WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Environnement, paysage et projet de territoire. Vers une approche territoriale pour la sauvegarde et la mise en valeur de la réserve de biosphère des oasis du sud marocain.

( Télécharger le fichier original )
par SADKI Aba
Université Internationale de langue française au service du développement Africain (Université Senghor d'Alexandrie) - Master en Gestion de l'environnement 2007
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Environnement, Paysage et «Projet de territoire»:

Vers une approche territoriale pour la sauvegarde et la mise en valeur

de la Réserve de Biosphère des Oasis du Sud Marocain (RBOSM)

Aba SADKI

Urbaniste-Environnemataliste

Inspecteur des monuments historiques & sites

Meknès-Tafilalet

Table des matières

Résumé 05

Avant propos 07

Introduction 11

Hypothèse de travail 14

Approche méthodologique 14

PREMIERE PARTIE

LES PALMERAIES DU SUD MAROCAIN : POTENTIALITÉS ENVIRONNEMENTALES ET PAYSAGÈRES ET OPPORTUNITÉS DU DÉVELOPPEMENT

CHAPITRE I : LE PROFIL ENVIRONNEMENTAL ET PAYSAGER DES OASIS DU SUD MAROCAIN 16

Situation géographique 16

Le patrimoine naturel et culturel 18

Une pluralité de paysages dictés par la morphologie du territoire 22

La montagne 22

Les palmeraies 23

Les plateaux désertiques (les Hamadas) 24

Le paysage périurbain : expression d'une multiplicité de composantes 25

L'étendue de vue 25

Le palmier dattier 26

Les palmeraies entre « espace ressource » et « espace de consommation » 27

CHAPITRE II : LE CADRE CONCEPTUEL 28

Le programme de l'UNESCO sur l'Homme et la Biosphère (MAB) 28

Le concept de « Réserve de biosphère » 29

Les fonctions des réserves de biosphère 30

Le zonage d'une réserve de biosphère 31

La « Stratégie de Séville » sur les réserves de biosphère 32

CHAPITRE III : PRÉSENTATION DE LA RÉSERVE DE BIOSPHÈRE DES OASIS DU SUD MAROCAIN (RBOSM) -- 34 3.1. Le zonage de la RBOSM 35

Les aires centrales 36

Les zones tampon 36

Les aires de transition 36

Le statut de la réserve de biosphère : enjeux et opportunités pour le développement des palmeraies du sud Marocain 37

Des partenariats à construire 37

DEUXIÈME PARTIE

ENVIRONNEMENT ET PAYSAGE: ASPECTS DE DÉGRADATION ET PERSPECTIVES DE SAUVEGARDE ET DE MISE EN VALEUR

CHAPITRE I : LE DIAGNOSTIC ENVIRONNEMENTAL ET PAYSAGER DES PALMERAIES DE LA RBOSM 39

Les facteurs naturels 39

L'eau : patrimoine et source de vie 39

L'agriculture : une activité en déclin 39

L'aridité du climat 40

L'érosion hydrique et éolienne 40

Les facteurs humains 43

La dégradation du couvert végétal 43

Le risque de salinité des sols 45

Les risques liés aux aménagements hydrauliques 45

Les risques liés à l'aménagement urbain 46

a. Les problèmes d'assainissement 46

b. Les déchets solides 47

1.2. L'incidence paysagère de l'urbanisation 47

La banalisation du paysage par les voies de circulation automobile 48

La route : facteur accélérateur de l'éclatement et de la dégradation des villages 49

L'attractivité illusoire du modèle urbain 51

1.4. L'impact environnemental de l'urbanisation 52

CHAPITRE II : ÉTUDE DES INCIDENCES PAYSAGÈRES ET ENVIRONNEMENTALES DES MUTATIONS DE L'HABITAT DANS LES ZONES TAMPON DE LA RÉSERVE DE BIOSPHERE 55

Les facteurs du développement urbain dans les palmeraies de la province d'Errachidia 56

Le facteur historique : l'influence de colonialisme 56

Le facteur économique 57

Le facteur démographique 58

Incidences particulières sur le paysage villageois 58

Développement compact autour du village 58

Dédoublement de l'emprise urbaine 59

a. Cas des composantes juxtaposées 59

c. Éclatement autour du village 60

d. Effets sur la structure des terroirs villageois 61

Le présent : Multipolarité et dualité spécifiques 62

Dualité morphologique 62

Dualité culturelle 62

Dualité fonctionnelle 62

Tendances, problèmes et atouts des villages 63

Essai de synthèse 63

CHAPITRE III : PERSPECTIVES DU DÉVELOPPEENT DES PALMERAIES ET ALTERNATIVES D'AMENAGEMENT 65

Les terroirs des palmeraies : Conditions et atouts d'une survie 65

La sauvegarde stérile et la sauvegarde dynamique 65

a. Un témoin de passé : la conservation « stérile » 65

b. Un pôle d'attraction économique : la sauvegarde "dynamique" 66

Des choix cohérents pour un aménagement global 67

a. Équilibre et complémentarité des composantes urbaines 67

b. Exigences et fragilité du milieu 68

3.2. Essai de synthèse 68

TROISIEME PARTIE : « LE PROJET DE TERRITOIRE » : APPROCHE ET ÉLÉMENTS MÉTHODOLOGIQUES

Qu'est-ce qu'un « projet de territoire » ? 70

Historique 70

Principe 70

Les acteurs d'un projet de territoire 71

Processus d'élaboration d'un « projet de territoire » 71

La phase d'étude (le diagnostic) 73

La définition des choix stratégiques intercommunaux (le projet) 73

La validation du projet (le contrat) 74

Impulsion et gestion du projet de territoire 74

Projet de territoire et enjeux du développement durable 75

L'enjeu social 75

L'enjeu économique 75

L'enjeu environnemental 75

L'enjeu culturel 75

Les questions majeures face à un projet de territoire 75

Les questions amont 76

Les questions méthodologiques 77

Justification de la démarche du « projet de territoire » pour le cas de la Réserve de Biosphère des Oasis du Sud Marocain 79

L'approche de projet de territoire et l'analyse SWOT 81

L'analyse SWOT : Définition de l'outil 82

Modalités d'application au territoire de la RBOSM 83

CHAPITRE II : VERS UNE APPROCHE ALTERNATIVE DU DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL DES PALMERAIES DE LA RBOSM 85

Le paysage : composante intégrante du projet de territoire 86

Le paysage : éléments de définition 86

Le paysage : une expression de l'activité humaine 88

Le paysage : résultat d'interventions multiples 89

Paysage et intercommunalité 92

L'intercommunalité concerne des espaces relativement larges 92

L'intercommunalité est un niveau d'intervention crédible 92

L'intercommunalité donne des moyens d'actions plus performants 93

L'intercommunalité est l'échelon où s'élaborent les projets de territoire 93

Le paysage : thème favorable à la concertation et à la gestion participative 94

Le rôle des élus 94

Le rôle des populations 95

Le rôle des associations 95

Le rôle des aménageurs 95

Le rôle des acteurs économiques 95

Le rôle des opérateurs touristiques 96

Le rôle des administrations 96

Les éléments de l'analyse paysagère 96

Un diagnostic pour comprendre 96

L'identification des caractères fondamentaux du paysage 97

Le repérage des entités paysagères au sein du territoire communal 98

Les éléments significatifs de l'évolution du paysage 100

Prendre conscience des pressions sur le paysage 101

Mise en évidence des points forts et des contraintes 101

La préparation d'un « projet paysager » 102

Les démarches d'animation et de sensibilisation 102

L'association des élus et des acteurs institutionnels 103

L'implication des populations et des associations locales 103

Les supports de communication 103

CHAPITRE III : UN PROJET PAYSAGER POUR LE DEVENIR DU TERRITOIRE OASIEN 105

3.1. Les échelles d'intervention 105

Programme d'action et principes d'intervention 106

Usages du territoire et occupation de l'espace 106

Déterminer les vocations dominantes des entités du territoire 107

Définir les règles de jeu pour l'occupation de l'espace 108

La charte paysagère : un contrat intercommunal sur des objectifs et des moyens 108

Les moyens de la mise en oeuvre 108

a. Les moyens d'action 109

b. Les moyens humains 110

c. Les moyens techniques 110

d. Les moyens financiers 110

e. Les moyens réglementaires 110

f. Les moyens contractuels 111

g. Les moyens de communication 111

Le document de la charte 112

a. Le document cartographique 112

b. Le document écrit 112

c. Des documents par commune 113

CONCLUSION 114

La nécessaire valorisation des ressources spécifiques 115

La promotion d'une politique urbaine 115

La valorisation du paysage et la sauvegarde de l'environnement 116

La nécessaire redéfinition des cadres de référence 116

BIBLIOGRAPHIE 118

LISTE DES FIGURES

Figure 1 :

Figure 2 :

Figure 3 :

Figure 4 :

Figure 5 et 6 :

Figure 7 :

Figure 8 :

Figure 9 :

Figure 10 :

Figure 11 :

Figure 12 :

Figure 13 :

Figure 14 :

Figure 15 :

Figure 16:

Figure 17 :

Figure 18 :

Figure 19 :

Figure 20 :

Figure 21 :

Figure 22 :

Figure 23:

Figure 24 :

Figure 25 :

Figure 26 :

Figure 27 :

Figure 28 :

Figure 29 :

Figure 30 :

Figure 31 :

Figure 32 :

Figure 33 :

Carte de situation de la réserve de biosphère des oasis du Sud Marocain 16

Situation de la zone de la RBOSM 17

Carte du milieu naturel des oasis de la zone de la RBOSM 18

Carte des routes commerciales au début du 17ème siècle 19

Ksar Ait Benhaddou (site du patrimoine culturel mondial) 20

Paysages naturels de la zone montagneuse des oasis (Lac Tislit à Imilchil (Errachidia) 22

La palmeraie d'Oulad Chaker dans la vallée de Ziz (Errachidia) 23

Dunes de sable Merzouga au Sud-est de la ville d'Errachidia 24

Le développement de l'habitat périurbain en bordure des villes nouvelles et des Ksour 25

Les trois fonctions des réserves de biosphère 31

Le schéma de zonage d'une réserve de biosphère 32

Situation des provinces de la RBOSM par rapport au découpage territoire national 34

Carte de zonage de la RBOSM 36

Disparation du périmètre agricole et desséchement de la palmeraie de Rissani (1987 et 2007) 41

Sapement des berges dans la palmeraie de Goulmima (Errachidia) 42

Desséchement des palmiers dattiers à cause de tarissement des eaux de la nappe 42

Le surpâturage est facteur de pression anthropique sur le couvert végétal 44

L'arrachage anarchique du bois de chauffe menace les espèces ligneuses (Imilchil, Errachidia) 44

Occupation de l'espace d'une zone tampon (palmeraie) de la réserve. (Goulmima, Errachidia)......... 48

La route principale traverse la zone de concentration des Ksour 49

La RP n° 21 longeant les Ksour de la vallée 50

La route accélère l'abandon et l'éclatement des villages 50

Catégories des communes et densité démographique dans la RBOSM en 2004 53

Carte des palmeraies traditionnelles 53

La ville nouvelle de Goulmima crée au centre de la palmeraie de Ghéris 56

La position de la ville nouvelle de Goulmima entre les deux principaux Ksour traditionnels 57

Ksar Abou 'am dans la ville de Rissani 59

Développement de l'urbanisation le long des axes de liaison entre le Ksar et le centre ville 60

Éclatement en tâche d'huile de l'habitat autour des Ksour dans la palmeraie de Goulmima 61

Les étapes du processus d'élaboration d'un projet de territoire 73

Le schéma ci-dessous résume la méthode d'analyse considérée 81

Présentation schématique de la matrice SWOT 84

Résumé

Au-delà de la seule question de la qualité du milieu de vie, l'environnement et le paysage sont devenus aujourd'hui une véritable préoccupation sociale et économique des acteurs de l'aménagement du territoire.1 On les envisage comme un héritage à préserver, un cadre de vie à entretenir, une ressource économique à valoriser tout comme une opportunité de développement à saisir. Sur la base de ce constat de départ, et dans l'objectif de mettre en évidence l'articulation entre le couple « Environnement / paysage » et « Développement local »,

dans ce livre, nous proposerons une approche méthodologique à l'intention des décideurs et des collectivités de la Réserve de Biosphère des Oasis du Sud Marocain (RBOSM). D'une part pour qu'ils se rendent compte de la notion de « Paysage » en tant que composante essentielle du cadre naturel et territorial et donc vecteur primordial du développement durable, et d'autre part, pour mobiliser les acteurs locaux de la zone de la Réserve de biosphère atour d'un « Projet de territoire » comme démarche favorable à l'atteinte des objectifs de développement sous-jacents au programme Mab (Man and Biosphere) géré par l'Unesco. Le « Projet de territoire » est ici une approche de territorialisation des programmes du développement local par le biais du partenariat intercommunal orienté vers la préservation du milieu naturel et la valorisation des paysages. Il est destiné à donner aux collectivités territoriales de la Réserve l'opportunité de prendre des décisions judicieuses concernant la gestion de l'environnement dans lequel elles vivent et travaillent. Dans la région étudiée, les actions de protection de l'environnement participent à une appropriation nouvelle des paysages, il n'en reste pas moins que certaines mises en scène stéréotypées, en particulier l'urbanisation, conduisent à la banalisation des qualités et des valeurs intrinsèques des territoires et à la dévalorisation de leur attrait et de leur potentiel économique. Comment peut-on alors travailler le regard porté sur le paysage des palmeraies et leur spécificités environnementales afin d'engager une réflexion collective et parvenir à des interventions recueillant l'adhésion des populations à un projet d'ensemble ?

Inspiré de la méthode SWOT (Forces, Faiblesses, Opportunités et Menaces), ce livre est scindé en trois parties :

- La première, à caractère descriptif, s'intéressera à l'identification des potentialités environnementales et paysagères de la zone de la Réserve de biosphère, et mettra l'accent

1 Dans le cadre de la présente étude, les expressions « Paysage », « Environnement » et « Milieu naturel » sont à peu près équivalentes dans le sens où elles désignent les mêmes objets. En effet, les objets qui composent le milieu naturel ou l'environnement (le couvert végétal, les sols, les reliefs) sont les même éléments constitutifs du paysage. D'après CHTELIN Y. et al, Milieux et paysages, éd. Masson, Paris, 1986, page 05

sur les opportunités offertes par son statut international pour la gestion de l'environnement et la valorisation du paysage.

- La deuxième, à caractère analytique, se concentrera sur les contraintes naturelles et humaines du développement local des palmeraies, les zones tampon de la Réserve en particulier, et illustrera à traves des cas concrets les menaces que constitue l'extension urbaine rapide comme source majeure de dégradation de l'environnement et de la transformation des paysages.

- La troisième partie expliquera le processus d'élaboration d'un « Projet de territoire » et les éléments méthodologiques indispensables à l'optimisation des programmes de gestion de l'environnement et du paysage : enjeux, contraintes, acteurs, outils et mise en oeuvre de projets.

Avant Propos

Ce livre est une version revue de notre travail de recherche préparé à l'Université Internationale de langue française au service du développement africain (Université Senghor d'Alexandrie) comme exigence pour l'obtention du Master en développement (Option : Gestion de l'Environnement). Il devait au départ porter sur l'étude des impacts de l'urbanisation sur les milieux naturels de la Réserve de Biosphère des Oasis du Sud-est Marocain (RBOSM). Mais, à la suite d'un séjour scientifique effectué à la Chaire Unesco en Paysage et Environnement de l'Université de Montréal (CUPEUM) au Canada (Mai-août 2006), le thème de recherche s'est modifié légèrement. Inspiré par les travaux engagés au sein de la CUPEUM sur une première expérience d'application au Québec de statut du « Paysage humanisé » correspondant à la catégorie V de la classification des aires protégées de l'Union Internationale de la Conservation de la Nature (UICN), et sans abandonner complètement notre préoccupation initiale de recherche, nous avons décidé de mener une étude sur l'environnement et le paysage, en tant que facteurs du développement, dans les palmeraies de la réserve de biosphère du Sud Marocain dont nous somme originaire. Compte tenu des grandes similitudes entre le « Paysage humanisé » de l'UICN et les « Réserves de biosphère » de l'UNESCO, les leçons tirées de notre séjour à l'Université de Montréal nous ont convaincues de la nécessité d'examiner le sort des palmeraies du Maroc présaharien en se basant sur « l'approche paysagère » comme outil de gestion de l'environnement. Notre travail passera ainsi en revue les caractéristiques environnementales et paysagères des oasis et les facteurs majeurs de leur dégradation ainsi que leurs répercussions sur la modification de leurs structures paysagères tout en soulignant la nécessité de préserver et de mettre en valeur ce qui en subsiste. Des itinéraires méthodologiques seront formulés à l'intention des acteurs de la Réserve de biosphère en leur proposant une approche du développement local axée sur la protection de l'environnement et la mise en valeur du potentiel paysager local. Parce que ce thème était déjà celui des environnementalistes, nous n'aborderons ici que brièvement les dysfonctionnements écologiques des écosystèmes naturels pour nous intéresser principalement aux transformations territoriales majeures entrainées par la croissance urbaine. Il nous semblait important d'approcher la dégradation des palmeraies de la Réserve de biosphère à traves une analyse environnementale et paysagère dans le cadre d'une démarche du développement local participatif qui est le « Projet de territoire ». Notre ambition est de contribuer à mettre en lumière l'importance de la préservation de l'environnement et du paysage des palmeraies du Maroc présaharien en tant que facteur du développement durable et élément fédérateur de la coopération intercommunale, et d'apporter un

éclairage nouveau sur la situation d'un paysage méconnu, et par ricochet, sur la crise écologique des oasis et la situation socioéconomique vulnérables des leurs populations.

Remerciements

Nos profonds remerciements sont adressés en premier lieu à l'équipe de la Chaire en Paysage et Environnement de l'Université de Montréal (CPEUM) et tout particulièrement Philippe POULLAOUEC-GONIDEC, Gérald DOMON, François TREMBLAY et Marie-Rose LYNDSAY pour leur hospitalité, leur collaboration et pour la qualité de l'encadrement qu'ils ont aimablement réservé à nos activités de stage et pour leur précieuses remarques et orientations.

M. Oumar Cissé, Directeur de l'Institut Africain de la Gestion Urbaine (IAGU), et Mme Caroline GALLEZ Directrice du Département Environnement à l'Université Senghor et Mme Caroline GAUTHIER-KURHAN, Directrice du Département Gestion du Patrimoine à l'Université Senghor, qui ont bien voulu accepter d'évaluer ce travail malgré leurs charges, trouvent ici nos vifs remerciements pour leur appui et leur patience.

Nous tenons également à exprimer à Mme Caroline GALLEZ, directrice de Département Environnement de l'Université Senghor, notre sincère gratitude et notre profonde reconnaissance pour son influence bienfaisante dans la mise en place des conditions qui nous ont permis d'entreprendre avec succès nos études de Master.

Tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de ce travail trouvent ici également l'expression de notre sincère gratitude.

Mots clés :

Paysage, Environnement, Réserve de biosphère, Projet de territoire, Sud Marocain, Analyse SWOT, Palmeraie, Oasis, Urbanisation.

Introduction :

Les oasis symbolisent la vie humaine dans les milieux arides. Elles occupent une superficie de l'ordre de 30 % des terres émergées le long de la grande écharpe aride qui relie l'Afrique à l'Asie (du Sahara à la Mongolie) et abritent une population d'environ 150 millions de personnes. Ce sont des écosystèmes exemplaires patiemment élaborés sur une gestion parcimonieuse des ressources naturelles et construites sur l'optimisation des interactions entre les activités d'exploitation et la préservation du potentiel écologique extrêmement fragile dans un milieu hostile à la vie. En Afrique du nord, les oasis remplissent une fonction de conservation capitale dans la mesure où elles dressent une barrière écologique face au désert. En ce sens elles font partie du patrimoine de l'humanité et

constituent des expériences vivantes du développement durable.2Au sud Marocain, une oasis est

toujours une palmeraie où poussent des cultures vivrières étagées. Des céréales et des cultures maraichères (oignons, carottes, navets, courges, piments, tomates et pomme de terre), des cultures fourragères (luzerne), une arboriculture variée (olives, abricots, figues, amandes, pommes), le tout dominé par le palmier dattier. Culture de subsistance extrêmement importante dans les oasis, les dattes représentent un aliment de base pour les populations et jouent un rôle important dans l'économie locale. Actuellement, du fait de l'introduction d'un modèle de production inadapté, l'équilibre écologique et socioéconomique établit dans les oasis depuis environ 7000 ans est de plus

en plus rompu.3 La grande ouverture des oasis sur le monde urbain amorcée, au Maroc, à partir de

l'époque coloniale (1912-1956) s'est accompagnée d'une détérioration du milieu naturel au point que développement est vécu comme antinomique à l'environnement. Les palmeraies concernées par cette étude sont particulièrement affectée par l'expansion vertigineuse et anarchique de l'urbanisation du style occidental. Par conséquent, le milieu naturel et ses qualités paysagères se sont rapidement détériorés. Aujourd'hui, la définition des oasis doit prendre en compte des déformations, des ruptures et des tensions. La rupture entre les référents du passé et les symboles de la vie contemporaine altèrent le paysage, affectent le milieu naturel et efface l'originalité des lieux. Ainsi, le territoire oasien est tiraillé entre des volontés contradictoires et des intérêts divergents. Il perd sa force, son fonctionnement, son harmonie et son identité. L'ordonnancement particulier des paysages de la palmeraie qui répondaient à des règles construites ingénieusement et en parfaire symbiose avec le milieu environnant se trouve actuellement souvent chamboulé jusqu'à générer des paysages chaotiques dont on ne peut plus cerner les origines et la cohérence. De plus, la rapidité des

2 Cf. « La voix des oasis au sommet mondial du développement durable à Johannesburg », (Juin 2002), Réseau Associatif de Développement Durable des Oasis (RADDO), Déclaration de Goulmim, Maroc.

3 Cf. « Développement durable du tourisme dans les déserts : Lignes directrices à l'intention des décideurs », (2006), Organisation Mondiale du Tourisme, (OMT).

changements ne laisse plus au temps la capacité de corriger les erreurs, et celles-ci engendrent toujours plus de dégradations. Les références d'interventions sont de plus en plus éloignées des réalités locales et les modèles sont dictés par des normes et des intérêts qui sont totalement externes aux territoires.

Au cours des 20 dernières années, l'intervention de l'UNESCO traduit la volonté des pouvoirs publics marocains de redonner vie aux oasis et de mettre en valeur leur potentiel local. En 1987, l'inscription d'un chef-d'oeuvre de l'architecture oasienne en Afrique, Ksar Aït Benhaddou à la province de Ouarzazate, sur la liste du patrimoine mondial manifeste une première reconnaissance universelle de la richesse des oasis et de la nécessité de préserver leur héritage naturel et culturel. Une deuxième reconnaissance de l'UNESCO intervient en novembre 2000 par la nomination des palmeraies de trois provinces (Errachidia, Ouarzazate et Zagora) dans le réseau mondial des réserves de biosphère. Les oasis ont toujours du mal à saisir ces opportunités de grande envergure pour se lancer avec succès dans des démarches du développement local sur la base des richesses environnementales et patrimoniales si ce n'est pas quelques références positives de réhabilitation de monuments de l'architectures en terre où les préoccupations environnementales et paysagères

commencent à se manifester surtout dans les projets à vocation touristique.4

Conscient du fait que l'engagement pour la mise en oeuvre du statut de la réserve de biosphère suppose une réflexion d'ensemble sur la sauvegarde et la mise en valeur du potentiel environnemental et paysager, ce travail se propose d'élucider les enjeux et les opportunités que représente la reconnaissance de l'UNESCO pour le développement local des oasis et insiste sur la pertinence de la démarche du « Projet de territoire » expérimentée avec succès dans plusieurs contextes territoriaux à traves le monde. Dans le cadre de son « Programme de lutte contre la désertification et lutte contre la pauvreté par la sauvegarde et la valorisation des oasis dans la province de Tafilalet », le bureau du PNUD au Maroc a notamment lancé en Mars 2006 un projet de développement sur la base d'un projet de territoire pour le «Pays des Oasis du Tafilalet» qui permet de « formaliser les orientations stratégiques et les choix de développement » et « engagera ainsi un processus de concertation et de coopération local totalement inédit et porteur d'une vision

d'avenir ».5 (Voir annexe 01). Dans l'ensemble, cette étude propose une démarche du projet à

4 Quelques sites naturels et culturels à forte vocation touristique ont bénéficié ces dernières années des opérations d'aménagement et de réhabilitation tels que Ksar Ait Benhaddou site du patrimoine mondial à Ouarzazate, les dunes de Merzouga, les lacs d'Imilchil et la palmeraie des Oulad Chaker à Errachidia. Certains Ksour de la province d'Errachidia sont également restaurés dans le cadre d'un projet de l'Agence Nationale de lutte contre l'Habitat Insalubre (Groupe Al Omrane). Ces Ksour sont (Targa à Errachidia, Abou'am et El Fida à Rissani, Jerana à Erfoud et Igoulmimen à Goulmima). Ces opérations pilotes de conservation et de mise en valeur génèrent un intérêt de plus en plus grandissant pour la prise en compte du paysage et du milieu naturel dans les projets d'aménagement et du développement local.

5 Cf. « Programme de lutte contre la désertification et lutte contre la pauvreté par la sauvegarde et la valorisation des oasis dans la province de Tafilalet », Unité Environnement et Énergie, Programme des Nations Unies pour le Développement, PNUD - Maroc, Mars 2006.

mettre en oeuvre dans la zone de la réserve de biosphère pour d'une part se rendre compte du rôle déterminant de la protection de l'environnement et de la valorisation des paysages dans la promotion du développement local et d'autre part mobiliser les acteurs locaux autour de la notion du « projet de territoire » dans l'objectif de leur motivation collective. L'exercice auquel se livre ce travail se propose d'apporter des éléments de réponse aux questions suivantes :

· Qu'est c'est qui fait la richesse des oasis ?

· Qu'est ce qui fait leur force aujourd'hui ?

· Comment s'opère leur évolution et leur dynamique interne ?

· Comment souhaitons-nous les voir évoluer ?

· Comment faire des choix d'aménagement en conformité avec les orientations du statut de la réserve de biosphère de l'UNESCO en matière de l'environnement et du paysage ?

· Quels moyens avons-nous pour soulever ce défi dans une région où les ressources économiques sont pauvres ?

Le travail se fixe alors pour objectif global de :

· Contribuer à la mise en oeuvre du statut de la Réserve de Biosphère des Oasis du Sud Marocain à traves les objectifs spécifiques suivants :

· Mesurer les conséquences de la dégradation de l'environnement et du paysage dans le contexte d'une urbanisation croissante sur certains aspects de la vie des populations tels que la qualité du milieu naturel, l'attractivité touristique et le développement local;

· Comprendre les facteurs et les incidences de la dégradation de l'environnement et du

· paysage dans les zones tampon (palmeraies) de la réserve et proposer une stratégie de conservation et de mise en valeur;

· Définir une démarche de projet faisant de la préservation de l'environnement et de la valorisation du paysage un vecteur du développement local;

· Proposer des itinéraires méthodologiques d'élaboration du diagnostic territorial (environnemental et paysager) sur la base de l'analyse SWOT,6

· Aider les collectivités locales et les acteurs associatifs à structurer leur réflexion autour des enjeux du statut de la réserve de biosphère et à saisir les opportunités qu'il fournit pour définir en commun un projet du développement local.

6 L'analyse (ou la matrice) SWOT est l'acronyme des quatre mots anglais : (Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats) équivalents de (Forces, Faiblesses, Opportunités et Menaces). Certains auteurs francophones utilisent l'abréviation AFOM en traduisant « Strenghts » par « Atouts » au lieu de Forces. L'analyse SWOT fera l'objet d'une section à la troisième partie de ce travail.

Hypothèse de travail :

Dans la continuité conceptuelle des travaux que nous avons effectués pendant notre stage à la CPEUM,7 cette étude s'intéresse aux rapports entre le développement territorial et la valorisation des ressources environnementales et paysagères. Les palmeraies de la réserve de biosphère recèlent bien évidement une pluralité considérable de paysages de qualité associés à une richesse écologique et patrimoniale reconnues mondialement. Elles sont toutefois confrontées à des pressions humaines et physiques grandissantes comme l'urbanisation et la désertification. À la lumière de ce constat,

nous estimons qu'une meilleure prise en compte des considérations environnementales et paysagères dans les pratiques d'aménagement du territoire et de l'urbanisme est une véritable clé d'entrée à la mise en oeuvre du statut de la réserve de biosphère et que la recherche des nouvelles fonctions économiques pour le potentiel environnemental et paysager en relation avec les secteurs du développement local, notamment l'écotourisme, en est une autre. Nous entendons par ces deux conclusions, l'articulation entre deux exigences interdépendantes : la préservation de la qualité du milieu naturel et de l'identité territoriale des palmeraies à travers des programmes de conservation et de mise en valeur tout en assurant à leurs habitants un minimum de bien-être.

Approche méthodologique :

Au Maroc, l'essentiel des travaux de recherche effectués sur la gestion de l'environnement sont presque exclusivement consacrés aux problématiques de pollution dans le milieu urbain. Les rares études menées sur les problèmes de l'environnement dans les oasis ont le plus souvent un caractère descriptif ou du diagnostic et manquent de vision intégrée du phénomène. Sur le plan de la démarche, notre travail se base sur l'analyse du rôle de la gestion de l'environnement dans la dynamique du développement local en s'intéressant aux phénomènes structurants qui renforcent la dépendance de l'espace oasien vis à vis des grandes villes et qui sont responsable de l'érosion du potentiel écologique et paysager local. Ce travail de recherche n'a point l'ambition d'aborder l'ensemble des problèmes posés par la dégradation de l'environnement dans les oasis, ni de couvrir tout le territoire de la réserve de biosphère. À cause de la similitude entre les palmeraies du sud Marocain quant aux facteurs et aux conséquences de la dégradation de l'environnement et de la modification des paysages, nous nous contenterons de présenter certains aspects du problème à travers des exemples illustratifs localisés dans l'une ou l'autre palmeraie de la réserve. Ce travail est subdivisé en trois parties :

7 Un rapport de stage est déposé à la CPEUM (juillet 2006) et au Département Environnement de l'Université Senghor (septembre 2006).

- La première décrit les caractères dominants du milieu naturel oasien, ses spécificités environnementales et paysagères et sa fragilité extrême. Elle traite ensuite le concept de la « réserve de biosphère » et du « programme Mab de l'Unesco » et les enjeux et les opportunités liés à leur mise en oeuvre dans la zone d'étude. Dans l'ensemble, cette première partie nous permettra de saisir la richesse environnementale et la diversité paysagère des palmeraies du sud Marocain et l'intérêt de les préserver dans le cadre d'un projet territorial d'ensemble.

- La seconde, à caractère analytique, se penche sur l'étude des facteurs et des formes de dégradation de l'environnement et du paysage oasiens. Un accent particulier sera porté sur la dynamique de l'urbanisation contemporaine et les perturbations environnementales et paysagères qui s'en sont suivies durant les dernières décennies. Cette analyse sera illustrée par des phénomènes remarquables tels que la perte des terres agricoles, les effets des voies de circulation automobile sur la modification des paysages, l'abandon des villages traditionnels et la fragmentation de l'habitat contemporain, etc.

- La troisième dresse les modalités d'élaboration d'un projet de territoire intercommunal et présente les lignes directrices pour l'intégration de l'environnement et du paysage dans les pratiques d'aménagement et de gestion de la réserve de biosphère.

PREMIERE PARTIE :

LES PALMERAIES DU SUD MAROCAIN : POTENTIALITÉS ENVIRONNEMENTALES ET PAYSAGÈRES ET OPPORTUNITÉS DU DÉVELOPPEMENT.

CHAPITRE I : LE PROFIL ENVIRONNEMENTAL ET PAYSAGER DES OASIS DU SUD MAROCAIN

Situation géographique :

La zone d'extension des oasis du sud Marocain couvre un vaste ensemble géographique confiné entre les massifs du Haut Atlas à l'Ouest et le désert saharien à l'Est. Elle est étirée sur 650 km entre la province de Féguig au Nord-est et la province de Guelmim (Porte du Sahara) au Sud-ouest. Au sein de ce vaste territoire, la réserve de biosphère, zone de l'étude, s'étend sur trois provinces (Errachidia, Ouarzazate et Zagora).

Réalisée à partir de la carte routière du Maroc.

Figure n° 1 : carte de situation de la réserve de biosphère des oasis du Sud Marocain

Constitué d'espaces semi-arides peu peuplés et de bandes de verdure dominées par le palmier dattier, le territoire de la réserve se caractérise par une pluralité paysagère et écologique

considérable et par l'importance que revêtent les points d'eau dans un domaine semi-aride. Les trois provinces de la réserve occupent une place stratégique dans le domaine présaharien. Elles sont délimitées au Nord par les provinces de Figuig, Boulmane et Khénifra, à l'Ouest par Beni Mellal, Azilal, El Haouz et Taroudant et au Sud par la province de Tata et par le désert algérien à l'Est.

Figure n° 2 : Situation de la zone de la RBOSM

Administrativement, elle est subdivisée en 109 communes dont 15 urbaines avec une densité moyenne de l'ordre de 8.7 habitants/km.2 Sur le plan démographique, elle compte 1.438.818 habitants dont 354.472 en milieu urbain selon le recensement général de la population et de l'habitat (RGPH) de 2004, contre 1.216.994 habitants en 1994 dont 279.688 en milieu urbain. Le tableau suivant résume le profil démographique des trois provinces de la réserve entre les deux RGPH.

Tableau n° 01: Répartition des populations des provinces de la réserve de biosphère selon les résultats des deux derniers recensements de 1994 et 2004.

 

ERRACHIDIA

OUARZAZATE

ZAGORA

Date de recensement

Urbains

Ruraux

Urbains

Ruraux

Urbains

Ruraux

Répartition (RGPH 1994)

153725

368392

93919

345153

32044

223761

Total en 1994

522117

255805

414610

Répartition (RGPH 2004)

429170

42802

240566

601719

553731

283368

Total en 2004

439072

187109

124561

Sources : Données des RGPH de 1994 et 2004, Direction des Statistiques, Rabat.

Le climat est semi-aride à forte influence continentale. La température est caractérisée par des écarts saisonniers et journaliers très forts avec une moyenne annuelle de 20C°, l'écart thermique journalier peut atteindre 22C°.8 Le territoire de la réserve est sous la dépendance de 4 grands cours d'eau allogènes (Ziz, Ghéris, Todgha et Draa) dont le haut bassin se développe dans les massifs humides du Haut Atlas Oriental, la plus grande chaine de montagne au Maroc, alors qu'en aval,

l'excédent des eaux des oueds s'évapore entres les dunes du sable aux confins du désert saharien. Trait d'union entre le Maroc centrale et le Sahara, les palmeraies de la réserve de biosphère dressent une dernière barrière écologique face à la désertification. Au-delà de phénomène de l'avancé du désert, ces palmeraies sont confrontées à de multiples pressions humaines peu maîtrisées dont les plus importants sont : l'extension urbaine et l'abandon de d'habitat traditionnel qui se traduisent par la détérioration du milieu naturel, la modification des paysages, la dégradation du patrimoine historique et le déclin de l'agriculture.

Le patrimoine naturel et culturel :

Les oasis du sud Marocain sont composées d'un chapelet de palmeraies parmi les plus belles et les plus vastes à l'échelle mondiale.

Figure n° 3 : Carte du milieu naturel des oasis de la zone de la RBOSM

8 TROIN (Jean-François). (sous le direction de), (2002), Maroc : Régions, pays, territoires, éd. Maisonneuve et Larose, Paris.

Des cultures irriguées et bandes étroites ponctuées par de gros villages en terre le long des vallées verdoyantes, des plateaux désertiques à perte de vue, des dunes de sable et des massifs montagneux en toile de fond tracent une véritable mosaïque de paysages naturels et culturels contrastés où la diversité biologique est très riche. À traves la ville caravanière de Sijilmassa,9 la plus ancienne ville de l'époque islamique au Maroc fondée en 775 ap-j.c, la région des oasis, fut le point d'aboutissement des grandes pistes caravanières durant l'époque médiévale. Comme l'indique la carte des routes commerciales ci-dessous, avant que les oasis ne s'articulent de façon irréversible sur

le Maroc littoral à partir des années 1930, elles entretenaient des relations très intenses avec des foyers de civilisation ancienne notamment le Moyen Orient, l'Andalousie par le bassin méditerranéen et l'Afrique subsaharienne (Soudan, Mali et le Sénégal...).10 Le patrimoine culturel constitué essentiellement d'une architecture vernaculaire en terre, des sites archéologiques préhistoriques et médiévaux et des gisements de l'art rupestre raconte l'histoire du peuplement des oasis. Ce patrimoine, témoin d'une civilisation enracinée, est reflet d'un processus ingénieux d'adaptation au milieu hostile. Les Ksour, appellation locale des villages historiques, qui ont joué un rôle fondamental dans le rayonnement des oasis sont le principal héritage de la civilisation présaharienne. 11

Figure n° 4 : Carte des routes commerciales au début du 17ème siècle

9 Sijilmassa et l'ancien nom de la ville de Rissani au sud de la province d'Errachidia.

10 MEZZINE L., (1981), Le Tafilalet : contribution à l'histoire du Maroc au 17ème et 18ème siècle, Librairie Ennajah-El Jadida, Casablanca.

11 Les « Ksour » (Plur. de Ksar ou palais en arabe) et « Ighrem » en tamazight sont les appellations locales des villages collectifs.

Peuplée par des sédentaires et nomades, amazighs et arabes, le peuplement jouit d'une grande hétérogénéité d'éléments ethniques, de langages et de traditions et de mode de vie. L'habitat traditionnel des « Ksour » et des « Kasbah »,12 avec une architecture et une structure urbaine dans la pure tradition constitue une richesse architecturale de valeur universelle reconnue par l'inscription du Ksar Ait Benhaddou à Ouarzazate sur la liste du patrimoine culturel mondial de l'UNESCO en 1987.

Figure n° 5 et 6 : Vues de deux angles différents sur Ksar Ait Benhaddou (site du patrimoine culturel mondial)

12 La Kasbah (citadelle) est l'appellation locale pour la demeure familiale typique à la région des oasis. Elle sous forme d'un château fort en terre à quatre tours d'angles.

L'habitat traditionnel des oasis est l'oeuvre collective d'une société solidaire à économie de subsistance, produisant par ses propres moyens en parfaite adaptation à son milieu. Son organisation urbaine et les techniques de construction utilisées sont le produit du génie oasien. Le système d'irrigation, la gestion communautaire des palmeraies et des parcours traduisent une organisation socio-économique solidaire et manifeste un savoir faire écologique et urbanistique unique de son genre élaboré au fil des âges afin de pouvoir exploiter le milieu semi-aride et de s'en protéger. Au moment où le caractère pittoresque soutient le développement économique des territoires, le patrimoine historique des palmeraies reflète la typicité et l'originalité des oasis et contribue à leur attractivité touristique. Ainsi, les paysages naturel et culturel serviraient de signe d'identification de territoire de la réserve de biosphère, de ses spécificités socioculturelles, de valeurs de ses populations et de ses produits. Les Ksour et les Kasbah confèrent la typicité au paysage et contribuent à la personnalisation culturelle des palmeraies et à leur individualisation au sein du territoire national. Comme nous allons le voir dans la deuxième partie de ce travail, une nouvelle configuration marque actuellement le territoire oasien. Les nouveaux centres urbains prédominent. Ce phénomène qui avait accompagné le processus de modernisation des oasis pose avec acuité le problème de cohabitation entre deux modes urbains antinomiques : Un mode hérité du passé, réduit actuellement en héritage historique sans véritable fonction dans la vie quotidienne et un nouveau mode urbain de facture occidentale qui manifeste une incompatibilité flagrante avec les conditions environnementales et les spécificités du milieu quoiqu'il satisfasse des besoins matériels de la vie urbaine moderne. L'incompatibilité au niveau des formes et des fonctions entre ces deux modes urbains soulève la question des conséquences environnementales et paysagères de l'expansion de l'urbanisation moderne.

Une autre contrainte revient au fait que la notion du patrimoine n'a rien de signification pour la plupart des populations, du fait que le bien être est pour eux lié au logement moderne en béton armé loin de l'ancien Ksar. Ceci s'explique en partie par le d'intérêt aux spécificités paysagères et environnementales dans les documents d'urbanisme et à la place privilégiée accordée dans les programmes du développement local à l'urbanisation contemporaine ce qui accélère la dégradation des paysages naturels et culturels. Dans le cadre de la mise en oeuvre du statut de la RB, ce problème doit être considéré dans toutes ses composantes socioéconomiques, écologiques et paysagères. Il s'agit de mettre en oeuvre un processus de revalorisation et de revitalisation du réseau des villages en prenant en considération les mutations socioculturelles en cours et en s'articulant autour des besoins prioritaires des populations. La sauvegarde doit s'appuyer un plan d'action situant ce patrimoine dans sa réalité socio-économique et prévoir la relance de son dynamisme

d'auto développement sans se borner uniquement à la restauration des « échantillons de passé » pour des finalités d'attractivité touristiques.

Une pluralité de paysages dictés par la morphologie du territoire :

La principale caractéristique du territoire oasien est sa morphologie et son organisation bien visible et identifiée, matrice des paysages. C'est une région de collines et de vallées qui présente une ordonnance régulière : les lignes du relief sont orientées en axe Ouest-Est depuis les massifs du Haut Atlas oriental jusqu'à la frontière avec le territoire algérien. Le relief est simple et facile à appréhender : un vaste plateau semi-aride entrecoupé de vallées parallèles, comme une main posée à plat, les doigts bien écartés. Ce relief induit trois grandes unités de paysage peu complexes en apparence et sur lesquelles s'inscrivent des usages et des modes de vie bien différenciés : (i) la montagne, (ii) les palmeraies et (iii) les hamadas ou les plateaux désertiques.

La montagne :

Formation topographique et géologique exceptionnelle, symbole important dans le paysage oasien, réservoir d'eau et support de loisirs, la montagne est un élément paysager très fort dans les palmeraies du sud Marocain. La forte présence de la chaîne du Haut Atlas comme toile de fond est omniprésente et jaillit sur l'horizon, telle une barrière verticale. Cette impression est particulièrement forte depuis les palmeraies, où elles nous semblent « tendre les bras » pour toucher les montagnes.

Figure 7 : La zone montagneuse des oasis est célèbre par la beauté de ces paysages naturels.

Ici le lac Tislit à Imilchil (Errachidia). Dans cette unité paysagère, les contraintes imposées par le relief fort accidenté sur les versants limitent les cultures au fond des oueds, seuls espaces cultivables, où les parcelles sont très disséminées. L'habitat traditionnel est, en grande majorité, composé d'une multitude de petits hameaux différents de ceux des palmeraies par l'absence de fortifications et par la pauvreté des décors sur les façades. Les villages de montagne s'égrènent le plus souvent le long des lignes de crête sous forme de grosses bâtisses avec quelques Kasbah traditionnelles qui ponctuent le paysage. Au niveau de la province d'Errachidia, la zone montagneuse des communes d'Imilchil et Ayt Yahia est désignée depuis 1993 Parc National sous le nom de Parc National du Haut Atlas Oriental (PNHO) à cheval aussi sur deux autres provinces limitrophes : Khénifra et Azilal.

Les palmeraies :

A travers la montagne stratifiée, les oueds présahariens en descendant des massifs du haut Atlas se sont creusé des lits étroits et sinueux où poussent des cultures irriguées.

Figure 8 : La palmeraie Oulad Chaker dans la vallée de Ziz (Errachidia) est l'un des paysages emblématiques de la réserve de biosphère.

Cette unité est composée de longs tronçons verdoyants de vallées qui correspondent à la zone de concentration des villages historiques (Ksour) à cause de la disponibilité de l'eau et de l'importante des espaces agricoles. Au niveau des palmerais, contrairement à la montagne, les versants sont en

pente douce, densément cultivés et habités. A côté d'une économie agraire et d'un habitat historique très typé qui semble modeste et « hors du temps », nous retrouvons des grosses kasbah familiales d'une finité architecturale et décorative surprenante en forme de « châteaux » nobles qui dictent leurs silhouettes de façon ponctuelle dans le paysage. La caractéristique majeure de cette unité est la présence très marquante du palmier dattier, l'emblème des oasis. La dominance de cet arbre et de l'importance du paysage architectural indiquent une agriculture encore bien vivace.

Les plateaux désertiques (les Hamadas) :

Les plateaux désertiques constituent l'essentiel du territoire oasien. Ils s'étendent, sans aucun signe de vie, sur des dizaines de kilomètres séparent les palmeraies les unes des autres. Cette unité est un vaste espace géographique orienté Nord-est/Sud-ouest qui délimite le territoire de la réserve du côté de la frontière avec le territoire algérien. Il est marqué en son milieu par la présence des accumulations sableuses massives dont la plus grande est l'Erg Chebbi au sud de la commune de Merzouga à Errachidia.

Figure 9 : Dunes de sable Merzouga au Sud-est de la ville d'Errachidia.

Ces plateaux qui contiennent des complexes de l'art rupestre parmi les plus célèbres en Afrique, vestige d'une sédentarisation très ancienne, sont aujourd'hui un espace à perte de vue ponctués par quelques rares « vestiges » arborés. Ces plateaux considérés comme espaces « stériles » constituent pourtant un potentiel touristique inestimable. La région de la réserve est notamment une étape importante dans l'un des grands Rallyes internationaux du Sahara et connaît ces dernières années un développement grandissant du tourisme du désert.

Le paysage périurbain : expression d'une multiplicité de composantes

Globalement, les zones périphériques des centres urbains importantes ont toutes connues depuis les années 70 et connaissent encore aujourd'hui une « colonisation » urbaine sans cesse croissante.

Figure 10 : Le développement de l'habitat périurbain en bordure des villes nouvelles et des Ksour et un facteur de dégradation à la fois de détérioration du milieu naturel et de modification des paysages.

Source : Adapté à partir de Plan d'Aménagement de la municipalité de Goulmima (Errachidia)

Tenaillés entre d'un côté le développement de l'urbanisation et de l'autre la préservation des espaces agricoles, ces paysages périurbains sont le reflet de l'hybridation des espaces ruraux et urbains. Il en résulte un mélange hétéroclite de matérialités urbaines et agricoles s'associant en de nouveaux motifs sans totalement éliminer les anciennes trames. Aussi, n'est-il pas rare d'observer de grandes résidences aux formes architecturales modernes construites à coté de vieux Ksour. Ksar Targa, noyau historique de la ville d'Errachidia, est l'expression type de ce paysage périurbain en formation. L'urbanisation initialement concentrée autour du village traditionnel composé de maisons anciennes, s'est progressivement développé le long de l'axe de liaison entre le Ksar et le centre ville. De part et d'autre de ce cordon urbain s'étend l'espace agricole de la palmeraie composée de petites parcelles. Les nouvelles constructions affichent leur modernité architecturale soit sous forme d'habitat résidentiel isolé avec jardins car construites sur une parcelle agricole, soit en de petits lotissements linéaires d'organisation très compacte qui grignotent la palmeraie.

L'étendue de vue :

Symbole implicite, cet élément paysage très remarquable dans les oasis est une donnée importante car elle liée directement au relief moutonneux, au vallonnement et à l'étendue des plateaux

désertiques. L'idée de voir loin, sans qu'aucun obstacle n'arrête le champ de vision, le fait de surplomber les paysages semblent être des données importantes à la construction d'un paysage oasien authentique et participe à sa typicité car dans les oasis, le panorama est une clé essentielle qui contribue à la qualité des paysages.

Le palmier dattier :

Cet arbre millénaire, emblème des palmeraies, figure en tête des symboles évocateurs dans le territoire oasien. Nous pouvons dire que la réserve de biosphère des palmeraies a besoin du palmier dattier pour fonder une partie de son identité; il en est de même pour les habitants qui accordent tout leur intérêt à la palmeraie, leur mère nourricière. Ainsi définit, le paysage de la palmeraie suscite et éveille chez les populations des oasis un sentiment de bien-être et d'appropriation spatiale. Il ne s'agit pas uniquement d'une matérialité paysagère ou d'un symbole concret, mais ce sentiment contribue largement à la constitution d'un paysage enraciné dans le mémoire collective. Les populations se sentent bien dans le paysage qui les entoure et qui les enveloppe. Le paysage de la palmeraie peut donc jouer un rôle sécuritaire car elle apporte un sentiment d'appartenance. Pour les touristes, le paysage de la palmeraie correspond à un idéal de vie. Ces derniers font référence au paysage oasien et insistent sur celui-ci comme s'ils souhaitaient montrer leur hostilité envers la civilisation de la ville. Nous pourrions parler ici de ruralisme, idée selon laquelle les individus ont souvent tendance à associer aux campagnes des valeurs dites d'authenticité qu'on ne retrouverait plus ailleurs et notamment dans les villes dont le développement paraît très souvent abusif et artificiel. Dans le cas présent, les villageois incluent dans leur paysage identitaire leurs lieux de vie, plus exactement et sans exception leurs villages et à la commune où ils résident. Le lieu de résidence constitue pour la plupart d'entre eux le point d'ancrage et d'appartenance ultime, l'espace privilégié de la territorialité d'où l'importance de la qualité de cadre de vie pour une mobilisation collective. Ils privilégient aussi le patrimoine architectural, ainsi que des vues de leur village. Ils mettent en avant les images des lieux dans lesquels ils ont l'habitude de vivre. Et, malgré le caractère personnel des choix, il se dégage une tendance générale. Le paysage identitaire est représenté par le village, par son cadre paysager, son terroir agricole et par son architecture. Le village et la commune est le paysage qui incarne au mieux l'identité des palmeraies. La palmeraie et le Ksar constituent des emblèmes territoriaux. Ils sont les icônes du territoire de la réserve de biosphère. L'existence d'un emblème suppose que le lieu et l'élément concernés puissent fixer spontanément des valeurs socioéconomiques et condenser en particulier un grand nombre de caractères et d'attributs que les professionnels de l'aménagement du territoire prêtent à l'espace. L'affirmation d'un emblème résulte d'une construction sociale. Un lieu est dressé en emblème

territorial (ou paysager) en raison des buts et des fins poursuivis par la société locale.13 De ce fait, la typologie pour présenter les matérialités qui entrent dans la construction des préférences paysagères des habitants des oasis, s'appuie sur la distinction qu'ils opèrent fréquemment entre matérialités bâties (construites) et matérialités non bâties (végétales).14

1.4. Les palmeraies entre « espace ressource » et « espace de consommation » :

Pour conclure ce chapitre et expliquer en partie les rapports que les oasiens les oasis entretiennent avec le territoire qu'ils investissent, il semble important de souligner la différence de considération de l'espace habité qui apparaît nettement, dans les palmeraies, entre les habitants des centres urbains et les villageois (les Ksouriens) ou habitants des Ksour. Ainsi, pour les uns, l'espace qu'ils habitent est un « espace de consommation ». Pour les autres il est avant tout un « espace ressource » qui permet de produire des marchandises et des biens de consommation familiale. Les terroirs villageois offrent aussi un cadre de vie d'une qualité incomparable que les urbains ne connaissent pas dans leur lieu de travail ou de résidence : beaux paysages, tranquillité, calme, zones récréatives. Ils se révèlent être dans la plupart des cas très désireux de profiter de ces avantages offerts par l'entretien des palmeraies. La relation qu'ils instaurent avec le territoire villageois semble portée par l'intérêt, le profit et la volonté de consommation. De fait, les gens des villes et les touristes de manière générale poursuivent sur ces territoires une quête de tranquillité, de réconfort et de calme. Autrement dit, ils sont à la recherche du bonheur agreste. Pour les Ksouriens, le territoire habité est avant tout une terre que l'on travaille de père en fils, une terre qui leur a permis et leur permet encore aujourd'hui de se nourrir et ce, particulièrement sur les territoires de la palmeraie. La relation qui les lie au territoire qu'ils habitent est plutôt portée par un attachement historique profond et sincère à la terre. Bien que conscient de la qualité du cadre de vie dont ils jouissent, leurs attitudes sont empreintes d'un sentiment qui mélange identité, besoin économique, respect et affection à l'espace qu'ils habitent. Partout dans la réserve, des interventions de protection de l'environnement participent à une appropriation nouvelle des paysages, il n'en reste pas moins que certaines mises en scène stéréotypées, l'urbanisation contemporaine en particulier, conduisent à l'abolition des valeurs de ces lieux singuliers et à une banalisation croissante de leurs qualités intrinsèques. Face à ce constat, une question clé s'impose : comment peut-on travailler le regard porté sur le paysage des palmeraies et leur spécificités environnementales afin d'engager une réflexion collective pour parvenir à des interventions recueillant l'adhésion des populations à un projet d'ensemble ?

13 LEVY J., LUSSAULT M., (2003), « Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés », Editions Belin, Paris

14 Idem

Pour prendre en compte le rapport des populations de la réserve à leurs paysages et leurs réalités environnantes, et leur faire émerger les conditions d'implication à leur préservation et leur mise en valeur, une démarche de projet participatif s'impose. Cette démarche doit préconiser l'association de l'environnement et de développement et mettre de l'avant une approche collaborative de gestion des ressources locales. Sur le plan des interactions entre le paysage et l'environnement, cette démarche du projet favorisera la mobilisation des différents intérêts présents sur le territoire oasien en vue de produire des paysages de qualité et les rendre économiquement rentables.

CHAPITRE II : LE CADRE CONCEPTUEL

Le programme de l'UNESCO sur l'Homme et la Biosphère (MAB) :

Le programme sur l'Homme et la biosphère (Man and Biosphere) a été lancé par l'UNESCO en 197015 au départ dans 14 aires de projets couvrant différents types d'écosystèmes.16 Ce programme a pour principale mission de réduire la perte de la biodiversité à travers la promotion de la gestion durable de l'environnement et des ressources naturelles au niveau mondial. (Voir encadré n° 01)

Dans l'objectif de mettre en place des conditions favorisant la réconciliation entre les êtres humains et leur environnement global dans un système de biosphère, le travail du Mab s'est concentré depuis son lancement sur le développement d'un réseau mondial de réserves de biosphère.17 Outil de mise en oeuvre du programme Mab, ce réseau est conçu comme instrument de coopération internationale,

15 Voir dates et événements clés sur l'évolution de la nation de réserve de biosphère et de leur réseau mondial dans « Réserves de biosphère : des lieux privilégiés pour les hommes et la nature », UNESCO, 2003, page 19.

16 Pour plus de détails voir le site web du programme MAB : http://www.unesco.org/mab/mabProg_fr.shtml

17 Cf. « A guide to Biosphere Reserve Management: A methodology applied to French biosphere reserves », UNESCO, 1998.

d'échange de connaissances, de recherche scientifique, d'éducation et de surveillance environnementale. Sur le plan institutionnel, l'organe principal du programme Mab, le Conseil International de Coordination, habituellement appelé Conseil du Mab ou le CIC,18 est composé de 34 États membres élus par la Conférence générale (biennale) de l'UNESCO est représenté au niveau de chaque pays membre (ayant une réserve de biosphère sur son territoire) par un Conseil National du Mab.19 Le réseau mondial des réserves de biosphère compte actuellement 411 réserves dans 102 pays dont 2 au Maroc : la Réserve de biosphère de l'arganier (décembre 1989) et la Réserve de biosphère des oasis du sud Marocain (novembre 2000). L'adhésion du Maroc au programme Mab date de 1975, une année seulement après son lancement, et un comité national fût constitué sous la présidence du Directeur de l'Institut Agronomique et Vétérinaire.

Le concept de « Réserve de biosphère » :

Le concept de « Réserve de biosphère » (RB) est un statut international d'aire protégée développé par l'UNESCO à partir de 1974.20 Les réserves de biosphère sont des aires terrestres ou aquatiques portant sur des écosystèmes naturels ou des paysages reconnus au niveau mondial. Elles couvrent la vaste gamme des zones naturelles de la biosphère (hautes montagnes, plaines fortement affectées par l'action de l'homme, régions côtières et insulaires, forêts tropicales, déserts, régions polaires, etc.). Pour répondre aux critères requis pour la désignation au titre du statut de la réserve de biosphère, l'aire candidate doit en principe :

§ être représentative d'une grande région biogéographique, incluant une série d'interventions humaines existantes;

§ comporter des paysages, des écosystèmes, des espèces ou variétés animales et végétales qui ont besoin d'être conservés;

§ offrir des possibilités pour explorer et mettre au point des modes de développement durable au niveau du territoire;

§ avoir une taille suffisante pour remplir les trois fonctions attribuées aux réserves de biosphère (conservation, développement et appui logistique);

§ comporter un système de zonage approprié, avec des aires centrales ou zones de protection à long terme, légalement établies, des zones tampon clairement identifiées et une aire de transition entourant l'ensemble.

18 Pour plus de détails voir le site web du CIC : http://www.unesco.org/mab/icc.shtm

19 Les conseils nationaux du Mab ont la charge de préparer les dossiers de proposition de réserves de biosphère et de s'assurer le concours des

organisations gouvernementales, des institutions et des autorités locales concernées pour la constitution du dossier. Chaque proposition est évaluée par le Comité consultatif sur les réserves de biosphère établi par l'UNESCO. Ce comité formule des recommandations à l'attention de CIC qui prend la décision de la désignation. Celle-ci est communiquée par le Directeur général de l'UNESCO à l'État concerné.

20 Voir questions sur les réserves de biosphère : http://www.futura-sciences.com/comprendre/d/dossier257-1.php

Par ailleurs, le développement territorial durable doit se traduire dans une réserve de biosphère par des pratiques portant fondamentalement sur la compatibilité entre les impératifs de conservation de la biodiversité dans son sens large (biologique, écologique, paysagère et culturelle) et l'amélioration des conditions d'existence des populations.

Contrairement à une époque où la conservation de la nature « était trop souvent pensée comme devant fonctionner en circuit fermé, isolant une aire naturelle de l'univers humain environnant »,21 les réserves de biosphère sont conçues pour mettre en pratique un « concept ouvert » de la gestion de l'environnement. Considérées comme étant « des lieux privilégiés pour les hommes et la nature»,22 les réserves de biosphère préconisent ainsi une approche communautaire de gestion qui s'appui sur la convergence de l'ensemble des intérêts présents dans l'aire protégée et l'ouverture de celle-ci sur son environnement humain et son interaction avec la région géographique élargie à laquelle elle appartient.23 De ce fait, une réserve de biosphère est un terrain d'expérimentation de modalités participatives de prise de décision en matière de la gestion de l'environnement et de l'aménagement du territoire dans l'objectif de leur protection à long terme.

Pour qu'une RB atteigne ses objectifs, le Conseil International de Coordination du MAB recommande que les efforts de gestion de l'environnement soient focalisés sur cinq domaines d'activités24 :

§ Le maintien des systèmes écologiques et la préservation de la diversité biologique, paysagère et culturelle ;

§ L'exploration des approches innovantes pour l'aménagement du territoire et la gestion durable des ressources naturelles surtout au niveau des paysages ruraux.

§ La formulation et la diffusion des informations sur la gestion durable des ressources naturelles et la promotion des comportements correspondants ;

§ Le renforcement des capacités humaines et institutionnelles de gestion de l'environnement

§ La contribution au système mondial d'observation de l'environnement.

Les fonctions des réserves de biosphère :

Le statut de la RB est destiné à assurer trois fonctions complémentaires représentées par le schéma suivant :

21 Cf. « Réserves de biosphère : des lieux privilégiés... » op.cit, page 17.

22 Inspiré du titre de la publication de l'UNESCO « Les réserves de biosphère : des lieux privilégiés pour les hommes et la nature», Paris, UNESCO, Mars 2003.

23 Idem, page 17

24 Cf. www.unwsco.org/mab/icc/shtml

Source : http://www.agirpourlabiodiversite.fr/spip.php?article388

Figure 11 : Les trois fonctions des réserves de biosphère

§ La conservation de la biodiversité des écosystèmes, des espèces et des ressources génétiques et des paysages;

§ Le développement économique durable des points de vue socioculturel et écologique et;

§ L'appui logistique, pour soutenir et encourager les activités de recherche, d'éducation, de formation et de surveillance continue sur des problèmes locaux, régionaux, nationaux et mondiaux de conservation et de développement durable.

Par ailleurs, les réserves de biosphère sont des territoires représentatifs de paysages naturels et culturels bénéficiant pour leur plus grande partie d'une protection réglementaire. Contrairement à tout autre catégorie d'aires protégées, les réserves de biosphère englobent des habitats à intensités d'usages différentes (Forêts, terrains cultivés, zones résidentielles, parcours, milieux aquatiques, patrimoine culturel...), chacun de ces habitats peut se présenter en trois états (i) état naturel peu ou pas perturbé, (ii) état d'exploitation plus ou moins équilibré au plan économique, culturel et écologique, et (iii) état dégradé. Chaque habitat peut éventuellement évoluer d'un état à l'autre selon l'effet des facteurs naturels et humains qu'il subit.

Le zonage d'une réserve de biosphère :

Une réserve de biosphère est caractérisé par un schéma de zonage en trois aires délimitée chacune en fonction des composantes humaines, environnementales et paysagères et de leur contribution au développement de l'aire protégée. On distingue entre des aires centrales ou de conservation, des zones tampon ou d'entretien et des aires de transition ou de coopération : (voir schéma ci-dessous) :

Copyright UNESCO / www.unesco.org/mab

Figure 12 : le schéma de zonage d'une réserve de biosphère

Un plan de gestion est élaboré dans chaque réserve de biosphère pour les trois zones pour la mise en oeuvre de statut et en conciliant les trois fonctions. En 1995, le concept de la réserve de biosphère a été considérablement révisé avec l'adoption par la Conférence générale de l'UNESCO de la

«Stratégie de Séville » pour les réserves de biosphère.25

La « Stratégie de Séville » sur les réserves de biosphère :

Déclarée par la Conférence internationale de l'UNESCO réunie à Séville (Espagne) en mars 1995,26 il s'agit d'une stratégie prospective du programme Mab consistant en une réflexion sur les RB au 21ème siècle. C'est un plan d'action commun qui met en exergue le rôle que peuvent jouer les RB Voir dates et événements clés sur l'évolution de la notion de réserve de biosphère et du réseau mondial dans la préservation de la diversité biologique au niveau mondial et la protection des valeurs paysagères et culturelles grâce à des pratiques durables d'aménagement du territoire. La stratégie de Séville déclare que : « les réserves de biosphère pourront devenir le théâtre de la

réconciliation de l'homme avec la nature. Elles peuvent permettre de mettre en valeur les connaissances accumulées du passé pour répondre aux besoins des générations futures » et «servir à surmonter les difficultés induites par le caractère sectoriel de nos institutions ».27 Cette nouvelle vision laisse comprendre que les réserves de biosphère se situent dans un cadre intégrant leur fonction de conservation aux défis du développement local au mieux des intérêts des communautés locales présentes et futures. Inscrite dans la logique du développement durable, la stratégie de Séville renforce effectivement le principe de gestion communautaire des ressources naturelles et de la participation active et équitable de tous les acteurs présents au sein d'une RB. En

25 Voir dates et événements clés sur l'évolution de la notion de réserve de biosphère et du réseau mondial dans « Les réserves de biosphère : des lieux privilégiés pour les hommes et la nature », op. cit, page 19.

26 Cette Conférence a rassemblé 387 participants de 102 pays et de 15 organisations régionales et internationales.

27 « Les réserves de biosphère : des lieux privilégiés pour les hommes et la nature », op. cit, page 24.

raison de l'extrême diversité des situations locales dans le monde, la stratégie de Séville est conçue sous forme de recommandations générales et énumère pas moins de 90 tâches devant être entreprises au niveau mondial, national ou à celui de chaque RB, et donne les grandes lignes d'une série d'indicateurs de performance. Ces tâches visent toutefois à atteindre quatre objectifs bien définis. (Voir encadré n° 02).

Plus que des simples aires protégées, les réserves de biosphère sont aujourd'hui devenues des véritables territoires d'expérimentation des approches de développement durable en alliant connaissances scientifiques et modalités de gouvernance. Elles favorisent l'étude des interactions entres les populations d'un territoire et leur milieu de vie et l'analyse des dynamiques spatiotemporelles de la formation/déformation des paysages.28

28 Cf. le troisième axe d'action du « Projet de programme 2006-2007 de l'UNESCO sur les réserves de biosphère » mettant l'accent sur les liens entre diversité biologique et diversité culturelle. www.unesco.org/mab

CHAPITRE III : PRÉSENTATION DE LA RÉSERVE DE BIOSPHÈRE DES OASIS DU SUD MAROCAIN (RBOSM)

Composé de trois provinces présahariennes (Errachidia, Ouarzazate et Zagora) le territoire de la réserve de biosphère est à cheval sur deux régions économiques (Meknès-Tafilalet) pour la première province et (Sous-Massa-Draa) pour les deux autres.

Figure 13 : Situation des provinces de la RBOSM par rapport au découpage administratif du territoire national.

Située entre le Haut Atlas et le désert saharien, la réserve de biosphère remplie la fonction d'une barrière écologique accomplis contre la désertification.29 Dans la région de la réserve, le Présahara marocain est le mieux conservé du fait de la position, de l'envergure et des altitudes du Haut Atlas qui en est l'amont nourricier en eau et en sols. De ce fait, les oasis de la réserve constituent « le principal système de défense du monde tempéré contre les agressions du désert ».30 Il s'agit d'une zone tampon de l'Afrique du Nord dont la conservation est primordiale pour le maintien des équilibres bioclimatiques globaux. Des études de paléoclimatologie montrent que tout au long de

29 Cf. le site web du « ArabMab » le bureau Mab de la région arabe : www.arabmab.net/searchresult.cfm

30 Idem

quaternaire, l'état de conservation de la zone présaharienne a été un marqueur de la vitalité des bioclimats de bassin méditerranéen confronté au Sahara.31 La diversité biologique y est protégée de la désertification et de l'ensablement par un puissant système écologique doté d'une agro-diversité très riche axée sur le palmier dattier est soutenue par un mode de gestion ingénieux des ressources naturelles.32 Le maintien de cette ceinture écologique donc est crucial pour la pérennité da la civilisation des palmeraies ainsi que pour la préservation du bioclimat humide dans un domaine confiné au désert. Préserver l'environnement dans les palmeraies c'est empêcher une dégradation profonde de l'ensemble du bassin méditerranéen et éviter ainsi l'altération de la circulation atmosphérique dans cette partie de la planète. Mettre en valeur ses paysages remarquables c'est renforcer la fonction de barrière écologique contre l'un des déserts les plus redoutables de la planète. Malgré les mutations modernes amorcées à l'époque du protectorat française à partir de

1930, les oasis du sud Marocain conservent encore certains de leurs fonctions écologiques importantes notamment à traves l'agriculture étagée soutenue par un système d'irrigation ingénieux par les Seguias ou les Khettaras.33 L'adaptation aux conditions du milieu, assez confiné entre la montagne et le désert, a créé une véritable civilisation de l'aride disposant d'une large palette de diversité de systèmes naturels et de paysages et dont la caractéristique majeure est l'économie de l'eau et l'exploitation parcimonieuse des ressources naturelles. Le palmier dattier qui constitue la charpente de l'économie oasienne compte 223 variétés. Les variétés de la faune et de la flore, avec un taux d'endémisme très important, sont fortement adaptées aux rigueurs du climat.

Le zonage de la RBOSM :

Le zonage en « grappes » a été retenu compte tenu de la diversité des habitats naturels et des paysages des oasis de leur grande variabilité géomorphologique. Les trois unités de zonage se présentent comme suit :

31 Idem

32 En plus des espèces végétales locales comme le palmier dattier ou animales comme la dromadaire, la biodiversité des oasis compte principalement pour la flore (le Cèdre de l'Atlas, le Genévrier thurifère, l'Eucalyptus, le Tamarix, l'Acaccia raddiana) et pour la faune (le Mouflon, la Gazelles, la Panthère en perdition, le Fennec et le Chat des sables).

33 L'irrigation se base dans les oasis sur des systèmes hydrauliques traditionnels tels que les Séguias (canaux d'irrigation) et les Khettaras (galeries

sous terraines). Le premier est utilisé dans les palmeraies proches des oueds. La construction de petites digues en amont des palmeraies permet de canaliser les eaux des sources vers les terrains de cultures par un réseau de canaux d'irrigation. Par contre, dans les palmeraies éloignées des oueds et où les eaux du surface font défaut, les agriculteurs construisent des galeries souterraines sous forme de puits successifs pour drainer les eaux enfouies dans le sol, jusqu'à l'air libre par simple gravitation.

Figure 14 : Carte de zonage de la RBOSM

Les aires centrales :

Elles sont constituées d'un réseau de 7 Sites d'Intérêt Biologique et Écologique (SIBE) et de 2 Parcs naturels et totalisant une superficie de 516.050 ha, soit 5.2 % de la superficie totale de la réserve.34 Leur fonction essentielle consiste à préserver la diversité biologique et paysagère des écosystèmes d'altitude et sauvegarder leurs ressources naturelles notamment l'eau.

Les zones tampon :

Elles correspondent aux palmeraies traditionnelles proprement dites et couvrent une superficie d'environ 129.108 ha, soit 1,3 % de la superficie totale de la réserve. Leur principal rôle consiste à entretenir les ressources naturelles (le palmier dattier, les terres agricoles et les systèmes traditionnels d'irrigation) et sauvegarder le patrimoine culturel et les valeurs paysagères qu'il suscite.

Les aires de transition :

Elles correspondent aux terrains d'extension agricoles et aux espaces intermédiaires qui se prêtent à l'extension à court ou à moyen terme. La superficie totale de cette zone est de l'ordre de 23.980 ha, soit 0,02 % de la superficie totale de la réserve de biosphère. Bien que leur superficie soit limitée,

34 Cf. le Plan Directeur des Aires Protégées du Maroc, Direction des Eaux et Forêts, 1993.

elles sont appelées à jouer un rôle capital dans le développement durable des oasis compte tenu des potentialités qu'elles recèlent et surtout compte tenu de la substituabilité qu'elles permettent à l'exploitation des ressources naturelles dégradées des zones centrales.

Le statut de la réserve de biosphère : enjeux et opportunités pour le développement des palmeraies du sud Marocain :

La préservation à long terme de l'environnement et du paysage requiert une connaissance approfondie des systèmes naturels et des espaces territoriaux et des processus qui les caractérisent. Ils offrent des opportunités uniques d'étude du milieu et constituent de précieux cadres de références pour évaluer l'influence des activités humaines. Pourtant, en dépit de l'évidente importance de l'environnement et du paysage pour la recherche scientifique opérationnelle au service de développement, on souffre d'un manque de connaissances scientifiques de base sur beaucoup de questions. Ceci peut être attribué au manque d'intérêt à la recherche sur ces deux paramètres auxquels on n'accorde pas de place dans les décisions d'aménagement. L'intérêt du statut de la réserve de biosphère est effectivement le fait qu'il soit concerné par l'ensemble des thématiques soulevées par l'environnement et la paysage, qu'il s'agisse du développement et de la mise en oeuvre de méthodes d'analyse, d'évaluation des interactions dynamique des communautés/milieu de vie ou du renforcement de stratégies de conservation. Dans ce sens, ce label offre des opportunités énormes pour sauver les oasis du sud Marocain et renforcer leurs fonctions économiques et écologiques. Pour répondre à ce besoin qui se fait sentir dans les oasis majoritairement en crise, le statut de la réserve de biosphère, comme modèle universel de conservation et de développement durable, offre des solutions pratiques de manière à mieux maitriser les problèmes posés par la conservation, la gestion et la mise en valeur dans les oasis.

Des partenariats à construire :

Réponse privilégiée aux problèmes de conservation et de développement, le statut de la réserve de biosphère est aussi un instrument de dialogue et de concertation pour une gestion durable de l'environnement et des ressources naturelles.35 Un cadrage opérationnel, défini par les objectifs de conservation et gestion durable exige que les problèmes soient posés dans un espace vu sous différents angles : écologique, humain et économique. Un espace où intervient une multitude

d'acteurs. La caractéristique majeure des réserves de biosphère c'est qu'effectivement qu'elles sont des territoires où les questions relatives aux systèmes naturels, à la biodiversité et à la dynamique

35 Voir « Biodiversité et acteurs : des itinéraires de concertation », in Réserves de biosphère : notes techniques, Chapitre III, pp 43-64, publication du Mab, Mai 2006

des paysages sont d'abord posées dans des espaces habités par des hommes, des champs, des forêts, des milieux urbains, des espaces qui relèvent de l'aménagement du territoire. De ce point de vue, on comprend pourquoi le lancement du programme sur l'Homme et la biosphère a marqué une rupture majeure dans les politiques de protection de l'environnement. Elles le sont parce qu'elles partent d'interrogations et de réflexions sur les relations entre les sociétés humaines et leur environnement. Comme l'indique le titre d'une intéressante publication de l'Unesco « Les réserves de biosphères : milieux privilégiés pour l'homme et la nature », elles ont été conçues pour répondre à l'une des questions centrales de développement durable : comment concilier la conservation de la biodiversité avec un développement social et économique des populations qui en dépendent ?

DEUXIÈME PARTIE :

ENVIRONNEMENT ET PAYSAGE: ASPECTS DE DÉGRADATION ET PERSPECTIVES DE SAUVEGARDE ET DE MISE EN VALEUR.

CHAPITRE I : LE DIAGNOSTIC ENVIRONNEMENTAL ET PAYSAGER DES PALMERAIES DE LA RBOSM :

Les facteurs naturels :

De nos jours, de lourdes menaces pèsent sur les palmeraies du sud Marocain à tous les niveaux. Elles réunissent des contraintes environnementales de taille et des facteurs de dégradation y sont à l'oeuvre sous l'effet d'un modèle du développement urbain inapproprié. Partout le constat de crise est presque le même : la rareté des ressources en eau, l'érosion des terres agricoles, la dégradation des paysages naturels et culturels, la disparition des systèmes traditionnels d'irrigation, le dessèchement des palmiers dattiers, la désertification quasi-constante, la perte de la biodiversité, le déclin des productions locales et l'exode rural en sont quelques signes avant-coureurs. De bout à l'autre du territoire de la RBOSM, les ressources naturelles sont soumises à de multiples formes de pression menaçant des équilibres écologiques fragiles. Les facteurs de dégradation sont physiques, liées essentiellement à la sécheresse et à la désertification, et anthropiques à cause des modes inadaptés de l'exploitation de l'environnement et de l'occupation du sol.

L'eau : patrimoine et source de vie :

La situation hydrique des oasis de la réserve de biosphère est aujourd'hui alarmante. Une nouvelle gestion de l'eau dans les pratiques d'irrigation est aujourd'hui nécessaire. Devant la gravité de ce problème, accentué par le contexte de la désertification dans lequel évolue le sud Marocain en général et les palmeraies de la réserve de biosphère en particulier, une prise en main par les pouvoirs publics de la crise de l'eau semble nécessaire. Si l'on se situe à l'échelle de la RBOSM, les oasis par leur situation au piémont du Haut Atlas Oriental, constituent le dernier rempart pour protéger ce château d'eau contre l'avancé du désert. Il est essentiel d'y garder une activité agricole soutenue pour assurer la pérennité de cette région guetté par la désertification. Le problème dépasse les palmeraies proprement dites; il concerne l'ensemble du territoire national, voire du bassin méditerranéen, dans la mesure où les oasis constituent une barrière écologique de défense contre le désert. La sauvegarde des oasis doit se faire non pas seulement dans le seul souci de maintien des paysages verdoyants, mais aussi en vue de renforcer leur fonction écologique protectrice.

L'agriculture : une activité en déclin :

L'écosystème oasien tire ses spécificités majeures dans les pratiques de l'agriculture irriguée en étages (les cultures légumineuse et fourragères, les arbres fruitiers et le palmier dattier). Agriculture

paysagère par excellence, cette activité se trouve actuellement en déclin suite aux mutations socioéconomiques et spatiales engendrées par l'ouverture des oasis sur les grandes villes. Aujourd'hui, les choses prennent une tournure préoccupante avec des conséquences écologiques, socioéconomiques et politiques fort inquiétantes. Partout le travail de la terre est en crise. Dans la seule région de Draa (Province de Ouarzazate) les superficies cultivables ont baissé de plus de

20%, les productions de 16%, les niveaux d'intensification de 45%, et le palmier dattier a vu sa production chuter de 34%.36 La crise du secteur agricole est particulièrement accompagnée d'une crise dans les paysages ruraux. Malgré leur éloignement de l'influence directe des grandes métropoles urbaines comme Meknès, Fès et Marrakech, les espaces ruraux de la réserve sont en retrait. La dégradation des paysages suite à la sécheresse et l'abandon de l'agriculture étagée et l'un des principaux aspects de la crise écologique des palmeraies. Dans ce contexte, les

événements s'enchaînent rapidement; le déclin de l'agriculture traditionnelle entraine la perte des emplois et la faible diversification du tissu économique qui aboutissent à terme à une marginalisation des oasis qui se dépeuplent progressivement.

L'aridité du climat :

L'ouverture de la réserve de biosphère sur le désert saharien fait de l'aridité un phénomène structurel entrainant une désertification quasi-constante. Le climat caractérisé par une longue période estivale très chaude (mai - octobre) associé à une pluviométrie faible et très irrégulière amplifient ce phénomène. Les pluies, qui tombent souvent à la fin de l'automne et au début de l'hiver, sont inefficaces pour la régénération de la végétation qui pousse essentiellement au printemps. Elles sont aussi souvent torrentielles favorisant le ruissellement et l'érosion des terres cultivables. De ce fait, l'aridité du climat est un handicap majeur au développement économique des oasis et à leur intégrité écologique. La situation s'aggrave d'une année à l'autre et aucun projet environnemental ou agricole ne pourra aboutir sans prise en compte de cette contrainte climatique majeure.

L'érosion hydrique et éolienne :

Parallèlement à l'appauvrissement du couvert végétal sous l'effet de la sécheresse, l'érosion hydrique et éolienne s'élargit très rapidement. Dans les communes limitrophes au domaine saharien, ce phénomène a déjà atteint un seuil critique comme cela est illustré dans la figure suivante :

36 Stratégie d'aménagement et de développement des oasis au Maroc, rapport de deuxième phase, MATEE-DAT/DIRASSET 2003, page 149

Figure 15 : La disparation du périmètre agricole et le desséchement de la palmeraie de Rissani à Errachidia entre 1987 et 2007 sous l'effet combiné de la sécheresse et l'érosion éolienne.

Associées à des orages en période d'été, les pluies brutales et aléatoires entraînent des écoulements violents facteurs essentiels d'érosion hydrique observée particulièrement sur les berges des oueds. En cas de crues, les oueds gonflent en quelques minutes et ravagent sur leurs parcours des terrains de culture, des habitations en terre et des infrastructures. L'accident du relief aggrave l'effet érosif et les terrasses des palmeraies perdent annuellement une grande quantité d'alluvions drainées par l'eau. Aussi en période d'été, des vents très chauds et violents pouvant atteindre une vitesse maximale de 65 km/h sont fréquents. Ils amplifient la sécheresse et entrainent une érosion éolienne phénoménale. À l'extrême Est et Sud-est du territoire de la réserve, le vent conduit à la formation d'importantes dunes du sable.

Figure 16: Sapement des berges dans la palmeraie de Goulmima (Errachidia)

Figure 17 : Desséchement des palmiers dattiers à cause de tarissement des eaux de la nappe dans la palmeraie de Tinjdad (Errachidia).

Dans cette zone, l'érosion éolienne se manifeste par des aires gigantesques de drainage et de dépôts du sable et agit principalement par l'envahissement des terroirs villageois et leurs périmètres agricoles.

La désertification :

Les zones frontalières de la réserve ouvertes sur le désert sont en majorité touchées par la désertification à cause de l'ensablement. Ce phénomène a existé de tout temps dans les oasis, mais ses effets sur l'environnement et le paysage ont particulièrement été accentués ces dernières décennies.37 Ce n'est qu'à partir des années 1970 que ce problème est devenu une menace majeure au développement local des oasis se traduisant en particulier par l'envahissement des canaux d'irrigation et par les coupures fréquentes de la circulation sur les principaux axes routiers par des

accumulations gigantesques du sable. Les techniques traditionnelles développées par les populations locales pour la lutte contre l'avancé du désert ne sont plus en mesure de maitriser la situation. Les paysans en particulier se plaignent de ce fléau qui les empêche de cultiver des superficies de plus en plus importantes de leurs terres. Dans la seule palmeraie de Boudnib (à l'Est de la province d'Errachidia) la superficie ensablée en 2004 est estimée à 110 ha de terrains agricoles. L'encadrement technique et l'engagement des associations dans des projets de lutte

contre l'ensablement doivent être renforcés.38

Les facteurs humains :

La dégradation du couvert végétal :

Aux conditions climatiques très sévères s'ajoutent une série de facteurs humains. En ce qui concerne la dégradation du couvert végétal sous l'effet de la pression anthropique, le surpâturage est un exemple spectaculaire.

37 Au cours du 20ème siècle, les oasis du sud Marocain ont connu plusieurs cycles de sécheresse : 1913-1918; 1927-1931; 1933-1939; 1945-1947; 1955-1957; 1973-1976; 1979-1984 et 1987, et plus récemment la sécheresse de 1993-1995.

38 Dans la province d'Errachidia, le phénomène d'ensablement prend une ampleur de plus en plus grande. Parmi les zones les plus touchées, on peut citer : Jorf, Hanabou et Fezna. Cette situation a donné naissance à un travail associatif très important; l'exemple de l'Association de Lutte Contre la

Désertification et la Protection de l'Environnement crée en 1998. Un autre projet illustre ce rôle associatif dans la réalisation et la réussite des projets de lutte contre l'ensablement. Il s'agit de l'Association Al Amal, créée en 2000. Le projet est financé par l'Agence de Développement Social et le Ministère de l'Environnement pour un montant de 15 millions de DH. Il consiste à protéger la palmeraie de Hanabou par une fixation mécanique des dunes (5 ha) et un reboisement avec l'utilisation du système d'irrigation goutte à goutte.

Figure 18 : Le surpâturage exerce une forte pression sur le couvert végétal dans les zones de montagne (Imilchil, Errachidia)

L'élevage qui occupe une place importante dans l'économie locale participe à la dégradation des ressources naturelles. Les effectifs du cheptel montrent notamment une charge remarquablement élevée par rapport aux superficies des parcours lesquels sont en dégradation grandissante par les effets de sécheresse et de désertification susmentionnés. Aussi, pour répondre aux besoins domestiques en énergie, les habitants s'attaquent aux espèces ligneuses qui composent la steppe des parcours environnants les villages et les palmeraies. L'absence d'alternatives énergétiques entraine l'arrachage anarchique du bois de chauffe particulièrement dans les zones de montagne.

Figure 19 : L'arrachage anarchique du bois de chauffe menace les espèces ligneuses (Imilchil, Errachidia)

Le risque de salinité des sols :

La salinité des sols est un autre aspect inquiétant de la crise écologique dans la réserve. Les taux de salinisation des terres ont augmenté ces dernières années suite à la multiplication des dispositifs du pompage des eaux souterraines. Actuellement, dans les zones où la nappe phréatique est de faible profondeur (7 à 10 m), l'eau remonte par capillarité et crée des dépôts de sels en surface. L'étalement périodique des eaux d'irrigation favorise l'évaporation et la concentration des sels dissous dans le sol. Aussi, la multiplication des barrages collinaires et l'extension des surfaces irriguées en amont ont réduit la progression des crues vers les zones avales. Les sels fossiles des

structures géologiques des oueds sont progressivement remis en solution puis redistribués et fortement concentrés en certains endroits.39 Dans la région de Figuig, pour minimiser les effets de la salinité des eaux et permettre aux agriculteurs la mise en valeur de leurs terrains, les responsables locaux ont eu l'idée de ramener l'eau douce d'une source située à 4 km du village. L'eau arrive dans un grand bassin puis est distribuée aux 250 bénéficiaires à un prix de 25 DH/heure. Après sa réalisation, ce projet est géré actuellement par les paysans eux même.

Les risques liés aux aménagements hydrauliques :

Pour éviter les effets dévastateurs des grandes crues, les pouvoirs publics ont construit après les inondations de 1965 le barrage Al-Hassan Eddakhil sur l'Oued Ziz à Errachidia et Al-Mansour Eddahbi sur l'Oued Draa à Ouarzazate. Les risques liés à ces aménagements concernent particulièrement :

· Le tarissement de nombreuses sources d'eau et l'irrégularité des régimes des oueds;

· L'accroissement de la salinité des sols, la limitation des apports en limons fertilisants et la réduction des recharges naturelles des nappes phréatiques;

· Des perturbations énormes dans la dynamique des nappes qui assuraient auparavant l'humidification des sables et leur fixation (une humidité de 2 à 3% des sables est suffisante pour soustraire les dunes du sable de la prise des vents);

· Avant la construction de ces deux grands barrages, les écoulements étaient plus continus dans les oueds, ils permettaient l'évacuation plus en aval d'une partie des sables piégés dans les canaux d'irrigation, et d'autre part assuraient une humidité dans les lits d'oueds, même ceux en aval, humidité qui les retenait sur place grâce à la végétation

39 Dans la région de Figuig, pour minimiser les effets de la salinité des eaux et permettre aux agriculteurs la mise en valeur de leurs terrains, les responsables locaux ont eu l'idée de ramener l'eau douce d'une source située à 4 km du village. L'eau arrive dans un grand bassin puis est distribuée aux 250 bénéficiaires à un prix de 25 DH/heure. Après sa réalisation, ce projet est géré actuellement par les paysans eux même.

qui s'y développait. Or depuis l'édification des barrages, les écoulements ne se font plus que par lâchers (deux à trois par an).

· La perturbation des anciens systèmes hydrauliques et l'exclusion des communautés paysannes locales dans la gestion des eaux centralisée par l'État de manière à répondre aux besoins des cultures stratégiques (les céréales). Alors que les populations souhaitent des lâchers de barrages favorables aux cultures maraîchères et donc plus nombreuses et plus rapprochées dans le temps. Pour les communautés oasiennes habituées à l'autogestion ces mutations sont pour beaucoup dans la dégradation des traditions communautaires.

Un des résultats les plus dramatiques de ces aménagements est le tarissement des systèmes traditionnels de drainage des eaux souterraines (Khettaras). Avec l'augmentation des besoins en eau, le recours aux puits profonds et leur équipement en motopompes fait actuellement l'unanimité du choix de la majeure partie des agriculteurs. Il est vrai que les techniques modernes de pompage ont conduit à la régénération des terrains agricoles abandonnés à cause de la sécheresse, voire même, dans certains cas, à l'apparition de nouvelles petites oasis sur des terrains nouveaux, mais ces techniques sont loin d'être une réponse durable à la crise d'irrigation dans les palmeraies. Ces techniques ont par exemple provoqué une baisse spectaculaire du niveau piézométrique des nappes, des débits de sources et des oueds ainsi que le desséchements des puits peu profonds. La substitution de la motopompe familiale à la Khettara communautaire n'est pas seulement une mutation technologique, mais elle est aussi l'expression d'une mutation sociologique qui fait prévaloir l'individu sur les structures lignagères traditionnelles fondées sur l'entraide et la solidarité du groupe. Les risques environnementaux qui viennent d'être cité sont connus depuis longtemps dans les oasis du sud Marocain, mais avec beaucoup moins de gravité qu'actuellement. Des risques sérieux liées à l'urbanisation sont apparus et commencent à prendre de l'ampleur.

Les risques liés à l'aménagement urbain :

a. Les problèmes d'assainissement :

Les palmeraies de la réserve connaissent depuis quelques décennies une urbanisation vertigineuse. Ce phénomène est toutefois accompagné d'une infrastructure urbaine très modeste et parfois absente dans certaines communes. C'est ainsi que la quasi-totalité des secteurs urbains ne sont pas raccordées aux réseaux d'assainissement. Dans les zones résidentielles en prolifération à l'intérieur des palmeraies, le recours aux fosses septiques et aux puits perdus constitue un danger majeur de contamination des eaux des nappes qui sont à une profondeur moyenne de 15 à 20 m.

L'assainissement autonome qui est le choix le plus courant dans ces secteurs d'habitat à haut potentiel environnemental représente un danger majeur pour la santé et pour l'environnement. En milieu urbain, les réseaux d'égout sont majoritairement de type unitaire et se trouvent généralement dans un mauvais état à cause de manque d'entretien. Dans certaines zones, ces réseaux n'assurent plus leur rôle de collecte et de drainage, et les eaux usées sont déversées directement et sans traitement préalable dans les oueds ou, parfois, utilisées comme eau d'irrigation sur des périmètres agricoles ou maraîchers. Leur utilisation en maraîchage constitue également un risque bactériologique grandissant à la fois sur la santé publique, le milieu naturel et la qualité des paysages.

b. Les déchets solides :

Le traitement des déchets ménagers solides se limite essentiellement à leur mise en décharge où ils se décomposent par aérobie (en plain air). Dans les trois villes chef-lieu de province et les municipalités, une récupération des plastiques se fait sur certaines décharges, mais les réductions qu'elle entraîne est relativement minime. L'inadéquation des sites des décharges provoque des nuisances olfactives considérables et des impacts paysagers très importants. Cela favorise l'infiltration des lixiviats dans le sol et plus particulièrement vers les aquifères souterrains et les cours d'eau. Ce processus entraine la prolifération des poches de dégradation écologique et paysagère dont l'ampleur est liée à la taille, à la nature et à l'emplacement des dépôts des rejets. Dans la majorité des cas, ces dépôts sont situés à l'entrée des villes et des communes le long des routes offrant un spectacle déplorable. Le vent éparpille les sachets plastiques, constituant une pollution paysagère manifeste.

1.2. L'incidence paysagère de l'urbanisation :

Les nouvelles tendances de l'occupation de l'espace, particulièrement, l'expansion de l'urbanisation contemporaine accélèrent le processus de dégradation du milieu naturel ce qui n'est pas sans conséquences sur l'appauvrissement des paysages. La perte de la biodiversité ne ressort elle pas de la banalisation des paysages ?

Figure 20 : Occupation typique de l'espace d'une zone tampon (palmeraie) de la réserve. (Goulmima, Errachidia)

Il y a lieu donc de s'interroger sur la qualité du cadre de vie; une préoccupation qui intéresse à la fois les acteurs du développement local, les professionnels de l'aménagement du territoire, les services chargés de la gestionnaire de la réserve et les associations actives dans le domaine de la protection de l'environnement. On parle de l'abandon de l'habitat traditionnel et de sa mise à distance par rapport aux nouveaux centres urbains. L'affrontement entre les Ksour et le nouvel espace urbain modifie les paysages des palmeraies et tend à bouleverser le fonctionnement des systèmes naturels et les valeurs de l'organisation sociale. On est en face à un chaos de formes qui entraîne banalisation et perte de repères. Quelque soit l'endroit où l'on se trouve dans le territoire de la réserve de biosphère, l'urbanisation est destructrice, le mitage se développe avec une multiplication le plus souvent désordonnée et donne un parfait exemple de banalisation et de dépaysement. Les entrées des communes rurales et des municipalités avec des ronds points maigres et banals sont une typologie de falsifications. Les nouveaux quartiers qui se développent aux alentours de l'habitat historique des Ksour garnis d'une fausse empreinte citadine intègrent dans le milieu oasien une dépersonnalisation flagrante.

1.3.1. La banalisation du paysage par les voies de circulation automobile :

En principe, chaque mode de transport produit un paysage qui se dégradé. Dans les palmeraies de la réserve, les voies goudronnées qui lient les centres urbains et les communes rurales traversent les

périmètres agricoles et les terroirs villageois. Ses voies de circulation des hommes et des biens s'avèrent être une infrastructure génératrice de dégradations multiples des villages et des paysages naturels et culturels qui les entourent. Tout le long de ces routes, l'urbanisation se prolonge, les terres agricoles disparaissent, la forêt du palmier dattier se rétrécisse, le réseau d'irrigation se détruit et le paysage s'enfuit. Les architectures traditionnelles qui longent la route étaient les premiers éléments du paysage à perdre leurs qualités pittoresques et de plus on s'éloigne de la voie de circulation de plus la palmeraie conserve son potentiel écologique et ses caractéristiques paysagères authentiques.

13.2. La route : facteur accélérateur de l'éclatement et de la dégradation des villages :

Le passage d'une route à proximité d'un village ou à travers son terroir accélère l'éclatement et la dégradation de celui-ci. Dans la plupart des cas, la route a était le facteur incitant les Ksouriens à abandonner leur habitat traditionnel pour bénéficier des avantages de proximité que leur offre la route. Pour cette raison, les Ksour les mieux conservés sont ceux éloignés des voies d'accès.

Figure 21 : La route principale n° 21 (Errachidia - Erfoud) traverse la zone de concentration des Ksour dans la vallée de Ziz à Errachidia.

Figure 22 : La RP n° 21 longeant les Ksour de la vallée.

Figure 23: La route accélère l'abandon et l'éclatement des villages et entraîne un développement linéaire de l'habitat extramuros.

Le gain de proximité dont les riverains d'une route prétendent bénéficier se trouve concrètement annulé de point de vue de la dégradation du cadre de vie et de la banalisation du paysage engendré par l'abandon de leur milieu d'habitat livré à la ruine. Les constructions nouvelles qui le remplacent contredisent les lignes de force du développement local car elles effacent l'originalité du village et intègrent des mises en scène architecturales hostiles au paysage et à la qualité de l'environnement.40

1.3.3. L'attractivité illusoire du modèle urbain :

La diffusion des l'habitat post-ksourien 41 sous forme de quartiers extra-muros, conséquence de l'éclatement des Ksour et de la dépréciation généralisée de l'habitat traditionnel, oppose banalisation à authenticité. Cette forme d'urbanisation trop banale, car elle procède par mimétisme, et ne fait jamais appel au passé, où les lotissements se ressemblent est synonyme d'uniformisation et de falsification de l'identité territoriale des palmeraies de la réserve. Faits de matériaux de construction non adaptés aux conditions climatiques sévères, (béton armé, brique de ciment, verre, acier), sans espaces verts, sans infrastructures ni services de base. Les constructions contemporaines font preuve d'une pauvreté d'imagination. La rupture qu'elle marque par rapport au contexte urbanistique et paysager immédiat et le maque d'identité qu'elles manifestent en sont les caractéristiques les plus frappantes. Cette urbanisation est une forme d'acculturation territoriale qui développe des comportements individualistes. Parce que le paysage est fonction de pouvoir ou d'absence de pouvoir, si dans les conditions du développement urbain de la réserve le paysage de la palmeraie est dégradé, c'est par défaut d'autorité et des règlements peu ou pas appliqués. La loi sur le patrimoine culturel (loi 22-80) et le code d'urbanisme (la loi 12-90) et surtout le permis de construire sont dérégulés en permanence et n'ont pas d'effets à cause de l'absence d'autorité pour l'appliquer. Dans la zone d'étude, la banalisation des paysages ruraux et urbains a des répercussions qui vont au-delà de la simple altération visuelle ou picturale. Elle a aussi des retombées économiques considérables dans ce sens où la dégradation de la qualité paysagère entraîne la perte d'un potentiel fondamental à l'économie de tourisme culturel et écologique, pilier important du développement des oasis. Il est essentiel donc de contenir les changements du mode d'habitat en vue de les orienter et les organiser afin de réduire la dégradation urbaine et les déviations paysagères qui s'en suivent. Il convient de tracer une politique de sauvegarde et de réhabilitation,

40 Les nouvelles constructions qui remplacent l'habitat historique ne manquent pas seulement de l'esthétique mais aussi des infrastructures et des services sociaux de base. Les eaux usées sont rejetées dans des fosses sceptiques creusées dans le jardin de l'habitation et des inquiétudes commencent déjà à s'installer par rapport à la qualité des eaux de la nappe.

41 Dans l'évolution générale de l'habitat des oasis, le terme habitat « post-ksourien » désigne les zones résidentielles qui se sont développées autour

des Ksour et en de leurs murailles comme forme d'habitat postérieure au mode traditionnel. L'apparition de ce mode d'habitat faisant usage de béton armé et de la brique du ciment et d'un tracé où les habitations ont passé de la forme agglomérée à la forme en parcellaire illustre le malaise de l'urbanisation contemporaine des oasis et ses effets sur la déstructuration économique de la société oasienne et la disparition des ses valeurs socioculturelles.

voire de modernisation, des principaux Ksour d'intérêt historique, paysager et écologique. On pourrait envisager l'implication des opérateurs privés pour leur reconversion en équipements touristiques (les auberges, les maisons d'hôtes...) ou en équipements de loisirs et de culture (les écomusées, les maisons d'arts et des métiers traditionnels, les centres culturels, les maisons de jeunes, les centres cinématographiques, etc.). Les nouvelles constructions qui remplacent l'habitat historique ne manquent pas seulement de l'esthétique mais aussi des infrastructures et des services sociaux de base. Les eaux usées sont rejetées dans des fosses sceptiques creusées dans le jardin de l'habitation et des inquiétudes commencent déjà à s'installer par rapport à la qualité des eaux de la nappe. Dans l'évolution générale de l'habitat des oasis, le terme habitat « post- ksourien » désigne les zones résidentielles qui se sont développées autour des Ksour et en de leurs murailles comme forme d'habitat postérieure au mode traditionnel. L'apparition de ce mode d'habitat faisant usage de béton armé et de la brique du ciment et d'un tracé où les habitations ont passé de la forme agglomérée à la forme en parcellaire illustre le malaise de l'urbanisation contemporaine des oasis et ses effets sur la déstructuration économique de la société oasienne et la disparition des ses valeurs socioculturelles.

1.4. L'impact environnemental de l'urbanisation :

Il est vrai que la transformation des palmeraies d'une société agraire à une société urbaine offre des opportunités considérables du développement local. Pourtant, les manifestations de ce phénomène dans le territoire de la réserve posent d'énormes problèmes de maîtrise et d'encadrement.

Figure 24 : Catégories des communes et densité démographique dans les provinces de la RBOSM en 2004

Figure 25 : Carte des palmeraies traditionnelles (zones tampon de la RBOSM)

La concentration des avantages socioéconomiques de l'urbanisation (l'emploi, l'éducation, la santé et les conditions d'habitat) dans les centres urbains et les municipalités, au lieu de favoriser le développement local entraine le basculement des populations rurales vers les communes urbaines

favorisées par les politiques d'aménagement et du développement. L'accroissement de la population urbaine suite à cette dynamique d'immigration interne entraine la concentration des activités économiques et des populations sur les zones tampon de la réserve constituées des palmeraies traditionnelles qui sont les seuls espaces vivriers de la réserve. La superposition des deux cartes précédentes (figure 24) avec celle des palmeraies traditionnelles (figure 25) illustre parfaitement le phénomène de la pression anthropique sur les palmeraies ce qui signifie un empiétement progressif sur les terrains agricoles. Il y a lieu de s'interroger sur les mesures nécessaires pour maîtriser cette dynamique spatiale pour préserver la qualité du milieu urbain et des paysages naturels avoisinants. L'orientation majeure à ce niveau est d'ouvrir les terres incultes à l'urbanisation et de mettre en oeuvre, dans les zones tampon, des documents d'urbanisme en harmonie avec les objectifs du statut de la réserve de biosphère dans le sens de réconcilier la croissance urbaine et la sauvegarde de l'environnement et de la diversité écologique et paysagère. Dans les zones tampon de la réserve, constituées d'écosystèmes extrêmement fragiles et qui repose sur des équilibres précaires, la

sensibilité écologique et paysagère est accentuée par la pression démographique et par l'augmentation continue des besoins en terrains urbanisables.42 De plus, l'urbanisation des zones tampon amplifie tous les phénomènes de dégradation de l'environnement et du paysage mentionnés auparavant tels que la désertification, la dégradation du couvert végétal, l'érosion des terres agricoles, la génération des déchets urbains et des eaux usées. Les populations s'organisent et des associations de protection de l'environnement se mettent en place. Même si leurs actions demeurent

répétitives et de portée locale, il faudrait les encadrer et les renforcer pour faire face au désengagement de plus en plus prononcé de l'État de la gestion de l'environnement. Les problèmes locaux relatifs à l'environnement doivent être hiérarchisés pour fixer les actions à mener en priorité. Cela permettra d'harmoniser les interventions des associations et les lancer par la suite sur des programmes de travail cohérents et concrets.

42 Certaines localités enfermées vers la frontière sont sérieusement en voie de disparition : Bleïda, M'Hamid, Taouz, N'kob, Tazarine.

CHAPITRE II : ÉTUDE DES INCIDENCES PAYSAGÈRES ET ENVIRONNEMENTALES DES MUTATIONS DE L'HABITAT DANS LES ZONES TAMPON DE LA RÉSERVE DE BIOSPHERE :

Nous allons dans ce chapitre illustrer quelques formes de l'incidence paysagère et environnementale de la dynamique contemporaine du développement urbain dans la zone tampon de la RBOSM à travers des cas concrets dans différentes localités de la province d'Errachidia. Ce choix est dicté par un facteur d'ordre professionnel, du fait que cette province est le territoire d'intervention de la délégation du Ministère de la Culture que je dirige, mais le choix est dû aussi à la disponibilité des données sur cette région concernant l'impact de l'urbanisme sur la modification du paysage et la dégradation de l'environnement. Errachidia est également la province la plus importante de la réserve de biosphère en terme de la superficie et du ponds démographique; elle contient la plus large et la plus ancienne palmeraie au Maroc et la plus grande concentration de l'architecture en terre (environ 950 Ksar). Malgré quelle compte seulement 8 communes urbaines sur 47 au total, l'urbanisation a rapidement transformé l'image de cette province et le phénomène urbain pose le problème spécifique de l'habitat traditionnel dans la dynamique territoriale contemporaine. La marginalisation du mode d'habitat local ne concerne pas uniquement la dégradation d'un héritage historique, mais soulève aussi le problème de la perturbation des paysages des de la détérioration de l'environnemental. Outre ce contexte global, l'espace urbain de la province présente une forte dualité morphologique et fonctionnelle entre les terroirs villageois (les ksour et leur milieu environnant) et les mise en scène urbaines et architecturales contemporaines (mimétisme du style européen, zones résidentielles pavillonnaires, lotissements, pôle urbain, centre-ville moderne...). La silhouette des villages qui épouse harmonieusement le paysage de la palmeraie se démarque nettement de l'habitat contemporain coupé des réalités locales. Le village comme unité paysagère et écologique distinctive perd sa cohérence fonctionnelle et esthétique parallèlement au développement urbain qui pose le problème d'adaptation au contexte local et à ses spécificités écologiques. La confrontation et la rupture qui découlent de la juxtaposition des deux style d'habitat antinomiques n'est pas exempt de problèmes fondamentaux pour l'avenir des zones tampon e la réserve et sur les équilibres développés pendant des millénaires entre les populations locales et leur environnement. C'est de l'ampleur de ce phénomène ainsi que des conditions dans lesquelles il a pu se maintenir et se développer que nous allons, dans ce chapitre, tenter, à travers un constat des situations présentes dans telle ou telle localité de cette province, de cerner les modalités visant à mettre les jalons d'une stratégie de sauvegarde de l'environnement et du paysage dans les zones tampon de la réserve dans la perspective d'un meilleur équilibre du territoire de la réserve. Il

est nécessaire de comprendre le la dynamique urbaine contemporaine des palmeraies, d'en constater l'état présent et d'en examiner les incidences sur le paysage et sur le milieu naturel. Ce n'est qu'à travers une telle analyse que l'on pourra définir une certaine logique d'aménagement adapté au contexte de renouveau urbain spectaculaire dans la réserve de biosphère.

Les facteurs du développement urbain dans les palmeraies de la province d'Errachidia :

Le facteur historique : l'influence de colonialisme :

L'administration coloniale s'est implantée à partir des années 1930 en dehors des terroirs villageois dans des emplacements répondant à des impératifs stratégiques en fonction des possibilités que pouvait offrir le site (centre de gravité, lieux d'accès, points hauts, ...) et à des impératifs de sécurité (isolement, ségrégation, contrôle). Ainsi apparaît le germe d'un nouveau mode d'habitat qui s'étend rapidement au coeur des palmeraies donnant naissance de la ville nouvelle du style européen.

Figure 26 : La ville nouvelle de Goulmima crée par les colons français à partir de 1934 au centre de la palmeraie de Ghéris.

Figure 27 : La position de la ville nouvelle de Goulmima entre les deux principaux Ksour traditionnels de la palmeraie (Ksar Aït Yahia et Ksar Igoulmimen).

La création d'un nouveau noyau urbain tramé au coeur de la palmeraie et au centre de gravité de réseau de communication inter-villageois comme cela est illustrée dans le figure ci- dessus constitue un phénomène quasi général dans toutes les palmeraies de la réserve de biosphère, même celle n'ayant pas connu à proprement parlé d'implantation coloniale. L'implantation des colons à l'écart des populations « indigènes » manifeste un acte de ségrégation plus ou moins affirmé qui déclenche la décadence de la civilisation des villages et leur dévalorisation culturelle et économique complètes. Les urbanistes de l'armée coloniale ont pourtant justifié ces pratiques d'occupation du sol par la volonté de conserver l'originalité et l'intégrité des tissus urbains traditionnels par la construction loin des villages.

Le facteur économique :

L'entrée des oasis dans la sphère urbaine a entraîné la monétarisation de l'économie locale et par conséquence, l'apparition de nouvelles structures économiques complètement séparées du réseau des villages sur le plan des circuits et production et d'échange. Le dédoublement des fonctions économiques des oasis et l'apparition du commerce urbain a rapidement entrainé la décadence de l'économie villageoise. De nouveaux axes d'échanges et les voies de circulation automobile font leur première apparition dans les palmeraies entrainant des dysfonctionnements dans la vocation dominante des villages. N'ayant pas tenu compte de la structure territoriale des villages et de leur potentiel écologique et paysager, l'infrastructure routière liée aux nouvelles productions et introduit dans les palmeraies de nouvelles contraintes. Ces facteur a renforcé le

développement de la ville nouvelle et son importance dans les programme du développement local au dépend du réseau villageois traditionnel.

Le facteur démographique :

La croissance démographique et l'extension de la ville nouvelle ont accéléré l'abandon des villages devenus symboles de pauvreté et de la vie paysanne. La marginalisation des villages dans les programmes du développement local a entrainé un afflux des populations rurales vers le milieu urbain et l'apparition de quartiers spontanés en périphérie des zones urbanisées. Il en résulte une augmentation massive de la population du milieu urbain; et les villages allaient perdent à jamais une grande partie de leurs habitants. Par contre, la ville « nouvelle », qui représente un poids démographique élevé occupe en comparaison à celui du village, une emprise territoriale beaucoup plus considérable.

Incidences particulières sur le paysage villageois :

Développement compact autour du village :

Dans certains cas, et pour des raisons liées aux données du site (relief, nature des sols, réseaux de circulation) ou aux rôles et poids des fonctions respectives entre le village et « la ville nouvelle», la forme du développement urbain est concentrique ou continue. Pour les agglomérations qui se sont étendues d'une façon compacte et progressive autour du village, les conséquences du développement urbain se caractérisent par l'étouffement du celui-ci. La ville nouvelle toute proche cerne les vieux quartiers de tout son poids, tend à les envahir et à gommer leur originalité et leurs caractères spécifiques. Il se produit de part et d'autre de l'ancienne limite du village, par destruction ou absorption des murailles, des phénomènes de transfert tant sur le plan fonctionnel (hôtels, transformation de commerces traditionnels, garages, échoppes, café...) qu'à celui de la nature du tissu (remplacement de maisons anciennes par des nouvelles habitations, élargissement des pistes pour la circulation automobile...). Le noyau historique est alors englobé par l'ensemble du nouveau tissu urbain, avec ou sans conservation de zones intermédiaires non encore urbanisées (terrains de culture, palmeraie, aires commerçantes occasionnelles). Ce type du développement a été même quelquefois jusqu'à asphyxier le village et engloutir complètement sa silhouette et sa visibilité architecturale et son éclat esthétique. De ce fait, la proximité de « la ville nouvelle » et la désagrégation plus rapide qui en résulte fait perdre aux villages leur identité et appauvrit l'homogénéité de leurs habitants.

Figure 28 : Ksar Abou `am dans la ville de Rissani (Errachidia)

Dédoublement de l'emprise urbaine :

a. Cas des composantes juxtaposées :

Dans le cas où le centre urbain s'est formé par juxtaposition, plus ou moins immédiate au village, ce mode du développement de l'habitat a surtout été adopté soit parce que le site du village ne présentait pas de potentiel d'extension suffisant (palmeraie, reliefs, coupures, cours d'eau...) soit par décision délibérée de création urbaine. Dans la zone d'accroche entre les deux formes d'habitat se déploient localement des pressions et de projections « occidentalisées » du nouveau noyau sur l'ancien.

Figure 29 : Développement de l'urbanisation le long des axes de liaison entre le Ksar et le centre ville.

Cette dynamique détermine une zone d'influence plus ou moins intégrée aux deux tissus à la fois au niveau du bâti et des fonctions. La frange du village constituée par un habitat sous-intégré détermine dans ce cas une zone de dégénérescence des structures économiques (diminution des moyens, abaissement du niveau de vie) et par là du cadre bâti et du milieu naturel. Dans ce cas de figure, le développement de l'habitat autour du village inscrit dans le paysage des mises en scènes urbaines qui posent des problèmes d'unité structurelle et paysagère de l'agglomération et de liaison entre les composantes traditionnelles et contemporaines. Les solutions à mettre en oeuvre pour résoudre ces problèmes doivent tenir en compte le poids respectif des deux entités différentes par leur tissu, leur vocation et leurs fonctions d'une part, et éventuellement par les caractéristiques des terrains les séparant d'autre part.

c. Éclatement autour du village :

Dans des configurations des sites extrêmement morcelés, soit à cause des mouvements prononcés du relief, soit à cause du tracé du maillage des voies de communications éloignées du terroir du village (routes, cours d'eau), certains développements urbains se sont opérés à partir du premier noyau urbain moderne par deux formes différentes : en tâche d'huile par satellisation sur les voisinages du site ou en forme linéaire de préférence le long des voies de circulation.

Figure 30 : Éclatement en tâche d'huile de l'habitat autour des Ksour dans la palmeraie de Goulmima (Errachidia)

Quand le Ksar se trouve plus ou moins isolé au sein d'un dispositif urbain fragmenté, il a eu tendance à conserver son identité tout en développant hors de ses limites et le long des voies d'accès, en direction des autres composantes plus récentes, à travers des extensions de caractère traditionnel mais sous-intégrées (quartiers spontanés), car plus liées au monde rural à cause de relations physiques directes. Les nouvelles constructions venant s'accrocher au village engendrent ainsi une asphyxie paysagère comme dans le cas du Ksar englobé dans la ville nouvelle. Ces deux modes d'extension urbaine ont eu pour conséquence le développement des agglomérations désarticulées, où les composantes se trouvent isolées les unes des autres au sein d'un vaste territoire, déterminant des zones interstitielles importantes non urbanisées ou non urbanisables. Par rapport aux diverses composantes de la partie nouvelle de l'agglomération qui, pour être séparées les unes des autres, n'en sont pas moins reliées entre elles par des réseaux et des circuits de même nature, le noyau historique, lui, reste souvent réduit à son site propre. Moins sujet aux pressions de la ville moderne et au mimétisme urbain, le village garde plus facilement son tissu urbain caractéristique, sa structure originelle et son cachet traditionnel.

d. Effets sur la structure des terroirs villageois :

Ne pouvant pas s'inscrire dans les préoccupations des planificateurs, les villages, avec leurs cohérences et leurs particularités, sont écartées des nouvelles orientations de l'aménagement du territoire, même lorsqu'on a prétendu vouloir les conserver. En effet, les villages sont souvent considérés comme des vielles bâtisses incapables de satisfaire des besoins nouveaux. C'est ainsi qu'ils sont soit « évités » par les dispositions des documents d'urbanisme (séparées de la ville

nouvelle par de grandes voies de circulations, isolées des nouvelles extensions urbaines), soit traversées par des axes routiers destinés à relier les nouvelles composantes de la ville, soit partiellement détruits pour récupérer des terrains nécessaires à la nouvelle expansion. L'extension urbaine a entraîné ces dernières années des phénomènes de spéculation foncière inhérente au nouveau système urbain, ayant par conséquent le basculement des villageois vers les centres urbains et le début d'un processus de paupérisation et de dégradation du vieil habitat.

Le présent : Multipolarité et dualité spécifiques :

A cette division « village » et « ville nouvelle » correspond souvent l'existence de deux pôles distincts, recouvrant une répartition bicéphale des activités, des équipements et des fonctions et des dualités fortement marquées :

Dualité morphologique :

La dualité la plus apparente qui caractérise l'urbanisation des zones tampon de la réserve est certainement celle qui concerne la différence des formes urbaines du Ksar et de la ville nouvelle qui l'entoure ou le côtoie. D'un côté, le bâti homogène, aggloméré, dense, bien délimité dominé par son caractère défensif et parfaitement implanté dans le paysage de la palmeraie, de l'autre, le tissu urbain moderne plus lâche, inorganisé, souvent spontané et clandestin plus tramé et aux périphéries moins définies où un réseau viaire automobile desserve des quartiers d'immeubles et de villas de facture occidentale, moins adaptés au climat, et qui casse l'harmonie paysagère.

Dualité culturelle :

Il est bien évident que le Ksar reste le gardien des traditions culturelles et sociales. La civilisation des oasis s'y transmet et y est entretenue. La permanence du patrimoine urbain contribue à la continuité de ses valeurs sociales et ses traditions architecturales. Les manifestations les plus importantes se déroulent dans son cadre, les activités artisanales et artistiques originales s'y perpétuent. Par rapport à ce creuset de la tradition, la ville nouvelle inspirée par des formes urbaines externes au contexte oasien ne présente aucune attache avec la culture locale dans sa cohérence et son unicité. Les modes de rencontre, de contact, d'activité y sont différents, les intérêts culturels font plus référence à ceux de l'Occident. Par ailleurs, la "ville nouvelle" est le centre politico- administratif, faisant passer en second plan, le rôle et l'animation du village.

Dualité fonctionnelle :

Le Ksar s'appuie sur un ensemble cohérent de fonctions urbaines qui servent de base à la vie économique et sociale villageoise et qui s'adapte difficilement aux nouvelles orientations de la

société. Suite au développement urbain, sont apparus un certain nombre d'éléments fonctionnels nouveaux liés à un mode de vie contemporain et a un système de plus en plus modernisé. Les deux modes des fonctions en présence dans les oasis s'opposent souvent, car le type de production et de consommation offert par la « ville nouvelle », fait pression sur le village. Plus puissante, mieux inscrite dans les politiques du développement et disposant de plus de moyens financiers, la ville tend à freiner les fonctions traditionnelles des villages.

Tendances, problèmes et atouts des villages :

Les divers constats relatifs aux villages, au plan de leur localisation, de leur évolution et du dualisme qui caractérise leurs rapports avec « la ville nouvelle », montrent que le paysage naturel et culturel des palmeraies est devenu ou tend à devenir une composante marginale de l'ensemble du territoire oasien. En effet, les villages perdent progressivement leur poids dans le système productif et économique local et face aux moyens techniques et financiers qui supportent le développement de la ville nouvelle, le rôle des villages apparaît de moins en moins intégré à la vie urbaine. Parallèlement à l'affaiblissement et à la dégradation des structures villageoises, les périphéries des centres urbains regroupent de plus en plus une population aux ressources très limitées d'origine rurale. Cette ruralisation de la ville oasienne, facteur de marginalisation, est une source majeure de dégradation de l'environnement et du paysage en périphérie des centres urbains, lesquelles sont situées à un niveau d'intégration urbaine spécifique, intermédiaire entre le village et la ville nouvelle. La « ville nouvelle », lorsqu'elle assimile progressivement les villages environnants, du simple grignotage à la disparition partielle, entraîne aussi la destruction des surfaces agricoles par leur remplacement par des zones résidentielles et par là une avancée de la ville nouvelle sur les zones tampon. Il en résulte un bouleversement du territoire de la réserve et un émiettement des terroirs villageois et à terme leur effacement définitif. Avec un tissu urbain au bâti ancien, très dense, enchevêtré et aux rues étroites, piétonnes et très hiérarchisées, les Ksour sont aujourd'hui, peu adaptés à une amélioration aisée des infrastructures et des réseaux modernes (desserte automobile, assainissement, collecte des ordures, alimentation en eau...) auxquels la population locale pourrait prétendre. La difficulté pour le tissu urbain traditionnel de répondre aux nécessités quotidiennes d'une croissance démographique importante et la dégradation de ce tissu constituent les premiers facteurs de la dégradation de l'environnement et du paysage des palmeraies.

Essai de synthèse :

Les facteurs et les modes de croissance des centres urbains oasiens, la bipolarité des formes urbaines, les dualités spécifiques qui les caractérisent et les incidences que ces phénomènes

induisent sur l'environnement et le paysage sont autant de réalités qui amènent à un constat global

: les villes oasiennes ont subi, dans leur développement, une rupture brutale de forme, de structure et de vocation entre deux registres urbains différents. Une tradition urbaine locale longuement mûrie, issue de valeurs culturelles et paysagères très fortes et de conditions climatiques et écologiques particulières, et une "colonisation urbaine" occidentale attaché aux références gréco- latines. La juxtaposition des deux traditions a caractérisé la rupture des paysages de la palmeraie et a accentué la prépondérance de l'urbanisme le plus récent sur le plus ancien. Il en résulte des villages en déclin, souvent marginalisés, de plus en plus dégradés et pour lesquels se posent aujourd'hui des problèmes aigus de survie. Cette tendance au déclin des villages constitue un phénomène fortement généralisé dans la zone de la réserve de biosphère car elle est la conséquence de politiques urbaines très peu cohérentes et inefficaces. Ce processus a entraîné une saturation des villages et la multiplication de zones de "sous-habitat" ou de lotissements non planifiés dont la mauvaise intégration spatiale et socioéconomique contribue largement à la désarticulation urbaine et fonctionnelle des palmeraies. Dans un tel contexte, le déclin des villages de la réserve de biosphère ne peut que s'accélérer si, d'une part des actions d'ensemble ne sont pas entreprises pour maîtriser les extensions urbaines et rééquilibrer les agglomérations, et si d'autre part, simultanément, des interventions ne sont pas mises en oeuvre pour résoudre les problèmes socioéconomiques internes aux villages, en tenant compte, de leur vulnérabilité particulière, et des atouts dont ils peuvent encore disposer. Car les villages des palmeraies représentent, non seulement une référence de civilisation mais également un modèle urbain qui a fait ses preuves pendant de longues générations et un élément d'équilibre nécessaire dans l'évolution actuelle des oasis.

CHAPITRE III : PERSPECTIVES DU DÉVELOPPEENT DES PALMERAIES ET ALTERNATIVES D'AMENAGEMENT :

Les terroirs des palmeraies : Conditions et atouts d'une survie

Que l'on se place dans des perspectives de conservation, de réhabilitation, de restructuration ou d'intégration, ce sont les principes du programme Mab et les dispositions de la stratégie de Séville sur les réserves de biosphère qui devront orienter les possibilités d'aménagement dans le but de concrétiser les objectifs du statut de la réserve de biosphère de l'UNESCO. Quand les approches de développement local s'inscrivent dans cette optique, les palmeraies offrent un cadre d'interventions et de gestion relativement facile à aborder. A l'opposé, lorsqu'elles sont tiraillées entre des intérêts divergents, les contraintes dues à l'optimisation des choix et à la prise des décisions rendent les actions éventuelles moins aisées. La valeur et l'intérêt du patrimoine, des circuits fonctionnels des villages et la solidarité qui caractérise les populations peuvent constituer un atout non négligeable pour la recherche de solutions menant à une survie des palmeraies. Si les villages présentent encore un caractère polarisateur du point de vue culturel et social et s'ils participent toujours à un apport économique quelque peu considéré, ils revêtent une valeur historique et paysagère considérable pour la communauté locale, nationale et internationale qu'il conviendrait d'entretenir et de préserver pour les générations futures. Si l'on tient compte des atouts écologiques et paysagers des palmeraies et leurs valeurs économiques, l'on a avantage à améliorer le cadre de vie des populations et préserver l'environnement naturel d'autant plus qu'elles bénéficient de deux statuts internationaux de protection. Cette amélioration du cadre de vie peut nécessiter relativement peu de moyens, si elle est accompagnée d'une participation des habitants et de l'utilisation des savoirs écologiques traditionnels (SET) hérités du génie oasien. A terme, il s'agit d'arrêter la dégradation de des palmeraies et de ses richesses paysagères et de les intégrer dans la vie urbaine tout en conservant leur identité.

La sauvegarde stérile et la sauvegarde dynamique :

a. Un témoin de passé : la conservation « stérile » :

Une stratégie de conservation qui ne concernerait que la restauration des monuments historiques les plus remarquables tend à limiter le rôle des villages à celui de témoin du passé et de documents d'histoire. Par la définition qu'elle donne au patrimoine culturel en insistant sur le caractère historique, scientifique, artistique ou archéologique, la loi sur la conservation du patrimoine culturel (loi 22-80) encourage cette tendance sélective de protection. Cette conservation a déjà montré ces limites quant à sa contribution réelle au développement local car elle n'intéresse finalement que des "objets" architecturaux isolés de leur contexte urbain et n'interfère pas sur les conditions humaines

environnantes. Cette conservation qu'on peut qualifier de « stérile » ne répond souvent qu'aux préoccupations des opérateurs touristiques. Elle se résume souvent en une remise en état un peu factice des monuments principaux et des cheminements y conduisant (traitement des sols, actions sur les façades, réfection des enduits et des ornements, etc...) conférant au monument une vocation de "musée" à travers la reconstitution du décor architectural.

b. Un pôle d'attraction économique : la sauvegarde "dynamique" :

Une redéfinition du village en vue d'en faire un centre de rayonnement et d'activités rentables peut constituer une vocation précise pour le développement des oasis. Ceci se justifie d'autant plus quand le village présente encore un potentiel paysager et environnemental considérable et qu'il garde un certain impact économique. Dans le contexte dépersonnalisé des palmeraies, il s'agira d'une revalorisation de la part du paysage naturel et culturel qui caractérise les terroirs villageois et d'amplifier leur rôle dans ce domaine. Afin de maintenir l'identité des palmeraie, une sauvegarde plutôt "dynamique", renforçant en premier lieu les spécificités locales et le renforcement des structures de production traditionnelles et une amélioration d'ensemble du cadre urbain pour rendre ce dernier plus propice, plus salubre, plus humain et plus attractif et plus rentable. Un tel choix nécessite la définition d'objectifs précis et la recherche de méthodes et de moyens appropriés et une action globale planifiée dont l'initiative revient aux collectivités locales. Tous ces aspects doivent être conditionnés par des préoccupations systématiques visant à la mise en oeuvre du statut de la réserve de biosphère à traves la conservation et le développement des activités locales et le maintien de la population dans des conditions de vie meilleure. Il peut paraître nécessaire, dans l'optique d'une nouvelle évolution puisant aux sources du développement humain durable, de chercher à retrouver pour les palmeraies une nouvelle cohérence en conjuguant la conservation avec une adaptation à la nouvelle réalité urbaine et économique de la société oasienne. Cet objectif visant à réanimer les palmeraies tout en s'inscrivant dans le contexte contemporain du développement urbain, peut être atteint par une intervention globale recouvrant notamment :

ï Une relance économique des secteurs productifs et commerciaux, les moins nuisibles et les moins exigeants au plan des accès, alliant les modes de production traditionnels à une évolution des systèmes de gestion et de financement;

ï Un rééquilibrage de la population au plan urbain en favorisant l'installation dans les villages de populations importante, ce brassage nécessitant la recherche de nombreux attraits en matière de qualité de vie susceptibles de primer sur les contraintes inhérentes à la morphologie des villages;

ï Une amélioration du cadre urbain par la réhabilitation du bâti; aménagement des voies et restructuration des réseaux conjuguant l'intérêt, le caractère et l'adéquation des actions d'aménagement au milieu naturel.

Des choix cohérents pour un aménagement global :

A partir du moment où une vocation précise a été définie pour le développement des palmeraies, des choix d'aménagement d'ensemble doivent être pris pour préciser la place accordées aux particularités locales. Le premier problème qui se pose est celui de la valorisation des paysages, dans la mesure où la centralité du milieu urbain l'emporte sur le reste des composantes du territoire. Cette centralité repose en général sur les forces d'attraction du centre urbain dans l'ensemble de l'agglomération. Ainsi les villages finissent par être déprimés avec le temps par asphyxie ou par abandon. Les tentatives de restructuration qui existent ne concernent que les villages situés dans les communes dotées d'un plan d'aménagement urbain mais sans prendre en compte réellement le rôle capital de l'environnement et du paysage qui représentent les éléments essentiels de la vitalité et de la spécificité des palmeraies.

a. Équilibre et complémentarité des composantes urbaines:

La forme de développement urbain qui caractérise les villes oasiennes parait discontinue, dispersée, voire anarchique, à l'opposé de l'image cohérente, progressive et unifiée qu'offre le noyau traditionnel à travers son développement au fil du temps. A cette forme désarticulée qui laisse, à l'intérieur du tissu urbain, des espaces libres non-affectés et continue d'appréhender le site de la même façon (pour des raisons spéculatives, d'opportunité ou d'insuffisances de politique d'aménagement) correspond, un déséquilibre flagrant des parties constitutives de l'urbanisation récente au plan de la répartition des fonctions et des types, qualités et densités d'habitat ainsi que des caractéristiques sociodémographiques des quartiers. De plus, ces disparités morphologiques, fonctionnelles et démographiques semblent souvent avoir tendance à se prolonger au fur et à mesure que l'urbanisation moderne se développe ce qui ne constituent pas des conditions favorables à une revalorisation des tissus anciens, délaissés et dévalorisées en parallèle avec le développement urbain. Dans la logique d'une revalorisation du paysage des palmeraies, se pose le problème difficile du traitement de ses abords des villages. Que le Ksar bénéficie d'une zone périphérique non-bâtie, ou se trouve au contraire, totalement englobée dans des tissus plus récents, l'aménagement de la zone qui la ceinture doit impérativement obéir aux objectifs principaux suivants :

ï Assurer le débouché convenable des voies automobiles extérieures qui mènent au centre ville moderne ;

ï Permettre l'amélioration de ses accès par un réseau de voirie approprié ;

ï Constituer dans la mesure du possible, une zone de protection non constructible et de mise en valeur bordant le Ksar et soulignant physiquement son unité et sa qualité paysagère.

b. Exigences et fragilité du milieu :

Avec une volonté affirmée de réanimer la palmeraie, et une fois prises les options relatives à son rôle, son intérêt, son apport et son intégration dans le cadre de l'agglomération nouvelle, la valorisation de son potentiel paysager et environnemental doit passer par des réponses aux problèmes intérieurs posés par le milieu. Les principales contraintes à ce type de revalorisation sont imputables à la fragilité du milieu naturel et l'extrême pression de l'habitat sur l'environnement et le paysage. Du coût, toute intervention ayant, pour objectif de remodeler, même légèrement, telle ou telle aspect du paysage ou de réorganiser telle ou telle structure fonctionnelle, entraîne des répercussions sensibles à tous les niveaux de la palmeraie. L'interférence contenant / contenu rend toute action d'aménagement extrêmement délicate, difficile à maîtriser quant à ses conséquences, voire même dangereuse pour l'organisme cohérent que constitue une palmeraie. Aussi, la percée d'une voie de circulation étrange au système urbain oasien est susceptible de porter atteinte grave à l'homogénéité et la cohérence d'une palmeraie sinon bouleverser totalement l'équilibre de ses paysages. Tout en écartant donc les méthodes de valorisation qui risqueraient d'être fatales à la cohérence des palmeraies, par leur brutalité face à un milieu d'une extrême sensibilité, des aménagements bien étudiés progressifs et moins traumatisants sont nécessaires.

Essai de synthèse :

De tout temps, les palmeraies ont traversé des périodes de fluctuations et de transformations qui ont laissé leurs empreintes parfois brutales mais toujours adaptées aux données constantes des conditions locales. Elles n'ont relativement pas provoqués de graves conflits tels qu'ils apparaissent aujourd'hui. Bien sûr, les palmeraies des époques historiques très anciennes ont connu successivement des rayonnements et des déclins, mais elles ont malgré tout survécu et elles sont arrivées jusqu'à nous, grâce à une dynamique conservatrice très forte. Dans le contexte contemporain, tourné vers une modernisation grandissante et un mode de consommation induisant une urbanisation accélérée, très vulnérables pour résister aux poussées du « modernisme », les palmeraies de la réserve de biosphère se dégradent et se marginalisent de plus en plus. C'est

pourquoi il importe de les sauvegarder à cause du potentiel paysager et environnemental qu'elles représentent, du creuset de la civilisation présaharienne qu'ils constituent, et du fait de leur apport économique considérable. Les aménagements qui ont touché les palmeraies et qui avaient pris leur cohérence en compte avec plus ou moins de respect, montrent, à travers les enseignements que l'on peut en tirer, qu'une adaptation des nouvelles mises en scènes urbaines au contexte local est une solution dont les effets sont bénéfiques pour les humains et pour leur environnement. Car il s'agit de conserver d'une manière souple et évolutive l'harmonie entre les deux. Rendre aux palmeraies leur rayonnement et leur force attractive doit constituer un objectif primordial des politiques d'aménagement et du développement. Au vu de ces constats, on peut esquisser quelques conclusions majeures qui devront servir de base pour la formulation des orientations pour un projet de territoire objet de la dernière partie de ce travail :

Le problème des oasis est tout d'abord politique : Elles ont besoin d'un projet d'ensemble basé sur des actions du développement claires et ciblées, des axes d'intervention hiérarchisés et spatialisés. Elles ont également besoin d'un support réglementaire pour encadrer les interventions et les différentes opérations de développement. Il est donc urgent de :

· Promulguer des mesures réglementaires et institutionnelles spécifiques aux oasis (nouvelle échelle de planification, nouveau découpage administratif, nouvelles institutions de gestion);

· fédérer les diverses institutions intervenant dans les oasis pour harmoniser les interventions et mieux cibler les acteurs;

· imposer des conditions strictes pour l'utilisation des ressources naturelles (l'eau et le sol).

Le problème des oasis, c'est aussi une question d'approche et de méthodologie : Il nécessite d'autres niveaux d'intervention territoriaux pour le développement rural; l'initiative lancée par le PNUD pour les palmeraies de la province d'Errachidia (annexe 01), pourrait constituer une solution à la crise des oasis. Dans le même sens, il faudrait adopter les approches intégrées et horizontales dans la promotion des projets, associer les acteurs locaux dans l'identification des besoins et la mise en place des programmes de développement. La fragilité du milieu requiert la création d'une institution pour le suivi et l'évaluation. Un Observatoire des Oasis pourrait être créé afin de suivre les tendances et cerner les urgences. Ces actions et ces programmes doivent être soutenus par des mécanismes et des instruments de financement spécifiques et par une politique d'aménagement du territoire particulièrement active.

TROISIEME PARTIE : « LE PROJET DE TERRITOIRE » : APPROCHE ET ÉLÉMENTS MÉTHODOLOGIQUES

CHAPITRE I : LA DÉMARCHE DU « PROJET DE TERRITOIRE » :

Qu'est-ce qu'un « projet de territoire » ? :

Le concept de « Projet de territoire » est la combinaison de deux notions : celle de « Projet » qui signifie « la projection, l'idée de ce que l'on veut construire dans le futur », et celle de « Territoire » qui signifie un espace vécu, homogène et approprié par ses habitants qui se sentent partager le même destin. Le « Projet de territoire » évoque alors une vision à long terme du développement local de l'espace vécu et se construit en fonction de la mobilisation des acteurs locaux.43

Historique :

La notion du « projet de territoire » est apparue dans les pays d'Europe avec l'évolution de la régionalisation pendant les trois dernières décennies. Le courant régionaliste, soutenant l'idée que les territoires défavorisés ont la possibilité de se développer en mobilisant leurs propres ressources, constitue les bases de l'émergence de la notion du « projet de territoire ». La remise en cause du fonctionnement descendant de l'État et des approches dirigistes du développement conduit à l'éclosion d'un besoin nouveau; celui d'actions faisant participer la population dans une démarche ascendante. Les collectivités locales deviennent alors l'échelon approprié pour concevoir le développement du territoire. La philosophie du « projet de territoire » naît donc avec celle de l'auto- développement exprimée à travers la démocratie locale et la participation des populations locales à la prise de décision.

Principe :

Le « projet de territoire » est une initiative locale et volontaire construite et animée par les acteurs locaux pour réagir aux contraintes et aux menaces auxquelles leur territoire est confronté, et saisir les enjeux et les opportunités du développement qu'il recèle. Étant un cadre fédérateur, le projet de territoire permet de donner une identité commune à l'espace vécu et de bâtir une vision partagée en particulier lorsque le territoire se trouve face à des déséquilibres qui peuvent engendrer un sentiment de fatalité et une perte de confiance dans son avenir, le cas notamment des palmeraies du

43 Pour en savoir plus sur le Web : www.projetdeterritoire.com

L'union nationale des structures et des acteurs du développement local (www.unadel.asso.fr) L'association pour la démocratie et l'éducation locale et sociale www.adels.org

sud Marocain. Les acteurs locaux peuvent alors s'organiser autour des idées et des actions communes et lancer un projet de territoire afin de prévenir la crise.

Les acteurs d'un projet de territoire :

Être acteur d'un territoire signifie prendre une part active à son développement. Les acteurs d'un territoire sont donc tous ceux qui participent à la vie du territoire : les élus, les associations, les entreprises, les professionnels, les planificateurs, les acteurs économiques et institutionnels mais aussi les populations locales. Un projet de territoire suppose l'implication de l'ensemble des partenaires et des forces vives du territoire, et les objectifs à atteindre doivent être fixés et mis en oeuvre collectivement.

Processus d'élaboration d'un « projet de territoire » :

Un « projet de territoire » doit prendre en compte dans les actions à mener les quatre piliers du développement durable (L'économie, la société, l'environnement et la culture). Il s'appuie sur le diagnostic des atouts, des faiblesses, des opportunités et des menaces qui pèsent sur le territoire et fait le point des actions du développement déjà menées et propose d'autres pour l'avenir. Sa mise en oeuvre repose sur la signature d'une « charte intercommunale » qui affirme une volonté politique marquant l'adhésion des différents partenaires. Pour mesurer l'impact du projet sur le territoire dans sa globalité, un programme de suivi et d'évaluation permanent est indispensable. Au cours de l'élaboration d'un « projet de territoire », les habitants prennent conscience du territoire au fur et à mesure que celui-ci leur apparaît par les actions qui y sont menées. Le bassin de vie dans le milieu urbain, et l'intercommunalité dans le milieu rural, se révèlent souvent l'échelle la plus

pertinente à l'émergence d'un projet commun.44 De ces éléments de définitions il ressort qu'un

projet de territoire est une projection du devenir d'un territoire partagé. Le constat de partage d'un même territoire et d'un héritage socioculturel, environnemental et paysager commun président à la constitution du projet de territoire. Document de planification stratégique et de prospective territoriale, il se construit sur la base de la vision du devenir souhaitée d'un groupement de communes. Il part de la mise en évidence des points de convergence des programmes du développement de chacune de ses entités territoriales et de leur solidarité et interdépendance dans le domaine du développement local. La nouveauté de cette démarche est la prise en compte des contraintes, des enjeux et des opportunités de développement en présence sur le territoire local. Dans l'optique de développement durable, les structures locales doivent donc se doter des outils

44 Didier MINOT, « Le projet de territoire : élaboration et conduite partagées d'un projet de territoire », éd. La Bergerie Nationale, 2001.

leur permettant de donner vie à leur vocation territoriale et aux ressources spécifiques de leur territoire. Cela passe par la définition d'une vision stratégique exprimée dans un projet de territoire.

De point de vue de la procédure d'élaboration, un projet de territoire doit passer par trois étapes majeures :

Inspiré de « la charte paysagère : outil d'aménagement de l'espace intercommunal », fédération des parcs naturels régionaux de France, la documentation française, Paris 1995, p 44

Figure 31 : les étapes du processus d'élaboration d'un projet de territoire

La phase d'étude (le diagnostic):

Cette étape permet de comprendre et de penser l'occupation de l'espace. Elle consiste à identifier les Forces, Faiblesses, Opportunité et Menaces du territoire intercommunal afin de dégager les carences en matière de développement local et les atouts à fructifier pour leur apporter des solutions appropriées. Au traves d'un diagnostic environnemental et paysager, il s'agit de cerner l'identité écologique et paysagère du territoire et ses spécificités patrimoniales, et d'en évaluer le potentiel et les dynamiques d'évolution. Le diagnostic est un travail qui doit être élaboré en étroite collaboration avec les élus, les populations locales et les partenaires socioprofessionnels et associatifs.

La définition des choix stratégiques intercommunaux (le projet) :

Les résultats de diagnostic territorial intercommunal seront débattus dans des ateliers de concertation locale autour d'une table de négociation (forum d'acteurs) pour réguler les divergences d'intérêts et construire une vision d'ensemble de territoire qui facilitera la définition concertée des priorités du développement et d'aménagement intercommunal. Il s'agira dans notre

cas de mettre en évidence les grandes orientations d'action en faveur de l'environnement et du paysage. Ces orientations fixeront un programme de résorption des « points noirs » paysagers et écologiques et la mise en place des principes d'intervention paysagère pour les aménagements futurs. Elles détermineront aussi des règles d'occupation de l'espace, en définissant la vocation majeure des entités du territoire à la lumière de leur intérêt environnemental ou paysager.

La validation du projet (le contrat) :

La signature d'un contrat intercommunal, point culminant de projet de territoire, servira de base pour l'encadrement réglementaire des engagements pris autour de la table de négociation et aboutira à leur concrétisation à traves des actions du développement ciblés. Le contrat est le document qui fixe par écrit les orientations et les choix stratégiques que se sont fixés les partenaires pour le devenir du territoire. Ce document, qui précise aussi les moyens à engager, est signé par chaque élu du groupement des communes et les partenaires qu'il associé à son action. Chaque signataire s'engage à respecter dans son action quotidienne les orientations définies en commun et à mettre en oeuvre. Un suivi des réalisations doit accompagner toutes les étapes d'élaboration du projet, et doit être effectué par un comité de pilotage et d'évaluation. Le programme de suivi- évaluation permettra d'identifier les lacunes et les points forts du projet en cours et fournira des enseignements pour les projets ultérieurs.

Impulsion et gestion du projet de territoire :

Dans le contexte d'une coopération intercommunale, la réalisation d'un projet de territoire s'appuie sur la définition d'une « charte » qui est la feuille de route du projet, véritable cahier des charges définissant le périmètre du projet et intégrant le diagnostic territorial, la stratégie de développement à moyen et à long terme, les champs couverts par le projet, les acteurs en présence et le rôle de chacun dans la mise en oeuvre du projet. Compte tenu que tout projet demande un organe chargé de sa mise en oeuvre, cette feuille de route doit être élaborée par les collectivités territoriales en partenariat avec les organes représentatifs de l'État pour s'assurer de la cohérence de la stratégie du territoire avec les orientations définies au niveau national. Dans le cadre d'un projet de territoire est généralement créé un comité regroupant non seulement les représentants des collectivités locales mais aussi les acteurs concernés par la mise en oeuvre du projet (les associations, les opérateurs touristiques, les acteurs économiques, les élus...). Cet organe assure à la fois la mise en oeuvre et l'adhésion de tous les partenaires au projet. Il est aussi nécessaire de mettre en place des modes de contractualisation qui permettent d'articuler les projets de

développement local avec les projets sectoriels de l'État pour assurer la cohérence entre le niveau national et local.

Projet de territoire et enjeux du développement durable :

L'enjeu social :

Tout projet de territoire doit influer sur le dynamisme et la qualité de vie au sein du territoire concerné. Le projet envisagé permet-il d'impulser des initiatives partagées et solidaires répondant aux attentes et aux demandes légitimes de sa population ?

L'enjeu économique :

Tout projet de territoire doit favoriser le progrès économique du territoire. Le projet élaboré a-t-il un impact positif sur les différents secteurs économiques locaux ?

L'enjeu environnemental :

Tout projet de territoire doit veiller à l'équilibre entre le développement local et la préservation des ressources naturelles, des espaces vitaux. Le projet préparé a t-il identifié ce capital et anticipé sur les menaces potentielles de dégradation ?

L'enjeu culturel :

Tout projet de territoire doit prendre en compte le patrimoine historique du territoire, ses spécificités paysagères et son identité culturelle. Le projet préparé a-t-il identifié le potentiel paysager et patrimonial et proposé des actions de sauvegarde et de valorisation en relation avec les secteurs économiques ?

Les questions majeures face à un projet de territoire :

Douze questions majeures sont à poser face à un projet de territoire. Elles sont subdivisées en deux catégories : 5 questions amont et 7 questions méthodologiques (Voir tableau suivant):

Tableau n° 2 : les questions majeures face à un projet de territoire.

Les questions amont :

1 - A quel(s) objectif(s) doit répondre le projet de territoire ?

Il est primordial de déterminer de façon claire les ambitions que se donne le maître d'ouvrage, sa vision de l'avenir du territoire à court, moyen et long terme, puis les objectifs plus précis du projet à mettre en oeuvre définis à l'issue de la phase de diagnostic.

2 - Quelle est l'échelle pertinente pour le projet de territoire ?

Le périmètre géographique sur lequel portera le projet de territoire peut varier selon les situations. C'est une question fondamentale à résoudre avant l'engagement de la démarche, en s'appuyant sur un certain nombre de critères (objectifs à atteindre, fonctionnement du territoire, structuration institutionnelle, découpage administratif, cohérence des paysages...). Pour notre cas, en raison de l'immensité du territoire de la réserve de biosphère, et comme nous allons le voir dans cette partie, l'échelle intercommunale (groupement de communes) présente plusieurs avantages d'ordre institutionnel et technique et des facilités de coordination. L'unité paysagère est déterminante dans le choix d'une échelle territoriale pour l'implantation d'un projet de territoire. Les communes à cheval sur une même unité paysagère (une palmeraie partagée par deux ou plusieurs communes par exemple) peuvent être objet d'un même projet de territoire.

3 - A quelle échelle temporelle le projet de territoire doit-il être envisagé ?

L'échelle temporelle du projet doit également être déterminée en amont : veut-on imaginer l'avenir du territoire dans 5, 10, 20 ans ? Le choix à faire influera le niveau de précision à atteindre dans le

projet et son caractère plus ou moins opérationnel. Il est possible de s'aligner à ce niveau sur un document d'urbanisme du moyen terme (10 ans) comme le Plan d'Aménagement (PA) ou le Plan de Développement et d'Aménagement Rural (PDAR) ou du long terme (25 ans) comme le Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme (SDAU).

4 - Quelles thématiques doivent être abordées dans le projet ?

Un projet de territoire est par nature une démarche transversale, il doit donc tendre vers l'exhaustivité dans les thématiques abordées. Toutefois, il est également important de hiérarchiser les aspects traités en fonction des enjeux du territoire et des priorités de son développement, des objectifs du projet et des complémentarités possibles avec d'autres démarches spécifiques surtout les documents d'urbanisme et d'autre projet de développement local.

5 - Quel est l'outil le plus pertinent pour la mise en oeuvre d'un projet de territoire ?

Plusieurs outils sont utilisés pour le montage et la mise en oeuvre d'un projet de territoire mais chacun ayant sa spécificité : l'Agenda 21 local, le Plan d'Aménagement urbain, le Plan d'Occupation du Sol, le Plan de gestion d'une aire protégée, etc. L'outil sera à choisir en fonction des réponses apportées aux interrogations précédentes. Dans notre cas le SDAU et ses déclinaisons dans les Plan d'Aménagement (le PA pour les communes urbaines) ou du développement rurale (le PDAR pour les communes rurales) est l'outil le mieux appropriée pour construire un projet de territoire dans le réserve de biosphère des oasis.

Les questions méthodologiques :

6 - Comment sont déterminés les enjeux et les besoins du territoire ?

En s'appuyant sur une analyse SWOT, la phase de diagnostic territorial doit permettre de dresser un inventaire complet du territoire en précisant ses forces, ses faiblesses, ses opportunités et ses menaces ainsi les tendances de son évolution et les véritables besoins de ses habitants. Pour des raisons de pertinence, le diagnostic doit se limiter à l'échelle territoriale définie pour le déroulement du projet. Il doit balayer l'ensemble des thématiques de façon transversale, et être techniquement spatialisé. Ce diagnostic doit permettre au maître d'ouvrage d'identifier les enjeux du territoire et d'en déduire les objectifs précis à atteindre. Pour la province d'Errachidia, le SDAU du Ziz qui vient d`être lancé pourra accompagner la mise en oeuvre d'un projet du territoire dans les communes intéressées par ce document d'urbanisme. L'élaboration du diagnostic territorial doit faire appel à des outils performants tels que l'analyse SWOT, la géomantique et les systèmes d'information géographiques et la cartographie numérique.

7 - Comment un projet de territoire s'articule-t-il avec les autres projets de développement local ?

Le projet de territoire, bien qu'il concerne un secteur clairement identifié et une échelle spatiotemporelle bien définie, il doit nécessairement être inscrit dans une dynamique de développement territorial plus large qui est, pour notre territoire d'application, la mise en oeuvre du statut de la réserve de biosphère. Il est donc important de déterminer quel peut être le positionnement d'un territoire objet d'un projet et les relations de complémentarité ou de concurrence avec les territoires voisins et les projets de développement en cours ou à venir. Dans notre cas, un projet de territoire ne doit pas se limiter uniquement à l'échelle intercommunale à laquelle il s'applique mais doit aussi être articulé à l'ensemble des projets de développement mis en oeuvre sur tout le territoire de la réserve.

8- L'évaluation du projet est-elle prévue dès l'amont ?

La démarche d'évaluation instituée dès l'amont du projet, permet de mesurer son impact sur le territoire et de vérifier l'atteinte des objectifs initiaux. A l'issue d'une opération d'évaluation, des mesures correctrices, des révisions ou des réorientations du projet pourront être envisagées.

9 - Plusieurs scénarios ont-ils été envisagés ?

La réponse à un même objectif n'est jamais unique. Plusieurs scenarios possibles seront donc évalués au regard des objectifs du projet. Cette méthode permet au maître d'ouvrage de s'approprier le projet, et d'exercer pleinement son rôle de décision.

10 - Quels sont les enjeux et actions transversaux ?

La notion de transversalité est fondamentale afin de prendre en compte les interactions, positives ou négatives, qui peuvent se mettre en place. La mise en évidence d'enjeux majeurs, dépassant le cloisonnement thématique, constitue donc une première étape incontournable qui doit déboucher sur des actions transversales.

11 - Quels acteurs sont impliqués dans l'élaboration du projet ?

La construction d'un projet de territoire constitue une opportunité d'implication de l'ensemble des acteurs. Afin d'aboutir à un projet partagé, il est nécessaire de déterminer quels acteurs associer, à quelles étapes de l'élaboration, et selon quelles modalités.

12 - Quels outils et quels moyens sont mobilisables pour mettre en oeuvre le projet ?

La déclinaison opérationnelle du projet de territoire constitue une étape cruciale puisque l'atteinte des objectifs dépend de sa réussite. Il est donc important d'envisager le plus tôt possible tous

les moyens et les outils disponibles pour mener concrètement les actions découlant du projet. D'autres questions liées au contenu du projet peuvent être posées sur l'articulation de ce dernier avec les objectifs du développement durable. Il est essentiel de voir comment le projet de territoire prend-il en compte la dimension sociale (solidarité territoriale, accès équitable aux ressources, meilleure répartition des services, ségrégation socio-spatiale, cohabitation), la dimension économique (intégration de toutes les potentialités, éclairage sur la faisabilité des projets...) et la dimension environnementale (consommation d'espace, préservation de la ressource en eau, mode d'urbanisation, diversité des formes urbaines protection et mise en valeur des paysages, éducation relative à l'environnement) et la dimension culturelle (Gestion du patrimoine bâti, réhabilitation et mise en valeur de l'habitat traditionnel, encadrement des citoyens, etc.).

Justification de la démarche du « projet de territoire » pour le cas de la Réserve de Biosphère des Oasis du Sud Marocain :

Nous avons auparavant souligné que le territoire de la réserve de biosphère, notamment les zones tampon, recèle des atouts importants mais confronte au même titre des contraintes de taille. En reconnaissance de l'intérêt des palmeraies de sud Marocain, le bureau régional du PNUD au Maroc a lancé un grand projet de conservation et de développement des oasis de la province d'Errachidia (Annexe 01). Dans le cadre de la promotion de tourisme dans cette province, le Ministère de Tourisme a aussi mis en oeuvre un projet (Pays des oasis) visant la valorisation des sites et lieux de récréation et renforcer leur rôle dans la contribution à l'amélioration des conditions de vie des populations. Pour une meilleure mise en oeuvre de ce genre d'initiatives qui se développent dans les oasis, une démarche de projet se justifie. De nombreuses expériences dans différentes « réserves de biosphère » et « paysages protégés » dans le monde entier révèlent un certain nombre d'exemples et de bonnes pratiques favorisant le développement durable du territoire en association avec les communes voisines. En France, les Parcs naturels régionaux présentent un registre très riche de projet de territoires et de pratiques de développement intercommunal rassemblées notamment dans l'expérimentation nationale «Territoires d'avenir» ou «Territoire de

développement ».45

Dans le but d'aider les collectivités locales de la zone de la RBOSM à réaliser des objectifs du développement territorial durable dans le cadre de statut de la réserve de biosphère, un grand besoin se fait sentir dans le sens de préserver l'environnement et les paysages des palmeraies pour assurer une bonne qualité de vie aux habitants. Des actions autour d'un projet de territoire sur la

45 Cf. La démarche intercommunale mise en oeuvre dans à la région de Midi-Pyrénées au sud de la France qui serait une source d'inspiration intéressante pour le sud-est Marocain.

base de contrats de communes doivent être renforcées par des coopérations intercommunales ciblées pour la protection et la valorisation du potentiel écologique et paysager. Étant un label international et outil fédérateur des espaces de vie et de développement commun, le statut de la réserve de biosphère offre des opportunités énormes pour la mise en place d'une stratégie intercommunale de valorisation des ressources spécifiques et d'implantation des activités économiques. Dans le cas de les zones tampon de la province d'Errachidia, où nous avons, à titre indicatif, présenté l'état des lieux du territoire et analysé les incidences naturelles et humaines sur l'environnement et le paysage, la mise en oeuvre d'un projet de territoire intercommunal nécessite au préalable trois mesures essentielles :

(i) L'optimisation de l'occupation foncière en habitat afin de freiner l'expansion urbaine sur les espaces vitaux des palmeraies;

(ii) La sauvegarde et la valorisation de l'environnement et des paysages naturels et culturels en lien avec les secteurs économiques notamment l'écotourisme;

(iii) La consolidation de la fonction écologique des oasis en tant que ceinture verte contre la désertification et le renforcement de leur attractivité à travers une démarche de développement fondée sur la valorisation des produits et des ressources spécifiques.

L'intégration de ces objectifs globaux dans chaque projet intercommunal au niveau des espaces potentiels du développement doit être une priorité absolue. Les orientations du développement local étant définies, un diagnostic territorial à l'aide de l'analyse SWOT est à envisager pour la mise en oeuvre du projet. La rentrée par le paysage et l'environnement pour la mise en oeuvre du statut de la réserve de biosphère dans notre territoire d'application se justifie par le fait que la gestion de l'environnement permet d'apporter une réponse technique aux problèmes rencontrés, alors que le paysage relève du domaine du patrimoine, de la culture et de la qualité de cadre du vie. Il est un choix de la société qui combine le milieu naturel et ses aménagements. De même, la démarche paysagère est aujourd'hui une réponse privilégiée à la conduite des projets du développement local, créant des liens forts entre la population, les associations, les collectivités territoriales, les environnementalistes, les conservateurs du patrimoine et les professionnels de l'aménagement. (Voir annexe 03 : Cadre logique et approche méthodologique de la mise en oeuvre du statut de la RBOSM). Ainsi, dans la cadre des palmeraies de la réserve de biosphère, les choix de l'aménagement des paysages orientent le traitement des problèmes d'environnement et la prise en compte de ces deux paramètres dans les projets d'aménagement constitue un enjeu important bien pour la préservation de l'environnement que pour le développement des territoires, et le projet paysager, au travers d'une analyse des lieux et des sites, est une ouverture sur leur avenir.

L'approche de projet de territoire et l'analyse SWOT :

Dans la pratique, un projet de territoire ressemble à un programme d'Agenda 21 local élaboré sur la base d'un diagnostic détaillé des potentialités et des faiblesses du territoire et les tendances de celui-ci. C'est un outil d'aménagement qui relève d'une approche nouvelle et s'inscrit dans une démarche prospective de développement durable à l'échelle locale. Cette démarche s'articule autour d'un questionnement sur les facteurs et les acteurs de territoire ce qui permet de dégager des enjeux locaux partagés. A partir de l'expérience locale, un projet de territoire permet de mettre en lumière des préoccupations nouvelles telles que la gouvernance locale et la gestion participative des ressources naturelles. Sur le plan de l'environnement et du paysage, un projet de territoire permet l'élaboration d'un un diagnostic de la situation écologique et paysagère du territoire. Une démarche qui repose sur le croisement de deux types d'analyse comme cela est illustré dans la figure ci- dessous :

Source : adapté de « Le diagnostic territorial au regard du développement durable », Agence Régionale de Protection de l'Environnement de Midi-Pyrénées (ARPE-MIP), P.2 http://www.territoiresdurables.fr/upload/pagesEdito/fichiers/MethDiagTerritoire.pdf

Figure 32 : Le schéma ci-dessous résume la méthode d'analyse considérée

ï Une analyse qualitative : qui consiste à recueillir la perception des acteurs et leur vision partagée de territoire, des ses valeurs paysagères et de ses fonctions écologiques à travers l'organisation des séances de consultation ciblées et des ateliers d'acteurs ou groupes de travail,

ï Une analyse quantitative : qui consiste à mener une évaluation quantitative de l'état des lieux du territoire à partir des données sectorielles variables et selon une échelle territoriale bien définie. Cette étape de l'analyse permet d'avoir une première perception des enjeux économiques locaux. Le croisement des deux analyses permet de construire une vision complète sur l'environnement et le paysage en faisant ressortir les enjeux, les priorités et les stratégies à adopter. La phase de la programmation est le point le plus important de l'analyse. Il consiste en deux choses :

ï Porter à connaissance auprès des partenaires extérieurs,

ï Appropriation locale du territoire à travers des programmes de communication, éducation, encadrement, renforcement des capacités, sensibilisation.

Ce processus conduit finalement à l'émergence de projets de territoire. Il est à souligner que dans le cadre de cette approche, le questionnement concerne deux aspects :

ï Les composantes clés de l'environnement naturel et du paysage qui permettent d'analyser la situation du territoire ;

ï Les éléments de caractérisation de la communauté locale (contexte dans lequel naît le projet).

Ces deux aspects de caractérisation sont analysés à la base d'une analyse SWOT (Forces, faiblesse, opportunités et menaces). Les atouts et les forces portent sur le constat aujourd'hui alors que les opportunités et les menaces portent sur les voies possibles pour l'avenir.

L'analyse SWOT : Définition de l'outil :

Acronyme des mots anglais (Strengths, Weaknesses, Opportunities et Threats) respectivement Force, Faiblesse, Opportunité et Menace, l'analyse ou matrice SWOT est un outil d'audit et d'évaluation conçu initialement pour les entreprises.46 Utilisé dans le cadre d'une analyse stratégique comme une première étape de planification pour faire le point d'un produit, d'un service, d'un projet de développement ou d'un processus de production. La matrice SWOT est très populaire parce qu'il est rapide, extrêmement facile et adaptable. Elle se présente sous forme d'une

46 Paradoxalement à l'ancienneté de concept SWOT qui remonte au début de la réflexion stratégique aux années 50 à l'Université Harvard au USA, l'utilisation de cet instrument s'est limité, jusqu'à récemment à l'audit des entreprises. Pour cette raison, l'essentiel de la documentation relative à cet outil intéresse la planification stratégique dans le domaine des affaires, du commerce et du Marketing. Actuellement, les agences du développement s'inspirent des techniques et des instruments d'audit appliquées aux entreprises. L'analyse SWOT gagne de l'intérêt et son d'action s'élargit progressivement et s'étend à des thématiques qui relèvent de domaine du développement durable, comme l'aménagement du territoire, l'urbanisation et la gestion de l'environnement.

grille à quatre entrées : les force et les faiblesses (ou l'environnement interne) et les opportunités et les menace (ou l'environnement externe).

Tableau n° 3 : les quatre entrées d'une matrice SWOT

Après l'identification de toutes les composantes internes et externes de l'objet étudié, la démarche d'analyse se poursuit en se posant quatre questions clés :

- Comment préserver ou améliorer les forces ?

- Comment contourner ou éliminer les faiblesses ?

- Comment tirer parti des opportunités ?

- Comment éviter les menaces ou les transformer en avantages ?

Les réponses à ces questions aboutissent à un diagnostic détaillé de la situation menant à l'élaboration d'un plan d'action.

Modalités d'application au territoire de la RBOSM :

L'application de l'analyse SWOT à l'élaboration du projet de territoire envisagé dans le cadre de cette étude doit suivre le cheminement suivant : Les acteurs de la réserve sont appelés à identifier et lister très précisément des faits basés sur des observations réalistes internes au projet (forces et faiblesses) ou propres à son environnement externe (opportunités et menaces). La convergence entre atouts (forces internes) et opportunités (forces externes), est un indicateur positif sur la performance du projet tel que cela est montré par la figure suivante :

Figure 33 : Présentation schématique de la matrice SWOT

La matrice SWOT se représente en tableau, les points étant classés par ordre d'importance dans une seule zone. S'agissant de la mise en oeuvre d'un projet de territoire, la pratique du brainstorming dans le cadre d'un atelier local s'assigne pour objectif de mettre en place un plan d'action qui facilitera la validation du projet en question.47 Un atelier de consultation locale est un forum où les acteurs locaux (représentants de communautés, ONG et associations, autorités locales, secteur privé...) se réunissent pour identifier des besoins spécifiques et proposer des solutions réalisables

sur la base de la discussion des problèmes intersectoriels de leur territoire. Ceci doit conduire à la définition d'un plan d'actions ciblées et concrètes. Sommairement, la consultation locale suit un schéma en trois étapes : Le forum d'acteurs, la définition d'un plan d'action et les possibilités de mise en oeuvre. Il est très utile que l'animateur d'un atelier de consultation locale possède de l'expérience dans ce domaine. Les principes de base d'une analyse SWOT pour l'élaboration d'un projet de territoire sont :

- Large participation,

- Objectivité,

- Lister des faits observés dans la réalité et non des souhaits et des désirs flous,

- Être réaliste au sujet des forces et des faiblesses de projet,

- Distinguer où le projet est aujourd'hui, et où il pourrait être à l'avenir

- Être spécifique et évitez les indications vagues,

- Analyser par rapport à un modèle réussi ou concurrent,

- Clarté et simplicité.

(Voir annexe 04 : propositions pour l'organisation d'un atelier de consultation locale à l'aide de la méthode SWOT).

47 Cet exercice est inspiré de « Training tool kit for MDGs », un guide réalisé par le PNUD pour l'élaboration d'un plan stratégique en vue de la réalisation de des Objectifs de Millénaire pour le Développement à la base de la méthode SWOT. (Module 01 activité 05) http://mdgtoolkit.undg.org/course/view.php?id=27

CHAPITRE II : VERS UNE APPROCHE ALTERNATIVE DU DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL DES PALMERAIES DE LA RBOSM :

En parallèle à l'ouverture des oasis du sud Marocain sur le monde urbain, des actions ponctuelles et dirigistes de conservation ont pendant longtemps été la réponse ultime des pouvoirs publics à la crise environnementale des oasis. L'approche de conservation préconisée durant de longues années s'appuie sur l'identification de « zones à protéger » sur la base de seul critère de l'abondance des ressources naturelles et de l'intérêt écologique et biologique du site. Cette politique de « mise sous cloche » et de muséification des échantillons de la nature s'est traduite par des opérations de classement et de zonage figés et gérés par la force de la loi entrainant par conséquent la perte des droits des populations à l'usufruit tiré depuis toujours sur les ressources naturelles de leur territoire (coupe de bois, chasse, pâturage...). La désignation des zones riches en ressources naturelles en « aires protégées » sur des territoires qui soutiennent la vie des populations, accompagnée de la proscription des établissements humains et des activités économiques a amplifié les tensions entre les conservateurs et les usagers des ressources de l'environnement. Ceci s'est traduit dans la plupart des cas par un conflit entre le droit légal représenté par l'administration de conservation de la nature et le droit coutumier hérité par les populations depuis la nuit des temps. À cause de ce modèle singulier de conservation de la nature basé sur l'exclusion des intérêts des communautés locales, la gestion de l'environnement est en crise dans la région des oasis. Cette situation accélère la perte de la biodiversité et la dégradation des espaces nourriciers des populations. Les pratiques de gestion des ressources naturelles et les savoir faire écologiques traditionnels ne sont pas reconnus ce qui a mené à une politique de conservation qui exclue les humains, limite leurs activités économiques et viole leur droits historiques. Cette politique est largement responsable de la crise de conservation dans les palmeraies du sud Marocain et empêche une valorisation appropriée des ressources locales. Les oasis sont devenues des entités de conservation non viables et insulaires et ne pouvant plus garantir un développement prospère à leurs habitants. Au moment où les efforts de conservation se concentrent sur la vie sauvage et les sites remarquables, les paysages représentatifs des interactions uniques entre le naturel, la social et le culturel retiennent très peu l'attention des conservateurs et des gestionnaires de la réserve. Après la mise en place du statut de la réserve de biosphère par l'UNESCO en novembre 2000, les handicaps ne sont pas encore entièrement surmontés, mais les comportements des acteurs s'améliorent progressivement. Des initiatives communes de protection de l'environnement ou de développement local commencent à voir le jour et cultivent une culture de collaboration et de partenariat. Un constat est vérifié sur le terrain : l'urgence impérieuse est pour protéger le milieu naturel et

sauvegarder les vastes paysages d'une grande qualité et d'une signification historique enracinée mais surtout d'une valeur économique inestimable pour le bien-être des populations. Il est évident que le statut de la réserve de biosphère est la dernière ligne de frontière à la conservation des écosystèmes oasiens, une véritable opportunité du développement humain qu'il faut saisir. Ce statut représente une approche alternative de gestion de l'environnement et de développement local qui associe les communautés locales dans la prise de décisions et qui poursuit le double objectif d'assurer de meilleures conditions d'existence aux populations sans que leur environnement soit le prix à payer. Cette situation appelle la mise en place des outils de gestion adéquats qui instaurent l'harmonie entre les activités des populations et les valeurs naturelles et paysagères de leur territoire. Dans nombreux contextes territoriaux à travers le monde, les « réserves de biosphère » et les « paysages protégés » apportent des réponses satisfaisantes à ce besoin. Une réserve de biosphère représente sans doute un modèle idéal du développement durale dans le sens où elle démontre les bénéfices d'une approche collaborative et intégrée au niveau de la gestion de l'environnement et de développement économique. Les opportunités pour la promotion des oasis du sud Marocain qui ont le privilège de figurer sur cette catégorie d'aires protégées, peuvent être mieux saisies si on considère les principes et les dispositions qui guident ce statut. Le statut de la réserve de biosphère qui a pris appui sur l'échec de l'approche classique de conservation et sur les menaces auxquelles le territoire oasien est exposé doit être le noyau dur d'une approche du développement territorial innovante. Sa mise en oeuvre tient à la volonté de mener une action collective autour d'un projet de développement axé sur la protection et la mise en valeur du potentiel local. Dans ce sens, le « projet de territoire » concoure parfaitement à l'atteinte des objectifs de MAB.

Le paysage : composante intégrante du projet de territoire :

Le paysage : éléments de définition.

« Dans les paysages d'aujourd'hui sont présents les paysages d'hier et ceux de demain ».48

Le paysage est un concept polémique. Sa réalité complexe le rend difficile à définir. Le Robert propose : « Partie d'un pays que la nature présente à un observateur », le petit Larousse : « Étendue de pays qui présente une vue d'ensemble ». Le Conseil du Paysage québécois considère que le paysage est beaucoup plus que les caractéristiques visibles d'un territoire et élargie sa définition pour englober « l'interaction entre l'activité humaine et l'environnement ». C'est-à-dire que dans la notion du paysage s'inscrivent « les éléments biophysiques, anthropiques,

48 La charte paysagère : outil d'aménagement de l'espace intercommunal, fédération des parcs naturels régionaux de France, la documentation française, Paris 1995, page 25

socioculturels, visuels et économiques ».49 Pour le Groupe-conseil sur la politique du patrimoine culturel du Québec, le paysage désigne « le résultat des interactions entre les populations, leurs activités et les lieux qui les accueillent ». Ce groupe considère que le mot a évolué vers la notion de système « c'est-à-dire d'ensemble dynamique de relations entre les êtres vivants occupant un espace donné».50 Dans le même sens, la Convention Européenne sur le Paysage admet que le paysage est « une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l'action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations»,51 alors que la Charte du Paysage Québécois considère que le paysage est « à la fois le résultat et la reconnaissance des occupations successives du territoire ».52 Un guide de Conseil du Paysage Québécois distingue entre « le paysage naturel » et « le paysage humanisé ».53 Le premier concerne l'assemblage des éléments naturels du milieu physique et des entités biogéographiques

(comme les vallées, les plateaux, les massifs montagneux ou les plaines) qui constituent la matière première du paysage et définissent ses structures. Les particularités du paysage naturel découlent de l'ordonnancement des divers éléments environnementaux. Il est le résultat des multiples influences qui forment les écosystèmes et les habitats naturels. Tandis que le deuxième, « le paysage humanisé », concerne l'influence de l'homme exercée sans cesse sur son milieu de vie. Les milieux naturels subissent diverses transformations au gré des actions humaines. L'homme aménage son milieu et intervient à de petites et de grandes échelles et des paysages de plus en plus humanisé. Le paysage évolue sans cesse et est constamment modifié par les empreintes culturelles laissées par l'homme et propres à chaque époque. Le paysage d'aujourd'hui est la somme des transformations réalisées par l'homme au fil du temps dans le cadre de ses multiples activités agricoles, industrielles, forestières, résidentielles ou commerciales, etc. Aussi dans l'esprit de la Charte du paysage québécois, le territoire allie un ensemble des éléments environnementaux aux multiples actions de l'homme et devient paysage lorsque des individus et des collectivités lui accordent une

valeur paysagère. Le paysage est « source de création et d'expression ».54 Il est lieu de mémoire

dont il importe de préserver les éléments remarquables. Un paysage peut être emblématique à un peuple donné ou spécifique à une région ou communauté locale. Il est la traduction des préoccupations relatives à la qualité de vie et de résistance à la banalisation des spécificités territoriales. L'évolution des paysages s'effectue constamment à des échelles différentes et se

49 Cf. « Guide du paysage : un outil pour l'application d'une charte du paysage », Le Conseil du paysage québécois, Octobre 2002 http://www.paysage.qc.ca/guide/index.html

50 Notre patrimoine, un présent du passé, 2000, p. 19

51 La Convention Européenne sur le Paysage, 21 juillet 2001

52 Charte du Paysage Québécois, Conseil du paysage québécois, Janvier 2000, p. 2

53 Cf. « Guide du paysage : un outil pour l'application d'une charte du paysage », Le Conseil du paysage québécois, Octobre 2002. http://www.paysage.qc.ca/guide/Application_charte.pdf

54 Idem

transforment quotidiennement en fonction des choix et des orientations individuels et collectifs. Le paysage inspire la culture dans sa diversité et sa particularités et l'enrichit ou l'appauvrit selon les choix de développement. Chaque communauté est dépositaire du territoire qu'elle occupe et responsable de la valeur paysagère qu'elle lui attribue. Les interventions sur une portion de territoire par un propriétaire foncier ou un organisme engage sa responsabilité à l'égard des valeurs collectives du paysage. Dans le cadre de leur compétence, les collectivités locales, régionales et nationales sont les garantes et les gestionnaires d'un bien dont l'intérêt commun est

évident.55 Si certaines acceptions renvoient à une notion visuelle et esthétique du paysage, et

d'autres à une notion de valeur identitaire et du patrimoine commun, dans ce présent travail, la question du paysage se pose en terme environnementale, c'est-à-dire en tant que relation entre les populations des palmeraies du sud Marocain et leur milieu naturel. Dans ce sens, la première source de dégradation du paysage est l'évolution de l'habitat contemporain. Pour faire face aux problèmes démographiques, économiques et agricoles, le territoire de la réserve de biosphère des oasis subit des remaniements plus au mois respectueux de l'environnement. Dans cette optique, l'état du l'environnement et du paysage des oasis est fonction de degré d'intégration des considérations du milieu naturel aux programmes d'aménagement et de développement local. En somme, le paysage ne désigne pas uniquement les sites remarquables ou d'intérêt naturel ou culturel, mais l'ensemble des espaces que nous traversons quotidiennement et qui méritent l'intension des aménagistes et des acteurs de développement. Ce sont ces paysages quotidiens qu'un

projet de territoire a pour objet de valoriser et d'améliorer.56

Le paysage : une expression de l'activité humaine.

Nous avons montré que le paysage est le résultat de la présence d'éléments naturels et culturels qui, par leur agencement et leurs caractéristiques, racontent la particularité d'un territoire. Parmi les éléments que l'on peut qualifier de naturels, le relief, le sol, la végétation qui, influencés par le climat, forment les écosystèmes. S'y ajoutent les traces de la transformation de ces éléments naturels par les pratiques de développement et d'aménagement laissées par l'homme. Comme nous l'avons illustré dans la deuxième partie, partout, dans la zone d'étude, le paysage contemporain est fortement marqué par les éléments bâtis et les infrastructures : à l'habitat traditionnel se sont ajoutés les développements urbains modernes : routes, quartiers périphériques, villas, lotissements, ronds-points, centres commerciaux, zones d'activités, infrastructure de communication et des services, lignes de transport électrique, etc. Actuellement, le paysage des

55 Idem

56 Cf. « Le paysage, espace de notre quotidien », extrait de l'Étude préalable de promotion paysagère et de valorisation du Béthunois (France), in. La charte paysagère : outil d'aménagement... op. cit. p. 23

palmeraies de la réserve est le résultat de l'ensemble de toutes ces actions et comportements d'aménagement. Chaque jour, chacun y laisse sa trace, le paysan, l'entrepreneur, le promoteur immobilier, l'architecte, l'urbaniste, l'agent de développement et le décideur politique. Le paysage actuel de la palmeraie n'a pas été pensé dans un plan d'ensemble. Il est l'expression des rapports mal établis entre les oasis et les grandes villes. L'ouverture des oasis sur le monde urbain a entrainé une rupture brutale avec les pratiques d'aménagement local. Les activités humaines connaissent une mutation rapide et d'envergure entrainant l'abandon des pratiques traditionnelles de développement tandis que le modèle urbain s'accélère imposant une concurrence très rude pour le modèle local d'occupation de l'espace.

Le paysage : résultat d'interventions multiples.

Organiser l'évolution du paysage est chose ardue. Il résulte de choix politiques, de choix concernant l'habitat, l'urbanisme, l'environnement, l'agriculture, le tourisme et autres secteurs du développement économique décidés au niveau national, voire international, et qui s'imposent de façon uniforme à des territoires bien différents. Il suffit de penser à la politique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme et à leurs multiples répercussions sur chacune des communes et des localités au niveau national. Le paysage est par conséquent le résultat d'interventions multiples dont les acteurs locaux ne maitrisent pas forcément l'ensemble. La décentralisation a accru les pouvoirs des élus en matière de la planification urbaine et leur responsabilité à l'égard de l'aménagement de l'espace et donc du paysage. Les collectivités locales ont les moyens d'intervenir par la réglementation, mais aussi par la sensibilisation et la concertation avec l'ensemble des partenaires concernés. Le projet de territoire privilégie cette action concertée parce que ses orientations auront été établies sur une lecture en commun du paysage et parce qu'elles auront été débattues. Le paysage est aujourd'hui une donnée essentielle du développement économique et pas seulement un supplément apporté aux projets d'aménagement. La préoccupation paysagère doit traverser alors toute la réflexion sur le développement d'un territoire. La mise en oeuvre d'une réflexion concertée sur le devenir du paysage est donc une étape incontournable dans l'élaboration du projet de territoire intercommunal.

Le paysage oasien perd sa lisibilité suite à deux facteurs majeurs :

· La disparition du modèle local d'occupation de l'espace : l'habitat traditionnel s'éclatent et le réseau des villages est détruit par le développement urbain;

· L'exode rural : les paysans quittent les vallées présahariennes et abandonnent leurs champs et leurs villages pour aller travailler dans les grandes villes.

De part ces deux dynamiques, le paysage des oasis change constamment et son altération est de plus en plus rapide. L'urbanisation moderne est un facteur de transformation brutale des palmeraies. Peut-on laisser ainsi le paysage évoluer sans projet d'ensemble, sans s'intéresser et s'inquiéter de ses transformations, au gré de projets successifs ? La nécessité d'une politique paysagère se fait jour et l'enjeu d'un projet de territoire est donc aujourd'hui de bien reconnaître des valeurs au paysage oasien et de faire partager ces valeurs par ceux qui y vivent et ceux qui le modifient. C'est aussi en cernant ces atouts et ses faiblesses, de mettre en oeuvre les moyens qui permettront, selon les cas, de le valoriser ou de le reconquérir. Pour améliorer le cadre de vie des habitants et le rendre plus attractif pour les visiteurs. (Tableau 04)

Tableau 4: le paysage : une donnée essentielle du projet de territoire

L'élaboration d'un projet de territoire en ayant conscience de la qualité et des faiblesses du paysage permet d'orienter de façon responsable les choix d'aménagement et de développement. Les choix de localisation des activités socioéconomiques sont essentiels pour un développement équilibré. Ceci concerne à la fois les zones d'extension urbaine sur le territoire intercommunal, et le lieu d'implantation des équipements, ou des zones d'activité ou de loisirs.

Paysage et intercommunalité :

Le paysage s'accommode mal des découpages administratifs du territoire. La commune représente une échelle trop petite pour analyser le paysage et la province n'a pas d'avantage de cohérence paysagère. L'intercommunalité (ou groupement de communes)57 a donc une chance d'être l'échelle territoriale la plus pertinente pour l'étude et l'appréhension du paysage.

L'intercommunalité offre un cadre de développement ayant une assise territoriale affirmée, il est nécessaire qu'elle se dote d'une stratégie de développement..., qu'elle construise une vision de l'évolution souhaitée de son territoire. Il faut qu'elle construise son "Projet de Territoire.58

L'enjeu de l'intercommunalité se situe notamment, dans l'aptitude à raisonner à une échelle plus riche, plus variée et donc plus pertinente parce que :

L'intercommunalité concerne des espaces relativement larges :

Le découpage des structures intercommunales ne s'appui pas toujours sur des critères d'identité paysagère. Au Maroc présaharien, où la réserve de biosphère des oasis est à cheval sur trois provinces et deux régions, le découpage administratif ne favorise pas la création d'une identité de « pays » qui nécessite une cohérence territoriale affirmée. Les limites des provinces et parfois même des cercles ne correspondent pas toujours à des ensembles paysagers homogènes et cohérents. Ce phénomène explique la raison d'intervenir, dans le cadre de la mise en oeuvre d'un projet de territoire dans un espace intercommunal relativement large mais qui soit cohérent et homogène sur le plan paysager.

L'intercommunalité est un niveau d'intervention crédible :

La valorisation des paysages est une action de longue haleine qui ne se satisfait pas d'interventions conjoncturelles. Dans ce sens, la crédibilité d'une intervention intercommunale se justifie par le fait que les groupements de communes ont la possibilité de mobiliser leurs partenaires dans une action à long terme. De plus, au Maroc les provinces et les régions soutiennent en priorité les programmes et les projets qui relèvent de compétence intercommunale sans oublier que la politique de planification urbaine s'appui sur les Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme qui sont des documents d'urbanisme prospectifs et intercommunaux et peuvent donc renfoncer l'action intercommunale en matière du développement local. Aussi, les ONG internationales, les associations locales de développement et de défense de l'environnement et les populations trouvent des les groupements intercommunaux des interlocuteurs identifiés.

57 Au Maroc un groupement de commune ou une intercommunalité s'appelle le « cercle » qui correspond à une échelle territoriale intermédiaire entre

« la commune » (groupement de villages) et « la province » (groupement de cercles).

58 C. DELPEY, Fiche Notion Territoire / PDM, 31 -01 -06

L'intercommunalité donne des moyens d'actions plus performants :

Au Maroc un groupement de commune ou une intercommunalité s'appelle le « cercle » qui correspond à une échelle territoriale intermédiaire entre « la commune » (groupement de villages) et « la province » (groupement de cercles). Il est évident qu'un groupement de communes peut mobiliser des moyens techniques, humains et financiers qu'une seule commune rurale n'a pas la possibilité de réunir. Des communes groupées peuvent s'appuyer sur des bureaux d'études ou des chargés de mission spécialisés pour piloter techniquement un projet de territoire et le mettre en oeuvre. Ensemble, elles peuvent se donner des moyens d'engager des programmes de protection de l'environnement et des travaux d'entretien et d'aménagement paysager.

L'intercommunalité est l'échelon où s'élaborent les projets de territoire :

L'intercommunalité est l'échelon de la réflexion stratégique sur le devenir d'un territoire et celui de la décision locale en matière du développement. À ce titre, elle est un échelon essentiel de la réflexion sur la protection de l'environnement et la valorisation paysagère. Elle l'est aussi pour l'élaboration d'un plan d'action commun et pour la prise en compte de la dimension paysagère et pour l'intégration des considérations environnementales dans les choix d'aménagement de l'espace et les projets de développement. (Voir tableau 05)

Tableau n° 5 : le paysage comme facteur de coopération intercommunale

En s'intéressant au paysage, l'intercommunalité de projet de territoire peut naître ou se renforcer. La démarche paysagère est un ciment fort de l'engagement collectif au niveau intercommunal. Elle

génère une reconnaissance par chaque commune du territoire des autres, et une prise de conscience de l'espace intercommunal comme territoire partagé. La mise à l'étude d'un projet de territoire est donc l'occasion de construire les outils nécessaires pour appréhender cet espace partagé et l'intérêt de le préserver. À ce titre, pour les communes non regroupées en structures intercommunales, travailler sur un projet de territoire constitue une première étape intéressante vers l'intercommunalité. Le paysage est un thème consensuel parce qu'il s'agit de la prise de conscience d'un patrimoine en danger et d'un cadre de vie commun, de ces atouts et de ces menaces de dégradation. Il est facteur de mobilisation pour l'amélioration du bien être collectif. L'analyse des menaces sur le paysage et l'environnement déclenche naturellement la volonté d'intervenir ensemble pour les protéger et les valoriser. Dans ce sens, réfléchir au paysage et à l'environnement c'est réfléchir au développement durable, et le projet de territoire est l'occasion de réfléchir ensemble au devenir de l'espace vécu, à l'identité que les communes souhaitent lui donner et de définir les moyens communs pour y atteindre les objectifs d'un développement humain durable. La mise en oeuvre d'un projet de territoire permet aussi aux collectivités locales de choisir un mode de développement et d'aménagement sur l'ensemble du territoire en fonction des potentialités et des opportunités de chaque espace identifié.

Le paysage : thème favorable à la concertation et à la gestion participative.

Le paysage est l'affaire de tout le monde et chacun porte la responsabilité de son devenir. Pour cette raison, la concertation et l'animation sont deux volets très importants dans le processus d'élaboration d'un projet de territoire.

Le rôle des élus :

Ils sont les pilotes de la démarche du projet de territoire et doivent faciliter son appropriation par les forces vives du territoire. Depuis le lancement de la décentralisation au Maroc, les communes sont les principaux acteurs de l'aménagement du territoire. Elles disposent du pouvoir de décision pour l'élaboration des documents d'urbanisme notamment les PA (Plans d'Aménagement) pour les communes urbaines et les PDAR (Plan de Développement et d'Aménagement Rural) pour les communes rurales et sont responsables de la délivrance des permis de construire. Les élus sont également maitres d'ouvrage de nombreux travaux d'aménagement et de développement sur leur territoire. Le projet de territoire leur donnera l'outil nécessaire qui leur permettra de choisir ensemble des orientations pour leur territoire, de conduire des actions concertées en matière d'aménagement et de développement. Aussi, parce que les communes ont reçus l'obligation de prendre en charge des compétences d'aménagement et d'urbanisme, elles possèdent une marge

d'autonomie légale qui leur permet de répartir une partie des coûts de leurs projets d'aménagement et de développement sur l'ensemble de la communauté locale.

Le rôle des populations :

Les populations sont dépositaire d'un savoir faire en matière de la gestion des ressources de leur territoire. Le milieu naturel, le patrimoine et le paysage leur appartiennent. Leur comportement quotidien a donc des impacts directs sur la qualité de leur milieu de vie et de leur paysage (aménagement des espaces, évolution de l'habitat, valorisation du patrimoine architectural, rejets ménagers, plantations...). Leurs connaissances et leur sensibilisation particulière pour le paysage doivent être mobilisées et sollicitées par divers moyens aux différentes étapes de l'élaboration de projet. Leur mobilisation est un facteur essentiel de réussite car ils ont une très bonne connaissance du territoire de leur commune.

Le rôle des associations :

Les associations de la protection de l'environnement, de développement local, de la préservation du patrimoine architectural ont de bonne connaissance de paysage local et doivent être associées au diagnostic et à l'élaboration du projet de territoire. Elles peuvent aussi participer à la mission de sensibilisation et d'information du public. Pour ces deux raisons, il faut les inclure dans la démarche de projet. L'enjeu de la participation des populations locales et des associations et d'en faire des partenaires actifs du projet de territoire.

Le rôle des aménageurs :

Ce terme est ici pris au sens large, désignant tous les maitres d'ouvrage des travaux d'aménagement sur le territoire des communes. Il s'agit par exemples des bureaux d'études d'urbanisme et de l'architecture, les promoteurs immobiliers, les entreprises de bâtiments, les ingénieurs des travaux publics, les services publics maitres d'ouvrage des routes, des réseaux d'assainissement, de l'eau et l'électricité, etc. Il est essentiel de connaitre les projets de tous ces décideurs qui transforment et façonnent le paysage car celui-ci est révélateur des choix politiques et techniques qui s'imposent au territoire et définissent son évolution et son développement.

Le rôle des acteurs économiques :

Les agriculteurs, les artisans ou les industriels, les commerçants, les forestiers et leurs organisations professionnelles sont aussi des interlocuteurs de premier plan en matière d'élaboration du projet de territoire. Leurs activités ont un impact direct sur l'environnement et le paysage et leur participation à l'élaboration de projet de territoire est primordiale pour favoriser leur adhésion à la

promotion économique locale. Des actions concrètes doivent leur être proposées pour faire influencer leurs comportements.

Le rôle des opérateurs touristiques :

La qualité du paysage est l'élément de perception le plus sensible d'un territoire pour ceux qui le visitent. Parce que cette qualité est un facteur d'attraction ou au contraire de rejet pour une clientèle touristique très sollicitée, les opérateurs de tourisme doivent être associés à la démarche du projet de territoire.

Le rôle des administrations :

Les services publics sont des partenaires indispensables de la démarche du projet de territoire. Ils ont un rôle réglementaire, financier ou de conseil aux communes. Bien évidement, tous les services décentralisés de l'État, de fait de leur proximité géographique, de leur rôle d'impulsion, de coordination et de mise en oeuvre de mesures réglementaires et de projets sectoriels doivent être des interlocuteurs particulièrement ouverts au projet de territoire. Il en ressort que le projet de territoire est un outil d'aide à la prise de décision. Au moment ou la transposition des modèles d'aménagement vus ailleurs banalise le paysage et dégradent ce qu'ils sont censés protéger, la concertation et le dialogue qui caractérisent la démarche de projet de territoire favorisent une approche participative de gestion de l'espace et permet ainsi sa connaissance préalable et l'appréhension de son évolution et de sa dynamique. Ainsi, les acteurs de projet peuvent décider en connaissance de cause et de manière réfléchie.

Les éléments de l'analyse paysagère :

Un diagnostic pour comprendre :

Le diagnostic territorial permettra de cerner des secteurs particulièrement sensibles, parce que riches sur le plan environnemental et paysager que l'on s'abstiendra d'ouvrir à l'urbanisation ou desservir par une route par exemple. Il permettra, en fonction des caractéristiques propres du paysage et de l'impact prévisible des activités sur le milieu naturel, de faire de meilleurs choix d'implantation ou de les arbitrer en connaissance de cause. Selon les caractères du paysage et de la vocation souhaitable de l'espace, l'objectif est aussi de déterminer les types d'activités qui constituent une menace et celles qui, s'intégrant au développement économique du territoire, permettraient de le valoriser ou de l'entretenir. L'élaboration d'un projet de territoire débute nécessairement par cette étape de diagnostic. Il ne s'agit pas d'inventorier de manière exhaustive les éléments du paysage mais de mettre en évidence ses caractéristiques, ses points forts et faibles et

les facteurs de déséquilibre. L'objectif et de bien connaître le potentiel environnemental et paysager et de comprendre la manière dont il fonctionne. Nous présentons ici les principaux volets qui constituent un diagnostic sachant qu'il n'existe pas une seule et unique méthode pour le réaliser. Les principaux volets sont :

· L'identification des caractères fondamentaux du paysage;

· L'analyse de chaque entité paysagère;

· L'analyse de l'évolution paysagère;

· La mise en évidence des points forts et des contraintes.

Tableau n° 6: les 4 étapes du diagnostic paysager et environnemental

L'identification des caractères fondamentaux du paysage :

L'objectif dans cette étape et de cerner les grands traits de caractère du paysage, les éléments majeurs qui, par leur présence et leur organisation dans le milieu, contribuent à façonner le paysage et à lui donner son identité. Cette identification se fait d'abord à l'échelle de l'ensemble du territoire intercommunal. Elle permet de restituer ce territoire au regard de son environnement plus vaste et de dégager ainsi les différences ou, au contraire, les continuités par rapport aux espaces qui l'entourent. La lecture attentive des cartes et de photographies aériennes, ainsi qu'un travail de repérage de terrain, permettent de mettre en évidence les principales caractéristiques du territoire : le relief, l'hydrographie, les zones forestières, les zones agricoles, l'organisation du bâti et les secteurs urbanisés, etc. Cette opération repose sur une découverte du terrain et permet d'accéder à sa réalité subjective et d'identifier les valeurs qui s'y attachent. Cette opération de reconnaissance

peut être complétée par une recherche de références littéraires ou photographiques concernant le paysage observé. Les guides touristiques et les photos anciennes et contemporaines sont à cet égard des sources intéressantes, car ils reflètent les perceptions données à une époque donnée aux éléments de paysage.

Le repérage des entités paysagères au sein du territoire communal :

L'analyse des caractéristiques fondamentales du territoire intercommunal permet de distinguer des entités paysagères distinctes. Une entité paysagère est un ensemble d'éléments physiques et naturels homogènes qui structurent un espace, avec des caractéristiques propres et un ordonnancement spécifique qui se distingue d'un territoire voisin. Dans les oasis, où les thèmes majeurs du paysage sont la montagne, la palmeraie et les plateaux désertiques, les entités paysagères résultent principalement des modes d'occupation des sols, des structures agraires, de mode d'irrigation et de style architectural. La réservé de biosphère, étant un territoire très vaste, les entités paysagères sont très variées chacune connaît une histoire différente, une évolution particulière et devra faire l'objet de traitement spécifique. Tout projet paysager doit être adapté à la spécificité des lieux. C'est pourquoi le diagnostic s'attache à la compréhension de chacune des entités paysagères repérées dans la première étape. L'objectif n'est pas de réaliser un état des lieux exhaustif, mais de cerner les caractères propres à chaque entité et à sa structure interne. L'analyse d'une entité paysagère repose sur la prise en compte des éléments compris dans les deux tableaux suivants :

Tableau n° 7 : les éléments d'analyse d'une entité paysagère.

Tableau n° 8: Principales entrées pour comprendre le paysage de la palmeraie

Après l'analyse de l'état actuel du paysage, il est nécessaire d'analyser sa dynamique spatiotemporelle et ses causes. L'objectif de cette lecture chronologique est de déterminer ce qui a façonné le paysage pour lui donner l'image qu'il a aujourd'hui. Percevoir l'évolution du paysage n'est pas toujours facile. L'habitude de le voir quotidiennement atténue chez les populations qui y vivent l'impact de chacun des petits changements qui, accumulés, peuvent contribuer à sa modification profonde. La prise de conscience de l'évolution du paysage et de la mise en évidence des causes de ses modifications permettent de réfléchir aux moyens d'enrayer les dégradations en cours, de valoriser des espaces menacés. Dans l'élaboration d'un projet de territoire, la mise en évidence des facteurs de l'évolution du paysage se fera à l'échelle de chaque entité paysagère. L'observation directe permet de repérer les évolutions du paysage mais la comparaison des photographies aériennes sur 20 ou 25 ans, ou de cartes anciennes et actuelles

donne des résultats très significatifs.59 Cette opération met en évidence les éléments qui, par leur disparition, leur apparition ou leur permanence, transforment le paysage.

Les éléments significatifs de l'évolution du paysage :

§ Les facteurs de dégradation du paysage de la palmeraie :

· L'urbanisation diffuse;

· L'architecture banale des constructions nouvelles;

· Les zones d'activités mal traitées (implantations, volume et aspects des bâtiments);

· L'affichage publicitaire mal maitrisé;

· Les constructions modernes aux entrées des villages qui ferment le paysage;

· La désertification, la sécheresse et l'ensablement;

· L'artificialisation des cours d'eaux;

· La construction des routes dans les palmeraies;

· Le manque d'entretien des palmeraies;

§ Les facteurs de valorisation du paysage de la palmeraie :

· Des entrées des centres urbains et des villages maitrisées;

· Des sites naturels et des abords des sites historiques protégés et valorisés;

· L'entretien des palmeraies;

· Des routes insérées dans la géomorphologie du paysage et respectant ses spécificités;

· La maitrise de l'urbanisation;

· L'implantation adaptée des zones résidentielles et des zones d'activités;

· Un mode architectural inspiré des matériaux et de savoir faire local.

Le travail sur l'évolution des paysages est très révélateur de la rapidité et de l'impact des changements intervenus dans le paysage. Il a une force pédagogique évidente à l'égard des élus et des habitants, dans la mesure où il met en évidence des changements intervenus, parfois récemment, sans que chacun en ait conscience. La réalisation des documents d'illustration simples et clairs, qui rendent bien compte de ces évolutions aura un fort impact pédagogique.

59 Gérald DOMON, Évolution du territoire Laurentidien : caractérisation et gestion des paysages, CPEUM, 2000, pp. 38-48

Prendre conscience des pressions sur le paysage :

Dans chaque entité paysagère, on trouve des pressions particulières liées à la fois au contexte socioéconomique propre à cet espace et à des conditions historiques et foncières plus globales. La prise en compte des pressions sur le territoire, qu'elles soient urbaines, agricoles ou industrielles permet de saisir les menaces à venir sur le paysage et de cerner les secteurs les plus sensibles. Ces pressions sont identifiables au traves :

- des documents d'urbanisme de chaque commune (PA ou PDAR) qui traduisent leurs projets d'aménagement et du développement. L'analyse de ces documents permet de cerner les zones d'urbanisation potentielles. Elle devra amener à une réflexion sur la cohérence des documents d'urbanisme et des projets communaux.

- des projets d'infrastructures;

- de l'évolution de l'agriculture et du devenir des exploitations agricoles ainsi que des tendances aux boisements;

- de la demande en logement des habitants ou de l'accentuation de la fréquentation de certains sites.

La réalisation de supports simples de visualisation des évolutions prévisibles est extrêmement utile comme vecteur de prise de conscience anticipée d'un futur probable. Quelle serait l'image paysagère du secteur d'étude si les projets connus se réalisent et si les tendances d'évaluation observées se confirmaient. Est-ce là le futur que nous voulons ?

Mise en évidence des points forts et des contraintes :

Il s'agit de dégager les valeurs fortes du territoire intercommunal que les initiateurs de projet devront valoriser comme fondements de développement local et de l'identité des lieux ainsi que les contraintes qui devront être levées. Cette mise en évidence consistera à repérer les thèmes déterminants pour le développement du paysage et l'organisation du territoire. C'est-à-dire les éléments qu'il est intéressant de protéger, de reconquérir et de mettre en valeur pour qu'ils forgent l'identité du territoire (un paysage particulier, un site d'intérêt naturel ou touristique, un village historique, la présence de l'eau, le caractère rural, le style architectural, les produits de terroir...). Cette mise en évidence est complétée par le recensement et la localisation des problèmes paysagers où il est question de dégager les problèmes et les menaces qu'il est souhaitable de réduire ou d'éviter à l'échelle de l'ensemble du territoire intercommunal et au niveau de chaque entité paysagère :

- Le développement d'une urbanisation qui ne prend pas en compte les effets produits sur la silhouette des villages ou l'intégrité de l'environnement;

- L'implantation des zones d'activités sans traitement d'ensemble

- L'avancée du désert sur les sols agricoles, etc.

Ce travail est aussi l'occasion de localiser les espaces et les éléments dégradés dont la présence affecte la qualité paysagère et environnementale qu'il est nécessaire de traiter. Par exemple, les zones atteintes par la bâti traditionnel en ruine, les zones de rejets des eaux usées en plein air, les zones résidentielles mal intégrées, les décharges sauvages des déchets ménagers, l'affichage désorganisé, etc. Pour une meilleure sensibilisation de l'ensemble des acteurs du groupement à ces problèmes, une visualisation simplifiée est fort recommandée. Pour cela, il est important de produire une carte synthétique des atouts et des contraintes des paysages et du milieu naturel du territoire de groupement.

La préparation d'un « projet paysager » :

Au terme de l'ensemble de observations précédemment décrites, les particularités du paysage se sont dessinées progressivement. Les éléments majeurs ont été identifiés et seront donc ceux sur lesquels portera le « projet paysager ».60 Ce dernier pourra s'attacher à protéger les éléments dégradés, à renforcer les spécificités des lieux, à souligner les différences entre chaque entité paysagère ou à valoriser au contraire les éléments communs à l'ensemble du territoire, à favoriser l'émergence d'un paysage contemporain harmonieux. Ainsi, l'observation et l'analyse du paysage ont permis la mise en évidence de ses forces et de ses faiblesses du paysage et de ses caractères dominants. Ceux-ci constituent les bases structurantes d'intervention future en vue de la

requalification paysagère de l'ensemble de l'espace intercommunal.

Les démarches d'animation et de sensibilisation :

L'analyse du paysage suscite le débat. Elle est un outil privilégié d'une démarche participative de réflexion sur le devenir d'un territoire. À chaque étape de diagnostic, l'approche paysagère est propice à la création d'une ambiance du travail vivante et conviviale. Elle permet à chacun de faire part de ses connaissances locales, de sa sensibilité et de se sentir ainsi valorisé. La participation se fait au sein des groupes de travail thématiques constitués à l'échelle de tout le groupement ou à celle des entités paysagères. Le croisement des conclusions de chacun permet de valider l'état des

60 Il ne faut pas confondre entre un « Projet paysager » et un « Projet de territoire ». Ce dernier englobe l'ensemble des thématiques prioritaires définies lors de diagnostic territorial par les acteurs intercommunaux. Le paysage, thème majeur de notre travail, est traité ici à titre illustratif. D'autres thématiques territoriales telles que l'environnement, le patrimoine culturel, le tourisme, l'agriculture, etc. peuvent aussi, dans le cadre de la mise en oeuvre d'un projet de territoire intercommunal, être objet de projets particuliers.

lieux. Un consensus sur les forces et les faiblesses du paysage sera un atout pour la mise en oeuvre d'une réflexion concertée sur son devenir. Il s'agit donc de discuter, d'échanger et de croiser les lectures et les regards pour faire évoluer l'analyse. Chacun doit s'exprimer sur les perceptions de l'autre. Ces échanges sont l'occasion d'une prise de conscience sur l'importance de certains aspects non perçus jusqu'alors.

L'association des élus et des acteurs institutionnels :

En ce qui concerne cette catégorie d'acteurs, leur participation au diagnostic territorial peut être plus active que la seule participation aux réunions d'échange. Les élus par exemple ont une connaissance parfaite de leur territoire d'intervention et fournissent de précieux renseignements notamment sur les réalités socioéconomiques locales, dimension que perçoit moins bien un professionnel, à mois qu'il ne connaisse parfaitement le territoire de la commune. Pour identifier les éléments intéressants du paysage et connaître les projets de développement local, l'enquête

par questionnaire systématique auprès des acteurs institutionnels et des présidents de conseils est une autre méthode à mettre en oeuvre.61

L'implication des populations et des associations locales :

Les habitants doivent également pouvoir s'exprimer et rendre compte de leur perception propre de leur milieu de vie puisqu'ils en sont les premiers acteurs et aussi les plus directement concernés par son amélioration. Plusieurs techniques d'animation peuvent être utilisées pour faire participer une population aux travaux de diagnostic paysager de son territoire notamment les groupes de travail et les visites de terrain. Il est préférable de mettre en oeuvre ces méthodes participatives à l'échelle intercommunale. Les populations et les associations locales ou éventuellement les élus sont alors moins tentés de raisonner par rapport à leur territoire immédiat mais au vu d'un territoire plus large. Des séances d'animation peuvent aussi être organisées à l'échelle des entités paysagères.

Les supports de communication :

Les documents de restitution des résultats du diagnostic paysager doivent impérativement être des documents facilement communicables et d'une visualisation simple (cartes, photographies, croquis, dessins, organigrammes...) pour être facilement compréhensibles par le grand public. Le travail cartographique est particulièrement intéressant car, bien souvent, ces documents n'existent pas à l'échelon intercommunal. Le diagnostic paysager est l'occasion pour un territoire intercommunal de se doter d'un fond cartographique qui est sera bénéfique à d'autres utilisateurs.

61 Le questionnaire systématique, comme méthode d'enquête, a bien évidement des limites liées au nombre et à la qualité des réponses au retour. Elle ne sera pas vraiment participative que si une présentation publique des résultats ainsi qu'un débat sont organisés.

Ces supports sont utilisés, tout au long de l'élaboration de projet de territoire, pour faire partager la lecture du paysage aux élus, aux populations, ainsi qu'aux autres partenaires, au cours de réunions, d'expositions, etc.62

62 Les conclusions de l'étude de diagnostic peuvent faire l'objet d'une présentation publique avec un commentaire de l'ensemble des personnes ayant participé au diagnostic. Il peut être aussi intéressant de susciter la participation de la population pour le montage d'expositions : collecte de photos anciennes, concours de dessins d'enfants...

CHAPITRE III : UN PROJET PAYSAGER POUR LE DEVENIR DU TERRITOIRE OASIEN

Pour maitriser un paysage il est indispensable de veiller à son développement harmonieux et intelligent. Il faut réparer les erreurs de l'occupation de l'espace et redresser les impacts non désirables des activités humaines sur le milieu. Le projet paysager apporte à une stratégie d'aménagement une signification écologique que culturelle et une dimension de développement humain très forte. Cette seconde étape dans l'élaboration de projet de territoire a pour objectif :

- de déterminer les principes d'intervention visant l'amélioration de la qualité paysagère et l'insertion des aménagements futurs;

- de réfléchir aux usages des espaces naturels et aux sites remarquables du territoire intercommunal à privilégier en fonction de leur valeur paysagère et de fixer des règles d'occupation de l'espace.

C'est une étape de propositions et de choix d'orientations de la part des acteurs. Le rôle de paysagistes et des gestionnaires de l'environnement est très important pour aider à bâtir des propositions intégrées, et le rôle des élus est déterminant comme décideurs des orientations stratégiques.

Les échelles d'intervention :

Les propositions pour la requalification des paysages doivent être réfléchies à deux échelles différentes :

· À l'échelle de l'ensemble du territoire, échelle des enjeux communs, les interventions sont de nature thématique : la maitrise de mutations paysagères urbaines, la protection des qualités du milieu naturel, la préservation et la réhabilitation des entrées des communes et des villages.

· À l'échelle de chaque entité paysagère, il faut rechercher des préconisations paysagères et environnementales en lien avec les vocations économiques dominantes des différentes parties du territoire : zones à usage réservé à certains types de fréquentation, prescriptions architecturales en matière de construction, pérennité de l'usage agricole des terrains, meilleures intégration des travaux d'aménagement à l'environnement.

Cette double approche permet d'intervenir de manière cohérente sur tout le territoire, tout en affirmant les spécificités de chaque entité paysagère. Les choix d'aménagement et de développement doivent, quant à eux, être réfléchis sur la base des usages de l'espace qui seraient

les plus compatibles avec la qualité souhaitée au territoire. Il s'agit de désigner les vocations dominantes de chaque partie du territoire, c'est-à-dire ce à quoi on souhaite destiner ces différentes parties selon leur aptitude à développer des fonctions et des usages particuliers et, à partir de là, de fixer des principes d'utilisation de l'espace.

Programme d'action et principes d'intervention :

Pour chacune des situations paysagères rencontrées, le projet de territoire consiste :

- à proposer des principes d'intervention sur les projets d'aménagement;

- à préciser les actions à conduire pour améliorer la qualité paysagère du territoire : contenu des actions, localisation...

Ces principes d'intervention sont des lignes directrices et de points de référence communs sur lesquels les élus, les aménageurs, les maitres d'ouvre s'appuieront lors de la réalisation des aménagements. À ce stade, on ne vise pas à aboutir au plan d'aménagement d'un village ou d'un site paysager ou naturel. L'objectif est de se mettre d'accord sur des principes d'intervention et de traitement adaptés aux spécificités du territoire. Dans ce stade, chaque nouveau projet, chaque action de réhabilitation ou de protection valoriseront les atouts paysagers du territoire, et permettront de renforcer son identité de façon cohérente. La définition du programme d'action se fait à l'échelle de tout le groupement de communes; elle permet un traitement global du territoire et contribue à favoriser la cohérence des actions. Le projet paysager défini à ce stade doit être fortement corrélé à l'objectif dominant poursuivi au travers de projet global de développement intercommunal et de sa politique d'aménagement : préservation face à la pression urbaine, objectif de valorisation touristique, d'amélioration du cadre de vie des habitants, etc. Dans cet esprit, la réserve de biosphère peut par exemple définir des thèmes d'intervention prioritaires qui feront l'objet de fiches techniques simples regroupées dans un guide à l'usage des communes.

Usages du territoire et occupation de l'espace :

La qualité environnementale et paysagère d'un territoire dépend intimement du type de développement économique qui y est pratiqué, des choix d'aménagement qui y sont faits : nature et localisation des activités, équipements et infrastructures, aménagement foncier, gestion forestière, etc. Sa revalorisation passe donc non seulement par des actions de requalification ou de réhabilitation paysagère, environnementale ou patrimoniale, mais par une réflexion sur les choix d'aménagement et de développement. Dans notre territoire d'étude, certaines zones sont menacées par la présence d'activités trop agressives et par des usages de l'espace qui ne sont pas toujours adaptés aux caractéristiques paysagères et écologiques des lieux. Dans la région des palmeraies,

l'enjeu du projet de territoire est donc de réfléchir au mode d'utilisation de l'espace au regard de la qualité et de la sensibilité paysagère et environnementale qui le caractérisent. Quelle est la vocation dominante de chaque entité paysagère de notre territoire ? Quelles conséquences en tirer de point de vue de l'occupation de l'espace et des choix d'aménagement ? Il est clair que la capacité d'infléchir les grandes mutations du territoire qui affecte l'évolution des paysages est limitée et qu'il faut relativiser la part des choix que peut formuler un groupement de communes. Tant d'évolutions paraissent inéluctables ou dépendantes des décisions nationales voire même internationales. Pourtant, en détenant une bonne part des pouvoirs de planification de l'espace, et en étant décideurs d'aménagement publics, les communes ont des moyens, si ce n'est de choisir, tout au moins d'infléchir des évolutions des évolutions indésirables : comment mieux faire ce qui relève directement de leur marge de compétence (outils de planification urbaine adaptés, travaux d'aménagement judicieux et de qualité, choix de développement intégrés à la réalité locale) ? Comment créer les conditions pour que les actions des particuliers, des entrepreneurs, des aménageurs contribuent à améliorer la qualité du milieu de vie au lieu de le dégrader ?

Déterminer les vocations dominantes des entités du territoire :

Quelle est la vocation dominante de chacune des entités du territoire, en fonction de ses atouts et ses contraintes environnementales et paysagères ? Au développement de quel type d'activité est- elle le mieux adaptée ? Que peut-on faire sur telle partie du territoire mieux qu'ailleurs ? Faut-il continuer à développer les zones urbaines sur cette partie du territoire alors que sa qualité paysagère et naturelle constitue un potentiel touristique ? Des espaces apparaitront plus propices que d'autres aux activités agricoles, d'autres présenteront de réels atouts pour une valorisation touristique, d'autre encore pour un développement résidentiel. Il s'agira alors pour les communes de prendre les décisions qui s'imposent pour permettre un aménagement en cohérence avec la vocation de chaque lieu. Ainsi, dans l'avenir, les vocations économiques de l'espace ne constituent pas une menace pour la qualité paysagère du lieu et à son intégrité environnementale mais contribuent à son maintien et à sa valorisation. Le projet de territoire est de cette façon un nouveau regard sur le territoire qui amènera à remettre en cause des projets d'aménagement dans leur conception ou dans leur réalisation et à prévoir des conditions particulières pour l'occupation de certains espaces. Définir son projet d'aménagement et de développement en partant d'une réflexion sur le potentiel paysager et naturel est une démarche nouvelle. Nous proposons donc des modes de questionnement et des lignes de conduite permettant d'aborder les usages futurs des espaces du territoire de la réserve de biosphère des oasis.

Définir les règles de jeu pour l'occupation de l'espace :

Il s'agit de définir, au sein de chaque entité paysagère des règles de jeu de l'occupation de l'espace. En fonction de sa ou ses vocations dominantes, on déterminera la nature des activités à favoriser, à développer, à réglementer et les zones correspondantes :

- maintenir les activités agricoles, préserver la qualité naturelle, favoriser le caractère paysager de l'espace;

- développer des activités touristiques et certains types d'accueil;

- orienter la gestion et la restructuration de la palmeraie;

- interdire certains types d'activités dans des lieux de grande sensibilité environnementale ou paysagère, tel que les décharges, les rejets d'assainissement, la construction en béton armé...

On orientera aussi la localisation des activités :

- localiser les futures zones d'urbanisation;

- choisir des espaces à valoriser pour le tourisme;

- définir des zones naturelles;

- définir des zones agricoles.

La charte paysagère : un contrat intercommunal sur des objectifs et des moyens.

Lorsque la structure intercommunale a arrêté les orientations pour son projet territorial, il lui reste à en définir les modalités concrètes de réalisation ce qui suppose des engagements formels. C'est l'objet de cette dernière étape, celle de la validation du projet de territoire et de l'élaboration de la charte intercommunale, document sur lequel s'engageront librement les signataires. À ce stade, il importe de :

- définir les moyens nécessaires à la mise en oeuvre et le rôle de chaque acteur dans celle-ci;

- établir le document de charte;

- amener chaque partenaire à s'engager sur cette charte;

- assurer la pérennité de la charte et donc la bonne continuité du projet.

Les moyens de la mise en oeuvre :

L'enjeu est de réunir toutes les conditions qui favorisent la mise en oeuvre d'un programme d'actions dans le respect de la charte et la pérennité des choix d'aménagement. Pour chacune des actions définies, il s'agit de définir les moyens et les acteurs qui seront chargés de les mettre en oeuvre.

a. Les moyens d'action :

Il s'agit de traduire chaque orientation du projet paysager en action concrète assortie des moyens de sa réalisation. Les moyens seront de nature technique et humaine, financier, réglementaire, de formation et de communication tel que cela est illustré dans le tableau suivant :

Tableau n° 9: Les moyens de la mise en oeuvre de la charte intercommunale

b. Les moyens humains :

Dans la mesure où le groupement de communes dispose d'une équipe technique, elle peut être mise à la disposition des communes pour les aider et les assister dans la mise en oeuvre du projet paysager. Les moyens humains, ce sont aussi les personnels compétents des services administratifs, les cadres associatifs, les professionnels des ONG internationales impliqués dans des projets de développement local avec lesquels des conventions de partenariats peuvent être signés.

c. Les moyens techniques :

L'apport technique se traduit par l'élaboration d'études spécifiques, par la mise en place de programmes d'actions précis et par la réalisation d'outils d'aide technique.

d. Les moyens financiers :

Le projet pour le paysage ne sera viable que si les communes ont la capacité de dégager des moyens pour le financer. Le groupement peut disposer d'un financement propre (taxes, lignes budgétaires...) qui lui permettra d'initier son projet de paysage et de mobiliser facilement d'autres partenaires, notamment le fonds de l'équipement communal, pour apporter des financements complémentaires. Le succès d'une politique paysagère ou environnementale ne requiert en aucun cas des financements spéciaux. Tout dépend de la capacité des communes à concevoir de meilleurs projets dans le cadre de financement communs : par exemple réaliser des aménagements de villages de qualité dans la cadre des subvenions publiques ordinaires.

e. Les moyens réglementaires :

Certains aspects du projet paysager gagneront en efficacité s'ils trouvent une parfaite traduction dans les documents d'urbanisme. Ceux-ci devront être adaptés afin de prendre en compte les orientations définies dans le projet paysager commun. Ces moyens réglementaires qui relèvent soit de groupement soit de chaque commune peuvent concerner par exemple :

- l'élaboration d'un Schéma directeur d'aménagement intercommunal afin de mieux prendre en compte l'environnement et le paysage;

- la prise en compte par les communes du projet de paysage à l'occasion des révisions d'un Plan d'Aménagement;

- la définition des prescriptions communes de permis de construire qui seront reprises dans les documents d'occupation de l'espace;

- la mise en place d'une politique d'acquisition foncière orientée vers la préservation des qualités des milieux naturels sensibles et du paysage;

- la sollicitation de l'État pour la mise à l'étude de procédures de protection paysagère, au titre du plan national de le restructuration de la palmeraie (qualité des prescriptives internes et externes de la palmeraie, prise en compte des sensibilités paysagères dans les travaux de restructuration,), la loi sur la conservation du patrimoine culturel, le code de l'urbanisme, le règlement sur le classement des sites d'intérêt biologique et écologique (sites inscrits pour les paysages ruraux remarquables, sites naturels de valeurs paysagère;

En matière d'affichage, bien qu'il n'existe pas encore d'assises juridiques spécifiques, la loi sur la conservation du patrimoine réclame le respect de la visibilité des monuments historiques. Sur cette base, on peut veiller à la mise en place dans chaque agglomération de zones d'affichage autorisé, définissant la localisation, les modes d'implantation et les normes de taille des supports d'affichage.

f. Les moyens contractuels :

La charte signée par les communes du groupement porteur de projet rassemble les dispositions acceptées par chaque commune pour la maitrise du devenir du paysage sur son territoire. Au travers de cette charte, le groupement s'engage sur un programme d'actions qui seront menés en partenariat avec des organismes compétents. Les services publics et les organismes socioprofessionnels intervenant sur le territoire peuvent être liés par des conventions d'application de la charte pour la mise en oeuvre d'actions spécifiques.

g. Les moyens de communication :

La prise en compte de paysage et de l'environnement dans les programmes de développement et d'aménagement implique d'engager des actions d'information et de sensibilisation à l'égard de tous ceux qui interviennent sur le territoire et ceux qui y vivent. À chaque public peuvent être adaptés des outils de sensibilisation spécifiques :

- l'édition des guides sur le paysage et l'environnement;

- l'édition des fiches de présentation du projet;

- la préparation des dossiers de presse pour la presse locale et nationale;

- des activités pédagogiques dans le milieu scolaire;

- des manifestations : expositions, conférences, des journées thématiques sur le paysage, l'environnement, le patrimoine;

- des chantiers bénévoles d'entretien du paysage ou du cadre de vie;

- des ateliers de formation pour les professionnels de l'aménagement et les associations locale.

Pour l'organisation d'actions de formation/sensibilisation, il est important de disposer de personnel qualifié. Compte tenu de contexte des oasis, étant une aire protégée de valeur universelle, l'aménagement des itinéraires des panoramas du territoire est un outil de sensibilisation et de conscientisation très approprié. Cette action peut avoir une double vocation : sensibiliser la population à la diversité paysagère et écologique de leur territoire et faciliter aux touristes la découverte des richesses territoriales locales. Ce type d'action nécessite la mise en place d'un plan de signalisation des sentiers et des sites remarquables pour faciliter la découverte des paysages et des richesses naturelles et patrimoniales. Sur ces sentiers, des sorties guidées peuvent être organisées à vocation diverses : paysagère, écologique, botanique, archéologique...

Le document de la charte :

Il s'agit maintenant de traduire l'ensemble de ces dispositions dans un document qui engage ses signataires et assurera la pérennité de cette approche. La charte paysagère, instrument d'aménagement intercommunal, est le document de référence commun qui donne la ligne de conduite que chacun doit respecter sur le territoire. La charte paysagère se concrétise par plusieurs documents :

a. Le document cartographique :

Une carte de référence où figurent les vocations et les mesures de protection et d'aménagement par type d'espace. Ce document présente une illustration visuelle du et traduisant les orientations retenues quant à l'usage du territoire et aux règles d'occupation de l'espace. Ce document cartographique est complété par des cartes thématiques ou par entité paysagère. À cette étape, les cartes ne sont plus des cartes de présentation de l'état du territoire. Ce sont des cartes prospectives, c'est-à-dire des outils de référence qui montrent les choix opérés, et présentent les

orientations principales par type d'espace et la nature des interventions.63

b. Le document écrit :

C'est un complément de la carte qui présente l'ensemble du projet par entité paysagère et par thèmes. Il doit contenir les vocations arrêtées pour chaque type d'espace du territoire intercommunal, les orientations prises pour la requalification des paysages et la protection de l'environnement, les principes pour les aménagements futurs des différents espaces du territoire, un

63 Le dossier cartographique du projet doit aussi faire objet d'une exploitation pédagogique : utilisation pour des expositions, pour la réalisation de brochure et des guides de sensibilisation.

programme d'action avec une hiérarchisation des priorités, les règles de conduites à respecter par chaque catégorie d'acteur, les moyens à mobiliser et les programmes d'action à mettre en oeuvre.

c. Des documents par commune :

La charte peut comprendre des documents à l'échelle communale qui traduisent les orientations du projet paysager pour chaque commune et en précise l'impact sur son territoire. Ce peut être une carte particulière ou un guide de recommandations. Chaque commune peut ainsi s'approprier le projet au regard de ses compétences et des priorités. Il faut que chaque commune de groupement porteur de projet dispose du document cartographique et écrit complet de l'ensemble du territoire. En somme, la charte paysagère, engage ses signataires sur un projet de développement territorial commun. Tout l'enjeu réside dans sa capacité à mobiliser, à associer et à convaincre l'ensemble des partenaires pour mettre en oeuvre la politique choisie pour l'aménagement et le développement de leur territoire. Elle traduit les intensions du groupement quant au devenir du paysage intercommunal, fixe les grands principes de projet de territoire et ses orientations majeures et précise les moyens à engager pour leur réalisation. Elle doit également prévoir les conditions de sa mise en oeuvre, un délai de validité et les conditions de son évaluation et de sa révision. La charte paysagère n'a pas de valeur réglementaire particulière en tant que tel, et elle n'est pas opposable aux tiers. Cependant, le recours aux outils réglementaires, notamment au travers des documents d'urbanisme, permet de mesurer le degré d'intégration intercommunal au projet de paysage et à la répartition des responsabilités entre les communes de groupement. Elle doit être objet d'une présentation publique, bénéficier d'une publication et être et facilement consultable. Pour un groupement de communes, bâtir une politique paysagère c'est s'interroger sur l'avenir de son territoire et prendre conscience du rôle de l'environnement et du paysage comme leviers de développement.

Le projet de territoire qui intègre ces considérations est une démarche en émergence au Maroc. Elle offre aux groupements de communes un cadre méthodologique leur permettant :

- d'analyser ensemble les caractéristiques de leur paysage et lui attribuer une valeur de développement économique;

- de réfléchir aux vocations des différents espaces du territoire et à ce que l'on souhaite qu'ils deviennent;

- de prendre de façon volontaire des mesures destinées à mieux maitriser le devenir du paysage;

- d'élaborer un programme d'action qui soit plus qu'une série de mesures réglementaires;

Cette approche s'avère très fédératrice pour l'action intercommunale. Elle permet d'envisager l'aménagement et le développement du territoire en dehors de débats relatifs à la mise en oeuvre d'un projet précis. À ce titre, les chartes paysagères constituent une nouvelle opportunité pour les communes de renforcer leurs liens ou de les créer lorsque l'intercommunalité est expérience nouvelle. Elles sont également une opportunité de structurer un dialogue avec leurs partenaires économiques, administratifs et associatifs. Engagement à un meilleur aménagement du territoire,

«les chartes paysagères permettent aux communes d'appliquer à leur niveau un des principes essentiels de la conférence de Rio : le droit des générations futures à un environnement préservé, facteur d'un développement durable ».

CONCLUSION

Si les oasis se définissent autour de thème majeur de l'eau et des palmeraies, aujourd'hui leur définition doit prendre également en compte des déformations, des ruptures et des tensions. Elles sont tiraillées entre des volontés contradictoires et la rupture entre les signes du passé et les symboles de la modernité affectent le territoire dans son ensemble. Les références d'interventions sont aujourd'hui de plus en plus éloignées de la culture locale et les modèles sont dictés par des normes et des intérêts qui sont totalement externes aux territoires. Le milieu naturel se dégrade, le paysage se désordonne et les oasis perdent leur force, leur originalité, leur harmonie, leur fonctionnement et leur séduction. La rapidité des changements ne laisse plus au temps la capacité de corriger les erreurs et celles-ci engendrent toujours plus de dégradations. L'urbanisation aurait beaucoup eu à gagner si on avait réfléchi un tant soit peu en terme de l'intégration de l'environnement et de la qualité des paysages. C'est pourquoi il y a lieu de réintroduire des règles de jeu et des pratiques basées à la fois sur l'identité territoriale et sur le devenir souhaité aux oasis. Dans les actions d'aménagement à venir, il y a lieu de respecter des logiques bien identifiées et adaptées de façon à maitriser l'occupation de l'espace et respecter les équilibres écologiques. Ce travail démontre que les palmeraies de la réserve de biosphère des oasis du sud Marocain constituent un territoire où se définit une problématique spécifique de gestion de l'environnement et où s'expriment de nombreux enjeux. Le développement de cette zone guettée par la désertification doit prendre appui sur la mise en oeuvre d'une politique de mise à niveau qui consiste à passer d'une économie de subsistance à une économie diversifiée. Ce passage est susceptible d'élever le niveau de vie des populations et réduire la marginalisation géographique et socioéconomique des palmeraies. La région renferme de nombreux atouts, mais des chantiers stratégiques doivent être entrepris pour les valoriser.

La nécessaire valorisation des ressources spécifiques :

On ressent pour les oasis l'urgence de la mise en oeuvre de programmes de développement local axés sur les potentialités spécifiques aux territoires. La préservation de l'environnement et du paysage est une action urgente à entreprendre. Le statut de la réserve de biosphère, image de marque mondiale, permet de simuler des modèles de développement local qui ont démontré leur efficacité dans d'autres régions du monde. Dans notre région, il fournit des opportunités de valorisation mais très peu exploités. Il désormais important de penser à de novelles approches de développement local. La préservation de l'environnement et la protection des paysages va de pair avec la valorisation de certains produits spécifiques de la région permettant une augmentation des revenus de la population. Une agriculture biologique avec un label « oasis » est notamment un créneau précieux qui peut aider à diversifier et renforcer les revenus des populations locales. Le développement du tourisme saharien : un nouveau créneau pour la valorisation paysagère des oasis : Les potentialités touristiques des oasis sont aussi diversifiées. Dans le but de les mettre en valeur, il est primordial de faire de tourisme oasien un secteur économique prioritaire et recourir à l'expertise nationale et internationale, afin de promouvoir des projets rentables et respectant la sauvegarde des milieux. En parallèle il faut ouvrir la région aux firmes touristiques internationales afin d'impulser la compétitivité et fournir des subventions aux investisseurs touristiques nationaux et locaux.

La promotion d'une politique urbaine :

Avec un taux de croissance moyen de près de 4%/an, la population urbaine des oasis est appelée à doubler d'ici vingt ans. Il conviendra de mettre en oeuvre une politique urbaine permettant de maîtriser cette croissance et d'adopter de nouvelles prescriptions urbanistiques. Les raisons sont multiples; les centres urbains se présentent comme des espaces clés pour les oasis, elles sont le lieu privilégié des mutations économiques, écologiques et sociales. Plusieurs actions devront être menées pour gérer ces changements et dépasser ces problèmes : rénovation et réhabilitation de l'habitat traditionnel, restructurer les politiques d'aménagement pour s'adapter au contexte oasien et les projets d'amélioration du cadre de vie doivent être renforcés. La gestion des transformations des paysages devrait se faire par l'intermédiaire de documents de planification spatiale et urbaine adaptés à la réalité et à l'identité des palmeraies dans leur conception, dans leur façon d'appréhender les problématiques oasiennes et dans leur souci d'impliquer les acteurs locaux dans les processus de négociation. La mise à niveau des centres urbains passe nécessairement par la maîtrise du foncier qui est un facteur stratégique dans la production de l'habitat. Cette maîtrise passe par l'ajustement de la réglementation qui est soit dépassée soit

mal formulée et la constitution de réserves foncières pour une meilleure orientation de l'urbanisation. Enfin, des actions spécifiques doivent concerner les Ksour et les Kasbah. Sur le plan réglementaire, il faudrait compléter les textes par des dispositions pratiques pour résoudre les problèmes spécifiques à ce type d'habitat.

La valorisation du paysage et la sauvegarde de l'environnement :

La protection de l'environnement constitue un axe stratégique pour la valorisation paysagère. En effet, l'environnement des espaces oasiens, fragile par nature, est dans une situation critique. La situation est particulièrement alarmante à cause de la désertification, et partout les signes de dégradation se multiplient. A ce phénomène, se sont associés les problèmes induits par l'urbanisation anarchique. Ceci est particulièrement vrai pour le capital foncier en voie de disparition en raison de l'empiétement de l'urbanisation sur les terres agricoles particulièrement les zones traversées par des voies d'accès mais aussi à cause des crues dévastatrices. La réhabilitation des séguias, le sapement des berges sont toutes des actions dispensables pour maintenir le paysage de la palmeraie. Ainsi, il est essentiel de réhabiliter les systèmes traditionnels d'irrigation (les Khettaras) mais aussi les traditions d'exploitation de l'eau et les techniques pastorales traditionnelles qui contribuent à la sauvegarde de l'environnement et au maintien des paysages. Une connaissance objective de potentiel paysager pour chaque bassin oasien est importante pour la définition des actions de valorisation et de développement. Au stade actuel, les informations si elles existent sont dispersées, disparates et d'inégale qualité. Un projet de territoire doit s'articuler autour de la mobilisation concertée des ressources de développement local et la protection de l'environnement. Ce qui implique la diversification des activités économiques en adoptant des stratégies locales appropriées et des systèmes de production qui valorisent les produits spécifiques. Le développement des activités non agricoles est de nature à atténuer la pression sur les ressources et de limiter les effets de la dégradation du milieu.

La nécessaire redéfinition des cadres de référence :

La mise en oeuvre de projets de territoire ne peut être menée à terme que si des actions de restructuration sont menées en amont. Il est impératif de renforcer la cohérence horizontale des programmes de développement et de trouver de nouvelles méthodes de planification. Les projets de développement local sont le plus souvent traduits par une simple juxtaposition d'actions sectorielles. Les programmes de développement devront dorénavant constituer une synthèse des besoins, des atouts et contraintes des groupes cibles et tenir compte de l'interférence de tous ces aspects. Le projet de territoire pourrait servir de cadre spatial pour une meilleure efficacité des

programmes de développement. La planification décentralisée et participative doit être également institutionnalisée. Celle ci est un processus où la planification émanant de la base, gérée et prise en charge par les collectivités territoriales dans un cadre contractuel entre les différents intervenants. Elle aboutirait à terme à des contrats-plans, des contrats-programmes et des plans régionaux et locaux de développement. Le cadre spatial d'intervention devrait être changé. La région de la réserve de biosphère est un espace très vaste, qui a l'inconvénient de s'étendre sur deux régions (Souss-Massa-Draa et Meknès-Tafilalt) à cheval sur trois provinces différentes. Il est important actuellement pour coller aux problèmes spécifiques de cet espace de procéder à un autre regroupement régional. Le manque d'une structure de gestion est aussi une impasse sérieuse à la valorisation et à la protection des palmeraies. Il y a lieu d'introduire des règles de jeu basées à la fois sur l'identité territoriale et sur le devenir souhaité au territoire oasien dans le cadre du programme MAB de l'UNESCO. Dans les actions d'aménagement à venir, il y a lieu de respecter des logiques bien identifiées et affirmées. La sauvegarde et la mise en valeur des palmeraies du sud Marocain, c'est participer au développement durable de l'ensemble des zones arides de la planète.

BIBLIOGRAPHIE

Livres :

- AKODAD (M.) et al., Projet de réserve de biosphère des palmeraies du sud Marocain, Province de : Ouarzazate, Errachidia, Zagora, étude Abiotique, Janvier 2000.

- AL ASSAL (Kh.) et al., Étude architecturale des Kasbah et Ksour de Ouarzazate : Programme d'action,

- MATEUH, Direction de l'Architecture, Rabat, novembre, 2000.

- ALLEGRÉ (C.), Écologie des villes, écologie des champs, éd. Fayard, 1993

- ANGELIER (E.), Introduction à l'écologie : des écosystèmes naturels à l'écosystème humain, éd. TEC et DOC, Paris, 2002

- ANONYME, Living on the edge of the Sahara: a study of traditional forms of habitation and types of settlement in Morocco, éd. ZWO, Netherlands, 1973.

- AUZANNEAU (V.), Introduction à la notion de paysage, École d'architecture de Bordeaux, 1992.

- BARDET (M.), La fin du paysage - Anthropos, 1973.

- BATAILLON (C.), Mutations des campagnes au Tiers-monde, Paris, CNRS, (sd).

- BEGUIN (F.), Le paysage, Flammarion, Collection Dominos, Paris 1995

- BELLAMACHI et autres), Les Ksour et Kasbah : Etude analytique et concepts urbains,

D.E.S en Architecture, ENA, Rabat, 1992

- BENCHERIFA et al., L'oasis de Figuig entre la tradition et le changement, Le Maroc : espace et société, Actes du colloque marocco-allemand de Passau 1989, pp. 7- 48.

- BENCHERIFA (A.), Culture, changement social et rationalité : l'utilisation des ressources hydro-agricoles entre l'abandon, la persistance et la consolidation dans l'oasis de Figuig, Culture et résistances au Maghreb, Actes du colloque de Zarzis, Tunisie, 1988, Paris 1990.

- BENTAHAR (M.), Villes et compagnes au Maroc, éditell, Rabat, 1989

- BENZAKOUR (S.), Essai sur la politique urbaine au Maroc, 1912-1975, éditions maghrébines, 1978.

- BERNARD (A.), Les confins algéro-marocains, Paris 1911.

- BERNARD (M.) et al., Guide de gestion des sites du patrimoine culturel mondial, ICCROM, Rome, 1996

- BERQUE (A.), Cinq propositions pour une théorie du paysage, Champ Vallon, 1994 (Collection Pays-Paysages).

- Idem (A.), Paysage-empreinte, paysage matrice : Éléments de problématique pour une géographie culturelle, L'Espace Géographique, 1984.

- BERQUE (A.) et al., 50 mots pour le paysage : Cinquante mots et références bibliographiques pour penser le paysage au XXIe siècle, Editions de la Villette. (SD)

- BISSON (J.) et al., Ksour du Gourara et du Tafilalet de l'ouverture de la société oasienne à la fermeture de la maison, Habitat, État et Société au Maghreb, CNRS, Paris, 1988, pp. 329-345.

- BLAIKIE (P.M), The spatial structure of information networks and innovative behaviour in the Ziz valley, Southem Morocco, Geografiska Annaler, 1973, pp. 83-105.

- BONNEFOUS (M.) La palmeraie de Figuig : Étude démographique et économique d'une grande oasis du Sud marocain, Rabat, 1953.

- BONNEFOUS (E.), Réconcilier l'homme et la nature, éd. PUF, Paris, 1990

- IDEM, L'homme ou la nature, Hachette, Paris, 1971.

- BORIE (A.) et al., Méthodes d'analyse morphologique des tissus urbains traditionnels, Série : Cahiers techniques : Musées et Monuments, n° 3, 1984.

- BOUNAR (A.) et autres, Étude socioéconomique de la Réserve de Biosphère des palmeraies du Sud-marocain, Projet de Réserve de Biosphère des palmeraies du Sud- Marocain, Mars, 2000.

- BREJON DE LE VERGNEE (N.), Politique d'aménagement du territoire au Maroc, éd. L'harmattan, Paris, 1991.

- BUCHNER (J. H.), L'habitat post - ksourien au Maroc-présaharien : Réflexions sur une approche géographique du remodelage récent de l'habitat villageois oasien, Espaces et société dans les oasis marocaines, Publication de la faculté des Lettres et des Sciences humaines de Meknès, Série Colloques 6, 1993, pp.105-115.

- CABANEL (J.), Paysage, Paysages, Editions Jean-Pierre de Monza. Paris, 1995.

- CAUQUELIN (A.), L'invention du paysage, Paris, PUF, 2000.

- Idem, Le site et le paysage, PUF, Collection Quadrige, Paris 2002.

- CHALINE (Cl.), Urbanisme et développement, éd. Sedes, Paris, 1989.

- CHARIER (J-B), Citadins et ruraux, Collection : Que-sais-je ? PUF, Paris, 1970.

- CHATELIN (Y) et al., Milieux et paysages, éd. Masson, Paris, 1986

- COLLOT (M.), Les enjeux du paysage, Ousia, 1999

- Collectif, Droit et patrimoine en Afrique, Patrimoine Francophone, n°6 Publication de l'Université Senghor d'Alexandrie, Septembre 2002.

- COLLECTIF, Développement, Tourisme, et Protection du Patrimoine Culturel, Publication de l'Université Senghor d'Alexandrie, éd. Delta Center, 1996.

- COLLECTIF, Le Patrimoine Culturel Africain, Publication de l'Université Senghor d'Alexandrie, éd. Maisonneuve et Larose, Paris, 2001.

- COLLECTIF, Patrimoine culturel marocain, Publication de l'Université Senghor d'Alexandrie, éd. Maisonneuve et Larose, Paris, mars 2003.

- CORBIN (A.), L'homme dans le paysage, Éditions Textuel, Paris, 2001, 190 pages.

- CORVOL (A.), Nature, environnement, paysage, Héritage du XVIIIe siècle- L'Harmattan, 1995.

- DAGOGNET (F.), Mort du paysage ? Philosophie et esthétique du paysage - Seyssel, Champ-Vallon, 1989 (Milieux).

- DE GIRARDIN (B.), De la composition des paysages, Éditions du Champ Urbain, 1989.

- DEMANGEOT (J.), Milieux Naturels désertiques, éd. SEDES, Paris, 1972

- DESPOIS (J.), «The crisis of the Saharan oases» in, Coastal deserts : Their natural and human environments, Tucson, Ariz. 1973, pp. 167-169.

- DIDIER (B.) et al., Des espaces protégés pour concilier conservation de la biodiversité et développement durable : Fondements et recommandations d'une stratégie de coopération pour la gestion des espaces protégés, Institut français de la biodiversité (IFB) et Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), (SD)

- DI MEO G. eds, Les territoires du quotidien, Editions l'Harmattan, Paris, 1996, 322, pages.

- DI MEO G., Géographie sociale et territoires, Editions Nathan, Collection Fac.Géo, Paris, 2001, 317 pages.

- DOLLE (V.) et TOUTAIN (G.), Les systèmes agricoles oasiens, Actes de colloque de Tozeur (19-21 novembre 1988), Centre International de Hautes Etudes Agronomiques Méditerranéennes, Paris, 1990.

- DOMON (G.) et al., Évolution du territoire Laurentidien : caractérisation et gestion des paysages,

- CPEUM, éd. Isabelle Quentin, 2000

- DONADIEU (P.), La société paysagiste, Actes Sud/ENSP, Arles/Versailles, 2001

- DONADIEU P., Campagnes urbaines, Editions Actes Sud, Arles, 1998, 213 pages.

- DRYEF (M.), Urbanisation et droit de l'urbanisme au Maroc, éd. CNRS et a Porte, 1993

- DUCHAC (R.) et al., Villes et société au Maghreb : études sur l'urbanisation, CNRS, Paris, 1974.

- ECHALLIER (J-C.), Villages désertés et structures agraires anciennes du Touat-Gourara (Sahara algérien), Paris 1972.

- EL FASKAOUI (B.), Jbel Saghro : Mutations d'une société et de son environnement géographique, Thèse de Doctorat en Géographie, Université Nancy II, 1996.

- EL MESSAOUDI (A.) et al., Bilan des ressources en eau dans l'oasis de Ferkla, Atelier sur la Gouvernance locale de l'eau dans les Oasis du Sud Marocain, 24 Septembre 2004

- EL RHAFFARI (L.) et autres, Étude de contexte biotique de la Réserve de biosphère des palmeraies du Sud-Marocain : Rapport définitif,

- F. GOURMELEON et al., Modélisation nature-société : approche pluridisciplinaire dans une réserve de biosphère insulaire, INRA, Unité développement, Avignon, France.

- Géraldine Guesdon, L'empreinte écologique au service des réserves de biosphère urbaine, Group urbaine du MAB, Octobre 2003.

- Gonzalo Oviedo, Concilier paysages, populations et pouvoir : une initiative de l'UICN en appui aux objectifs de développement du millénaire, (SD)

- Gunnel FIDENTI et al., Les réserves de biosphère, Réseau Mondial de Réserves de Biosphère, Division des sciences écologiques, UNESCO. Juillet 2005,

- HERVIEU (B.) et al., Au bonheur des campagnes, Éditions de l'Aube, la Tour d'Aigues, 2001, 157 pages.

- LEFEBVRE (H.), Du rural à l'urbain, Paris, Anthropos, 1970

- Lise-Aurore (L.), Accès au territoire, zones protégées et développement durable, documents d'information, Ressources naturelle Canada, Juillet 1998.

- Luc VASSELIN et al. Prendre en compte le foncier dans le projet de territoire, Politiques foncières locales, Direction générale de l'Urbanisme de l'Habitat et de la Construction, France, Mars 2004,

- LOISEAU (J-M.), Le paysage urbain, Sang de la Terre, 1993.

- LUGINBUHL Y., Symbolique et matérialité du paysage, REM vol. 46, n°183, pp 235-245.

- MAAROUF (N.) Lecture de l'espace oasien, Paris, 1980.

- MARTHELOT (P.), La modernisation du monde rural au Maroc, Rabat, Confluent, 16, 1961.

- MARTIN (A.G-P.), Les oasis sahariennes (Gourara -Touat -Tidikelt), Alger, 1908.

- MAZIANE (A.), Figuig : Contribution à l'étude de la société oasienne marocaine au cours de 19ème siècle 1854-1903,, Rabat 1988 (en arabe).

- MECHTA (K.) et SIGNOLS (P.), Maghreb : architecture, urbanisme, patrimoine, tradition et modernité, Publisud, Paris, 1991.

- MERMET (L.), Stratégie pour la gestion de l'environnement : la nature comme jeu de société, Collection Environnement, éd. L'Harmattant, Paris, 1992

- MEUNIE (J-D.), Architecture et habitat de Dadès : Maroc présaharien, Librairie Klincksienck, Paris, 1973.

- MEUNIE (J-D.), Le Maroc saharien des origines à 1670, Librairie Klincksienck, Paris, 1982.

- MEZZINE (L.), Le Tafilalet : contribution à l'histoire du Maroc au 17ème siècle, éd. Najah El Jadida, 1987.

- MONTAGNE (R), Les berbères et le Makhzen dans le sud du Maroc, Paris, Alcon, 1932.

- MOULINE (S.) et HENSENS (J.), Habitat des Ksour et Kasbah des vallées présahariennes, Ministère de l'habitat, Rabat, 1991.

- ORIEUX (J.), Kasbah en plein ciel dans le Haut Atlas marocain, éd. Flamarion, Paris, 1951.

- PATTEET (C.), Étude de la restauration du Ksar Abou `am à Rissani, Délégation régionale de l'habitat, Province d'Errachidia, avril, 1995.

- PAUL (J-F), et al., Projets intégrés de conservation et de développement : un cadre pour promouvoir la conservation et la gestion des ressources naturelles, Environmental & Natural Resources Policy & Training Project, Working Paper No. 6, May 1997

- PERENNES (J-J.), Structures agraires et décolonisation : les oasis de l'Oued R'hir (Algérie). Alger, Paris 1979.

- PICON (B.), Entre la société et la nature, le regard - in : Le paysage, pourquoi faire ? Actes du colloque organisé par l'université d'Avignon, 1996.

- POULLAOUEC-GONIDEC (Ph.) et al., Les temps du paysage, éd. Les presses de l'UdeM, 2003, actes du colloque tenu à Montréal 23-24 septembre 1999.

- QUILLET (B.), Le paysage retrouvé, Fayard, 1991.

- RIMBERT (S.), Les paysages urbains, Paris, A Collin, 1973.

- ROGER (A.), Court traité du paysage, Paris, Gallimard, 1997.

- SCHAMA, Le paysage et la mémoire, Seuil, 1999.

- TERRASSE (H.), Kasbah berbères de l'Atlas et des Oasis, éd. Les Horizons de France, Paris, 1938.

Articles :

- ABADI (C.), « Mise en valeur du Territoire de Ouarzazate », Bulletin économique et social du Maroc, n° 45, vol. XII, Rabat, 1950, pp. 262-268.

- ADAM (A.), « Urbanisation et changement culturel », AAN, 1972

- AIT HAMZA (Med),« Migration internationale et changement dans les campagnes : L'exemple du bassin versant d'Assif M'goun », La Grande Encyclopédie du Maroc, vol. IX, éd. Cremona 1987, pp. 127-130.

- AUGIERAS (C.), « Les différents types d'oasis sahariennes », Le Monde Colonial Illustré, N° 23, 1925, pp.184-185.

- AZAM (P.) « Sédentaires et nomades dans le sud marocain », in CHEAM n° 1009

- AZZI (H.), « Enclavement et développement dans la province d'Errachidia » Espaces et société dans les oasis marocaines, Publication de la faculté des Lettres et des Sciences humaines de Meknès, Série Colloques 6, 1993, pp. 117-133.

- BECHRAOUI (A.), « La vie rurale dans l'oasis de Gabès » (Tunisie), Publications de l'Université de Tunis, Sect. Lettres et Sciences Humaines, 2e Série: Géographie-1, Tunis 1980.

- BENTAHAR (M.), « L'organisation traditionnelle de l'espace », Rabat, BESM, n° 141

- BISSON (J.), « Paysans et nomades des confins de l'Erg occidental », Le Saharien N° 102, 1987, pp. 13- 20.

- BORIE (A.) et al., « Méthodes d'analyse morphologique des tissus urbains traditionnels

», Série : Cahiers techniques : Musées et Monuments, n° 3, 1984.

- BOUKIL (A.), « L'étude des ressources naturelles de la vallée du haut Ziz et des possibilités de leur revalorisation, cas du douar : Zaouiat Sidi Boukil » in, Espaces et société dans les oasis marocaines, Publication de la faculté des Lettres et des Sciences humaines de Meknès, Série Colloques 6, 1993, pp. 43-55.

- BOUSSALAH (M.) et ALAOUI (D.), « Inventaire systématique par photographie aérienne du patrimoine culturel de la vallée du Draa », Rapport CERKAS, décembre, 2000. (Rapport interne).

- BRULE (J-C) et autres, « Les palmeraies de l'Oued Righ », Annales Algériennes de Géographie 5 (N° 9). 1970, pp. 93-106.

- BOUBEKRAOUI (Med) et al., « Le Tafilalet aujourd'hui : Régression écologique et sociale d'une palmeraie sud marocaine », Revue Géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest n°57, 1986, pp. 449-463.

- EL ALAOUI (M-D.), « La conservation du patrimoine architectural des vallées présahariennes du Sud du Maroc : bilan et perspective », Modern earth Building, Berlin, Janvier 2002

- BOUSSALAH (M.) et ALAOUI (D.), « Inventaire systématique par photographie aérienne du patrimoine culturel de la vallée du Draa », Rapport CERKAS, décembre, 2000. (Rapport interne).

- BRULE (J-C) et autres, « Les palmeraies de l'Oued Righ », Annales Algériennes de Géographie 5 (N° 9). 1970, pp. 93-106.

- DOLLE (V.), « L'agriculture oasienne : une association judicieuse. Elevage-culture irriguée sous palmiers dattiers pour valoriser l'eau, ressource rare », Les Cahiers de la Recherche-Développement n° 9/10,1986, pp. 70-73.

- GAUCHER (G.), « Irrigation et mise en valeur du Tafilalet », Travaux de l'Institut de Recherches sahariennes n° 5. 1948, pp. 95-120.

- GUITONEAU (G.), « La mise en valeur des territoires du sud », in BESM n° 58, 1953 HAMMOUDI (A.), « Droits d'eau et société: la vallée du Draa », Hommes, Terre & Eaux,1982, pp. 105-118.

- HAMMOUDI (A.), « L'évolution de l'habitat dans la vallée du Draa », in RGM n° 18, 1970, pp. 33-45. HENSENS (J.), « Habitat rural traditionnel des oasis présahariennes : problèmes de rénovation », in BESM, n°114, Rabat, 1969, pp.83-107

- JARIR (M.), Exemple d'aménagement hydro-agricole de l'Etat dans le Présahara marocain : le périmètre du Tafilalt, L'homme et l'eau en Méditerranée et au Proche Orient, Tome 4, Travaux de la Maison de l'Orient, Lyon 1987, pp. 191-208.

- KABIRI L., « Impact des changements climatiques et anthropiques sur les ressources en eau dans l'Oasis de Ferkla » (Réserve de biosphère des oasis du sud Marocain), Laboratoire des Formations Superficielles, Sciences du Climat, de l'Eau, de l'Environnement et du Patrimoine, Bourses du MAB pour Jeunes Scientifiques, Unesco.

- LABASSE (J.), « L'économie des oasis : ses difficultés et ses chances » Revue de Géographie de Lyon n° 32. 1957, pp. 307-320. LAOUST (E.), « L'habitation chez les transhumants du Maroc central : L'Ighrem », Hespéris, 3, 1934.

- LEZAR (J.), « Sijilmassa : La ville et ses relations commerciales au 11ème siècle d'après al Bakri », Hespéris-Tamuda, vol. X, fasc. 1-2, 1969.

- MALLIER (J.), « Patrimoine culturel et développement durable en quoi sont ils liés

?» in Chronique ICCROM , n° 24 - pp. 10-13 Marie FALL, « Dynamique des acteurs et négociation environnementale en réserve de biosphère » : le cas du Delta du Saloum (Sénégal), Département de géographie, Université de Montréal.

- MAYOUSSI (M), «Quelques observations relatives au développement du Tafilalet», in Oasis Tafilalet, n° 1, 1999, pp. 90-101.

- MAZUERS (M-DE), « Au délà du Grand Atllas : le Dadès et la Tafilalet », RGM, n° de Juillet 1935.

- MECKELEIN (W.), « Saharan oases in crisis », Desertification in extremely arid environments, Stuttgarter Geographische Studien n° 95, Stuttgart 1980, pp. 173-203.

- MENESSON (E.), « Ksour de Tafilalet », RGM, n°8, Rabat, 1965, pp.87-92.

- MEUNIE (D-J), « Atlas et oasis du Maroc saharien : 35 mois parmi les tribus berbères à la recherche du passé », in Climats, n° de novembre, 1950.

- MSEFER (J.), «Les cités traditionnelles dans le développement urbain des villes islamiques, Mémoire de fin d'étude, dirigé par M. Claude CHALINE, Institut d'urbanisme de Paris, Université de Paris-Val de Marne, (sd).

- NACIRI (M.), «Les Ksouriens sur la route : Emigration et mutation spatiale de l'habitat dans l'oasis de Tinjdad », Habitat, État et Société au Maghreb, CNRS, Paris, 1988, pp. 347- 364.

- OUZZAOUIT (H.), « L'eau et les transformations socio-spatiales des oasis : Cas de l'oasis Ferkla, in, Espaces et société dans les oasis marocaines, Publication de la faculté des Lettres et des Sciences humaines de Meknès, Série Colloques 6, 1993, pp.83-95.

- PERRIN (J-B.), « Urbanisme et protection des paysages naturels : essai de propositions concrètes », Options Méditerranéennes, CIHAEM, n° 9, Octobre, 1971, pp.73-76.

- PLESCH (A.), « Éléments économiques des Ksour dans le Sud marocain », Actes de Durham, Recherches récentes sur le Maroc moderne, publications de BESM, 1979.

- PLETSCH (A.), « Hiérarchie économique des Ksour dans le sud marocain », Actes de Durham, recherches récentes sur le Maroc moderne, Publications du BESM, 1979

- POPP (H.), « Une modernisation « invisible » changements économiques et sociaux a l'oasis de Figuig » in, Espaces et société dans les oasis marocaines, Publication de la faculté des Lettres et des Sciences humaines de Meknès, Série Colloques 6, 1993, pp.97- 103.

- SADKI (A.), « Urbanisation et dégradation du patrimoine culturel et naturel dans la Réserve de Biosphère des Oasis du Sud marocain : cas de la province d'Errachidia », communication présentée à la journée d'information sur la Réserve de Biosphère des Oasis de Sud Marocain organisée par : L'Office Régional de Mise en Valeur Agricole de OUARZAZATE, novembre 2003.

- SADKI (A.), « Urbanisme et réhabilitation du patrimoine architectural, l'exemple des Ksour du Tafilalet dans la Province d'Errachidia, sud-est marocain », URBAMAG, Décembre 2003

- TERRASSE (H.), « Les architectures berbères et leur répartition dans le sud marocain », RGM, janvier, 1939.

Thèses et mémoires :

- AHDA (M.), Structures et Mutations économiques et sociales au Tafilalet 17ème et 18ème siècle : le poids des Relations avec l'Afrique Noire, Thèse de Doctorat en Histoire, Université de Toulouse le Mirail, 1989.

- AIT HAMZA (M.), Mobilité socio-spatiale et développement locale au Sud de l'Atlas

« Dadès-Todrha » Thèse de Doctorat en Géographie, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Rabat, 1999.

- BELLAMACHI et al., « Les Ksour et Kasbah : Étude analytique et concepts urbains »,

D.E.S en Architecture, ENA, Rabat, 1992

- BOUBEKRAOUI (M.) et CARCEMAC (C.), La crise des palmeraies de la plaine du Tafilalet, Thèse de Doctorat de 3ème cycle, Institut de Géographie, Université Toulouse - Le Mirail, 1983.

- BOUBEKRAOUI (M.) et al., « Le Tafilalet aujourd'hui : Régression écologique et sociale d'une palmeraie sud marocaine », Revue Géographique des Pyrénées et du Sud- Ouest n°57, 1986, pp. 449-463

- BOUNAR (A.), L'urbanisation dans un milieu d'oasis Présahariennes : la vallée du Draa et le pays de Ouarzazate, Thèse de Doctorat, 1993.

- CHEROUIT (A.), Evolution de l'habitat rural traditionnel dans les oasis présahariens : l'éclatement des Qsar dans la vallée du Ziz et la plaine de Tafilalet (Errachidia), Mémoire de fin d'études, INAU, Rabat, 1987.

- FAURE (R.), La palmeraie de Tafilalet, étude d'un secteur d'irrigation traditionnel au Maroc, Thèse de 3ème Cycle, Géographie, Paris, 1986.

- HAJJAJI (H.), Urbanisation et intégration des espaces périphériques : Cas de la ville d'Errachidia, Mémoire de fin d'Etudes Supérieures en Aménagement et Urbanisme, INAU, Rabat, 1999.

- HAJOUI (F.), Tourisme et développement du Grand-Sud marocain, Thèse de 3ème Cycle, Institut de Géographie, Université. Aix- Marseille Il, Aix-en-Provence, 1985.

- JARIR (M.), Errachidia et l'organisation régionale de la vallée de Ziz, Thèse de 3ème Cycle, Université François Rabelais, Tours, 1984.

- JELLOULI (D.), Les efforts du développement dans le sud marocain et leurs limites : l'exemple de la province de Ouarzazate, Mémoire du DBS, Université Hassan II, Casablanca, 1990.

- KABIRI (L.), 2004 : Contribution à la connaissance, la préservation et la valorisation des Oasis du Sud marocain : cas de Tafilalt. Thèse d'habilitation universitaire, Facultés des Sciences et Techniques, Errachidia, Université My Ismaïl, Maroc, 280 pp

- MAHE (Y.), L'extension des villes indigènes au Maroc, Thèse de Droit à Bordeaux, 1936.

- MOUNTASSIR (E.), Collectivités traditionnelles et espaces ruraux montagnards dans les zones d'arrière- pays atlasiques méridionaux : Le cas des Ayt Sedrate du Dadès, Thèse de 3e cycle, Université d'Aix-Marseille II, 1986.

- NAIM (M.), La migration internationale de travail et les transformations socio-spatiales dans les oasis présahariennes du Maroc : le cas de la vallée du Todgha, Thèse du Doctorat en Géographie, Université de Nice, 1996.

- OUJMAA (A.), Tourisme et espace dans le Sud-intérieur, Thèse de 3èmeCycle en Géographie, Université Med V, Rabat (en Arabe).

- SADKI (A.), Une cité oasienne du Ghéris, Ksar Ait Yahia O'athmane : étude historique, architecturale et archéologique, Mémoire de fin d'études, INSAP, Rabat, juin, 1995.

- SADKI (A.), Urbanisme et conservation du patrimoine culturel présaharien : le cas des Ksour du Tafilalet (Sud-est Marocain), Mémoire de troisième cycle en Aménagement et Urbanisme, Institut National d'Aménagement et d'Urbanisme, Rabat, Juillet 2003.

Divers :

- Activités liées aux écosystèmes, Conseil international de coordination du programme sur l'homme et la biosphère (MAB), Dix-huitième session, Paris, 25-29 octobre 2004

- Ateliers pour la mise en oeuvre de la Convention européenne du paysage, Actes de la deuxième réunion des, Strasbourg, 27-28, novembre 2003

- Bulletin de réseau mondial des réserves de biosphère, Mab, Unesco

- Charte Paysagère du Pays de Bray (France), Phase 1, Diagnostic et enjeux, Validation du Comité de Pilotage - 08/09/2003

- Développement durable dans les paysages protégés européens, déclaration de Snowdonie 2002, Résultant de la conférence EUROPARC 2002, 2 - 6 octobre, Llandudno, Pays de Galles (UK)

- DIRECTION DE L'ARCHITECTURE, MATEUH, Etude architecturale des Ksour et Kasbah de la vallée de Dadès-Todgha, Termes de référence (sd).

- Élaboration du projet d'aménagement et du développement durable : Diagnostic stratégique, la Teste de Buch, France, (SD)

- L'architecture du paysage au Canada, Paysage, Vol. 7, N° 1, Hiver 2005

- L'homme et le paysage, Unesco en collaboration avec la Fédération internationale des architectes paysagistes, série musées et monuments XVI, 1979

- La Réserve de Biosphère des Oasis du Sud Marocain (RBOSM)

- La solution du puzzle: L'approche écosystémique et les réserves de biosphère, Unesco 2002

- La stratégie de Séville sur les Réserves de biosphère, Unesco, 1995

- Le droit de réserve, entretien avec NATARAJAN ISHWARAN (Secrétaire du programme Man ans Biosphere (MAB), UNESCO, in Courrier de la Planète, N ° 7 5, pp 19-21.

- Le Programme de l'UNESCO sur L'homme et la biosphère (MAB)

- Le programme Mab et l'écotourisme, trouver la voie du tourisme durable, Secrétariat du MAB

- Le Schéma National d'Aménagement du Territoire, Synthèse phase 3, Ministère de l'Aménagement du Territoire, de l'Eau et de l'Environnement, Direction de l'Aménagement du Territoire, Maroc, 2003

- Les sciences écologiques à l'UNESCO : le MAB et les réserves de biosphère - Propositions pour 2005-2010, Conseil international de coordination du programme sur L'homme et la biosphère (MAB) Dix-huitième session, Unesco, Paris, 25-29 octobre 2004

- LUGINBUHL Y., Séance inaugurale du 28 mai 2001, La demande sociale de paysage, Conseil National du paysage.

- MAB Task Force on the Development of Quality Economies in Biosphere Reserves, Focus Group Workshop Berlin, Germany 24-26 October 2002

- Meaning and methods for an integrated management in Biosphere reserves, Report of an international workshop, Unesco, Rome, 2-3 September 2001

- Otto Kölbl et al., Inventaire des architectures de terre de la Vallée du Draa, réalisé par le CERKAS, Ouarzazate, Marrakech, Mars 2006

- Parc National du Haut Atlas Oriental : Plan directeur d'aménagement et de gestion, vol. 1, Administration des Eaux et forêts et de la conservation des sols, 1993.

- BLANDIN (P), Développement durable et patrimoine naturel : une histoire commune, XXIIe congrès de l'AMCSTI (Association des musées et centre pour le développement de la culture scientifique, technique et industrielle), Parc naturel régional du Luberon,16-18 juin 2004

- Paysage et aménagement du territoire : Trois expériences innovantes en Europe, Note Rapide, N° 285, Institut d'Aménagement et d'Urbanisme de la Région de l'île de France, IAURIF, octobre 2001

- Plan Directeur des Aires protégées : Les sites d'intérêt biologique et écologique du domaine continental, vol.1 et 2, Administration des Eaux et forêts et de la conservation des sols, 1993.

- Proceedings of the AfriMAB Technical Workshop for Anglophone Countries, Nairobi, Kenya 12- 15 September 2000.

- Protection et développement des oasis du sud Marocain, in Terre et vie, N° 54, Mai 2002

- Questions sur les réserves de biosphère ( www.unesco.org/mab)

- Regards croisés sur le développement local participatif, Actes du Séminaire International, 28, 29 et 30 janvier 2005, salé, Maroc

- Rehabilitation of Degraded Drylands and Biosphere Reserves, Proceedings of the international workshop, ALEPPO, Syria, 2 May 2002

- Renforcement des capacités de gestion de l'environnement : guide de méthodes optimales, PNUD, Octobre 1999.

- Réserves de biosphère : avantages et opportunités, Unesco, septembre 2005

- Réserves de biosphère : des lieux privilégiés pour les hommes et la nature, Unesco, 2003

- Schéma de Développement et d'Aménagement Régional (SDAR), Région économique du Centre-Sud, Direction de l'Urbanisme, de Fl'Aménagement du Territoire et de l'Environnement, Ministère de l'Intérieur, 1988.

- Stratégie urbaine et urbanisme opérationnel, Actes de séminaire de Rabat, Association nationale des architectes et urbanistes (ANAU), 1989.

- Synthèse du plan directeur de développement écotouristique de la réserve mondiale de la biosphère du Lac-Saint-Pierre (Canada)

- VERITE (J.), Inventaire, protection et mise en valeur de l'habitat rural traditionnel, (Maroc), étude menée pour le compte de l'Unesco dans le cadre du projet MOR/74.005 d'Assistance à l'Inventorisation du patrimoine culturel national financée par le PNUD et le Ministère d'Etat chargé des Affaires Culturelles, Octobre - décembre 1975 / Mars - avril 1976.

- World Network of Biosphere Reserves, UNESCO, Paris, 25-29 October 2004






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand