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Esthétique de la création théatrale camerounaise de 1990 a 2010

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par Paulin ESSAKO ELLOUMOU
Université de Yaoundé - Master II 2014
  

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CHAPITRE III :

IMPACT DE L'ESTHETIQUE DANS L'EMERGENCE DU THEATRE AU CAMEROUN DEPUIS 1990

Chaque secteur de l'activité humaine qui subit de bouleversements dans le temps et l'espace, engendre de manière relative des conséquences sur un certain nombre de ses aspects. C'est dans cette logique qu'intervient le présent chapitre intitulé : «  Impact de l'esthétique sur l'émergence du théâtre au Cameroun depuis 1990 ». Il s'inscrit toutefois à la suite d'une tentative de décryptage, dans une première approche  des motifs de la rupture de la création théâtrale camerounaise d'avec l'esthétique farcesque, et dans une seconde, les esthétiques en présence dans la pratique théâtrale au Cameroun depuis deux décennies. De là, une caractérisation de l'esthétique dominante. C'est donc ici, le lieu de démonstration de la nature et des différents types d'influences qu'a eu l'esthétique sur le processus d'émergence du théâtre au Cameroun depuis 1990. Il s'agit en réalité de répondre à l'une des questions ayant engendrée cette recherche à savoir, quel a été l'impact de l'esthétique dans l'émergence du théâtre au Cameroun entre 1990 et 2010 ? Pour y parvenir, nous nous déploierons sur deux grandes articulations, respectivement l'une sur l'impact de l'esthétique sur l'environnement interne du produit théâtral et l'autre sur son environnement externe. En effet, La première division traitera, en profondeur, de l'influence immédiate sur les composantes de premier ordre dont le dramaturge, le metteur en scène et le comédien. La seconde division s'engagera sur la même influence, mais sur les composantes externes au produit théâtral.

A. Impact sur l'environnement interne du produit théâtral

I. Environnement interne du produit théâtral

Il semble convenable et peut être nécessaire, de circonscrire l'environnement interne du produit théâtral dont est ici question, avant l'entame véritable du travail proprement dit. A cet effet, proposons une approche définitoire de la notion d' « environnement interne » du produit théâtral. C'est l'ensemble des composantes immédiatement impliquées dans l'existence du produit théâtral. Il s'agit notamment : du dramaturge, du metteur en scène du comédien et toute sa suite technique. Ceux-ci sont présentés en trois catégories de premier, deuxième et troisième ordre.

1. Les composantes de premier ordre

1.1. Le dramaturge

Au début disons-nous, il y a un texte109(*)... reformulons cette affirmation non moins pertinente de Pierre Larthomas faisant du texte le point de départ de la création dramatique. Seulement, faudrait-il le rappeler, le texte est la résultante, le produit de la volonté d'un auteur. Pour cela, disons qu'au début il y a l'auteur (dramaturge). Il représente le socle de toute création dramatique conventionnelle ou non. Ou non parce que, même pour des oeuvres à essence d'improvisation, le cas de la Commedia dell' arte il existe un texte sous la couverture d'une pseudo-improvisation, le canevas est bien déterminé par un auteur. Et cela, concoure toujours à faire de lui le commencement de toute création dramatique. La conception historique fait ainsi de lui, le concepteur. Puisque c'est à lui que revient la tâche consistant à statuer sur la structuration interne et externe de l'oeuvre. En effet, il présente une action (la fable), mettant en relief des forces agissantes (les personnages) qui est en suite chargé de caractériser, dans un style particulier (l'intrigue). Dés lors, l'environnement interne sus mentionné, comporte comme premier élément, le dramaturge. Il est d'autant plus proche de l'oeuvre qu'il concoure à sa compréhension. Le dynamisme et le modernisme dramatique n'ont fait que renforcer cette position de déclencheur du processus de création au théâtre, en conséquence il est encré dans l'univers immédiat du produit.

1.2. Le metteur en scène

A l'occasion de la lecture publique de sa pièce : Les Rhinocéros110(*), Eugène Ionesco déclare : « ...si j'étais vous je ne serais pas venu, une pièce est faite pour être représentée et non pour être lue... ». La représentation en question intègre la nécessité de l'intervention d'un interprète, le metteur en scène. Avant André Antoine, comme le rappelle Catherine Naugrette (2007 :24) : « ...le mot mise en scène existe...mais il est alors entendu dans un sens purement matériel... » L'activité consiste poursuit-elle : «...à prendre en charge ce qui concerne la représentation scénique du texte : ce qu'Aristote appelle, l'exécution technique du spectacle, et pour Hegel : l'exécution extérieure de l'oeuvre d'art dramatique...En fin de compte, cette exécution revient à l'auteur ou au chef de troupe... ». Il est donc clair qu'avant 1880 date de naissance de la mise en scène, le metteur en scène ne peut se considérer comme créateur autonome, toutefois sa fonction est assurée par le dramaturge qui constitue par cumulation l'unique composante de la sphère interne du produit théâtral. Pour ressortir l'étroitesse du lien entretenu avec le produit théâtral, vaudrait peut être commencer par définir le métier (la mise en scène).

Dans une double tentative, Jean Micquart111(*) dévoile sa compréhension de la « mise en scène » et par ricochet celle des attributs du métier de metteur en scène qui fait l'objet de notre intérêt. A cet effet il pense que la mise en scène :

...c'est la traduction visuelle et auditive d'un texte par des moyen concrets multiples : des moyens humains d'une part, c'est-à-dire des acteurs qui sont déjà pour chacun d'eux une résultante d'éléments composants divers, et qui ensemble créent quelque chose de différent qui n'est pas l'addition des parties, des moyens techniques d'autre part, c'est-à-dire décors, costumes, accessoires, lumières, musiques, bruitages, projection, etc [...] Elle consiste en une sorte de synthèse, une orchestration des composantes pratiques qui vont faire un spectacle sensible à partir d'un texte écrit. Dans un deuxième temps, la mise en scène c'est aussi et surtout un discours, un propos, qui soit approfondit le texte en cherchant à éclaircir sa vérité et son sens caché ; soit oriente le texte dans une direction donnée et volontairement réductrice, soit commente le texte par un système de références culturels et techniques, soit se développe parallèlement au texte...

Les détails ainsi donnés sur la question de la relation très rapprochée qu'entretient le metteur en scène et son produit(le spectacle), il en résulte qu'il se trouve au même titre que le dramaturge dans la sphère immédiate du produit théâtral.

1.3. Le comédien

L'une des conditions majeures de matérialisation du texte dramatique reste le comédien. Martin du Gard semble partager cet avis lors qu'il écrit : « Un auteur dramatique est un malheureux artiste qui a fait une oeuvre, mais qui ne peut la montrer qu'avec l'aide, l'entremise d'une troupe, d'un troupeau d'acteurs112(*) ». De ce dernier aspect émerge, la place de dérivation qu'occupe le comédien dans une création dramatique. En effet, en quoi consiste la tâche du comédien ? Le comédien en termes moins rigides est un professionnel de l'interprétation plusieurs chercheur113(*) ont consacré des réflexions entières à son sujet afin de fournir des réponses à cette interrogation aussi vielle que le métier lui-même. Au théâtre, il représente, l'armature vivante à travers la visibilité et la lisibilité des émotions. En plus comme le dirait Patrice Pavis, il est au centre de la mise en scène et tend à ramener à lui le reste de la représentation. Pour revenir à notre centre d'intérêt, la composition environnementale immédiate du « produit114(*) » théâtrale, disons qu'elle ne saurait se restreindre à cette unique catégorie. Ce serait nier tout le pan technique que comporte une représentation.

2. Composantes de deuxième et troisième ordre

La création théâtrale des temps modernes intègre de plus en plus les divers secteurs de l'activité technologique. La présente catégorie fait ainsi l'objet d'un intérêt particulier dans sa tentative de recensement d'une part, des autres métiers directement impliqués dans la fabrication du produit théâtral. D'autre part, les destinataires du même produit quelque soit la nature (texte, Spectacle). Par ailleurs, vu le nombre très large de métiers associés à la fabrication, nous pensons judicieux d'en relever l'essentiel. Il s'agit des régisseurs son et lumière. Le rôle du premier consiste en la conception d'un univers sonore capable de rendre compte, et justifier les actions du comédien en particulier dans le discours de la mise en scène en général. Dans une perspective identique, l'implication du second porte sur la visibilité du matériel scénique y compris le comédien ses signes directs ainsi que ses émotions. Ceci démontre la distance très réduite entre le produit final et le poste de la régie au théâtre.

Autres postes dont l'implication directe n'est point négligeable, le costumier, le décorateur, le maquilleur et le scénographe. Respectivement, le costumier conçoit, à l'aide d'un nombre d'objet que revêt le comédien pour se présenter sur une scène notamment : vêtements, bijoux, en plus de certains accessoires. Ainsi, son rôle, quoique faisant partie du second ordre des constituants de la sphère interne du produit théâtral, n'a rien d'accessoire.

Selon l'expression de Denis Bablet 115(*) sur la fonction du décorateur au théâtre : «  il assure l'organisation des éléments de l'espace scénique » et ajoute d'ailleurs : « en fonction du lieu de la fiction ». En élargissant le champ visuel de Bablet, il va sans dire que le décorateur est en réalité un tout autre créateur dans une représentation théâtrale. De ce fait, sa liaison au produit est beaucoup plus étroite qu'elle ne semble.

Faisons émerger de la définition du métier de maquilleur, sa fonction. C'est : « l'ensemble des manipulations et des procédés qui préparent et mettent en valeur le visage du comédien pour paraître en scène dans certaines conditions lumineuses116(*) ». De là nous en déduisons que, le métier de maquilleur consiste en l'élaboration des techniques qui contribuent à la métamorphose du comédien en personnage. Toutefois, son travail ne se réduit pas au simple visage, mais plus de la tête au pied du comédien.

Les constituants de troisième ordre sont essentiellement composés des types de consommateurs dont, le lecteur et le spectateur. Davantage le spectateur, vu la tournure pragmatique que prend ce mémoire. S'il n'est cependant pas à nier, que les destinataires du produit théâtral sont nombreux, il est tout aussi vrai que, le tout premier de la multitude demeure le spectateur, c'est lui qui comme pense Pierre Larthomas, assure l'échec ou le succès du produit théâtral. A cet effet, au même titre que les précédentes, il constitue dans son milieu interne l'une des composantes influençables par la qualité du produit. Dès lors une tentative de réponse à la question du comment l'esthétique contemporaine a-t-elle impactée sur ces différentes composantes au Cameroun entre 1990 et 2010 est notre centre d'intérêt à la suite de ce travail.

II. Impact117(*) sur les composantes de premier deuxième et troisième ordre.

1. Impact sur les composantes de premier ordre

1.1. Sur le dramaturge

L'esthétique contemporaine entraîne une influence à trois niveaux chez le dramaturge, notamment sur : sa condition sociale, professionnelle et idéologique

Sur le plan social, le dramaturge subit une évolution régressive relativement à la sous-consommation de son produit. Il n'est plus à mesure de vivre uniquement de son métier, et la conséquence directe est la pratique d'une activité dramaturgique accessoire. Selon nos investigations, huit dramaturges sur dix écrivent pour une circonstance bien précise. C'est ce que semble déclarer Botomogne118(*) lors qu'il dit : « Ce pays ne connait plus depuis fort longtemps de dramaturges par essence, faute de quoi il ne nourrirait même pas sa famille, l'urgence est donc de se faire une visibilité et malheureusement au grand mépris de la demande locale. » De ce fait, beaucoup de paramètres119(*) lui échappent ou tout simplement décide délibérément de passer outre pour des exigences de visibilité. Dès lors, sa position sociale en référence à celle d'ancien succès à l'instar de Guillaume Oyono Mbia, Severin Cécile Abega ou Gilbert Doho, est d'autant plus régressive que son métier se trouve banalisé dans la société.

Sur le plan professionnel, la ligne de démarcation avec la situation précédente est très mince. Il existe de moins en moins d'engouement pour les jeunes écrivains qui préfèrent d'autres genres (roman, poésie) quoique pas très prisés eux aussi. Le corollaire est sans doute, la diminution considérable du nombre de dramaturge en 1990 et 2010. Ce chiffre est perceptible par le nombre d'oeuvres publiées. A titre illustratif, un grand nombre de créations à cet intervalle reste non publiées. Pour clôturer, l'esthétique contemporaine sur le plan professionnel, entraîne une carrière stéréotypée. L'émigration des dramaturges camerounais pas dans le but d'exhiber, non sa socio-culture, mais la recherche des conditions de vie meilleurs.

Du point de vue idéologique, l'impact du contemporain se fait encore plus manifeste. La plupart des « dramaturges » versent dans des écritures d'avant-garde, où il ne leur est pas aisé d'en définir les contours. Référence faite aux propos de trois dramaturges120(*) peinant à préciser le cadre esthétique dans lequel ils opèrent. Toujours dans le même sillage, le dramaturge camerounais a brillé par son manque d'idéologie, absorbé par le leitmotiv de l'esthétique contemporaine de « citoyen du monde ».

1.2. Sur le metteur en scène

Vu les prédispositions pratiques du metteur en scène, l'impact qui s'applique sur ce dernier rend également compte des réalités plus pratiques. A travers trois témoignages, notamment ceux d'Ambroise Mbia, Ousmanou Sali et Martin Ambara, nous avons pu comprendre que, huit metteurs en scène camerounais sur dix ne se retrouvent à ce poste ni par amour pour le métier encore moins par conviction, mais par crainte d'une longue oisiveté artistique. En effet, la rareté des projets a métamorphosé les metteurs en scène en porteurs de projets. Toutefois le caractère minimaliste du cadre esthétique entraine le phénomène de cumul de fonction afin de réduire les gonflements d'effectifs, et renforcer la triple dimension du metteur en scène. Un regard sous trois angles tente de rendre compte de cet état des faits.

Le « metteur en scène dramaturge », il conçoit généralement des textes dans le cadre d'une résidence de création sous l'impulsion d'une commande ou d'une échéance particulière. Il en est dès lors le principal initiateur, mettant par ailleurs en mal le métier de dramaturge dans la chaine de création d'une oeuvre dramatique. Quai Nord Sud 121(*)en est une illustration, où Etoundi Zeyang assure simultanément les rôles de dramaturge et de metteur en scène.

Le « metteur en scène acteur », en considérant cette pensée de la sphère théâtrale qui dit : tout metteur en scène est avant tout un bon acteur, l'on perçoit clairement la nécessité de ce dernier d'avoir un background bien plus qu'acceptable dans le domaine. En revanche, les deux fonctions, assignées à des missions bien différentes ne sauraient fondre l'une dans l'autre. Faute de quoi, le metteur en scène perdrait le recul nécessaire à l'observation et à la direction du comédien. La notion du « metteur en scène acteur » comme impact du contemporain sur la pratique théâtrale au Cameroun trouve son justificatif même au près des metteurs en scènes camerounais chevronnés si l'on s'en tient à La Chute122(*) mise en scène et interprétée par Jacobin Yaro, renforcée par le cadre esthétique au Cameroun au début des années 90 a plus tendance à la centralisation et rend de ce fait confuse la dissociation entre le metteur en scène et l'acteur.

Le « metteur en scène régisseur », la notion est visible à deux niveaux. D'abord par une omission consciente du poste de régisseur dans la plus part des documents conçus à cet effet (article de presse, programmes des lieux théâtraux, et même les supports DVD). A preuve, toutes les oeuvres citées plus haut ne mentionnent aucune présence de régisseur. Ainsi cette omission est tout simplement une réalité relative à l'absence du régisseur autonome et explique en revanche l'implication directe du metteur en scène dans le cumul de cette fonction. Le deuxième niveau de visibilité est lui aussi lié à une omission de la présentation du régisseur à la fin du spectacle par le metteur en scène ce qui semble d'avantage corroborer notre pensée sur le cumul de fonction par le metteur en scène.

1.3. Sur le comédien

En marge du cumul de fonction considéré comme dénominateur commun aux deux précédentes composantes, l'influence sur le comédien est tout autre. Mais avant de passer à la spécificité de cette influence, revenons sur ce phénomène cumulateur appliqué au comédien. A proprement parler, dans leur majorité, les créations réalisées dans le cadre esthétique évoqué au chapitre deux sont soumises à la dure réalité de la réduction extrême du nombre de ses comédiens. En effet, un comédien incarne dès lors des rôles réservés à quatre, cinq voire six autres comédiens, le cas justement de Les dormeurs de Jean Robert Tchamba, où la comédienne Alice Mahop interprète toute seule six rôles123(*).

La spécificité de l'impact quant à elle est davantage liée à l'évanouissement du rêve des jeunes comédiens. Bon nombre d'entre eux évoluant encore au sein de quelques compagnies rescapées ont perdu l'espoir de fouler un jour la scène. Car ces compagnies évoluant sans doute sur la base du volontariat, ne disposent pas de moyen financier permettant de suivre plusieurs projets. De ce fait, la concentration sur un projet a entraîné à court terme, l'abandon et à long terme, « la crise du comédien ».

Cet évanouissement est également lié il faut le dire, au statut social du comédien engendré par l'esthétique contemporaine au Cameroun. En effet, si l'esthétique contemporaine bénéficie du doute d'avoir directement dégradé le statut social du comédien au Cameroun, il n'est pas à douter qu'elle a néanmoins renforcé la situation de clochardisation de la catégorie au regard de quelques uns aujourd'hui qui autre fois furent à l'abri du besoin.

2. Impact sur les composantes de deuxième et troisième ordre

2.1. Décadence des autres métiers du théâtre

L'ancienne école, il faut le reconnaître, concentrait la totalité de la création sur l'auteur, Molière en est le parfait exemple. Par ailleurs, la conception moderne de la création théâtrale exerce dans des champs de connaissance bien plus affranchis de la seule autorité de son metteur en scène. L'objet d'intérêt à ce niveau consiste à savoir, comment l'esthétique contemporaine a-t-elle pu ébranler ces divers domaines de compétence ?

2.1.1. Le cas des régisseurs

Le contemporain en tant que cadre esthétique a exercé une influence à plusieurs niveaux sur le métier de régisseur au Cameroun. D'abord du point de vue psychologique. L'exercice des fonctions du régisseur par quelques metteurs en scène, a généré au près des professionnels de la régie, une peur permanente relative à une suppression imminente du métier de régisseur dans la création théâtrale camerounaise. Le constat qui s'en suit n'est point surprenant, la perte progressive de ces techniciens du théâtre au grand bonheur d'autres catégories d'art, le cas justement du cinéma ou la musique. En effet, les régisseurs sont reconvertis selon les exigences du domaine choisi. Toujours sur l'impact psychologique, la dévalorisation voir l'inutilité non de la régie, mais du régisseur a à long termes contribué à la décadence du métier.

Du point de vue historique, l'effondrement du métier de régisseur est resté un véritable danger pour la postérité du théâtre camerounais. Pour avoir l'aperçu de l'ampleur du danger, nous avons sondé un échantillon de 100 individus tous nés entre 1988 et 1990 et étudiants de théâtre. La question est la suivante : Au regard de quelques représentations professionnelles auxquelles vous avez assisté qui selon vous assure la régie ? Les résultats sont les suivants :

1) 20 ne donnent pas de réponse. On en déduit qu'ils ne savent pas clairement qui assure la régie au théâtre.

2) 48 pensent que c'est le metteur en scène, vu que c'est lui le patron de la création ajoutent-ils.

3) 23 affirment que ce sont les régisseurs son et lumière

4) 9 affirment qu'il s'agit du metteur en scène et des techniciens de la régie.

L'association des deux premières catégories d'individu montre par leur nombre élevé, la décadence du métier de régisseur dans le théâtre camerounais.

2.1.2. Le cas du costumier, du décorateur et du maquilleur

Quand on s'intéresse à l'étude des métiers du théâtre, tout comme d'autres secteurs artistiques au Cameroun, l'on en arrive vite à déplorer l'absence de recherches ou de statistiques pertinentes. Toutefois, seul l'observation, les entretiens et quelques oeuvres nous servent de documentation. Par ailleurs, un regard minutieux sur quelques unes d'entre elles donne lieu aux aspects significatifs de la chute de ces trois types de métiers dans le théâtre camerounais.

Le costumier, il est l'un des premiers dont la perte de la notoriété et d'habileté a progressivement tué le géni créateur. En effet, la minimalisation du costume dans l'esthétique contemporaine, a généré au Cameroun, l'absence de conception de costumes significatifs nécessitant le concours de personnes qualifiées. Ceci d'autant plus que le costume ne fait pas parti des préoccupations essentielles du contemporain, Martin Ambara affirme à cet effet déclare :

 Le théâtre moderne, en tant que conception qui revendique son autonomie et qui vise la représentation de la nudité de notre humanité, trouve son intérêt hors de l'aspect uniquement matériel. Par matériel je fais référence, à tous ces artifices empruntés aux autres arts notamment, le costume, les encombrements sonores qui vont avec les effets lumineux à donner le vertige124(*)

Il va donc sans dire que le premier aspect significatif de la chute certes progressive du métier de costumier dans le théâtre camerounais, est le manque d'intérêt pour le matériel et la priorisation de l'abstrait sur ce dernier par l'esthétique contemporaine.

Quand au décorateur, il vit une situation quasi différente à la précédente. De sorte que, plutôt que se vouer à la disparition, son métier dans le théâtre contemporain tend vers un jumelage ou se fond dans d'autres, le cas de la scénographie. Ainsi, l'on constate mieux la décadence du métier de scénographe au grand avantage du décorateur. Toutefois, il se trouve à son tour soumis à l'action du phénomène de cumulation. Par ailleurs, à long terme le décorateur de profession s'est déconnecté de la pratique théâtrale au Cameroun. En conséquence, l'on n'a observé, des décors non pauvres, mais « appauvris » sur un double aspect : matériel et conceptuel.

Loin d'une négation de la fonction du maquillage consistant à fournir une matérialisation de l'expression sociale ou individuelle, le métier de maquilleur a connu une évolution essentiellement régressive. Il a en effet perdu son aptitude à métamorphoser le comédien en personnage. Dans la plupart des oeuvres appartenant au champ esthétique contemporain, le comédien subit rarement des transformations faciales. Il est, nous dit-on : entraîné à métamorphoser son faciès sans soutien d'artifices. En clair, l'ébranlement du métier de maquilleur dans la pratique théâtrale au Cameroun résulte de sa difficile intégration dans l'esthétique contemporaine.

2.1.3. Impact sur le spectateur alternatif125(*)

L'impact sur le « spectateur alternatif » revêt d'entrée de jeu une dualité paradoxale, car à la fois perceptible et non. Par ailleurs, afin de cerner dans sa globalité l'aspect perceptible de l'impact de l'esthétique contemporaine sur le censeur du P.T au Cameroun, il convient méthodiquement nous semble-t-il, d'adopter une approche sociologique. Ceci d'autant plus qu'elle touche en panoramique ses principales composantes relationnelles.

Pour le premier palier de ce type de spectateur notamment : les critiques et les journalistes culturels, l'incompréhension des spectacles contemporains et leur impopularité sur le plan national n'encouragent pas à y assister ou d'y rédiger des articles. Selon les mots d'Augustin Charles MBIA126(*), le lecteur n'a pas uniquement besoin de cette pression relative à l'instruction, il intègre tout aussi dans ses besoins, de la distraction et du plaisir. Du coup il semble impossible de commenter sur ce qui jusqu'ici reste incompréhensible. De ce fait, le journalisme culturel se trouve bien contraint de verser dans des secteurs artistiques plus attrayant, le cas de la dance, la musique ou le stylisme.

Aux antipodes du précédent groupe, les académiciens ont plutôt été positivement influencés au regard des richesses linguistique, stylistique et syntaxiques que renferment ces oeuvres. En effet, le langage relevé d'assaisonnement pour parler comme Aristote dont use l'esthétique contemporaine est devenue une véritable source d'exploitation. Le niveau de la langue a contribué à une façon nouvelle de concevoir le texte ou le spectacle théâtral au sein de l'académie.

3. Bilan tridimensionnel de l'impact sur l'immédiat du produit théâtral au Cameroun entre 1990 et 2010

3.1. La dimension psychologique

La première remarque importante et peut-être nécessaire à faire sur l'immédiat du produit théâtral, porte assurément sur son caractère humain. Telle est la raison pour laquelle y figure au premier rang de cette triple approche, la dimension psychologique. Cependant, la restitution de son bilan présente des contingences en effet relatives à la circonscription géographique de ce travail.

3.1.1. L'introversion des créateurs

La tendance à ramener tout en soi, l'omission consciente ou non de partager la réflexion, les tâches avec ses collaborateurs immédiats, a engendré dans la durée, un phénomène encore plus résistant à la coopération et au partage professionnel, « l'égocentrisme dramatique ».

3.1.2. L'extraversion des intérêts idéologiques

La plupart de nos créateurs127(*), notamment les metteurs en scène et les dramaturges, se considèrent davantage comme citoyens du monde, et moins comme citoyens camerounais. Le fait est qu'il s'agit pour ces derniers, de présenter les idéologies extérieures au Cameroun, et non l'idéologie camerounaise à l'extérieur au risque de baigner dans « l'anachronisme dramatique ».

3.1.3. Esprit de collaboration subjective

L'observation attentive du mode de fonctionnement de quelques compagnies128(*) encore en activité, mais généralement périodique, soutient l'idée du manque d'objectivité dans le choix de la collaboration. Dans les faits, le metteur en scène fait appel à ses affinités, quoique ne répondant pas tout à fait au profil du comédien ou du technicien voulu. La faible fréquence de la demande a généré la dissimulation des informations relatives à l'appel d'offre. Toutefois, l'information se partage entre amis.

3.1.4. Conflit d'intérêt entre créateurs et consommateurs

Si le créateur lui trouve son intérêt dans l'accommodation à la mondialisation artistique et précisément dramatique, c'est avant tout et surtout par contrainte aux exigences du marché international ainsi que des structures de financement. Ce procédé met directement en mal l'intérêt du consommateur local, qui au regard de son adhésion au « réalisme farcesque », réclame visiblement, plaisir et divertissement au premier rang des fonctions du produit théâtral. Dès lors, s'installe une véritable opposition, à l'issue de laquelle est fortement méprisé le produit et son créateur par le spectateur.

3.2. La dimension professionnelle et humaine

En tant qu'activité humaine, la pratique du théâtre entraîne immédiatement l'implication d'autres métiers sur le plan strictement professionnel. Et qui parle d'activité humaine impliquant en outre d'autres professions, envisage l'implication sous-jacente d'un nombre important de personnes. Néanmoins, aussi bien que la première, la dimension professionnelle et humaine, résume en quatre points l'impact sur l'immédiat du produit théâtral au Cameroun entre 1990 et 2010.

3.2.1. Disparition des spécialisations

Du point de vue professionnel il faut le reconnaître le théâtre, dans sa version matérielle est moins nécessiteux d'une connaissance globale et légère des métiers qui lui sont associés, que d'une connaissance profonde et spécifique. A cet effet, la disparition de spécialisation représente une véritable entrave au professionnalisme. Pour la circonstance, disons que, pour le théâtre camerounais des deux dernières décennies, l'effet de concentration et de minimalisme ont repoussé le phénomène de spécialisation au point de le rendre imperceptible. L'on accorde plus de crédits à cette idée quand on considère les « nouveaux » métiers du théâtre au Cameroun notamment : le « dramaturge, metteur en scène, acteur » ou le « régisseur son, lumière, décorateur, costumier ».

3.2.2. Réduction de l'expérience dans l'exercice

L'expérience dans l'activité humaine s'acquiert par l'exercice, le théâtre en tant qu'activité humaine n'échappe pas à cette réalité. En revanche, ladite expérience a fortement été réduite par la rareté des projets à mesure d'intégrer un nombre considérable de personnes à la fois. Toutefois, une minorité dispose d'une expérience dont le partage avec la nouvelle génération se complique de plus en plus. Au demeurant, l'inexpérience par manque d'exercice a fortement influencé la dimension professionnelle de l'impact.

3.2.3. Déconnection aux métiers associés

L'autonomie artistique du théâtre camerounais de ces deux précédentes décennies repose sur sa déconnection aux métiers associés. Dans les faits, la pratique du théâtre au Cameroun présente un caractère imbu, suffisamment visible à plus d'un niveau dans la création, notamment : la faiblesse ou l'absence du décor, des costumes, ainsi que l'ensemble des artifices qui accompagne le spectacle de théâtre. Toutefois, l'acception physique du premier cas associe des métiers tels la menuiserie, la sculpture et au même titre la machinerie pour ne citer que ceux-là. Par ailleurs, l'abstraction du décor dans les créations signifie la déconnection des métiers cités en amont. Dans le même ordre de pensée, les métiers associés à la confection du costume et des artifices.

3.3. Dimension socioculturelle

Présentons à présent le dernier aspect de l'impact sur l'immédiat du produit théâtral au Cameroun. Il s'agit, des phénomènes de globalisation, d'acculturation d'un coté, et de l'autre la réduction du rôle social du produit théâtral, l'exhibition de la réalité sociale extérieure et en fin la prédominance de la classe élitiste.

3.3.1. Le phénomène de globalisation

La présentation de la dimension socioculturelle de l'impact, implique le phénomène de globalisation. En effet, la conception esthétique du contemporain en ce qui est du théâtre s'inscrit davantage dans une logique de globalisation culturelle, de sorte qu'une oeuvre singulière comporte plusieurs matrices culturelles. L'exemple le plus patent pour la circonstance est sans doute Les Osiriades. Le regroupement d'éléments de la mythologie grecque associés à celle égyptienne, le tout dans le contexte camerounais atteste de cette globalisation. Cependant, ladite globalisation entraîne manifestement un tout autre phénomène, l'acculturation.

3.3.2. L'acculturation

L'élévation de Certaines nations au rang de nations développées aujourd'hui, tient certes de la vente de leurs cultures aux autres, mais la ramification de cette domination entraîne une conséquence directe, l'acculturation. Celle-ci se voulant dans sa considération primaire comme : assimilation ou mieux une copie des matrices culturelles extérieures, son apparition dans la création théâtrale camerounaise exerce une influence considérable dans l'expression culturelle locale. En effet, l'esthétique contemporaine au Cameroun semble davantage viser l'adoption des éléments culturels d'ailleurs au dépend des locaux. Ce qui précède trouve sa justification à deux niveaux : d'abord, du point de vue artistique, les musiques et autre décor visuel sont pour la plupart du temps de la culture étrangère si l'on se réfère à Les Osiriades ; Bintou ; Le Don du propriétaire mise en scène par Jean Mingele en 2003. Enfin, le point de vue conceptuel, il faut le dire, se situe dans la même lancée. Au demeurant, l'acculturation participe à la compréhension de la dimension socioculturelle de l'impact

3.3.3. Réduction du rôle social du produit théâtral

Il est clair que la reproduction des réalités sociales étrangères sur une scène ou dans un texte conduit à moyen terme à la perte d'efficacité quant aux objectifs et au rôle social majeur du produit théâtral. Ce dernier consiste justement à rassembler, instruire et divertir. Or la prédominance des données métaphysiques dans la plupart des créations qui forment l'esthétique contemporaine au Cameroun dissolvent le rassemblement, mettent en difficulté le divertissement pour faire place à l'instruction de la mouvance.

3.3.4. Renforcement des inégalités sociales

Si l'on considère un temps soit peu le caractère attractif et divertissant du produit théâtral, il n'est pas difficile de déduire la mixture de couche et par ricochet les classes sociales susceptibles de se retrouver dans un lieu théâtral. Pourtant le point précédent a démontré la destruction des possibilités de rassemblement dans le même lieu. Ainsi ne se retrouvent dans un lieu théâtral qu'uniquement la classe sociale dont l'intérêt se trouve contenu dans la création. Il s'opère donc une sorte de division sociale. Pour avoir une idée plus nette, il suffi de procéder à l'exploitation du codage utilisé dans la plus part de ces oeuvres. Par là, vient la localisation de l'élite intellectuelle comme principal destinataire des messages délivrés, car suffisamment outillé pour le décodage. L'immédiat n'est point surprenant, théâtre élitiste.

Pour finir, les créations baignent dans une sorte de neutralité où il semble impossible de définir avec certitude la singularité sociale ou culturelle. Il est cependant temps d'embrayer la seconde et dernière articulation majeure de ce chapitre, qui traite du même impact, mais sur l'environnement externe du produit théâtral.

B. Impact sur l'environnement externe du produit théâtral

I. Environnement externe du produit théâtral

Contrairement à la première partie où la circonscription des composantes du milieu interne du produit théâtral semblait plus restreinte, son environnement extérieur offre un champ beaucoup plus large parce que constitué d'innombrables éléments. Pour la circonstance nous nous limitons à ceux dont l'influence est facilement perceptible. Mais avant toute chose qu'entendons-nous par environnement externe ? C'est l'ensemble des éléments indirectement liés à la fabrication et à l'existence de l'oeuvre dramatique. Il s'agit notamment  du lieu théâtral, du spectateur, du marché de spectacle, quelques marchés locaux et de leurs circuits, des partenaires financiers, du pouvoir public, ces composantes seront présentées en deux groupes, les composantes générales et les composantes spécifiques.

1. Composantes générales

1.1. Le spectateur permanent129(*)

Il ne s'agit pas à ce niveau de procéder à une définition univoque de la notion de « spectateur permanent », mais davantage stimuler les approches. Néanmoins, entendons par là une catégorie d'individu fidele au produit théâtral. En revanche il faudra bien dire en quoi constitue t-il l'environnement externe du produit théâtral afin de mieux percevoir en aval l'influence esthétique sur ce dernier. Le spectacle théâtral est en réalité une forme de socialisation qui implique le spectateur non comme une variable mais comme une constante selon les mots de Pavel Campeanu130(*). Il se résume lors qu'il dit : «  la présence du spectateur au théâtre n'est pas alternative, mais impérative131(*) ». Ainsi dans son processus de socialisation, le produit théâtral doit son existence à celle du spectateur à condition de la fidélité de ce dernier. Cependant, son rôle encore indéterminé pose problème afin de justifier son implication dans les premiers rangs de l'environnement extérieur du produit théâtral.

Le rôle qu'on lui reconnait et sans doute le principal d'ailleurs, est celui du consommateur. C'est lui qui en fonction de ses besoins, accepte par achat ou rejette par abstention le produit théâtral. Ses actions et réactions déterminent la situation de l'entreprise théâtrale. Ce rôle lui confère toute la proximité nécessaire pour faire partie des composantes extérieures de premier ordre.

De la même manière, mais de degré différent, lui revient le rôle de censeur. Certes, le metteur en scène et autres critiques professionnelles sont à mesure d'effectuer la même tâche, mais il est le principal sans l'aval duquel s'évanouit le produit théâtral.

1.2. Le lieu théâtral

Contrairement à la composante antérieure, le lieu théâtral du fait de son ambiguïté mérite d'être préalablement redéfinit. Les vocables « lieu » et « théâtral » qui composent « lieu théâtral » soutiennent la pensée qui d'entrée de jeu l'appréhende comme un lieu pour le théâtre. Dans les faits, le lieu théâtral constitue un lieu permanent qui abrite les représentations théâtrales. Par ailleurs, la netteté de cette définition a déjà été proposée par des chercheurs132(*) au début du siècle. A cet effet, Anne Ubersfeld pense que :

Le lieu théâtral est défini par son rapport physique et architectural avec l'ensemble de la cité ou de la ville (lieux théâtraux : (le théâtre grec, l'amphithéâtre romain, le théâtre de Vicence, l'Opéra de Paris) par ses caractéristiques matérielles de rapport entre scène et salle, et par son rôle socioculturel à chaque fois particulier dans la cité133(*).

Mais c'est l'approche de Denis Bablet qui semble mieux rendre compte de ce qu'est véritablement un lieu théâtral. A ce sujet il dit :

le lieu théâtral, il est banal de le rappeler, ce n'est donc pas seulement le « théâtre » auquel nous sommes habitués, ce peut être la place publique où l'on dresse temporairement une estrade autour de laquelle va se grouper une foule, le parvis d'une cathédrale, le stade où se donne une représentation, le mur auquel on adosse un tréteau, un parc, une cour d'usine, un hall, un gymnase ou un terrain vague. C'est la représentation qui donne au lieu son caractère théâtral134(*)

Il va donc sans dire que tout lieu peut prendre l'appellation de « lieu théâtral », à condition de prendre en compte le déploiement des comédiens et la disposition d'un public. Toutefois, ce n'est pas cela notre objet, par lieu théâtral, nous faisons allusion à l'édifice public ou privé géré par une administration. Il est donc clair que toute représentation suppose un lieu théâtral d'où sa nécessité. Par ailleurs, son appartenance à l'environnement externe vient du fait qu'il est le contenant même du produit théâtral. La question qui demeure est, comment a-t-il été impacté par l'esthétique contemporaine ?

1.3. Le marché de spectacle

Dans son approche économique, le marché de spectacle désigne l'ensemble des personnes physiques et morales susceptibles d'acheter ses produits. Dans notre cas, il s'agit du produit théâtral comme spectacle. De ce fait, il représente moins un lieu ou un espace, mais mieux l'ensemble constitué de l'offre et de la demande. Il fait partie de l'environnement externe car c'est à son niveau que se passe l'échange entre l'offreur et le demandeur. Par ailleurs les différents acteurs dans le processus d'échange fixent la valeur financière du produit. Les marchés artistiques, généralement s'articulent autour des festivals.

2. Les composantes spécifiques

2.1. Quelques marchés locaux et leurs circuits

Ils sont essentiellement constitués comme mentionné en amont, de festivals. Au Cameroun il en existe une multitude. Toutefois ils ne seront pas cités dans leur exhaustivité. En effet, la rareté d'une documentation y afférente pour l'écrasante majorité nous contraint au choix d'un nombre très réduit :

1) Le tout premier est sans doute Les RETIC, du fait de son ancienneté, son budget et sa notoriété dans la sous région. A la base, c'est une plate forme d'expression des meilleurs spectacles africains, mais dans son évolution, ce festival est devenu une plate forme de sélection de spectacles pour le MASA de la Côte d'Ivoire. Par ailleurs, le circuit s'est élargit dans le temps.

Son circuit135(*) comprend le Festival de Limoges (France) ; Festival d'Avignon (France) ; festival Theater Del Welt (Allemagne) ; Festival Racine (Benin) ; Le MASA (Côte d'Ivoire) ; JTC (Tunisie) ; FITMO (Burkina Faso), Festival de Théâtre expérimental (Egypte) ; FIADPUP (Tchad) ; FIA (Kinshasa-RDC) ; Festival des Régions ( Canada) ; Festival de Mono Théâtre d'Aboisso (Côte d'Ivoire) ; Festival des Réalités (Mali) ; FITAB (Togo) ; FITHEB (Benin)...

2) Le second dont on dispose d'informations est le FATEJ. Il prospecte, accueille et programme des spectacles de théâtre destinés à un jeune public, tout en suscitant une collaboration avec d'autres festivals et rencontres internationaux.

Bien moins dense que celui des RETIC, le circuit136(*) du FATEJ se réduit au : RITEJ de Lyon (France) ; STREET ANIMATION de Teramo (Italie) ; et pour finir au festival de Lausanne (Suisse).

3) Le troisième dans la liste est le FATEA de Bienvenu MBALLA BENGOULA, il se conçoit autour de l'éducation pour enfant, les droits de l'homme, la paix et la démocratie. Toutefois, son circuit semble plus restreint.

2.2. Les partenaires financiers

Par partenaires financiers entendons, toute personne physique ou morale qui apporte un appui spécialement financier à la réalisation d'un produit théâtral. Il en existe cependant deux types : les locaux et les internationaux. Pour le cas de locaux il faut remarquer, ils se présentent en nombre très réduit notamment : la CRTV, SNI, SNH, Guinness Cameroon. Les internationaux quant à eux ne sont non plus en grand nombre. Néanmoins nous pouvons citer : l'Agence Internationale de la Francophonie (AIF), l'Union Européenne (UE), la France et la Belgique.

2.3. Les partenaires médiatiques

L'univers médiatique au Cameroun n'a véritablement pu prendre son envol que vers la fin de la décennie dernière. Dès lors la faiblesse du partenariat médiatique trouve son explication. Toutefois, la CRTV, TV5, RFI, le Messager et Cameroun Tribune se présentent comme les principaux.

2.4. Le pouvoir public

Parmi les composantes spécifiques de l'environnement extérieur du P.T, le pouvoir public. Ici il représente, cet organe investi d'un pouvoir à mesure de réglementer le fonctionnement de l'entreprenariat dramatique, tout en stimulant la production par ses moyens.

II. Impact sur les composantes générales et spécifiques

1. Impact sur les composantes générales

1.1. Le cas du spectateur permanent

Umberto Eco, dans Lector in fabula, tente l'énumération des composantes permettant d'appréhender l'influence sur le spectateur, et le spectateur dont parle le chercheur semble être de même type que celui que nous étudions ici, le «spectateur permanent ».  Mais c'est à Pavis137(*) que revient le mérite d'avoir réussi leur application au théâtre. Il parle entre autres, de la connaissance des codes et des systèmes de signes, des compétences idéologiques qui envisagent en outre les connaissances culturelles.

Au Cameroun, le manifeste de l'impact se perçoit d'abord au niveau de l'ébranlement du processus d'identification qui à son tour est perceptible à plusieurs niveaux, la destruction de l'identité collective ou associative pour parler comme Pavis, l'identification admirative, sympathique et enfin émotive. Dans le premier cas, le spectateur est soumis aux forces dont le but principal est l'effritement des la réalité collective. Dans le second, vue que, la notion de héros se trouve détruite, le spectateur camerounais n'éprouve ni admiration ni compassion sentimentale. A preuve, il a été quasi impossible pour 67% de notre échantillon de déterminer clairement qui est le « héros » dans trois oeuvres contemporaines138(*). L'identification émotive se trouve d'autant plus ébranlée qu'elle ne provoque rien de cathartique.

Toujours à propos de l'impact sur le spectateur, relevons « l'effet des-esthétisant », entendons par là, la dévalorisation esthétique du produit artistique en général et théâtral en particulier. Au Cameroun elle opère à travers l'agressivité des formes esthétiques nouvelles qui constituent le contemporain.

Outre ce qui précède, le rejet du produit théâtral. En effet le « spectateur permanent » camerounais dispose d'une expérience esthétique (Cf. Chapitre I « réalisme farcesque » P.30). Celle-ci comporte notamment toute la matrice socioculturelle conséquente à toute forme d'identification et par ricochet, « l'effet esthétisant ». Visiblement, il ne trouve pas ladite matrice dans l'esthétique contemporaine. Et cela a eu pour corolaire, la désertion des salles dans une mesure et leur fermeture dans l'autre. La justification de ce propos tient dans un premier temps, d'une comparaison entre le nombre de lieu théâtraux existant avant et après 1990. Il est clair que le passage de six salles avant 1990 à une après signifie la fermeture du reste. Dans un deuxième, la même comparaison réalisée cette fois sur le nombre139(*) de spectateurs enregistrés par le CCF pour la seule année 1986 et le début 1990, témoigne également de la désolidarisation du public vis-à-vis du produit théâtral et par conséquent la désertion des salles par le public .

Chutons dès lors dans la présentation du choc interculturel assez présent dans la tentative d'intégration des contraintes esthétiques du théâtre contemporain. En fait, le caractère globalisant du contemporain entraîne, à moyen terme, une compétition entre les divers schèmes culturels qui le constituent. La résultante au près des consommateurs est le contraste qui intègre difficilement le background culturel de la collectivité.

1.2. Le cas du lieu théâtral

Le présent impact s'applique sur deux principaux points notamment : l'aspect architectural et le mode de fonctionnement. L'impact tel qu'il sera présenté se construit autour de deux lieux : l'IFC et l'Institut Goethe à vrai dire pas destinés à la pratique théâtrale du moins sur le plan formel.

En effet, l'aspect architectural de ses lieux n'a véritablement pas connu un changement majeur perceptible par un potentiel public. Ceci étant une résultante directe de l'hibernation de l'entreprise théâtrale au Cameroun, corolaire de l'absence d'une volonté esthétique dont la visée serait l'intérêt général. De manière quasi identique, la contemporanéité dramatique, ses visées sociales et son manque d'intérêt pour les masses a fortement contribué à évanouir les velléités d'amélioration ou de construction d'autres lieux destinés à la pratique du théâtre. Plutôt a entrainé la fermeture de certains lieux140(*) ayant abrité la pratique théâtrale par le passé.

Certes un lieu théâtral par extension comme le Centre Culturel français (à présent IFC) à la base n'a pas vocation à promouvoir uniquement la pratique de l'art dramatique. Par ailleurs sa polyvalence artistique et la volonté de vouloir tout englober laisse cependant entrevoir l'inefficacité de son fonctionnement. Dans le même sens, la recherche effrénée de nouvelles formes dramatiques, la présentation de l'Homme dans toute sa complexité et la tournure philosophique qui sied à l'esthétique contemporaine, ont à leur tour solidifié le choix esthétique de cette structure. Yves Olivier141(*) relève à ce sujet : «  l'une des préoccupations de première ligne de notre structure est bien entendu, la promotion de la culture française. Et sur le plan dramatique défendre les créations contemporaines... ».

En ce qui est du Goethe Institut, la stratégie n'est pas officiellement la promotion de la culture allemande au Cameroun, mais le renforcement d'échange interculturel entre les deux nations. Cependant cet inter-culturalité souffre depuis de la réduction de la production par l'abandon de cet art par les créateurs et le public camerounais. De ce fait, la relation culturelle bilatérale s'est transformée en une relation unilatérale néanmoins en ce qui est du théâtre. Dès lors, la construction d'un lieu théâtral proprement dit trouve de moins en moins sa nécessité.

1.3. Le cas du marché de spectacle

Autant il est vrai que le festival dans le contexte camerounais constitue le principal marché de spectacle parce que stimulant simultanément l'acte de la production et de la consommation. Par ailleurs, ce marché est étroitement lié à un environnement qui régit son activité. Toutefois, l'appréhension de l'impact sur ledit marché n'est possible qu'à la considération des éléments actifs de son environnement. Ainsi se résume l'impact du contemporain sur le marché du théâtre au Cameroun :

Festivals en aval

estivals en aval

Main d'oeuvre

Festival théâtral

iques

Lieux théâtraux

Entreprises culturelles

Compagnies théâtrales

Bailleurs de fonds

Schéma No1 : Interactions dans l'environnement normal du marché de spectacle142(*)

Compagnies théâtrales

Bailleurs de fonds

Lieux théâtraux

Festival théâtral

Le schéma ci-dessus illustre en effet les constituants de l'environnement normal du marché de spectacle (théâtral). Le prochain schéma présente en effet l'impacte de l'esthétique contemporaine sur le marché à travers les disfonctionnements liés à l'absence de certaines composantes :

Schéma No2 : Disfonctionnement et perte des constituants du marché de spectacle théâtral

Dans cette figure l'on peut clairement constater l'absence de plusieurs composantes ainsi que la destruction de plusieurs relations sur le marché. De manière pratique et contextuelle, le schéma N°1 présente un environnement de huit composantes avant l'application de l'esthétique contemporaine sur le marché. Après introduction du contemporain, le schéma N°2 montre que sur huit composantes ne subsistent que la moitié. Il y a disparition des pouvoirs publics, de la main d'oeuvre, des entreprises culturelles et des marchés en aval qui assurent la circulation du produit théâtral.

De la même manière l'on constate la fin des relations : pouvoirs publics- Compagnies ; Pouvoirs publics-entreprises culturelles ; pouvoirs publics-festival ainsi que ses ramifications sur les lieux théâtraux et la main d'oeuvre. En clair, le présent impact se mesure au nombre de relations détruites et disparition d'un certain nombre de composantes dont la présence meuble l'environnement du marché.

2. Impact sur les composantes spécifiques

2.1. Le cas de deux143(*) marchés locaux

2.1.1. Les rencontres théâtrales Internationales du Cameroun (RETIC)

Il suffit pour en être convaincu de l'impact quoi qu'indirect du contemporain sur ce marché, d'y accorder un peu d'attention aux disfonctionnements survenus depuis sa première édition. Le principal aspect impliqué reste en toute évidence : le relationnel, autrement dit, le circuit chargé d'assurer la commercialisation du produit après les RETIC et les rapports avec les commanditaires. En effet, ce marché a perdu en termes de pouvoir d'achat et ce à cause de la détérioration de l'interaction entre lui et ses composantes. A preuve, en 2001 le marché est rendu à sa 10e édition pourtant la prime de participation se trouve considérablement réduite, l'Article 5 du contrat de participation indique un forfait de deux cent mille francs CFA (200.000 f), ceci pour certains dirigeants de compagnies reste insignifiant, autant mieux ne pas prendre part aux RETIC.

Dès lors, la faible production, dû en partie à une esthétique qui n'intègre pas forcement la consommation comme une étape essentielle dans l'existence du produit théâtral a réduit le nombre de commanditaire, ainsi que la main d'oeuvre impliquée sur ce marché. L'un des point sans doute à présenté est l'évanouissement des productions dû à l'absence du relai des acheteurs. En effet, la majorité des créations ne traverse pas le cadre des RETIC. C'est là une conséquence de la destruction du circuit de ce marché.

La désolidarisation du pouvoir public local, du spectateur permanent et des compagnies au même titre que les promoteurs culturels, a contraint le marché à un regard vers l'extérieur où sa dépendance est de plus en plus inévitable. En effet, sur 14 troupes qui participent au festival plus de 8 viennent de l'extérieur ; cela dégage déjà visiblement une faible motivation de la production de la part des troupes locales. Cette dépendance est encore plus accentuée sur le plan financier. Car au regard du graphique suivant, les marchés de la zone francophone présentent les dépendances financières suivantes :

La France 22%

AIF 20%

L'UE 11%

Autre Organes Internationales 18%

Apport personnel 6%

Apport de l'Etat 15%

Privé 8%

Graphique N°1 : Dépendance financière des festivals de la zone francophone144(*)

Ce graphique oeuvre à mieux saisir distinctement d'une part, les différents taux d'implication financière, et d'autre part, l'évaluation du degré de dépendance financière du marché du spectacle théâtral en Afrique francophone. Ladite dépendance est bien plus élevée dans le cas des RETIC, elle est de l'ordre de 86%145(*). Il va donc sans dire que ce marché perd toute liberté créatrice vu qu'il n'est indépendant qu'à 14%, un taux insignifiant pour son fonctionnement.

2.1.2. Festival africain de Théâtre pour l'Enfance et la Jeunesse (FATEJ)

En termes de porté, ce marché semble moins important que le premier, toutefois, l'influence qu'il a subie de l'esthétique contemporaine mérite une attention bien particulière. Dès lors, les aspects influencés restent quasi identiques à ceux du premier marché mais à de degré différents, notamment : la réduction de l'étendu du circuit, la forte dépendance financière en plus de la restriction du type de produit ainsi que le public.

D'entrée de jeu, il est indéniable que le circuit déjà pas vaste du FATEJ a subit une influence considérable de la part de la pensée contemporaine du théâtre. En effet les partenaires du circuit de ce marché notamment : la Rencontre Internationale de Théâtre pour l'Enfance et la Jeunesse (RITEJ) de Lyon en France n'a pas pu rester en marge de la défense française de l'idéologie artistique contemporaine dont parle Yves Olivier. Cependant, l'esthétique contemporaine telle que présentée s'oppose de façon directe aux types de productions initiées et soutenues par le FATEJ. De même pour le STREET ANIMATION de Teramo en (Italie), un festival à vocation contemporaine entre également en contradiction avec les visées d'Etoundi ZEYANG à savoir, divertir et éduquer le jeune public. La nécessité pour ces deux partenaires semble se situer ailleurs autrement dit, dans l'examen psychique et philosophique de l'Homme.

La dépendance financière n'est pas une nouveauté pour le FATEJ, néanmoins, l'impact vient de la totale dépendance. Car le faible pourcentage des apports personnels et locaux a disparu en raison, des velléités contemporaines dans les productions destinées aux enfants et aux jeunes. En Pratique, le marché est à plus de 90% dépendant du financement international146(*). Le FATEJ fait dès lors face à un dilemme, satisfaire les volontés esthétiques des commanditaires et rester dans le circuit ou affirmer sa liberté aux dépends de ses sources de financement. La première option semble avoir été la meilleure au regard des derniers produits de ce marché.

2.2. Le cas des partenaires financiers

Déceler les différentes zones d'influence de l'art dramatique contemporain sur le comportement des partenaires financiers n'échappe pas à l'exploration de leurs attentes. Mais encore faut-il faire mention que ces structures dans leur écrasante majorité sont loin de la chose artistique ou culturelle et précisément théâtrale, du moins en ce qui est des nationales. Ainsi, pour le PMUC, Guinness Cameroun ou certains établissements hôteliers l'objectif principal dans un événement culturel reste la visibilité, et cette dernière se mesure conséquemment à la notoriété et à la popularité de l'événement. Or, cela semble de plus en plus à l'écart des marchés de spectacle au Cameroun. Les structures hôtelières également visent un événement culturel ou artistique à condition que ce dernier draine une grande foule, qui constitue une potentielle clientèle.

Pour d'autres structures à l'instar de la SNI, la SNH, la visibilité fait partie des acquis. De ce, la priorité réside dans l'investissement. Toutefois le produit théâtral a un faible taux de consommation. Il va de soit que toute investissement dans le domaine représente une perte. L'attitude des partenaires oscille entre méfiance et le resserrement de la ceinture budgétaire, car le secteur du théâtre manque de rentabilité.

Les structures internationales notamment : l'AIF, L'UE et le ministère français des affaires culturelles ont réduit les subventions allouées à l'art théâtral en Afrique en général et au Cameroun en particulier. La raison est, disent-ils, l'amateurisme et le manque de maitrise des techniques modernes du théâtre. Du coup la subvention est orientée vers quelques leaders qui servent d'intermédiaire.

2.3. Le cas des partenaires médiatiques

Le milieu concurrentiel dans lequel évoluent les médias exige la performance. Et la performance dans le média audiovisuel en occurrence implique, l'élaboration des programmes divers et attrayant sur une période bien déterminée. Dès lors l'attitude des médias de ce type vis-à-vis de la production théâtrale de la dernière décennie s'explique. En effet, les productions d'envergure arborent une ossature philosophique ou métaphysique qui décharge l'oeuvre du beau, du plaisir catalyseur de l'attraction du public. Or en l'absence des précédents atouts la CRTV au même titre que CANAL2 éprouve moins de nécessité à diffuser pareilles productions. D'autres en revanche, ont subi une influence plutôt méliorative, en mettant sur pied des programmes destinés aux productions du type, notamment : « Espace francophone » sur TV5 Afrique. En effet, ce programme est une résultante de la production des spectacles théâtraux de type contemporain dans la zone francophone d'Afrique.

La presse écrite n'est pas en reste. Dans la mesure où, elle n'a plus véritablement accordé une importance particulière à l'activité théâtrale au Cameroun depuis la fin du règne de Jean Miché Kankan, Essindi Mindja, Dave K Moktoï, ou du très controversé Oncle Otsama dont les produits faisaient salle comble. La presse, plus furtive opte pour des arts populeux : la musique, la dance, ou le cinéma dans le cadre des « Ecrans Noirs ». Toutefois, cette furtivité autorise néanmoins quelques lignes accessoires au théâtre, le cas justement de Mutation ou de Cameroun Tribune évoquant en transversal la qualité des spectacles et la chute de la popularité du théâtre au Cameroun. A cet effet, pour les deux, il s'agit de créer non pour affirmer sa singularité artistique mais d'intégrer le public sans qui s'évanouit l'art théâtral.

Quoique pas encore assez développée sur le territoire national, la presse cybernétique pour des raisons identiques manifeste plus d'hostilité. La priorité réside certes sur la communication à distance, mais une communication ciblée, des sujets et domaines connus du grand public. Dès lors, son rôle de vitrine virtuelle et d'archive d'événements culturels en général et théâtral plus précisément perd d'efficacité. Il devient par ailleurs moins évident de trouver des archives sur des événements théâtraux.

2.4. Le pouvoir public

Jack Lang (1968 :123) dans Etat et le théâtre soutient que : « les gouvernements africains ont des problèmes plus urgents à résoudre que de consacrer des investissements dans des secteurs peu porteurs comme la culture, néanmoins celle-ci reste une donnée qui sommeille au fond de chacun ». Il va donc de soi que ces pays, et plus particulièrement le Cameroun n'a pas mesuré l'ampleur économique du secteur culturel et encore moins théâtral, ceci d'autant plus que la production de cette denrée au Cameroun a visiblement décliné sa responsabilité sociale et culturelle.

Si l'un des aspects phare de la mission sociale du théâtre est, satisfaire des besoins d'intérêt général, alors, l'Etat naturellement s'implique aussi bien sur le plan financier humain et même dans la législation. En conséquence, il accorde au théâtre une attention particulière. Ce qui en revanche mérite d'être redit, est que l'Etat s'implique et accompagne des secteurs à condition qu'ils contribuent à affirmer l'ordre social. Par ailleurs, ses actions et réactions sont fonction de la portée communautaire du secteur. Par contre, le théâtre contemporain subversif, ne lui est pas d'une grande aide, la réaction naturelle est la rupture de toutes ses formes de soutiens.

Du point de vue financier, l'Etat au Cameroun a décliné ses responsabilités depuis longtemps. Cependant, la situation a des conséquences sur l'un des pans essentiels de son rôle passif, celui de facilitateur. En pratique, l'obtention du financement pour un événement théâtral des structures internationales mentionnées plus haut nécessite l'aval de l'Etat du Cameroun. L'esthétique contemporaine jouissant de peu de crédibilité au près du pouvoir public, ce dernier ne ménage aucun effort afin de facilité son approbation. Ainsi en termes d'impact du contemporain sur le pouvoir public, disons qu'il a resserré les ouvertures de financement extérieur pour le compte de cet art au Cameroun, affaiblissement des motivations et décisions relatives à la construction des infrastructures destinées à l'émergence de l'industrie théâtrale.

Saisir l'impact de l'esthétique contemporaine sur le processus d'émergence du théâtre au Cameroun a exigé au préalable un examen dont l'exhaustivité des paramètres devra être complétée par d'autres études à l'avenir. Toutefois pour ce faire, il a fallu questionner l'environnement du produit théâtral à deux niveaux, d'abord les composantes du milieu interne et par la suite celles de son environnement externe. En premier pan de l'analyse, l'immédiat du produit théâtral tel que présenté dans son interaction avec l'esthétique contemporaine a subi depuis 1990 une influence qui visiblement s'est défait de la double147(*) possibilité d'appréciation, de la notion d'impact. A cet effet, l'environnement immédiat dévoile sous une triple dimension, des disfonctionnements et imperfections qui loin de favoriser le processus d'émergence de cet art dans notre pays, a oeuvré au découragement de certains et à la disparition d'autres ainsi que les fonctions y afférentes. Dans un second plan, l'analyse s'est intéressée à l'externe du produit théâtral. Il faut dire à ce sujet que, la ligne de démarcation en termes de nature de l'influence est très mince. Néanmoins, à l'opposé de l'immédiat du produit théâtral essentiellement négatif, le milieu externe dégage par moment des velléités d'une influence positive. Au terme de ce chapitre dont la principale préoccupation s'est meublée autour de la question de savoir le rôle qu'a joué l'esthétique contemporaine sur l'émergence de l'activité théâtrale au Cameroun depuis 1990, il en résulte que : son herméticité sur le plan dramaturgique et scénique, son minimalisme sur le plan technique et ses tendances psychanalytiques et philosophiques ont plus été une entrave à son rayonnement. Cependant si tel est l'état comateux de l'entreprise théâtrale au Cameroun au cours des deux dernières décennies, il survient une interrogation à savoir : quelle pensée esthétique pour une entreprise théâtrale nationale émergente et compétitive. Une tentative de réponse à cette interrogation constitue sans doute en substance le chapitre final de cette étude.

* 109 Pierre Larthomas, 1985, Technique du théâtre, Paris, PUF, P.7.

* 110 Eugène Ionesco Cité par Anne Ubersfeld, 1996, Lire le théâtre I, Paris, Ed BELIN, P. 11.

* 111 Jean Micquart cité par G. F. Tami Yoba, 2004, Problématique de la mise en scène théâtrale au Cameroun : le cas de la ville de Yaoundé, UYI, P. 2-3. (Mémoire de maitrise)

* 112 Martin du Gard cité par Pierre Larthomas, op.cit, P. 11.

* 113 Voire : La formation de l'acteur de Constantin Stanislavski ; Le paradoxe du comédien de Denis Diderot ; ou les travaux de Strasberg

* 114 La redondance du terme fait suite à sa double appréciation. Dans un premier temps il fait référence au texte et à la scène. Dans un deuxième temps, il s'agit de la représentation en tant que résultat final du processus de création dramatique.

* 115 Denis Bablet, 1965, Esthétique générale du décor de théâtre, de 1870 à 1914, Paris, CNRS, P.5-45.

* 116 Georges VITALY, 1955, Maquillage de théâtre, Paris, Ed. de l'Amicale, Librairie théâtrale, P.15. Cité par Gilles Girard (1978 : 15)

* 117 La principale source d'information nous permettant de dégager les différents aspects de l'impact de l'esthétique contemporaine sur l'environnement immédiat du théâtre camerounais reste, l'observation et l'enquête menée auprès de quelques metteurs en scènes et hommes de théâtre camerounais. De ce fait, quelques pants de cet impact tel que présentés par nos sources resteront discutables pour certains, et peut être peu perceptibles par d'autres.

* 118 Propos que nous avons recueillis à la suite d'un entretien avec Botomogne (Dramaturge, metteur en scène et président de l'association « Le jeune auteur ») le 15/10 /2013 à 13h30 à l'IFC de Yaoundé.

* 119 Il s'agit en effet, des paramètres liés principalement au x horizons d'attente. Ceci n'est pas à dire qu'il y a absence d'horizon d'attente, tout au contraire, mais nous semble- t-il, dans une version extravertie.

* 120 Martin Ambara, Botomogne et Junior Esseba tous dramaturges expérimentés.

* 121 Cf. Programme de l'IFC, novembre-décembre 2012, P. 9.

* 122 Ibid. P. 14.

* 123 Cf. support DVD de Les dormeurs

* 124 Interview du 20/ 09 / 2013 à 14h 20 au laboratoire d'OTHNI Yaoundé.

* 125 Par ce terme nous faisons allusion à cette catégorie de public composée, des « critiques », des « journalistes culturels », des académiciens et surtout de l'entourage immédiat du metteur en scène, du comédien ou du dramaturge. Ce type de spectateur à proprement parler, ne consomme pas le produit théâtral, par sa présence alternative dans des lieux théâtraux. En revanche, s'érige en instance de censure pour le premier palier et en public sous contrainte pour l'entourage du créateur. Dans le cas du dernier groupe, sa présence dans un lieu théâtral est non relative au P.T (produit théâtral), mais aux affinités avec les différents artistes. Sans toutefois aller vite en besogne, il convient d'informer que, pour la question de typologie du public camerounais, nous y reviendrons en détail dès l'entame du prochain chapitre.

* 126 Journaliste culturel à la CRTV-FM 94 Yaoundé Cameroun.

* 127 Il n'est point question ici de l'ensemble national, mais du sous ensemble qui constitue notre corpus, et des autres dont les créations sont mentionnées dans ce travail.

* 128 Il s'agit de, « The Zoomers » de Zigoto Tchaya Tchameni ; « Les Blue Leaders » de Jean Robert Tchamba ; « Les Lobis » de Stéphane Tchonang et « Le Théâtre universitaire » de l'Université de Yaoundé I Cf. Regards historiques et critiques sur le théâtre camerounais, P.47.

* 129 Ce deuxième type vient librement au spectacle et en fonction de la qualité du produit survient sa réaction. Il recherche, le plaisir, le beau, et la distraction, à cet effet, sa présence est permanente et sans condition.

* 130 « Un rôle secondaire : le spectateur » in Sémiologie de la représentation, Bruxelles, Edition Complexe, P.96-111.

* 131 Ibid. P. 96.

* 132 Le cas de Pierre Larthomas, Denis Bablet, Patrice Pavis et Anne Ubersfeld pour ne citer que ceux là.

* 133 Anne UBERSFELD, 1996, Lire le théâtre II l'école du spectateur, Ed. Belin, p.50.

* 134 Denis BABLET, 1969, « La remise en question du lieu théâtral au 20è siècle », in Le lieu théâtral dans la société moderne, Paris, Editions du CNRS, P.13.

* 135 Ces précisions sont disponibles sur le site : http://www. Mygale. org / 09 / esanja / retic. Htm

* 136 Ces informations sont disponibles sur le site : www.multimania.com/fatej cependant, les mêmes informations sont contenues dans le mémoire : Le marché des spectacles en Afrique : le cas du Cameroun, soutenu par EWANE José Charles en 2002 à l'Université de Yaoundé I P.38-40.

* 137 Patrice Pavis, 2005, Analyse de spectacles, Paris, Armand Colin, P.232

* 138 Trésors cachés de J. R. Tchamba, Les Osiriades de Martin Ambara, et Les chaises d'Eugène Ionesco (mise en scène par Junior Esseba).

* 139 En l'absence d'un document capable de chiffrer avec précision le nombre de spectateurs enregistrés, nous partons de la considération du rapport entre le nombre de spectacles joués cette année là et la capacité d'accueil de la salle, pour ainsi faire il faut le rappeler, une estimation du nombre de spectateurs enregistrés en 1986 au CCF. Si l'on accorde un minimum de crédit aux témoignages de Yves Olivier, d'Ambroise Mbia, de Martin Ambara, de Daniel Ndo et de Botomogne, il en résulte que, le Centre Culturel français faisait deux programmations/mois en marge des locations, et la salle était toujours comble. Par ailleurs, pour une salle de 300 places et 24 représentations par an nous estimons le nombre de spectateurs à 7200.

* 140 Il s'agit nommément du Centre Culturel camerounais, du Cinéma Théâtre Abia, le Centre Culturel Francis Bébé. Pour le Cas du palais des congrès la disponibilité est devenue de moins en moins évidente.

* 141 Directeur de l'IFC se confiant à nous dans une interview réalisée au sein de la structure le 08/10/2013 à 15h 30.

* 142 Ce schéma est inspiré de celui proposé par BOURGEON-RENAULT, et Al. dans, Marketing de l'art et de la culture. Paris : Ed. Dunod, 2009. P.130. Ce schéma s'applic par ailleurs dans un contexte où le produit théâtral est suffisamment consommé du public.

* 143 Nous prenons deux par crainte d'aboutir à un impact identique. La raison étant la similitude entre la plupart de ces marchés aussi bien au niveau de la dépendance internationale des finances que la destruction de leur environnement immédiat.

* 144 Les données de ce graphique tel que présentées par le Rapport final de la commission européenne ne demeurent pas statiques dans le temps et par conséquent sont sujet à discussion. En réalité, elles varient en fonction du degré d'activité théâtrale et du niveau de développement de la nation bénéficiaire.

* 145 Rapport final- Commission Européenne / AFAA- BICFL / KYRNEA INTERNATIONAL / ODAS AFRICA, Les festivals de théâtre en Afrique subsaharienne : Bilan, impact et perspectives, mars 2003, P.50.

* 146 Ibid. P.50.

* 147 Etudier l'impact revient fondamentalement à dégager les différents aspects positifs et/ ou négatifs

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