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Formation en informatique. Ouverture sociale et sexisme. Le cas Epitech.

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par Clémentine Pirlot
Université Paris VII Diderot - Master II Sociologie et Anthropologie option genre et developpement 2013
  

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Conclusion

Les entretiens ont montré des injonctions contradictoires entre les propos des enquêtées affirmant que cela n'est pas si dur d'être une fille à Epitech, et la réalité qui se dessine dans leur discours sur les contraintes qu'elles ont intégrées. Face à une telle situation hostile, il est relativement logique que les filles partent d'Epitech, et loin d'être un abandon, un tel comportement dénote simplement une tentative de s'extraire de ce milieu où leur comportement quotidien doit être attentif à ces injonctions contradictoires. En effet, les filles ont eu, globalement, un discours de dénigrement des femmes et d'invisibilisation du féminin, tandis que chez les garçons, tendanciellement, il y a une plus forte propension à survaloriser et à insister sur les soi-disant avantages qu'il y aurait à être une fille à Epitech. Les rares filles qui restent jusqu'à la cinquième année doivent donc apprendre à jongler entre l'injonction d'invisibilité des femmes et leur « différence » présumée, censée être à l'origine d'un traitement de faveur.

63 http://geekfeminism.org/2013/02/04/open-source-closed-minds-a-reflection-on-joseph-reagles-free-as-in-sexist-free-culture-and-the-gender-gap/

64 I'm tired of my female friends and colleagues getting death threats. I'm tired of being told I have a victim complex if I talk back to the abuse that gets directed at me and my friends even if nineteen out of twenty times, I'm silent about it.

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Chapitre VII

Quelques perspectives de transformation

Face au constat de la culture hostile aux femmes d'Epitech, et de la communauté geek plus généralement, des solutions peuvent exister au niveau institutionnel afin d'améliorer la représentation des femmes à Epitech et dans le milieu de l'informatique. L'écrasante majorité d'hommes à Epitech entraîne un phénomène observé par C. Zaidman lors de ses recherches dans une école primaire, à savoir qu'une « disparité dans la composition de la classe change des conditions d'exercice de la pédagogie. [...] tout se passe comme si le déséquilibre entre les sexes exacerbait la manifestation d'une conscience de genre masculine ou féminine » (1996). Il semble donc important de donner envie aux filles d'aller à Epitech, mais également de faire en sorte qu'elles y restent et n'abandonnent pas la première année. Car Epitech, en traitant tou.te.s ses élèves de la même manière, fait comme si les filles y arrivaient avec des connaissances et ressources similaires à celles des garçons et perpétue donc l'écart entre les sexes, déjà bien creusé par les études secondaires. Pour C. Delphy, « l'opposition entre non-discrimination explicite et action positive repose sur un sophisme ou une confusion: on décrète que pour obtenir une société égale il faut faire comme si elle l'était. Or faire comme si elle l'était quand elle ne l'est pas c'est perpétuer l'inégalité. C'est mettre sur la même ligne de départ des gens qui n'ont pas les mêmes ressources, et faire semblant de s'étonner en constatant, qu'à l'arrivée, ils n'aient pas réalisé les mêmes performances» (2008). Nous allons voir dans ce chapitre, qu'une première solution serait de donner envie aux filles d'étudier à Epitech, ce qui impliquerait ensuite une lutte active contre la culture hostile aux femmes, notamment la « culture troll », qui est tolérée voire encouragée par l'administration. Nous ouvrirons finalement la réflexion sur le milieu de l'informatique professionnel, en présentant quelques exemples de sexisme dans les entreprises informatiques et leur réactions à la dénonciation de ce sexisme., pour finir avec les initiatives de grandes entreprises pour recruter plus de femmes.

1. Donner envie aux filles de venir à Epitech

La première chose à faire serait de travailler en amont, afin que plus de filles s'inscrivent à Epitech. Un système de quotas pourrait être établi, pour arriver à dépasser les chiffres accablants, ce qui impliquerait que

l'administration cherche activement à recruter des filles, mais prête également attention à leur trajectoire une fois à Epitech. Les filles pourraient être recrutées directement dans les lycées, en leur montrant que l'informatique n'est pas réservée aux garçons et que les mathématiques ne sont pas essentiels pour faire Epitech. Cette opération semble être déjà amorcée, en tout cas à Bordeaux, où la ville organisait cette année une « semaine digitale » comprenant une « opération »65 déstinée à « informer, conseiller et surtout donner envie aux lycéennes de s'intéresser à l'univers du digital. » Des lycéennes bordelaises étaient donc invitées à cette journée : « Au programme : présentation de différents métiers, comme ingénieur sécurité, programmeur-développeur ou encore directeur des systèmes d'information, mais également mise à mal d'à priori sur l'informatique. » Epitech y avait envoyé Ornella Marchive, chargée du développement, pour faire connaître l'école, qui déclare au journal Sud Ouest66 : « [le manque de filles en informatique] est un peu un cercle vicieux. Moins il y a de filles, moins elles ont envie de venir faire des études dans ce secteur. Il faut faire évoluer les mentalités car les filles se lançant dans le numérique, généralement, réussissent. Elles sont plus carrées que les garçons, plus attachées à l'esthétisme et pensent plus à l'utilisateur final. Cette branche a besoin de leur sensibilité. »

Il est encourageant de constater qu'Epitech montre une certaine volonté de s'attaquer à la sous-représentation des filles en s'associant à cette initiative. On peut cependant émettre certaines réserves quant à cette initiative de la ville de Bordeaux : le nom de l'opération : « allez les e-filles », les brochures roses, le langage de « séduction » des filles, ainsi que la non féminisation des noms des métiers, n'aident pas vraiment à sortir des clichés. Ce « Allez les e-filles » sonne comme une injonction, comme si les filles étaient responsables de leur faible nombre dans le domaine de l'informatique et qu'il fallait simplement qu'elles « se bougent » comme le sous-entend le « Allez » du titre. On peut également comprendre que présenter les métiers de « développeur » ou « directeur des systèmes d'information » ne donne pas envie à des filles de le devenir, car pour se projeter il est plus facile que le métier soit décliné au féminin, ce qui est tout à fait faisable mais n'a pas été réalisé. Les propos de la représentante d'Epitech ne sont également pas dépourvus de clichés, car en louant la « sensibilité » et l'attachement à l'« esthétisme » des filles, elle renforce les mythes sur lesquels repose la division sexuelle du travail, ces mêmes mythes servant à exclure les femmes des emplois prestigieux et les mieux rémunérés (dont l'informatique). Il semble donc qu'elle entretient le cercle vicieux qu'elle dénonce, en insistant sur la « différence » des filles par rapport aux garçons. Isabelle Collet avait déjà remarqué cette utilisation de la « nature » des femmes : « l'argument naturaliste est toujours convoqué quand on cherche à caractériser le travail des femmes. Il s'agit de rapporter à leur nature les qualités qu'on suppose requises pour exercer précisément les métiers qu'on leur assigne » (Collet, 2011). L'initiative de la mairie de Bordeaux s'inscrit donc dans cette logique d'assignation de métiers aux femmes, car leurs qualités « naturelles » seraient utiles dans l'informatique. Pour arriver à donner envie aux filles de venir à Epitech, il faudrait tout d'abord

65 http://semainedigitale.blog.bordeaux.fr/allez-les-e-filles/

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66 http://www.sudouest.fr/2012/03/29/la-fille-geek-a-de-l-avenir-672570-2780.php

« démasculiniser » l'informatique, c'est-à-dire au minimum féminiser les noms des métiers, et s'y prendre peut-être un peu plus tôt, car au lycée, les filles ont déjà intégré que l'informatique était un milieu masculin. Ce ne sont là que des pistes car, bien sûr, pour donner envie aux filles de venir à Epitech, il faut que l'école montre une volonté réelle d'en finir avec l'exclusion des femmes. Une école d'ingénieur.e généraliste, l'EPF, montre l'exemple et s'engage pour que les femmes y soient plus nombreuses : « l'EPF met en avant des femmes ingénieurs, comme cette ancienne élève de l'EPF devenue directrice informatique de Renault Sport »67, tout comme l'ECE, également école d'ingénieur.e et d'informatique, qui s'attache à montrer en quoi consiste vraiment l'informatique, pour sortir des idées reçues.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault