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L'innovation, la création végétale et la propriété industrielle : quelles évolutions possibles

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par Adam Borie Beclour
Université d'Auvergne - Master 2 Carrières internationales 2016
  

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Section 2 : les arguments des semenciers et des entreprises biotechnologiques.

Ici aussi tout le monde s'accorde à dire qu'il faut réformer le droit de la PI, pourtant s'il faut le réformer, les ambitions ne sont pas les mêmes. Les acteurs ici sont aussi définis par leurs prises de position et la latitude de leurs revendications. Il aurait été possible de définir ses acteurs par leur taille146(*) ou par leurs histoires mais par analogie avec les opposants aux mouvements de brevet il convient d'observer leurs différences idéologiques et l'amplitude de ces dernières.

Alors que les petits semenciers et les obtenteurs nous montrent que les concessions de licence et le brevetage des gènes natif sont clairement un obstacle pour l'innovation (I) Les firmes biotechnologiques vont chercher à établir des plateformes pour valoriser la biodiversité et permettre l'innovation (II)

A) « Les semenciers »147(*) : concession de licence, brevetage des gènes natifs, un obstacle pour l'innovation.

Pour ces acteurs la propriété intellectuelle sur les végétaux est nécessaire pour permettre d'amortir le cout de la recherche. La PI permet le retour sur investissement des longues années de recherche et une PI inadaptée tend à rendre le secteur des semences notamment de plus en plus en concentré. Ainsi pour eux il est nécessaire de revoir la largeur accordée aux brevets d'une part et d'autre part il convient de réadapter le droit aux évolutions biotechnologiques.

Ici il s'agit pas de rejeter ni le brevet ni le COV, il s'agit de demander une clarification de leur champ d'application du brevet, notamment en critiquant la décision G2/12 qui permet le brevetage des produits issus de procédés essentiellement biologiques.

Concernant l'adaptation du droit il convient d'observer que cette famille revendique toujours l'exemption du sélectionneur pour autant celle-ci doit prendre une forme différente car le milieu de la création végétale a fortement évolué.

C'est un texte de Jean Christophe Gouache, Francois Desprez et Claude Tabel, tous trois responsables d'importantes entreprises semencières qui vient nous expliquer la nécessité d'une adaptation de l'UPOV car il y a eu « une accélération du processus de création végétale »148(*) Ainsi, il y aurait un problème au niveau du temps de l'innovation qui, étant plus rapide qu'avant, n'est plus lié à l'exploitation commerciale de la variété.

C'est donc «  l'innovation de génération N+1 »qui « rapidement, par le biais de l'exemption du sélectionneur se retrouve sur le marché et concurrence directement la variété contributrice à cette même innovation avant même le début d'obsolescence commerciale de celle-ci, mettant en danger le mécanisme gagnant-gagnant qui fonctionnait jusqu'alors »149(*)

Ainsi c'est l'exemption du sélectionneur qui permet, aujourd'hui, d'utiliser une variété nouvellement sur le marché pour en créer une autre pour concurrencer la première. En filigrane le texte de Jean Christophe Gouache, Francois Desprez et Claude Tabel dénonce donc l'inadaptation de l'UPOV (et de l'exemption du sélectionneur) au secteur de la création végétale d'aujourd'hui.

Il convient donc de réformer le système de la PI encadrant la création végétale mais `il faut réformer le droit, il faut aussi mettre en place des alternatives pour stimuler l'innovation

D'autre solutions seraient également à aller chercher du coté des plateformes d'échange d'informations et cela peut se symboliser notamment par la création de l'International licensing platform (ILP).

B) Permettre l'innovation, organiser des plateformes d'échanges.

Bien que les idéologies et la culture des anciens et modernes divergent quelque peu, la plupart des grandes entreprises du secteur biotechnologique s'accorde à fustiger le cout des transactions bilatérales permettant l'échange, l'achat, la concession de titres de propriété intellectuelle.

En effet, d'une part les négociations ne sont liées à aucun cadre et d'autre part elles coutent extrêmement chères. C'est l'une des raisons pour laquelle Rijk Zwann a pris l'initiative de l'ILP. L'ILP regroupe des entreprises très différentes dans la philosophie et la pratique (certaines revendiquent même leur opposition aux OGM), et a même vocation à s'ouvrir à tous les semenciers qui le désirent même s'ils n'ont aucun brevet. Les buts officiels sont l'incitation à l'innovation et l'accès au matériel breveté150(*) .

Ce qui importe c'est la mise en place de patent pool ou groupe de brevets à un coût transparent et raisonnable dont l'accès se fait soit par accord bilatéral soit avec une méthode d'arbitrage dite du baseball. La méthode fonctionne en cas d'échec de négociation sur un pool de brevet, au bout de trois mois chaque partie devra proposer un accord et les arbitres devront choisir l'une ou l'autre des propositions. Dès que l'accord est connu, il est communiqué à l'ensemble des membres. Ainsi, face aux phénomènes d'enclosure et face au blocage de l'innovation par la PI, les entreprises s'organisent afin de réduire cet effet néfaste pour l'innovation. Elles ne remettent pas en cause le brevet ou la PI sur les végétaux mais organisent, au mieux leurs stratégies. Leur comportement varie néanmoins selon différents facteurs dont la PI. La PI entretient donc un rapport étroit avec l'action des acteurs et notamment leurs politiques d'innovation.

Le comportement des acteurs de la création végétale est influencé par de nombreuses variables : contexte économique, gestion interne, taille des entreprises, débouché de marché de leur produit, droit national applicable, philosophie général du travail.

Pour autant la PI est un outil qui permet d'influer sur ce comportement et de modifier la stratégie des acteurs, d'où l'intérêt porté à ces stratégies entrepreneuriales.

* 146 Il est fréquemment invoqué, la super puissance des entreprises tels que Monsanto, Bayer ou Syngenta pourtant bien qu'il existe une situation d'oligopole dominée par quelques entreprises il n'en demeure pas moins que la stratégie juridique et les positions politiques de ces entreprises dépendent plus de leurs histoire et origines respectives que de leurs tailles ou de leurs chiffres d'affaires.

* 147 Cette famille provient du monde agricole ou du monde des sélectionneurs. ll est possible d'opposer les « anciens » du monde agricole « aux modernes » issu de la biochimie.  « les années 1980 se marquent par une attaque en règle de l'industrie contra la convention UPOV, qui serait fondamentalement inadaptée à l'encouragement de la recherche et du progrès nécessaire dans le domaine de la biotechnologie végétale moderne. On est entré dans un affrontement entre les anciens issus du monde de l'agriculture et les modernes issus de la biochimie qui promettent un monde sans limite, promesse qui sera reprise au début des années 2000 par les fantasmes transhumanistes » Voir Hermitte Marie-Angèle, l'emprise des droits intellectuels sur le monde du vivant, éditions Quae, Sciences en questions, Versailles, 2016, p42.

* 148 Gouache Jean Christophe, Francois desprez et Claude tabel. Amélioration des plantes, il faut faire évoluer les outils de la propriété industrielle, paysans n 354, novembre-décembre 2015, p3.

* 149 Ibid

* 150The goals of the International Licensing Platform are:

to guarantee access to patents covering biological material for vegetable breeding,

to safeguard that incentives to innovate, which depend on the availability of patent protection, remain intact.

http://www.ilp-vegetable.org/about-ilp/our-goals/

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo