation bien plus reluisante que celle des journalistes qui végètent. Les rares journalistes jouissant d'une situation relativement bonne sont souvent ceux qui cèdent au copinage avec les milieux politiques ou les lobbies économiques.

Formation au métier du journalisme

Très peu de journalistes formés à l'étranger exercent dans la presse congolaise. La plupart des journalistes congolais sont formés à Brazzaville et sont détenteurs d'une licence professionnalisante92(*) obtenue à la Faculté des lettres et des sciences humaines (FLSH) de l'université Marien Ngouabi à Brazzaville, au département des Sciences et techniques de la communication (STC) qui offre une formation initiale aux métiers du journalisme. Les autres professionnels suivent leur formation à l'École nationale moyenne de l'administration (ENMA) où il existe une filière "journalisme" comme à l'École Nationale d'Administration et de Magistrature (ENAM). À l'ENMA, la formation de deux ans est sanctionnée par un diplôme professionnalisant équivalent au Bac + 2. Au pire des cas, c'est sur le tas que se fait l'initiation au métier de journaliste ou à partir des formations ponctuelles (séminaires organisés par l'OCM, le CSLC, le PNUD...), parce que le projet de création d'un institut des métiers de la communication ou d'une école de journalisme pour une formation technique n'est pas encore sorti des tiroirs. Il faut le souligner, la formation sur le tas devait être encadrée compte tenu de l'indisponibilité des rédactions congolaises à assurer une formation de longue durée ainsi que le recommande la convention collective cadre des journalistes dans l'espace CEEAC en son article 25 : « l'assistant journaliste sans diplôme de journalisme ne pourra être recruté en tant que journaliste professionnel qu'après une période de formation pratique et théorique de deux années consécutives au sein d'une ou plusieurs rédactions, dont au moins une année de manière ininterrompue dans la même rédaction ».

* 82Profil culturel national de la République du Congo; document «Programme d'identification des industries culturelles», OIF, Paris, SD; P.53.

* 83 Au terme de l'article 87 de la loi organique N°4-2003 du 18 janvier 2003 déterminant les mission du CSLC, le journaliste non professionnel est toute personne non qualifiée dans le traitement de l'information, mais qui travaille tout de même dans une entreprise d'information.

* 84 Petit per-diem remis aux journalistes par la personne ou institution qui convoque la presse pour une manifestation

* 85 L'hebdomadaire L'Observateur n°520 du 22 novembre 2013, p.7, Brazzaville

* 86 Idem

* 87 OCM, rapport sur l'état de la presse en 2005, Brazzaville, mai 2006; P.6

* 88 La convention collective cadre des journalistes dans l'espace CEEAC; document édité avec l'appui financier de l'OIF, Brazzaville, décembre 2008; P.82

* 89 Le bihebdomadaire La semaine africaine n° 3237 du vendredi 26 octobre 2012 - page 3

* 90 La convention collective cadre des journalistes dans l'espace CEEAC; document édité avec l'appui financier de l'OIF, Brazzaville, décembre 2008; P.75

* 91 Des journalistes sont envoyés couvrir des événements et se font payer par celui qui convoque la presse

* 92 C.D Ngouloubi Mpou, La place de la femme dans la presse écrite Brazzavilloise ; Brazzaville, 2011, P.XX- XXII

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand