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Développement des espaces géographiques. Exemple du terroir d'Assomé dans la basse vallée du Zio.

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par KOUAMI DODJI ADJAHO
Université de Lomé - Maà®trise en géographie 2010
  

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INTRODUCTION

Les sociétés humaines, par leurs décisions d'implantation et d'aménagement, créent leurs propres territoires sur lesquels elles développent une identité collective.Elles posent leurs marques sur un espace que Brunet (2005) considère comme « donné » parce que muni de potentialités naturelles qui conditionnent l'organisation du territoire. Ainsi, remarque-t-onque les zones côtières humides, les abords des cours d'eau et les oasis dans les déserts, qui renferment beaucoup de ressources, constituent les grandes régions de concentrations humaines.

On peut alors définir le territoire comme un espace géographique marqué par une communauté humaine qui y construit son histoire à travers un ensemble de caractères, de cultures, de savoirs et de pratiques fondés sur le système d'interactions entre le milieu naturel et les facteurs humains. Il a une étendue et est circonscrit par une juridiction administrative ou politique qui s'affranchit des faits naturels (cours d'eau, forêt, montagne, ...) pour lui fixer des limites précises.

Le territoire ainsi conçu participe à la satisfaction des besoins existentiels comme habiter, mobiliser les ressources, communiquer, se défendre et se reproduire.Il se crée ainsi une interaction dynamique entre l'environnement naturel et l'être humain qui y habite. Ce dernier s'évertue à trouver des explications aux phénomènes qu'il vit et aux faits qu'il engendre ou subit. Corrélativement, il enclenche un processus de développement local qu'il améliore pour optimiser son bien-être socio-économique.

Ce développement local, considéré comme un processus global et dynamique de construction du mieux-être à l'intérieur des espaces locaux où les différents acteurs se rencontrent, échangent, élaborent et mettent conjointement en oeuvre des projets d'autopromotion durable, se révèle être la stratégie la plus appropriée pour le développement des Etats. Il exige, cependant de ces Etats, d'accorder une large autonomie aux différentes entités territoriales (régions, préfectures, cantons qui peuvent être des communes urbaines ou rurales) pour susciter leur totale implication dans l'apport de solutions au défi du développement.

Malheureusement, par manque de volonté politique, les pays africains sont enlisés dans une gestion centralisée qui empêche l'émergence d'initiatives locales de développement. Par conséquent, un demi-siècle après les indépendances, le développement et le mieux-être ne sont que des mythes pour les populations. Pour cause, les méthodes ou modèles et les stratégies, mis en place pour relever le défi du développement, ne s'appuient pas sur les potentialités propres à ces pays. De larges proportions de ressources physiques et anthropiques sont ainsi marginalisées. Ce qui se traduit par une indigence endogène de bien-être social économique et environnemental.

Cependant prenant exemples sur les échecs répétés des tentatives visant à relever le défi du développement, les Etats africains semblent, à l'instar des pays développés, s'engager sur la voie des dynamiques de développement local. Il s'agit de stratégies et de pratiques locales de valorisation de leurs ressources qui, en rompant avec les options centralisées de développement de jadis, correspondent non pas à unrepli défensif mais à une adaptation alternative aux contraintes du développement (Mondes en développement Vol 31-2003). En effet, depuis quelques années, les Etats africains s'efforcent de promouvoir le développement local ou développement à la base accompagné de politiques de décentralisation.

Ainsi, plutôt que d'être dans l'attente d'initiatives extérieures de développement souvent en déphasage avec les réalités socio-anthropologiques locales, les collectivités territoriales sont appelées à cultiver leur aptitude à identifier et à valoriser leurs ressources, à mettre en oeuvre des innovations et à susciter des initiatives locales. Ce faisant, ces collectivités territoriales non seulement pourront générer leurpropre développement, mais aussi structurer et organiser ce développementredevenu "honorable", et non plus marginal ou "de survie". C'est un paradigme renouvelé dedéveloppement (Vachon, 2002)qui apparaît ainsi comme une nouvelle opportunité pourles Etats africains, notamment le Togo.

Cependant, comme souligné dans Mondes en développement(Vol 31-2003), le développement local n'est pas un modèle "clé en main". Chaqueterritoire est spécifique; il émerge d'un contexte (facteurs culturels, sociaux...) et d'une histoire unique qui impliquent dès lors une logique de développementunique. Cette différenciation territoriale ne réside pas seulement dans lesproduits, mais aussi dans la façon d'organiser la production, de créer et de gérerses ressources, de développer des savoir-faire originaux. Il n'y a donc pas demodèle unique et universel de développement local. Il est avant tout l'affaire d'acteurs, de toutessortes, mis en rapport, mobilisés en vue de stimuler une synergie créatrice,porteuse d'effets de développement.

Ceci nécessite donc d'appréhender spécifiquement chaque espace géographique support du développement, dans sa globalité, sa diversité et sa complexité. Pour ce faire, la mise en place d'un cadre d'étude pluridisciplinaire s'avère nécessaire. Il s'agira de procéder à une analyse multidimensionnelle et intégrée du terroir investi. Au terme de chaque investigation, l'on doit, à la lumière du profil de référence de la zone étudiée, proposer avec la participation des acteurs locaux, des orientations de développement global et intégré afin de promouvoir le mieux-être des populations qui y vivent.

C'est cet objectif que poursuit cette discipline qu'est " le développement de l'espace " qui associe, dans une option d'analyse spatiale intégrée,les compétences du géographe qui analyse les interactions dynamiques entre les composantes physiques et humaines de l'espace, celle du sociologue qui pose la question de la constitution sociologique de l'espace (Löw, 2008) et la façon dont l'espace intervient dans le social (Giddens, 1987) et celle de l'anthropologue pour traiter des questions relatives à l'identité, à l'appropriation et à l'enracinement des populations par rapport à leurs terroirs. Quant à l'économiste, il s'occupe de l'organisation économique du terroir, alors que le juriste étudie ses structures administratives et la question de la gestion du foncier sous sa domination. Par ailleurs, bien d'autres spécialistes tels que l'étymologiste, le psychologue et le sémiologue peuvent, au besoin, intervenir dans cette démarche qui vise à comprendre et à découvrir l'agencement relationnel des systèmes biophysiques avec la société humaine comme actrice du développement de son terroir.

Cette contribution au développement de l'espace s'intéresse au terroir d'Assomé (préfecture du Zio) qui est particulièrement touché par la rupture entre la satisfaction des besoins vitaux et la viabilité du milieu de vie. En effet, les activités agricoles et les autres formes d'exploitation de ce terroir se pratiquent, de nos jours, dans un environnement de plus en plus hostile à l'amélioration des conditions de vie des populations. Cependant, il faut signaler que cette situation n'est que la résultante de l'utilisation plus accrue et peu rationnelle, voire négative des ressources. Il s'ensuit alors une profonde dégradation du paysage qui se poursuit, avec pour corollaire l'effondrement de l'économie locale et la généralisation de la pauvreté.

Localisé entre 6°20de latitude Nord et 1° 9 de longitude Est, le terroir d'Assomé se situe sur la rive gauche du Zio à l'entrée de la basse valléeet couvre une superficie de 24,12 Km². Il se situe à 5 km de la Nationale N°1 à l'Ouest de Davié dans la préfecture du Zio (figure 1).

Carte 1: Situation du terroir d'Assomé

L'observation du site révèle une topographie à deux niveaux : une plaine alluviale (basse vallée du Zio) qui occupe l'Ouest et le Sud-Ouest, surplombée par deux structures tabulaires séparées par une vallée sèche dans l'Est et le Nord-Est du terroir. Les structures tabulaires se raccordent au plateau de Tsévié par un talus, de faible pente dégageant ainsi un modelé en escalier de versant. Il s'agit en effet, selon Gnongbo (1996), d'un lambeau de la haute terrasse de la rivière Zio qui présente sur le versant gauche des discontinuités qui s'accrochent aux différents plateaux de terre de barre qui entourent la basse vallée. En somme le village d'Assomé est construit sur la haute terrasse du Zio au pied du versant du plateau de Tsévié. La terrasse est formée de dépôts alluviaux constitués de galets et de graviers (Gnongbo, 1989). A ces ressources s'ajoute un potentiel pédologique ferralitique sur les plateaux et hydromorphe dans la plaine. Il supporte une végétation bien fournie, avec une pluviométrie moyenne de 800 mm d'eau / an et est constitué essentiellement de sols propices à l'agriculture.

