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La moralité, fondement de l'humanité dans fondements de la métaphysique des murs d'Emmanuel Kant.

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par KRIMINATCHA KONE
UNIVERSITÉ FÉLIX HOUPHOUET-BOIGNY (ABIDJAN- COCODY)  - Master 2016
  

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UNIVERSITÉ FÉLIX HOUPHOU·T-BOIGNY

(ABIDJAN-COCODY)

UFR : SCIENCES DE L'HOMME ET DE LA SOCIÉTÉ
DÉPARTEMENT DE PHILOSOPHIE
Parcours B : Philosophie politique et morale
Année académique 2015/2016

LA MORALITÉ, FONDEMENT DE L'HUMANITÉ

DANS FONDEMENTS DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MOEURS D'EMMANUEL KANT

Mémoire de Master

PRÉSENTÉ PAR :

DIRECTEUR :

KONÉ Kriminatcha

M. KOUASSI Kpa Yao Raoul

Licencié en Philosophie

Maître de Conférences

PARCOURS B : PHILOSOPHIE POLITIQUE ET MORALE

LA MORALITÉ, FONDEMENT DE L'HUMANITÉ

DANS FONDEMENTS DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MOEURS D'EMMANUEL KANT

Mémoire de Master

4

SOMMAIRE

INTRODUCTION GÉNÉRALE..... 5

PREMIÈRE PARTIE : LE CONCEPT DE MORALITÉ .. ....16

CHAPITRE I : L'UNIVERSALITÉ DE LA MORALITÉ 18
CHAPITRE II : DES ACTIONS DE BONNE VOLONTÉ

À LA VOLONTÉ BONNE 32
DEUXIÈME PARTIE : LA MORALITÉ ET LE FONDEMENT

DE L'HUMANITÉ 43
CHAPITRE I : LA MORALITÉ DANS LA NATURE

DE L'HOMME 45
CHAPITRE II : LA MORALITÉ ENTRE LIBERTÉ

ET CONTRAINTE. 55
TROISIÈME PARTIE : LA MORALITÉ ET SON RAPPORT

À L'ÉDUCATION DANS LA SOCIÉTÉ 69

CHAPITRE I : LA CONSISTANCE DE L'ÉDUCATION 71

CHAPITRE II : LA FIN DE L'ÉDUCATION

ET LA MORALITÉ DANS LA SOCIÉTÉ 83

CONCLUSION GÉNÉRALE 94

BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE 99

TABLE DES MATIÈRES 104

INTRODUCTION GÉNÉRALE

5

6

La philosophie politique et morale est un vaste domaine de connaissance de la Philosophie. Ce domaine de recherches comporte des disciplines diverses et variées, à savoir la Science politique, l'Éthique, la Philosophie des droits de l'Homme, les Théories de la justice, etc. Dans ce grand domaine de connaissance, sont abordés des problèmes liés à l'existence humaine. Chaque domaine de connaissance renferme une multitude de réflexions d'auteurs concernant les problèmes qui minent la vie des hommes. Dans cette vision du monde, l'inaction serait considérée comme une faiblesse pour l'homme, d'autant plus que sa nature constitutive lui donne les moyens pour modeler son existence.

De cette manière, l'homme se doit de prendre en charge son existence avec rationalité. En effet, cette exigence impose qu'il soit soumis aux valeurs pouvant s'inscrire dans l'ordre du salut de l'humanité. C'est ainsi que le siècle des Lumières fut marqué par le triomphe de la raison. À cette époque, une métamorphose suggère l'idée que seul le tribunal de la raison peut guider les hommes vers le progrès. Dans cette mouvance, Emmanuel Kant écrit dans une intention pédagogique1, les Fondements de la métaphysique des moeurs, pour éveiller les consciences, à cultiver les valeurs humaines, pour le plus grand bien de l'humanité. Ainsi, convaincu de la puissance rationnelle et intellectuelle de l'home, Emmanuel Kant préconise le traitement de l'homme comme fin en soi :

L'homme et en général tout être humain existe comme fin en soi, et non pas simplement comme moyen dont telle ou telle volonté puisse user à son gré ; dans toutes ses actions, aussi bien dans celles qui le concernent lui-même que celles qui concernent d'autres êtres raisonnables, il doit toujours être considéré en même temps comme fin en soi2.

Cette vision pleine d'humanisme et d'altruisme, traduit le cri de coeur qu'Emmanuel Kant émet pour la cause de l'espèce humaine. En effet, il nous exhorte à traiter l'homme avec beaucoup de respect et de considération. Sa philosophie morale, militant par excellence contre l'ignorance, le fanatisme, et les

1 Ralph Walker, Kant, Paris, coll. « Folio Essais », 2002, p. 6.

2 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, trad. de l'allemand par Victor Delbos, Paris, Delagrave, 1984, p. 148.

7

formes d'autorités injustes, privilégie le respect de la personne humaine. Au lieu de considérer l'homme comme un moyen, il enseigne à y voir plutôt en lui une fin en soi. Elle tiendrait lieu de dignité humaine, valeur intrinsèque qui, en l'homme, incite au respect. De plus, il avance que les hommes doivent s'émanciper par une véritable libération du potentiel intellectuel et rationnel, en privilégiant l'homme en toutes choses.

Dans cet élan de considération, le concept de moralité prend toute son importance dans l'esprit du philosophe. Il s'inscrit dans le contexte socio politique du siècle des Lumières qui consacre le renouveau de l'éducation, ayant pour objectif de changer les façons de penser et s'efforcer de faire sauter partout les barrières que la raison n'avait point posées. Mieux, il faut traiter l'humanité avec respect et dignité. D'où nous formulons notre sujet comme suit : « La moralité, fondement de l'humanité dans Fondements de la métaphysique des moeurs d'Emmanuel Kant ».

1- Le thème

Le thème principal qui ressort de ce sujet est la moralité. Il s'agit ici, de comprendre que la moralité, en tant que propriété des êtres raisonnables constitue le fondement de l'humanité. Elle a partie liée avec le réel, car elle se propose de penser les conduites et pratiques humaines, loin d'en faire le procès. D'un côté, ce thème en raison de sa connexion avec l'humanité, est toujours d'actualité. Nous l'avons choisi pour penser la mesure dans laquelle l'humanité peut triompher. De fait, il est compréhensible que le thème de la moralité occupe une place importante dans la compréhension de l'homme.

Cette importance se justifie par tout le sens loyal et principiel qu'Emmanuel Kant lui reconnaît. Dans les Fondements de la métaphysique des moeurs, la moralité sert d'une part de loi assortie de respect parce qu'elle fait partie des « concepts moraux qui ont leur siège et leur origine complètement a priori dans la

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raison »3, de tous les êtres raisonnables sans exception aucune. D'autre part, elle crée « la nécessité inconditionnée, véritablement objective, par suite d'une nécessité universellement valable »4, dans un rapport au fondement de l'humanité. Ainsi, la moralité doit porter l'humanité. Par conséquent, ce sujet nous invite à la compréhension de la moralité qui est le thème de notre Travail d'Études et de Recherche.

La recherche de compréhension de la moralité nous amène à nous interroger de la manière suivante : Qu'est-ce que la moralité ? La moralité a une étymologie latine : moralitas. Elle est relative aux moeurs, et désigne la conformité des conduites humaines à l'idéal moral5. En effet, parler de moralité, c'est s'interroger sur la portée ou la valeur des actions humaines. Or, on ne saurait point concevoir des relations humaines aussi dignes soient-elles sans le témoignage d'une bonne somme de respect mutuel. Elle est la marque distinctive d'un hommage rendu à l'humanité. La moralité prônée par Emmanuel Kant dans les Fondements de la métaphysique des moeurs, a pour but de nous inciter à rechercher par tous les moyens le bien dans la vie. Pour tout dire, la moralité doit orienter et porter l'existence humaine.

En ce sens, l'actualisation de la pensée morale d'Emmanuel Kant, dans le contexte actuel de notre civilisation postmoderne, est opportune pour une incitation à la culture du bien. En cultivant la moralité, c'est la paix qui est promue ainsi que le triomphe de l'humanité. Ainsi, nous pensons qu'Emmanuel Kant est un repère dans un monde sujet à toutes sortes de maux indignant la personne humaine. Nous le considérons à juste titre comme un maître de la conduite humaine. Si la valeur morale réside dans la façon de se tenir dans les rapports sociaux, alors quel pourrait être le cadre théorique de ce Travail d'Études et de Recherche ?

3 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 120.

4 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., 128.

5 Jacqueline Russ, Dictionnaire de Philosophie, Paris, Bordas, 2003, p. 283.

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2- Le cadre théorique

Le Travail d'Études et de Recherche qui a pour sujet « La moralité, fondement de l'humanité dans Fondements de la métaphysique des moeurs d'Emmanuel Kant », s'inscrit dans le vaste champ de la philosophie politique et morale, en l'occurrence la philosophie de l'éducation. La philosophie de l'éducation est une science dont la tâche est de penser tout ce qui est en rapport avec l'éducation. De ce fait, il existe un lien entre le sujet et la philosophie de l'éducation. Ce lien pourrait s'expliquer d'abord par le caractère pratique de l'éducation, puis la sagesse ou l'intelligence qui l'accompagne. La philosophie étant, certes, considérée comme l'oeuvre de la culture grecque a finalement investi de nombreux domaines au point qu'elle intègre leurs formulations.

Ainsi parler de philosophie de l'éducation, c'est évoquer la science qui se propose de penser les conduites humaines. En effet, l'éducation, dans l'Europe du XVIIIe siècle, a favorisé une pensée morale dominée par les principaux courants, à savoir le Piétisme, le Rationalisme moral. Le XVIIIe siècle a également consacré, non seulement la critique de l'éducation, mais en plus la décadence des moeurs ou des dérives sociales. Dans cet esprit, les dérives sociales dans le domaine religieux avec des pratiques conformes à la lettre, et non à l'esprit moral de la religion, et la corruption qu'a entrainé le respect aveugle et formel de l'autorité extérieure, ont été considérées comme le résultat d'un manque d'éducation. Dès lors, qu'implique le choix de la philosophie de l'éducation ?

La philosophie de l'éducation est évoquée dans la mesure où notre sujet prend en compte les dimensions morale et éducative. D'abord, la philosophie, se définissant comme l'amour de la sagesse s'est progressivement constituée comme un art de vivre. Elle suppose une culture de la raison pour une existence intelligente et intelligible. Or l'éducation revêt une dimension pratique et éthique. D'un tel point de vue, la philosophie de l'éducation se présente comme une

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science des moeurs6. Puis en intégrant la sagesse philosophique à la pratique éducative, la moralité mise en question trouve sa consistance d'autant plus qu'on ne saurait prétendre ou parvenir à des fins morales, éthiques et humaines sans amour ni sagesse.

C'est ainsi qu'Emmanuel Kant dans les Fondements de la métaphysique des moeurs se propose de nous instruire sur les structures essentielles de le la vie morale dont la moralité. Dans ce même ordre d'idées, la philosophie de l'éducation, pour ainsi dire, associe la morale qui a pour fondement la connaissance du bien et du mal. De même, cette discipline est relative aux conduites humaines, qui commandent la culture des valeurs humaines. C'est en ce sens que Mai Lequan parlant de la dimension morale et éthique de l'éducation promue par Schultz et Knutzen écrit ceci : « Pour ces auteurs, il faut purifier la conscience morale et religieuse en expurgeant tout élément empirique et en la fondant sur la raison »7.

Par la raison, la nécessité de l'éducation est inclinée. Il en est de même pour le sens de la culture des valeurs chez l'homme qui inclut la vertu comme courage telle que nous l'enseigne l'éthique des maîtres du Piétisme, que sont Schultz, Knutzen, Francke et Gehr. Ainsi l'éducation, dans ces conditions consacre la modification des traits de caractères. Elle rend l'homme redevable à son « espèce, à la société des hommes sociables et des citoyens, à l'État »8. Suivant cette logique, la philosophie de l'éducation constitue, d'une certaine manière une lutte contre les maux pouvant porter atteinte à l'humanité et à son affirmation dans le monde. Par conséquent, elle se rapporte aux éléments innés et aux traits généraux physiobiologiques de la constitution de l'homme. C'est à juste titre qu'Émile Maximilien Littré soutenant la finalité éthique de l'éducation affirme que :

6 Jean-Jacques Burlamaqui, Éléments de droit naturel, Paris, PUF, 1983, p. 86.

7 Mai Lequan, La philosophie morale de Kant, Paris, coll. « Folio Essais », 2001, p. 52.

8 Jean-Jacques Rousseau, Émile ou De l'éducation, Paris, coll. « Folio Essais », 2005, p. 98.

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L'éducation (...), est relative à la fois au coeur et à l'esprit et s'étend des connaissances que l'on fait acquérir et des directives morales que l'on donne aux sentiments9.

La reconnaissance de la finalité éthique de la philosophie de l'éducation s'inscrit dans une vision selon laquelle l'éducation a pour mission de permettre à chaque individu le sens de la culture des valeurs humaines. En ce sens, la vertu est une disposition qui se renforce, en nous humanisant et en nous responsabilisant. Dans cette optique précise, Mai Lequan nous montre que l'homme digne et moralement exemplaire lutte contre le mal sous toutes ses formes. En ce sens, elle avançait ceci :

L'homme moralement vaillant doit combattre ce qui s'oppose au développement du germe du bien en lui et faire de l'inclination naturelle contraire à la loi morale son ennemi10.

C'est dire que les hommes, en tant qu'êtres raisonnables doivent sans cesse résister à l'influence des mauvais principes, de sorte que la vie est une lutte permanente. En effet, la recherche du bien moral prend en compte la vertu, et elle caractérise cette dernière. Encore faut-il ajouter que, de toutes les espèces vivantes que l'on peut concevoir dans la nature, l'homme est le seul être capable de moralité. De fait, elle constitue la preuve que l'homme est le but final de la création. À ce titre, l'affirmation de l'humanité se pense sous des lois morales et non d'après des lois morales11.

C'est la raison pour laquelle, le contenu fondamental de la philosophie de l'éducation est de contrarier, en luttant inlassablement contre les maux, par des conduites dignes et humaines. Ainsi, l'homme doit, par l'effort sans fin témoigner de la moralité dans toutes ses actions, en laquelle réside toute sa valeur. Car selon Emmanuel Kant, c'est la valeur de l'homme « qui réside dans ce qu'il fait, dans la manière de le faire et dans les principes selon lesquels il agit »12. En conséquence, la bonne conduite participe à la formation d'une société parfaitement

9 Émile Maximilien Littré, Dictionnaire de langue française, Paris, Gallimard, 1958, p. 53.

10 Mai Lequan, La philosophie morale de Kant, Op. cit., p. 53.

11 Mai Lequan, La philosophie morale de Kant, Op. cit., p. 227.

12 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 160.

12

harmonieuse où chaque être humain participe au règne des fins13. Comme le soutient bien Emmanuel Kant, la moralité ne saurait s'adresser à des êtres dépourvus de raison14.

C'est ainsi que nous avons choisi la philosophie de l'éducation, dans le but de penser avec lui certaines conduites sociales qui questionnent l'avenir moral et éthique de l'humanité. En ce sens, il montre que la moralité conditionne le triomphe de l'humanité. Elle est, pour lui, une capacité qui incarne notre dignité d'homme :

La moralité est la condition qui seule fait qu'un être raisonnable est une fin en soi ; car il n'est possible que par elle d'être un membre législateur du règne des fins. La moralité, ainsi que l'humanité, en tant que capable de moralité, c'est donc là ce qui seul a de la dignité15.

Selon Emmanuel Kant le triomphe de l'humanité réside dans la moralité qui consacre le traitement des êtres raisonnables comme fin en soi. De cette manière, la philosophie de l'éducation comme cadre théorique paraît convenable pour l'étude sur le sujet : « La moralité, fondement de l'humanité dans Fondements de la métaphysique des moeurs d'Emmanuel Kant ». Liée aux actions humaines, la moralité est la voie qui doit être promue selon Emmanuel Kant afin d'inciter à une existence intelligente et aisée entre les hommes. C'est la disposition humaine qui, en toute liberté, témoigne de l'humanité en chaque être raisonnable. Elle doit motiver et porter sans cesse l'humanité qui est : « La façon de penser l'unification du bien-être avec la vertu, dans le commerce avec autrui »16. Dès lors, comment se présente la problématique de ce sujet d'Études et de Recherche ?

13 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 168.

14 Ibidem.

15 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 160.

16 Emmanuel Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, trad. de l'allemand par Michel Foucault, Paris, Vrin, 2002, p. 209.

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3- La problématique

Le problème de la moralité dans la philosophie d'Emmanuel Kant semble porter une double dimension, c'est-à-dire à la fois morale et humaine. Il n'est pas arbitraire et contingent mais opportun en raison de son caractère universel pour tous les êtres raisonnables. La moralité se présente comme la voie conduisant au triomphe de l'humanité. À ce titre, elle doit être au fondement de toutes nos actions pour des relations interpersonnelles intelligentes et intelligibles. De ce point de vue, la moralité, est la conduite humaine éprise de liberté, d'égalité, de justice et de paix.

De ce fait, il convient d'en présenter le concept afin d'y dissiper toute confusion. Pour y parvenir, il importe de se poser les questions suivantes :

Quelle analyse ressort-il du concept de moralité ? Si la moralité incombe aux hommes dans quelles mesures l'humanité peut-elle triompher ? La moralité a-t-elle rapport à l'éducation dans la société ? Telles sont les questions qui organisent ce Travail d'Études et de Recherche. Cependant, quels sont les objectifs poursuivis ?

4- Les objectifs envisagés

Les différentes interrogations susmentionnées revêtent des objectifs que nous voudrions atteindre par cette étude sur le concept de moralité. Ils se déclinent en trois points essentiels tenus par un objectif général : promouvoir la culture des valeurs sociales chez les hommes pour des relations dignes et humaines. Quant aux objectifs secondaires, ils consistent à comprendre la moralité pour de bonnes conduites sociales. Démontrer qu'elle incombe aux hommes et qu'elle doit porter l'existence humaine pour un monde moralement meilleur. De plus, il s'agit de justifier la moralité et son rapport à l'éducation dans la société pour des échanges interpersonnels fraternels, paisibles et harmonieux. Montrer que la fin de l'éducation est la moralité en vertu de sa finalité éthique.

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Dès lors, quelle méthodologie conviendrait-il pour parvenir à ces objectifs poursuivis ?

5- La méthododologie utilisée

Pour parvenir aux objectifs susmentionnés, nous choisissons la méthode analytique. En effet, la méthode analytique aurait pris naissance dans la période socratique, par le canal des débats sur les phénomènes sociaux. Elle consacre aussi la philosophie morale. La méthode analytique consiste à « démontrer l'exactitude des composants d'un aspect afin d'en saisir les spécificités et de favoriser une compréhension approfondie de l'ensemble »17. De fait, la méthode analytique permet la clarté et la précision, dans le discernement et le raisonnement sur les choses. C'est à juste titre que Frank Robert écrit ceci : « Je souligne que la méthode analytique ainsi comprise convient à toutes sortes d'objets d'analyses (...), d'un processus, d'un raisonnement, d'un concept ou de quoi que ce soit »18.

En conséquence, nous pouvons noter avec Frank Robert que la méthode analytique sert à élucider la nature des objets d'études quels qu'ils soient. De cette manière, nous pouvons citer l'Idéalisme, le Rationalisme, et le Criticisme comme des courants de pensée au sein desquels les figures de proue ont recours dans leurs écrits à la méthode analytique. Nous avons Platon, ensuite René Descartes, et enfin Emmanuel Kant. En somme, la méthode analytique nous permettra d'analyser à fond tous les aspects pertinents liés à la compréhension du concept de moralité. Mais pour cela, nous choisissons un plan général. Comment se présente-t-il ?

17 Jacqueline Russ, Dictionnaire de Philosophie, Op. cit., p. 18.

18 Robert Frank, Philosophie analytique, Caen, PUC, 1977- 1998, No 31-32, p. 16.

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6- Le plan général

Notre réflexion porte sur les structures essentielles de la vie morale dans la philosophie morale d'Emmanuel Kant, en l'occurrence la moralité. Elle se propose de penser les mesures dans lesquelles l'humanité peut triompher mais en plus, de manière constante. Dans ce cas, c'est le traitement digne de l'humanité qui est mise en question. De fait, les problèmes soulevés dirigeront notre démarche en trois parties : La Première Partie est une analyse du concept de moralité. Elle comporte deux chapitres, à savoir : l'universalité de la moralité, des actions de bonne volonté à la volonté bonne.

La Deuxième Partie permet de comprendre la moralité et le fondement de l'humanité. Le Premier Chapitre consacre la moralité dans la nature de l'homme, le second la moralité entre liberté et contrainte. Quant à la Troisième Partie, elle concerne la moralité et son rapport à l'éducation dans la société. D'abord, le Premier Chapitre s'intitule la consistance de l'éducation, ensuite le second, la fin de l'éducation et la moralité dans la société.

PREMIÈRE PARTIE :

LE CONCEPT DE MORALITÉ

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Dans les Fondements de la métaphysique des moeurs, Emmanuel Kant présente le concept de moralité comme un bien universel19. Il s'adresse à chaque être raisonnable et sert par conséquent de loi dont la conscience sommeille en tous. Agir sans cette conscience, c'est agir sans valeur morale. Nonobstant, il n'est pas rare d'observer que dans les conduites humaines, la moralité semble perdre son universalité dans la mesure où les hommes la réduisent à leurs intérêts personnels et égoïstes. C'est dans cette perspective qu'Emmanuel Kant soutient que la moralité est la condition qui fait que l'homme est une fin en soi et en même temps membre législateur du règne des fins. Il incite alors l'homme à bien agir. Ce qui lui vaut de placer la moralité au fondement de toutes ses actions pour le triomphe de l'humanité.

En admettant l'existence humaine comme l'accomplissement du libre arbitre, les hommes se doivent d'être objectifs. Ce qui implique que leurs actions peuvent et doivent se soustraire des mobiles sensibles pratiquement constitués par l'hétéronomie. La volonté étant emportée par les désirs, les impulsions, les actions dont il témoigne ne portent aucune marque distinctive d'universalité de la moralité. Or les exemples sont censés porter la marque de maximes universalisables. C'est pourquoi, même dans l'imitation des choses, de la nature ou du monde, les hommes se doivent de privilégier la dimension morale et éthique qui les associe au règne des fins. Il en va de même pour l'habitude. N'est-ce pas cette façon de se conduire qui confère et justifie raisonnablement l'idée d'universalité de la moralité ? Si l'homme est doué de raison ne doit-il pas avoir une volonté plus ferme et déterminante pour des actions morales ?

19 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., pp. 138-141.

18

CHAPITRE I : L'UNIVERSALITÉ DE LA MORALITÉ

En supposant l'universalité de la moralité, c'est comprendre qu'elle constitue un principe d'action digne de respect, susceptible d'échapper à toute contradiction, et pouvant être appliquée partout, et en toutes circonstances. En effet, l'universalité de la moralité s'explique aussi par le fait qu'elle ne consiste pas à décrire seulement les croyances communes au sujet des moeurs, mais qu'elle s'étend à tous les êtres raisonnables en général et surtout à tous les hommes en particulier.

De fait, nous avons la moralité qui suppose l'accomplissement du devoir. Elle revêt d'une certaine manière la spécificité qui confère à l'homme toute sa dignité et sa grandeur d'esprit. Par la raison, l'homme jouit d'une connaissance morale portée par un pur respect de la loi pratique. De cette manière, il est capable de comprendre, par celle-ci que la valeur morale de ses actions ne réside pas dans les effets que l'on voit. Bien au contraire, elle réside dans les principes intérieurs selon lesquels elles sont accomplies. Comme l'affirme Emmanuel Kant : « Et cependant, c'est dans cette volonté seule que le souverain bien, le bien inconditionné, peut se rencontrer »20.

Le fait de considérer la moralité et l'expression de la loi morale, constitue une manière de comprendre le caractère impératif de la moralité dans les conduites sociales. De fait, il importe pour les hommes de reconnaître l'importance de la moralité de toutes les actions, qui doit être le simple traitement des êtres raisonnables comme fin en soi21. Ce qui signifie que les conduites humaines doivent être absolument bienveillantes. Elles doivent témoigner de l'humanité en nous partout et en toutes circonstances. Dès lors, que comprendre humainement de la moralité et l'accomplissement du devoir ?

20 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 101.

21 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 150.

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1- La moralité et l'accomplissement du devoir

De toutes les espèces vivantes dans la nature, l'homme est le seul être vivant admis au stade d'humain. Ainsi, parler de la moralité et l'accomplissement du devoir, c'est reconnaître à l'homme la perspicacité des « lois de l'exercice de ses facultés »22. Par là, on peut entendre la bonne volonté qui lui permet de se laisser guider par la moralité assortie d'une « forme de vie », à teneur impérative. C'est dans ce type de vie que son existence s'illustre mieux et revêt tout son sens. Selon Jürgen Habermas par exemple « les sujets jugeant moralement ne peuvent normalement agir (...) que s'ils ont été formés, dans des contextes de vie éthique, à être des sujets moralement capables d'action »23.

De plus, la compréhension de la moralité et l'accomplissement du devoir signifierait que la raison pure pratique de l'homme en donne la possibilité. La capacité de représentation et d'action repose sur la liberté. Elle voudrait que la moralité soit au fondement des actions, desquelles l'on peut juger extérieurement de l'état actuel de moralité. Or les actions ne découlent que de la raison en nous. C'est ce qu'il y a de plus élevé pour élaborer la matière de l'intuition sensible et la ramener à l'unité la plus complète de la pensée. Cette dernière compréhension pousse Emmanuel Kant à noter ceci :

Il est tout à fait raisonnable de prescrire la moralité sous le nom de devoir ; car tous les hommes ne consentent pas volontiers à obéir à ses préceptes, lorsqu'ils sont en opposition avec leurs penchants, et, quand aux moyens de pratiquer cette loi ; ils n'ont pas besoin d'être appris, puisque chacun sous ce rapport, peut ce qu'il veut24.

Selon cette affirmation, l'homme en tant qu'être doué de raison, doit constamment accomplir son devoir puisqu'il implique la liberté. Il concerne aussi bien la moralité des actions, devant être capable de témoigner de l'accomplissement du devoir. Dès lors, qu'impliquerait l'accomplissement du

22 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., 190.

23 Jürgen Habermas, De l'éthique de la discussion, trad. de l'allemand par Mark Hunyadi, Paris, GF-Flammarion, 1991, p. 37.

24 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, trad. de l'allemand par Jean-Pierre Fussler, Paris, GF-Flammarion, 2003, p. 186.

25 Emmanuel Kant, Doctrine de la vertu, trad. de l'allemand par Jules Barni, Paris, Garnier Flammarion, 1994, p. 144.

20

devoir ? La raison, en tant que faculté propre à chaque être humain quel qu'il soit ; ou du moins en vertu de sa qualité d'être humain, nous démarque des animaux. La reconnaissance de l'accomplissement du devoir d'un point de vue kantien, impliquerait que l'homme doit cultiver sa propre perfection. Elle équivaut au devoir de développer ses aptitudes intellectuelles et morales, principalement, mais aussi physiques, sans lesquelles l'accomplissement du devoir serait hypothétique. Pour cela, Emmanuel Kant affirme que :

La perfection d'un autre homme en tant que personne consiste, précisément en ceci qu'il est lui-même de se proposer sa fin en vertu de son propre concept du devoir et il ya contradiction à exiger que je doive faire vis-à-vis de quelqu'un (à me l'imposer comme devoir) quelque chose que nul autre que nul autre que lui-même ne peut faire25.

La perfection de l'homme implique qu'il reconnaisse là où l'accomplissement du devoir s'impose. Ce qui signifie qu'il doit pouvoir user de sa bonne volonté, en se demandant si l'on peut vouloir que son semblable accomplisse des actions subordonnées à l'injustice. Mieux, l'accomplissent du devoir exige que le sujet moral admet des conduites capables de s'imposer à tous les êtres humains. Autrement, il y a contradiction à exiger des autres d'accomplir des actions portées par la subjectivité au détriment de l'objectivité. La conscience de l'accomplissement du devoir est libre.

De même, il est possible de noter que dans les sociétés modernes, les peuples oeuvrent pour la sauvegarde de leurs droits fondamentaux. Ce sont entre autres la liberté, la justice et l'égalité. Il en va de même pour la survie des sociétés, conditionnée par le respect du devoir. Dans cette optique, toutes les bonnes conduites des citoyens à l'échelle de la société sont ordonnées rationnellement par le pur accomplissement du devoir. C'est ainsi que la tendance à promouvoir l'humanité doit revêtir toute sa sacralité. La conscience de la moralité dont les hommes sont capables, implique l'accomplissement du devoir,

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pouvant permettre « la facilité dans les contacts, qui est une vertu »26. Elle nécessite « Devoir et obligation (...) qui conviennent pour exprimer notre rapport à la loi morale »27.

Par là, indiquer que la moralité est en rapport avec l'accomplissement du devoir, c'est reconnaître qu'elle est essentiellement humaine, et se nomme, par conséquent loi. Elle ne signifie pas au sens large du terme un ensemble de règles établies, mais qu'elle doit diriger nos actions en montrant les raisons d'agir : « C'est pourquoi, il faut qu'elle soit le fondement des valeurs »28. Elle doit, par conséquent, diriger les conduites humaines dans tous les domaines de l'existence humaine.

Dans le domaine politique, les actions découlant de la gestion du pouvoir politique incarner l'accomplissement devoir. Ce dernier doit faire l'objet d'examen moral par les gouvernés afin de décrypter et de dégager rationnellement la moralité qui en découle. Cet accomplissement n'étant pas nécessairement le résultat d'actions citoyennes concertées, se révèle souvent comme l'expression ou non d'un idéal préalablement passé à la lumière de la raison. Puisqu' « il est toujours du pouvoir de chacun d'obéir aux ordres catégoriques de la moralité »29. Il s'ensuit que la moralité en rapport à l'accomplissement du devoir au plan politique doit s'inscrire dans l'intérêt des peuples. L'accomplissement du devoir prend toute son importance.

De cette représentation, la moralité conduisant à l'accomplissement du devoir, il apparaît aussi compréhensible que la moralité, loin d'être un devoir qui s'impose à l'homme de l'extérieur ou d'une divinité, se présente à lui comme une raison suffisante d'agir. L'homme se soumet à un commandement en lequel il aperçoit une raison d'agir. Emmanuel Kant nous formule bien cette affirmation en ces termes : « Le devoir est la nécessité d'accomplir une action par respect pour la

26 Emmanuel Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, Op. cit., p. 209.

27 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., p. 263.

28 Ralph Walker, Kant, Op. cit., p. 25.

29 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., p. 186.

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loi »30. En conséquence, la moralité conduit à l'accomplissement du devoir dans la mesure où c'est un principe universel valable pour tous les êtres raisonnables.

Selon Johann Goethe la liberté du devoir en lui-même, c'est d'« aimer ce qu'on s'ordonne à soi-même »31. Dans ce cas, il s'agit de comprendre que la raison est importante pour l'homme. Elle n'a pas pour objet d'ignorer que tout être humain peut choisir d'être mauvais face à son devoir, mais de l'exercer pour être en conformité avec l'humanité. Ce qui justifierait le fait que nous sommes soumis à la discipline de la raison. Elle doit, par conséquent, porter et diriger nos actions sans cesse. Pour cette raison, l'accomplissement d'actions dignes de respect et de considération de l'universalité de la moralité paraît nécessaire. C'est cette nécessité morale qui doit être considérée comme un devoir sur lequel se fonde l'universalité.

En effet, la moralité résidant uniquement dans une volonté indépendante de toute matière de la loi, exprime l'autonomie. Cette dernière est la condition formelle de toues les maximes. Dans cette logique précise, la raison pure pratique, caractérisée par la liberté donne la possibilité à l'individu d'agir moralement ou non32. C'est avec la plénitude et l'unité de la raison que l'homme décide d'accomplir toute action. Cette conception rationaliste implique que le pouvoir d'exécution de la raison humaine demeure très considérable. Ainsi, Hannah Arendt pense que l'homme possède toujours, par le biais de la raison la possibilité d'agir comme il l'entend. Rien en réalité n'influence l'accomplissement du devoir.

C'est ainsi qu'il est possible de comprendre que lorsque l'homme se trouve souvent dans une situation embarrassante, il peut laisser entendre ceci : « Je vais y penser », « Donnez-moi le temps d'y réfléchir ». Cette réflexion se révèle d'une importance capitale pour lui car la moralité portée par le devoir qui l'ordonne

30 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 100.

31 Rudolf Steiner, Goethe et sa conception du monde, trad. de l'allemand par André Tanner, Genève, Éditions Anthroposophiques Romandes, 1985, p. 82.

32 Hannah Arendt, Considérations Morales, trad. de l'anglais par Marc Ducassou, Paris, Rivages, 1996, p. 34.

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prime. La représentation de la moralité et l'accomplissement postule une compréhension selon laquelle, il est du devoir de tout être raisonnable de se conduire avec dignité. Tout cela s'effectue indépendamment de toute influence extérieure. C'est pourquoi l'agent soucieux de moralité doit se donner le soin de murir ses actions avant de les exécuter. Elles passent l'examen de la raison par respect pour la loi morale. Puisque la raison est « la faculté cognitive, elle permet de savoir ce qui est bien et ce qui est mal ; la vérité et l'erreur sont considérées en premier comme des conditions de l'être humain »33.

Tout être humain est capable d'entretenir le pire et le meilleur. Ainsi, la conscience de l'accomplissement du devoir est librement suscitée en chaque individu car elle répond à une exigence morale ou à une absolue nécessité34. La moralité et l'accomplissement du devoir signifierait que l'homme trouve toujours en lui-même de bonnes raisons d'honorer l'humanité. C'est ainsi que dans la conscience de sa dignité35, il doit agir en faveur de ce qui l'édifie. C'est là précisément qu'on peut comprendre l'homme dans son élan de solidarité, d'assistance et même d'égal respect dont il témoigne à l'endroit d'autrui. Il porte haut des valeurs dont la validité est ordonnée à la lumière des attentes humaines.

De plus, l'homme est un être doué de raison. Par cette faculté en tant que « pouvoir des principes (Principien) »36, il trouve, pour ainsi dire une raison d'accomplir telle action et une autre de s'abstenir de telle autre. C'est ainsi qu'il peut être compris comme étant le seul être capable d'agir sous des lois morales dont il en est l'auteur37. Il est remarquable que la moralité qui préside aux maximes de ses actions ait acquis sa qualité morale que par le fait que chacun pourrait y consentir comme à des maximes valides pour tous. Autrement exprimé,

33 Herbert Marcuse, L'homme unidimensionnel, trad. de l'anglais par Monique Wittig, Paris, LES ÉDITIONS DE MINUIT, 1968, p. 149.

34 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 116.

35 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 120.

36 Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, trad. de l'allemand par André Tremesaygues, et Bernard Pacaud, Paris, PUF, 1986, p. 255.

37 Rudolf Steiner, Goethe et sa conception du monde, Op. cit., p. 82.

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l'accord des actions avec les principes de la moralité, suscite l'adhésion car l'accomplissement du devoir est parfait.

La reconnaissance de la moralité en rapport avec l'accomplissement du devoir nécessite une précision entre la moralité et la légalité. À ce niveau, Emmanuel Kant nous fait une distinction importante. Pour lui, la volonté morale doit se déterminer. Il s'en suit que le « devoir doit être une nécessité pratique inconditionnée de l'action (...), et c'est seulement à ce titre qu'il est aussi une loi pour toute volonté humaine »38. Ce qui revient à dire que la moralité est un dépassement de la légalité puisque, loin de s'opposer à elle, elle englobe quelque chose de plus. Cela n'entache en rien la complémentarité de la légalité et de la moralité car « l'acte moral accompli par devoir doit aussi a fortiori être légal, conforme à la loi du devoir »39. S'ils s'originent à la même source qu'est le respect d'une loi de la raison pratique et qu'ils ont en commun l'idée d'une obligation impérieuse qu'est le devoir, ils restent fondamentalement distincts quant à la motivation40 de cette obligation.

En définitive, la moralité et l'accomplissement du devoir suggèrent une compréhension selon laquelle tout être raisonnable est censé découvrir en lui-même la raison qui doit créer la nécessité morale. Le devoir en lequel réside la bonne volonté est exigé pour le bien de l'humanité. Cette dernière doit être élevée et honorée dans l'accomplissement du devoir. La conscience de la moralité dont l'homme est capable doit accompagner son existence pour des actions moralement acceptables. Le rapport entre la moralité et l'accomplissement du devoir impliquerait aussi la conformité à la légalité. De cette complémentarité, s'affirmerait dignement l'universalité de la moralité. Mais, n'est-ce pas cette liberté qui traduit la loi morale en chaque être humain ?

38 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 144.

39 Mai Lequan, La philosophie morale de Kant, Op. cit., pp. 150-151.

40 Simonne Goyard-Fabre, Responsabilité morale et responsabilité juridique selon Kant, Paris, in Archives de Philosophie du Droit, 1975, p. 8.

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2- La moralité et l'expression de la loi morale

La moralité comme nous l'avons vu précédemment trouve son origine dans la raison de l'être humain. En effet, en postulant cette dernière en rapport avec la loi morale, c'est tenter de comprendre comment se justifie l'influence de celle-ci dans la conduite humaine. La raison, qui seule peut fournir des règles refermant quelque nécessité, donne aussi la possibilité de comprendre le respect que l'homme à tendance à exprimer par humanité. Cette tendance, à observer de près se rattache immédiatement à l'intelligence humaine. Elle constitue l'expression de la loi morale en chaque être raisonnable. Dans la compréhension de l'universalité de la moralité, la raison pure pratique selon Emmanuel Kant permet à l'autorité la loi :

Le respect pour la loi n'est pas un mobile pour la moralité, mais il est la moralité même, considérée subjectivement comme mobile, en ce sens que la raison pure pratique en enlevant à l'amour de soi toute prétention contraire donne de l'autorité à la loi, qui dès lors a seule de l'influence.41

L'admission du rapport de la moralité et l'expression de la loi morale apparaît compréhensible. Il est tenable dans la mesure où la moralité représente la loi elle-même. C'est elle également qui rend décisive la raison, qui permet à l'homme d'assumer ses responsabilités. Elle confirme davantage la lucidité de la conduite dans les rapports sociaux. Cette possibilité pourrait s'expliquer par le fait qu'elle montre rationnellement comment l'homme parvient à se décider en tant que tel. La moralité renvoie à l'expression de la loi morale par laquelle s'exprime indépendamment la volonté humaine. Elle exclut toute dépendance extérieure et suppose que le « caractère essentiel de la valeur morale des actions c'est que la loi morale détermine immédiatement la volonté »42.

De plus, il importe de noter que le siège de la loi morale se trouve dans la raison pure pratique. Elle constitue « seulement un énoncé sur quelque chose qui

41 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., p. 249.

42 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., p. 245.

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doit [Soll] arriver dans le domaine de la raison et par cette dernière »43. Par conséquent, Friedrich Schleiermacher reconnaissait ce point précis, selon lequel la loi morale n'est rien d'autre qu'un fait [factum] de la raison. Pour lui, l'homme doit réaliser ce fait dans le champ de la raison et par elle. En plus, Emmanuel Kant soutenait bien auparavant que « la raison pure est pratique par elle seule, et donne (à l'homme) une loi universelle, que nous appelons la loi morale »44. En conséquence, la loi morale est à comprendre comme une représentation de la raison45 en vertu de laquelle l'homme édifie l'humanité dans son élan de perfection.

La raison qui ordonne les conduites sociales, convainc intérieurement la personne morale de ce qui serait convenable de faire. Ainsi les hommes ont tendance à se soumettre volontiers à ce qui est excellent et honorable. On comprend, dès lors que même si, d'un côté, les intérêts tendent à influencer les comportements, il importe d'y oeuvrer pour la sainteté de l'humanité. :

La loi morale est, pour cette raison, un impératif qui ordonne catégoriquement, parce que la loi est inconditionnée ; le rapport d'une telle volonté à la loi est la dépendance désignée par le terme d'obligation qui signifie une contrainte, imposée toutefois par la raison et sa loi objective, à une action qui est appelée devoir 46.

Dans cette considération, la loi morale constitue remarquablement un fait humain. Dès lors, la moralité considérée comme l'expression de la loi morale qui porte la personne humaine au grand profit de l'humanité est, en réalité, la source d'obligation morale dont elle ne peut se départir humainement. Aussi parce que la constitution biologique de l'homme lui donne le privilège de la raison qui lui impose de bien agir. Elle est la faculté dirigeante et régulatrice de l'action. C'est pourquoi, toute conduite humaine doit être portée par un souci de traitement de l'humanité comme fin en soi :

43 Friedrich Schleiermacher, Conférences sur l'éthique, la politique et l'esthétique, trad. de l'allemand par Jean-Marc Tétaz, Paris, LABOR ET FIDES, 2011, pp. 251-252.

44 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., p. 128.

45 Friedrich Schleiermacher, Conférences sur l'éthique, la politique et l'esthétique, Op. cit., p. 151.

46 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., p. 129.

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Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen47.

Ainsi, le devoir qu'Emmanuel Kant préconise est d'oeuvrer à la fois pour la sauvegarde et le respect de l'espèce humaine. La personnalité doit se confondre avec la loi morale, et c'est la loi morale qu'il faut respecter chez soi et chez les semblables. La recevabilité des comportements humains est tributaire de la moralité qui y préside. La moralité, en tant que source des valeurs doit être au fondement de toutes nos actions. Le traitement que nous réservons aux êtres raisonnables doit être compatible avec la rationalité de la moralité. Aussi parce que la « loi morale est par elle-même un mobile, au jugement de la raison ; et la prendre pour maxime, c'est être bon moralement »48. Suivant ce principe, la rationalité du monde semble se mesurer au degré de bienveillance dans les rapports interhumains.

Cette intelligibilité doit se caractériser par des dispositions parfaitement humaines qui, cependant, méprisent tout ce qui va contre la dignité humaine. La malveillance serait de ce fait ce qui est moralement répréhensible. En effet, l'homme doit avoir le souci de la moralité de ses actions. Il doit se donner les moyens pour qu'elles tiennent du point de vue anthropologique puisqu'il ne s'agit pas de se représenter les lois morales, mais aussi vouloir leur effectuation dans le monde sensible49. Pour ce faire, il doit établir par la raison toute la nécessité de fonder la moralité sur des principes rationnels et inébranlables50.

La raison en rapport avec la loi morale pour tous les êtres raisonnables, créent la nécessité morale. Elle constitue une contrainte, c'est-à-dire une obligation morale. Toute action fondée en raison, implique qu'elle soit représentée comme un devoir. Ce dernier traduirait, par conséquent, notre

47 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 150.

48 Emmanuel Kant, Religion dans les limites de la simple raison, trad. de l'allemand par André Tremesaygues, Paris, PUF, 1946, p. 27.

49 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 121.

50 Ibidem.

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capacité à agir comme la divinité en adoptant par là même une nature inaltérable. C'est justement de cette manière que la loi morale traduit toute sa pureté ou sainteté indépendamment de toute influence extérieure. C'est en ce sens qu'Emmanuel Kant ajoute que :

La loi morale est en effet, pour la volonté d'un être absolument parfait, une loi de la sainteté, mais elle est, pour la volonté de tout être raisonnable fini une loi du devoir, de la contrainte morale et de la détermination de ses actions par le respect pour la loi et par la vénération pour son devoir51.

L'expression de la loi morale, comporte un principe objectif dans la volonté de tout être humain. Pour cette raison, les dispositions morales nécessitent des impératifs capables de servir de modèles pour notre conduite ainsi que celle de nos semblables. Elles sont indépendantes. Elles sont caractérisées par une loi de la sainteté et déterminées par le devoir. En plus, cette tendance vers le bien moral apparaît honorable pour l'humanité. L'homme exprime par elle ce qui l'élève au dessus des autres espèces vivantes de la nature : l'humanité. Cette tendance se donne à voir par des comportements reflexes qui découlent de l'intériorité de l'homme. Toute chose dans la nature agit d'après des lois, mais l'homme n'est que le seul être raisonnable capable d'agir « d'après la représentation des lois, c'est-à-dire d'après les principes, en d'autres termes, qui ait une volonté »52.

Tout principe moral établi avec soin doit être susceptible de créer une influence positive sur le coeur humain. Cette influence intérieure devrait être considérée comme l'expression de la loi morale en tout être humain. En ce sens, l'intégration des principes moraux dans la gestion des affaires publiques peut être d'une importance capitale. Elle permet de comprendre que les hommes, malgré leurs différences naturelles ont en partage le sens de la loi morale. L'universalité de la moralité considérée chez les êtres humains exclut toute représentation divine ou extérieure. Elle impose, par conséquent la bonne conduite. Que représente donc l'expression de loi morale chez Emmanuel Kant ? En utilisant cette notion

51 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., p. 193.

52 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 122.

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de loi morale, Emmanuel Kant voudrait réaffirmer davantage le caractère impératif de la moralité dans les conduites humaines. Ensuite il montre à quel point elle exige de l'homme la ferme volonté, la conscience morale en toutes circonstances.

Si la moralité est admise dans un rapport à l'expression de la loi morale, du moins comme une représentation de l'homme, elle ne saurait revêtir le manteau de la contrainte. Pour la simple raison que « le respect pour la loi morale est l'unique et en même temps l'indubitable ressort moral. Ce sentiment ne peut être porté à aucun objet, si ce n'est pour cette raison seulement »53. En conséquence, une telle affirmation pourrait se justifier dans la mesure où le contenu des représentations est suscité par la raison. Cette faculté en son usage pur vient confirmer l'universalité de la moralité. Elle offre la possibilité de comprendre que :

Les Idées ne permettent pas un usage constitutif pour la connaissance, mais peuvent cependant, à titre d'Idées régulatrices, ouvrir un horizon pour s'orienter dans la pensée54.

L'immense intérêt que procure la raison, comporte la production des Idées. Sans permettre nécessairement l'usage constitutif de la raison, elles peuvent en outre offrir un chemin pour la pensée. Dans cette logique, la moralité formulée en loi morale revêt tout son sens d'autant plus que l'usage pur de cette raison nous produit les concepts devant diriger notre esprit, notre façon d'être et de nous conduire en société. La moralité conduisant à l'expression de la loi morale, pourrait traduire la volonté d'inciter les individus à ordonner leurs conduites à la lumière de ces « Idées régulatrices ». On peut noter que le caractère impératif de la moralité qui se dresse sous forme de loi morale constitue une manière de donner plus de légitimité et de portée humaine à cette disposition digne de l'intelligence humaine.

53 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., pp. 188-189.

54 Jean-Marie Vaysse, Le vocabulaire de Kant, Paris, Ellipses Éditions Marketing, 1998, p. 45.

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La représentation de toute idée pourrait s'inscrire dans un élan de recherche de la perfection propre à l'espèce humaine. Pour cette raison, le développement des dispositions naturelles devient comme des défis, dans la mesure où il est un être sociable. Cette sociabilité s'exprimant différemment, complique davantage l'uniformité. D'où la nécessité de se conduire seulement d'après des principes identiques, pouvant devenir pour une autre nature, source d'harmonie sociale. Dans cette recherche de perfection, abondent les idées, considérées comme des formulations de la raison. La définition de l'idée est, par conséquent, la recherche d'un accomplissement dans l'expérience. En ce sens, Emmanuel Kant écrit que « L'idée n'est rien d'autre que le concept d'une perfection, qui ne s'est pas encore rencontré dans l'expérience »55.

En outre, pour Johann Fichte, « le principe de la moralité est l'idée nécessaire de l'intelligence, (...). Le contenu de cette idée est que l'être libre doit [Solle] ; car Devoir est qu'il doit placer sa liberté sous une loi »56. Dans cette affirmation, la moralité se révèle comme l'expression de l'intelligence humaine. En effet, dans cet élan d'expression humaine, la considération de la moralité comme loi morale signifierait que les êtres raisonnables doivent discipliner leurs libertés et leurs conduites sociales par les moyens humains possibles. La qualité d'être humain impose que chaque homme agisse avec la conscience de la moralité qui est nécessaire pour l'accomplissement du bien dans le monde. Dans la mesure où la vie humaine ne saurait être menée sans intelligence.

En somme, il convient de retenir que la liberté caractérise de façon fondamentale la loi morale chez les êtres raisonnables. Dans cette logique précise, la responsabilité des hommes s'impose partout et implique la culture de la raison dans le traitement de l'humanité. Il importe que la moralité considérée en rapport avec l'expression de la loi morale soit reconnue comme l'expression de

55 Emmanuel Kant, Réflexions sur l'éducation, Op. cit., p 12.

56 Johann Fichte, Système de la doctrine des moeurs d'après les principes de la Doctrine de la science, trad. de l'allemand par Paul Naulin, Paris, PUF, 1986, p. 175.

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l'intelligence humaine57. De fait, on pourrait également noter que seules de telles conduites dignes des êtres humains contiennent l'affirmation de l'humanité qui caractérise le genre humain. Cependant, la bonne volonté suggère-t-elle immédiatement la moralité ?

57 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., p. 129.

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CHAPITRE II : DES ACTIONS DE BONNE VOLONTÉ

À LA VOLONTÉ BONNE

La notion de bonne volonté dans sa résonnance chez les hommes est presque la même. Pour le sens commun, est de bonne volonté une personne qui répond promptement à une sollicitation, ou encore qui accomplit volontiers des actions. À ce stade, l'homme ne fait que témoigner de sa bonne volonté, honorant ainsi l'humanité. Mais cette bonne volonté n'apparaît pas toujours conséquente, c'est-à-dire suivie d'effets. C'est pourquoi Emmanuel Kant fait la distinction entre la bonne volonté et la volonté bonne.

En ce sens, les actions de bonne volonté désignent des actions accomplies par devoir. Ces actions n'étant pas constamment fermes ou déterminantes, elles doivent selon Emmanuel Kant articuler le vouloir et le pouvoir (faire) pour se hisser au stade d'actions de volonté bonne par le biais de la constance et de l'effort sans fin. Dans cette perspective, nous verrons d'abord, en quoi consiste l'apport des exemples dans la promotion de la moralité, qui exige aussi de nous l'effort de perspicacité, de lucidité et de rigueur pour le plus grand bien du monde. Puis nous analyserons l'imitation et l'habitude pour en dégager la moralité.

Dans ce même ordre d'idées, nous essayerons de comprendre le rôle déterminant de la volonté sous la gouvernance de la raison dans l'accomplissement des différentes actions. Nous tenterons de faire ressortir la connaissance selon laquelle ce que nous donnons à nos semblables de voir est, en réalité, l'aboutissement d'une « volonté de puissance », en tant que signe du vivant qu'est aussi l'homme, dans la manifestation de son humanité58. Dès lors, en quoi consiste la moralité des exemples ? Qu'en est-il de cette dernière dans l'imitation et l'habitude ?

58 Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, trad. de l'allemand par Géneviève Bianquis, Paris, GF-Flammarion, 1969, p. 73.

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1- Les exemples dans la promotion de la moralité

Il serait tout de même aisé pour chaque être humain sur terre de se réclamer d'une bonne volonté si le principe était qu'il suffisait de professer cette foi. En effet, l'homme étant fréquemment maintenu au seuil de l'ignorance, est sujet à toutes sortes de manipulation et de confusion. Dans ces conditions, sa fragilité est liée à la facilité avec laquelle il cède à certaines croyances. Par là, la dimension affective est sujette au devenir.

La quête et la conservation du pouvoir politique auxquelles se livrent les leaders politiques a pour finalité de témoigner des exemples d'actions de bonne volonté, fragmentaires et dispersés s'inscrivant selon eux dans l'intérêt des peuples. Or, cette approche purement politique des choses requiert, selon Emmanuel Kant une nécessaire méfiance. Ces actions de bonne volonté doivent avoir pour objet le devoir qui contient la bonne volonté. Par conséquent, de tels exemples d'actions ne peuvent prétendre à fonder la moralité par la répétition permanente de ceux-ci. Autant dire que les exemples d'action dans ce domaine sont assortis d'intérêts inavoués :

On ne pourrait non plus rendre un plus mauvais service à la moralité que de vouloir la faire dériver d'exemples. Car tout exemple qui m'en est proposé doit lui-même être jugé auparavant selon les principes de la moralité pour qu'on sache qu'il est bien digne de servir d'exemple originel, c'est-à-dire de modèle ; mais il ne peut nullement fournir en tout premier lieu le concept de moralité59.

Dans ce contexte, cela signifie que les exemples d'actions de bonne volonté à ce niveau, ne fondent pas pour autant la moralité en elle-même. Il faut noter que le fait que certains hommes pensent tirer la moralité de l'expérience s'illusionne en ayant recours à certains exemples d'actions. En effet, le domaine religieux témoigne d'exemples de Saints. Dans l'Église catholique, par exemple, les croyants sont appelés à s'inspirer d'eux pour le raffermissement de leur foi. Mais quelle est la conception kantienne de tels exemples ? Dans ce domaine,

59 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 115.

60 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., pp. 115-116.

61 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 89.

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Emmanuel Kant nous édifie, en mettant en avant la capacité de raisonnement et de distinction de l'homme :

Même le Saint de l'Évangile doit être d'abord comparé à notre idéal de perfection moral avant qu'on le reconnaisse pour tel : aussi dit-il de lui-même : pourquoi m'appelez-vous bon moi (que vous voyez) ? Nul n'est bon (le type de du bien) que Dieu seul que vous ne voyez pas60.

La moralité devant être comprise de la conception kantienne de tels exemples d'hommes bons est rationnelle. Ainsi, Emmanuel Kant soutient que même si telle est l'obligation morale de l'homme, cela n'exclut pas pour autant sa raison qui lui prescrit, par ailleurs des impératifs catégoriques. Par conséquent, les exemples d'hommes bons, quels qu'ils soient ne doivent prétendre aucunement à fonder le principe suprême de la moralité. Seulement, ils doivent être considérés comme la preuve tangible que la vertu est réalisable. Pour cela, l'homme doit s'élever à la volonté bonne, caractérisée par la fin en soi :

Ce qui fait que la bonne volonté est telle, ce ne sont pas ses oeuvres ou ses succès, ce n'est pas son aptitude à atteindre tel ou tel but proposé, c'est seulement le vouloir ; c'est-à-dire que c'est en soi qu'elle est bonne61.

En outre, les actions de bonne volonté sont souverainement estimables, quoi qu'elles ne soient pas le Souverain Bien, c'est-à-dire le bien complet, union de bonheur et de vertu. Dans ce même ordre d'idées, Emmanuel Kant reconnaît une vertu limitée des exemples dans la promotion de la moralité. Il indique en effet que les éducateurs sont tenus d'en faire un bon usage, par des choix d'exemples d'actions réfléchis pour la formation du jugement moral des individus. La moralité de ce fait, doit porter les représentations des êtres raisonnables. C'est ainsi que les exemples doivent être choisis :

Car la représentation du devoir et en général de la loi morale, quand elle est pure et qu'elle n'est mélangé d'aucune addition étrangère de stimulants sensibles, a sur le coeur humain par les voies de la seule raison ( qui s'aperçoit alors qu'elle peut-être pratique par

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elle-même) une influence beaucoup plus puissante que celle de tous les autres mobiles que l'on peut évoquer du champ de l'expérience62.

La pureté de la moralité exige une certaine rigueur dans le choix des exemples pris dans le cadre de la formation du jugement moral de l'individu. Il nous donne de comprendre que les exemples d'actions de bonne volonté de façon générale, ne doivent servir qu'à titre illustratif. Ce qui implique qu'ils doivent constituer les raisons d'agir des hommes. Ils doivent témoigner rationnellement de la possibilité de réalisation de la vertu dans la vie sociale. L'apport des exemples d'actions de bonne volonté est ainsi admis.

Pour donner plus de consistance et de légitimité à la notion d'exemple dans le champ de la bonne conduite, Emmanuel Kant nous établit explicitement une distinction importante à propos de cette dernière :

Le mot allemand Beispiel (exemple) que l'on emploie communément comme l'équivalent du mot (Exempel) n'a cependant pas la même signification. Prendre un exemple de quelque chose (ein exempel nehmen) et introduire un exemple (ein Beispiel enfhüren) pour expliquer une expression sont deux idées tout à fait différentes. L'exemple (Exempel) est un cas particulier d'une règle pratique pour autant que cette règle représente une action comme praticable ou impossible. Au contraire l'exemple (Beispiel n'est que le particulier (concretum) représenté comme compris sous l'universel d'après des concepts et ce n'est que l'exposition théorique d'un concept63.

L'exemple peut être compris suivant deux régimes. Selon le premier régime, il s'agit du recours qui sert la fin de la méthodologie, par lequel on soumet progressivement la faculté de juger de l'homme à des Exemples de la légalité. Quant au second régime, il concerne des exemples de la moralité. De cette manière, nous avons des représentations belles de ce qui est conforme à la loi morale, puis des représentations sublimes de ce qui est fait par pur devoir.

De plus, l'exemple permet l'établissement d'une règle générale à travers un cas particulier de cette règle. Il représente l'action comme praticable ou impraticable. Mais ici, ce qu'il est possible de comprendre d'un point de vue

62 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 119.

63 Emmanuel Kant, Doctrine de la vertu, Op. cit., pp. 157-158.

36

kantien à propos des exemples ou d'actions de bonne volonté, emprunts de moralité, c'est qu'ils ne représentent pas l'établissement d'une règle mais l'invention d'un modèle pouvant constituer un véritable motif pour l'accomplissement du devoir. C'est probablement d'une telle manière que nous pouvons comprendre pourquoi le choix des exemples ou d'actions de bonne volonté requiert beaucoup de lucidité et d'intelligibilité en vertu de leur fonction pédagogique pour la société. La volonté bonne y est consacrée.

Le recours à des exemples ou des actions de bonne volonté, voudrait que la conscience morale préside à ceux-ci, de sorte qu'ils puissent porter en eux les traces de l'effort. Ainsi à la lumière de la raison, se règlent et se construisent les comportements liés à la vie publique. Dans la mesure où ce que nous accomplissons dans le domaine de l'agir, est susceptible de s'arracher une portée sociale. Dans la tradition grecque antique, les hommes qui s'illustrent mieux de par leur courage, leur ténacité, s'étaient vu adresser des éloges ou des cantiques qui les élevaient comme des modèles pour toute la Cité. Cette reconnaissance, importait pour les Grecs, d'autant plus qu'ils (ces héros) incarnaient des idéaux dignes de la Cité entière.

Les Grecs pouvaient trouver en ces hommes de l'intérêt en raison de : « la moralité [Sittlichkeit] et la certitude morale qui n'ont jamais cessé d'être recommandées (...) de sorte que celui qui les possède ne peut jamais se trouver désemparé, ou seulement inquiet »64. D'un tel point de vue, il est possible de comprendre à quel point l'exemple en lui-même revêt une dimension pédagogique et instructive du point de vue sociétal. Les conduites en société exigent de nous des comportements décents et désirables ; en lesquels résident le développement harmonieux et la conscience morale d'une appartenance partagée à une société digne.

Au demeurant, les exemples dans la promotion de la moralité dans tous les domaines de la vie, selon Emmanuel Kant, ne peuvent être considérés que comme

64 Friedrich Schleiermacher, Conférences sur l'éthique, la politique et l'esthétique, Op.cit., pp. 218-219.

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des preuves devant inciter les hommes à agir inlassablement dans l'intérêt de

l'humanité. En conséquence, la fonction assignée aux exemples est
essentiellement pédagogique et provisoire. Leurs emplois exigent la conscience morale puisqu'il importe que les actions de bonne volonté constituent une volonté bonne. Cette dernière est caractérisée par le courage, la fermeté et l'effort sans fin. En ce sens, les exemples doivent comporter ces

vertus, puisqu'ils servent de preuves tangibles dans la quête du Bien Suprême. À la lumière de ce qui précède, en quoi consiste la moralité dans l'imitation et l'habitude d'un point de vue kantien ?

2- La moralité dans l'imitation et l'habitude

La recherche de la vertu est une quête pour l'homme, et implique un effort sans fin. En effet, dans le cadre de la moralité dans l'imitation et de l'habitude, l'exemple de sainteté du Christ peut nous aider à comprendre mieux l'imitation et l'habitude. Mais avant, il importe de faire une clarification étymologique. Selon l'étymologie, par imitation, nous pouvons entendre le mot : imitio, d'origine latine ; qui désigne proprement, imitation, copie65. Dès lors, par imitation, nous comprenons le fait d'imiter, de copier quelque chose, en réponse à un besoin pour nous.

En ce sens, la raison entendue aussi come faculté directrice et régulatrice de l'esprit humain, est censée, pour ainsi dire, fournir à tout être humain la représentation du bien en soi. Toute idée relative au bien trouve sa source dans la raison. Elle est, à ce titre, la même qui nous fournis la représentation des exemples de l'expérience, témoignant ainsi de sa suffisance pour nous guider dans la quête de la vertu :

On a donc nul besoin d'un exemple tiré de l'expérience pour faire de l'idée d'un homme moralement agréable à Dieu un modèle pour nous ; car elle se trouve déjà en cette qualité dans notre raison [...]. Selon la loi en effet, tout homme devrait équitablement fournir en

65 Jacqueline Russ, Dictionnaire de Philosophie, Op. cit., p. 136.

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lui-même un exemple de cette Idée dont l'archétype réside toujours dans la raison ; car aucun exemple de l'expérience extérieure ne lui est adéquat du moment que celle-ci ne saurait révéler le fond intérieur de l'intention66.

Par conséquent, la moralité de l'imitation des exemples d'hommes bons selon Emmanuel Kant est, certes utile, mais nous devons nous abstenir d'admirer en outre les actes vertueux seulement compatibles avec les devoirs de l'homme et qui n'ont rien de particulier. La moralité réside dans l'effort à tirer le meilleur profit possible de ce qui est humainement faisable.

Pour ce qui est du mot habitude, il a une étymologie latine : habitudo. Il renvoie à la manière d'être, état ou comportement permanent acquis par la répétition et tendant à s'effectuer automatiquement67. En conséquence, David Hume, en recensant les matériaux de l'esprit souligne le rôle de l'habitude, en montrant que la nécessité existe seulement dans l'esprit et nullement dans les objets. À la question comment nous acquérons la connaissance, de la cause et de l'effet, l'auteur répond ceci : « C'est l'habitude, principe vital essentiel qui, guide nos opérations spirituelles »68. C'est donc dire que la relation de cause à effet se fonde sur l'habitude et la répétition de l'expérience.

En revanche, Emmanuel Kant nous fait comprendre que l'habitude revêt de la moralité quand elle sert à cultiver nos dispositions primitives au bien en général. En cela réside la moralité de l'habitude. La vertu est une aptitude à la fois naturelle et habituelle (acquise). Par l'habitude, l'homme l'acquiert progressivement, en améliorant davantage la perspicacité et le jugement moral dans la quête de la vertu. En ce sens, il soutenait que :

Il n'est précisément nécessaire d'être un ennemi de la vertu, il suffit d'être un observateur de sang-froid qui ne prend pas immédiatement pour le bien même le vif désir de voir le bien se réalisé, pour qu'à certains moments (surtout si l'on avance en âge et si l'on a le

66 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., p. 166.

67 Jacqueline Russ, Dictionnaire de Philosophie, Op. cit., p. 121.

68 David Hume, Enquête sur l'entendement humain, trad. de l'anglais par Michel Malherbe, Paris, PUF, 2012, p. 42.

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jugement d'une part mûri par l'expérience, d'autre par aiguisé pour l'observation) on doute que quelque véritable vertu se rencontre réellement dans le monde69.

Ici, Emmanuel Kant souligne la rareté des actes vertueux. Ce n'est qu'à l'âge avancé que l'on réalise cette évidence selon laquelle la vertu demeure quelque chose de très rare, puisqu'il est possible de parvenir d'une part, à la maturité du jugement et d'autre part à son aiguisement sans atteinte pourtant la vertu. Ce qui revient à dire que les acquis de l'expérience selon le point de vue kantien ne contribuent qu'à renforcer progressivement la conduite humaine, en affermissant les maximes. Dans ce sens, la conduite morale de l'homme résiderait dans la sagesse acquise au fil du temps.

En plus, Emmanuel Kant soutient, cependant que le mépris d'autrui à l'endroit de l'habitude est dû à l'instinct qui l'anime, dans la mesure où il tend à chosifier l'individu. Toutefois, cette aversion qui semble bien légitime est contrariée et dépassé souvent par d'indéniables avantages et profits de certaines habitudes adoptées volontiers. Il le dit fort bien en ces termes :

Pourtant, certaines habitudes peuvent être contractées et mises en place intentionnellement, quand la nature refuse son aide à la libre volonté ; par exemple, l'âge venant, on peut s'habituer à l'heure des repas, à leur qualité et quantité de même pour le sommeil ; ainsi, on se mécanise graduellement ; mais ceci ne vaut qu'à titre d'exception et en cas de nécessité. En règle générale, toute habitude est condamnable70.

On peut comprendre que l'homme est libre d'adopter certaines habitudes en toute liberté. Dans ce sens en effet, toute conduite que l'on contracte par habitude à l'âge avancé est compréhensible. Dans la mesure où elle apparaît profitable puisqu'elle répond à des besoins circonstanciels. Cependant, le sujet moral soucieux de bonne conduite ne doit pas admettre l'habitude comme un principe d'action, autrement toute action serait dépourvue de la valeur morale. En conséquence, la moralité de l'habitude est qu'elle ne saurait tenir comme règle en tout temps.

69 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 113.

70 Emmanuel Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, Op. cit., pp. 51-52.

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En accordant une attention particulière à tout ce que nous posons comme action, cela reviendrait à faire honneur d'une certaine manière à la vision humaniste qui se veut sobre et sévère. L'éloquence dans les deux aspects se poserait comme un effet de perspective en vertu de la puissance suscitant de la représentation71. La moralité dans les deux cas exige des êtres raisonnables des comportements s'inscrivant dans l'objectivité tout en gardant leur liberté. Cette dernière réside dans la capacité à exercer le sentiment moral qui contient d'une certaine manière la moralité d'autant plus que sans lui, l'homme serait quasiment inexistant sur le plan moral. Dans la mesure où Emmanuel Kant fait remarquer que :

Il n'y a pas d'hommes qui soient dépourvu de tout sentiment moral, car si quelqu'un était complètement privé de toute réceptivité, à cette sensation, il serait mort sur le plan moral (...), l'humanité (pour ainsi dire selon les lois chimiques) se dissoudrait dans la simple animalité et se fondrait immédiatement dans la masse des autres êtres naturels72.

En conséquence, nous pouvons comprendre que tout être humain, en possession de ses facultés sensorielles et mentales, est censé être animé d'un sentiment moral. En d'autres termes, le sentiment moral est l'expression de l'humanité. Son existence est le signe le plus manifeste de l'humanité, puisque sans sentiment moral, il n'en existerait pas en réalité. Pour que l'humanité en chaque être humain puisse triompher et correspondre aux attentes humaines, tout être raisonnable se doit de privilégier ce qui l'humanise. Le bon sens est ce qui se doit d'être partagé pour que l'homme s'apprécie mieux.

De plus, l'être raisonnable se doit de traiter son semblable avec beaucoup de respect et de considération puisque tout être humain existe comme fin en soi. Si l'être raisonnable est ainsi conçu, alors cette qualité impose que chaque être digne de ce nom se doit de considérer son semblable comme ce qui est infiniment au-dessus de tout prix : « Ce qui a un prix peut être aussi remplacé par quelque chose d'autre, à titre d'équivalent ; au contraire ce qui est supérieur à tout prix, et

71 Michèle Cohen-Halimi, Kant la rationalité pratique, Paris, PUF, 2003, p. 117.

72 Emmanuel Kant, Doctrine de la vertu, Op. cit., p. 244.

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par suite n'admet pas d'équivalent, c'est ce qui a une dignité »73. L'être humain selon Emmanuel Kant existe comme fin en soi. Mieux les personnes comme il l'avance ont une valeur absolue, et non relative74. Au nom de cette dernière, son traitement exige de nous de la perspicacité.

Le sens humain de l'habitude et de l'imitation, est celui de la dignité humaine, considérée comme la pierre de touche par laquelle il est possible d'évaluer l'action humaine sous toutes ses formes. Pour que la moralité des actions puisse s'accommoder avec les attentes des hommes, il importe de connaître la fonction qui est assignée à l'exemple en général. L'importance se justifierait par le souci de bien se conduire dans les rapports avec les autres.

Cette fonction permet de comprendre que la moralité dans l'imitation réside principalement, dans le fait de favoriser la culture des dispositions primitives au bien. Cela impliquerait que la qualité d'être humain suppose que, pour favoriser un développement digne et conséquent de conduites sociales dans les relations humaines, il importe que la rationalité et la logique soient de mise. Dans la mesure où elles confirmeraient la lucidité et la pertinence d'une raison, répondant à un besoin humaniste.

En somme, la moralité de l'habitude consiste à comprendre qu'elle ne peut tenir en règle générale. Car la dignité de l'homme prime dans le choix des exemples. Elle suggère que le traitement de l'humanité, exige qu'on domine les sens par une capacité d'élévation à ce qui nous porte au point de vue universel : la Raison. Il en est de même pour toutes les conduites sociales. Dès lors, si tout être humain se définit avec une certaine dignité d'homme, cela n'implique-t-il pas à placer la moralité au fondement de toutes les actions humaines pour le triomphe de l'humanité ?

73 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 160.

74 Cette idée de l'être humain comme fin en soi est manifeste dès l'Antiquité grecque, dans la conception de la liberté comme l'opposé de la servitude : « Nous appelons libre celui qui est à lui-même sa fin et n'existe pas pour un autre ». (Aristote Métaphysique 2, 982b 25-26).

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DEUXIÈME PARTIE :

LA MORALITÉ ET LE FONDEMENT
DE L'HUMANITÉ

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La réalisation de l'homme dans la vie en société nécessite l'usage de ses facultés qui lui confèrent hautement une certaine particularité sous laquelle il se pense partout dans le monde. Cependant, les réalités de l'existence se posent devant lui comme des obstacles interminables qu'il doit franchir pour prétendre à une vie digne de son espèce. De la sorte, la création des conditions devient des défis énormes à relever en vue de son affirmation, et de même en toutes circonstances dans le monde.

Il se pose comme être raisonnable qui, par sa capacité à se représenter les lois morales, se définit avec une certaine autonomie caractérisant sa volonté. Cette définition l'élève ainsi comme un être vivant qui, au lieu de subir les difficultés qui jalonnent son existence, cherche sans relâche à créer les conditions d'une vie digne de son être. Dès lors, la responsabilité qui l'incombe est de répondre de tous ses actes, en les assumant pour sa liberté, et même l'épanouissement social de tous. À l'être humain, est reconnue la faculté de la moralité, non pas en terme de contrainte, mais sous la forme d'une possibilité humaine dans laquelle l'humanité en chaque être humain peut raisonnablement s'affirmer.

Tous les actes qu'il pose laissent entrevoir des emprunts dont les germes semblent être enracinés dans sa nature. Ils sont tels qu'on ne pourrait en trouver ailleurs, chez d'autres espèces vivantes en dehors de lui. Mais, si la moralité fait partie de la nature de l'homme, alors comment justifierait-on sa causalité ? La responsabilité de l'homme n'est-elle pas d'accomplir son devoir dans le monde ?

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CHAPITRE I : LA MORALITÉ DANS LA NATURE DE L'HOMME

Parler de la moralité dans la nature de l'homme, c'est concevoir chez celui-ci la dimension morale liée à son être en général et à tous les êtres raisonnables en particulier. En ce sens, la moralité, apparaît comme un élément déterminant qui comporte sa multidimensionnalité dont la compréhension fondamentale repose sur l'autonomie de la volonté. Le concept fondamental dans l'accomplissement de la bonne volonté est l'autonomie. Elle se révèle comme ce qui porte au fond ce dernier.

La possibilité semble être objectivement donnée pour une meilleure saisie de la quintessence des séries d'actions. La moralité dans la nature de l'homme, impliquerait que la compréhension de celui-ci exige la maîtrise des éléments définissant son être. L'autonomie de la volonté, à cet effet, constitue sous la gouverne de la raison le principe humanisant, et rendant digne la personne humaine puisqu'il lui confère un certain pouvoir d'agir, indépendamment de toute influence extérieure.

Par l'autonomie de la volonté, à la limite de l'édifiant, importe-t-il aux êtres humains de se respecter et de se considérer mutuellement, en vertu de cette dernière. On peut comprendre qu'aucune contrainte extérieure, quelle que soit sa nature, ne peut dompter ce pouvoir spécifique à tous, et faisant de l'homme un être digne de respect et de considération. Dès lors, que comprendre davantage de l'autonomie de la volonté humaine ?

1- L'autonomie de la volonté humaine

La compréhension de l'être raisonnable, selon Emmanuel Kant passe par la connaissance de la causalité de sa volonté qu'est l'autonomie. Mais qu'est-ce que l'autonomie ? Le mot autonomie a une racine grecque : autonomos, qui se régie par ses propres lois, indépendant, autonome. C'est le caractère de ce qui se donne

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à soi-même sa loi, de ce qui obéit à sa propre loi75. À cette définition, est intrinsèquement liée l'idée de liberté.

Ainsi, parler d'autonomie de la volonté humaine, c'est concevoir l'homme en possession de tout son être, de son unité, de son pouvoir d'agir indépendamment de toute contingence extérieure. Dans cette acception que l'homme se fait de lui-même, est enracinée sa conscience de la moralité :

Comme être raisonnable, faisant partie par conséquent du monde intelligible, l'homme peut concevoir la causalité de sa volonté propre sous l'idée de liberté ; car l'indépendance à l'égard des cause déterminantes du monde sensible (telle que la raison doit toujours se l'attribuer), c'est la liberté. Or à l'idée de liberté est indubitablement lié le concept de l'autonomie, à celui-ci le principe universel de la moralité, qui idéalement sert de fondement à toutes les actions des êtres raisonnables, de la même façon que la loi de la nature à tous les phénomènes76.

Emmanuel Kant montre que l'homme, en réalité, bien qu'étant dans le monde comme lieu de sa réalisation effective, a une volonté déterminée fondamentalement par l'autonomie, qui constitue le fondement de toutes ses actions. Il est possible de noter qu'à ce niveau, se manifeste davantage l'humanité. L'accomplissement du bien dans le monde se pose comme une nécessité. Ce qui permet de comprendre que dans la compréhension de l'autonomie de la volonté, la toute puissance de l'homme qu'est la volonté se révèle comme une propriété dont les êtres raisonnables seuls en sont capables.

Tout être humain est digne d'un libre arbitre qui impose de le traiter avec beaucoup plus d'égards. L'autonomie de la volonté, qui est celle de l'homme fait ainsi l'objet d'un profond respect, en vertu de toute sa puissance, capable de prendre des décisions, de donner des orientations à la vie humaine ; et même de promouvoir ce qu'il y a d'humainement recevable : le Bien suprême. Toute la dignité de l'humanité est ainsi consacrée et réside indéniablement dans l'autonomie de la volonté humaine. En d'autres termes, la préférence que nous

75 Jacqueline Russ, Dictionnaire de Philosophie, Op. cit., p. 29.

76 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., pp. 191-192.

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avons pour telle chose et l'aversion pour telle autre ne saurait être l'expression d'une volonté extérieure à soi. Mais, elle est le signe manifeste et réel de la volonté humaine entièrement autonome.

De plus, l'autonomie, étant comprise comme ce qui caractérise la volonté humaine, elle est logiquement favorable à l'accomplissement du devoir. C'est ainsi que les capacités à se transporter dans le monde intelligible et à reconnaître l'autonomie, entrainent conséquemment la moralité. Mieux, elle est l'expression de la capacité de l'homme à accomplir des actions.

À présent nous voyons bien que lorsque nous nous concevons comme libres, nous nous transportons dans le monde intelligible et que nous reconnaissons l'autonomie de la volonté avec sa conséquence, la moralité ; mais si nous nous concevons comme soumis au devoir, nous nous considérons comme faisant partie du monde sensible et en même temps du monde intelligible77.

En se concevant libre, vis-à-vis de tout objet de l'expérience, l'homme s'offre, par conséquent le pouvoir de soumission ou d'autorité. En cela, parler d'autonomie de la volonté, c'est reconnaître à l'homme toute sa dignité. Ainsi, nous pouvons noter que toute action, quelle qu'elle soit ; accomplit malgré ou bon gré est toujours le résultat d'une certaine autonomie indéniable de la volonté humaine, qui parvient à sa réalisation sous l'égide de la raison. Il est nécessaire de comprendre l'homme sous l'autonomie de la volonté car la compréhension même de son être l'exige. Par ailleurs, son admission comme telle n'est pas audacieuse encore moins curieuse.

Elle est nécessaire puisqu'il n'est pas question de l'admettre par complaisance mais de se fixer pour le comprendre en profondeur. La question qui se pose est celle de savoir ce qui caractérise la volonté humaine. L'autonomie de la volonté humaine est indéniable. Elle permet de comprendre que l'homme possède une autonomie intérieure indépendamment de toute influence. Elle s'exerce en vertu de sa puissance comme cause efficiente par laquelle il se conçoit. Par elle, la possibilité est donnée de saisir la quintessence des actions

77 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 192.

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humaines, qui nous reste méconnues et inexplicables sans elle. De plus, elle est enracinée dans « le monde intelligible, qui contient le fondement du monde sensible, et par suite les lois »78.

Elle s'expliquerait par son évidence qui s'impose d'elle-même. Dans ce sens, elle est assortie d'une nécessité qui s'impose aux hommes, de conformer les maximes de leurs actions aux lois du monde intelligible. De cette manière, tout ce qui est possible de voir comme actions accomplies par l'homme dans tous les domaines de la vie, n'est qu'émanation du monde intelligible. Mieux, « L'autonomie de la volonté est l'unique principe de toutes les lois morales et de tous les devoirs qui y sont conformes »79. Tout est conclu dans le monde intelligible avant d'être donné à la vue dans le monde sensible. Cette effectivité se traduit en actions aux formes diverses et variées.

Dans cet ordre d'idées, ce qu'il est possible de souligner est la conviction

qui habite originellement en chacun de nous et qui est certainement le présupposé moral fondamental. C'est en vertu d'elle que sont pensées toutes les séries d'actions ; c'est-à-dire celles qui sont conformes au devoir et celles qui sont accomplies par devoir. La volonté du bien et du mal est suscitée. En effet, la valeur de la volonté moralement bonne qui est la seule chose qui soit absolument bonne et sans restriction, constitue le bon sens partagé.

Elle repose sur un principe objectif, universel et nécessaire et non sur des principes subjectifs, particuliers et contingents. Si l'homme a une valeur absolue et non relativement à quelque autre fin, son action doit être régie par l'impératif catégorique moral, qui prescrit à la volonté d'être bonne absolument80.

C'est ainsi que l'on peut comprendre que la volonté incite la personne morale raisonnable en général et l'homme en particulier à mériter davantage le respect en tant que des fins en soi. Dans cette perspective, Emmanuel Kant ne nie pas le fait que l'homme puisse se servir dans certaines circonstances, aussi de

78 Ibidem.

79 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., p. 179.

80 Mai Lequan, La philosophie morale de Kant, Op. cit., p. 157.

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moyens dans le but de réaliser ses fins pragmatiques de prudence [geschicklichkeit], mais ne doit réduire l'humanité en sa seule personne. L'homme, pour ainsi dire, peut être compris dans sa capacité à exprimer son accord ou désaccord dans les échanges interhumains. En ce sens, Jürgen Habermas, nous parle d'éthique de la discussion. Il écrit à cet effet ceci :

Dans l'éthique de la discussion, c'est la procédure de l'argumentation morale qui prend la place de l'impératif catégorique. Elle établit le principe « D » selon lequel peuvent prétendre à la validité les normes qui pourraient trouver l'accord de tous les concernés en tant qu'ils participent à une discussion pratique81.

Dans le cas de la manifestation de l'autonomie de la volonté dans les échanges humains, l'homme, est capable de ramener l'impératif catégorique au rang d'un principe d'universalisation. Celui-ci dans les discussions pratiques assume le rôle de règle d'argumentation morale. Ainsi, l'homme, autonome, se convainc de l'exigence de la validité d'une chose. C'est par conséquent de l'autonomie de la volonté de tous que l'on parvient au consensus. Dans la discussion, on comprend de façon essentielle l'autonomie complète qui ne se réalise que sous le sceau de la volonté humaine. Elle est le principe d'actions du genre humain. Car cette faculté, en s'exerçant, apparaît comme la confirmation de tout ce qui est librement consentit en matière de moralité82. En ce sens, le jugement moral exprime bien une obligation.

L'autonomie de la volonté humaine se présente comme la condition sous laquelle l'homme doit être pensé en tant qu'être humain. Cette conscience d'autonomie qu'il a de lui-même a pour conséquence la moralité. Elle est l'expression de la soumission de la nature sensible à la nature intelligible. Mieux, en se considérant comme membre législateur du règne des fins, l'être raisonnable s'offre le pouvoir de soumettre le monde extérieur pour une existence digne et

81Jürgen Habermas, De l'éthique de la discussion, trad. l'allemand par Mark Hunyadi, Paris, GF-Flammarion, 1991, p. 17.

82 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 181.

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humaine. Sous cet angle, la responsabilité de l'homme se pose-t-elle avec acuité dans le monde sensible ?

2- La responsabilité de l'homme

Qu'est-ce que la responsabilité ? Par responsabilité, l'on peut entendre tout ce qui incombe à l'homme de faire pour l'affirmation digne de son être dans tous les domaines de la vie. En effet, la responsabilité vient du latin respondere, qui signifie être digne de, égal à, à la hauteur de : le fait de répondre totalement de ses actes, de les assumer et de s'en reconnaître l'auteur83. Parler de responsabilité implique nécessairement une certaine imputation de l'homme. L'évocation de toutes ces capacités dans les domaines de la vie fait appel à la pleine conscience de l'homme. Se donner les moyens intellectuels, physiques et moraux possibles, en agissant toujours pour la sauvegarde de sa dignité d'homme, fait partie de la responsabilité de l'homme.

La dignité étant intrinsèquement reconnue qu'aux hommes, impose d'assumer tous leurs devoirs, leurs engagements, en vertu de leurs facultés : la raison, la maturité, la liberté. L'imputation de la responsabilité à l'homme réside aussi dans le fait qu'elle consacre toute l'humanité et la particularité de ce dernier qui, à la différence des autres espèces vivantes de la nature, possède la faculté du bien et du mal, et donc de pensée : « L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature ; mais c'est un roseau pensant »84. On peut comprendre qu'on ne saurait parler véritablement de responsabilité que par rapport à cet être raisonnable et libre. Il est en effet le seul être vivant, capable d'esprit critique, de discernement et donc de raison qui l'installe au monde et lui recommande d'y prendre position.

La responsabilité de l'homme que nous évoquons ici, revêt une dimension absolument rationnelle et critique. Là où la responsabilité de l'homme est

83 Jacqueline Russ, Dictionnaire de Philosophie, Op. cit., p. 250.

84 Blaise Pascal, Pensées, Paris, Gallimard, 1954, pp. 1156-1657.

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évoquée, cela suggère que sa raison est interpellée. Et critique, dans la mesure où l'homme se doit de cultiver une conduite enracinée dans la source morale qu'est la dignité humaine85. Pour cette raison, le fait d'accomplir le devoir, est plus que nécessaire pour l'édification de l'humanité. Dans cette logique précise, l'étude de l'homme peut être comprise comme l'expression de la volonté de l'homme de se comprendre lui-même, voire la conduite convenable dans ses rapports avec ses semblables.

Les conduites rationnelles et bienveillantes se réaliseraient avec l'exacte connaissance de soi, de ses forces physiques, intellectuelles et morales effectives. Selon Emmanuel Kant la vraie connaissance morale de soi doit refuser de « prendre pour des preuves d'un bon coeur de simples voeux qui peuvent bien être effectifs avec un vif désir mais qui en ce qui touche l'action, sont vides et le demeurent »86.

Il y a ici responsabilité de l'homme, dans la mesure où en tant qu'intelligence, il se doit d'articuler le vouloir et le pouvoir pour l'accomplissement d'actions dignes de son être. Ce qui permet de penser qu'il ne suffit pas d'émettre des voeux ou de posséder uniquement de bonnes intentions qui, du reste, se bousculent dans la pensée, mais plutôt de se donner les moyens possibles de les réaliser pour le plus grand bien du monde. De fait, la responsabilité de l'homme est liée à l'action réglée sur des conduites moralement acceptables.

La responsabilité est une imputation de l'homme puisqu'elle n'est conçue et admise comme telle que par rapport à ce dernier. Cette responsabilité implique de manière générale, que l'homme doit répondre de ses actes à tous les niveaux, dans ce cas, elle correspond au devoir chez Emmanuel Kant. Pour lui, le devoir désigne la nécessité d'accomplir une action avec inclination pour la loi, par laquelle l'homme a « conscience d'une bonne volonté qui de son propre aveu

85 Jürgen Habermas, La constitution de l'Europe, trad. de l'allemand par Christian Bouchindhomme, Paris, Gallimard, 2012, p. 137.

86 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 101.

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constitue la loi pour la volonté mauvaise qu'il a en tant que membre du monde sensible »87.

Parler de responsabilité de l'homme, c'est aussi parler de ce qu'il accomplit décidemment tout en s'assumant. Dans cet élan de responsabilité, il suit qu'il est toujours nécessaire de reconnaître dans nos conduites sociales l'importance du devoir qui les fonde. Il serait de ce fait ce qui élève l'homme au dessus de lui-même. La raison exige qu'il préserve la personnalité et l'espèce humaine toute entière en répondant de ses actes. En plus, la reconnaissance d'une libre soumission de la nature humaine à la perfection, voudrait que, quand il s'agit de responsabilité, l'homme ne se borne pas à y voir seulement ses intérêts, mais doit songer au bien de tous.

Dans cet ordre d'idées, il est possible d'observer cette vision rationaliste de la responsabilité de l'homme chez Jonas Hans. Pour lui, la responsabilité des modernes dans la civilisation technologique est de s'assumer devant les défis de cette époque. Jonas Hans, à cet effet, affirme que :

C'est un problème central de l'éthique de la responsabilité pour l'avenir que nous recherchons. Pour l'instant il faut simplement dire que dans la zone où nous avons pénétré avec la technique et dans laquelle nous devons désormais évoluer, la circonspection et non l'excès doit être le mot d'ordre88.

Jonas Hans lie la responsabilité au devoir. Il fait correspondre la responsabilité au devoir qui consiste à circonscrire le progrès technique pour le plus grand bien du monde. En effet, cette responsabilité implique le devoir dans la mesure où il serait inconcevable de parler de responsabilité sans qu'on y trouve une nécessité d'agir, surtout quand cela engage notre existence. Cette conception trouve tout son sens dans une perspective sartrienne. De fait, l'homme étant défini par la liberté, la responsabilité qui incombe est de s'assumer comme tel.

87 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 195.

88 Jonas Hans, Principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique, Paris, Garnier Flammarion, 1990, p. 343.

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De fait, l'homme est tenu de réaliser son existence indépendamment de toute aide divine. L'homme doit modeler l'histoire. De fait, à la question pourquoi parler de responsabilité de l'homme, Jean Paul Sartre soutient que cette dernière ne relève pas d'une volonté divine, elle lui incombe plutôt, et son épanouissement existentiel en dépend :

Parce que nous rappelons à l'homme qu'il n'y a pas d'autre législateur que lui-même et que c'est dans le délaissement qu'il décidera de lui-même ; et parce que nous montrons que ça n'est pas en se tournant vers lui, mais toujours en cherchant hors de lui un but qui est telle libération, telle réalisation particulière, que l'homme se réalisera précisément comme humain89.

La responsabilité de l'homme apparaît indispensable dans la mesure où la liberté en dépend. Il s'agit de répondre de tous ses actes qui se résument en devoirs. La responsabilité se fonde sur l'engagement à accomplir pleinement ses devoirs. Elle suppose que l'être humain doit s'assumer. De même, les éléments de la responsabilité ne peuvent être que des actions accomplies par devoir qui s'emboîtent de partout, s'enchaînent et se complètent. C'est pourquoi, il s'avère que tout ce qui relève de la responsabilité de l'homme trouve sa justification dans l'accomplissement du devoir. Le caractère subversif de la vérité s'impose impérativement à la pensée.

Elle suppose que les relations interpersonnelles soient absolument édifiantes et dignes de celui-ci. C'est justement ainsi que la bonne conduite recouvre toute sa signification : le Bien suprême. Il ne peut être contemplé que dans l'ensemble du genre humain. Le genre humain est le seul capable du Bien suprême90. Il est l'ensemble des contributions spécifiques de chaque membre du genre humain. Il renvoie à la totalité, l'individualisation du concept de devoir permettant de comprendre la contribution individuelle de chacun, justement dans sa spécificité comme le produit d'une action régie par la loi morale.

89Jean Paul Sartre, L'existentialisme est un humanisme, Paris, Nagel, 1946, p. 94.

90 Friedrich Schleiermacher, Conférences sur l'éthique, la politique et l'esthétique, Op. cit., p. 242.

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La qualité d'être raisonnable impose à tout être humain de prendre en charge son existence. En effet, la responsabilité de l'homme, de ce point de vue renvoie à la moralité. C'est une prise de conscience réelle de ce que nous représentons, c'est-à-dire une valeur absolue. L'homme est doté de capacités physiques, morales et intellectuelles, aux moyens desquels il peut assurer son existence. La réalisation du bien moral dans le domaine de l'agir suppose la responsabilité de l'homme, responsable de tout devant tous. Ce qui implique que l'homme doit renoncer à la quiétude et agir pour une affirmation digne de tous. La responsabilité de l'homme doit, par conséquent, dépasser l'intériorité passive que peut constituer la conviction subjective afin de réaliser la moralité91 dans les conduites humaines.

Si l'homme est défini par la liberté, sa responsabilité se pose en conséquence. En assumant cette dernière, il construit son existence car il la prend en charge en toutes situations. De plus, elle met en exergue la capacité de l'homme à apprécier la valeur de la liberté. Elle englobe les conditions d'une existence digne des hommes. La responsabilité de l'homme assumée vient donner à la moralité toute sa consistance car elle suppose l'accomplissement des devoirs indépendamment de toute influence extérieure. Mais la moralité telle que déjà comprise revêt-elle un caractère contraignant pour l'homme ?

91 Mai Lequan, La philosophie morale de Kant, Op. cit., p. 347.

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CHAPITRE II : LA MORALITÉ ENTRE LIBERTÉ ET CONTRAINTE Dans la philosophie morale d'Emmanuel Kant, les concepts de moralité, d'autonomie et de liberté semblent contenir une certaine convertibilité. Selon cette convertibilité, on ne saurait parler de moralité indépendamment de l'autonomie et de la liberté92. Toutefois que l'on évoque la moralité, cela sous-entend nécessairement l'autonomie ou la liberté de l'homme. Avec la mise en lumière de l'idée d'autonomie, la forme de la liberté paraît trouver dans la moralité, la notion de volontés législatrices universelles, un contenu adéquat. Car, c'est seulement ainsi qu'il se définit.

Souvent cette conception kantienne de la moralité est mal interprétée. Cela pourrait se justifier par certains préjugés, qui vont jusqu'à la taxer de rigorisme93 relativement, à certaines formules d'Emmanuel Kant jugées presqu'excessives. Ces dernières taxées de contrainte en matière de moralité, se voient refuser la liberté. Pourtant, il écrit ceci : « Je comprends par là, à vrai dire, non pas quelque chose comme un simple voeu, mais l'appel à tous les moyens dont nous pouvons disposer »94 La réalisation de la moralité chez l'homme nécessite des efforts, et n'admet point que la bonne volonté se contente de la pureté intérieure de sa maxime.

Pour Emmanuel Kant, bien qu'exigeant l'accomplissement du devoir, la moralité se fonde sur l'autonomie de la volonté et implique le traitement de l'humanité comme fin en soi. Pour lui, ce que l'on fait sans joie et seulement comme une corvée, n'a aucune valeur morale interne. En dehors du vouloir librement exprimé, aucune valeur morale n'est concevable. De ce fait, que doit-on comprendre des acceptions de la moralité ? La moralité et son rapport à la contrainte n'est-il pas une faculté nécessaire de l'être raisonnable ?

92 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 192.

93 On connait l'épigramme de Schiller : « Scrupule de conscience : Je sers volontiers mes amis ; mais, hélas je le fais avec inclination, et ainsi je me sens souvent tourmenté de la pensée, que je ne suis pas vertueux ... » Mais Schiller lui-même a nuancé sa critique du « rigorisme » kantien, au point d'être presque, finalement, d'accord avec Emmanuel Kant.

94 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 86.

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1- Les acceptions de la moralité

Les acceptions de la moralité comportent la connaissance selon laquelle les hommes s'en font différentes représentations. En effet, cette réalité liée aux actions humaines est appréhendée de diverses manières quand il s'agit de la pratique. À travers les différentes conduites humaines, il est possible de souligner que le jugement que l'on porte sur la plupart des actions varie manifestement d'un individu à un autre selon les intérêts en vue ou les enjeux qui le muent. Dans la mesure où les conduites humaines semblent traduire l'acception de la moralité des uns et des autres.

Très souvent, on qualifie facilement d'acte digne de moralité ce qui va dans le sens de nos intérêts, quoiqu'inconsciemment, cela ne puisse tenir à l'universel. C'est pourquoi, nous avons des acceptions de la moralité qui diffèrent, et qui fondent en raison les comportements ou les jugements des êtres raisonnables. Ces conduites humaines permettent également d'entrevoir les principes sur lesquels se fonde le concept de moralité dans leurs entendements. Cette remarque peut se faire par les comportements des hommes, qui traduisent leurs différentes acceptions de la moralité.

C'est la compréhension des principes sur lesquels reposent ces acceptions qui en établit la rationalité. Toute acception de la moralité nécessite une clarification de ses assises pour l'humanité. Il s'agit de savoir son fondement. Pour cela, l'on pourrait se demander de la manière suivante : Quels sont les principes sur lesquels doivent se fonder la moralité ? À cette préoccupation, Emmanuel Kant écrit ceci : « Des principes empiriques sont toujours impropres à servir de fondement à des lois morales »95. À travers cette affirmation, se dégage l'idée selon laquelle toutes les acceptions fondant la moralité sur des principes empiriques, ne visent que le bonheur. Les principes du bonheur personnel, précisément, sont les plus condamnables. Ils le sont, non pas en raison de leur

95 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 172.

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fausseté, mais ils supposent en dessous de la moralité, des mobiles sensibles qui le ruinent et en dénient la grandeur.

Pour cette raison, l'acception digne de moralité repose sur des principes rationnels, et donc de l'autonomie de la volonté. Ainsi, Emmanuel Kant rompt avec l'acception des Stoïciens ou Épicuriens qui préconisent une acception de la moralité, comprise comme le principe du bonheur personnel, le prolongement et l'accomplissement de la tendance à la vie bonne. Elle est fondée sur l'hétéronomie. Elle comporte les principes illégitimes de la moralité96. En plus, elle est décrite comme ce qui nous attache aux plaisirs naturels et nous inscrits dans l'ordre rationnel et juste du grand Tout. En rupture avec un tel point de vue, Emmanuel Kant soutient que la moralité doit porter dignement et humainement l'existence. En réalité, elle doit servir de fondement à toutes les actions des êtres raisonnables97. Il importe, par conséquent, de rompre avec l'inaction, la négligence et le contentement moral. C'est d'ailleurs de cette manière que l'homme se rend digne d'être heureux, et même de produire des maximes universalisables.

En rompant avec l'acception stoïcienne de la moralité, reposant sur le naturalisme, et donc sur des principes de l'hétéronomie orientés vers le bonheur personnel, Emmanuel Kant, accorde une signification particulière au concept de perfection récurrent dans sa philosophie morale. C'est pourquoi, l'orientation qu'il donne à celui-ci, n'est nullement celle d'un idéal, mais d'un accomplissement. Ce dernier est lié dans une certaine mesure, à la liberté. Il soutient que la perfection de l'homme est le plein accomplissement de son être. De fait, les principes empiriques fondant la moralité, consacrent une vie naturelle. Alors que les principes rationnels voudraient que l'être raisonnable agisse sous le sceau d'une acception de la moralité qui ordonne et porte son existence à la juste connaissance de sa place dans la Création98.

96 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 170.

97 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 192.

98 Alexis Philonenko, La théorie kantienne de l'histoire, Paris, Vrin, 1986, p. 56.

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La bonne volonté de l'être raisonnable est légitime. Puisqu'en tant que capable de perfection, elle est censée se déterminer par la raison et se conformer immédiatement aux principes rationnels devant fonder la moralité. Ils excluent, par conséquent, la sensibilité sujette à la contrainte. C'est pourquoi, Emmanuel Kant affirme ceci : « Quand il s'agit de valeur morale, l'essentiel n'est point dans les actions que l'on voit, mais dans les principes intérieurs des actions, que l'on ne voit pas»99. La moralité, pour ainsi dire, ne se juge pas à partir des principes empiriques qui ont pour objet essentiel le bonheur personnel, mais doit se focaliser sur l'autonomie, qui comporte les principes rationnels de la bonne volonté, obéissant ainsi à des impératifs catégoriques pour tous.

De plus, l'acception légitime de la moralité semble désintéressée, puisque fondée en raison, elle convainc le sujet moral du bien en soi et la satisfaction liée à son accomplissement. En ce sens, la bonne volonté traduit le bien humainement. C'est en ce sens qu'Emmanuel Kant estime que :

Il se peut que cette volonté ne soit pas l'unique bien, le bien tout entier mais elle est néanmoins nécessairement le bien suprême, condition dont dépend tout autre bien, même toute aspiration au bonheur100.

La raison consciente de sa vocation à fonder une bonne volonté, ne peut qu'éprouver de la satisfaction dans l'accomplissement de cette fin. De la sorte, la bonne volonté doit présider à toute acception de la moralité, en vertu du principe du vouloir. Emmanuel Kant pense que l'homme ne doit se laisser guider par ses inclinations naturelles, mais plutôt les dépasser, en agissant à leur encontre, surtout les mauvais. La promptitude bienveillante doit s'affranchir de tout contentement moral, et s'exercer en vertu de la raison propre à tout être humain. Ainsi, la raison peut être comprise comme le principe directeur qui donne sens à la vie.

De cette manière, la culture du respect se pose, pour ainsi dire, comme la condition de possibilité des relations humaines : « Le respect est, sans doute

99 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 112.

100 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 93.

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aucun, la première chose, car, sans lui, aucun amour véritable ne peut exister, même si on peut tenir quelqu'un en haute estime sans pour autant l'aimer »101.

Le respect se présente comme le vecteur fondamental des relations interpersonnelles car sans lui, il serait difficile de concevoir l'existence de toute société. Il fait apparaître la soumission de la volonté à la loi, et, plus profondément, réalise une harmonie entre la raison et la sensibilité : par lui s'effectue une imprégnation de la sensibilité par la raison. Dans le même ordre d'idées, il est possible d'affirmer que le respect est ce qui favorise entre les hommes la communication. La considération mutuelle et l'estime régnant pardessus tout, apparaissent comme le fruit du respect. Cette intelligibilité des hommes pourrait tenir au fait que chaque être humain, dans son for intérieur reconnait tout l'humanisme qui l'accompagne. Cette idée est d'autant plus justifiée que Martin Heidegger écrit ceci : « L'humanisme consiste en ceci : réfléchir et veiller à ce que l'homme soit humain et non-inhumain, « barbare », c'est-à-dire hors de son essence »102.

Cette haute reconnaissance de l'humanisme dont l'homme est capable de témoigner en tant qu'être humain, partout dans le monde qui rend si digne l'espèce humaine. En outre, si l'humanisme est spécifique aux hommes, le respect est quant à lui la condition d'effectivité puisqu'il concerne chacun dans sa capacité à connaître et reconnaître autrui, et même dans ses relations avec les autres. Parler de moralité dans ce contexte, c'est parler de respect des autres, de courtoisie, mais aussi et surtout de la dignité humaine. Puisque pour Leibniz, par exemple, la moralité est la dimension supérieure, car finale, d'une théologie immanente selon le modèle aristotélo-thomiste de la vertu naturelle.

Davantage, il s'en suit que l'aspiration au bien quoique déterminée d'un point de vue leibnizien, renvoie la moralité à la nature, le devoir à l'intérêt. Tout

101 Emmanuel Kant, Théorie et pratique D'un prétendu droit de mentir par humanité La fin de toute choses, trad. de l'allemand par François Proust, Paris, GF- Flammarion, 1986, p. 120.

102 Martin Heidegger, Lettre sur l'humanisme, trad. de l'allemand par Roger Munier, Paris, Aubier Montaigne, 1983, p. 45.

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être humain devrait pour ainsi dire trouver la nécessité d'agir dans l'intérêt de tous. C'est en grande partie une dimension de l'homme qui leur conférerait leur valeur, dans un monde où les transgressions morales et la manipulation sont fréquentes dans les rapports entre les hommes puisque :

En effet, nos affections naturelles font notre contentement : et plus on est dans le naturel,

plus on est porté à trouver le plaisir dans le bien d'autrui, ce qui est le fondement de la bienveillance universelle, de la charité, de la justice103.

Pour cela, il est possible de comprendre que l'acception légitime de la moralité est celle qui considère essentiellement l'homme à une dimension supérieure. C'est pourquoi tout être humain souhaite être traité avec beaucoup d'égards. La dimension supérieure est ce qui le maintient par-delà toute chose. Il appartient à la race supérieure et doit le demeurer. En conséquence, il est possible de retenir que l'homme, en raison de ses intérêts fait reposer la moralité sur des principes qui lui sont propres. Ce qui donne lieu à des acceptions de la moralité.

La conscience morale de l'homme pour une acception de la moralité digne de celui-ci n'est pas à exclure dans la mesure où la raison est censée lui suggérer la distinction du bien et du mal. Même si l'on évoque différentes acceptions de la moralité, la raison humaine est susceptible de comprendre ce qui est moralement acceptable en termes de conduites sociales. Une telle affirmation pourrait se justifier dans la mesure où une constance demeure: l'identité universelle de la raison104. À ce titre, aucun être humain, en dépit de son vif désir de se réaliser, n'est censé ignorer ce qu'il y a de meilleur pour l'humanité, et surtout quant il s'agit d'agir moralement.

C'est justement pour cette raison que l'homme doit pouvoir témoigner de l'humanité spécifique à son espèce. En effet, la substance normative inhérente à l'égale dignité propre à tout être humain qu'est la dignité, voudrait que l'homme comme tel, combatte tout ce qui est susceptible de l'enliser, ou de porter atteinte à son être. Ses actions et ses conduites doivent se fonder sur la raison qui prescrit

103 René Sève, Leibniz et l'école moderne du droit naturel, Paris, PUF, 1989, p. 129.

104 Friedrich Schleiermacher, Conférences sur l'éthique, la politique et l'esthétique, Op.cit., p. 255.

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des impératifs catégoriques. C'est pour cela même que l'homme doit pouvoir user du sceptre de la raison comme arme pour la restauration permanente de sa dignité d'homme.

L'homme est censé fonder son acception de la moralité sur des principes rationnels. La raison humaine doit se poser en termes de respect qui « dérive de la loi. Et son objet est aussi la loi, car ce que nous respectons dans nos semblables n'est pas l'individu, mais la personne, c'est-à-dire le sujet moral lui-même »105. Les êtres raisonnables doivent fonder la moralité sur des principes rationnels106, reposant sur l'autonomie de la volonté, qui s'oppose aux principes empiriques constitués par l'hétéronomie. Elle est défavorable à la moralité et essentiellement portée par la recherche du bonheur personnel. Cependant, en la fondant sur des principes rationnels, c'est viser un traitement digne et humain de l'humanité selon la pensée kantienne. Des lors, si la moralité ne consiste qu'à édifier l'être humain, qu'impliquerait son rapport la contrainte ?

2- La moralité et son rapport à la contrainte

La moralité se présente comme le contraire des attitudes malveillantes et intéressées. En effet, concevoir la moralité et son rapport à la contrainte, impliquerait l'idée selon laquelle tout être digne de ce nom, est capable d'une absolue nécessité. L'homme en vertu de la raison, est le seul capable d'une obligation morale. À ce titre, il est censé agir avec inclination, tout en édifiant l'humanité spécifique à l'espèce humaine. Quand il agit moralement, la satisfaction est ce qu'il éprouve. Puisqu'il pense s'être acquitté de son devoir dans la mesure du possible. Cette possibilité s'inscrirait dans l'obligation morale qui se rattache à cette idée de contrainte.

Dans ces conditions, la moralité, loin d'astreindre l'épanouissement de l'homme, concourt à favoriser, l'édification des êtres raisonnables. Elle renforce

105 Cette définition est donnée par Ferdinand Alquié dans la Préface de la Critique de la raison pratique, (Paris, PUF, 1963), pp. 22-23.

106 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 168.

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les liens de fraternité, d'amitié et de solidarité. En se considérant défini par la liberté, l'être raisonnable doit pouvoir trouver de l'intérêt à bien se conduire. La contrainte de ce fait ne signifierait pas une obligation extérieure. Mais elle s'expliquerait par la restauration de la dignité humaine, qui exige le respect. Demeurant intérieure, Emmanuel Kant la justifie :

La conscience d'une libre soumission de la volonté à la loi, mais accompagnée pourtant d'une contrainte inévitable exercée sur tous nos penchants par notre propre raison est donc le respect pour la loi. La loi, qui exige et inspire aussi ce respect, n'est autre, comme on le voit, que la loi morale (car seule celle-ci) a le privilège d'exclure tous les penchants de l'influence immédiates qu'elle exerce sur la volonté107 .

La possibilité par laquelle l'homme peut comprendre la moralité et son rapport à la contrainte, est la conscience d'une libre soumission de la volonté à la loi. L'accomplissement de la moralité qui se formule en respect de manière extérieure, est le fait de la contrainte intérieure à laquelle aucun être raisonnable n'échappe. Loin de paraître comme une influence extérieure, la contrainte exercée est dû à notre propre raison. Elle constitue le principe qui ordonne immédiatement la volonté. Ainsi, toute conduite indignant la personne humaine, constitue une simple volonté malveillante et irrationnelle, par laquelle un individu ignore volontiers la moralité.

De même, les conduites sociales objectivement pratiques suivant cette représentation de la moralité et son rapport à la contrainte, considèrent le devoir. Pour cette raison, la contrainte prendrait la forme de devoir. Puisque l'exclusion des mauvais penchants est rendue possible par l'accomplissement de cette contrainte. Par conséquent, la représentation que l'être raisonnable peut faire, doit être comprise comme « la contrainte pratique, c'est-à-dire d'actions auxquelles nous devons nous déterminer, quelle que peine que cela nous coûte »108. En prenant de la peine à l'accomplissent de cette contrainte intérieure, l'homme ne

107 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., p. 259.

108 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., 259.

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fait qu'honoré l'humanité dans sa perfection. Il témoigne de la raison qui structure les rapports humains.

Si l'être raisonnable ne s'humanise davantage que par l'accomplissement de son devoir, alors comment le reconnaitre et s'assurer de l'avoir accompli ?

Emmanuel Kant répond à cette question de la manière suivante : « En d'autres termes la connaissance de ce qui est devoir s'offre d'elle-même (...) surtout s'il s'agit d'un avantage qui s'étende à toute l'existence »109. La reconnaissance du devoir, réside dans son accomplissement, susceptible de tenir à l'universel. Le devoir de manière conséquente, constituerait la source par excellence de la moralité dans la mesure où la loi morale qui l'incite en nous conduit à la reconnaissance de cet accomplissement qu'est la culture du bien. L'être raisonnable, doit avoir des conduites portées par l'impératif catégorique : « Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle »110.

La conduite de l'homme doit s'inscrire dans l'objectivité. Il importe de souligner que cette adresse de la moralité sous forme de contrainte exige que l'homme agisse certes, mais qu'il soit conséquent avec lui-même. Cela rendrait les échanges interpersonnels dignes comme le pense Emmanuel Kant. Dans ce même ordre d'idées, il est possible de comprendre que, même si la vie pour les êtres raisonnables consiste à vivre, il est nécessaire de bien agir car, en cela, se trouve la source de maximes universalisables111.

Cependant, comment s'explique la réalisation de maximes universelles chez l'être raisonnable ? La réalisation de maximes universalisables, selon Emmanuel Kant passe par le sentiment. Ce dernier apparaît sous la forme d'un intérêt moral dont sont capables tous les êtres humains. Ce qui renverrait à l'idée que le développement constant de ce sentiment de l'intérêt moral est légitime. Elle aiguise et confère du sens au devoir à accomplir :

109 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., p. 185.

110 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., pp. 139-140.

111 Ibidem., p. 142

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L'intérêt moral est un sentiment indépendant des sens, et qui a uniquement sa source dans la pure pratique. Sur le concept d'un intérêt se fonde à son tour celui d'une maxime. Une maxime n'est donc moralement bonne, que quand elle repose sur l'intérêt que l'on prend à la pratique de la loi.112

L'intérêt moral trouve lui-même sa source dans la raison pure pratique. Il permet en particulier de comprendre le fondement de la maxime universelle. La pratique de la moralité résulte d'une transformation de la contrainte en intérêt moral et, qui à son tour s'accomplit en devoir. D'où pouvons-nous noter le rapport de la moralité à la contrainte. La conduite de l'homme serait de trouver toujours de l'intérêt moral à édifier l'humanité. Leur désir de reconnaissance et leur affirmation devraient les mener à la liberté, la justice, lesquelles permettraient la restauration de la dignité.

L'accomplissement du devoir demande la volonté bonne. Elle consiste à affermir la conscience du devoir qui se veut contraignant. En ce sens, Ralph Walker fait cette précision : « Une personne peut accomplir un acte qui est un devoir sans que cette action ait la moindre « valeur morale » parce que le motif n'est pas le devoir »113. Tout cela est essentiel dans la compréhension de la moralité dans son rapport à la contrainte. Le devoir, découlant de ce rapport raisonnable doit être emprunt d'humanisme et de bienveillance. Ce qui signifierait que la reconnaissance de cette contrainte morale relève de la compétence humaine. Elle vient marquer l'idée selon laquelle il n'y a que les êtres raisonnables qui aient la faculté d'agir d'après la représentation des lois, c'est-à-dire d'après les principes, et par conséquent qui aient une volonté.

On peut noter ainsi que, toute action en déphasage avec les principes de la moralité, doit conduire à la peine pour le sujet moral. Doit se produire, dès lors « un inconfort »114 encore plus si cette dernière est publique. C'est une ombre qui devrait nous suivre. Par ailleurs, une telle affirmation pourrait se justifier dans la

112 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., p. 257.

113 Ralph Walker, Kant, Op. cit., p. 49.

114 Julien Corriveau, Le jugement de la conscience morale dans la philosophie pratique d'Emmanuel Kant, Mémoire de maîtrise en Philosophie, Montréal, Université de Montréal, 2011, p. 12.

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mesure où il y va de « la moralité des êtres raisonnables, qui seule comprend la mesure d'après laquelle uniquement ils peuvent espérer, par la main d'un sage Auteur du monde avoir part au bonheur »115. Le bonheur des êtres raisonnables réside dans la compréhension de la moralité, qui conditionne, par conséquent leur part. Car cette part au bonheur prend en compte leur moralité qui doit porter la marque distinctive de la contrainte : l'intérêt moral. On ne pourrait penser la moralité indépendamment de la liberté et de la contrainte qui sont du pouvoir de chaque être raisonnable116.

Le rapport de la moralité à la contrainte implique que l'homme est libre d'agir comme il l'entend : libre de s'asseoir, de se tenir debout, de marcher, de courir, de ralentir etc. Mais la conscience de ce rapport suggère que l'individu agisse bien. C'est ainsi qu'il se rend digne d'actions morales, de conduites sociales susceptibles d'honorer l'humanité. L'être raisonnable ne ferait que se distinguer des autres êtres vivants de la nature. Puisque la représentation des lois d'après laquelle il agit, constitue toute sa dignité d'homme. De ce fait, on parle de paix du coeur lorsqu'il n'y a pas de faillite au devoir. La conscience est commandée par le devoir sous l'égide de la raison.

De même, le fait de bien agir, légitimerait la satisfaction chez le sujet moral. Elle se fonde sur le principe que, ce qui nous humanise est honoré : la moralité. Si la tranquillité consiste surtout à être en paix avec soi-même, et avec les autres, il en est de même pour l'intérêt moral que l'on prend à l'accomplissement de la loi117. Son effet sublime intervient lorsque l'homme, de par ses conduites morales agit dans le plus grand intérêt du monde. En respectant la dignité de son semblable, il l'humanise. C'est pourquoi, dans cette projection humaniste, la qualité d'être humain voudrait constamment qu'il « suivre la voie

115 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., p. 257.

116 Ibidem.

117 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., p. 259.

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que la raison lui indique comme la meilleure quoique ses appétits l'inclinent d'un autre côté »118.

En considérant le rapport de la moralité à la contrainte dans l'entendement humain, les rapports extérieurs entre les hommes se révéleraient davantage dignes des hommes. Dans leur ensemble, les conduites sociales seraient sous la forme d'un mélange harmonieux. En effet, ce qui est exigé, c'est le sentiment moral, qui est proprement l'intérêt moral, et qui doit nous inciter à la culture du bien. Le souci de l'intelligibilité et de convenance des actions paraît tout à fait compréhensible puisque ; en tant que dépositaire de la conscience morale119, l'homme se doit d'oeuvrer pour l'édification de l'être humain. L'être raisonnable se trouve soumis à une nature humaine qui impose d'agir avec la conscience de respect pour l'homme en tout temps120.

Tout individu pourrait, en lui-même trouver l'expression de la détermination de la volonté qui le fonde, et l'affirmation d'une conscience. Le sentiment moral est l'élément déterminant, capable de nous guider « dans la communauté des individus, puisqu'une conscience se développant d'emblée de façon isolée ne nous est pas donnée et ne saurait non plus être pour nous un objet d'intuition »121. En conséquence, la contrainte morale exige qu'il témoigne de conduites l'associant dignement à la vie communautaire. La reconnaissance de la moralité en rapport avec la contrainte, signifierait que les bonnes raisons de bien agir 122, se trouvent en l'homme lui-même. C'est ainsi qu'il apparaît comme le seul être digne de la conscience morale.

La possession de cette faculté nous persuade que la personne humaine est sacrée. À ce titre, la conscience morale juge la moralité du traitement particulier que nous réservons à l'être humain, possédant indéniablement une valeur absolue.

118 John Locke, Quelques pensées sur l'éducation, trad. de l'anglais par Gabiel Compayré, Paris, Vrin, 1966, p. 34.

119 Jürgen Habermas, Morale et communication, trad. de l'allemand par Christian Bouchindhomme, Paris, GF-Flammarion, 1999, p. 131.

120 Emmanuel Kant, Doctrine du droit, trad. de l'allemand par Alexis Philonenko, Paris, Vrin, 2011, p. 185.

121 Friedrich Schleiermacher, Conférences sur l'éthique, la politique et l'esthétique, Op.cit., p. 257.

122 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 101.

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De par nos conduites quotidiennes, il importe que nous témoignions de maximes universalisables. Cette importance pourrait se justifier dans la mesure où la culture de la raison suppose des conduites dignes et moralement convenables. La conscience morale, détermine également notre qualité morale. Le développement de cette dernière fonde la légitimité de la moralité dans son rapport à la contrainte. Il explique le fait réflexif et motivationnel de la conscience dans l'accomplissement du bien.

De plus, l'existence de la raison comme faculté gouvernant, légitime une tension vers l'universalité par des maximes d'actions caractérisées par la recherche du plus grand bien du monde. La moralité suggère que tout être raisonnable doit se conduire avec la conscience que l'accomplissement du devoir est une contrainte. Elle recommande nécessairement un intérêt moral que tout homme est censé découvrir, en vertu de la qualité d'être humain. Cette digne représentation de la moralité constitue le fondement de l'humanité puisque dans la pensée d'Emmanuel Kant, elle est la mesure dans laquelle l'humanité peut triompher. De même, parce que l'évolution de l'humanité semble tenir au règne des fins profitables. En somme, cette compréhension de la moralité est essentiellement portée par la transformation des valeurs en vertus.

Quant à l'analyse de la moralité et le fondement de l'humanité, elle montre que l'homme, être doué de raison et de liberté, doit témoigner de la moralité dans toutes ses actions. En se souciant de la moralité de nos actes, nous prenons part à l'intérêt moral. Il constitue le sentiment moral qui atteste notre humanité. La moralité se présente sous la forme d'une conscience morale qui habite en chacun de nous123. En vertu de la raison, tout homme doit accomplir son devoir en lequel réside le triomphe digne de l'humanité. Cette capacité doit se traduire par des actions de bonne volonté caractérisées par l'effort et la persévérance dans l'accomplissement du bien moral.

123 Julien Corriveau, Le jugement de la conscience morale dans la philosophie pratique d'Emmanuel Kant, Op. cit., p. 8.

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La moralité dans la nature de l'homme suggérerait la compréhension selon laquelle l'homme comporte une dimension morale inhérente à sa nature. Il se révèle comme un être dont la volonté est caractérisée par l'autonomie. Elle se présente sous la forme d'une condition objective sous laquelle il doit être pensé en tant qu'être raisonnable. Elle est, par conséquent, favorable à la moralité. Par là, nous avons pu noter que la liberté, l'autonomie définissent l'homme et sa responsabilité s'impose dans le monde. Elle réside dans les accomplissements de ses actes. De fait, il construit l'humanité et témoigne de la moralité, puisqu'elle ordonne l'accomplissement du devoir.

En outre, le développement sur la moralité entre liberté et contrainte nous révèle que différentes acceptions de la moralité sont faites. Mais l'homme est censé fonder la moralité sur des principes rationnels, capables d'élever et d'honorer l'humanité en même temps. C'est une compréhension qui enseigne à traiter l'humanité avec beaucoup de respect et de considération. Par contre, fondée sur des principes empiriques, l'hétéronomie s'oppose à la moralité. L'hétéronomie signifierait l'ensemble des principes portés par la quête du bonheur personnel, source d'indignation pour l'homme.

Dès lors, si le triomphe de l'humanité réside dans la moralité, qui doit être au fondement de toutes nos actions, Emmanuel Kant ne nous dit pas comment l'humanité peut triompher constamment. Par quel moyen en rapport avec la moralité, l'humanité peut-elle triompher dans la société ?

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TROISIÈME PARTIE :

LA MORALITÉ ET SON RAPPORT À L'ÉDUCATION
DANS LA SOCIÉTÉ

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L'éducation a une racine latine : educatio ; qui désigne l'instruction, la formation de l'esprit. C'est aussi le processus par lequel une ou plusieurs fonctions se développent progressivement, et graduellement, par l'exercice. Elles se perfectionnent ainsi124. L'éducation se présente, par conséquent comme une science par laquelle l'homme est produit comme humain. Avec ses formes diverses et variées, assorties de méthodes relatives, l'éducation se caractérise par une constante dont la fonction d'humanisation et de moralisation dans la société est justifiée.

En effet, l'éducation dans sa pratique se présente comme un ensemble de dispositions destiné à forger les capacités physiques, intellectuelles, morales et spirituelles de l'homme pour une existence intelligente et intelligible. De plus, en tant que science de l'homme, elle comporte les conditions d'évolution ou d'émergence des sociétés humaines, ainsi que les progrès au sens plein du terme. Si tels sont les intérêts divers de l'éducation, son caractère scientifique semble être affirmé. Dans la mesure où chaque domaine requiert des dispositions méthodiques, rigoureuses, graduelles ou progressives, consacrant l'amélioration des conduites humaines en société. Pour tout dire, l'éducation est indispensable pour l'affirmation digne de l'humanité.

En considérant l'éducation sous cet angle, il est donné de comprendre que les conduites sociales dignes des êtres humains y tirent leurs sources. Elles offrent la possibilité d'acquérir les idées rattachées à la consistance de la moralité. D'où la possibilité de considérer l'existence d'un rapport entre elles. Car, bien que vue sous plusieurs formes125, l'éducation paraît comporter les conditions de réalisation effective et digne de l'espèce humaine. Ainsi, la moralité semble trouver sa justification dans son rapport à l'éducation en vertu de la finalité éthique et humaine qu'elle poursuit.

124 Jacqueline Russ, Dictionnaire de Philosophie, Op. cit., p. 82.

125 Lopez Emmanuel Oscar Koffi, La problématique de l'éducation dans la philosophie de Hannah Arendt, . Thèse de Doctorat d'État en Philosophie, Université Félix Houphouët-Boigny- Abidjan, 2014, p. 69.

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CHAPITRE I : LA CONSISTANCE DE L'ÉDUCATION

L'homme est tel qu'on ne pourrait concevoir absolument toutes valeurs sociales que par rapport à ce dernier. En effet, la capacité manifeste à admettre unanimement telle pratique et à rejeter telle autre dans l'intérêt de la société, est liée à sa nature éprise de perfection et de liberté. Cette tendance naturelle se pose alors comme ce qui, en lui-même pousse sans cesse à recouvrir l'humanité. C'est pourquoi, l'éducation, dans une certaine mesure est considérée comme une réalité qui conditionne cette humanité. Par elle, l'homme développe naturellement le besoin de s'humaniser pour être davantage épanoui. Elle semble être la source d'enchantement de l'humanité.

L'expression de ce besoin de s'humaniser va se traduire concrètement par l'observation de bonnes conduites inculquées par l'éducation. On note que l'éducation de cette manière pousse l'homme vers sa plénitude dans la mesure où elle privilégie la culture des valeurs. C'est donc dire que l'éducation, dans sa consistance est capable de favoriser des hommes véritablement dignes et humains. Par conséquent, l'éducation regroupe de nombreux profits pour l'espèce humaine : recouvrement de l'humanité, la généresence des hommes et le respect des normes sociales. Ces acquis corroborent, pourrait-on dire, la consistance de l'éducation. Ils le sont puisque l'humanité en est honorée. De fait, l'éducation est-elle en rapport avec la construction de l'humanité ?

1- L'éducation et la construction de l'humanité

De tous les secteurs liés à l'émergence des peuples, celui de l'éducation occupe une place de choix dans leur vie. En effet, la reconnaissance de cette place serait due à la consistance indéniable que lui attribuent les sociétés humaines. Cette force de l'éducation est largement répandue au cours de l'histoire. Comme preuve, toute société humaine ne peut parvenir à un niveau de développement considérable que par l'éducation. Elle s'étend à tous les secteurs d'activités. Il suit, de ce point de vue, qu'elle est édifiante.

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Si l'éducation se pose comme une science des êtres raisonnables, alors n'est-ce pas la preuve qu'elle participe à la construction de l'humanité ? La culture de toutes les valeurs humainement concevables est subordonnée à la transmission des valeurs de l'éducation. L'admission de l»éducation dans sa vocation se présente comme la science par laquelle l'homme parvient à la réalisation de l'humanité. En ce sens, Jean-Jacques Rousseau reconnaît le continuum que constitue l'éducation puisque pour lui :

Nous naissons faibles, nous avons besoin de forces ; nous naissons dépourvus de tout, nous avons besoin d'assistance ; nous naissons stupides, nous avons besoin de jugement. Tout ce que nous n'avons pas à notre naissance et dont nous avons besoin étant grands nous est donné par l'éducation126.

L'éducation montre toute son indispensabilité dans la construction et la réalisation de l'espèce humaine. Elle apparaît comme ce par quoi l'homme est, et ce qu'il devient. La construction de l'humanité apparaît évidente par le biais de

l'éducation, révélant son efficacité par le développement des facultés
intellectuelles, physiques et morales chez les êtres raisonnables au cours de l'existence. Elle constitue une capacité et un besoin de l'homme en société.

Le fait de parler de valeurs humaines comme la moralité, relativement aux conduites humaines, ne pourrait s'arroger de la consistance que dans le domaine de l'éducation. Même si l'actualité de nos sociétés modernes affiche par endroit autant de négativités, il apparaît néanmoins préjudiciable de nier à la base toute éducation. En ce sens, l'on ne peut parler de construction que par rapport à la science de l'homme. Elle contribue à la construction de l'humanité. Dans le contexte sociétal, l'éducation se présente comme le processus dans lequel l'humanité se forme. Dans la mesure où la poursuite des valeurs de toutes sortes y est contenue.

De cette manière, la fonction de l'éducation, est d'abord et avant tout celle de développer, peu à peu, toutes les qualités naturelles de l'humanité en l'homme.

126Jean-Jacques Rousseau, Émile ou De l'éducation, Op. cit., p. 83.

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Le rapport de la moralité avec l'éducation pourrait s'expliquer par le fait qu'aucun progrès quel qu'il soit ne peut se réaliser sans éducation. Ce qui signifie que la voie la mieux indiquée pour construire toutes les valeurs humaines, est celle de l'éducation. Elle se pose comme le substratum de tout développement humain remarquable des peuples. Des puissances de ce monde comme l'Europe et les États-Unis n'ont pu se hisser à ce piédestal que par la reconnaissance de l'éducation, à laquelle pouvoir a été accordé.

Son pouvoir s'est avéré d'autant plus efficace et profitable que les dirigeants en sont arrivés à restaurer l'autorité des corps enseignants. Elle a été admise comme gage de réussite sociale : « Ce faisant on ne tente rien d'autre qu'une restauration : on n'établira une fois de plus l'autorité dans l'enseignement »127. L'éducation conditionne la conception et la culture de toutes les valeurs désirables : morale, physique et intellectuelle. De plus, concevoir l'éducation, c'est aussi envisager son rapport à la construction de l'humanité pour les êtres raisonnables. Cela reviendrait à signifier que la reconnaissance de l'homme comme être doué de raison et de liberté semble fonder davantage toutes ses représentations. Les valeurs humaines à cultiver, par exemple, expliquent les conditions de triomphe de l'humanité.

Davantage, la reconnaissance de ce rapport implique que par l'éducation, l'homme a la capacité de s'élever à la moralité, et partant à toutes les valeurs humaines concevables. Par le fait de la raison, la nécessité du bien est forgée. Pour preuve, la distinction des choses de la nature est redevable à la raison dont le développement rationnel et conséquent est assuré par l'éducation, qui aiguise nos facultés sensorielles :

Sitôt que nous avons, pour ainsi dire, la conscience de nos sensations, nous sommes disposés à rechercher ou à fuir les objets qui les produisent, d'abord selon qu'elles nous sont agréables ou déplaisantes, puis selon la convenance ou disconvenance que nous

127 Hannah Arendt, La crise de la culture, trad. de l'anglais par Patrick-Levry, Paris, Gallimard, 1972, p. 236.

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trouvons entre nous et ces objets, et enfin selon les jugements que nous en portons sur l'idée du bonheur ou de la perfection que la raison nous donne128.

Il faut dire dans ce cas avec Jean-Jacques Rousseau que le mérite de la raison dans l'éducation est remarquable. Elle constitue une faculté qui, au moyen de l'éducation, consolide en l'homme la distinction du bien et du mal. La raison participe au progrès de la civilisation et de l'humanité. L'homme doit la cultiver sans cesse en toute chose pour parer aux transgressions morales. En plus, elle permet d'amoindrir les dérives sociales. La capacité des hommes à surmonter les différences, existant dans les moeurs et leurs talents, est fondamentalement redevable à leur éducation qu'à autre chose. Elle forme leurs esprits de sorte que les notions de fraternité, d'altruisme, de coopération, de vivre-ensemble finissent par intégrées leurs moeurs.

Elle développe la raison et enseigne comment il faut vivre en bonne intelligence avec les semblables. Ce qui signifie que c'est un processus qui nécessite l'usage de la raison. En effet, Ernest Cassirer souligne que c'est :

« L'art qui doit devenir raisonné, s'il doit développer la nature humaine de telle sorte que celle-ci atteigne sa destination »129 . Pour lui, l'éducation, doit comporter une dimension rationnelle. Elle l'exige, non pas en raison de l'incapacité de l'homme, mais pour que la nature humaine parvienne à son accomplissement. Effectivement, la faculté régulatrice qu'est la raison, est très importante dans l'éducation. Ici, le développement de la raison semble être la condition de l'éducation, dans la mesure où l'accès à l'humanité en dépend socialement.

Quant à lui, Emmanuel Kant, dans cet élan de formulation assigne quatre objectifs à l'éducation : la discipline, la culture, la civilisation et la moralisation130. Elles forment l'humanité dans toutes ses phases diverses et

128Jean-Jacques Rousseau, Émile ou De l'éducation, Op. cit., p. 84.

129 Ernest Cassirer, Rousseau, Kant, Goethe, trad. de l'allemand par Jean Lacoste, Berlin, Tours, 1991, p. 79.

130 Emanuel Kant, Réflexions sur l'éducation, trad. de l'allemand par Alexis Philonenko, Paris, Vrin, 1996, pp. 5256.

131 John Locke, Quelques pensées sur l'éducation, trad. de l'anglais par Gabiel Compayré, Paris, Vrin, 1966, p. 34.

132 Emmanuel Kant, Réflexions sur l'éducation, Op. cit., p. 6.

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variées, et poussent avec docilité les hommes à se soumettre aux prescriptions de la raison. Cependant, en quoi consiste la construction de l'humanité ?

Parler de construction de l'humanité, renvoie dans une certaine mesure à l'ensemble des acquis de l'éducation. En effet, cette construction de l'humanité pourrait s'expliquer par les résultats satisfaisants que procure l'application des rudiments de l'éducation aux hommes. Grâce à l'éducation l'home acquiert la capacité de s'ennoblir. Cette faculté chez l'homme, repose essentiellement sur l'adoucissement des moeurs, que seule procure l'éducation. Dès lors, comment justifierait-on les manquements dans les conduites humaines ? D'après, John Locke, il est important de comprendre que selon l'expérience quotidienne, les mauvaises conduites sociales ne sont pas à attribuer à autre chose, mais à l'éducation. Ainsi, il écrit ceci : « l'éloge ou le blâme » d'un comportement humain est toujours imputable à l'éducation. C'est la faute de leur éducation »131.

Dans ce sens, aucune satisfaction ne pourrait être obtenue en termes de moralité que par une éducation axée sur la formation du caractère par les éducateurs. Pour cette raison, il faut du courage et une certaine disposition d'esprit, qui sont un devoir moral à la charge des pédagogues dans la société toute entière. C'est de cette manière que l'on peut comprendre le caractère constructif de l'humanité par l'éducation. En outre, selon Emmanuel Kant :

L'homme ne peut devenir homme que par l'éducation. Il n'est que ce qu'elle le fait. Il est à remarquer qu'il ne peut recevoir cette éducation que d'autres hommes, qui l'aient également reçue. Aussi le manque de discipline et d'instruction chez quelques hommes, en fait de très mauvais maîtres pour leurs élèves132.

En considérant que le devenir de l'homme réside dans l'éducation, c'est montrer que sans elle, il est impossible de concevoir la discipline et la culture chez celui-ci. Comme l'explique Emmanuel Kant, la discipline empêche que l'homme soit détourné de sa destination, qui est celle de l'humanité. Celle-ci ne peut être sauvegardée que par des hommes qui, eux-mêmes, en ont subi la

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rigueur. Par la discipline, il est possible de soumettre l'homme aux lois de l'humanité. Quant à la culture, elle comporte la partie positive de l'éducation. C'est exactement ce qui est remarquable dans les rapports interpersonnels quand une éducation a été faite avec soin. La bonne volonté est ainsi manifeste et humaine.

Si l'on admet que l'éducation a rapport à la construction de l'humanité, c'est qu'elle sert à former les esprits humains à la discipline, à les habituer à se plier devant de la raison. Elle doit combattre l'ignorance sous toutes ses formes133. Dans ce même ordre d'idées, il est certain, en effet, que l'appartenance de l'éducation à l'espèce humaine est justifiée au point qu'il semble difficile d'en tirer autant de profits chez d'autres êtres vivants en dehors des hommes. L'éducation est considérée comme vectrice de principes conduisant à la vertu. Le rôle que peut accomplir en cela, l'éducation, est compréhensible du fait qu'elle permet de fonder en raison tout ce qui, humainement, est admissible. L'homme doit développer ses simples dispositions naturelles au bien, qui apparaissent sans la moindre marque distinctive de la moralité.

C'est ainsi qu'il en va également pour la transformation des valeurs en vertus. Ce processus légitime implique le devoir de cultiver l'ensemble de toutes les bonnes conduites, c'est-à-dire des conduites au sens désirable et recommandable. Car c'est seulement par la transformation des valeurs humaines en vertus que peut naître quoi que ce soit qui, dans les manifestations de l'humanité, appartienne au concept du Bien suprême134.

En définitive, l'éducation constitue un ensemble de dispositions pratiques qui consacrent les développements physique, intellectuel et moral des êtres raisonnables. Elle se présente comme le processus légitime par lequel l'homme parvient à son accomplissement. Elle participe au progrès de l'humanité et favorise des relations intelligentes et humaines. Elle contient, à ce titre,

133 John Locke, Quelques pensées sur l'éducation, Op. cit., 38.

134 Friedrich Schleiermacher, Conférences sur l'éthique, la politique et l'esthétique, Op.cit., p. 231.

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l'humanité dans toute sa grandeur, et ce, dans un rapport à sa construction. Elle semble témoigner, par conséquent, de la construction de l'humanité par laquelle le monde prospère. S'il est vrai que l'éducation contribue à la construction de l'humanité, consacre-t-elle le respect des valeurs sociales ?

2- Le respect des valeurs sociales

Le respect désigne l'attitude par laquelle l'on reconnaît en son semblable la fin en soi. En effet, il serait presqu'imaginable de concevoir des sociétés humaines sans considération et respect. Une chose est de tisser volontiers des amitiés, de concevoir des rapports sociaux, mais faudrait-il encore que le respect y soit. Le respect se pose comme le facteur déterminant des relations humaines, élevant avec dignité l'être humain à l'ensemble des caractères qui l'associe à l'humanité135.

De cette manière, il renvoie, de même à une manière de se conduire par laquelle on témoigne du bon sens. Il apparaît comme une conduite adéquate qui favorise une meilleure compréhension de l'espèce humaine. Par le respect, l'homme manifeste davantage l'humanité. Le respect, d'un point de vue sociétal, est ce qui rend possible les relations interpersonnelles. Aussi il accompagne l'existence et la considération des valeurs sociales établies pour le bon fonctionnement de la société. Par respect, les êtres humains fondent en raison la nécessité de se soumettre et d'honorer les valeurs sociales. La chaîne des valeurs est également perpétuée, mais sous le sceau du respect. Il est consolidé dans les moeurs par l'éducation136.

Le non-respect des valeurs sociales révèle toute leur importance dans la mesure où les hommes tombent, sans elles dans les pratiques indécentes et démesurées. De fait, on ne saurait nier le rôle constructif de l'éducation qui est de favoriser aux individus les mêmes chances d'épanouissement sociétal. Par elle,

135 Lopez Emmanuel Oscar Koffi, La problématique de l'éducation dans la philosophie de Hannah Arendt, Op. cit., p. 66.

136 Friedrich Schleiermacher, Conférences sur l'éthique, la politique et l'esthétique, Op.cit., p. 344.

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les individus tendent à trouver la juste mesure des choses. En bref, ils adoptent des conduites humaines conséquentes137. Comment l'éducation conduit-elle au respect des valeurs sociales ? Dans son exercice, l'activité éducative est considérée par Emmanuel Kant comme une affaire générationnelle. C'est le labeur de toutes les générations :

L'éducation est un art dont la pratique a besoin d'être perfectionnée par plusieurs générations. Chaque génération, munie des connaissances des précédentes est toujours plus en mesure d'arriver à une éducation qui développe dans une juste proportion et conformément à leur but toutes nos dispositions naturelles, et qui conduit ainsi toute l'espèce humaine à sa destination138.

Dans cette démarche artistique de l'éducation chez les différentes générations, on assiste à une transmission du respect des normes sociales. Le respect devient la ligne directrice à partir de laquelle se commande l'agir des hommes. Chaque génération porte, la responsabilité de faire en sorte que les dispositions naturelles de l'homme coïncident avec la culture des valeurs humaines et morales. Elles reposent sur des principes objectifs dans l'intérêt de l'humanité. Cette approche kantienne de l'éducation se saisit de l'humanité dans son essence et de sa force d'un point de vue universel. Elle implique la mise en commun des efforts de tous les hommes pour réaliser la perfection du genre humain.

Dès lors, parler de respect des valeurs sociales dans la société, cela suppose que l'on ait reçu efficacement une éducation portée en grande partie par le respect. Dans le contexte sociétal, les hommes ayant subi la rigueur de la discipline s'illustrent par de bonnes conduites qui attestent leur compétence dans l'exercice de la profession. L'excellence, plus qu'un acquis est le résultat d'une sérieuse éducation intellectuelle : « Ainsi les jeunes gens élevés avec soin apprennent tous »139. De ce point de vue, les conduites sociales dignes de respect et de considération portent en elles-mêmes, les marques d'une éducation bien

137 Odilon M'bonné Dadji, Traité de pédagogie, Abidjan, CERAP, 2007, p. 34.

138 Emmanuel Kant, Réflexions sur l'éducation, Op. cit., p. 8. 139Jean-Jacques Rousseau, Émile ou De l'éducation, Op. cit., p. 215.

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reçue. Elles confirment la maturité des auteurs puisqu'elles relèvent de la perspicacité et de l'intelligence humaine. En somme, il est possible de retenir que la mise à profit de l'éducation est ce qui permet le respect des valeurs humaines et de cultiver des conduites sociales dignes.

En outre, la mise à profit de l'éducation génère des hommes, des citoyens tous respectueux des lois en vigueur, des libertés individuelles et collectives car reconnaissent-ils qu'elles sont l'expression de l'humanité. Cette reconnaissance est la preuve que les valeurs sociales sont suffisamment promues dans l'éducation. Elle repose sur les normes sociales : la liberté, l'égalité, la justice et la paix. Que représentent ces notions dans la vie des hommes ? Toute société humaine se construit nécessairement autour de valeurs. De nos jours, nous assistons à une fréquence de notions au sein des États modernes. De cette façon, elles traduisent des formulations de la raison commune aux êtres humains, en même temps qu'elles ordonnent leur vie.

En plus, la présence de ces notions est d'autant plus justifiée qu'elles apparaissent comme les piliers de ces États. Elles le sont dans la mesure où toute entreprise humaine en déphasage avec qu'elles est sujette à des sanctions ou condamnations. Dès lors, on comprend que leur promotion dans l'éducation confirmerait une fois de plus leur nécessité permanente dans la survie des sociétés. Le caractère humain de ces valeurs, est qu'elles élèvent dignement l'humanité vers sa plénitude. Elles permettent de chercher et de faire des progrès vers le perfectionnement de l'humanité. Par l'éducation, l'homme parvient à s'améliorer socialement140.

Dans la réalité humaine, les valeurs sociales constituent des idéaux principaux auxquels tient l'organisation des États. Ils sont articlés dans ce qu'on pourrait appeler les Droits de l'Homme. Ils ont en substance ces significations : l'universalisme, l'individualisme et l'abstraction141. Dans le premier cas, il s'agit

140 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., p. 291.

141 Jean-Jacques Israël, Droit des libertés fondamentales, Paris, Cedex, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1998, p. 89.

142 John Stuart Mill, Considérations sur le gouvernement représentatif, trad. de l'anglais par Patrick Savidan, Paris, Gallimard, 2009, p. 250.

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de la liberté liée à la définition de toute personne humaine. Ainsi, nul n'a le droit de priver un homme de ce droit. Le deuxième cas, c'est l'individu qui est privilégié comme la suprême valeur, en tant que détenteur et responsable devant la législation. Dans le troisième cas, ces idéaux apparaissent comme des principes. En ce sens, ils revêtent un caractère divin en raison de leur perfectibilité. Que peut-on savoir de plus ?

Par ailleurs, on pourrait comprendre que ces idéaux principaux renfermant les Droits de l'Homme sont susceptibles de participer à l'évolution et à l'élévation des sociétés humaines au Bien Suprême. L'expérience quotidienne montre que le respect des Droits de l'Homme contribue à la stabilité des États. Les pays auxquels est reconnu le qualificatif de « Pays développés » veillent au strict respect des Droits de l'Homme car les considèrent-ils comme les principes fondamentaux qui accompagnent leurs développements142. Cet attachement aux Droits de l'Homme s'expliquerait aussi par le fait qu'ils ont une signification profonde dans la vie des hommes. Ils englobent les conditions dues à chaque individu en vertu de sa qualité d'être humain. Ce qui signifie bien que l'éducation en donne la possibilité.

De plus, aucune organisation sociale de peuples aussi crédible que durable n'est envisageable sans une prise en compte réelle des valeurs des Droits de l'Homme : la liberté, l'égalité, la justice, la sécurité, la dignité humaine. Il est tout aussi vrai que parler de respect des valeurs sociales, c'est reconnaître en soi que la vie en société les exige. Cette tendance vient, pour ainsi dire, trouver sa justification dans les valeurs sociales. Elles portent la marque de lois universelles. Elles relèvent du pouvoir de tout être humain.

Dans ce cas, ces valeurs humaines, portées par l'altérité ont partie liée avec l'histoire. Cela peut être compris dans la mesure où l'existence humaine offre toujours, de par les expériences du passé, la possibilité d'en tirer les meilleurs

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profits. Et le respect se construit ostensiblement dans une tension vers l'accomplissement social et même moral. En ce sens, Jürgen Habermas remarque que :

La façon dont les Droits de l'homme se sont imposés par étapes successives dans les États constitutionnels modernes offre un exemple qui permet de le démontrer. Une fois que des normes fondamentales, comme le droit à la liberté d'expression ou le droit à la participation à des élections générales, libres et sécrètes, sont perçues et reconnues en principe143.

Le contenu des normes sociales lui-même, porte rétrospectivement à la conscience des concernés, et cela signifierait que, à travers l'éducation, ces normes sociales ne pourront que s'arracher davantage de teneur et de sens. Par là, les individus ont tendance à incarner de par leurs conduites sociales ces normes fondées en raison qui deviennent la « raison d'être ». En d'autres mots, ces « idées existantes » ordonnent la vie des hommes.

Devant le caractère humaniste du respect, il importe de préciser qu'il joue un rôle principal dans l'appropriation de ces normes sociales ou des valeurs humaines. La culture du respect permise par l'éducation semble les conditionner dans leur observation. En privilégiant le respect des valeurs qui exprime la rationalité et qui désigne un ordre essentiellement humain, l'éducation élève à la pensée qu'elle forge. En conséquence, elle construit l'homme, en qui se développe la poursuite des fins. Dans ce sens, Emmanuel Kant reconnaît le souci de bonnes conduites des enfants, qui habite les parents dans la première jeunesse. À cet effet, il observe que :

Les parents cherchent principalement à faire apprendre à leurs enfants une foule de choses diverses, ils poursuivent à l'habilité dans l'emploi des moyens en vue de toutes sortes de fins à volonté (...), cette préoccupation est si grande qu'ils négligent communément de leur former et de leur rectifier le jugement sur la valeur des choses qu'ils pourraient avoir à se proposer pour fins144.

143Jürgen Habermas, De l'éthique de la discussion, Op. cit., p. 43.

144 Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, Op. cit., p. 126.

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En se préoccupant essentiellement de l'habileté de leurs enfants, les parents s'évertuent à leur enseigner une multitude de chose. L'emploi des moyens porte la marque distinctive d'une volonté de voir les enfants se proposer des fins immédiates. L'importance de cette préoccupation pousse les parents à négliger de perfectionner le jugement moral. Pourtant, selon Emmanuel Kant, les parents en se déterminant à éduquer leurs enfants, doivent tenir compte de la dimension morale afin que se développe de façon digne et conséquente la poursuite des fins humanistes portées vers l'avenir.

De ce devoir si grand des parents, résulte aussi nécessairement le droit de prendre en main « Handhabung » et de former « Bildung » l'enfant aussi longtemps que possible, jusqu'à ce qu'il soit capable d'un usage personnel de son corps, ainsi que de son entendement. Cette éducation prend en compte les points de vue pragmatique et moral145. Le premier point de vue concerne la conservation du corps et sa formation, ainsi que de son entendement. Le second en effet, renvoie à une obligation de reconnaissance des enfants à l'endroit de leurs parents après l'éducation achevée.

En définitive, l'existence humaine se construit fondamentalement autour de valeurs ou de normes dont le respect conditionne et ordonne le triomphe constant de l'humanité. Elles ont une signification profonde dans la vie des hommes au point qu'aucune société ne peut s'en passer au risque de disparition. Le respect de ces valeurs sociales est redevable à l'éducation, puisque par elle, l'exigence de ces valeurs est développée dans les manières d'agir. Cependant, la fin de l'éducation est-elle la moralité dans la société ?

145 Emmanuel Kant, Doctrine du droit, Op. cit., p. 224.

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CHAPITRE II : LA FIN DE L'ÉDUCATION ET LA MORALITÉ DANS LA SOCIÉTÉ

La fin de l'éducation peut s'expliquer de différentes manières. En effet, la fin dont il s'agit ici, n'est pas la fin au sens de trivialité, mais la fin aux plans économique, culturel, politique mais surtout social. L'importance de l'éducation dans la perspective sociétale, et telle qu'articlée dans la Déclaration universelle des Droits de l'Homme du 10 Décembre 1948, ne semble pas avoir pour objet d'établir de simples textes. Mais de montrer comment les êtres raisonnables peuvent s'auto-conserver et s'humaniser davantage pour le plus grand bien de l'humanité.

En plus, la fin de l'éducation est compréhensible dans la mesure où elle tend à porter les êtres humains vers l'éthique. En cela, l'éducation semble tirer les hommes vers une certaine noblesse : la sociabilité effective. À cet effet, elle pourrait être considérée comme le plein accomplissement de l'homme au sens sociétal du terme. Elle élève à la moralité dans la société et donne la possibilité de mieux comprendre l'intelligence humaine. Cette affirmation pourrait se justifier, puisqu'elle consacre leur intégrité à tous les niveaux de la société. Tous les comportements liés à la vie publique sont réglés par l'éducation, socle où toutes les conduites sociales peuvent s'expliquer. Dès lors, si la fin de l'éducation est ainsi comprise, alors qu'en est-il de son actualité ?

1- L'actualité de l'éducation : les défis de moralité

L'actualité de l'éducation présente de nombreux défis de moralité à relever. En effet, en dépit de sa reconnaissance comme outil de sociabilité des hommes, l'éducation souffre de nombreux maux. Cette souffrance contraste avec de nombreux efforts qui sont consentis, en vue d'accompagner la sociabilité effective et le développement durable des peuples. Les pouvoirs publics, les institutions nationales et internationales, les organisations non gouvernementales

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oeuvrent sans cesse pour le renforcement des systèmes éducatifs. Cette préférence atteste la place prépondérante qu'occupe celle-ci.

Nonobstant, les efforts consentis ne suppriment pas pour autant les défis de moralité. La société toute entière en subit les répercutions. Quels sont les défis de moralité à relever ? La question des défis de moralité que doit relever l'éducation se pose lorsqu'on est confronté à ces maux : l'indignation, l'écart de langage, l'effronterie, l'insoumission, la délinquance, le vagabondage, le non respect des aînés, etc. Les défis de moralité liés à l'éducation riment avec sa négligence à certains égards. De plus, il y a défis de moralité quand intervient la désintégration de l'autorité parentale. Par ailleurs, les défis de moralité s'actualisent à chaque fois qu'une personne est vexée ou subit l'indignation d'autrui dans les rapports interhumains.

En outre, les défis de moralité de l'éducation perdurent pour des raisons diverses et variées. En raison de l'abondance des maux, les défis de moralité de l'éducation sont énormes puisque les hommes en souffrent au quotidien. Leur suppression n'a-t-elle pas pour objectif de relever les défis de moralité dans les rapports extérieurs entre les hommes ? Donner des hommes sociables à la société et des citoyens à l'État, telle est la mission assignée à l'éducation dans une certaine perspective rousseauiste. Pour parvenir à ces fins éthiques, il faudrait que l'autorité parentale s'instaure depuis la cellule familiale pour dompter les maux, jugés nuisibles à la vie en société. De fait, la sociabilité effective représenterait l'ensemble des aptitudes bienveillantes procurées et renforcées par l'éducation rendant l'homme sociable146.

De cette manière, les maux qui minent la société se manifesteront de moins en moins. Les plaintes croissantes des défis de moralité liés à l'éducation sont dues au fait que les parents n'assument plus leurs responsabilités au sein de la cellule familiale. De nombreuses raisons sont avancées pour justifier le nombre croissant des défis de moralité. L'insociabilité de l'homme dénoncée en société à

146 Jacqueline Russ, Dictionnaire de Philosophie, Op. cit., p. 269.

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travers ses conduites sociales semble trouver réparation dans l'éducation, puisque c'est par elle qu'il recouvre sa sociabilité effective. En somme, la négligence de l'éducation à divers niveaux, notamment familial, occasionne le foisonnement des maux. C'est ainsi qu'elle présente des défis de moralité à relever par l'éducation.

Pour parvenir à une société digne des êtres humains, l'éducation doit être considérée comme un effort sans fin. Son rapport à la moralité implique une prise de responsabilités caractérisée par des dispositions pratiques et constantes à faire face aux maux dont souffre la société. La contenance de ces maux réside donc dans une implication effective de tous les acteurs de cette activité, de la cellule familiale, en passant par les pouvoirs publics jusqu'aux organisations non gouvernementales. Quant aux institutions internationales en l'occurrence l'UNESCO et l'UNICEF, elles s'arrachent avec pertinence le rôle d'accompagnatrices. Elles le sont ainsi, parce qu'elles militent en faveur de l'éducation des hommes pour combler les défis de moralité en intervenant dans de nombreux domaines d'activités en rapport avec ceux-ci.

L'Éducation aux Droits de l'Homme et à la Citoyenneté, la Culture de la Paix, sont des axes majeurs sur lesquels s'étendent leurs appuis à l'éducation. Que peut-on savoir des appuis de ces institutions internationales à l'éducation ? Des appuis importants sont dédiés à la lutte contre l'analphabétisme et la déscolarisation. Ils consistent à instruire, à former toutes les couches sociales sans discrimination aucune. Ils se révèlent bénéfiques d'autant plus qu'ils permettent l'accroissement économique des pays et leur développement durable. De fait, l'éducation aiguise le sens du bien-être social des peuples. Ces appuis apparaissent profitables à l'humanité puisque les valeurs promues par l'éducation ont un caractère digne et humain.

De plus, ce qui paraît remarquable, c'est que l'éducation doit être capable de donner la possibilité à chaque être humain d'être épanoui. Avec le soutien des institutions internationales, le caractère sociable de l'éducation s'affiche à l'unanimité dans le monde. L'éducation deviendrait une arme puissante entre les

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mains des peuples. L'éradication des défis de moralité viserait ainsi la sociabilité effective. Elle réside dans la capacité à contenir les dérives, les transgressions morales, la dépravation avancée des moeurs et l'indignation de l'être humain. De nos jours, la population juvénile est presque livrée à elle-même : les comportements apparaissent inattendus et indésirables.

Les conduites humaines tendent à être à l'opposé des attentes sociales. Des parents démissionnaires, débordés, sont les principaux responsables de l'éducation de base. Parler de défis de moralité, reviendrait à accorder une place de choix à l'éducation. De plus, elle charge les parents à accomplir leurs devoirs à tous les niveaux : familial, sanitaire, scolaire etc. Tous ces aspects entre autres ne contribuent-ils pas à légitimer le rapport entre l'éducation et la moralité dans la société ? Il est possible de penser qu'il existe un rapport entre la moralité et l'éducation puisqu'elle semble être la seule capable d'épurer les comportements humains. Elle permet de contrarier les maux pour un monde meilleur. Ce rapport est tenable en vertu de l'édification de l'humanité qu'elle est susceptible d'envelopper sous toutes ses formes.

L'éducation confirme son rapport avec la moralité car elle a une mission considérablement noble : celle de la sociabilité effective. Cette dernière, signifierait alors, pour nous que, certes l'homme est naturellement sociable. Mais cela ne suffit pas pour autant à l'admettre comme tel. Autrement dit, cet avantage naturel d'appartenir à la race humaine ne lui confère pas entièrement ce statut d'être sociable. Dans la mesure où il reste encore courbé à la naissance. Ses dispositions naturelles présentent un ignorant, déposé là, comme une offrande à la nature : « La Providence a voulu que l'homme fût obligé de tirer le bien en lui-même »147. Dès lors, à quel moment peut-on réellement parler de sociabilité effective ? La sociabilité effective en question n'intervient qu'à partir du moment où l'éducation est mise en avant.

147 Emmanuel Kant, Réflexions sur l'éducation, Op. cit., p. 8.

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Par elle, l'homme doit développer ses dispositions au bien. Elles consistent à se rendre meilleur, en se cultivant et en développant la moralité, par les redressements progressifs des désirs naturels, les passions et les impulsions. Tous les composants de sa courbure naturelle le rendant insociable doivent être, non seulement domptés, mais aussi contrariés dans le bon sens, c'est-à-dire digne de l'espèce humaine. Dans cet ordre d'idées, l'éducation devrait être la pierre de touche de tous les comportements sociaux, celle qui police, édifie, dirige sans cesse l'homme vers la finalité éthique. Il conviendrait de souligner le mérite de l'éducation dans la société surtout en que, pour les hommes, elle compenserait bien leurs insuffisances. Elle comporte les conditions d'élévation de l'humanité.

Puisque l'on peut comprendre que l'homme, en tant que tel, a droit à la connaissance et à l'acceptation de la place qui lui revient de droit dans l'ordre des êtres créés. Car à la question relative à la place de l'homme dans l'ordre de la Création, la réponse kantienne est remarquable puisqu'il soutient que :

S'il y a quelque science dont l'homme ait besoin, c'est bien de celle qui lui enseigne à occuper convenablement la place qui lui a été indiqué dans la Création et de laquelle il puisse apprendre ce qu'il doit être pour être un homme148.

En méditant cette pensée, nous pouvons dire qu'Emmanuel Kant vient confirmer la fonction assignée à l'éducation. Pour lui, de toutes les sciences auxquelles l'homme s'intéresse, celle qui consacre son éducation demeure la plus importante. C'est bien pourquoi selon le philosophe de Königsberg, cette science, dans son essence ne peut avoir que pour fonction d'enseigner à l'homme aussi sa place dans la lignée des êtres créés. De même, il s'agit de ce qui importe pour lui de faire pour être homme. Il s'en suit que l'homme ne peut reconnaître et s'approprier sa place parmi les autres créatures que par l'éducation qui construit son être, puisqu'il contient le secret149 de la perfection.

148 Emmanuel Kant, Remarques touchant les observations sur le sentiment du beau et du sublime, trad. de l'allemand par Brigitte Geonget, Paris, Vrin, 1994, p. 128.

149 Emmanuel Kant, Réflexions sur l'éducation, Op. cit., p. 57.

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Dans cette logique précise, les défis de moralité qui incombent à tous les hommes est de développer d'abord leurs dispositions au bien. Il s'agit de cultiver les bonnes conduites, capables d'élever à la dignité humaine. Cette entreprise de nature humaine demande à chaque individu de considérer la moralité comme faisant partie de nos possibilités dans la réalisation du bien. Contenir les mauvais principes par tous les moyens possibles est l'un des défis que doit relever l'homme : « Se rendre soi-même meilleur, se cultiver soi-même, et, si l'on est mauvais développer en soi la moralité, voilà le devoir de l'homme »150.

En somme, l'actualité de l'éducation est marquée par des défis de moralité qui contraste avec les efforts d'humanisation des hommes. Ces dévouements semblent tendre vers une certaine noblesse : la sociabilité effective. Elle comporte

l'idée selon laquelle la science de l'homme qu'est l'éducation joue
essentiellement un rôle d'humanisation et de socialisation. Sa poursuite et sa réalisation résident, par conséquent dans l'éducation des peuples. En dépit des défis de moralité à relever, l'importance de l'éducation semble demeurer dans son rapport à la moralité dans la société. Cela se justifie par les efforts des hommes à contrarier les maux nuisibles à la vie humaine, en les élevant progressivement à des valeurs humaines. Dans ce cas, l'éducation contribue-t-elle à l'édification de la moralité ?

2- L'édification de la moralité par l'éducation

Il est nécessaire de reconnaître à l'éducation son apport immense quant à la culture des valeurs sociales. En effet, le triomphe de l'humanité mise en question n'est pas forcement d'ordre spéculatif encore moins théorique. Il est d'ordre éducatif puisqu'il ne s'agit pas de critiquer les conduites sociales mais de connaître le moyen docile, le plus sûr pour les cultiver épurées. La question qui se pose alors est celle de l'outil adéquat susceptible de façonner la nature humaine dans l'intérêt de l'humanité. De fait, tout ce que l'on désire ou attend d'autrui en

150 Emmanuel Kant, Réflexions sur l'éducation, Op. cit. p. 18.

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termes de conduites morales est englobé dans l'éducation. C'est à travers elle que la Raison conçoit tous les biens.

Cette réalité est liée à la nature de l'homme lui-même. Sa nature est telle qu'il est censé acquérir tout et même ce qui le dépasse. L'acquisition de la vertu, d'un « sens des valeurs »151 peut dès lors se décrire comme une naissance continuelle à soi, rendue possible par l'éducation. Car comme nous pouvons le comprendre dans le flux de la vie, accuser une personne moralement, cela suppose un manque de reconnaissance. Cette tendance naturelle semble être une manifestation propre à l'espèce humaine :

Ce désir peut être si puissant que, dans leur âpre quête de reconnaissance (...) Tant que nous ne l'admettrons pas, les idéaux et le comportement de peuples entiers (...) nous demeureront incompréhensibles152.

On peut convenir avec Isaiah Berlin que ce désir de reconnaissance est ce qui porte les peuples. Il ne pourrait trouver toute sa consistance que dans l'éducation et même sa promotion. Elle permet en tout être humain le respect de l'humanité au sein des rapports humains. C'est en prenant en compte cette reconnaissance que nous pouvons prétendre à une véritable édification de cette dernière. S'élever à la moralité semble subordonner à l'éducation. Par cette exigence de nous-mêmes à l'égard de nos semblables, l'on peut pressentir qu'en causant injustement du tort à autrui, c'est immédiatement à l'humanité que celui-ci est fait153. De cette manière, elle dispose à comprendre ce qui excelle, c'est-à-dire la dignité humaine. Les défis de moralité reposent sur la reconnaissance de cette dignité humaine.

Les rudiments de l'éducation de base donnés au sein de la cellule familiale sont susceptibles de contribuer à des conduites sociales morales. Plus précisément, elle conduit à la vertu. Le respect des parents, le droit d'aînesse,

151 Robert Spaemann, Notions fondamentales de morale, trad. de l'anglais par Stéphane Robillard, Paris, Flammarion, 1999, pp. 90-92.

152 Isaiah Berlin, Éloge de la liberté, trad. de l'anglais par Jacqueline Carnaud et Jacqueline Lahana, (Paris, Calmann-Levy, « coll. Agora », 1990), pp. 202-209.

153 Thomas de Koninck et Gilbert Larochelle, La nouvelle ignorance et le problème de la culture, Paris, PUF, 2000, p. 105.

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l'esprit de serviabilité, la tolérance, le respect de la loi et de l'autorité sont tous contenues dans l'éducation. Elle développe l'intérêt qui s'attache à ces idées de la moralité. On ne pourrait que reconnaître la cellule familiale que comme le lieu par excellence de vulgarisation des libertés fondamentales154. D'un autre point de vue, la famille a une large part de responsabilité dans la culture des valeurs. Méthodiquement, la culture des bons principes demeure profitable. Dans ce sens, John Locke écrit ceci :

Lorsque vous aurait établi votre autorité, en faisant comprendre à votre fils qu'il dépend de vous et que vous être son maître (...) dans son esprit ce sentiment de vrai respect qu'il faudra avoir soin d'entretenir dans la suite, et de conserver dans ses deux éléments l'amour et la crainte, deux grands principes par lesquels vous aurez toujours prise sur lui, de façon à diriger son esprit dans le chemin de la vertu et de l'honneur155.

Ainsi, le mérite des principes dans l'éducation implique d'abord la mise en place de l'autorité parentale. Selon John Locke, l'éducation, au fond commence dans le cadre de vie qu'est la famille. Pour lui, lorsque cette dernière est de mise dans la cellule familiale, l'on peut parvenir à disposer l'enfant à deux principes : l'amour et la crainte. La conservation et l'entretien de ces principes ont pour avantage la prise sur l'enfant. Ensuite, cette maîtrise permet de forger son esprit pour l'excellence.

L'éducation est considérée comme l'art et l'instrument de renforcement des dispositions morales et humaines. Elle répond aux exigences liées aux rapports extérieurs entre les hommes. En outre, l'éducation participe au renforcement des capacités sentimentales de l'homme. Elle lui permet de se surpasser. Elle joue un rôle important dans la stimulation de la mémoire ou de la réflexion. L'éducation pousse naturellement l'homme à l'humilité. En cela, elle construit son édification. Ces dispositions ne sont rendues possibles que par une éducation

154 Kadi Dago, L'éducation aux valeurs des Droits de l'Homme, in African Education Developpement Issue, no 2, 2010, p. 7.

155 John Locke, Quelques pensées sur l'éducation, Op. cit., p. 102.

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constante ne souffrant d'aucune contradiction, puisque devenue pour « l'homme aussi bien élevé chose aussi naturelle que l'acte de respirer »156.

De cette manière, l'édification de la moralité par l'éducation résiderait en des principes moraux susceptibles d'accompagner les manières d'agir. Les principes moraux jugés utiles et profitables aux hommes en société en sont les seuls admis. En plus, toutes les valeurs s'inscrivant dans l'intérêt supérieur des peuples tendent à régler désormais les rapports entre les hommes. Ce sont entre autre la liberté, l'égalité, la justice, la tolérance, la cohésion sociale, la paix. Elles disposent les hommes à distinguer le bien du mal et à rechercher sans cesse ce qui peut les unir. L'adoption de toutes ces valeurs comme normes de conduites, cadre pratiquement d'une certaine manière avec les principes de la moralité, puisque « l'espèce humaine semble aussi peu aller à sa destinée sensible (...) mais auquel la raison met pour condition d'en être digne par la moralité »157.

En effet, le respect de ces valeurs contenues par l'éducation est susceptible d'édifier la moralité parce qu'aucune valeur n'est humainement concevable sans éducation158. Elle distingue l'homme de l'animal, parce qu'elle offre à l'humain la maîtrise de ses instincts et par delà l'usage de la Raison. On autorise tel principe et on interdit tel autre. Cela s'observe dans l'organisation même de la société humaine. L'admission de la séparation des pouvoirs159 implique l'observation de principaux moraux et humains dans l'intérêt des peuples160. Elle leur garantie éventuellement, la liberté politique. Selon Montesquieu, en adoptant le principe de la séparation des pouvoirs, cela permet de jeter les bases du libéralisme, cette doctrine politique protégeant la liberté des citoyens par la limitation des pouvoirs de l'État.

156 John Locke, Quelques pensées sur l'éducation, Op. cit., p. 54.

157 Emmanuel Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, Op. cit. cit., 121.

158 Emmanuel Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, Op. cit. cit., p. 12.

159 Pour Montesquieu, c'est l'équilibre des pouvoirs, assuré par la séparation des puissances législatrice, exécutrice et judiciaire ; la liberté est garantie par cet équilibre.

160 Charles-Louis Montesquieu, De l'esprit des lois, Paris, Garnier Flammarion, 1980, p. 140.

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À la question comment atténuer efficacement les maux, Emmanuel Kant pense que la sagesse seule des hommes peut en donner la possibilité. Pour lui, le plus sûr moyen de parer à l'indignation, ce comportement contre lequel réagit la conscience morale, il faut le savoir rationnel. C'est d'ailleurs ce qu'il soutient en ces termes : « le moyen le plus sûr et le plus facilement efficace d'adoucir les maux, c'est une pensée qu'on peut bien demander d'un un homme raisonnable (...) n'est pas la fortune mais la sagesse »161. Dans le cadre de l'édification de la moralité, la sagesse dont parle Emmanuel Kant, même s'il ne l'avoue, est liée à l'éducation qui, seule peut renforcer davantage la capacité d'action et de rehausser l'homme à cette connaissance exacte et approfondie des biens du monde.

En plus, l'édification de l'humanité résiderait en ce que chaque citoyen y trouverait dans l'établissement des lois l'expression d'une volonté politique à assurer à chacun sa liberté. L'édification de l'espèce humaine revêt parfaitement sa consistance dans la mesure où sa signification humaine est promue à travers le respect des lois. Car comme le souligne Emmanuel Kant :

L'éducation du genre humain pris dans la totalité de son espèce, c'est-à-dire collectivement (universorum) non celle de tous les individus (singulorum) ou la multitude ne donne pas un système mais seulement un agrégat colligé, la tendance persévérante à une constitution civile fondée par principe de la liberté et de contrainte légale tout à la fois162.

Dans ce cas, Emmanuel consolide davantage le point de vue selon lequel l'éducation du genre humain répond fondamentalement à un souci d'édification de l'espèce humaine. Puisque l'éducation des hommes au sens large du terme ne concerne pas quelques individus. C'est une mise en oeuvre des moyens propres pouvant permettre le développement sous toutes les formes des hommes vivants en société. Cela implique de même que le rôle primordial que jouerait l'éducation serait donc d'inculquer aux citoyens le respect de la législation. Cette dernière est

161 Emmanuel Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, Op. cit., pp. 71-72.

162 Emmanuel Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, Op. cit., p. 122.

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redevable à la raison humaine. Finalement l'édification de la moralité par l'éducation passerait, par la formation de l'esprit libre, qui tient simultanément intelligence et volonté, car toute la puissance du vouloir se manifeste dans la formation de l'intelligence163.

En somme, l'éducation conduit à l'édification de la moralité. Elle permet à l'homme de témoigner de conduites, socialement admissibles. Elle avantage l'homme en renforçant la promptitude et la nécessité des valeurs qui ordonnent l'existence humaine. Elle se traduit par l'exigence de la reconnaissance de la dignité humaine d'autrui. Aussi, elle dispose les hommes à la culture des valeurs susceptibles de porter dignement l'humanité dans la manifestation de ses formes diverses et variées. Elle forge, par conséquent la nature humaine à l'avantage des rapports humains. En outre, elle inculque des principes moraux pour le plus grand bien de l'humanité. L'instruction et la discipline sont de ce point de vue les supports vitaux, les moyens de réalisation, qui portent l'humanité vers les hauteurs du perfectionnement.

163ALAIN.- Propos sur l'éducation, Paris, PUF, 2012, p. 52.

CONCLUSION GÉNÉRALE

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La réflexion sur le concept de moralité a montré que cette valeur humaine revêt une certaine universalité. À ce titre, elle se traduit en divers termes car la raison humaine semble en donner la possibilité. De la moralité et l'accomplissement du devoir, il est possible de comprendre que tout être humain possède la conscience du devoir de façon naturelle. Ce dernier vient donner plus de consistance à l'universalité de la moralité, et constitue pour l'homme la nécessité d'agir en raison de la loi en lui. Cette disposition d'esprit s'explique alors par des actions de bonne volonté, non rompues effectivement à cette fin. De ce fait, la raison intervenant, apparaît comme la faculté qui, au commande de la bonne volonté, pose la moralité en rapport avec l'expression de la loi morale en chacun de nous. En tant qu'élément déterminant de la raison, la loi morale se présente comme la source par excellence des valeurs humaines.

C'est justement la bonne volonté dont sont capables les êtres raisonnables, qui donne plus de légitimité au concept de moralité. La bonne volonté, pour ainsi dire, aiguise le devoir de l'être raisonnable, qui réside dans l'accomplissement d'actions par respect pour le plus grand bien du monde. En ce sens, la bonne volonté doit être portée vers des vertus comme le courage et l'effort sans fin dans les rapports extérieurs entre les hommes. Mieux elle doit devenir une volonté bonne et le demeurer dans l'intérêt de l'humanité.

Pour cela, les êtres raisonnables doivent cultiver des conduites perspicaces, de lucidité et de rigueur dans l'emploi des exemples, et ce, dans le souci de la moralité. De plus, ils doivent être considérés par les êtres humains comme de véritables mobiles164 pour la transformation des valeurs en vertus. En conséquence, les exemples doivent revêtir une fonction pédagogique et provisoire dans la société. Ainsi, à travers des conduites dignes des hommes, on pourra assister à des sociétés humaines où règne des relations intelligentes et intelligibles orientées vers la culture des vertus.

164 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., p. 374.

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Dans cet élan de bienfaisance, la moralité des actions pousserait davantage les hommes à promouvoir la dignité humaine, principe fondamental conférant à tout être humain une valeur absolue. Dès lors, la raison inciterait chaque individu à témoigner de la moralité, en tant que condition humanisant dans l'imitation et l'habitude. La connaissance selon laquelle la moralité de l'imitation réside, principalement, dans la culture des dispositions primitives au bien, bénéficierait d'une attention particulière dans les sociétés humaines au sein desquelles foisonnent les maux. De même, celle de l'habitude indiquant qu'elle consacre, certes, le renforcement du jugement moral de l'homme, mais ne saurait tenir en règle générale quand il s'agit de la pratique, permettrait aux êtres raisonnables d'être forgés moralement dans tous les domaines en rapport avec ceux-ci.

En outre, la définition de l'homme par la dignité d'homme suscite, à cet effet, la nécessité de la moralité et le triomphe de l'humanité. Ainsi, l'homme se révèle comme un être vivant dont la nature comporte la dimension morale. Il se présente avec une volonté caractérisée par l'autonomie. Elle est le principe suprême de la moralité, et repose sur des principes rationnels. La responsabilité de l'homme se pose avec légitimité dans le monde. Cette dernière suggère que s'il est défini par la liberté, de même qu'avec une volonté entièrement autonome, il doit accomplir son devoir dans l'intérêt de l'humanité. La responsabilité de l'homme implique qu'il doit répondre de tous ses actes en tout temps et partout pour le triomphe de l'humanité.

En tant que dépositaire de la raison, la moralité liée à la nature de l'homme doit être comprise comme le signe de la liberté propre à tout être humain. En ce sens, l'homme doit fonder la moralité sur des principes rationnels. Car l'affirmation de la dignité d'homme en dépend moralement. De plus, l'être raisonnable doit comprendre que la moralité lui incombe. Elle doit, par conséquent, porter les actions pour un monde meilleur.

Dans ce sens, Emmanuel Kant nous donne de comprendre que, si la moralité incombe aux hommes, le triomphe de l'humanité réside dans la

96

promotion de cette dernière à travers nos conduites et actions sociales. Ce qui impliquerait, en effet, que les pratiques injustes, les nouvelles formes de terrorisme, les transgressions morales de tout ordre, entrainant nos sociétés dans les sphères de violence doivent être compensées par la « la moralité, qui constitue le bien suprême, comme première condition du souverain bien »165. Doué de raison et de liberté, l'homme est le seul être vivant capable de moralité. En ce sens, le triomphe de l'humanité repose sur la moralité dans tous les domaines d'activités en rapport avec l'homme : agir avec la conscience du triomphe de l'humanité.

Dès lors, si tel est le défi qui se présente aux hommes, alors la moralité apparaît en rapport avec l'éducation dans la société, comme le moyen par lequel il est possible de façonner166 et de diriger les hommes pour le triomphe permanent de l'humanité. C'est ainsi que nous avons tenté de montrer la moralité et son rapport à l'éducation dans la société. En abordant la consistance de l'éducation, nous avons pu comprendre qu'elle est la science de l'homme qui permet la construction de l'humanité. On assiste à l'instruction et à la formation des êtres humains aux valeurs humaines et morales. La possibilité est donnée de forger les comportements humains dans le bon sens. En ce sens, l'éducation constitue la science dont l'actualité comporte de nombreux défis de moralité à relever, en raison du foisonnement des maux qui minent les rapports extérieurs entre les hommes. Ce fait permet de comprendre, par conséquent que la négligence des hommes à certains niveaux de la vie en société en est la conséquence.

Toutefois, la pratique de l'éducation atteste qu'elle porte les hommes vers une certaine noblesse : la sociabilité effective. Elle comporte la compréhension selon laquelle l'éducation a une finalité éthique qui consacre l'intégration entière des êtres raisonnables à tous les niveaux des sociétés humaines.

165 Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, Op. cit., p. 324.

166 Jean-Jacques Rousseau, Émile ou De l'éducation, Op. cit., pp. 145-147.

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Dans cette logique précise, elle confirme davantage son rapport à la moralité. Toutes les conduites moralement recevables sont consacrées par cette sociabilité effective. De ce point de vue, l'éducation est, pour notre part comme la science capable d'élever les êtres raisonnables à la moralité, et toutes les valeurs humaines tant légitimes pour l'espèce humaine. La fin de l'éducation, pour cela, consacre la moralité dans la société à travers ses différentes fonctions. Ce qui impliquerait un rapport entre elles. Aussi, comme le témoigne l'organisation de la société humaine, la séparation des pouvoirs en général, et le respect des valeurs en particulier, la suppression des défis de moralité est l'objectif visé pour un fonctionnement harmonieux et raisonnable de la société.

De manière conséquente, il est soutenable que l'éducation est la science, par excellence, de la culture des valeurs humaines. Elle a pour vocation d'instruire, de discipliner les esprits humains et de favoriser des relations dignes et humaines. À l'éducation, semblent subordonner toutes les valeurs dressées en principes par les hommes pour la stabilité des sociétés. Elle paraît vraiment être le moyen catalyseur du véritable triomphe de l'humanité dans la société. Pour cette raison, il serait légitime d'entrevoir un creuset moral de l'exercice politique sous toutes ses formes. Dans cette perspective, notre champ de recherche qui s'étend à ce domaine s'ouvre sur l'univers politique où la dignité humaine semble être prise entre bonheur et pouvoir politique.

BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE

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1- Les ouvrages de l'auteur

Anthropologie du point de vue pragmatique, Trad. de l'allemand par Michel Foucault, Paris, Vrin, 2002.

Critique de la raison pure, Trad. de l'allemand par André Tremesaygues et Bernard Pacaud, Paris, PUF, 1946.

Critique de la raison pratique, Trad. de l'allemand par Jean-Pierre Fussler, Paris, GF-Flammarion, 2003.

Doctrine du droit, Trad. de l'allemand par Alexis Philonenko, Paris, Vrin, 2011. Doctrine de la vertu, Trad. de l'allemand par Jules Barni, Paris, Garnier-Flammarion, 1994.

Fondements de la métaphysique des moeurs, Trad. de l'allemand par Victor Delbos, Paris, Delagrave, 1984.

Réflexions sur l'éducation, Trad. de l'allemand par Alexis Philonenko, Paris, Vrin, 1996.

Remarques touchant les observations sur le sentiment du beau et du sublime, Trad. de l'allemand par Brigitte Geonget, Paris, Vrin, 1994.

Religion dans les limites de la simple raison, Trad. de l'allemand par André Tremesaygues, Paris, PUF, 1946.

Théorie et pratique D'un prétendu droit de mentir par humanité La fin de toute chose, Trad. de l'allemand par François Proust, Paris, GF- Flammarion, 1986.

2- Les autres ouvrages

ALAIN, Propos sur l'éducation, Paris, PUF, 2012.

ARENDT, Hannah, Considérations Morales, Trad. de l'anglais par Marc Ducassou, Paris, Rivages, 1996.

ARENDT, Hannah, La crise de la culture, Trad. de l'anglais par Patrick-Levry, Paris, Gallimard, 1972.

BERLIN, Isaiah, Éloge de la liberté, Trad. de l'anglais par Jacqueline Carnaud et Jacqueline Lahana, Paris, Calmann-Lévy, coll. « Agora », 1990.

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HABERMAS, Jürgen, De l'éthique de la discussion, Trad. de l'allemand par Mark Hunyadi, Paris, Flammarion, 1991.

HABERMAS, Jürgen, Morale et communication, Trad. de l'allemand par Christian Bouchindhomme, Paris, GF-Flammarion, 1999.

HANS, Jonas, Principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique, Paris, Garnier-Flammarion, 1990.

HEIDEGGER, Martin, Lettre sur l'humanisme, Trad. de l'allemand par Roger Munier, Paris, Aubier Montaigne, 1983.

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LEQUAN, Mai, La philosophie morale de Kant, Paris, coll. « Folio Essais », 2003.

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VAYSSE, Jean- Marie, Le vocabulaire de Kant, Paris, Ellipses Éditions Marketing, 1998.

WALKER, Ralph, Kant, Paris, coll. « Folio Essais », 2002.

3- Les articles des revues scientifiques et autres

CORRIVEAU, Julien, Le jugement de la conscience morale dans la philosophie pratique d'Emmanuel Kant, Montréal, Université de Montréal, 2011.

DAGO, Kadi, L'éducation aux valeurs des Droits de l'Homme, In African Education Developpement Issue, no 2, 2010.

KOFFI, Lopez Emmanuel Oscar, La problématique de l'éducation dans la philosophie de Hannah Arendt, Abidjan, Université Félix Houphouët-Boigny, 2014.

102

LITTRÉ, Émile Maximilien, Dictionnaire de langue française, Paris, Gallimard, 1958.

RUSS, Jacqueline, Dictionnaire de Philosophie, Paris, Bordas, 2003.

103

TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE 4

INTRODUCTION GÉNÉRALE... 5

PREMIÈRE PARTIE : LE CONCEPT DE MORALITÉ ... 16

CHAPITRE I : L'UNIVERSALITÉ DE LA MORALITÉ 18

1- La moralité et l'accomplissement du devoir 19

2- La moralité et l'expression de la loi morale... 25
CHAPITRE II : DES ACTIONS DE BONNE VOLONTÉ

À LA VOLONTÉ BONNE 32

1- Les exemples dans la promotion de la moralité... 33

2- La moralité dans l'imitation et l'habitude 37
DEUXIÈME PARTIE : LA MORALITÉ ET LE FONDEMENT

DE L'HUMANITÉ 42
CHAPITRE I : LA MORALITÉ DANS LA NATURE

DE L'HOMME 44

1- L'autonomie de la volonté humaine ...44

2- La responsabilité de l'homme 49
CHAPITRE II : LA MORALITÉ ENTRE LIBERTÉ

ET CONTRAINTE 54

1- Les acceptions de la moralité 55

2- La moralité et son rapport à la contrainte 60
TROISIÈME PARTIE : LA MORALITÉ ET SON RAPPORT

À L'ÉDUCATION DANS LA SOCIÉTÉ . 68

CHAPITRE I : LA CONSISTANCE DE L'ÉDUCATION 70

1- L'éducation et la construction de l'humanité . 70

2- Le respect des valeurs sociales 76
CHAPITRE II : LA FIN DE L'ÉDUCATION

ET LA MORALITÉ DANS LA SOCIÉTÉ 82

1- L'actualité de l'éducation : les défis de moralité 82

104

2- L'édification de la moralité par l'éducation 89

CONCLUSION GÉNÉRALE 93

BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE 98

TABLE DES MATIÈRES . 103






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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon