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La chefferie traditionnelle Bene a l'ère de la libéralisation politique au Cameroun et de ses ressorts: le cas de l'arrondissement de Nkol-Metet

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par Sylvain Charles AMOUGOU MVENG
Université Yaoundé II SOA - DEA Sciences politiques 2009
  

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INTRODUCTION

Section I : Construction de l'objet

Paragraphe 1 : Contexte et intérêt de l'étude

A- Contexte

Les Chefferies traditionnelles en Afrique et au Cameroun en particulier, ont participé et participent de près ou de loin à la construction de l'Etat en Afrique. A l'ère coloniale, tant dans les systèmes coloniaux allemand, français et anglais, la Chefferie traditionnelle a été utilisée pour faciliter les missions des puissances colonisatrices. Autrement dit, l'Etat colonial devenu indépendant a utilisé les autorités traditionnelles pour s'implanter sur l'ensemble du territoire, pour relayer ses injonctions, pour contrôler les populations et approvisionner en moyens humains et financiers ses caisses insatiables (voir Heritier Mambi, 2010 :9 ; Mouiche, 2005 :4 ; Julius Ngoh, 1990 : 82 ; Geshiere, 1996 :307 ; Ngongo, 1987). En dépit de l'ostracisme1(*) (Jacquemot, 2007 :57), les fragilisations et les cas de dépersonnification qu'elles ont connus (voir, Bayart 1989 ; Owona Nguini 1998 : 61 Nach Mback 2000 :79), elles se sont imposées comme l'une des composantes administratives2(*) et sociologiques de nombreux pays africains. Dans la terminologie de Nach Mback, (2000 :88) les Chefs traditionnels sont : «  les auxiliaires déconcentrés d'essence traditionnelle » et en ce qui concerne la Chefferie traditionnelle il affirme :

« laChefferie traditionnelle est d'abord une collectivité humaine établie sur une portion du territoire de l'Etat. Elle est ensuite le cadre d'exercice de ses compétences par une autorité justement dénommée Chef traditionnel » (Nach Mback 2000 :77).

Au Cameroun, la libéralisation politique survenue aux années 1990, qui résulte en grande partie de l'impact des « dynamiques du dedans 3(*)et du dehors  4(*)», aura le mérite de décongestionner l'espace politique camerounais ; car elle a accru l'émancipation des forces politiques 5(*)`'d'en haut'' et `'d'en bas''. Au niveau des Chefferies traditionnelles, la libéralisation politique marque de façon plus ouverte le rapport au monde politique, mieux de la participation politique des Chefs traditionnels. C'est certainement l'impact de la libéralisation politique sur la Chefferie traditionnelle qui a accentué le militantisme politique grandissant des Chefs traditionnels dans tous les coins du terroir national. Ainsi du Nord au Sud, de l'Est comme à l'Ouest du pays, le militantisme politique des Chefs traditionnels s'avère être un des enjeux majeurs de la reviviscence de la Chefferie traditionnelle. (Voir Mouiche, 2005 ; Perrot et Fauvelle, 1999, Bat, 2009). A Nkol-Metet, cette participation politique a plutôt contribué à mettre les processus devant permettre la revalorisation de leur institution. C'est dans cette optique qu'est née le 30 mars 1998, l'association des Chefs traditionnels de Nkol-Metet (l'ACTRAN)6(*).Cette association comprend tous les Chefs traditionnels et a pour mission de rassembler et mobiliser toute l'élite traditionnelle de l'Arrondissement de Nkol-Metet, en vue de l'établissement et de la consolidation des liens de fraternité et de solidarité entre tous les Chefs traditionnels ; revaloriser les us et coutumes à travers la Chefferie traditionnelle ; sensibiliser par l'information et la formation des Chefs traditionnels quant à leurs rôles vis à vis de l'autorité administrative d'une part, et leurs administrés d'autre part. Promouvoir le développement économique et social et culturel des différentes Chefferies de l'Arrondissement de Nkol-Metet ; promouvoir le bien-être des populations dans leurs Chefferies. Toujours à Nkol-Metet, les Chefferies de groupement ont été fonctionnalisées à cette ère de la libéralisation politique pourtant elles ont été hibernées pendant vingt six (26) années7(*). Ainsi, nous avons formulé, notre sujet comme suit : la Chefferie traditionnelle Bene à l'ère de la libéralisation au Cameroun et de ses ressorts : le Cas de l'Arrondissement de Nkol-Metet. En jetant notre dévolu sur les Chefferies traditionnelles de Nkol-Metet, nous avons pris une posture d'astronome des Sciences Sociales qui, selon Levi Strauss :

«  est chargé de découvrir un sens à des configurations très différentes, par leur ordre de grandeur et leur éloignement, de celles qui avoisinent immédiatement l'observateur » (Claude Levis Strauss, 1961 :415).

L'objet de la recherche devient ainsi clair : analyser l'impact de la démocratisation, mieux, de la libéralisation politique impulsée par l'Etat sur la structure infra étatique qu'est la Chefferie traditionnelle,  mieux encore, des Chefferies BENE de Nkol-Metet. Il est alors possible d'indiquer les principaux objectifs que se fixe la présente recherche. D'une part, il est question de mettre en lumière comment se manifeste la reviviscence des Chefferies traditionnelles BENE de Nkol-Metet, depuis l'inscription du Cameroun dans le processus de la décentralisation. D'autre part, comprendre les principaux enjeux et les mobiles du déploiement des Chefs traditionnels, des élites politiques et des associations politiques et apolitiques pour la reviviscence de la Chefferie traditionnelle à Nkol-Metet.

B- Intérêt de l'étude

De prime abord, il nous convient de dire avec Schopenhauer :

« Ainsi, la tâche n'est point de contempler ce que nul n'a encore contemplé, mais de méditer comme personne n'a encore médité sur ce que tout le monde a devant les yeux » (Schopenhauer in Grawitz, 2001 :351).

Le sujet relatif à la Chefferie traditionnelle Bene à l'ère de la libéralisation politique et de ses ressorts: le cas de l'Arrondissement de Nkol-Metet a un intérêt certain. Dans le cadre réflexif, il s'inscrit dans le champ de la politologie, plus précisément, de l'anthropologie politique ; c'est dans ce sillage que ce sujet nous permet, de saisir le fonctionnement du champ politique local à Nkol-Metet à travers la participation politique des Chefs traditionnels, comme étant les gardiens de la tradition, mais surtout les promoteurs du développement local. En d'autres termes, ce sujet nous permet de dégager l'impact de la démocratisation, mieux, de la libéralisation politique impulsée par l'Etat sur la structure infra-étatique que constitue les Chefferies traditionnelles.

Dans sa dimension empirique, ce sujet nous permet de mettre en exergue la synergie d'actions entre les Chefs traditionnels, l'élite et les associations pour revitaliser la Chefferie traditionnelle BENE à Nkol-Metet. De même, il permet de clarifier les interactions observées entre la Mairie et les Chefferies, quoique symboliques comme inscription de la Chefferie traditionnelle BENE dans le processus de la décentralisation. Ainsi dit, l'intérêt empirique du sujet, élucide clairement le déploiement des forces politiques à Nkol-Metet dans la revitalisation de la Chefferie traditionnelle.

L'intérêt de ce sujet, c'est aussi son actualité. L'un des faits actuels proéminents, c'est la mise effective des Chefferies de groupement en 2008 ; pourtant, celles-ci sont prévues par l'arrêté n°13 MINAT/DCT du 19 janvier 1982, qui porte création des Chefferies de groupement dans le Département du Nyong et So'o. L'effectivité de ces Chefferies intègre une nouvelle grille d'analyse sur le fonctionnement des Chefferies à Nkol-Metet en essayant de mettre en lumière les interactions Chefferies de groupements-Chefferies de 3e degré ; Chefferies- Mairie ; Chefferies- élites ; Chefferies-Sous-préfecture...

Ce sujet a aussi, une dimension prospective. L'effectivité des Chefferies de groupement à Nkol-Metet depuis 2008 trouve implicitement une explication dans le fait que les Pouvoirs Publics veulent par celles-ci impulser la décentralisation au niveau des Chefferies de 3e degré. L'élection des personnes chevronnées8(*)à la tête de ces Chefferies obéit, loin s'en faut, à une telle ambition. Toujours d'un point de vue prospectif, la décentralisation n'étant pas encore totalement effective au Cameroun, le dynamisme développemental dont jouissent certaines Chefferies à Nkol-Metet à travers les actions des Chefs traditionnels et certaines élites, trahissent quelque peu leurs ambitions camouflées pour les élections sénatoriales, les élections des Conseils Régionaux ou tout simplement de conforter leurs assises politiques...

C- Cadre conceptuel

Le cadre conceptuel est le lieu de clarification des concepts. Sindjoun, cité par Atangana (2010 :3), fait de cette phase, un impératif analytique. C'est dans ce sillage qu'Emile Durkheim affirme :

«La première tâche du sociologue doit donc être de définir les choses dont il traite, afin que l'on sache et qu'il sache bien de quoi il est question. C'est la première et la plus indispensable de toute preuve de vérification...De plus, puisque c'est par cette définition initiale qu'est constitué l'objet même de la science, celui-ci sera une chose ou non, suivant la manière que cette définition sera faite ».(DURKHEIM, 2007:34).

Il apparaît fondamental de définir les concepts suivants : libéralisation politique, Décentralisation et Chefferie traditionnelle.

· Libéralisation politique

La libéralisation politique est un concept étroitement lié à celui de la démocratisation. En effet, la libéralisation politique fait partie des étapes du processus de la démocratisation à côté de la transition démocratique qui se déroule entre deux situations stables d'un régime politique avec une possibilité de changement des pratiques et des normes dans le sens de la démocratisation ( Quantin Patrick,1998) et de la consolidation démocratique. Selon Przeworski, cette étape se résume par le fait que l'ordre institutionnel démocratique s'impose comme le seul cadre du jeu, quand toutes les principales forces politiques, même lorsqu'elles ont perdu n'envisagent d'autre alternative que d'inscrire leurs actions dans ce cadre institutionnel démocratique. Au regard de la complexité du processus de la démocratisation, Bruce Koppel affirme :

« le processus de la démocratisation comprendra certainement les éléments de la libéralisation politique, mais il sera accompagné d'un approfondissement du contenu démocratique des institutions politiques existantes » (1995 :5).

En d'autres termes, le processus de la démocratisation qui est l'instauration d'un système de gouvernement démocratique (Mouiche, 2005 :14), se distingue, peu s'en faut, de la libéralisation politique ; dans la mesure où la libéralisation politique est :

« Un processus consistant à rendre effectif certains droits, qui protègent aussi bien les particuliers que les groupes sociaux d'actes arbitraires commis par l'Etat ou les tierces parties ». (O'Donnel et Schmitter, cité par Mouiche, 2005 :14).

Par contre, pour Huntington (1996) :

« La libéralisation politique d'un régime signifie simplement l'ouverture partielle d'un système politique autoritaire, et n'implique pas la tenue d'élections libres ».

La libéralisation politique, ne conduit pas forcément à la démocratie (Huntington, 1996 :7) ; dans la mesure où certains dirigeants se servent d'elle juste comme des concessions en y apportant juste des changements mineurs qui leur permettent de demeurer en place. De telles attitudes ont conduit le Professeur Sindjoun Luc à considérer la libéralisation politique en Afrique comme une modernisation conservatrice des pouvoirs publics en Place (voir Sindjoun, 1994). En d'autres termes, la transition vers la démocratie pluraliste au Cameroun présente les aspects d'une démocratisation autoritaire. C'est dans ce sens qu'Owona Nguini répercute l'idée d'un analyste politique du droit impliqué dans les cénacles gouvernants qui conçoit :

« la technologie politique utilisée au Cameroun pour le passage à la modernité étatique comme un mode évolutionnaire plutôt que révolutionnaire de transition » (Owona Nguini 1998 :63).

Au demeurant, au Cameroun, la démocratisation se trouve être au stade de la libéralisation politique. Ainsi, en plus de son impact sur la superstructure à travers la reconnaissance officielle des libertés civiles fondamentales, dans plusieurs cas, le gouvernement restaure les libertés de mouvement, d'expression, d'association des individus et des groupes dans la société. On assista par exemple à la libération des prisonniers politiques, à la censure politique, à la légalisation des partis politiques. Comme la libéralisation économique, la libéralisation politique réduit l'intervention de l'Etat dans le marché politique, suspend le monopôle des autorités politiques et consacre la pluralité des opinions et des organisations. Au niveau de l'infrastructure, dans le cas d'espèce qu'est la Chefferie traditionnelle, elle a accentué le militantisme politique des Chefs traditionnels et a libéré les forces politiques `'d'en haut'' comme `'d'en bas'' en favorisant relativement la reviviscence des Chefferies traditionnelles.

A Nkol-Metet, la reviviscence de la Chefferie traditionnelle à l'ère de la libéralisation politique est étroitement liée au militantisme des Chefs traditionnels et à la libération des forces politiquesde toutes obédiences confondues.

Tout notre essai définitionnel sur la libéralisation politique convient à notre étude et nous permet de voir que la Chefferie traditionnelle à l'ère de la libéralisation politique est inscrite dans le chantier de sa modernisation, mieux, jette le pont entre la tradition et la modernité. C'est pourquoi Olivier de Sardane et al, affirment :

«  l'autorité traditionnellement conférée aux Chefs tribaux représente pour beaucoup, un pouvoir ancestral respecté pour tous. Le processus de modernisation et de développement démocratique, doit trouver les moyens d'intégrer ce pouvoir, afin que la démocratisation ne conduise pas à un effondrement de l'ordre établi et à l'élimination des mécanismes traditionnels de résolution des conflits et de gestion du bien commun »  (Olivier de Sardane et Al., 1993 :17).

Ainsi, la libéralisation politique telle qu'envisagée, au niveau des Chefferies traditionnelles, vise quelque peu à mettre en exergue la cohabitation entre le pouvoir moderne et le pouvoir traditionnel. Cela peut se traduire par le fait que, la décentralisation impulsée par la libéralisation politique au Cameroun a eu des incidences sur la Chefferie à Nkol-Metet.

· Décentralisation

La décentralisation est une politique de transfert des attributions de l'Etat vers les collectivités territoriales ou des institutions publiques, pour qu'elles disposent d'un pouvoir juridique et d'une autonomie financière. Le transfert de ces attributions, qui reste néanmoins sous la surveillance de l'Etat, permet à ce dernier de décharger ses administrations centrales et de confier les responsabilités au niveau le plus adapté. La décentralisation, se distingue de ce fait de la déconcentration qui consiste, elle, à transférer aux représentants locaux de l'administration centrale placée sous l'autorité hiérarchique de celle-ci, le pouvoir de prendre certaines décisions. Ici, les agents sont nommés par l'Etat dont ils répondent de façon très stricte. Néanmoins, la décentralisation va souvent avec la déconcentration, nécessaire pour l'accompagner et en faciliter sa mise en oeuvre.

Au Cameroun, elle met en exergue plusieurs enjeux. Les plus plausibles, sont d'une part, les enjeux démocratiques, qui se traduisent par la participation directe des citoyens au processus de prise de décisions locales. D'autre part, les enjeux du développement9(*), mieux, de la promotion du développement durable, qui est une incitation des populations à prendre des initiatives sur le plan local, et à s'investir dans la recherche des solutions idoines auxquelles elles sont confrontées10(*) ; mieux, cet enjeu a pour avantage, une meilleure adaptation des politiques publiques. C'est dans ce sillage qu'à Nkol-Metet, l'élaboration du plan de développement communautaire (PDC) conjointement par la Mairie de Nkol-Metet et le programme national du développement participatif (PNDP) s'est faite en collaboration avec les Chefs traditionnels qui sont mieux placés pour fournir les attentes des populations. C'est au regard de toutes ces exigences et ces objectifs que Eko'o Afane affirme :

« La décentralisation est à coup sûr, l'une des réformes majeures de ces temps. C'est une onde de choc qui ébranlera les uns après les autres, tous les domaines de l'action publique, et la vie quotidienne des citoyens ». (Eko'o Afane, 2009 :13).

La décentralisation revêt une importance capitale, car elle modernise l'Etat, en redéfinissant les rapports entre les citoyens et le pouvoir. Cependant, nous n'allons pas tomber dans cette exaltation euphorique de la décentralisation au Cameroun. En effet, lorsqu'on parle de collectivités territoriales décentralisées au Cameroun, il s'agit explicitement des régions et des communes. Celles-ci sont chargées de promouvoir le développement économique, sanitaire, éducatif, culturel, et sportif de ces collectivités. En observant de près comment la commune fonctionne dans l'Arrondissement de Nkol-Metet, il se dégage que les prérogatives dévolues aux communes par la loi constitutionnelle en vigueur au Cameroun, en son article 55 alinéa 2, sont relativement en grande partie jouées par les Chefferies ; car celles-ci sont au coeur des dynamiques locales, tant sur le plan économique que politique. Cet article stipule :

«  ... les conseils des collectivités territoriales décentralisées ont pour mission de promouvoir le développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et sportif de ces communauté ».

Concrètement, à Nkol-Metet, les Chefferies sont au centre de ces dynamiques ; on peut par exemple citer l'action de l'Association de la Chefferie traditionnelle d'Obout dénommée Nkul Mbida Nga Mballa, pour la transformation d'Obout en un Pôle économique à travers le financement des micros projets ; de l'ASFRADO (l'Association des Frères et Amis d'Oveng)  à travers la construction en dur de l'école publique d'Oveng et la création des adductions d'eau. Il faut relever ici que, même si la Chefferie traditionnelle n'est pas toujours à l'initiative de certains projets de développement11(*), il s'avère que dans nos études de cas, les Chefs traditionnels se sont montrés des loyaux partenaires pour des réalisations concourant à la revitalisation de leur communauté ; de même, certaines élites ont su associer les Chefs traditionnels dans cette noble mission.

Le regroupement des Chefferies à Nkol-Metet, à l'ère de la décentralisation, n'est pas qu'un simple fait du hasard. Il s'inscrit dans la tradition africaine qui fait un appel retentissant à l'unité, à la solidarité, d'où les proverbes suivants : « une seule main ne peut attacher un mets » ; « l'union fait la force ».Ainsi, par le biais de ce regroupement, le développement se veut désormais synchronisé. Ceci permet une meilleure vitalisation de ces Chefferies, car il se développe une émulation inter-Chefferie et intra Chefferie.   Yves Poulin partage ce point de vue lorsqu'il affirme que :

 « la décentralisation accroîtrait la compétition entre gouvernements locaux et encouragerait de ce fait l'innovation » (Yves Poulin, 2004 :3).

En d'autres termes, au sein d'un même groupement les Chefferies sont en permanente concurrence, à la quête du leadership ; ceci peut se traduire par la multiplicité des projets communautaires de développement impulsés par leurs Chefs traditionnels.

Toutes choses étant égales par ailleurs, le fait qui se dégage est que la décentralisation concilie la légitimité démocratique avec la légitimité historique et traditionnelle.

· Chefferie traditionnelle

L'histoire de l'Afrique nous révèle que bien avant l'arrivée et l'installation du premier colon allemand au Cameroun, les assemblées coutumières existaient déjà, et procédaient à la désignation de leurs Chefs qui avaient la charge d'organiser la communauté. Aussi, faut-il le rappeler ici, que le terme Chefferie traditionnelle est une importation du colonisateur. Celle-ci a connu plusieurs mutations juridiques. Elle est entrée dans le vocabulaire juridique camerounais par l'arrêté n°244 du 04 février 1933, fixant le statut des Chefs traditionnels. La législation la plus récente sur les Chefferies traditionnelles date de 1977, avec le décret n°77/245 du 15 juillet 1977, portant organisation des Chefferies traditionnelles au Cameroun. Le législateur camerounais par ce décret, fait de la Chefferie traditionnelle un échelon dans l'organisation administrative du Cameroun. Ainsi, nous pouvons définir la Chefferie comme cette forme d'organisation politique caractérisée par l'existence d'un individu ou d'un petit groupe relativement spécialisé dans un rôle de direction des actions collectives ou de régulation qui dépasse les limites d'un lignage ou d'un village. Elle peut se développer par division du travail entre gouvernants assistés d'agents subalternes et spécialisés. Cette définition nous semble incomplète ; celle qui sied à notre étude, est celle élaborée par Héritier Mambi, qui la définit au sens moderne du terme comme étant :

«  un type d'organisation politique ancienne, sans structure étatique, mais dirigée par des Chefs disposant généralement d'un pouvoir héréditaire ». (Héritier Mambi, 2010 :30-31).

Au Cameroun, les Chefferies sont regroupées en trois catégories: la Chefferie de 1er degré qui doit couvrir au moins deux Chefferies de 2e degré et qui ne peut aller au-delà du cadre territorial d'un département ; les Chefferies de second degré dont le ressort ne peut aller au-delà de l'Arrondissement et doit comprendre au moins deux Chefferies de 3edegré. Dans l'Arrondissement de Nkol-Metet, on dénombre deux Chefferies de 2e degré. Celles-ci regroupent chacune un peu plus d'une dizaine de Chefferies de 3e degré. C'est ainsi qu'on a :les Chefferies Bané-Nord-Est, et Bané-Sud-Est qui couvrent les trente deux Chefferies de troisième degré que compte l'Arrondissement de Nkol-Metet. Enfin, la Chefferie de 3e degré correspond au village en milieu rural, et au quartier en milieu urbain.

Toutes choses étant égales par ailleurs, au Cameroun, les Chefferies traditionnelles obéissent aux critères d'ordre sociologique. Ainsi on a par exemple, les lamibé du Grand Nord, caractérisés par un pouvoir féodal ; les Chefferies grassfields à l'Ouest et au Nord-Ouest, caractérisées par une légitimité rituelle profonde et procèdent d'une longue tradition. Enfin, les Chefferies lignagères au Centre, Sud, Est (comme dans l'Arrondissement de Nkol-Metet), d'origine coloniale où la notion de Chef est presque ignorée (voir Mouiche, 2005 : 13 - 14). Ces Chefferies sont souvent considérées comme des « Sociétés acéphales » au regard de leur faible centralisation du pouvoir. C'est Evans Pritchard et Meyer Fortes qui ont d'abord mis en exergue cette réalité, en distinguant deux types de sociétés : les sociétés qui sont dotées d'une organisation centralisée, gérant les relations politiques entre entités territoriales, (c'est le cas des lamibé par exemple), et celles où l'absence de gouvernement est perceptible au profit des segments et des lignages qui lui assurent une certaine verticalité (voir, Marie Gruenais et Jean Schmitz, 1995 :7). Les Chefferies lignagères correspondent presque aux `'sociétés contre l'Etat,'' que décrit Clastres (1974), notamment au regard de la fonction du Chef. Clastres résume la fonction du Chef en ces termes :

« Humbles en leur portée, les fonctions du Chef n'en sont pas moins contrôlées par l'opinion publique, planificateur des activités économiques et cérémonielles du groupe, le leader ne possède aucun pouvoir décisionnaire, il n'est jamais assuré que ses ordres seront exécutés [...] le pouvoir du Chef dépend du bon vouloir du groupe » (Clastres, 1974 :34).

La Chefferie traditionnelle dans le Centre Sud et Est n'a pas la même connotation que dans les parties du Nord et Ouest du Cameroun ; car on constate qu'il n'ya pas le respect et le culte de la personnalité du Chef12(*)qu'on observe ailleurs. Cependant les Chefferies du Centre-Sud-Est présentent une originalité, en ce sens qu'elles jettent les bases des principes de souveraineté, de non ingérence et de coexistence pacifique. En effet, à la tête de chaque lignage (MVOG) il y a un Chef, ce dernier ne peut, sauf invitation formelle d'un de ses pairs, s'ingérer dans les affaires d'un autre lignage ; c'est aussi le cas de litige entre les `' MVOG,'' le consensus est souvent la voie prisée par les parties en litiges ; en ce sens que c'est la justice des fins qui est prônée. Celle-ci a pour objectif premier de mettre un terme à une perturbation sociale, et non aliéner les individus. Il devient donc impérieux de considérer les Chefferies Bene, dans leur originalité et dans leur contexte ; et non l'appréhender sur les schèmes d'analyses d'autres Chefferies traditionnelles qui ne sont pas confinées dans la même réalité sociologique. C'est dans cet ordre d'idées qu'il faut rappeler ici que les structures lignagères d'origine précoloniale ont donné naissance aux Chefferies à Nkol-Metet à l'ère coloniale. Celles-ci, ont connu de nombreux dynamismes. Par exemple pendant la période du protectorat Allemand 13(*)à Nkol-Metet, chaque village était doté d'une Chefferie. Par contre pendant la période de tutelle, puis de Mandat Franco Britannique, les micros Chefferies ont été regroupées en deux grandes Chefferies : la Chefferie Mvog Amougou et la Chefferie Mvog Zambo. Enfin à l'ère post coloniale ces deux grandes Chefferies ont d'abord été atomisées en micros Chefferies et ensuite par l'arrêté n°13/A/MINAT/DCT du 19 Janvier 1982, déterminant les Chefferies traditionnelles de 2e degré dans le Département du Nyong et So'o, Province14(*) du Centre-Sud elles ont servi de base à la création des Chefferies de groupement qui ne seront fonctionnelles qu'à partir de l'année 2008.

La brève présentation des Chefferies traditionnelles en fonction de leur réalité sociale suppose que la prégnance de la Chefferie dépend fortement d'un certain nombre d'éléments sociologiques, qui la valorisent ou la dévalorisent ; c'est ce qui justifie le manque d'uniformité. Au vu de l'exigence de l'heure, toutes les Chefferies doivent être partie prenante de leur développement et celui de l'Etat. Leur reviviscence consistera à procéder à des transferts technologiques intra culturels et inter culturels. C'est dans cette logique que Bayart affirme : « La production des dynamiques du dedans est indissociable des immixtions du dehors » (Bayart, 1989 :323).

D- Revue de la littérature

L'ignorance mutuelle est souvent le risque que court tout jeune chercheur. Or, comme l'Ecclésiaste nous le fait savoir : « il n'y a rien de nouveau sous le soleil 15(*)». En d'autres termes, le chercheur est comme un nain juché sur les épaules de géants. Eu égard à ce constat, tout chercheur a l'impérieux devoir de se référer sur les travaux de ses devanciers, afin d'établir sa démarcation par rapport à ceux-ci et d'éviter d'inventer inutilement l'existant, le connu, de défoncer une porte entre- ouverte (Atangana : 2010 :12). Au sens de Bachelard (1968), cette démarcation consiste à faire une rupture épistémologique, mieux, une coupure épistémologique qui met l'accent sur la différence de nature, entre la connaissance non scientifique (Doxa) et la connaissance scientifique. Cette étape de la recherche qu'est la revue de la littérature est donc très essentielle, car elle est une sorte d'évaluation, qui permet de faire le point sur ce qui a été dit, ou écrit sur le sujet. Soucieux du respect de cette exigence, nous avons consulté certains travaux, qui abondaient dans le sens de notre thématique, qui est la Chefferie traditionnelle BENE à l'ère de la libéralisation politique au Cameroun et de ses ressorts: le cas de l'Arrondissement deNkol-Metet.

Notre revue de la littérature est axée sur les travaux d'auteurs camerounais, africains et africanistes qui font de la décennie 1990, une décennie de la reviviscence de la Chefferie traditionnelle en Afrique et au Cameroun en Particulier. D'après nos lectures, il appert que la reviviscence de la Chefferie traditionnelle depuis la libéralisation politique ne saurait être appréhendée de façon univoque.

La reviviscence de la Chefferie traditionnelle s'est opérée par l'impact du militantisme des Chefs traditionnels. C'est dans ce sillage que Mouiche (2005) montre l'impact des effets induits du multipartisme dans certaines Chefferies de la Région de l'Ouest16(*) au Cameroun. L'auteur met en exergue l'effet ambivalent du multipartisme à l'issue des élections municipales de 1996 ; soit qu'elle a permis de conforter les assises politiques de certains Chefs ; soit alors elle a contribué à leur déchéance sur le plan politique. C'est dans ce sillage que l'auteur nous montre par exemple qu'à Banka, Sa Majesté Monkam Tchientcheu grâce à son militantisme au sein du RDPC, a été élu Maire de Banka. L'auteur, met également en exergue que Sa Majesté Monkam Tchientcheu a été élu parce qu'il a toujours su faire profiter à ces sujets les dividendes acquises de son alliance avec le RDPC (Mouiche, 2005 :69-77). La réhabilitation d'une école confessionnelle en école publique ; la construction d'un stade de football sont là, les quelques gages de son succès aux élections municipales de 1996. L'auteur nous montre aussi que leurs Majestés Tayo II Marcel et le Sultan Mbombuo Njoya ont été déchus aux élections municipales de 1996 respectivement à Bangou et à Foumban parce qu'ils n'ont pas su faire profiter assez suffisamment à leurs sujets leur alliance avec le RDPC ; d'où l'émergence du SDF (Social Democratic Front) à Bangou et de l'UDC (Union Démocratique du Cameroun) à Foumban. (Mouiche, 2005 : 135-166 ; 167-206). Dans la Région du Nord Ouest au Cameroun, Bat (2009), nous révèle que le militantisme politique en faveur du RDPC du Fon Ngwa'fo dit le `'Roi-pot'' où il a été d'ailleurs Vice Président du Bureau Politique a grandement contribué au rayonnement de la communauté Mankon. A titre d'illustration, nous pouvons citer, la construction d'un musée à Mankon, dans une perspective d'intégration défense de la Société Mankon. Le Roi Pot a également mis sur pied un lobby dénommé: MACUDA (Mankon Cultural Development) qui a pour vocation de défendre au plus haut niveau les intérêts des ressortissants de Mankon et surtout d'assurer leur insertion socioprofessionnelle. Pour Perrot et Fauvelle (2003), tout ce dynamisme est une preuve réelle du  `'retour des Rois''. Ces auteurs, nous montrent comment les rapports Etats - Chefferies se sont améliorés au profit d'une synergie d'actions qui n'escamotent pas totalement leurs rivalités d'antan, car chacun des deux partenaires cherche par tous les moyens de conquérir le terrain occupé par l'autre.

La reviviscence de la Chefferie traditionnelle à l'ère de la libéralisation politique, se manifeste aussi par la promotion du développement socio économique et sanitaire des Chefs traditionnels. Mouiche (2005 b: 1), qui est l'un des portes étendards de ce courant, affirme à cet effet que :

 « lesChefs sont les acteurs du développement local ; certes, ils font partie de la société politique en tant que suppôt du pouvoir, en leur qualité d'Auxiliaires de l'Administration, mais en même temps, on les retrouve dans la sphère civile ».

Cet auteur, de façon empirique, à mis en exergue le rôle prépondérant du Sultan Bamoun dans ce secteur d'activité, et plus précisément dans le domaine de la santé, et la promotion de la culture, comme facteurs de rentrées des devises économiques. Dans le domaine de la santé, l'auteur nous montre que la construction de l'hôpital des Rois Bamoun au Palais à Foumban est une initiative du Sultan qui, grâce à son capital social, a été fortement appuyé par le Conseil de Haut Seine en France, afin d'améliorer les conditions sanitaires des populations du Noun. En réhabilitant le festival culturel Bamoun le Nguon, cela a permis de drainer plusieurs touristes à Foumban ; a permis la commercialisation des produits artisanaux et agricoles bref, à construire le développement individuel et communautaire des populations de Foumban. C'est donc avec raison que l'auteur affirme : «  c'est la culture qui conçoit le plan sur lequel le développement prend place ». Djateng (2007) a beaucoup plus une vision prospective du développement local au niveau de la Chefferie traditionnelle. Pour cet auteur, trois conditions doivent être préalablement remplies. Primo, il faut promouvoir le développement humain, c'est-à-dire impliquer grandement hommes, femmes et jeunes aux activités de la Chefferie. Secundo, s'appuyer sur les potentialités locales à travers par exemple, l'organisation des festivals culturels comme le Nguon chez les Bamoun ; le Ngondo chez les Sawa... il le renchérit en ces termes : « Notre diversité culturelle est une richesse, à condition de faire d'elle un instrument de développement et un connecteur des capacités ».Tercio et enfin, promouvoir la justice des fins, qui est une justice réparatrice et non privative des droits des individus.

Au lendemain des années 1990, la reviviscence de la Chefferie traditionnelle s'est également manifestée par l'action des élites, des associations apolitiques comme politiques sur la Chefferie traditionnelle. Pour Geschiere (1996), les élites revigorent la Chefferie traditionnelle. Pour cet auteur, sans leurs actions, les Chefferies semblent être vidées de leur substance. Par contre avec elles, elles reprennent leur vigueur. Mouiche (2005) par contre, laisse néanmoins transparaître les rivalités des élites avec les Chefs traditionnels comme ce fut le cas, entre Fotso Victor et Sa Majesté Ngnié Kamga aux élections municipales de 1996 (voir Mouiche 2005 : 99-131). Pour Barbier 17(*)(1983), l'action des élites, notamment de la diaspora, qu'il qualifie de périphérie active de la Chefferie, est plutôt une manifestation de leur déférence vis-à-vis de la Chefferie. Pour Foaleng (2007), l'élite pose les actes à la Chefferie (notamment la Chefferie Bamiléké) pour s'octroyer une place de notable au sein de la Chefferie ; d'où l'assimilation de l'élite comme une `'néo-notabilité''. Il démontre à cet effet, que même les Chefferies Bamiléké sont aussi traversées par les phénomènes de `'big-men''. Bayart (1989), résume de façon très laconique toute cette activité en faisant de la Chefferie, un des foyers `'d'assimilation des élites''. Wim Van Binsbergen et Nyam Simb Calvin (2004), quant à eux, insistent davantage sur l'impact des associations sur la Chefferie traditionnelle. Wim Van Binsbergen, en étudiant les rapports entre les Chefs royaux de Nkoya, et l'association culturelle du Kazanga (ACK) en Zambie, il nous démontre que l'émergence de la dite association a redynamisé la vie sociale de la Chefferie ; mais a entraîné la folklorisation des Chefs royaux de Nkoya, car les populations ont su que seul l'ACK pouvait leur apporter le bien-être. Nyam Simb Calvin, quant à lui nous montre comment l'association des Chefs traditionnels du Nyong Ekéllé (ACTRANK), dans la Région du Centre au Cameroun a amorcé le chantier de la reviviscence de la Chefferie traditionnelle dans ce ressort territorial. Concrètement, sur le plan vestimentaire, les Chefs de l'ACTRANK s'interdisent désormais lors des cérémonies officielles, à continuer d'arborer la tenue héritée de la colonisation par la confection d'une ténue symbolisant les valeurs culturelles Bassa18(*) . La même association octroie aussi des prêts aux Chefs traditionnels démunis afin que ceux-ci, bâtissent des maisons dignes de leur majesté. (Nyam, 2004 :21-26). Bref, l'auteur met en exergue la prise de conscience des Chefs traditionnels Bassa qui s'associent dorénavant afin de redorer le blason de la Chefferie traditionnelle.

Enfin, la reviviscence de la Chefferie traditionnelle s'est aussi manifestée par la reconnaissance de manière formelle de la Chefferie traditionnelle dans plusieurs constitutions des Pays africains, et dans le cadre de la décentralisation, plusieurs pays, sont des instances plénières de ce processus. Le Cameroun en fait partie, mais on note encore une implication institutionnelle relativement faible des Chefferies traditionnelles dans ce processus  c'est pourquoi Nach Mback(2000 :78) fait de la Chefferie traditionnelle au Cameroun : « un sujet juridique non identifié »; d'où la nécessité d'effectuer ici une socio -anthropologie politique comparative.

Jean Pierre Olivier de Sardan, nous montre la place essentielle des Chefferies traditionnelles au Niger. L'auteur, après avoir précisé qu'elles sont des Chefferies administratives, mentionne également que ce Pays est l'un des rares pays africains n'ayant pas encore mis en oeuvre une politique de décentralisation. La spécificité de ce pays est que, la Chefferie traditionnelle est pratiquement le seul mode d'exercice du pouvoir local. En dehors de quelques communes urbaines, où les Maires sont nommés et non élus. Dans ce pays, comme le mentionne l'auteur, le monde rural ne connaît ni municipalités, ni maires, ni leurs équivalents. L'auteur nous montre par conséquent, que l'omnipotence locale des Chefs traditionnels dans ce pays, a abouti à la centralisation de leur pouvoir. C'est ainsi que les pratiques autoritaires et patrimoniales se sont accentuées au détriment de la participation des individus et l'effectivité de la réalisation de certains projets communautaires. Le bémol que nous pouvons apporter à ce niveau, est que la reconnaissance ou l'implication des Chefs traditionnels à notre sens, ne saurait faire souffrir les droits fondamentaux des individus et leurs aspirations au développement. Par contre, les travaux d'Héritier Mambi, de Pierre Jacquemot et de Goeh-Akue N'bueke Adovi se démarquent du précédent, parce qu'ils analysent l'implication des Chefferies dans le sillage de la décentralisation. C'est dans cette logique qu'Héritier Mambi se trouve. Cet auteur met en exergue l'entremêlement entre le pouvoir traditionnel et le pouvoir moderne en République Démocratique du Congo (RDC) : d'où sa théorie sur `'l'hybridation des pouvoirs'', qui s'inscrit en droite ligne avec la réviviscence. L'hybridation se traduit par le fait que dans ce pays, les deux pouvoirs coexistant, tentent d'occuper le terrain pris par l'autre. L'une des spécificités majeures de l'implication de la Chefferie traditionnelle dans ce pays, est la reconnaissance du droit coutumier dans la hiérarchie des normes. Notre rapprochement avec cet auteur, se situe dans la désignation des Chefs traditionnels, pour lui, il faut passer d'un système héréditaire à un système capacitaire. En citant Paine, il affirme :

«  Tous les hommes sont égaux, aucun d'eux n'a le droit de passer à sa famille le pouvoir de régner éternellement sur les autres ; car si lui-même peut mériter que ses contemporains l'honorent, ses descendants peuvent être tout à fait indignes de partager ses honneurs » (Héritier Mambi, 2010 : 31). Pierre Jacquemot quant à lui, analyse l'enrôlement des Chefferies traditionnelles dans le processus de décentralisation au Ghana. L'auteur nous montre que la décentralisation est structurée autour de 138 districts, dans lesquels se trouvent les Chefferies traditionnelles. Les Chefferies, de facto sont une composante significative de la vie locale. Celles-ci sont compétentes principalement en matières civiles, foncières et la gestion des ressources naturelles. Au Togo, par contre, comme le mentionne Goeh-Akue N'bueke Adovi, la Chefferie traditionnelle est formellement reconnue, comme l'instance garante des us et coutumes. C'est plus précisément l'article 143 de la Constitution (de 1992) en vigueur dudit pays qui précise : « la Chefferie traditionnelle est gardienne des us et coutumes ». Autre fait majeur de l'insertion de la Chefferie traditionnelle dans ce pays, est la création d'une direction de la Chefferie traditionnelle, par le décret, portant organisation du Ministère de l'Intérieur Togolais notamment dans son article 14.

D' après la présentation de la littérature sélective présentée dans le présent travail, il en ressort que la libéralisation politique a impacté sur la Chefferie traditionnelle de quatre manières, déterminant ainsi les principaux courants théoriques dans lesquels se sont inscrits les auteurs précités. Le premier impact, est celui du militantisme des Chefs traditionnels. Contrairement à l'Ouest ou au Nord Ouest, où la libéralisation politique a soit conforté l'assisse politique de certains Chefs traditionnels, soit alors les a déchus à l'issue des élections municipales de 1996 (Mouiche, 2005 ; Bat, 2009), à Nkol-Metet, ces élections marquent plutôt l'inauguration de la Mairie et marquent de ce fait le premier contact officiel des Chefs traditionnels de Nkol-Metet avec le monde politique. De ce fait, l'expérience acquise par les Chefs traditionnels pendant l'ère monolithique à Nkol-Metet est une expérience nouvelle des Chefs traditionnels. Le deuxième impact, a été l'émergence des Chefs traditionnels comme les acteurs de développement. Dans ce registre, les Chefs de Nkol-Metet se manifestent résolument par la démultiplication de création des champs communautaires, de nombreux GICS (groupes d'initiatives communes) ; mais ces projets ont un caractère relativement jeune de sorte que, les résultats n'ont pas encore atteints leurs effets optimum comme on l'a par exemple vu au royaume Bamoun avec l'hôpital des rois (Mouiche, 2005 b). Le troisième impact, met en exergue l'action des élites et des associations sur la vie de la Chefferie. A Nkol-Metet, on note une association des Chefs traditionnels (ACTRAN), qui a les objectifs semblables à ceux de l'ACTRANK. Le dernier impact met en exergue le degré d'institutionnalisation de la Chefferie traditionnelle dans la hiérarchie des normes. De là nous avons vu des avancées louables dans de nombreux pays du Golfe de Guinée19(*), où les Chefferies traditionnelles ont des prérogatives clairement définies. Au Cameroun, ce n'est pas encore le cas. Le décret de 1977 ne suffit pas à lui seul pour rendre compte de la dimension symbolique de la Chefferie traditionnelle ; mais surtout de la dynamique qu'elle peut apporter pour catalyser le processus de la décentralisation. Les expériences d'ailleurs constituent une boîte à outils pour les Pouvoirs Publics camerounais.

Nous souscrivons à toutes ses approches ; mais dans le cadre de ce travail, nous allons davantage appréhender la réviviscence de la Chefferie traditionnelle à travers l'action des Chefs pour le développement local ; la réviviscence par le militantisme politique des Chefs traditionnels et enfin la réviviscence de la Chefferie par l'action des élites et associations.

L'originalité de ce travail est d'abord liée au fait que son auteur est l'un des pionniers de ce type de travail à Nkol-Metet ; ensuite, parce qu'il nous permet de dégager la spécificité à Nkol-Metet des dynamismes ambiants tels que le militantisme politique des Chefs traditionnels, l'action des Chefs pour la promotion du développement local ; l'impact de l'action des élites et associations sur la Chefferie traditionnelle largement développé par bon nombre de travaux d'auteurs mais reflétant la spécificité des terroirs étudiés par eux.

Paragraphe 2 : Problématique et hypothèses

A- Problématique

La libéralisation politique survenue dans de nombreux Etats africains dans la décennie 1990, à l'égard de la Chefferie traditionnelle les a inscrit dans une nouvelle dynamique ; mieux, dans le sillage de leur reviviscence. Le problème général de la recherche, est d'appréhender les logiques qui ont conduit à mettre sur pied les mécanismes ayant permis d'amorcer le chantier de la réviviscence à Nkol-Metet. Toutefois, il s'agit d'analyser comment se manifeste la reviviscence des Chefferies traditionnelles à Nkol-Metet. De façon générale, en Afrique comme au Cameroun, la libéralisation politique a catalysé la reviviscence de la Chefferie traditionnelle de diverses manières. On note la reviviscence de la Chefferie traditionnelle par le militantisme politique des Chefs traditionnels (cf Mouiche, 2005 ; Bat, 2009 ; Perrot ; Fauvelle, 2003). On note la reviviscence de la Chefferie traditionnelle par l'action des Chefs traditionnels à promouvoir le développement local (cf Ngnepi 2007 ; Mouiche 2005 b). La reviviscence de la Chefferie traditionnelle sous l'effet de la libéralisation politique se traduit également par leur implication dans le processus de la décentralisation, et surtout leur reconnaissance dans la hiérarchie des normes (voir Olivier de Sardan 1998 ; Jacquemot 2007 ; Mambi 2010). Enfin, la reviviscence de la Chefferie traditionnelle pendant cette ère de la décentralisation est marquée par l'activisme des élites et des associations autour de la Chefferie (Foaleng 2007 ; Barbier 1983 ; Geshiere 1996...Van Binsbergen).

A Nkol-Metet en particulier, on peut lire l'impact de la libéralisation politique sur la reviviscence de la Chefferie traditionnelle à partir de trois axes majeurs : le militantisme ostentatoire des Chefs traditionnels; le développement socio économique ; l'activisme des élites, mieux, de la « périphérie active » de la Chefferie traditionnelle (voir Barbier 1983 ; Foaleng 2007).

De façon concrète, le militantisme politique des Chefs traditionnels à Nkol-Metet a hissé Sa Majesté Oyono Owono Joseph comme premier Maire de la commune de Nkol-Metet sous la bannière du RDPC20(*) (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais), à l'issue des élections municipales de 1996. De même, le militantisme politique, toujours sous la bannière du RDPC a conduit à l'élection de Sa Majesté Ondoua Menyié Paul Aimé comme Député du Nyong et so'o de 2002 -2007. S'agissant du développement local à Nkol-Metet, il résulte de l'action combinée des Chefs traditionnels, de certaines élites et de certaines associations pour revivifier la Chefferie traditionnelle. On peut ainsi citer l'impact des associations telles que L'ACTRAN, L'ASFRADO (Association des Frères et Amis pour le Développement d'Oveng) à Oveng, Renaissance de Bikoko, à Bikoko... Mais également de l'action des élites telles que le Colonel Amougou Nguélé, 21(*)à Obout, ou de Ndi Mboh François à Ngoantet II, pour le développement de leur Chefferie. La reviviscence de la Chefferie traditionnelle se manifeste également par leur enrôlement dans les Conseils Municipaux à Nkol-Metet et surtout de leur rôle consultatif en matière de jugulations des fléaux tels que l'inceste, la sorcellerie et surtout leur rôle essentiel pour la sensibilisation des populations autour des questions ayant trait à la décentralisation.

Au demeurant, plusieurs questions méritent d'être posées. La principale question est la suivante : peut-on véritablement rattacher l'activisme socio politique et socio économique des Chefs traditionnels à la libéralisation politique ? En d'autres termes, qu'elle est le véritable leitmotiv du déploiement généralisé des Chefs traditionnels de Nkol-Metet autour des Chefferies traditionnelles à cette ère de la libéralisation politique ?

A cette question centrale, nous pouvons adjoindre les questions de recherches suivantes : quelles sont les rentes escomptées de la collaboration des Chefs traditionnels avec les élites et les associations pour la Chefferie traditionnelle ? S'agit-il des actions purement philanthropiques ou des actions de façade ? En d'autres termes, qu'est-ce-qui se trame derrière l'action synergique élites- associations ? Quels sont les enjeux de la collaboration mairie et Chefferies traditionnelles à Nkol-Metet ? Ne serait-il pas un moyen pour les Chefs traditionnels de devenir des acteurs pléniers du processus de la décentralisation à Nkol-Metet ? Comment appréhender l'investissement des Chefferies de groupement par la caste politicienne, mieux, par les big-men22(*) à Nkol-Metet ? Quelles sont les déterminants de leur leadership ?

B- Hypothèses

L'hypothèse dans une recherche est une explication provisoire de la nature des relations entre deux ou plusieurs phénomènes. Elle doit être confirmée ou infirmée par les faits. C'est alors que Grawitz résume l'hypothèse comme suit : « une proposition de réponse à une question posée » (Grawitz, 2001 :398)

Selon Quivy et Capenhoudt : « il est rare(...) que l'on s'en tienne à une seule hypothèse. C'est le plus souvent un corps d'hypothèses que l'on construit » (Quivy et Capenhoudt in Atangana, 2010 :9). Cela nous conduit à dégager une hypothèse principale et des hypothèses connexes.

L'hypothèse centrale de cette étude est la suivante : Le dynamisme sociopolitique et socio économique observé autour de la Chefferie traditionnelle à Nkol-Metet est, loin s'en faut, une conséquence de la libéralisation politique ; mieux, elle est venue amplifier et officialiser les ambitions socioéconomiques et sociopolitiques des Chefs traditionnels et des forces politiques pour la reviviscence de la Chefferie traditionnelle à Nkol-Metet.

La première hypothèse connexe est que l'activisme sociopolitique et socioéconomique des Chefs traditionnels et les autres forces politiques (élites, associations apolitiques et politiques) peut être analysée de manière ambivalente. D'abord, elle traduirait leur action dans l'optique d'un leadership institutionnalisée et/ou dans l'optique de `'sauver la face''23(*). Ensuite, il se tramerait derrière tout cet activisme des ambitions politico administratives des protagonistes de la reviviscence de la Chefferie traditionnelle à Nkol-Metet, qui viseraient des postes de Sénateur, Député et de Maire...

Enfin, la deuxième hypothèse, quant à elle est que l'investissement des Chefferies de groupements par les professionnels de la politique, répond au besoin de l'amélioration du système héréditaire de désignation des Chefs traditionnels, par un système capacitaire de désignation de Chefs confortant de ce fait, le caractère administratif des Chefferies de groupement à Nkol-Metet, qui sont des Chefferies nouvellement créées.

C-Présentation du champ d'analyse

L'Arrondissement de Nkol-Metet est situé dans la Région du Centre au Cameroun à 90 kilomètres de la capitale politique; Yaoundé entre le 3°26 latitude Nord et 11°46 longitude Est. L'Arrondissement de Nkol-Metet dépend administrativement du département du Nyong et So'o dont le Chef lieu est Mbalmayo. Le climat est de type équatorial, avec deux saisons pluvieuses et une saison sèche. Néanmoins, il faut noter que les changements climatiques ont considérablement troublé la typologie de ce climat.

D'un point de vue démographique, Arrêté n°13/A/MINAT/DCT du19 janvier 1982, déterminant les Chefferies traditionnelles de deuxième degré dans le département du Nyong et So'o, estime la population de Nkol-Metet à 16 060 habitants. En 2010, on estime sa population à 30 000 habitants24(*).

D'un point de vue ethnographique, les populations de Nkol-Metet sont des Bene25(*). Cependant, il convient de rappeler ici que les principales familles Bene sont issues des unions matrimoniales de Nne bodo avec, Amombo Kunu et de Ndzié Manga qui donneront sept (7) grands lignages Bene : les Mvog Belinga, les Oteloa ou Mvog Owono Tsogo, les Mvog Mbartsogo, les Mvog Manze, les Mvog Ndi et les Mvog Manga (Laburthe-Tolra, 1981 :145). Ces différents lignages ont subi le processus de la segmentation qui est consubstantiellement liée à l'organisation politico sociale des sociétés lignagères segmentaires. En effet, la segmentation se résume par le fait que chaque segment lignager est le point de départ d'un nouveau Mvog (Laburthe-Tolra, 1981 : 205 ; Marie Gruenais et Jean Schmitz, 1995 :7). Dans le cas d'espèce, les Bene de Nkol-Metet dérivent de la postérité de Mbartsogo26(*) qui a donné naissance à douze (12) lignages dont huit sont présents à Nkol-Metet. Quoique les Mvog Mbartsogo soient dominants, il existe aussi à Nkol-Metet des minorités ethniques Bene et non Bene qui sont présentes et assimilées aux grands ensembles de la postérité de Mbartsogo. Nous faisons référence ici aux : Eben, Elende, Kombé, Mvog Ndi, Yembäe, Yenakoun. Le tableau ci-dessous fait référence aux principaux lignages issus de la postérité de Mbartsogo à Nkol-Metet :

Tableau1 : Lignages issus de la postérité de Mbartsogoà Nkol-Metet

Fils de Mbartsogo

Nom du lignage

Localisation à Nkol-Metet

Amougou Ba'ana

Mvog Amougou 

Efoulan, Obout, Ebomsi I, Ebomsi II, Metet-Centre, Oveng, Ayéné, Bizock, Mengueme Bané, Soa si, Yop...