Ces conditions bioclimatiques et géomorphologiques ont permis la mise en valeur de la région à travers l'agriculture vivrière dont les rendements permettaient de couvrir les besoins locaux et de dégager des surplus. Ces surplus, écoulés sur les marchés voisins, procuraient à la population des revenus non négligeables. Ces revenus vont s'accroître, d'abord, avec le développement de la riziculture irriguée à rendement élevé, ensuite par l'émergence, à la fin des années 70, de l'extraction traditionnelle des galets et graviers du sous-sol du terroir. Cette activité portée par la "fièvre immobilière" de la ville de Lomé a beaucoup contribué à augmenter le revenu de la population. Ce qui se traduit par une mutation de l'habitat villageois qui a évolué de sa structure en banco vers des maisons en parpaings de ciment avec la toiture recouverte de tôles. De même, le niveau de l'éducation s'est amélioré. Les parents, disposant davantage de moyens financiers, ont financé les études de leurs enfants.

En somme, selon les témoignages, Assomé aurait connu par le passé une relative prospérité économique et sociale stimulée par l'exploitation de son sous-sol et la mise en valeur de ses potentialités agricoles. Cependant, cette prospérité s'est révélée très éphémère du fait de la gestion peu rationnelle des potentialités.

En effet, l'augmentation des besoins alimentaires et financiers des 3 500 habitants environ que constitue la population d'Assomé (DGSCN, 2008) a imposé l'intensification de la mise en valeur agricole des terres. Celle-ci se faisant sans apport de fertilisants et sans mesure de conservation a conduit à leur épuisement total. Elles ont ainsi perdu leurs caractéristiques physico-chimiques. Parallèlement, plus de 600 ha de terre soit 37 % du terroir d'Assomé sont rendus impropresà l'agriculture par l'extraction de gravier. Il s'agit des sols ferralitiques très fertiles qui ont été fortement dégradés et parsemés d'excavations et de monticules d'argiles issus de l'extraction des graviers. Ces terres ainsi perdues constituent un véritable manque à gagner pour les agriculteurs. Il s'en est alors suivi une réduction sensible du potentiel agronomique du terroir, accompagnée de la baisse considérable des rendements agricoles. De nos jours, le terroir est très dépendant des marchés extérieurs pour couvrir ses besoins en produits vivriers.

De même, sous le coup d'une extraction abusive et incontrôlée, les réserves des gisements de graviers sont presque au bout de l'épuisement, dans le terroir. L'extraction de gravier, de la capacité d'un camion de 8m3, prend de nos jours plus de temps et fait dépenser plus d'énergie qu'auparavant. Concomitamment, la qualité du gravier (taille), dont dépend le prix d'achat, s'est aussi dégradée. Ce qui se répercute sur les bénéfices qui ont beaucoup diminué.

La conjonction de tous ces facteurs pose de nos jours à Assomé un véritable problème de détérioration du système fonctionnel "homme-nature" qui se meut en un cercle vicieux qui handicape encore plus le développement de ce terroir. Comment peut-on alors réorienter le terroir d'Assomé vers l'édification de son développement "local" durable, c'est-à-dire de façon soutenue sur le plan social, économique et environnemental?

Telle est le questionnement fondamental sur lequel se base cette recherche intitulée« Développement des espaces géographiques, exemple du terroir d'Assomé dans la basse vallée du Zio ».

Cette recherche présente l'intérêt d'apporter, outre son utilité académique, une contribution à l'analyse de fond de la problématique du développementdans les Etats africains, en se focalisant sur le développement local, précisément dans le terroir d'Assomé dont les réalités existentielles illustrent les difficultés de création des conditions de décollage du développement au Togo. Elle se fixe comme objectif général d'expliciter à partir d'un profil de référence, le niveau désastreux du développement d'Assomé afin d'en proposer des orientations pouvant promouvoir ce dit développement. De cet objectif général découlent les objectifs spécifiques suivants :

· présenter les potentialités physiques et humaines ainsi que la dynamique d'évolution du terroir ;

· analyser le développement du terroir sur le plan socio-anthropologique, économique et administratif ;

· proposer une vision de développement durable rationnel et harmonieux.

Méthodologie de recherche

Pour parvenir aux résultats de cette recherche nous avons mené notre travail en deux étapes : la documentation pour nous enquérir des données existantes et les campagnes de terrain pour observer la dynamique actuelle de l'espace.

La documentation est la phase de recherche bibliographique par laquelle nous nous sommes imprégnés des études se rapportant à l'évolution des espaces géographiques dans le monde, en Afrique et au Togo. Plus particulièrement,ce sont les ouvrages traitant de la problématique du développement, du monde rural et des déséquilibres que subit le milieu naturel qui ont retenu notre attention. De nos lectures, nous avons élaboré une brève revue pour donner un aperçu des données existantes.

La recherche documentaire a été complétée par la collecte des données quantitatives ayant trait au climat (pluviométrie, température, hydrologie...) et des statistiques démographiques et agricoles. L'interprétation des photos aériennes et l'analyse cartographique ont favorisé une plus fine observation de la dynamique spatiale de notre zone de recherche.Les photos n° 470 à 749 Mission 1969 et n° 2326 à 3604 Mission 1977 au 1/30 000 ont été utilisées pour visualiser une bonne partie de la zone d'étude. A cela s'ajoute l'analyse des fonds topographiques de Lomé 1C feuille NB - 31-XIV- 1C au 1/ 50.000 couvrant la basse vallée du Zio. Toutes les données recueillies ont été corrigées et actualisées grâce aux campagnes de terrain que nous avons entreprises dans la région.

Ø Compte rendu de lecture

Le compte rendu de lecture s'organise autour de deux principaux thèmes à savoir le développement local et la dégradation des conditions et du cadre de vie.

· Le développement local

Le développement local est une approche, dite territoriale comme celle abordée dans le cadre du développement de l'espace. Il intègre des préoccupations d'ordre social, culturel et environnemental au coeur des rationalités purement économiques. Et, à en croire Vachon (2002) si les facteurs économiques tels que le capital, lesressources naturelles, les équipements et infrastructures de transport et decommunication, les marchés...continuent d'être des éléments importants dansle processus de développement des régions, le paradigme renouvelé de développement accorde un rôle tout aussi important aux facteurs nonéconomiques tels que la qualification individuelle et collective, la transmissiondes savoirs et savoir-faire traditionnels et actuels, le cadre de vie, la perméabilitéà l'innovation, la vitalité communautaire, l'ouverture à la concertation et aupartenariat. Ce que corroborent Leloup, Moyart et Pecqueur (2003) en présentant le développement local comme un exercice qui amène les collectivités territoriales à mettre en exergue leurs aptitudes à identifieret à valoriser leurs ressources, à mettre en oeuvre une culture de l'innovation, àsusciter les initiatives locales et à faire émerger des projets porteurs de développement. Ils poursuivent en ces termes « plutôt que d'être dans l'attente d'un projet dedéveloppement venu de l'extérieur, les terroirs non seulement génèrent leurpropre développement, mais structurent et organisent ce développementredevenu "honorable", et non plus marginal ou "de survie"». Pour Pecqueur (2001), le développement local est une pratique de valorisation des ressources, qui correspond non pas à un repli défensif, mais à une adaptation alternative aux contraintes qui jusque là entravent le développement des pays africains. Il est rejoint par des responsables et présidents de conseil élus africains qui ont conclu, à l'atelier « approche territoriale du développement en Afrique » du 12 au 14 Mai 2008 à Tanger, que le développement local est une orientation stratégique pour les gouvernements africains pour assurer un développement durable, équilibré et garantissant la cohésion sociale.

Parlant des outils au service du développement local, Landel-Milles et Derageldin (1991) désignent l'usage de l'autorité local, la pratique de l'auto-contrôle et la gestion rationnelle des ressources endogènes.Leloup, Moyart et Pecqueur (2003), pour leur part, mettent l'accent sur la promotion de la décentralisation et gouvernance locale. Selon Jean Walline juriste français, la décentralisation est un transfert de pouvoirs de décisions vers des collectivités territoriales, en tant qu'entités infranationales disposant des autorités librement élues au suffrage universel, à qui on a reconnu des intérêts distincts et la compétence de gérer elles-mêmes ou de faire gérer par leurs élus leurs intérêts. La décentralisation consiste donc en une organisation juridico-politique des espaces nationaux qui, de l'avis de l'anthropologue Minguet, ne peut advenir sans une volonté et une intervention du politique et du législatif. Ceci fut aussi souligné à l'atelier de Tanger (12 au 14 mai 2008) qui reconnaît « que passer d'une gestion centralisée des Etats à une approche contractuelle avec les acteurs locaux, doter les collectivités des compétences requises pour assumer leurs responsabilités et asseoir les pratiques de la bonne gouvernance sont autant de défis pour les gouvernements africains pour réussir le choix de l'approche territoriale du développement ».

Malheureusement, cette volonté d'intervention du politique et du législatif continue de faire cruellement défaut dans les états africains, entretenant ainsi le cercle vicieux du sous- développement marqué par la dégradation des conditions et du cadre de vie notamment dans les terroirs ruraux comme Assomé.

· La dégradation des conditions et du cadre de vie

Olivieri dans la préface de la revue "Notre Libraire, n° Double 66-67 d'Octobre-Décembre 1982", estime que le rapport romantique entre les sociétés rurales et la nature en Afrique, comme l'image bucolique d'un univers agreste et harmonieux, semble avoir vécu. De nos jours pour s'adapter au contexte économique mondial et pour sortir de l'état de pauvreté endémique qu'il leur impose, les populations rurales sont plus que jamais appelées à surexploiter les maigres ressources de la nature. Ce faisant, elles se retrouvent au centre d'un cercle vicieux qui selon Timberlake (1990) entraîne la ruine de l'environnement avec les conséquences fatales pour la vie. Ogoundé (1998) parle de délabrement du paysage rural qu'il impute au déséquilibre entre la trilogie « démographie - agriculture - environnement naturel ». Il s'accorde ainsi avec Tchamié (1988) qui soutient que sous l'effet de l'accroissement démographique et de l'urbanisme qui ont accru les besoins de l'homme, les paysans ont développé des stratégies dégradantes vis-à-vis de la nature. Ils modifient ainsi dangereusement les équilibres écologiques d'origine au profit de nouveaux équilibres plus fragiles et difficilement gérables à en croire Ayivi (2007). Timberlake (1988), mettant en exergue la dégradation indiscutable du milieu naturel et rural africain, l'attribue à la négligence dont sont victimes les populations rurales, de la part des autorités, au profit des citadins. Ces derniers ont voulu maintenir les prix des denrées alimentaires au niveau le plus bas. De ce fait, ces autoritésont forcé les populations rurales à abuser des ressources des zones agraires qui se sont considérablement fragilisées. De même Dumont et Mottin (1982) mettent l'accent sur la marginalisation des paysans africains dans un environnement de plus en plus dégradé et hostile du point de vue écologique. Par ailleurs, tous les auteurs s'accordent à dire que cette dégradation écologique se reflète à travers celle de ses composantes fondamentales que sont la végétation et le sol.

Concernant la première composante, la végétation, le phénomène se traduit selon Etsè (1997) et Ogoundé (1998) par la diminution voire l'anéantissement quasi total de celle-ci (forêt mésophile), de la densité et de la diversité des espèces herbacées et ligneuses, surtout sur les plateaux de terre de barre de la région maritime où les densités élevées selon Schwartz (1984), Gnongbo (1996), Houédakor (1997) et Aklamanu (1998) ont conduit à l'extension des superficies emblavées et leur mise en valeur continue suite à la suppression de la jachère.

Quant à Azanlékor (1986), Lakoussan (1998), Djangbédja (2000) et Aliti (2006), ils déplorent l'ampleur de la destruction des paysages végétaux dans les zones d'extraction de phosphates à Hahotoé et de galets et sables dans la basse vallée du Zio. Selon ces auteurs, l'activité extractive industrielle ou traditionnelle laisse derrière elle, un paysage de désolation marquée par la suppression systématique du couvert végétal et la dégradation complète des sols rendant difficile toute possibilité de reconquête de la végétation. Pour Houédakor (1997), cette dégradation est un frein au développement car l'absence d'arbres perturbe la composante importante qu'est le sol, dont la dégradation de structure (perte de cohérence et de pulvérulence sur le plateau continental, augmentation de cohérence dans les basses terres, bas-fonds, vallées et plaines alluviales) est suivie de l'appauvrissement en éléments minéraux, de la baisse de capacité de rétention en eau et de teneur en matières organiques comme Ogoundé (1998) et Aklamanu (1998) l'ont démontré dans le Sud-Est du Togo. Par conséquent, l'érodibilité des sols augmente sensiblement et se manifeste par l'élaboration des formes spectaculaires. Cet aspect de la dégradation des sols déjà abordé par Poss et Rossi (1985), Ayéna (1989), Démakou (1998), Kankpénandja (2005) dans les régions de la Kara et des Savanes au Togo se retrouvent également et d'une manière plus sévère dans la basse vallée du Zio où, en raison des versants longs et à pente très faible, le ruissellement s'accumule, prend de l'ampleur et de la vitesse si l'on se réfère à Adjari (2006). Gnongbo (2003), à cet effet, parle d'un système de ravinement brutal et spectaculaire à l'issue de très fortes précipitations. Pour Séwonou (2007), il s'agit d'une véritable crise morphogénique déclenchée par les activités des populations en quête du mieux-être social et économique. Pour ce faire, elles exploitent leur milieu naturel par des activités agricoles et surtout l'extraction de gravier et sable. Les effets pervers de ces activités sont exacerbés par la pente et la nature des formations superficielles.

Outre ces dégradations physiques et mécaniques, Akibodé (2000) a mis en exergue la périodicité des graves inondations que connaît la basse vallée du Zio. Cette périodicité selon Gnongbo (1996) et Agbéwornou (2008) est la résultante des crues des différents fleuves et rivières, suite aux pluies diluviennes pendant les périodes d'hivernage. Selon Klassou (1996), ces crues sont des phénomènes fugaces mais redoutables du fait de leur puissance destructive. En prenant pour exemple le fleuve Mono, il conclut à la nature tropicale et exclusivement pluviale du régime des cours d'eau du bas-togo, dont les crues sont expliquées par l'effet cumulé de la concentration puis de la forte intensité des pluies diluviennes dans leurs hauts bassins. En ce qui concerne les inondations que provoquent les crues dans les basses vallées, tous ces auteurs soulignent leur brutalité et leur violence, et les énormes dommages sur le plan humain et économique. A cet effet, Obasi, président de l'OMM1(*), estime à près de 250.000 victimes et 50 à 100 milliards de dollars US, les dégâts matériels consécutifs aux inondations dans le monde. Toutefois, Klassou (1996) souligne que les crues sont porteuses d'espoir au plan agricole, en plus des gains de la pêche.

Les répercussionsde toutes ces formes de dégradation sont dramatiques pour les populations rurales. La pauvreté devient endémiques'accentue et se généralise. Pour cause, la nature qui offre les ressources alimentaires et économiques aux populations, n'est plus en mesure, oudu moins, pas pour longtemps encore, d'assurer la satisfaction de ces besoins vitaux. A cet effet, Aklamanu (1998) pense que les rendements agricoles ont considérablement diminué, les revenus tirés de l'exploitation commerciale des forêts s'amenuisent et les paysans éprouvent d'énormes difficultés à passer les périodes de soudure et à assumer les besoins financiers. Les déperditions scolaires sont très fréquentes et l'exode rural s'intensifie.

Face à cette situation, Tcheinti-Nabine (2000) affirme qu'il est donc plus urgent de mener des études et d'envisager des palliatifs afin que les populations rurales répondent au mieux à leurs besoins quotidiens sans toutefois porter préjudice à la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Dans cet ordre d'idées, Aklamanu (1998) pense qu'il faut amener les paysans par la maïeutique à découvrir les actions de restauration du milieu. Il suppose que l'échec des différentes actions menées pour résoudre le problème de dégradation des paysages, résulte de la difficulté de communiquer aux paysans les résultats des recherches élaborées dans les stations. Ces résultats ont du mal à être intégrés dans le contexte socio économique et culturel des paysans parce qu'ils restent au niveau de la connaissance pure. Il est donc impérieux de mettre en oeuvre des programmes de conscientisation des paysans qui puissent les amener à gérer les différentes connaissances (l'arbre, la couverture végétale, l'érosion,...) pour que cette coordination aboutisse à des découvertes. En effet, les paysans, qui auront « découvert » le principe de conservation de leur environnement, mettront en oeuvre automatiquement ces innovations techniques parce que tout esprit humain essaie ce qu'il a « découvert » pour en vérifier l'authenticité.

L'apport de l'ensemble de ces ouvrages lié à notre problématique nous permet d'affirmer sans trop exagérer qu'il existe une rupture entre le couple « développement - environnement naturel » d'où l'émergence de nouveaux concepts comme le développement durable et développement local. C'est cette problématique d'ordre socioéconomique et environnemental que nous voulons mettre en relief dans le terroir d'Assomé à travers l'analyse de son paysage.

Ø Les campagnes de terrain

Nous avions organisé deux campagnes de terrain à partir desquelles nous avons établi la situation de référence de la zone de recherche.

La première s'était déroulée pendant la grande campagne agricole d'Avril - Juillet 2008. Le paysage a été exploré afin d'observer, de décrire, de photographier et de schématiser les différents aspects physiques et humains qui le caractérisent. Plusieurs transects ont été définis et une attention particulière a été portée à la nature des paysages végétaux et pédologiques, aux détails topographiques, à l'occupation de l'espace et à sa mise en valeur de même que les différentes formes de dégradations que subit le paysage. En outre, les nombreux entretiens avec les membres de la collectivité locale et les personnes ressources ont permis de recueillir des informations sur l'historique du village, les rites et traditions ancestrales et les conditions de vie de la population.

Dans le courant du mois d'Août 2008 nous avons de nouveau sillonné le terroir, à la suite des dernières inondations survenues dans la basse vallée du Zio afin de mesurer l'impact de cette catastrophe sur le paysage et les populations. Une campagne spéciale de "géoréférencement" a été organisée entre le 05 et le 15 octobre 2009 pour bien délimiter le terroir et les entités qui organisent l'espace.

Les résultats issus de cette démarche méthodologique et la documentation en général permettent d'articulerle mémoire autour de trois grandes parties.

La première partie constituée de quatre chapitres s'intitule Milieu et Environnement d'Assomé. Il présente dans le détail les aspects physiqueset humains généraux,les processus d'évolutionet la caractérisation actuelle (dégradation) du paysage. La deuxième partie pour sa part fait découvrir en trois chapitres les cadres cadre juridique et administratif, économique, socio-anthropologique et l'organisation de l'espace d'Assomé sous le titre principal de contexte du développement à Assomé. Alors que la troisième partie dénommée vision et risque du développement analyse sur trois chapitres le contexte du développement à Assomé, en dégage les contraintes et les atouts avant de proposer des orientations pour le développement humain durable et harmonieux du terroir.

Les difficultés de l'étude

Durant les travaux de terrain, nous avons rencontré de nombreuses difficultés, principalement au cours de la campagne de géoréférencement des limites du terroir d'Assomé. En effet, dans le contexte d'un litige foncier entre la famille Agbaléti d'Assomé et la communauté de Daviè-Zogbé, cette dernière en voyant le GPS nous ont pris pour un géomètre. Malgré nos explications nous avions été appréhendés (mon guide et moi), et amenés à la gendarmerie d'Adétikopé avec le matériel. Il a fallu alors l'intervention du commandant de brigade et notre directeur de mémoire par téléphone, pour que nous soyons libérés. Après notre libération, il nous a été formellement interdit de revenir dans la zone.

* 1 OMM: Organisation Mondiale de la Météorologie

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius