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La publicité au Mexique, vecteur d'exclusion sociale.

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par Michael Spanu
Université Lyon 2 - Master  2009
  

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INTRODUCTION

Le Mexique est un pays empli de contradictions. Les pyramides de Teotihuacan, vestiges des cultures préhispaniques situées à une demi-heure de la ville de Mexico, font partie des attractions touristiques les plus visitées du pays. De manière plus générale, les sites archéologiques comme celui de Chichen-Itza ou de Palenque suscitent un engouement certain chez les touristes, autant étrangers que mexicains. Le gouvernement investit dans ces lieux, finance parfois même les restaurations, il y organise des évènements et affiche fièrement la grandeur de ce glorieux passé. D'un autre côté, les héritiers autochtones de ces peuples préhispaniques, qu'ils soient mayas, nahuas, ou de l'une des 52 autres ethnies indigènes du Mexique, font partie de la tranche de la population la plus pauvre du pays. Plus que cela, ils sont les plus démunis, les plus marginalisés, les plus stigmatisés.

Les différentes formes de pouvoir qui se sont succédées au Mexique ne semblent pas avoir su prendre en compte le caractère multiculturel de la nation, ni à mettre en place une politique efficace pour que les individus puissent vivre en harmonie, dans le respect de leurs cultures respectives, alors même que le Mexique est réputé pour son laxisme frontalier, se posant comme terre d'accueil pour les gens du monde entier. Peut-être trop préoccupés a former une grande nation économiquement homogène, un état progressiste calqué sur le modèle capitaliste des Etats-Unis, les pouvoirs publics mexicains ont clairement laissé de côté les questions de « multiculturalisme », abandonnant chacun à son propre sort. L'aspiration à un modèle économique capitaliste rend la vie facile aux européens et américains. Du côté autochtone et traditionnel, lorsque les protestations sociales se sont faites entendre, (révolte paysanne de 1910, insurrection des autochtones à Chiapas en 1994, Atenco en 2007, etc.) la seule réponse a été la répression militaire. L'opportunisme politique étant un sport de compétition au Mexique, on voit régulièrement des programmes d'aide dans certaines communautés, des terrains généreusement donnés, des services ponctuels d'attention médicale, mais qui malheureusement ne résolvent pas le problème de l'inégalité.

Par ailleurs, la ville de Mexico connait un mélange culturel extrêmement aigu, fruit de l'immigration massive de tout le pays mais aussi du monde entier. On trouve donc de nombreux européens et américains attirés par la facilité des affaires, des mexicains de tous les états de la république, des rescapés politiques, une grande communauté juive aisée, des libanais, des chinois et japonais, sans compter la descendance des dizaines d'esclaves africains qui débarquaient avec chaque conquistador et qui se sont aujourd'hui fondus dans le paysage. Dans la capitale, la population est passée d'environ 1 500 000 habitants en 1940 à plus de 20 000 000 aujourd'hui. Ainsi, ceux que l'on appelle les « chilangos » sont les fils de cette incroyable vague d'immigrants qui vivent dans la capitale, produits d'un choc culturel d'une rare intensité.

Pourtant, au regard des images publicitaires qui jonchent les stations de métro, ou des réclames de la télévision mexicaine, on ne retrouve que difficilement cette pluralité des cultures. En effet, ces images mettent en scène des visages et des corps lisses et apatrides que l'on ne rencontre que difficilement dans les rues de la capitale. Evidemment, ces images n'ont pas comme finalité de rendre compte du formidable multiculturalisme du Mexique, mais par leur omniprésence elles m'ont semblé un bon support pour m'interroger sur les manières de représenter le monde qui courent dans ce pays. Ces représentations sont à première vue plastiques et souvent forcées, touchant à un imaginaire collectif déformé et déformant qui réchauffe des stéréotypes. Mais plus on s'interroge et plus l'idée que la publicité véhicule un imaginaire inégalitaire et parfois discriminant se fait claire. La publicité mexicaine serait donc un vecteur d'exclusion sociale, car elle la représente et la véhicule par le biais de la magie médiatique, s'inscrivant ainsi dans un système politico-médiatique global et discriminant.

En me confrontant à cet imaginaire biaisé de la publicité au Mexique, les questions qui m'intéressaient au début étaient celles du rapport à l'autre et aux autres cultures, du rapport du « chilango » à sa propre identité, alors même que celle-ci n'est pas clairement définie, dans un contexte de mélange culturel extraordinaire. Je comptais étudier l'image des cultures à travers la culture de l'image.

C'est donc ce que j'ai tenté de faire dans un premier temps, en donnant un panorama de la culture des images, et notamment de son agent le plus vivace au Mexique, la publicité. Celle-ci est omniprésente, championne de l'affichage hors-norme sur des façades d'édifices et capable d'interrompre jusqu'à dix fois un film. Mais l'objectif ici n'est pas de chercher à voir les soi-disant effets qu'elle produit sur la population, sinon la place qu'elle occupe dans l'imaginaire et le discours de la société moderne. Puis, dans un cadre plus institutionnel, je tenterai d'examiner la machine qui produit ces images au Mexique, comment elle s'insère dans un jeu de pouvoir qui la rend presque intouchable. Par le manque de régulation et son importance dans la survie des médias, la publicité fait de sa voix un des discours dominants du Mexique.

Dans un second temps, je me suis attelé à dessiner une image de la culture au Mexique. En effet, l'enjeu était ici de mieux comprendre le contexte culturel et surtout multiculturel dans lequel s'inscrivent les messages publicitaires, car c'est là l'origine de l'exclusion sociale. Pour saisir ce processus d'exclusion opérée par la publicité, il fallait avant tout savoir comment celle-ci existe dans le quotidien de la société mexicaine, c'est pourquoi j'ai ensuite développé ma réflexion sur la notion de discrimination.

Ces deux temps formaient alors une parfaite entrée en matière à une sémiopragmatique de la publicité, car ils étaient les deux points nécessaires à la compréhension des lignes de lecture d'un message publicitaire au Mexique. D'un côté le contexte de production avec la culture de l'image et l'industrie publicitaire mexicaine, de l'autre le contexte de réception avec l'image de la culture et la discrimination.

J'ai alors pu entrer dans un travail plus concret que j'ai orienté vers l'analyse d'un fragment publicitaire de la télévision mexicaine. Pour cela il m'a fallu faire un détour par la télévision au Mexique et les éléments techniques qui la lient à la publicité, pour ensuite préciser comment j'allais travailler ce fragment publicitaire. Ma méthode allait reprendre des éléments propres à la sémiotique et à l'analyse d'image, qui me seraient utiles par la suite pour interpréter le fragment publicitaire. Enfin, j'ai partagé le rôle de chercheur en faisant participer deux personnes par le biais d'entretien. Cette dernière étape a été cruciale dans l'affinage et l'aboutissement de ma réflexion sur l'exclusion sociale, car ce n'est pas un phénomène si clair qu'il me paraissait au départ, bien qu'il reste très présent dans la publicité.

Les principales difficultés que j'ai rencontrées au cours de ce travail ont avant tout été d'ordre bibliographique. Bien qu'ayant à ma disposition la bibliothèque de la plus grande université du Mexique, je me ne suis rendu compte que tardivement des lacunes qu'elle présentait. Je me suis confronté à de nombreux ouvrages qui manquaient cruellement d'actualité. Alors que les universités françaises font beaucoup d'efforts pour rester à la page et obtenir les ouvrages les plus récents, notamment dans le champ des sciences de la communication, je n'avais à ma disposition que des travaux vieillis sur des thèmes pas toujours en rapport avec ma recherche. La bibliothèque de la faculté de sciences politiques et sociales dont dépend la licence en sciences de la communication s'est révélée pire encore, où j'étais incapable de mettre la main sur des classiques de la communication. Des ouvrages sur le contexte médiatique ou publicitaire au Mexique étaient très peu nombreux et souvent très vieux, rendant le croisement des sources relativement difficile.

J'ai donc dû faire avec le peu de sources à ma disposition. J'ai cependant pu compter sur l'aide de quelques professeurs qui disposaient de livres à me prêter. C'est alors que j'ai compris qu'au Mexique il est courant d'aller acheter soi-même des livres parfois très pointus sur un sujet car aucune bibliothèque ne l'aura à disposition. Je me suis également arrangé pour que l'on m'envoie certains livres plus théoriques en Français, dont je pensais avoir besoin pour ma réflexion et mon travail d'analyse. Cette contrainte bibliographique m'a par ailleurs permis d'épuiser les ressources bibliographiques mises à disposition par l'université Lyon 2. Je ne compte le nombre d'articles scientifiques auxquels j'ai eu accès sur Cairn, Persée ou Jstor et qui ont été tout à fait décisif dans l'avancée de mon travail.

En outre, mon université d'accueil comptait avec un grand nombre d'ouvrage sur le thème du multiculturalisme. Les questions d'identité et de culture en Amérique Latine sont ses grandes préoccupations académiques, j'ai eu l'occasion de participer à un programme nommé « México nación multicultural » qui m'a complètement ouvert les yeux sur le thème du multiculturalisme au Mexique. Ce programme m'a également permis d'accéder à un grand nombre de sources d'information, m'évitant ainsi de me perdre dans la marée d'ouvrages sur la culture.

L'autre difficulté à laquelle je me suis confronté a justement été d'être au Mexique. Bien que cela m'aie ouvert l'espace à un champ d'investigation que mes collègues en France n'avaient pas, la distance a rendu difficile le contact avec ma directrice de mémoire. Cette distance conjuguée à une absence de cours sur la méthodologie du mémoire m'a souvent amené à improviser pour pouvoir avancer. Je ne considère pas cette distance comme un réel obstacle, néanmoins il est évident que sans un intérêt profond pour mon sujet et une bonne motivation, j'aurais rapidement décroché. De plus, le fait d'être à l'étranger et d'avoir de nombreuses choses à découvrir ne facilitent pas l'affaire, car le mémoire m'a demandé beaucoup de rigueur au quotidien. J'ai pu heureusement compter sur l'aide de mes proches au Mexique, qui m'ont donné de précieuses informations sur des affaires médiatiques passés ou des détails de la culture que je ne pouvais connaître. De même, j'ai pu bénéficier des conseils avisés de ma directrice, parfois quelques mots pour orienter ma recherche suffisaient pour me remettre au travail, ainsi que d'autres professeurs de Lyon 2 qui ont été à ma disposition pour m'envoyer leurs articles ou des références bibliographiques.

En tant que jeune étudiant en sciences sociales, j'ai été très marqué par le climat d'injustice qui règne au Mexique. C'est ce qui m'a conduit à orienter mon travail vers la notion d'exclusion sociale. Partant au Mexique sans en connaître vraiment la culture ni l'histoire, j'ai été fasciné de me trouver face à une telle diversité culturelle. Et pendant que le débat sur l'identité nationale faisait rage en France, j'étais de mon côté en plein apprentissage d'une autre forme de vivre ensemble dans laquelle on pouvait retrouver les mêmes éléments de discrimination. J'ai pu assister à l'ouvrage d'un capitalisme cruel qui tend à faire des traditions mexicaines une sorte de voile identitaire purement artificiel. Un système profondément inégalitaire que le rapprochement des Etats-Unis ne fait qu'amplifier, un système où règne l'impunité pour ceux qui ont de l'argent.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote