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La rationalité comme fondement du bonheur

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par Pasteur MUGISHO
Philosophat Isidore Bakanja (Bukavu) R.D.Congo - Graduat en Philosophie et Sciences Humaines 2016
  

Disponible en mode multipage

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BUKAVU

B.P. 162

MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT

SUPERIEUR ET UNIVERSITAIRE

REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

LA RATIONALITE COMME FONDEMENT DUBONHEUR

CHEZ ARISTOTE

Dans Ethique à Nicomaque

Travail de fin de cycle présenté en vue de l'obtention du diplôme de graduat

en philosophie et sciences humaines

Par MUGISHO BISIMWA Pasteur

Dirigé par RWAKABUBA MUKA Jean

ANNEE ACADEMIQUE 2014-2015

EPIGRAPHES

« N'attends pas que les événements arrivent comme tu le souhaites ;

décide de vouloir ce qui arrive et tu seras heureux »

(Epictète)

« Bienheureux l'homme que tu as instruit Seigneur » Psaume 94,12.

« Sous la conduite de la raison, nous cherchons de deux biens, le plus grand,... »

(SPINOZA)

DEDICACE

A mes frères et soeurs

MULAGIZI Toussain, MWANDIKO Clovis, NABINTU Prudence et BINJA Marie Rose,

A mes oncles paternels et maternels,

Au père José MINAKU s.j.,

A tous mes amis et amies,

A vous tous qui cherchez le bonheur par la vertu et la raison droite,

Je dédie ce travail.

REMERCIEMENTS

Nous remercions le Seigneur Dieu Tout Puissant, maître de temps et de l'histoire, père de toute perfection, qui nous a crée et n'a pas cessé de nous assister depuis notre vie sur la terre et spécialement pendant ce travail.

Que trouve ici l'expression de notre gratitude nos parents BISIMWA MATWALI Vincent et M'MWEZE Joséphine que Dieu a choisi pour nous donner la vie. C'est avec eux et nos frères et soeurs que nous avons expérimenté, en premier lieu, le bonheur du vivre-ensemble.

Nous sommes redevables au père RWAKABUBA MUKA Jean c.r.s.p., directeur de ce travail, pour sa compétence et son génie qui ont guidé nos premiers balbutiements philosophiques vers une pensée cohérente.

Nos remerciements sont également adressés aux supérieurs, aux formateurs et aux membres de la congrégation des missionnaires Xavériens ( Région du Congo). Ils nous ont enrichi d'expériences pastorale, missionnaire, culturelle, communautaire et formative. Nous parlons ici du P. TURCO, P. GERARDO, P. MUSAFIRI, P. ROLANDO, P. FRANCO, P. PEDROTI, P. PASTOR, P. CARMELO, P. DOVIGO, P. TINAJERA.

Nous ne saurions rien rendre sinon dire sincèrement merci à toutes les familles, amis et connaissances qui nous ont accompagné jusqu'ici, de près ou de loin, par leur soutien tant moral, spirituel que matériel. Nous pensons ici à toute la famille MWEZE, à toute la famille MATWALI, à la famille BIGABWA, à la famille BAFUNYEMBAKA, à LUBALA, à MIGABO, à BADOSANYE, à MULOLO, à GREGOIRE, à CIBANGALA Serge et toutes leurs familles. Merci particulièrement à mes cousins et cousines : BASHIGE Arsène et NZIGIRE Pascaline et toutes leurs familles également.

A tous les étudiants Xavériens de Panzi et de Vamaro, spécialement à vous chers compagnons de lutte : Augustin, Bienvenu, Clovis, Désiré, Gilbert et Willy pour les efforts, les joies et les peines consentis ; à Christophe, Dieudonné et Patient pour la précorrection partielle du présent travail ; à tous les condisciples du Philosophat Isidore Bakanja et à tous ceux là qui n'ont pas pu être cités, pourtant utiles, nous disons grand merci. Que Dieu vous bénisse !

MUGISHO BISIMWA Pasteur

IN MEMORIAM

Mes regrettés grands pères

MWEZE Patrice

MATWALI Marcel

Mes chers enseignants

LUKONGE Alphonse

M'KAHENDWA Astride

Mon oncle Paul et le p. Manzotti

D'heureuse mémoire

INTRODUCTION GENERALE

Notre travail a pour titre : « La rationalité comme fondement du bonheur chez Aristote ». Le choix de ce sujet est motivé par le souci des hommes de notre temps. En effet, la question du bonheur est l'une des questions fondamentales qui talonnent l'esprit humain. Tout homme veux vivre heureux. Comment y arriver ? A travers l'histoire, il y a un certain nombre de tentatives visant à donner une réponse efficace à cette interrogation combien profonde. Pour certains, le bonheur est dans l'accumulation des richesses, dans les plaisirs, dans les honneurs et la gloire ou même dans le pouvoir. Pour d'autres, le bonheur consiste à vivre selon la vertu. Telle est la compréhension d'Aristote. Notre souci est d'interroger ce sage grec, dont l'esprit scientifique et la morale nous ont marqué, sur ce que serait, d'après lui, le principe fondamental sur lequel reposerait tout bonheur vrai.

Aristote qui va guider notre recherche est un penseur grec qui, approximativement est né en 384 av. J.C. à Stagire (aujourd'hui Stavros), sur les bords de la mer Egée1(*). Il est l'un des quatre enfants de Nicomaque, médecin célèbre de Phaétis, issu d'une grande famille de Chalcis. En 336, alors âgé de 18 ans, le jeune Aristote arrive à Athènes ; il entre à l'Académie et y reste pendant vingt ans, jusqu'à la mort de Platon son maître. Il collabore à l'enseignement du maître qui l'appelle « le cerveau de l'école ». De 343 à 340 il est précepteur du jeune Alexandre (fils du roi Philipe de Macédoine), qui était né en 356. En 336, Aristote ouvre son école, le Lycée, en rivalité avec Xénocrate, qui dirigeait alors l'Académie. Un an après la mort d'Alexandre le Grand (323), Aristote meurt, âgé de soixante-deux ans.

Un bon nombre de ses écrits sont perdus. Ce qui est connu est un assemblage de notes de cours qui font montre du génie scientifique, métaphysique et morale de ce grand maître. On reconnait comme oeuvre d'Aristote : Histoire des animaux, Organon, De l'âme, De la génération et de la corruption, Ethique à Nicomaque, Ethique à Eudème, Philosophie première, La grande morale, Physiques, Politiques, Météorologies et beaucoup des dialogues comme Sur la justice, Sur l'éducation, Sur l'amitié etc.

Appelé à accompagner les fidèles dans leurs questionnements les plus sublimes, tout futur missionnaire devrait se sentir interpellé par cette quête du bonheur. En effet, plus les hommes cherchent leur bonheur, compris comme la satisfaction complète qui remplit toute la conscience humaine, plus nous lisons sur le visage d'aucun, une angoisse existentielle dont la source serait à chercher dans une certaine insatisfaction. Alors, cette situation nous presse à nous demander si le bonheur qui procurerait le grand contentement ne serait pas à situer ailleurs plutôt que dans la possession ou la jouissance des biens matériels.

En effet, la question du bonheur a toujours préoccupé l'esprit humain depuis la nuit des temps. L'homme, depuis toujours, s'est posé la question de sa fin ultime avant de se poser celle de l'origine du monde. Les réponses apportées ont été diversifiées selon les tendances, les courants de pensées et pourquoi pas les milieux géographiques et culturelles où l'on vit.

Pour le commun de mortel, par exemple, le bonheur est compris comme l'accumulation des biens, une vie facile,... Pour d'autres, le bonheur consiste à avoir le plus des plaisirs possibles. Face à cette diversité des réponses notre problématique se fonde comme suit : le bonheur serait-il vraiment dans l'accumulation des biens, dans les plaisirs ou bien il est à chercher ailleurs ? Cet ailleurs serait où ? En d'autres termes : qu'est ce que le bonheur ? Quels sont ses principes fondateurs ? Pour que le bonheur soit permanent, sur quoi doit-il se fonder ?

L'hypothèse que ce travail va vérifier se formule de la manière suivante : si le bonheur est le bien suprême et parfait, d'autres biens comme la joie, le plaisir,... si éphémères soient-ils, n'auraient plus de place dans l'ordre naturel des biens ; l'homme ne s'occuperait uniquement que du seul bien se suffisant à lui-même. En plus, si les principes de l'activité de l'intellect conduisent directement au bonheur, il suffirait de les appliquer pour vivre immédiatement heureux. Et si en fin, la rationalité est le vrai fondement du bonheur chez Aristote, aucun être rationnel ne serrait malheureux car chaque homme a en lui ce principe fondamental qui semble une prédisposition au bonheur.

Les questions philosophiques sur le bonheur, ont toujours existé depuis que la morale fait partie des disciplines philosophiques. Aujourd'hui la question ne devrait plus être posée uniquement pour la fin de la vie sur la terre mais particulièrement pour chaque acte posé par l'homme étant donné que nous voulons affirmer avec l'auteur que la somme des plusieurs meilleures fins constitue, de quelques manières, le bonheur de l'homme à condition que ces fins ne soient pas entravées par quelques inclinations ou déviations qui vont contre la vertu. Cela suscite l'une des questions principales de la morale : que dois-je faire pour être heureux? L'agir humain mis en question ici, doit être guidé par quelques principes rationnels et rationnalisant. Ainsi l'agir humain étant devenu rationnel et rationalisé, peut alors devenir ce sur quoi repose le bonheur c'est-à-dire son fondement. C'est ce qui fait de notre préoccupation un travail philosophique.

Pour vérifier toutes ces hypothèses, nous allons nous servir de la méthode déductive. Elle consiste à relier des propositions dites prémisses à une proposition dite conclusion et préserve la vérité. Prémisses et conclusion qui sont ainsi reliées par une règle de déduction assurent que si la règle est valide et si les prémisses sont vraies, la conclusion est, elle aussi, vraie. On dit alors que la conclusion est une conséquence des prémisses, ou parfois que la conclusion vient des prémisses. Il s'agit donc de partir de ces deux prémisses : le bonheur est la fin de tout acte humain ; or, tout acte humain doit être fondé (selon Aristote) sur la rationalité ; et déduire logiquement que : la rationalité est le fondement du bonheur.

Hormis l'introduction et la conclusion générales, notre travail comportera trois chapitres. Le premier chapitre traitera de l'ordre naturel des biens. Son objectif sera d'analyser les évidences qui obscurcissent la vision béatifique du bien. Ainsi nous démontrerons que le bonheur se distingue de la jouissance matérielle et des tous les biens de la vie active qui sont éphémères. Le deuxième chapitre, quant à lui, se penche sur la question des principes de la rationalité en tant qu'elle ouvre sur le bonheur. Nous envisagerons démontrer, enfin, dans le troisième chapitre, que la voie rationnelle est le moyen par excellence pour aboutir à un bonheur intégral.

Honnêteté scientifique oblige. Notre travail s'est heurté à certaines difficultés comme l'impossibilité d'atteindre l'original de notre livre de base lequel on ne saurait même pas exploiter à cause de la langue. Il y a également la pluralité de traductions des livres d'Aristote dont on ne sait laquelle choisir. En plus, on constate une certaine popularité de notre préoccupation primordiale qui est le bonheur. Il est traité à la fois par la culture du bon sens et par l'esprit scientifique. C'est ainsi que nous avons utilisé comme livre de base Ethique à Nicomaque et non Ethique nicomacéenne ou Ethique de Nicomaque. Ce premier étant le plus ancien comme traduction et un peu plus conforme à la réalité. En ce qui concerne la popularité du thème, nous avons choisit l'esprit scientifique pour orienter le bon sens qui, quelques fois, est erroné.

Voilà pourquoi ce travail n'a aucune prétention d'être exhaustif. Mais il aura atteint son objectif si ceux qui nous liront comprendront que le vrai bonheur n'est pas à chercher dans les biens transitoires de la terre comme non plus dans les plaisirs mais dans la contemplation. Pour l'atteindre, il faut emprunter le seul chemin possible : la rationalité. C'est dans la mesure où l'homme se fonde sur la raison qu'il peut tenir un discours logique et vrai sur le bonheur.

CHAPITRE PREMIER : DE L'ORDRE NATUREL DES BIENS

Le bien ne peut être saisi, de manière immédiate et totale, que par intuition. George Edward MOORE*

Préambule

Depuis Socrate, la morale est définie comme une science permettant à l'homme de savoir distinguer le bien du mal. Dès lors, l'homme connaissant le bien ne peut que le faire. De même, connaissant le mal, il ne peut que l'éviter. En plus, dans le déroulement de l'histoire de l'humanité, l'agir de l'homme est porté soit vers le bien soit vers le mal. Et l'homme rassemble bien et mal dans son sac de l'histoire pour que lors de la révision, il fasse triompher le bien sur le mal. Ceci est valable pour le sens commun et l'esprit scientifique. Mais la spécificité de l'esprit scientifique, soutenue par Aristote et sur laquelle nous allons insister dans ce chapitre, est de permettre à l'homme, par l'usage de la raison, de distinguer bien et bien suprême dans la hiérarchie qui rapproche l'un et l'autre au Bonheur. Pour ce faire, notre préoccupation dans ce chapitre, est de chercher à savoir ce que peut être ce « bien » qui fonde toute une science de la conduite des hommes. Nous voulons savoir s'il existe un seul ou plusieurs biens dont l'homme aurait besoin pour sa morale et s'il existerait plusieurs, lequel serait le bien par excellence c'est-à-dire le souverain bien pour l'homme.

Avant d'aller plus avant, faisons une mise au point. Le bien dont il est question est, selon André Lalande, « tout ce qui est objet de satisfaction ou d'approbation dans n'importe quel ordre de finalité : parfait à son genre, favorable, réussi, utile à quelque fin »2(*). Il poursuit en disant que ce bien doit posséder une valeur morale à l'égard des actes accomplis. Ce bien doit être approuvé par les hommes dans leur interaction. C'est-à-dire que le bien n'est pas bien pour une seule personne ni pour sa logique propre ; il doit être approuvé par tout homme dans les mêmes conditions. Pour savoir s'il existe un bien unique ou plusieurs et lequel de ces plusieurs serait le bien suprême, analysons maintenant la notion du bien chez Aristote et l'ordre des biens selon les genres de vies.

I. 1. LA NOTION DU BIEN CHEZ ARISTOTE

Dans les premières phrases du premier livre de l'Ethique à Nicomaque, Aristote affirme que toute connaissance, toute décision réfléchie et tout choix délibéré porte l'intention d'un bien quelconque3(*). Et parmi les biens que l'homme peut poursuivre dans sa vie, il y a la bonne gestion de la cité ou la politique. L'homme en tant qu'être singulier peut poursuivre le bien comme la fin de tous ses actes. Mais le bien que poursuit la communauté a plus de valeur que celui recherché par un individu. Ce bien a encore plus de valeur s'il est recherché à la fois, par un individu pour lui et pour la cité et recherché par la cité pour chacun de ses membres.

Etant donné que le bien est la fin de toute résolution de l'esprit humain et que chaque être humain a envie d'agir pour le bien, les biens poursuivis se diversifient par rapport aux arts, aux actions et aux sciences qui les produisent. Le bien recherché en médecine, par exemple, n'est jamais le même que celui recherché en stratégie (c'est-à-dire l'art de la guerre) ou en architecture4(*). Ainsi la santé est le bien de la médecine, la victoire celui de la guerre et la maison pour l'art de l'architecture.

A ce sujet, Saint Thomas d'Aquin, soutenant Aristote reconnaît que ces biens sont hiérarchisés et la hiérarchie, elle-même, est proportionnelle : c'est-à-dire que tous les biens sont voulus d'une manière subordonnée. Ainsi donc la santé dont nous venions de parler est en vue de la possibilité d'un épanouissement social, l'acquisition du maniement du pinceau est en vue du beau et l'acquisition d'autres techniques pour d'autres fins ultimes. Ces biens sont donc relatifs les uns aux autres, et cela parce qu'il y a une fin suprême, qui est voulue d'une manière absolue. Si le médecin poursuit la bonne santé des citoyens, ces derniers ne peuvent être épanouis que lorsque la paix ou la sécurité leur sont garanties par la force de l'ordre ; une fois en paix et en bonne santé, les citoyens auront encore besoin de la protection contre les intempéries et/ou même de contempler le beau (ce qui relève des travaux de l'architecte, du peintre et du sculpteur). Tout cela c'est en vue d'une fin suprême qui est, pour St. Thomas, le Bonheur ou la Béatitude. Sans cette fin nul de ces biens ne serait subordonné à l'autre et tous auraient la même valeur. Il faudrait, insiste St. Thomas « que tout ce que l'homme veut et désire , soit nécessairement pour sa fin ultime »5(*). C'est pourquoi il condamne les passe-temps, les temps-morts, l'oisiveté qui n'ont aucun désir, ni nécessité, ni finalité dans la vie de l'homme. La norme reste celle de faire du bien l'unique motivation d'agir.

Nous venons de voir plus haut qu' avec Aristote, autant les sciences et les résolutions de l'esprit humain sont diverses, autant les biens recherchés sont multiples. Il reste alors, par souci d'harmonie et de logique, de classer ces biens par ordre. Mais pourquoi un ordre ? Saint Thomas nous aide encore une fois à répondre. Nous ordonnons parce que :

«  le bonheur qui est la fin dernière de l'homme est au sommet des biens, et plus une chose[un bien] est proche de cette fin, plus élevé est son rang parmi les biens humains. Mais le bien le plus voisin de cette fin est la vertu et toute autre chose qui favorise chez l'homme le bon agir grâce auquel il atteint la béatitude; puis c'est le bon comportement de la raison et des activités qui lui sont soumises; après cela, c'est la santé du corps, nécessaire pour la facilité de l'agir; enfin, ce sont les biens extérieurs dont nous usons, comme de modestes auxiliaires pour la pratique de la vertu.»6(*)

Dire que le Bonheur est la fin dernière des tous les biens, on l'a vu plus haut, c'est par relativité et subordination de tous ces biens. Car, comme nous l'avons vu, la médecine étant en vue d'avoir une bonne santé, cela permet l'épanouissement qui, lui-même, permet d'être heureux. De même, la connaissance est en vue de la perfection de l'intelligence qui, elle aussi, permet de jouir de ce qui est connu et cette jouissance rend heureux. Ces exemples peuvent s'étendre à tous les biens et cela nous permet de déduire que les biens prennent leurs valeurs selon leur proximité avec le Bonheur. D'où un désir d'ordre clair, précis et hiérarchisé de ces biens. L'ordre que nous propose Aristote est un ordre naturel car il se fait remarquer toujours ainsi dans toute société selon les genres de vie. Au bas de l'échelle, il y a les plaisirs sensibles ou volupté, qui correspondent au premier genre de vie : la vie de jouissance matérielle. Vient ensuite la gloire et les honneurs recherchés dans le deuxième genre de vie qui est la vie politique et active. Au sommet de l'échelle se trouve la contemplation qui est le bien par excellence et correspond au troisième genre de vie : la vie contemplative ou théorétique.

I.1. 1. La jouissance matérielle

Le bien comme désignant la fin de toute détermination morale est unanimement accepté par tout le monde. De même, l'opinion commune approuve que « vivre bien, agir bien est synonyme d'être heureux »7(*). Ce qui partage les opinions c'est la nature ou l'essence du souverain bien c'est-à-dire du bonheur. A ce sujet, le sage n'est pas d'accord avec le vulgaire : ce qui veut dire que l'idée du bien et celle du bonheur sont conçues selon les genres de vie que l'on mène dans la société.

Le premier genre est la vie de jouissance matérielle. Cette vie est conforme à l'utilitarisme de Jérémy Bentham car elle voit en tout acte le plaisir comme fin dernière car « l'humanité est gouvernée » d'après lui, « par la douleur et le plaisir »8(*). L'alternance heureuse ou malheureuse dépend de l'abondance des plaisirs ou des peines. Ce qui fait que pour Bentham et ceux qui sont à l'aise avec ses idées, la valeur morale d'un acte dépend de la quantité des plaisirs qu'il procure. C'est-à-dire qu'autant un acte produit plus de plaisirs autant il est moral.9(*) Est bien dans ce cas, l'objet qui satisfait l'homme entier, c'est-à-dire l'homme dans sa rationalité et dans sa sensibilité.

Une lecture sérieuse d'Aristote nous montre qu'il n'approuve pas que le plaisir soit la détermination du bien. N'est-ce pas pour cette raison qu'il appelle l'homme des plaisirs un vulgaire ? Et qualifie leur sentiment de servile ? En ses propres termes, il dit :

« le vulgaire et les hommes les plus grossiers l'ont placé [le bien] dans la volupté : aussi préfèrent-ils à tout la vie qui n'offre que des jouissances. On peut regarder comme tout à fait servile ce sentiment du vulgaire, qui donne la préférence à la vie purement animale ; et il ne peut guère mériter qu'on en fasse mention qu'à cause de cette foule d'hommes qui, élevés à la puissance et aux dignités, se montrent asservis aux mêmes passions que Sardanapale* »10(*).

Avant Aristote, Platon s'est insurgé contre la vie des plaisirs. Il en indexe clairement les limites. La plus grande limite étant celle de ne pas permettre à l'homme d'atteindre les plaisirs supérieurs, solides et purs11(*). Identique aux passions, selon l'expression de David Hume, les plaisirs immergent le passionné dans le monde du sensible. L'homme ainsi emporté ne parviendra plus à percevoir la différence entre la réalité et l'apparence, entre la vérité et l'illusion, entre la satisfaction de ses appétits et le sens de sa vie comme l'homme de la caverne dont parle Platon. « Ainsi la passion est le nom même de ce qu'il faut dépasser, comme elle est ce qui retient les hommes dans le monde sensible et les empêche de voir au-delà »12(*). Donc les passions étant une illusion, elles sont un obstacle à vaincre, un défi à relever, une chaîne qu'il faut briser. La raison pensante est la possibilité de dépasser les passions. Il faut que cette raison soit réellement contre les passions et qu'on soit au-delà d'elles, précise M. MEYER, car elles aveuglent celui qui s'y abandonne.13(*) Plaisirs et passions ne peuvent être réfléchis, par la personne même, que par prévention pour ne pas être aveuglé une fois immergé et, à la limite, par confession lorsqu'on a eu la grâce de s'en sortir. Pour Platon, celui qui peut encore sauver l'homme ainsi aveuglé est le philosophe. C'est le rôle du philosophe maintenant de descendre dans la caverne des passions, car il connaît et celui qui connaît doit agir, « pour éclairer et guider les hommes. Le philosophe, libéré de l'opinion, créatrice de tyrannie, est seul capable de diriger les hommes, de leur montrer le bien, de les détourner de ce qu'ils croient faussement être le bonheur et n'en est que l'apparence »14(*). Etant donné que la possibilité de se libérer soi-même, parmi tant des plaisirs, est mise en doute, l'action du philosophe devient plus qu'urgente.

Mais il faut savoir que la vie de plaisir, comme fin, est celle qui est blâmable. Les plaisirs comme moyen et besoin des fonctions vitales sont en quelques sorte nécessaires, nous dit Aristote. Un met délicieux, par exemple, est une nécessité vitale dans le domaine de l'alimentation. Et il est bon. Il se retire de l'ordre des biens suprêmes lorsqu'il est recherché par tous les moyens et est pris comme unique but de tout l'activité de l'homme. On comprend que les plaisirs du corps trouvent leur place juste dans l'accomplissement des fonctions naturelles vitales, pourtant existantes aussi chez les animaux. Ces plaisirs deviennent pires dans l'excès et dangereux lorsqu'ils privent à l'homme les plaisirs spécifiques à son humanité comme l'activité de la raison droite.

I. 1.2. La gloire et les honneurs

La jouissance matérielle dont nous venions de parler est consommation. C'est-à-dire qu'on sent, on goûte le plaisir et on conclut que c'est un bien. C'est l'expérience sensible du bien dans une vie passive. Au dessus d'un tel bien se trouve un autre qui est plus grand. Il s'agit de la gloire et des honneurs. Aristote montre que ce sont les hommes en politique ou dans la vie active qui recherchent les honneurs et la gloire comme biens suprêmes.

Au fait, la vie politique est une vie active et se distingue nettement de la vie pleine de jouissance matérielle. Elle est active car elle comporte différentes actions nécessaires mais qui ne sont que des moyens pour atteindre le souverain bien. Ces actions sont les suivantes : la justice, le droit, la liberté, l'égalité etc. Justice et droit, liberté et égalité ; voilà les biens qui méritent l'estime publique et qui devraient être poursuivis, recherchés par les politiciens car désirés au moins par les sages si pas par tous. Mais on remarque avec Aristote que ces biens sont négligés en politique et même dans la vie active pour ne chercher que les honneurs, les vaines gloires et les puissances hégémoniques. Pourtant pour Saint Thomas : ni les richesses, ni les honneurs, ni la renommée, ni la gloire, ni la puissance, ni quelque bien du corps, ni quelque bien créé ne peut fonder la béatitude15(*).

Supérieurs aux plaisirs charnels, sans doute, la gloire, la puissance (hégémonie) et l'honneur sont des biens que l'homme désire, cherche et peut obtenir dans la vie politique et active. Rechercher et jouir de ces biens est facile car il suffit d'en avoir les moyens pour se les procurer quand et comme l'on veut, mais ils ne peuvent être des souverains biens pour deux raisons. D'une part, ils sont, même en les obtenant et en en jouissant avec succès, des déviations de l'idéal d'une vie politique proprement dite. Ce dernier devrait être la lutte pour la justice et le droit, pour la liberté et l'égalité. C'est-à-dire la gestion de la cité et la promotion du bien-être de tous. Mais l'inclination de l'esprit fléchit cet idéal dans une recherche des intérêts personnels. D'autre part, ces biens ainsi recherchés, ne sont que des moyens pour atteindre des biens supérieurs quelconques et jamais des fins en soi. Qu'on le sache ou pas, qu'on le veule ou pas, gloire et honneur, puissance et hégémonie et tous les biens liés à la vie politique ou active sont en vue d'un résultat extérieur. Le plus souvent c'est en vue du bonheur.

Mais peut-on traiter ce deuxième genre de vie d'irrationnel comme celui des plaisirs et des passions ? Disons immédiatement avec Aristote que ce n'est pas possible parce qu'on ne peut s'imaginer un homme à la conduite de la cité qui soit totalement irrationnel. Le fait même qu'il soit homme et d'un rang social quelconque prouve l'usage et la capacité quelconque d'une certaine rationalité. Seulement que le bien poursuivi n'étant pas totalement conforme à la vertu, cela crée la possibilité d'une entrave de la raison droite. Ceci car, pour Aristote, la partie rationnelle de l'âme est double : « on y distinguera la partie qui possède la raison en propre et par elle-même, et la partie qui entend la raison comme on entend la voix d'un père bienveillant »16(*). Ce qui veut dire que l'âme est source à la fois des activités (comme la contemplation) qui se rattachent plus directement à la partie qui possède la raison en soi et d'autres activités (comme le travail manuel) qui trouvent leur base dans la partie qui obéit à la raison proprement dite. En plus, de ces activités, celles qui se fondent sur la raison en soi sont plus préférables à celles qui n'ont que la possibilité d'obéir à la raison car dans ce processus d'obéissance, on peut se heurter à un empêchement, une entrave liés à l'inclination et à la faiblesse humaine. Les activités de la vie politique et active que nous avions traitées comme deuxième genre de vie font partie de ces activités qui obéissent à la raison. Cela étant, les biens produits de ce genre de vie, bien qu'ils ne soient pas irrationnels, manque la suffisance à soi qu'on trouve dans les activités de la raison propre. Par conséquent ces biens ne sont pas des biens supérieurs dont il est question dans le point suivant.

I.1.3. La contemplation

Dans la hiérarchie des biens existe en dernier lieu, le bien suprême ou souverain bien. Comme pour tous les autres biens dont nous avons déjà parlé, ce bien est aussi lié à un genre de vie : la vie contemplative. Ce genre de vie vient parfaire, à la fois, celui de la jouissance matérielle et celui de la vie politique et active dévaluées, pour donner place à un bien plus noble et qui, pratiquement, mérite ou du moins mériterait l'estime de tous. Mais qu'est-ce que le souverain bien ?

Sans penser à une confusion des termes, nous utilisons souverain bien, bien suprême, bien (comme fin) en soi, l'un à la place de l'autre comme ne cesse de le faire Aristote dans ses ouvrages d'éthique. Tandis que le kantisme place le sens du souverain bien dans «  l'objet qui satisferait toute faculté de désirer d'êtres raisonnables finis »17(*) ; Aristote pense que le bien suprême s'entend en plusieurs sens mais tous renvoient à la même chose, comme nous venons de le dire au début de ce point. De tous les sens, nous retenons que le souverain bien est celui qui est conforme à la vie contemplative. D'autres propositions comme celle de l'idée du bien ne sont pas à rejeter, mais on doit prendre une certaine distance à leur égard.

Les propositions de l'idée du bien traduisent le sens du souverain bien de cette manière : «  Le souverain bien est le bien en soi. Le bien en soi est : a) le premier des biens, b) la cause finale et efficiente des biens. Le bien en soi est donc identique à l'idée du bien, le souverain bien est donc l'idée du bien18(*) ».

C'est pourquoi Aristote critique, quelque peu, les termes idées du bien qui proviennent de Platon et selon lui, l'idée du bien comme toutes les autres idées, est séparée des hommes participants à ce bien. Pour dire que pour lui, le bien en soi doit être une activité de l'homme, ce dernier étant le participant direct à ce bien. Le bien suprême n'est pas une idée comme toutes les autres idées de la doctrine platonicienne car dans ces dernières, l'action de l'homme est absente. Ayant lu Aristote, Saint Thomas a établi de sa manière la hiérarchie des biens, en considérant qu'il existe les biens utiles (bonum utile) qui sont cherchés et utilisés toujours comme des moyens, les biens agréables (bonum delectabile) qui sont recherchés pour les plaisirs et l'agrément qu'ils procurent et enfin, les biens honnêtes (bonum honestum) qui sont recherchés, voulus et aimés pour eux-mêmes ; le jugement y reconnaît une vraie perfection pour l'homme, ce sont ces biens qui sont aimés par la raison. C'est la fin de la recherche morale de tout être humain et donc le Souverain Bien19(*). Cette activité propre à l'homme [et un bien en soi] est l'activité théorétique ou contemplative comme l'appelle Aristote lui-même. Si le souverain bien est le bien par excellence, d'où trouve- t-il sa source ? C'est à cette question que nous voulons répondre dans le point suivant.

I.2. LA VERTU COMME SOURCE DU BIEN EN SOI

De prime à bord, commençons par comprendre ce que dit Aristote des vertus en général. Dans son deuxième livre de Ethique à Nicomaque, Aristote distingue les vertus intellectuels des vertus morales. Les premières naissent de l'intelligence ou de la pensée et les secondes de l'habitude ou du caractère20(*). Parmi les vertus intellectuelles, on trouve la philosophie comme vertu de l'intellect spéculatif et la sagesse comme vertu de l'intellect pratique. Philosophie et sagesse que nous englobons dans le terme contemplation sont donc des activités de l'intellect bien distinguées et qui peuvent être subdivisées en deux : d'une part, les activités servant à produire des résultats extérieurs à elles-mêmes et d'autre part, les activités immanentes c'est-à-dire qui ne sont faites que pour elles-mêmes, trouvent leur fin et leur achèvement en elles-mêmes. On comprend que le bien en soi, étant une des activités immanentes, trouve sa source dans les vertus intellectuelles et forme le troisième genre de vie qui est la vie contemplative.

Revêtue d'un sens laudatif chez Platon et d'un éloge particulier chez Aristote, l'activité contemplative est non seulement un acte mais aussi une vie. Elle participe et donne sens aux autres genres de vie cités plus haut. « La contemplation, ici évoquée par Aristote, n'est pas une méditation pure comme l'indique la connotation religieuse mais une activité de recherche rationnelle des principes premiers ».21(*) En effet, Aristote affirme que « l'activité de l'intellect qui s'enquiert des principes suppose une application plus sérieuse ; il n'a pas d'autre but que lui seul, et il porte avec lui son plaisir qui lui est exclusivement propre, et qui augmente encore l'intensité de l'activité »22(*).

L'activité de l'intellect est donc le bien parfait car, la raison droite est pleinement en action et ne se heurte à aucune entrave. En plus, elle est une activité immanente c'est-à-dire contient sa fin et se suffit à elle-même. Enfin, elle est une activité conforme à la vertu la plus haute. C'est-à-dire l'activité de la faculté par laquelle l'homme participe au divin. Cette faculté est l'usage de l'intellect qui est propre à l'homme. Ainsi l'homme, par l'usage de la raison, participe à la vie divine. Selon Aristote, c'est de cette manière que l'homme s'immortalise en faisant tout pour vivre selon la raison droite. Cette partie la plus noble qui existe en lui fait que « la vie selon l'intellect, [(vie contemplative ou théorétique)] est aussi la vie la plus heureuse que l'homme puisse mener »23(*). Elle est le souverain bien, le bien suprême, le bien en soi, la source des autres biens car il est supérieur au reste.

Conclusion partielle

Dans cette première partie de notre travail, nous avions voulu chercher ce que les hommes appellent bien. Aristote, tout au départ, nous montre qu'il existe plusieurs biens selon les genres de vie qu'on mène dans la société. Nous les avions classé dans un ordre hiérarchique selon leurs valeurs pour permettre à tout le monde de distinguer ces biens pour en faire bon usage. Nous avons découvert, par nos recherches, qu'Aristote souligne l'indignité du premier type des biens, l'insuffisance du second et fait l'éloge du troisième type comme souverain bien.

Le bien dans la vie de jouissance matérielle se rapporte aux plaisirs du corps. Etant, naturellement, des besoins du corps, tout homme y est porté instinctivement à l'instar de l'animal. Ce bien est donc indigne. Dans la vie politique et active, ce sont les honneurs et la gloire qui sont considérés comme des biens. Mais ces biens servent des moyens pour un bien supérieur et sont des déviations de l'idéal d'une vie politique et active vraies. Ces deux types de biens sont de valeurs différentes car le bien de la vie active est supérieur à celui des jouissances matérielles. La contemplation est le troisième bien. Elle est une activité conforme à la vertu la plus haute qu'on identifie au souverain bien, au bien par excellence.

Si, d'après Aristote, la contemplation est l'activité qui permet d'atteindre le bonheur, comment pouvons-nous déterminer cette activité ? Nous voulons en d'autres termes nous interroger sur les principes qui régissent cette activité intellectuelle. La réponse à cette interrogation constitue le chapitre qui suit.

CHAPITRE DEUXIEME : LES PRINCIPES DE L'ACTIVITE RATIONNELLE

Ce qui distingue la culture intellectuelle du sens commun c'est la faculté d'élever une question posée au niveau d'un principe... W. Heisenberg*

Préambule

En philosophie morale l'étude de l'activité humaine consiste à chercher les causes, les caractéristiques et la finalité des actions. Chercher les causes c'est aller à la source d'une ou de toutes les actions que pose l'homme et découvrir le moteur intérieur ou extérieur de l'agent. Dans physique III et V, Aristote montre que les actions sont principalement des processus. Or tout processus implique un début, une pleine réalisation et une fin. Connues comme telles, les actions humaines ont une fin, celle de passer d'un état inférieur à un état supérieur supposé meilleur. Ce passage peut être quantitatif ou qualitatif c'est-à-dire un avoir plus, un savoir plus, un valoir plus, un pouvoir plus, un être plus, un devenir d'avantage soi-même en rapport avec son milieu de vie et son époque. Tout cela, c'est autant de biens qui sont l'idéal d'une activité humaine bien menée. Cet idéal, fin ultime de toute action humaine, nous l'avons précédemment nommé bonheur dans le sens qu'il est supérieur à tous les autres biens dans l'ordre naturel des biens.

Les caractéristiques des actions humaines, quant à elles, nous permettent de distinguer, parmi ces actions, les bonnes des mauvaises. Elles sont des conditions de possibilité et de nécessité de ces actions. Elles déterminent les manières concrètes par lesquelles ces actions se réalisent. Aristote appelle ces caractéristiques : principes éthiques. Et ce qui est principe des biens recherchés doit être, selon lui, quelque chose de profondément respectable et de divin24(*). Ces principes peuvent être psychologiques, physiques ou éthiques et permettent d'identifier et de distinguer non seulement les bonnes actions des mauvaises mais aussi les rationnelles des non rationnelles. Distinguer les actions bonnes des mauvaises n'est pas une recherche assez formelle et pour cela nous laissons cette tâche au bon sens de chacun. Ce qui nous reste c'est de distinguer l'activité rationnelle de ce qui ne l'est pas en se basant sur les principes éthiques qui la fondent. Pour réaliser cette tâche, nous devons passer à l'étude des principes : seuls et simples moyens de classifier et de déterminer ce que sont les actes humains rationnels en tant qu'ils ouvrent sur le bonheur. Le bonheur en tant que tel n'est pas aussi recherché par des actions isolées mais par un ensemble d'actes humains coordonnés appelés activité. Cette activité doit être non seulement humaine mais aussi rationnelle.

La principale question de ce chapitre cherche à savoir ce que sont les principes de l'activité rationnelle. L'hypothèse la plus évidente nous présente la volonté et la liberté comme principes fondamentaux qui régissent l'agir rationnel. Dans ce chapitre, il ne s'agit pas seulement de citer ces principes mais aussi d'analyser ce qu'ils sont réellement et de chercher d'autres qui leur sont secondaires dans la détermination de l'agir rationnel.

II.1. LA VOLONTE

Elle est, selon André Lalande, la « forme de l'activité personnelle qui comporte, sous sa forme complète, la représentation de l'acte à produire, un arrêt de la tendance à cet acte, la conception des raisons pour l'accomplir ou ne pas l'accomplir, le sentiment de la valeur de ces raisons, la décision d'agir comme elles l'indiquent et l'aboutissement à l'exécution ou à l'abstention définitive ».25(*) Nous en déduisons simplement qu'elle est une faculté de se déterminer librement par une décision conforme à son intention et se manifestant dans l'agir.

Dans ses traités de morale, Aristote aborde le principe de volonté dans les actions humaines en différenciant le volontaire de l'involontaire26(*). « On peut regarder comme involontaires, dit-il, toutes les choses qui se font ou par force majeure ou par ignorance »27(*). Sont faites par force majeure, les actions dont la cause est extérieure de telle sorte que l'être qui agit ou celui qui subit l'action ne contribue en rien à cette cause. On accepte de faire ou de subir des telles actions uniquement par nécessité. Les actions faites par ignorance sont celles qui causent de la peine soit à l'agent soit celui qui subit l'action et entrainent correction ou repentir lors de la reconnaissance28(*). Quant à l'acte volontaire, il est, selon Aristote, « l'acte dont le principe est dans l'agent lui-même, qui sait en détail toutes les conditions que son action renferme ». C'est agir avec plein droit, exprès, avec un bon coeur et en assumant ses responsabilités29(*). Pour Aristote l'agir volontaire comme principe d'une activité rationnelle implique la coordination des trois moments qui se succèdent temporellement : le souhait, la délibération et le choix définitif.

A l'origine de toute action il y a un souhait de ce que l'on voudrait réaliser : c'est le premier moment de cette activité. Le souhait porte sur le but ou le télos. Le souhait raisonné a pour objet le but envisagé. Mais quel but ? Selon les analyses d'Aristote, on peut souhaiter aussi bien l'impossible que le possible. Ainsi, on peut souhaiter, par exemple, ne jamais mourir comme on peut souhaiter être en bonne santé. Aristote ajoute que le but qu'envisage l'individu dans l'exécution volontaire, s'il est toujours axé sur le bien, peut, néanmoins, être soit un bien réel soit un bien illusoire.30(*) Pour ce qui concerne l'agent, l'activité rationnelle n'est souhaitée que par celui qui l'admire. L'agent souhaite autant de choses mais délibère seulement sur ce dont il a le pouvoir de réaliser.

Le deuxième moment est celui de la délibération sur les moyens utilisables et la possibilité de réaliser le but envisagé. C'est le moment de l'examen des conditions de possibilité de la réussite ou de l'échec de l'activité. D'une part, on délibère sur ce qui dépend de nous et que nous pouvons réaliser ; d'autre part, on ne délibère pas sur les fins elles-mêmes mais seulement sur les moyens d'atteindre ces fins. La délibération consiste à chercher les moyens convenables de réaliser une fin préalablement posée par le souhait. L'embarras qui surgit souvent lors de la délibération est la pluralité des voies qui s'ouvrent mais dont aucune ne nous assure une issue parfaite. La délibération consistera, dans ce cas, à combiner les moyens les plus efficaces possibles en vue des fins réellement réalisables.

Le choix décisif est, enfin, le troisième moment de l'action volontaire. Le choix n'est pas la délibération. Le choix vient seconder la délibération lorsqu'elle se heurte à la pluralité des voies ou des moyens à utiliser. Le choix décisif est encore appelé décision réfléchie. La décision réfléchie est certainement quelque chose de volontaire mais elle n'est pas la volonté elle-même. La décision réfléchie n'est pas non plus appétit, ni emportement par ce qu'on aime ; elle est plutôt le contraire de tout cela31(*). C'est pourquoi, en paraphrasant Aristote, nous pouvons la définir comme : une résolution préméditée et accompagnée des raisons d'agir et des pensées discursives qui indiquent le choix porté sur certaines choses préférables à certaines autres32(*). La décision réfléchie est celle qui détermine les actions mêmes de l'agent, permet d'apprécier les qualités morales et d'attribuer à l'agent la responsabilité de ses actes. Pour Aristote, elle ne peut être que le propre de l'homme vertueux et tempérants et non des êtres sans raison. Ce qui fait que l'homme qui s'adonne à l'activité rationnelle doit nécessairement être vertueux et tempérant pour la mener à bonne fin.

Sous l'inspiration apparente d'Aristote, Gilbert MURY et Timmy ORIOL [philosophe et professeur de philosophie] présentent l'activité rationnelle comme une structure assez complexe dans le cas où elle est soumise à la volonté. L'activité rationnelle doit donc obéir à un processus détaillé de l'acte volontaire. Ce processus part de la conception d'un plan d'action à la délibération, de la délibération à la décision et de la décision à l'exécution. Ce processus ainsi détaillé semble être une actualisation de celui élaboré par Aristote comprenant seulement le souhait, la délibération et le choix. En considérant que l'activité de l'homme peut avoir des causes externes et internes, ces philosophes proposent avant tout une définition plus reformulée de la volonté et la considèrent comme « une forme supérieure de l'activité intentionnelle qui utilise les forces, les mécanismes et les savoirs de la personne pour promouvoir, soit par l'exécution d'un acte, soit par la résistance à l'impulsion, une fin librement choisie dont elle a reconnu la valeur 33(*)».

Cette définition est complexe. Il vaut mieux l'analyser pour comprendre l'impact de la faculté de la volonté sur l'activité rationnelle. Une double fonction de la volonté se remarque d'emblée dans cette définition : celle de permettre l'exécution d'un acte et celle de résister à une impulsion. C'est en ceci que consiste toute l'activité de la volonté : d'une part, ouvrir la route aux mécanismes physiques, psychiques et intellectuels pour agir et d'autre part, leur barrer la route en cas de nécessité. Cet exercice implique donc un processus qui comprend les étapes suivantes : la conception d'un plan d'action, la délibération, la décision et l'exécution.

II.1.1. La conception du plan d'une activité rationnelle

Concevoir un plan d'une activité rationnelle c'est poser les conditions de possibilité de cette activité et sa nécessité tant sur le plan personnel que collectif, sur le plan subjectif tout comme sur le plan objectif. A cette étape on met en place le(s) but(s), les motifs ainsi que toutes les conséquences possibles envers soi, envers l'autre et envers la nature.34(*) Sur le plan moral, c'est la prise de conscience du but à atteindre et les moyens à utiliser. Ainsi pour l'activité intellectuelle le but devra être réellement réalisable avec des résultats effectifs ou non. Les moyens resterons humains ou spirituels et pas automatiques35(*). La connaissance du but et des moyens préalables suppose déjà une certaine réalisation du processus mais cela ne suffit pas, il faut, en plus, un effort de délibération.

II.1.2. La délibération

C'est un examen approfondi du pour et du contre sur ce qui concerne le plan déjà conçu. La délibération complète la conception du plan d'activité et sépare les fins réalisables des non réalisables : il y a ainsi résistance de la volonté pour les non réalisables et approbation favorable pour ceux qui ont plus de possibilité d'être réalisés. L'effort à fournir dans le déclanchement de cette activité consiste à résister ou du moins, à éviter tout empêchement dans le processus de réalisation de l'activité.36(*) Pour Aristote, cet effort consiste aussi dans le fait d'éviter tout excès et tout défaut en se maintenant dans le juste milieu car l'excès et le défaut sont contraire à la perfection. Par rapport aux actions, l'excès est une erreur et le défaut est sujet de blâme ; au contraire, le juste milieu obtient des éloges et le succès s'y trouve. L'excès et le défaut sont les caractères du vice tandis que le juste milieu est le caractère de la vertu.37(*) Voilà ce sur quoi la délibération porte en ce qui concerne l'activité rationnelle.

II.1.3. La décision

Une activité intellectuelle se réalise volontiers quand elle est faite sur décision personnelle et libre. La décision est l'achèvement non de l'action mais de l'étape de conception. C'est après analyse et comparaison des motifs, de proportions entre les valeurs des faits, qu'on se résout de choisir les seuls faits réalisables. A partir de la décision (finale), on peut déjà tracer un calendrier ou programme d'action qui peut s'étendre soit sur une partie de la durée d'exécution soit sur toute la durée de l'exécution d'une activité38(*). Nous avons déjà parlé assez longuement de la décision réfléchie chez Aristote tout comme chez certains autres philosophes, mais elle n'est pas la fin du processus.

II.1.4. L'exécution de l'activité rationnelle

L'exécution reste toujours oeuvre de la volonté. C'est l'engagement des énergies, des moyens, des mécanismes préconçus pour réaliser la décision prise. L'exécution est d'une importance capitale car on ne sait que quelqu'un a voulu réellement quelque chose que lorsqu'il la réalise39(*). Le désir de réaliser la satisfaction attendue doit être permanant. Ce désir reste en éveil de façon à revivifier les efforts fournis et stimuler de les redoubler si c'est nécessaire. Il est aussi important qu'intervienne concrètement la faculté de l'intellect avec le rôle de proportionner les moyens utilisés à la valeur supérieure accordée à la fin visée. La faculté de l'intellect permet aussi d'identifier les fins secondaires qui s'attachent à la fin dernière et celles qui s'y opposent et par conséquent les sacrifier pour l'unique fin suprême. Sacrifier certains objectifs pour d'autres plus meilleurs permet d'éviter l'encombrement et libère l'esprit dans la réalisation de toute activité. Une spécificité pour l'activité de l'intellect ou activité contemplative (telle que l'appelle Aristote), ce qu'elle est, elle-même sa satisfaction, elle n'a pas d'autre fin que son exécution, ce qui fait d'elle l'activité la plus parfaite des toutes les activités de l'homme40(*).

On peut noter que ces phases ou étapes sont ainsi découpées et chronologiquement arrangées pour une activité rationnelle spécifiée car pour des simples activités quotidiennes, bien qu'ils nécessitent l'usage de la raison soumise à la volonté, ces phases se confondent, se combinent mais ils ne sont pas dépassées. L'écart chronologique et distinctif devient minime et difficile à repérer. Cela s'observe par exemple lorsqu'il s'agit d'une réaction contre ou en faveur d'une autre action. La réaction est souvent simultanée, prompte et dépend des habitudes, des circonstances et des expériences personnelles. Il est donc difficile de repérer dans la réaction la phase de conception ou celle de délibération,... car il y a eu synthèse.

II.1.5. La volonté et l'idée du bien

Dans l'introduction de notre premier chapitre portant sur l'ordre naturel des biens, nous avons montré qu'avec Aristote l'homme moral est celui qui tend toujours vers le bien et évite le mal. C'est-à-dire que « l'acte volontaire est un acte éclairé par l'idée du bien »41(*). L'acte mauvais, lui, résulte de la confusion et de l'ignorance. C'est pour cela que Socrate dit « Nul n'est méchant volontairement ». Descartes soutient une thèse identique à celle de Socrate en disant que : notre volonté ne se portant à suivre ni à fuir aucune chose que selon que notre entendement la lui représente bonne ou mauvaise, il suffit de bien juger pour bien faire. Mais on peut se poser la question : la volonté est-elle toujours bonne ? Nous avons vu dans le chapitre précédent que les biens dépendent des genres de vie que l'on mène dans la société. Le bien peut s'identifier soit à la jouissance matérielle, soit aux gloires et aux honneurs, ou à la contemplation42(*). Cela fait que la volonté peut se pencher vers un bien illusoire, de moindre valeur ou carrément vers un vice selon l'extrême diversité des tendances des genres de vie. Aristote l'a bien précisé lorsqu'il dit qu'on ne peut pas dire que le vice n'est pas volontaire, c'est oublier que ce que nous avons fait par un choix libre et raisonné, il dépendait de nous de ne pas le faire ; c'est méconnaitre l'homme comme principe et père de ses oeuvres.43(*)

La volonté est naturellement tournée vers le bien mais souvent elle rencontre des empêchements de réaliser fidèlement sa tâche. Le grand génie malin contre la volonté c'est la force des sentiments, des tendances et des passions. Cette force s'en prend surtout aux raisons d'agir les plus évidentes. Il est évident par exemple que fumer c'est préjudiciable à la santé et tout fumeur est souvent persuadé du danger que présente le tabac. Il dit souvent qu'il voudrait cesser de fumer mais sans jamais y arriver.

Baruch Spinoza montre que sur le terrain de la lutte contre le désir, terrain de vérité pour la volonté humaine, l'intelligence seule est impuissante44(*). Les sentiments doivent être combattus, s'il le faut, non par des pures abstractions mais par d'autres sentiments contraires et plus intenses. L'intelligence reste avec le rôle d'éclairer, convaincre car elle est incapable de contraindre et de vaincre les sentiments et les tendances.

La faiblesse de la volonté ainsi prouvée ne concerne que la volonté et non l'activité rationnelle en général. La volonté trouve d'entrave devant les évidences sentimentales et est obligée d'en créer d'autres plus intenses et plus vertueux pour s'en sortir mais pour l'activité rationnelle et le processus par lequel elle se réalise, la volonté est maîtresse. Bien qu'elle soit maîtresse, la volonté comme principe de l'activité de l'intellect a besoin d'un second principe qui lui est presque semblable : la liberté.

II.2. LA LIBERTE MORALE

La liberté morale ou liberté intérieure reçoit souvent des définitions variées selon les doctrines éthiques. On peut généralement la comprendre comme le « fondement ontologique de la conscience individuelle en tant qu'elle se connait par l'action », ou par des mots plus simples, « possibilité de choisir effectivement entre plusieurs actions conformément à leur nature et à leur suite »45(*). En ce sens, l'esprit subjectif est libre indéfiniment. C'est-à-dire que l'homme libre est dans ce cas celui qui a simplement la capacité de faire ou de ne pas faire quelque chose sans autre intervention que seule de sa propre volonté. La liberté se confond donc au libre arbitre, mais au risque de se nier elle-même, car dans ce cas très général, elle reste suspendue, toute décision extérieure devenant une atteinte à elle. Or, même selon le sens commun la liberté n'est pas toujours totale ou neutre, elle peut parfois accepter une prédestination ou un déterminisme. C'est le même cas pour l'activité rationnelle lorsqu'elle souscrit à la liberté comme principe.

Parlons maintenant de la liberté comme principe de l'activité rationnelle chez Aristote. La liberté a, chez Aristote, un accent à la fois morale et politique. Elle se présente comme un défis à relever par l'homme vertueux tout comme par l'homme vulgaire. C'est le libre-arbitre où chacun est libre de faire ou de ne pas faire le bien ou le mal. C'est là que la liberté est un défis car pour le stagirite « si faire le bien ou le mal dépend de nous seuls, ne pas faire le bien ou le mal en dépend tout aussi complètement » et c'est là qu'on entend également par être bons ou mauvais en parlant des hommes.46(*) Le risque le plus périlleux lors de la confrontation de ce défis, ce que chacun agit souvent en croyant qu'il fait du bien. Pourtant Aristote nous averti déjà de distinguer le vertueux du vicieux par leurs actes : l'homme vertueux voit le vrai dans toutes les choses « parce qu'il en est comme la règle et la mesure » et c'est là « sa plus grande supériorité. Mais pour le vulgaire, l'erreur en général vient du plaisir, qui parait être le bien sans l'être réellement. Le vulgaire choisit le plaisir qu'il prend pour le bien ; et il fuit la peine, qu'il prend pour mal »47(*). Etre vertueux alors est un acte de vérité fait en liberté mais surtout qui nous rend plus libre. Ne disons-nous pas souvent que « la vérité nous rendra libre » ? En abordant un autre aspect, nous pouvons voir que la liberté est attachée au " faire ", à l'agir humain. Lorsque les hommes interagissent, la liberté dont il s'agit n'est plus seulement intérieure, elle revêt encore le caractère moral mais s'y ajoute l'aspect politique. Dans ce cas la liberté se définit comme : un pouvoir ou possibilité d'agir dans une société organisée selon sa propre détermination, dans la limite des règles. L'activité rationnelle de l'homme dans son interaction avec l'autre, avec la nature ou avec le transcendant devra donc tenir compte de cet autre principe qu'est la liberté vue sous différentes acceptions.

Mais qu'il s'agisse de la liberté au sens moral ou au sens politique, au niveau individuel ou collectif, elle n'est jamais totale ou définitive. Nous l'avons dit précédemment en passant, qu'elle accepte parfois une certaine prédestination ou un certain déterminisme naturel ou social. Lorsqu'elle est morale et ne concerne qu'un seul individu, la liberté suit par exemple la voix de la conscience qui appelle souvent à la responsabilité, à accomplir son devoir et surtout à être vertueux. Quand elle concerne une collectivité, la liberté va de paire avec la loi, la norme ou la contrainte sociales.

II.2.1. La liberté et la norme morale

La liberté humaine est nécessaire pour la réalisation de l'activité rationnelle et de la personne elle-même. C'est pour cela d'ailleurs qu'Aristote dit clairement qu'un homme qui n'est pas libre ne peut devenir ni vertueux ni heureux48(*) et pour cela aussi nous avons classé la liberté parmi les principes de l'activité rationnelle qui est elle-même presqu'identique à la vie heureuse. La liberté est également la condition sine qua non d'un fait moral car s'il n'y pas de liberté, il n'y a pas non plus de responsabilité. C'est grâce à la liberté que l'homme échappe, en partie, au déterminisme cosmique et émerge du monde de la nécessité pour devenir protagoniste de créativité et de nouveauté humaine dans la nature et dans l'histoire. C'est dans cette liberté créatrice et inventive qu'on découvre que certaines personnes ont une liberté penchée spontanément vers le bien et d'autres vers le mal49(*).

Comme nous parlons de l'activité rationnelle, nous pouvons ajouter que la liberté ainsi appréhendée, tend souvent à conduire la raison vers l'excès. L'homme par sa raison (libre) cherche à créer du nouveau, d'où l'essor de la nouvelle technologie, de la science moderne, jusqu'à essayer des expériences interdites (comme le clonage). A la suite de ce constat, évoqué aussi par Aristote de manière particulière, surgit le désir d'établir l'équilibre par la contrainte qui arrache à la liberté sa toute puissance, sa souveraineté absolue et lui suggère un certain équilibre. Par la présence de la norme, la personne humaine bien qu'il soit toujours libre est désormais interpellée, du dehors comme du dedans d'elle-même, par une pluralité de devoirs, de valeurs, d'obligations, de préceptes, de dispositions, de règlements,... qui l'encadrent, la délimitent et la conditionnent. La norme, si elle est morale, ne doit pas être contradictoire à la liberté mais doit la compléter et le fruit de leur rapport est harmonie dans la société. La liberté fleurit, s'épanouit et se renforce en répondant positivement aux sollicitations de la norme.

Dans la norme morale Emmanuel Kant distingue l'impératif catégorique et l'impératif hypothétique. L'impératif catégorique est un commandement de la moralité tandis que l'impératif hypothétique est un ensemble de règles de l'habilité ou de conseils de la prudence. Pour Kant, l'homme, par sa raison, doit parvenir à se donner de maxime valant en même temps comme principe d'une législation universelle et sa volonté pure de tout penchant sensible, ne peut qu'obéir à cette maxime50(*). Il y a donc distinction entre la norme interne ou individuelle et la norme externe ou loi positive. Mais toutes deux doivent être morales. Pour qu'une norme soit morale, elle doit se présenter comme une interpellation intérieure qui s'adresse à la liberté pour la solliciter à assumer des responsabilités vis-à-vis de l'existence individuelle et de la vie sociale en lui laissant la possibilité de donner une réponse libre sans la forcer ou se substituer en elle.

Tandis que le rôle du politique est de rendre les citoyens vertueux et dociles aux lois51(*), souvent on rencontre le contraire car les lois semblent peser. La pluralité des contraintes sociales, des lois positives, des interdits et surtout la force obligatoire de la loi positive perd souvent le sens du rapport entre liberté et norme morale. Cette force de la loi positive est souvent à l'origine des attitudes éthiquement erronées et inadéquates comme le légalisme, le fanatisme, le laxisme, l'opportunisme qui corrompent la personnalité humaine. L'unique attitude morale positive en face de l'inadéquation des lois positives reste l'obéissance responsable. Elle consiste à chercher à atteindre, au dessus du revêtement légal, les valeurs morales qui appellent à être assumées et vécues, en vue d'une ultérieure croissance humaine, personnelle et communautaire. Mais à dire vrai, cette obéissance n'est possible que sous l'influence d'une conscience personnelle droite et bien formée.

II.2.2.Liberté et conscience personnelle

Au sens le plus populaire, la conscience est une voix intérieure qui règle, mesure d'en haut ou du dedans nos pensées, nos intentions, nos actions et toute notre conduite. Elle se trouve, dans ce sens, suspendue entre la liberté individuelle et la détermination naturelle humaine. La conscience comme faculté de juger, réalise sa tâche en trois moments de l'activité humaine. Avant l'activité, la conscience fournit une morale intérieure spontanée ou critique qui s'apprête à assumer librement toutes les attentes et les éventuels résultats de l'activité. Elle analyse, reconnaît le devoir à accomplir sans oublier la vertu à vivre constamment. Pendant l'activité rationnelle, la conscience semble être au degrés le plus élevé de son travail. Elle fait une analyse progressive de l'action et de toute situation qui permet de dégager les valeurs. Elle stimule l'engagement et l'éventuelle responsabilité. Une fois que l'activité est accomplie, la conscience exprime la satisfaction du devoir accompli et se responsabilise l'acte52(*).

Mais il faut indiquer que la conscience est une faculté de porter des jugements de valeurs morales sur ses propres actes. Ce qui fait que lorsque le jugement a été spontané ou moins critique ou encore s'il y a eu erreur dans le jugement et que les résultats de l'action soient mauvais ou du moins contraires à ce qui était attendu, la conscience suscite naturellement une certaine condamnation rétrospective qui se transforme soit en regrets, soit en remords et peut conduire, si besoin il y a, au repentir53(*). C'est pourquoi il est nécessaire de suivre toujours et à tout prix, la voix de sa conscience - si elle n'est pas erronée - car elle est la faculté innée qui nous donnerait le moyen de reconnaitre, sans risque d'erreur, le bien et le mal. Une autre suggestion est de pouvoir contrôler sans cesse l'état de sa propre conscience et ses inclinations et voir si elle est vraiment au service permanent du bien.

Conclusion partielle

La recherche faite aura satisfait quelque peu au dessein que nous nous sommes proposé dans ce chapitre : celui de chercher les principes de l'activité rationnelle. Les présupposés de cette recherche étaient de prendre comme principes de base la volonté et la liberté et chercher à y joindre d'autres principes complémentaires pour fonder solidement l'activité rationnelle. En définissant la volonté sous plusieurs approches, nous avons découvert qu'elle est, quelle que soit l'approche, un processus qui comprend plusieurs étapes qui sont à la fois des fonctions de la volonté au cours de l'activité rationnelle. Ces étapes sont les suivantes : la conception du plan, la délibération, la décision réfléchie, l'exécution du projet d'activité. La volonté sert, en plus, à éclairer l'homme sur l'idée du bien (en parlant du bien et du mal).

Le deuxième principe fondamental de l'activité rationnelle est la liberté, sans laquelle l'action de l'homme ne peux être dit vertueux ni revêtir une autre valeur morale. Dans l'excès ou dans le défaut de la liberté, intervient un troisième principe mais qui est secondaire : la contrainte qui peut être soit individuelle (norme morale), soit sociale (loi positive). L'autre principe secondaire est la conscience morale. Elle sert à suppléer aux incohérences entre liberté et pluralité des normes pour responsabiliser la personne sur l'idéal qui doit l'attirer, le devoir à accomplir et le bonheur attendu d'une vie vertueuse. L'activité rationnelle ainsi fondée sur des principes à la fois moraux et rationnels est l'activité humaine la plus parfaite et par conséquent ouvre sur le bonheur. Il reste à déterminer, et c'est la tâche principale du chapitre suivant, les principales voies qui mènent directement au bonheur tel que présenté par Aristote.

CHAPITRE TROISIEME : LA VOIE RATIONNELLE DU BONHEUR

« Assurer son bonheur est un devoir ; car le fait de ne pas être content de son état, de vivre pressé de nombreux soucis et au milieu de besoins non satisfaits pourrait devenir aisément une grande tentation d'enfreiner ses devoirs »54(*).

Préambule

Après deux pas gigantesques de notre démarche, celui d'identifier le souverain bien dans l'ordre naturel des biens et celui de chercher le fondement de l'activité rationnelle, respectivement premier et deuxième chapitre, le troisième pas veut, enfin, nous rassurer sur la voie rationnelle du bonheur. Ce chapitre est un aboutissement de ces deux premiers esquisses car logiquement, il ne suffit pas de savoir le bien suprême et de pratiquer l'activité la plus parfaite mais il faut aussi et surtout atteindre le bonheur comme fin suprême et conséquence logique de ce savoir et de cette pratique.

La vie de l'homme de tous les temps est pleine d'inquiétudes portant sur son existence. Chacun se pose et se repose des questions sur le sens de la vie, le sens de l'existence, le sens du mal et sur le sens de l'au-delà etc. Toutes ces questions font que l'homme désire vraiment une vie meilleure. Mais, ce qui est étonnant c'est que ce désir du bonheur fait naître encore d'autres inquiétudes . Ce sont ces inquiétudes au sujet de la vie heureuse qui font que l'homme ne sait pas au juste quelle voie pourrait le conduire convenablement au bonheur.

Pour ne pas embrasser un sujet trop large qui porterait sur l'ensemble de la vie et ses inquiétudes, nous avons choisi seulement d'élaborer, à partir d'un support aristotélicien, les luminaires sur le désir du bonheur et sur l'inquiétude existentielle liée à ce désir avant de proposer la voie jugée convenable pour atteindre le bonheur. Cette voie est celle de la raison que nous, en lisant à fond Aristote, avons abordé en deux aspects : l'aspect pratique et l'aspect théorétique. Cette même lecture nous conduit à considérer le bonheur aristotélicien comme étant un bonheur intégral.

III.1. Le désir du bonheur et l'inquiétude existentielle

On s'est avisé de dire au début de notre travail, comme au début de l'Ethique à Nicomaque, que la poursuite du bonheur est une fin universelle à la nature humaine. Tous les hommes, on le constate dans leurs actions, recherchent d'être heureux. Cela parait comme un désir inné qu'on ne peut assouvir, ni par la souffrance ni par la jouissance heureuse car étant sans bonheur on désire être heureux, devenu heureux on désir le rester pour toujours.

Aspirer au bonheur implique la connaissance de ce bonheur. Car, comme le pense Thomas d'Aquin, «l'homme à qui il appartient d'agir pour une fin, n'agit jamais pour une fin qu'il ignore » 55(*). Agir pour une fin donnée, c'est diriger son action vers cette fin et cela est l'oeuvre de raison à tel point qu'on ne peut l'attribuer aux êtres sans raison.

Mais, du fait que cette fin peut être confondue, nous nous sommes fait cette peine dans le premier chapitre d'orienter ceux qui se tromperaient sur ce sujet et nous avons montré que les plaisirs, les richesses, les honneurs, et les gloires sont des pseudo-biens, ils ne suffisent pas à eux-mêmes et sont extérieurs à la nature humaine spécifique. Le seul bien susceptible de nous satisfaire restait le « souverain bien » qui est une activité conforme à la raison. C'est l'activité de l'intellect qui est ce bien inaliénable car, contrairement aux pseudo-biens, elle se suffit à elle et est spécifique à la nature de l'homme raisonnable. Il y a donc un lien vécu entre la poursuite du bien et la quête du bonheur surtout car de tous les biens, le plus parfait se nomme bonheur56(*).

Il faudrait aussi nuancer cette approche de la quête du bonheur en évitant tout eudémonisme pur et strict et s'approcher du côté du coeur de la morale : celui de remplir correctement son devoir et attendre sa fin ultime qui est la béatitude ou le bonheur accomplissant l'homme dans toutes ses dimensions.57(*) Même si nous avions dit que tout homme désire le bonheur, qu'il le connait en le distinguant des biens éphémères ; il y a lieu de se demander si l'homme peut obtenir le bonheur. N'est-il pas un bien utopique ? C'est la première inquiétude de l'homme en ce qui concerne le bonheur. La réponse est chez Saint Thomas d'Aquin pour qui, « quiconque est capable du bien parfait peut donc parvenir à la béatitude. Or, que l'homme soit capable du bien parfait, on le voit à ce que son intellect peut embrasser le bien universel et parfait, et sa volonté le désirer, c'est pourquoi l'homme peut obtenir la béatitude. »58(*)

L'autre inquiétude est de savoir si l'homme peut être heureux en cette vie ou bien l'atteindre pour une autre vie après la mort. Ici, comme pour toutes les inquiétudes existentielles, les tendances philosophiques sont divergentes et s'opposent surtout aux tendances religieuses. Aristote a, pour sa part, confirmé la considération selon laquelle le bonheur est aussi possible dans les limites de l'horizon de la vie terrestre. Mais du fait qu'il doit être permanent, le bonheur doit s'étendre jusqu' à la vie divine : c'est-à-dire dans l'au-delà59(*). Saint Thomas d'Aquin n'est pas de cet avis. Pour lui, l'homme ne peut que participer à la vie heureuse soit par la jouissance ou par l'espoir qu'il a d'acquérir la béatitude dans la vie future et pas de l'atteindre en cette vie60(*).

Cette approche ne devrait pas décourager car le futur se prépare dans le présent. L'inquiétude existentielle ne concerne pas seulement le bonheur mais englobe aussi toutes les questions de toujours sur le sens de la vie. Notamment celles qui portent sur l'origine et la fin dernière de l'homme et de l'univers. Cette inquiétude engendre une certaine « lutte pour la vie » que la morale, la religion et la philosophie doivent orienter pour éviter toute déviation. Avec ces préliminaires sur le désir du bonheur et l'inquiétude existentielle, on comprend que l'homme veut le bonheur mais il ignore les moyens d'y arriver. C'est ce moyen qui fait l'objet du point suivant.

III.2. La voie rationnelle pour un bonheur intégral

Avec la considération aristotélicienne selon laquelle le bonheur culmine dans la libre activité de l'intellect conforme à la vertu, en y ajoutant que le bonheur demeure dépendant des contingences extérieures ( santé, prospérité etc.) et en distinguant parmi les vertus, celles humaines et celles qui sont intellectuelles, nous pouvons dire que le bonheur est, ou du moins, doit être intégral. Dire que le bonheur est intégral n'est pas une facilité dans la recherche des voies pour l'acquérir. Mais cela nous permet de faire appel à la raison comme tenant ces moyens, et en tant qu'elle est cette faculté humaine qui gère la conduite de l'homme par la vertu et le fait participer à la vie de Dieu par la contemplation. Ainsi, nous pouvons maintenant forger une voie rationnelle du bonheur qui d'abord le reconnaît comme étant intégral ( c'est-à-dire concernant la vie de ce monde et culminant dans la vie de l'au-delà) et ensuite se subdivise en deux dimensions : la dimension purement pratique et de la dimension théorétique.

III.2.1. La voie rationnelle dans sa dimension pratique

Conformément à la dimension pratique ou morale, la voie rationnelle peut être empruntée de quatre manières intimement liées et se rapportant aux différentes relations fondamentales que l'homme effectuent dans son existence.

a) Par la connaissance de soi qu'a le sujet du bonheur (l'homme). Cette connaissance est une forme apparente de la subjectivité humaine qui doit être possédée et contrôler tout ce qui nous échappe de nous-mêmes. Pour être pleinement heureux, selon André Léonard, « le sujet devrait pouvoir jouir de sa propre perfection spirituelle en exerçant un retour conscient sur sa propre essence 61(*)». Cette approche est aussi soutenue par certains philosophes à tendance psychologique et par certaines doctrines religieuses qui pensent que la maîtrise de soi, de son essence pourrait être une clef d'ouverture à la transcendance et à la perfection individuelle. Pour Aristote, l'homme devrait être le "maître de lui-même" pour plusieurs raisons et dans plusieurs circonstances de la vie mais d'une part, pour éviter de tomber dans le vice et d'autre part, maîtriser à premier abord le naturel qui est en lui sans quoi il lui est difficile d'accéder à l'universel et au surnaturel où demeure la perfection de la connaissance62(*). Or, pour nous, la perfection de la connaissance participe à celle de l'être entier c'est-à-dire au bonheur. Toutefois, le bonheur ne peut se réduire uniquement à l'auto possession du sujet individuel, car aussi achevé qu'il soit, l'individu ne peut égaler ni dépasser l'infinité de l'être en tant qu'être au sens le plus universel.

b)Par la possession spirituelle de l'univers : ceci implique que le bonheur qui doit être intégral ne peut pas concerner seulement la perfection du corps mais aussi il doit s'enraciner dans la façon du sujet de gérer, par sa raison, le donné cosmique afin de combler l'homme dans toutes ses dimensions. Dans son Traité du monde, Aristote soutient que parmi les perfections, les hommes devraient aussi contempler les réalités les plus hautes qui sont, pour lui, le monde et tout ce qu'il y a de plus grand dans le monde car « s'ils les avaient véritablement connues, ils n'auraient admiré rien d'autre, mais tout le reste leur aurait paru petit et sans valeur, comparé à l'excellence de ces réalités »63(*).

Pour Ntima Nkanza s.j., le travail sur le donné naturel parait comme une évidence mais il est aussi nécessaire car il conditionne l'homme dans la recherche du bonheur. Une partie de l'effort de l'homme consistera donc à vouloir exercer la raison en vue de se soumettre le naturel, de dépasser l'ordre de la nature, de sortir de la nature domptée pour une culture plus affinée. C'est, d'après les philosophes, dit Ntima Nkanza, cette capacité de transformer le naturel en culturel, grâce à la capacité de rationalisation et de symbolisation qui fonde l'humanité de tout homme, en tant qu'être dans le monde64(*). Ceci dit, on comprend que le bonheur qui se veut plénier, concerne aussi, sans s'y limiter, les rapports harmonieux entre l'homme et la nature par une approche rationnelle.

c)Par l'ouverture à l'autre dans le sens où la raison s'ouvre à l'universel et ouvre le sujet à la société de toutes les personnes humaines. C'est en ceci que consiste toute l'éthique rationnelle de l'altérité. A part le fait qu'Aristote considère l'homme comme un "animal politique", il reconnait aussi que "le semblable recherche le semblable"65(*). L'ouverture à l'autre est nécessité surtout dans la pratique des vertus car, comme le montre Aristote, « l'homme juste a encore besoin de trouver des personnes envers qui et avec qui il puisse pratiquer la justice, et il en sera de même de celui qui est tempérant ou courageux, ou qui possède telle ou telle autre vertu particulière66(*). Ceci montre l'importance de l'ouverture à l'autre mais aussi l'insuffisance des vertus morales car il ne suffit pas d'être juste pour être intégralement heureux.

En effet, l'homme ne peut pas vivre seul. Avant tout, l'homme naît et se retrouve déjà dans une communauté naturelle (la famille, le village). Il n'a pas à la choisir, à l'affirmer ou à la nier. En plus, il a, toujours en lui, une tendance naturelle à s'unir à la communauté de ses semblables, de ses égaux et des fois même à celle de ses contraires. Qu'il s'agisse de la famille ou de la communauté où l'homme a choisi de vivre, son rôle est d'y apporter la bienveillance et la concorde par l'amitié pour un bien commun67(*). Cette relation que l'homme entretient avec les autres se matérialise dans la prise au sérieux de la "chose publique", dans l'éthique et dans l'organisation concrète et commune de la cité comme lieu de notre "vivre-ensemble". Mais, disons-le à nouveau, le bonheur qui se veux intégral ne peut se limiter à l'ouverture à l'autre car la corrélation, l'amitié (comme le dit Aristote), parfaites qu'elles soient, n'épuisent pas le sens du vrai bonheur, faut-il encore s'ouvrir à la transcendance.

c)Par la communion spirituelle avec l'Etre Transcendant ou Dieu. Ici Aristote parle, dans ses propres mots, de la « participation à la vie des Dieux »68(*). L'homme, pour autant qu'il rentre en lui-même, expérimente une grandeur qui le dépasse, l'englobe et devant lequel il prend conscience de sa petitesse et de sa finitude. Dans cette intériorité, la découverte est d'une part celle d'un Etre plus grand, infini, englobant, tout puissant,... et d'autre part celle de la finitude, de la petitesse et des limites liées à la nature humaine mais avec comme grande richesse, non seulement de s'ouvrir à cet Etre plus grand mais aussi communier avec Lui. Communier avec Lui, en cette vie, c'est déjà du domaine de "la vision des principes"69(*) (du domaine contemplatif). Nous y reviendrons dans un autre point.

Certains lecteurs d'Aristote considèrent ce dernier aspect comme le seul moyen de parvenir au bonheur vrai. Aussi faut-il que ça soit dans la vie de l'au-delà. Pour eux les trois autres aspects sont moins importants car procurant seulement une simple joie éphémère et en plus, l'homme ne peut gouter le bonheur en ce monde à cause des calamités, des maux, ... de la vie présente. Saint Thomas formule cette objection de deux manières : il considère en premier lieu le bonheur qu'il appelle béatitude, comme étant un bien parfait qui se suffit à lui-même, exclut tout mal et tout désir secondaire. Or, dit-il, il est impossible de s'écarter de tous les maux de la vie actuelle. La vie au monde est soumise à beaucoup de maux inévitables et le désir du bien ne peut être rassasié en ce monde, car l'homme naturellement, voudrait qu'il possède un bien toujours permanent. Pourtant les biens de cette vie sont transitoires tout comme la vie elle-même : ce qui fait l'impossibilité de la vie heureuse au monde70(*). Il considère, en second lieu, que la conclusion serait la même si l'on retient que le bonheur ultime et parfait consiste dans l'unique vision de l'essence divine car selon lui, aucun homme ne peut atteindre cette vison en ce monde71(*).

Par rapport à cette objection de Saint Thomas, l'idée d'Aristote est claire : ne peut participer à la communion spirituelle avec "les Dieux" que l'homme sage. Or, l'homme sage est celui qui « vit et agit par son intellect et qui le cultive avec soi » et par voie de conséquence, il est « le mieux organisé des hommes et le plus cher aux Dieux »72(*). L'homme sage (pratiquant la vertu) est celui qui est capable de posséder son moi, de s'ouvrir avec concorde et bienveillance à la communauté de ses semblables, de conditionner le donné naturel dans l'harmonie de l'univers et enfin, communier à la vie "des Dieux" comme le sommet, la plénitude et l'aboutissement de sa vie précédente.

Tandis que Saint Thomas restreint les moyens proposés par Aristote en un seul : la vision de l'essence divine ; Pierre Teilhard de Chardin dans ses Réflexions sur le bonheur, transforme ces moyens et en formule trois règles fondamentales pour atteindre la vie heureuse. Il s'agit de la centration, de la décentration et de la surcentration73(*). Ces trois règles font participer l'homme aux trois degrés superposés du bonheur parfait, entre autre le bonheur de grandir (être soi-même), le bonheur d'aimer (s'ouvrir à l'autre) et le bonheur d'adorer (se dépasser pour un bien plus grand, universel et infini).

Dans sa dimension morale, la voie rationnelle se heurte à un défis. Celui de l'ambigüité des moyens mis en oeuvre pour atteindre le bonheur. En utilisant les vertus morales pour devenir vertueux ou sage et par voie de conséquence arriver au bonheur, l'homme qui doit emprunter cette voie se heurte souvent à des problèmes liés aux contingences de la vie terrestre. Cette ambigüité s'explique, en bref, par le fait qu'on rencontre souvent, dans la vie, un sage qui, ayant mené correctement sa vie, ayant usé correctement de son intellect, se heurte à des grandes calamités qui ne soient pas la conséquence logique de ses actes comme une forte maladie, l'injustice des vulgaires, etc. Et que, par contre, le vulgaire avec toutes ses inclinations que nous ne voulons plus décliner ici, se gave de tant de biens et de plaisirs, de bonne santé, d'une forte fortune, ... qui ne sont pas, non plus, la conséquence logique de ses actes blâmables. C'est en ceci que l'argument de ceux qui disent que le bonheur est impossible dans cette vie, trouve sa force. Mais Aristote trouve une réponse juste à cette confusion et réaffirme que dans le cas d'une telle ambigüité, où le sage n'est qu'à son épreuve le plus dur, « il prendra la vertu pour guide de sa conduite et sa vie sera toujours heureuse »74(*).

Choisir la vertu comme guide, c'est vivre avec tempérance, courage et sagesse même quand on est dépourvu des biens extérieurs comme la fortune, la justice ou même quand on n'est pas en bonne santé physique75(*). Au contraire, le vulgaire, lui, se satisfaisant de la jouissance éphémère et des fortunes qui ne sont pas fruit de l'agir vrai, se perd dans cette multiplicité ; il se dissipe et devient incapable de participer à la vision et à la communion spirituelle avec Dieu. Après avoir parlé largement de la voie rationnelle du bonheur dans sa dimension pratique (portant sur les vertus morales), parlons maintenant de la voie rationnelle dans sa dimension théorétique.

III.2.2. La voie rationnelle dans sa dimension théorétique

Nous venons de montrer dans le point précédent que la partie pratique de la vie rationnelle est complexe, et si nous nous en tenons à Aristote seulement, aucune partie de cette complexité ne se suffit à soi-même, ni ne suffit elle-même à procurer un bonheur parfait. Et, c'est pour cela que la dimension pratique doit aussi être complétée par la dimension théorétique ou contemplative (champs de prédilection d'Aristote lorsqu'il parle du bonheur). Ayant déjà parlé de la contemplation partiellement dans le premier chapitre, en la situant par rapport aux biens que recherche l'homme, il reste seulement d'indiquer certaines manières concrètes d'appliquer cette voie, c'est-à-dire la manière de l'utiliser comme voie du bonheur.

La contemplation étant une activité théorétique, il importe avant tout de faire le choix de la raison comme directrice en mettant, bien sûr, en jeu les principes d'une telle activité tels que relevés dans notre deuxième chapitre76(*). Bien que l'exercice de la raison est présenté par Aristote et beaucoup d'autres philosophes comme la condition de la satisfaction et de la plénitude77(*), il reste que l'homme est cet animal raisonnable, dont la rationalité est précisément de l'ordre de la tâche, de la conquête et non du fait de la donnée immédiate. L'homme n'est pas tant raisonnable mais doit le devenir par un choix décisif. C'est dans sa partie d'irrationalité qu'il arrive à s'égarer. Disons, en bref, que la raison est bien la voie du bonheur, et sa condition de possibilité, mais encore faut-il que l'homme fasse choix de la raison pour accéder au bonheur.

Un tel choix fait au préalable, ouvre le champ de l'esprit et emporte l'homme dans son intellection la plus pure, lui permettant « d'avoir l'intelligence des choses vraiment belles et divines »78(*). L'objet d'une telle activité est de découvrir "ce qu'est" la chose désirée c'est-à-dire son essence. C'est ce que Saint Thomas appelle la vision de l'essence des choses79(*). Cette activité, étant la plus parfaite des activités de l'homme, elle vise aussi la vision de l'essence la plus haute : celle de Dieu, car permanente, et ramène à la perfection les essences individuelles80(*).

L'importance de l'activité contemplative s'observe dans le fait que l'homme qui s'y donne devient de plus en plus sage, et de mieux à mieux encore il s'y consacre et s'y abandonne comme étant le lieu de son être profond81(*). C'est l'essence parfaite ou l'"essence divine" qui perfectionne l'essence individuelle et la réalise. C'est là, s'il faut se répéter, la communion spirituelle avec Dieu. Car il ne s'agit pas d'une possession inopinée du sujet mais la participation libre à la vie divine pour que ce qu'il y a de plus divin en l'homme puisse être perfectionné82(*).

Un autre aspect de l'activité théorétique est la permanence. L'exercice de l'activité théorétique est celle qui produit les plaisirs les plus charmants, qui plaisent à l'esprit à cause de leur pureté et de leur certitude, nous dit Aristote. Ce qui fait que l'admiration de tels plaisirs doit être permanente. Sans cette permanence, ils perdraient leur estime des plaisirs supérieurs. Aristote insiste sur la permanence dans cette activité comme dernière condition de possibilité car, selon lui, toutes les autres conditions83(*) qu'on attribue d'ordinaire au bonheur se trouvent déjà dans cette activité. Ce qui fera d'elle un bonheur réellement parfait, c'est cette dernière condition : « qu'elle remplisse l'étendue entière de la vie de l'homme ; car aucune des conditions qui se rattachent au bonheur ne peut être incomplète »84(*). Ces conditions du bonheur dans la vie contemplative nous ramène à dire encore, comme nous l'avons dit dans le point précédent, que le bonheur aristotélicien est intégral car il n'obéit à aucune structure incomplète.

Mais la contemplation, telle que décrite par Aristote, est-elle réellement possible dans les limites des forces et des capacités humaines ? Justement, Aristote répond lui-même à cette inquiétude. L'homme, dit-il, est capable d'une telle activité « non seulement en tant qu'il est homme mais surtout en tant qu'il a en lui quelque chose de divin »85(*). Ce "quelque chose de divin" est l'intellect ; il donne à l'homme sa nature en le distinguant des animaux mais aussi il porte l'homme à une puissance supérieure à son humanité. Ainsi donc, pour Aristote, « si l'intellect est quelque chose de divin par rapport au reste de l'homme, la vie selon l'intellect est une vie divine par rapport à la vie ordinaire de l'humanité »86(*).

L'autre réponse à cette inquiétude est une invitation à lever toute naïveté, toute peur, tout pessimisme qui ferait croire que l'homme ne peut songer qu'à des choses humaines, que l'être mortel ne peut songer qu'à des choses mortelles comme lui. Il faut plutôt que « l'homme s'immortalise autant que possible ; il faut qu'il fasse tout pour vivre selon le principe le plus noble de tous ceux qui le composent »87(*) c'est-à-dire l'intellect. La vie la plus heureuse que l'homme puisse mener reste donc la vie contemplative.

Conclusion partielle

Ce chapitre nous a aidé à comprendre que les inquiétudes nées du désir du bonheur, ne doivent pas nous étouffer. Les réponses d'Aristote à ces inquiétudes nous assurent que le bonheur est possible, il n'est pas du tout utopique. En plus, l'homme peut être heureux en cette vie pourvu que ce bonheur soit permanent, qu'il s'étende sur toute la durée de la vie humaine et celle de l'au-delà.

En ce qui concerne la voie qui mène au bonheur, point central de ce chapitre, nous avons découvert qu'elle est, sans doute, rationnelle. La voie rationnelle permet d'atteindre un bonheur intégral car touchant toutes les dimensions de la vie humaine. Pour l'appliquer, il faut au préalable faire le choix de la raison. Ensuite, dans l'aspect pratique ou moral de cette voie, l'homme peut arriver au bonheur, à la fois, par la connaissance de soi, par la possession spirituelle de l'univers, par l'ouverture à l'autre avec bienveillance et concorde et par la communion spirituelle avec Dieu c'est-à-dire la participation à la vie divine.

Dans sa dimension théorétique ou contemplative, la voie rationnelle permet de découvrir l'essence divine et cette dernière étant parfaite perfectionne l'essence individuelle. Cette voie fait participer l'homme à la vie divine à travers l'intellect que Aristote considère comme la chose la plus noble et la plus divine qui soit dans la nature humaine et par conséquent la vie selon l'intellect est la plus heureuse.

CONLUSION GENERALE

Notre travail, comme on le voit dans son aboutissement, a consisté à montrer que le bonheur humain, selon Aristote, trouve son fondement dans la rationalité. Le bonheur, en tant qu'il concerne tout l'homme et tout homme, suscite beaucoup de questions. Mais, dès la conception de notre sujet, notre questionnement s'est articulé autour de trois inquiétudes : le bonheur est-il le bien suprême ? Quels sont les principes qui régissent l'activité rationnelle ? Quelle est la voie efficace pour atteindre le bonheur ?

Ces questions englobent tout notre travail et pour y répondre nous avions fait recourt à la méthode déductive. Cette déduction nous a permit d'aborder notre travail à partir de deux prémisses. La première prémisse considère que le bonheur est la fin de tout acte humain. Ici, le bonheur est pris comme un bien ; pas n'importe quel bien mais un bien suprême. C'est cette possibilité de classer le bonheur parmi les multiples biens que recherchent les hommes qui prête à confusion dans l'identification du vrai bonheur. C'est pourquoi, pour dissiper toute évidence qui aveugle la vision de la morale humaine, nous avons classé les biens dans un ordre hiérarchique dit naturel. Il semble que cet ordre se retrouve toujours dans toute société.

Dans toute société, comme nous l'a montré Aristote, la valeur du bien est perçue, conçue, et appréciée selon les genres de vie qu'on mène. Aristote distingue trois genres de vie : la vie de jouissance matérielle, la vie politique et active et la vie théorétique ou contemplative. Le bien dans la vie de jouissance matérielle se rapporte aux plaisirs du corps. Ces plaisirs sont des besoins du corps humain et animal. Les honneurs et la gloire semblent être les biens de la vie politique et active. Mais ces biens sont utiles pour un bien supérieur et sont des déviations de l'idéal d'une vie politique et active vraies. Ces deux types de biens, nous l'avons vu, sont de valeurs différentes car le bien de la vie active est supérieur à celui des jouissances matérielles mais ne sont pas le bien par excellence. Le souverain bien, c'est l'activité contemplative qui, différemment de deux autres types des biens, se suffit à lui-même et est conforme à la vertu la plus haute. Nous comprenons par là que le premier bien est indigne à la nature humaine et le second est insuffisant qu'il faut atteindre le troisième comme bien par excellence.

La deuxième prémisse veut justement nous éclairer sur les principes de l'activité rationnelle. Pour déterminer une activité rationnelle, nous avons découvert qu'elle est fondée sur deux principes fondamentaux associés à deux autres secondaires permettant de fonder solidement une telle activité. La volonté comme premier principe fondamental de l'activité rationnelle est un processus qui regorge plusieurs fonctions au cours de cette activité. Il s'agit de la conception du plan, de la délibération, de la décision réfléchie et de l'exécution totale du projet. La volonté sert, en plus, à éclairer l'homme sur l'idée du bien (en parlant du bien et du mal). Le deuxième principe fondamental de l'activité rationnelle est la liberté. Elle est la condition sine qua non pour que toute action humaine soit dite vertueuse et revête une autre valeur morale. La norme morale et la conscience morale sont les deux autres principes de l'activité rationnelle. Comme principes, ils sont secondaires mais importants dans toute vie morale collective ou individuelle.

Déduire de ces deux prémisses que le fondement du bonheur c'est la rationalité nous a conduit à démontrer dans le troisième chapitre, en quoi la voie rationnelle peut conduire efficacement à ce bonheur. Reconnaître en cette partie que le bonheur n'est pas utopique est un atout par rapport à l'inquiétude existentielle qui est de toujours chez l'homme. La voie rationnelle permet d'atteindre un bonheur qui est, selon notre entendement, intégral parce qu'il concerne toutes les dimensions de la vie humaine. Il faut, au préalable, pour appliquer cette voie, faire le choix de la raison. C'est ainsi que dans sa dimension pratique, la voie rationnelle permet d'atteindre le bonheur par la connaissance de soi, par la possession spirituelle de l'univers, par l'ouverture à l'autre et par la communion spirituelle avec Dieu. En plus, la voie rationnelle permet, dans sa dimension purement contemplative, de découvrir l'essence divine qui, par ce fait même, perfectionne l'essence individuelle du contemplatif.

Avec ces résultats, nous pensons avoir répondu à notre problématique et démontré les éventuelles hypothèses soulevées au début de notre travail. Toutefois, il est possible que notre langage soit incapable d'exprimer parfaitement ce que nous pensons avoir compris de l'auteur. En outre, notre réflexion, exprimée dans ce travail, ne peut se réclamer d'aucune exhaustivité ; elle n'est pas non plus unique. Nous apercevons de loin d'autres champs de travail qui élargiraient notre sujet comme parler du bonheur selon la morale chrétienne.

BIBLIOGRAPHIE

I. Ouvrages de l'auteur

V ARISTOTE, Ethique à Nicomaque. Trad. J. Barthélemy st Hilaire, Librairie générale française, Paris, 1992.

v --------------, Traité du ciel. Suivi du traité pseudo-aristotélicien du monde. Trad. J. Tricot, J. vrin, Paris, 1998.

v --------------, Ethique à Eudème, trad. E. Lavielle, Pocket, Paris, 1999.

II. Ouvrages sur l'auteur

v THURIOT Jean-Françoist, Le bonheur avec Aristote. Ethique à Nicomaque livre I, II et X, Ed. Equateurs, Paris, 2011.

III. Ouvrages divers

v BENTHAM Jeremy, Introduction aux principes de morale et de législation, J. Vrin, Paris, 2011.

v D'AQUIN Thomas, Somme théologique, Cerf, Paris, 1997.

v DE CHARDIN Pierre Teilhard, Réflexions sur le bonheur. Inédits et témoignages, Seuil, Paris, 1960.

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v GUERIN Pierre, Platon ou l'action différée, Publications de l'Ecole Moderne Française, Paris, 1989.

v HEISENBERG Werner, La nature dans la physique contemporaine, traduit de l'allemand par Ugné Karvelis, Gallimard, Paris, 1962.

v HUME David, Réflexions sur les passions, trad. Michel MEYER, Librairie générale française, Paris, 1990.

v LEONARD André, Fondement de la morale. Essai d'éthique philosophique générale, cerf, Paris, 1991.

v MURY Gilbert et ORIOL Timmy, L'action. Traité de philosophie, Librairie Marcel Didier, Paris, 1964.

v PLATON, La République, trad. par R. BACCON , Flammarion, Paris, 1996.

v SPINOZA Baruch, L'Ethique, trad. par Roland Caillois, Gallimard, Paris, 1954.

v VAYSSE Jean-Marie, Le vocabulaire de Kant, collection vocabulaire de..., dir. Jean Pierre Zarader, Ellipses, Paris, 1998.

IV. Dictionnaires et Encyclopédies

v CANTO-SPERBER Monique (dir.), Dictionnaire d'Ethique et de Philosophie morale, T1, Quadrige, Paris, 2004.

v LALANDE André, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, vol. 2, N-Z, Quadrige, Paris, 1999.

v LE GRAND Gérard, Dictionnaire de Philosophie, Bordas, Paris, 1983.

V. Articles et Revues

v Ntima Nkanza s.j., « La quête du divin en Afrique : autopsie d'une crise et grille de lecture », in Journal Philosophique Canisius, Du 28 au 31 mars 2007.

VI. webographie

v Thomas d'Aquin, Somme contre les gentils,( III, CXLI), consulté sur : http://www. livres- mystiques.com le 06 janvier 2015 à 20h15'.

v http://julien.dutant.free.fr/L6PH001U_2005/L6PH001U_TD_2_cours.pdf

v http://www.keepschool.com/cours-fiche aristote_le_bonheur_et_la_vertu.

TABLE DE MATIERE

EPIGRAPHES 2

DEDICACE 3

REMERCIEMENTS 4

IN MEMORIAM 5

INTRODUCTION GENERALE 6

CHAPITRE PREMIER : DE L'ORDRE NATUREL DES BIENS 10

Préambule 10

I. 1. LA NOTION DU BIEN CHEZ ARISTOTE 11

I.1. 1. La jouissance matérielle 13

I. 1.2. La gloire et les honneurs 15

I.1.3. La contemplation 17

I.2. LA VERTU COMME SOURCE DU BIEN EN SOI 19

Conclusion partielle 20

CHAPITRE DEUXIEME : LES PRINCIPES DE L'ACTIVITE RATIONNELLE 21

Préambule 21

II.1. LA VOLONTE 22

II.1.1. La conception du plan d'une activité rationnelle 25

II.1.2. La délibération 25

II.1.3. La décision 26

II.1.4. L'exécution de l'activité rationnelle 26

II.1.5. La volonté et l'idée du bien 27

II.2. LA LIBERTE MORALE 29

II.2.1. La liberté et la norme morale 30

II.2.2.Liberté et conscience personnelle 32

Conclusion partielle 33

CHAPITRE TROISIEME : LA VOIE RATIONNELLE DU BONHEUR 35

Préambule 35

III.1. Le désir du bonheur et l'inquiétude existentielle 36

III.2. La voie rationnelle pour un bonheur intégral 38

III.2.1. La voie rationnelle dans sa dimension pratique 38

III.2.2. La voie rationnelle dans sa dimension théorétique 43

Conclusion partielle 46

CONLUSION GENERALE 47

BIBLIOGRAPHIE 50

TABLE DE MATIERE 52

* 1 Nous trouvons la biographie d'Aristote sous plusieurs formes avec certaines dates approximatives. Nous avons pris en compte la biographie qui nous est donnée par J. Barthélemy SAINT-HILAIRE à la fin de Ethique à Nicomaque qu'il a traduit dans l'édition de 1992.

* *George Edward MOORE est un philosophe anglais (1873-1958) qui, dans son principia éthica, montre que le bien a un caractère indéfinissable au sens classique, on ne sait exprimer sa définition dans des mots mais il est toujours pris comme une propriété, une valeur ou un caractère des faits.

2 A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, Paris, 1999, p. 112.

* 3 Aristote, Ethique à Nicomaque. Trad. J. Barthélemy st Hilaire, Librairie Générale Française, Paris, 1992, p.34.

* 4 Aristote, op. cit.,p. 36.

* 5 Thomas d'Aquin, Somme théologique,( Ia, IIae, Q1, art. 6, réponse), Cerf, Paris, 1997, p.21.

* 6 Thomas d'Aquin, Somme contre les gentils,( III, CXLI), consulté sur : http://www.livres- mystiques.com le 06 janvier 2015 à 20h15'.

* 7 Aristote, Ethique à Nicomaque, op.cit., p.40.

* 8 Jeremy BENTHAM, Introduction aux principes de morale et de législation, J. Vrin, Paris, 2011, p.25.

* 9 Monique CANTO-SPERBER (dir.), Dictionnaire d'Ethique et de Philosophie morale, T1, Quadrige, Paris, 2004, p.205.

* 10 Jean-François Thuriot, Le bonheur avec Aristote. Ethique à Nicomaque livre I, II et X, Ed. Equateurs, Paris, 2011, pp. 18-19. *Sardanapale est un roi légendaire d'Assyrie qui incarnait, dans l'imaginaire grec, le style de vie fondé sur la passion et les plaisirs des sens. Note donnée par Alfredo GOMEZ-MULLER dans Ethique à Nicomaque. Trad. J. Barthélemy st Hilaire, LGF, Paris, 1999, p. 42.

* 11 Pour Platon « ceux qui n'ont point l'expérience de la sagesse et de la vertu, qui sont toujours dans les festins et les plaisirs semblables, sont portés, ce semble, dans la basse région, puis dans la moyenne, et errent de la sorte toute leur vie durant ; ils ne montent point plus haut ; jamais ils n'ont vu les hauteurs véritables, jamais ils n'y ont été portés, jamais ils n'ont été réellement remplis de l'être et n'ont goûté de plaisir solide et pur. A la façon des bêtes, les yeux tournés vers le bas, la tête penchée vers la terre et vers la table, ils paissent à l'engrais et s'accouplent ; et, pour avoir la plus grosse portion de ces jouissances, ils rient, se battent à coups de cornes et de sabots de fer, et s'entre-tuent dans la fureur de leur appétit insatiable, parce qu'ils n'ont point rempli de choses réelles la partie réelle et étanche d'eux-mêmes » cfr. La République, IX, 586 a.

* 12 David HUME, Réflexions sur les passions, trad. Michel MEYER, Librairie générale française, Paris, 1990, p.33.

* 13David HUME, op.cit., p.34. Sur la page suivante, M. MEYER montre que « la passion nous empêche de voir jusqu'à la passion elle-même, il s'avère impossible de la surmonter, puisqu'on en a même pas conscience. ... Elle [la passion] a ceci de particulier qu'elle se rend elle-même inconsciente en ce qu'elle est le lieu où la conscience, paradoxalement, s'absorbe dans les objets extérieurs et sensibles, pour s'oublier, en quelque sorte », ce qui veut dire que la passion anesthésie la conscience.

* 14 Pierre GUERIN, Platon ou l'action différée, Publications de l'Ecole Moderne Française, Paris, 1989, p.20.

* 15 Thomas d'Aquin, somme Théologique, op.cit.,( Ia, IIae, Q2, art. 1-8), pp.24-32.

* 16 Aristote, Ethique à Nicomaque, op. cit. p. 74.

* 17 André LALANDE, op.cit., pp. 112-113.

* 18 Aristote, Ethique à Eudème, trad. E. Lavielle, Pocket, Paris, 1999, p. 36.

* 19 Thomas d'Aquin, Somme contre les gentils, op. cit. (I, LXXII).

* 20 Aristote, Ethique à Nicomaque, op. cit. p. 77.

* 21 Idem p.21.

* 22 Aristote, Ethique à Eudème, op.cit., pp.418-419.

* 23 Aristote, Ethique à Nicomaque, op. cit. p.420.

* *Werner Heisenberg, La nature dans la physique contemporaine, traduit de l'allemand par Ugné Karvelis, Gallimard, Paris, 19962, p.172.

24 Aristote, Ethique à Nicomaque. Op.cit. p.70.

* 25 A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, vol. 2, N-Z, Quadrige, Paris, 1999, p. 1218.

* 26 Aristote, Ethique à Nicomaque, op.cit., p.106. Les mots volontaire et involontaire avec Aristote, ne sont pas encore des mots techniques comme ils véhiculent toute une philosophie aujourd'hui (celle de la volonté). Ils ont plutôt des sens précis et limités : « agir de son plein droit, faire ou ne pas faire exprès, agir ou ne pas agir de bon coeur, être ou ne pas être responsable de son acte ».

* 27 Aristote, Ethique à Nicomaque, op.cit., p.106.

* 28 Idem, p. 112.

* 29Idem, p. 106 et p. 112.

* 30 Idem, p.117.

* 31 Aristote, Ethique à Nicomaque, op.cit p.113.

* 32 Idem, pp. 116-117.

* 33 Gilbert MURY et Timmy ORIOL, L'action. Traité de philosophie, Librairie Marcel Didier, Paris, 1964, p.176.

* 34Idem, p.176.

* 35 Ibidem.

* 36 Gilbert MURY et Timmy ORIOL, op.cit. p. 176.

* 37 Jean-François Thuriot, op.cit., p.67.

* 38 Gilbert MURY et Timmy ORIOL, op. cit. p. 176.

* 39 Idem, p.177.

* 40 Jean-François Thuriot, op.cit., p. 105.

* 41 Gilbert MURY et Timmy ORIOL, op. cit. p.183.

* 42 Aristote, Ethique à Nicomaque, op. cit., pp.42-43.

* 43 Idem, p.124.

* 44 Baruch SPINOZA, L'Ethique, traduit par Roland Caillois, Gallimard, Paris, 1954, p.272.

* 45 Gérard le Grand, Dictionnaire de Philosophie, Bordas, Paris, 1983, p.158.

* 46 Aristote, Ethique à Nicomaque, op. cit. p. 123.

* 47Aristote, Ethique à Nicomaque, op.cit., p.122.

* 48 Jean-François Thuriot, op.cit., p. 106.

* 49 Aristote, Ethique à Nicomaque, op. cit., p.122.

* 50 Jean-Marie VAYSSE, Le vocabulaire de Kant, collection vocabulaire de..., dir. Jean Pierre Zarader, Ellipses, Paris, 1998, p.33.

* 51 Aristote, Ethique à Nicomaque, op.cit. p.70.

* 52 Gilbert MURY et Timmy ORIOL, op.cit. p.412.

* 53 Gilbert MURY et Timmy ORIOL, op.cit. pp.413-414.

* 54 E. Kant, Fondement de la métaphysique des moeurs, trad. V. Deblos, J. Vrin, paris, 2004, p.90.

* 55 Saint Thomas d'Aquin, Somme théologique, op.cit.( Ia, IIae, Q1, art. 2, objection), p.17.

* 56 André Léonard, Fondement de la morale. Essai d'éthique philosophique générale, cerf, Paris, 1991, p. 332.

* 57 Idem, p.334.

* 58 Saint Thomas d'Aquin, Somme théologique, op.cit., ( Ia, IIae, Q5, art. 1, réponse), p.51.

* 59 J. F. Thuriot, op.cit., p.1O9.

* 60 Saint Thomas d'Aquin, Somme théologique, op.cit., ( Ia, IIae,Q5, art.3, réponse), pp.52-53.

* 61 André Léonard, op. cit, p.349.

* 62 Aristote, Ethique à Eudème, op.cit., pp.259-260.

* 63 Aristote, Traité du ciel. Suivi du traité pseudo-aristotélicien du monde. Trad. J. Tricot, J. vrin, Paris, 1998, p. 180. Aristote ajoute à ce sujet que, se préoccuper du caractère divin des grands dons de notre entourage, leur nature, leur position et leur mouvement n'a rien de vil dans la réflexion humaine.

* 64Ntima Nkanza s.j., « La quête du divin en Afrique : autopsie d'une crise et grille de lecture », in Journal Philosophique Canisius, Du 28 au 31 mars 2007, p.134.

* 65 Aristote, Ethique à Nicomaque, op.cit., p.320.

* 66 Jean-François THURIOT, op. cit., p.108.

* 67 Aristote, Ethique à Eudème, op. cit., p.133.

* 68 Aristote, Ethique à Nicomaque, op.cit., p.424.

* 69Aristote, Ethique à Nicomaque, op.cit., p.424.

* 70 Saint Thomas d'Aquin, Somme théologique, op.cit. ( Ia, IIae, Q5, art. 3, réponse), p.53.

* 71 Idem. A cette deuxième considération, Saint Thomas présente le Christ comme une exception de la règle. Pour le Christ, l'humanité subsiste en la personne du Verbe : car il a possédé la vision de l'essence divine de manière constante tout en menant une vie pleinement humaine.

* 72 Aristote, Ethique à Nicomaque, op. cit., p.426.

* 73 La première règle est l'effort de centration. Elle est un effort d'unification de soi-même, au coeur de soi-même. Le bonheur étant un effet de croissance, l'homme pour être heureux, doit parvenir, avant tout, à réagir contre le moindre effort qui le porterait à la paresse ou à se dissiper dans les agitations extérieures en quête du renouvellement de la vie. Bien qu'il y ait des réalités tangibles qui entourent la vie de l'homme et le bousculent, il faut pousser encore ses racines dans le fond de soi-même. C'est de tout un travail de perfection intérieure permanent et lucide que le bonheur provient.

Ensuite, la deuxième règle du bonheur consiste à fournir un certain effort de décentration. Effort qui consiste à réagir contre tout égoïsme qui renferme sur soi et pousse à réduire les autres à la domination. C'est la lutte constante contre cet amour mauvais et stérile, (cherchant à posséder l'autre au lieu de se donner), qui permettra une bonne décentration. C'est donc un grand effort à fournir pour sortir de soi, s'unir à la communauté des semblables et des opposés, pour un surcroit du bonheur du "vivre-ensemble".

La troisième règle, enfin, est la subordination de la vie individuelle à une vie plus grande. Cette règle est, selon Teilhard, un effort de surcentration qui consiste à transporter l'intérêt final de l'existence humaine individuelle dans la marche et le succès du monde plus grand (c'est-à-dire dans la tendance vers le Transcendant). Cette règle boucle le mouvement ascensionnel de la vie et dans leur ensemble, ces trois règles font participer l'homme aux trois degrés superposés du bonheur parfait, entre autre le bonheur de grandir (être soi-même), le bonheur d'aimer (s'ouvrir à l'autre) et le bonheur d'adorer (se dépasser pour un bien plus grand, universel et infini). Cfr. Pierre Teilhard de Chardin, Réflexions sur le bonheur. Inédits et témoignages, Seuil, Paris, 1960, pp.66-70.

* 74 Aristote, Ethique à Nicomaque, op. cit., p.425.

* 75Idem, p.426.

* 76 Il s'agit des principes fondamentaux de l'activité rationnelle qui sont la volonté, la liberté, la norme morale et la conscience personnelle.

* 77 Aristote, Ethique à Nicomaque, op.cit., p.57. Nous considérons ici, la définition selon laquelle le bonheur est l'activité de l'âme conforme à la raison.

* 78 Idem, p.146.

* 79 Saint Thomas, Somme théologique, op. cit., ( Ia, IIae, Q3, art. 8, réponse), p.41.

* 80 Idem.

* 81 Aristote, Ethique à Nicomaque, op.cit., p.417.

* 82Aristote, Ethique à Nicomaque, op.cit., p. 146. Le bonheur ainsi accessible, peut être par analogie la béatitude absolument parfaite dont nous savons, par la révélation, qu'elle est notre seule vocation première. Car le Christianisme, nous expliquant l'histoire du salut, nous présente l'homme comme ayant un désir naturel de Dieu, mais ce dernier se révèle à lui et le réalise.

* 83 Les deux premières conditions des du bonheur sont : la suffisance à soi et la production d'un plaisir supérieur.

* 84 Aristote, Ethique à Nicomaque, op.cit., p.419.

* 85 Idem.

* 86Ibidem.

* 87 Aristote, Ethique à Nicomaque, op.cit., p.420.






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