Mbarga Ba'ana

Mvog Mbarga

Nkolya 1, 2,3

Evundu Ba'ana

Mvog Evundu

Ekekam

Essissima Nkoa

Mvog Essissima 

Nkol-Ekabili ;Mefindi

Zambo Melunu

Mvog Zambo 

Awäe, Ngoantet I et II, Nsessougou.

Evini Melunu

Mvog Evini

Olamdoé , Kondessong

Mba'a

Mvog Mba'a 

Nkomvana- Bizock

Zang

Mvog Zang

Ekekam

 Source : Laburthe-Tolra (1981), Les seigneurs de la forêt.

Adaptation : Amougou Mveng

D'un point de vue administratif et politique, l'Arrondissement de Nkol-Metet, épouse les contours géographique de la Commune de la dite localité. Ex District de Nkol-Metet, cet Arrondissement est né en faveur des Décrets N°2008/376 du 12/11/2008 portant organisation administrative de la République du Cameroun, qui en son article Ier alinéa 2, passe de quatre à trois circonscriptions administratives : Les Régions, les Départements, et les Arrondissements. Et du Décret n°2010/198 du 16/06/2010 qui érige les Districts en Arrondissements. L'Arrondissement de Nkol-Metet compte trente-quatre(34) Chefferies dont deux (2) Chefferies de Groupement et trente- deux (32) Chefferies de 3e degré.

D'un point de vue de l'activité politico administrative, les Bene et notamment ceux de Nkol-Metet ont souvent eu à occuper de très hautes fonctions politico -administratives au Cameroun. On peut citer ici, l' Honorable Amougou Nguélé Paul de regretté mémoire qui a été député de l'ALCAM ( Assemblée Législative du Cameroun),et Secrétaire d'Etat plusieurs fois dans les Gouvernements du Président Ahidjo ; Mbarga Nguélé Martin actuel Délégué Général à la Sûreté Nationale ; des Directeurs Généraux Etoundi Oyono Emmanuel , Madame Mbarga Bernadette ; des anciennes personnalités municipales et parlementaires , Mbala Zangana Benjamin et Nguélé Mbala Constantin, anciens Maires de Mbalmayo , les Honorables Mbala Amougou Jean Aimé , Maze Jean Alfred27(*) de regrettée mémoire et Ondoua Menyié Paul Aimé ; des officiers de l'armée camerounaise tels que : le Colonel Amougou Nguélé Emmanuel actuel Chef d'Etat Major particulier du Président Biya, du Colonel Nguélé Amougou Philémon ancien intendant de l'armée camerounaise au Ministère de la défense...

S'agissant des partis politiques, on retrouve à Nkol-Metet, le RDPC28(*) (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais) ; le SDF (Social Democratic Front) ; l'UNDP (Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès) ; et l'UPC (Union Nationale des Populations du Cameroun). Néanmoins, le RDPC est le parti dominant à Nkol-Metet. Dans cette circonscription administrative, le RDPC est le seul parti qui mène une vie politique au-delà des échéances électorales. C'est cet état des choses qui a toujours justifié l'hégémonie de cette formation politique, tant aux élections présidentielles qu'aux élections législatives et municipales. Ainsi dit, Nkol-Metet se présente comme une zone d'influence du parti politique dominant au Cameroun dans la mesure où les autres partis participent à la folklorisassion29(*) du jeu politique. Le tableau ci- dessous corrobore avec notre argumentaire.

Tableau 2 : candidats ayant obtenu au moins 0,01% des suffrages aux élections présidentielles du 09 octobre 201130(*).

Candidats

Pourcentage obtenu

Biya Paul(RDPC)

95,46%

Ni John Fruh Ndi (SDF)

0,66%

Dang Ester (BRIC)

0,19%

Garga Haman (ADD)

0,04%

Momo Jean (PADDEC)

0,02%

Muna Bernard (AFP)

-

Tabi Owona (AMEC)

-

Ekane Anicet (MANIDEM)

0,01%

Ndam Njoya (UDC)

-

Walla Kahbang (CPP)

-

Source : ELECAM/ Rapport général sur le déroulement de l'élection présidentielle du 09 octobre 2011.

Sur le plan social et Sanitaire, l'Hôpital -EPC de Metet, vu sa position à cheval entre les Départements du Nyong et So'o et du Dja et Lobo, a fortement desservi les populations de ces localités et même de l'ensemble du pays en matière de santé publique. L'Arrondissement de Nkol-Metet compte sept établissements d'Enseignements Secondaires ; une trentaine d'Ecoles Primaires et trois Ecoles Maternelles31(*).

Sur le plan sécuritaire, l'Arrondissement de Nkol-Metet compte une brigade de Gendarmerie.

Suivant les consignes de Quivy et Campenhoudt, qui disent  qu'il faut encore circonscrire le champ des analyses empiriques dans l'espace social et dans le temps. (Quivy et Campenhoudt cité par Atangana 2010 :19). D'où l'impératif d'indiquer notre cadre temporel d'étude entre l'année 1996 et 2011. Pendant cette période, la Chefferie traditionnelle à Nkol- Metet a été au centre de plusieurs dynamismes d'ordre institutionnel et non institutionnel. En 1996, les premières élections municipales organisées consacrent l'élection d'un Chef traditionnel  Oyono Owono Joseph; en 1998, l'ACTRAN voit le jour sous l'impulsion de Sa Majesté Ondoua Menyié Paul Aimé Chef du village Nkol- Ekabili à l'Est de Nkol-Metet. En 2008, la mutation des Districts au profit des Arrondissements par le Décret N°2008/376 du 12/ 11/2008 coïncide avec l'effectivité des Chefferies de groupement ; bref, beaucoup d'événements ont marqué la Chefferie traditionnelle à Nkol-Metet pendant cette trame chronologique que nous essayerons de dérouler, autant que faire se peut tout le long de ce travail.

Les considérations méthodologiques méritent aussi d'être présentées dans ce travail.

* 1Dans de nombreux pays africains au lendemain des indépendances, les Chefferies traditionnelles ont été bannies. C'est le cas du Ghana sous le Président Nkrumah 1956-1966 et sous le Président Jerry Rawlings en 1980. Nkrumah estimait que les Chefferies traditionnelles s'étaient compromises avec le pouvoir colonial et qu'elles étaient un obstacle à la modernisation du pays. Pour lui, il fallait libérer le peuple : « de l'esclavage dans lequel le maintenait le colonialisme étranger, la tyrannie du despotisme féodal local » (voir, Jacquemot, 2007 :57).  Le Ghana n'est pas le seul pays à avoir mis les Chefferies en quarantaine, on l'a également vu au Burkina-Faso sous le Président Thomas Sankara. En Côte d'Ivoire avec le Président Félix Houphouët Boigny. La logique politique qui prévalait dans ces pays était le monolithisme et par ce procédé, les gouvernants s'insurgeaient contre toutes les forces centripètes. Au Cameroun les Chefferies n'ont pas été bannies, mais ont été fragilisées car elles devaient leur survie à leur allégeance, mieux, à leur loyauté au parti unique. En d'autres termes, les Chefs traditionnels sous le Président Ahidjo étaient contraints à un certain militantisme (voir, Bayart, 1989 :189). Dieudonné Oyono relève à cet égard : « Ahmadou Ahidjo, dont le crédo était unité nationale, avait bâti son système sur une hostilité à tout, eût risqué de démembrer et d'affaiblir l'Etat » (Dieudonné Oyono in Eko'o Akouafane, 2009 : 14).

* 2 Au Cameroun, c'est le décret du 15/07/1977 portant organisation des Chefferies traditionnelles qui reconnait les Chefferies comme des circonscriptions administratives et de ce fait, consacre les Chefs traditionnels comme des auxiliaires d'administration.

* 3 S'agissant des dynamiques du dedans certains juristes politistes l'ont situé à l'accession du Président Paul Biya à la tête du Cameroun qui a baptisé son régime de Renouveau. Le promoteur du Renouveau à l'entame de la direction du pays exhortait ses compatriotes, mieux, ses partisans de se préparer aux élections à candidatures multiples au sein de son parti ; mais aussi au multipartisme. C'est pourquoi le Pr Owona Joseph affirme avec autorité que : « Le Renouveau est fille aîné de la Perestoïka » (OwonaJoseph cité par Owona Nguini 1998 : 50).

* 4 Les dynamiques du dehors sont appréhendées ici, comme l'ensemble d'événements ayant favorisé la libéralisation politique de plusieurs Etats africains. Nous pouvons citer ici l'arrivée de la gauche au pouvoir en France, en 1981, la chute des partis communistes en Europe de L'Est, la libération de Nelson Mandela, au Cameroun avec les villes mortes qui ont finalement débouché à une conférence nationale tripartite, qui était pour les pouvoirs publics un moyen de contourner les conférences nationales souveraines qui se faisaient dans la plupart des pays de l'Afrique francophone. (Voir Mouiche, 1996 : 178).

* 5Les forces politiques peuvent être appréhendées icicomme les groupes, les individus, les partis politiques qui ont une influence certaine dans la vie politique du pays ou d'un terroir respectif.

* 6Les objectifs de ladite association sont presque semblables avec ceux de l'association nationale des Chefs traditionnels qui tint son premier forum du 28 au 29 mars 2010 au Palais de congrès. Et avait pour objectif, de rassembler tous les Chefs traditionnels du Cameroun, consolider leur esprit de solidarité, revaloriser l'institution de la Chefferie traditionnelle, promouvoir les droits de l'homme, de la femme et de l'enfant. Ce conseil devrait également oeuvrer pour assurer le bien- être des Chefs traditionnels et des populations et promouvoir la protection de nos traditions et cultures et contribuer à rendre plus visibles auprès des populations, les programmes de développement des pouvoirs publics, bref faisant de la Chefferie traditionnelle un partenaire efficace pour le développement culturel, économique et social du Cameroun.

* 7 En effet, les Chefferies de groupement qui virent le jour en 2008 à Nkol-Metet, sont prévues par l'arrêté n°13/A/MINAT/DCT du 19 janvier 1982, portant création des Chefferies de 2e degré dans le département du Nyong et So'o. Bref, les Chefferies de groupement sortent de leur caverne à l'ère de la décentralisation.

* 8 A la Chefferie de groupement BENE Nord-Est, Mbala Zangana a été élu. Ce dernier a été Sous-Préfet et Maire dans plusieurs localités du Cameroun pendant 31 ans. Et dans le Département du Nyong et So'o il a été Maire de la commune mixte de Mbalmyo pendant 17ans. Dans la ChefferieBENE Sud Est, Ondoua Menyié Paul Aimé bénéficie déjà d'une légitimité traditionnelle parce qu'il est Chef du village Nkol-Ekabili et est un politicien avéré et militant du RDPC. En 1996 il a été Membre du comité central du RDPC et de 2002 à 2007,Député RDPC à l'Assemblée Nationale du Camroun.

* 9La loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 qui présente la loi d'orientation de la décentralisation fixe les règles générales applicables en matière de décentralisation territoriale.
Dans sonarticle 2 alinéa 2, elle précise de façon formelle, les enjeux de développement et de démocratie que se fixe la décentralisation en stipulant : «  La décentralisation constitue l'axe fondamental de promotion du développement, de la démocratie et de la bonne gouvernance au niveau local.

* 10cf., www.prc.cm consulté le 16/11/2011.

* 11C'est au regard d'une telle propension des Chefferies la quête de leur développement intégrale que Ngnepi et Towa envisagent la transformation de certaines Chefferies en Communes. Pour Ngnepi, même si, les communes ressortent du processus de la décentralisation et les Chefferies du processus de la déconcentration, la question d'efficacité dispose à interroger en direction des structures pour déterminer laquelle serait plus propice à la participation populaire. En d'autres mots, le passage des Chefferies en communes supposerait une participation populaire ; ce qui pourrait entraîner l'élection des Chefs traditionnels. Ce qui mettrait fin à la succession héréditaire. NGNEPI affirme à cet effet que:« Le sous développement repose essentiellement sur la perte de la liberté et le procédé en débat, dépouillant les peuples de leur libre arbitre». (NGNEPI : 2007).

* 12 A côté du culte de la personnalité, l'autre critère prépondérant dans le pouvoir coutumier est la culture de l'oralité et c'est dans ce registre que les Chefs BENE sont plus en vue.

* 13D'après nos enquêtes on peut situer la création des Chefferies à Nkol-Metet à l'année 1900.

* 14Au Cameroun, les Provinces ont été substituées par les Régions. De même, en 1984, un décret présidentiel éclatait la province du Centre Sud en deux Provinces : la Province du Centre ayant pour capitale Yaoundé et la Province du Sud ayant pour capitale Ebolowa. Les provinces devenues Régions, leurs capitales restent inchangées.

* 15Cf. ; La sainte Bible dans Ecclésiaste chapitre 1 verset 9.

* 16Les Chefferies ayant fait l'objet d'étude de cas par cet auteur sont celles de Banka, Bangou, Bandjoun et Le Royaume Bamoun.

* 17 Il faut préciser ici que Barbier fait référence ici à la Chefferie Bamiléké. Les Bassa constituent l'un des groupes ethniques que compte le Cameroun.

* 18 Les Bassa constituent l'un des groupes ethniques que compte le Cameroun. On les retrouve principalement dans la Région du Centre notamment dans le département de la Nyong Ekéllé et dans la Région du littoral.

* 19Le golfe de Guinée correspond à la bande côtière africaine allant de la Côte- d'ivoire à l'Angola.

* 20 Le RDPC c'est le parti politique au pouvoir au Cameroun. Ses partisans préfèrent souvent qualifié leur formation politique de parti politique proche du pouvoir. Ceci expliquerait leur volonté à dissocier l'activité partisane de celle de l'Etat.

* 21Le Colonel Amougou Nguélé Emmanuel est l'actuel Chef d'Etat major du Président de la République du Cameroun Son Excellence Paul Biya. Ndi Mboh François est un attaché d'ambassadeen fonction et actuel Secrétaire Particulier de son Excellence Awana Essama, Ambassadeur du Cameroun auprès de la République d'Italie.

* 22 Les big men sont des personnes que les gens suivent dans la mesure où elles peuvent leur procurer des bénéfices. (Mouiche, 2005 :122).

* 23 Erving Goffman nous fait savoir que sauver la face est un impératif dans l'interaction sociale, pour atteindre ce résultat, les individus doivent bénéficier de la collaboration des autres acteurs qui manifestent leur acceptation de la face construite par ceux avec lesquelles ils interagissent. Un individu garde la face lorsque la ligne d'action qu'il suit, manifeste une image de lui-même consistante, c'est-à-dire appuyée par les jugements et les indications venues des autres participants, et confirmée par ce que révèle les éléments impersonnels de la situation ( Alpe etal, 2005 : 95).

* 24 Source : Sa Majesté Ondoua Menyié Paul Aimé (entretien du 01/02/2012).

* 25On retrouve les Bene principalement dans deux Régions du Cameroun : dans la Région du Centre et dans la Région du Sud. Dans la Région du Centre on les retrouve dans les Départements de la Mefou et Afamba et du Nyong et So'o. Dans la Région du Sud, on les retrouve dans les Départements de la Mvila et de l'Océan.

* 26Les quatre autres lignages issus de la postérité de Mbartsogo sont :Mvog Owono Ndzuli, Mvog Zuga, Mvog Ngene, Mvog Kwodo.

* 27 L'Honorable Maze Jean Alfred de Regretté mémoire, a été doyen d'âge à l'Assemblée Nationale à la session parlementaire de juin 2001, à son 2e mandat.

* 28 Le RDPC c'est le parti au pouvoir au Cameroun. Ce parti a été créé en 1985 par le Président Paul Biya au congrès de Bamenda. Depuis lors, le Président Paul Biya est à la fois Président de la République du Cameroun et Président de ladite formation politique. Toutefois, il impérieux de souligner que le RDPC est né de la dissolution de l'Union nationale Camerounaise (UNC) parti politique unique fondé par le premier Président de la République du Cameroun Ahmadou Ahidjo en 1966.

* 29 Ce folklore se manifeste de la sorte : quand le SDF tient un meeting les populations arborent les couleurs de ce parti. Ce rituel s'observe avec toutes les formations politiques non dominantes à Nkol-Metet. Ce folklore a déjà désillusionné de nombreux leaders de l'opposition à Nkol-Metet.

* 30 Il faut noter qu'à Nkol-Metet à ces élections, l'effectif des inscrits était de 12 344 ; l'effectif des votants était de 11 058. Ainsi dit, le taux de participation était de 89,58% et le candidat victorieux M. Biya Paul a obtenu 10 904 de suffrages. Source : ELECAM/ Rapport général sur le déroulement de l'élection présidentielle du 09 octobre 2011.

* 31 Source : Inspection des enseignements primaires et secondaires de l'Arrondissement de Nkol-Metet.

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