WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Environnement, paysage et projet de territoire. Vers une approche territoriale pour la sauvegarde et la mise en valeur de la réserve de biosphère des oasis du sud marocain.

( Télécharger le fichier original )
par SADKI Aba
Université Internationale de langue française au service du développement Africain (Université Senghor d'Alexandrie) - Master en Gestion de l'environnement 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

PREMIERE PARTIE :

LES PALMERAIES DU SUD MAROCAIN : POTENTIALITÉS ENVIRONNEMENTALES ET PAYSAGÈRES ET OPPORTUNITÉS DU DÉVELOPPEMENT.

CHAPITRE I : LE PROFIL ENVIRONNEMENTAL ET PAYSAGER DES OASIS DU SUD MAROCAIN

Situation géographique :

La zone d'extension des oasis du sud Marocain couvre un vaste ensemble géographique confiné entre les massifs du Haut Atlas à l'Ouest et le désert saharien à l'Est. Elle est étirée sur 650 km entre la province de Féguig au Nord-est et la province de Guelmim (Porte du Sahara) au Sud-ouest. Au sein de ce vaste territoire, la réserve de biosphère, zone de l'étude, s'étend sur trois provinces (Errachidia, Ouarzazate et Zagora).

Réalisée à partir de la carte routière du Maroc.

Figure n° 1 : carte de situation de la réserve de biosphère des oasis du Sud Marocain

Constitué d'espaces semi-arides peu peuplés et de bandes de verdure dominées par le palmier dattier, le territoire de la réserve se caractérise par une pluralité paysagère et écologique

considérable et par l'importance que revêtent les points d'eau dans un domaine semi-aride. Les trois provinces de la réserve occupent une place stratégique dans le domaine présaharien. Elles sont délimitées au Nord par les provinces de Figuig, Boulmane et Khénifra, à l'Ouest par Beni Mellal, Azilal, El Haouz et Taroudant et au Sud par la province de Tata et par le désert algérien à l'Est.

Figure n° 2 : Situation de la zone de la RBOSM

Administrativement, elle est subdivisée en 109 communes dont 15 urbaines avec une densité moyenne de l'ordre de 8.7 habitants/km.2 Sur le plan démographique, elle compte 1.438.818 habitants dont 354.472 en milieu urbain selon le recensement général de la population et de l'habitat (RGPH) de 2004, contre 1.216.994 habitants en 1994 dont 279.688 en milieu urbain. Le tableau suivant résume le profil démographique des trois provinces de la réserve entre les deux RGPH.

Tableau n° 01: Répartition des populations des provinces de la réserve de biosphère selon les résultats des deux derniers recensements de 1994 et 2004.

 

ERRACHIDIA

OUARZAZATE

ZAGORA

Date de recensement

Urbains

Ruraux

Urbains

Ruraux

Urbains

Ruraux

Répartition (RGPH 1994)

153725

368392

93919

345153

32044

223761

Total en 1994

522117

255805

414610

Répartition (RGPH 2004)

429170

42802

240566

601719

553731

283368

Total en 2004

439072

187109

124561

Sources : Données des RGPH de 1994 et 2004, Direction des Statistiques, Rabat.

Le climat est semi-aride à forte influence continentale. La température est caractérisée par des écarts saisonniers et journaliers très forts avec une moyenne annuelle de 20C°, l'écart thermique journalier peut atteindre 22C°.8 Le territoire de la réserve est sous la dépendance de 4 grands cours d'eau allogènes (Ziz, Ghéris, Todgha et Draa) dont le haut bassin se développe dans les massifs humides du Haut Atlas Oriental, la plus grande chaine de montagne au Maroc, alors qu'en aval,

l'excédent des eaux des oueds s'évapore entres les dunes du sable aux confins du désert saharien. Trait d'union entre le Maroc centrale et le Sahara, les palmeraies de la réserve de biosphère dressent une dernière barrière écologique face à la désertification. Au-delà de phénomène de l'avancé du désert, ces palmeraies sont confrontées à de multiples pressions humaines peu maîtrisées dont les plus importants sont : l'extension urbaine et l'abandon de d'habitat traditionnel qui se traduisent par la détérioration du milieu naturel, la modification des paysages, la dégradation du patrimoine historique et le déclin de l'agriculture.

Le patrimoine naturel et culturel :

Les oasis du sud Marocain sont composées d'un chapelet de palmeraies parmi les plus belles et les plus vastes à l'échelle mondiale.

Figure n° 3 : Carte du milieu naturel des oasis de la zone de la RBOSM

8 TROIN (Jean-François). (sous le direction de), (2002), Maroc : Régions, pays, territoires, éd. Maisonneuve et Larose, Paris.

Des cultures irriguées et bandes étroites ponctuées par de gros villages en terre le long des vallées verdoyantes, des plateaux désertiques à perte de vue, des dunes de sable et des massifs montagneux en toile de fond tracent une véritable mosaïque de paysages naturels et culturels contrastés où la diversité biologique est très riche. À traves la ville caravanière de Sijilmassa,9 la plus ancienne ville de l'époque islamique au Maroc fondée en 775 ap-j.c, la région des oasis, fut le point d'aboutissement des grandes pistes caravanières durant l'époque médiévale. Comme l'indique la carte des routes commerciales ci-dessous, avant que les oasis ne s'articulent de façon irréversible sur

le Maroc littoral à partir des années 1930, elles entretenaient des relations très intenses avec des foyers de civilisation ancienne notamment le Moyen Orient, l'Andalousie par le bassin méditerranéen et l'Afrique subsaharienne (Soudan, Mali et le Sénégal...).10 Le patrimoine culturel constitué essentiellement d'une architecture vernaculaire en terre, des sites archéologiques préhistoriques et médiévaux et des gisements de l'art rupestre raconte l'histoire du peuplement des oasis. Ce patrimoine, témoin d'une civilisation enracinée, est reflet d'un processus ingénieux d'adaptation au milieu hostile. Les Ksour, appellation locale des villages historiques, qui ont joué un rôle fondamental dans le rayonnement des oasis sont le principal héritage de la civilisation présaharienne. 11

Figure n° 4 : Carte des routes commerciales au début du 17ème siècle

9 Sijilmassa et l'ancien nom de la ville de Rissani au sud de la province d'Errachidia.

10 MEZZINE L., (1981), Le Tafilalet : contribution à l'histoire du Maroc au 17ème et 18ème siècle, Librairie Ennajah-El Jadida, Casablanca.

11 Les « Ksour » (Plur. de Ksar ou palais en arabe) et « Ighrem » en tamazight sont les appellations locales des villages collectifs.

Peuplée par des sédentaires et nomades, amazighs et arabes, le peuplement jouit d'une grande hétérogénéité d'éléments ethniques, de langages et de traditions et de mode de vie. L'habitat traditionnel des « Ksour » et des « Kasbah »,12 avec une architecture et une structure urbaine dans la pure tradition constitue une richesse architecturale de valeur universelle reconnue par l'inscription du Ksar Ait Benhaddou à Ouarzazate sur la liste du patrimoine culturel mondial de l'UNESCO en 1987.

Figure n° 5 et 6 : Vues de deux angles différents sur Ksar Ait Benhaddou (site du patrimoine culturel mondial)

12 La Kasbah (citadelle) est l'appellation locale pour la demeure familiale typique à la région des oasis. Elle sous forme d'un château fort en terre à quatre tours d'angles.

L'habitat traditionnel des oasis est l'oeuvre collective d'une société solidaire à économie de subsistance, produisant par ses propres moyens en parfaite adaptation à son milieu. Son organisation urbaine et les techniques de construction utilisées sont le produit du génie oasien. Le système d'irrigation, la gestion communautaire des palmeraies et des parcours traduisent une organisation socio-économique solidaire et manifeste un savoir faire écologique et urbanistique unique de son genre élaboré au fil des âges afin de pouvoir exploiter le milieu semi-aride et de s'en protéger. Au moment où le caractère pittoresque soutient le développement économique des territoires, le patrimoine historique des palmeraies reflète la typicité et l'originalité des oasis et contribue à leur attractivité touristique. Ainsi, les paysages naturel et culturel serviraient de signe d'identification de territoire de la réserve de biosphère, de ses spécificités socioculturelles, de valeurs de ses populations et de ses produits. Les Ksour et les Kasbah confèrent la typicité au paysage et contribuent à la personnalisation culturelle des palmeraies et à leur individualisation au sein du territoire national. Comme nous allons le voir dans la deuxième partie de ce travail, une nouvelle configuration marque actuellement le territoire oasien. Les nouveaux centres urbains prédominent. Ce phénomène qui avait accompagné le processus de modernisation des oasis pose avec acuité le problème de cohabitation entre deux modes urbains antinomiques : Un mode hérité du passé, réduit actuellement en héritage historique sans véritable fonction dans la vie quotidienne et un nouveau mode urbain de facture occidentale qui manifeste une incompatibilité flagrante avec les conditions environnementales et les spécificités du milieu quoiqu'il satisfasse des besoins matériels de la vie urbaine moderne. L'incompatibilité au niveau des formes et des fonctions entre ces deux modes urbains soulève la question des conséquences environnementales et paysagères de l'expansion de l'urbanisation moderne.

Une autre contrainte revient au fait que la notion du patrimoine n'a rien de signification pour la plupart des populations, du fait que le bien être est pour eux lié au logement moderne en béton armé loin de l'ancien Ksar. Ceci s'explique en partie par le d'intérêt aux spécificités paysagères et environnementales dans les documents d'urbanisme et à la place privilégiée accordée dans les programmes du développement local à l'urbanisation contemporaine ce qui accélère la dégradation des paysages naturels et culturels. Dans le cadre de la mise en oeuvre du statut de la RB, ce problème doit être considéré dans toutes ses composantes socioéconomiques, écologiques et paysagères. Il s'agit de mettre en oeuvre un processus de revalorisation et de revitalisation du réseau des villages en prenant en considération les mutations socioculturelles en cours et en s'articulant autour des besoins prioritaires des populations. La sauvegarde doit s'appuyer un plan d'action situant ce patrimoine dans sa réalité socio-économique et prévoir la relance de son dynamisme

d'auto développement sans se borner uniquement à la restauration des « échantillons de passé » pour des finalités d'attractivité touristiques.

Une pluralité de paysages dictés par la morphologie du territoire :

La principale caractéristique du territoire oasien est sa morphologie et son organisation bien visible et identifiée, matrice des paysages. C'est une région de collines et de vallées qui présente une ordonnance régulière : les lignes du relief sont orientées en axe Ouest-Est depuis les massifs du Haut Atlas oriental jusqu'à la frontière avec le territoire algérien. Le relief est simple et facile à appréhender : un vaste plateau semi-aride entrecoupé de vallées parallèles, comme une main posée à plat, les doigts bien écartés. Ce relief induit trois grandes unités de paysage peu complexes en apparence et sur lesquelles s'inscrivent des usages et des modes de vie bien différenciés : (i) la montagne, (ii) les palmeraies et (iii) les hamadas ou les plateaux désertiques.

La montagne :

Formation topographique et géologique exceptionnelle, symbole important dans le paysage oasien, réservoir d'eau et support de loisirs, la montagne est un élément paysager très fort dans les palmeraies du sud Marocain. La forte présence de la chaîne du Haut Atlas comme toile de fond est omniprésente et jaillit sur l'horizon, telle une barrière verticale. Cette impression est particulièrement forte depuis les palmeraies, où elles nous semblent « tendre les bras » pour toucher les montagnes.

Figure 7 : La zone montagneuse des oasis est célèbre par la beauté de ces paysages naturels.

Ici le lac Tislit à Imilchil (Errachidia). Dans cette unité paysagère, les contraintes imposées par le relief fort accidenté sur les versants limitent les cultures au fond des oueds, seuls espaces cultivables, où les parcelles sont très disséminées. L'habitat traditionnel est, en grande majorité, composé d'une multitude de petits hameaux différents de ceux des palmeraies par l'absence de fortifications et par la pauvreté des décors sur les façades. Les villages de montagne s'égrènent le plus souvent le long des lignes de crête sous forme de grosses bâtisses avec quelques Kasbah traditionnelles qui ponctuent le paysage. Au niveau de la province d'Errachidia, la zone montagneuse des communes d'Imilchil et Ayt Yahia est désignée depuis 1993 Parc National sous le nom de Parc National du Haut Atlas Oriental (PNHO) à cheval aussi sur deux autres provinces limitrophes : Khénifra et Azilal.

Les palmeraies :

A travers la montagne stratifiée, les oueds présahariens en descendant des massifs du haut Atlas se sont creusé des lits étroits et sinueux où poussent des cultures irriguées.

Figure 8 : La palmeraie Oulad Chaker dans la vallée de Ziz (Errachidia) est l'un des paysages emblématiques de la réserve de biosphère.

Cette unité est composée de longs tronçons verdoyants de vallées qui correspondent à la zone de concentration des villages historiques (Ksour) à cause de la disponibilité de l'eau et de l'importante des espaces agricoles. Au niveau des palmerais, contrairement à la montagne, les versants sont en

pente douce, densément cultivés et habités. A côté d'une économie agraire et d'un habitat historique très typé qui semble modeste et « hors du temps », nous retrouvons des grosses kasbah familiales d'une finité architecturale et décorative surprenante en forme de « châteaux » nobles qui dictent leurs silhouettes de façon ponctuelle dans le paysage. La caractéristique majeure de cette unité est la présence très marquante du palmier dattier, l'emblème des oasis. La dominance de cet arbre et de l'importance du paysage architectural indiquent une agriculture encore bien vivace.

Les plateaux désertiques (les Hamadas) :

Les plateaux désertiques constituent l'essentiel du territoire oasien. Ils s'étendent, sans aucun signe de vie, sur des dizaines de kilomètres séparent les palmeraies les unes des autres. Cette unité est un vaste espace géographique orienté Nord-est/Sud-ouest qui délimite le territoire de la réserve du côté de la frontière avec le territoire algérien. Il est marqué en son milieu par la présence des accumulations sableuses massives dont la plus grande est l'Erg Chebbi au sud de la commune de Merzouga à Errachidia.

Figure 9 : Dunes de sable Merzouga au Sud-est de la ville d'Errachidia.

Ces plateaux qui contiennent des complexes de l'art rupestre parmi les plus célèbres en Afrique, vestige d'une sédentarisation très ancienne, sont aujourd'hui un espace à perte de vue ponctués par quelques rares « vestiges » arborés. Ces plateaux considérés comme espaces « stériles » constituent pourtant un potentiel touristique inestimable. La région de la réserve est notamment une étape importante dans l'un des grands Rallyes internationaux du Sahara et connaît ces dernières années un développement grandissant du tourisme du désert.

Le paysage périurbain : expression d'une multiplicité de composantes

Globalement, les zones périphériques des centres urbains importantes ont toutes connues depuis les années 70 et connaissent encore aujourd'hui une « colonisation » urbaine sans cesse croissante.

Figure 10 : Le développement de l'habitat périurbain en bordure des villes nouvelles et des Ksour et un facteur de dégradation à la fois de détérioration du milieu naturel et de modification des paysages.

Source : Adapté à partir de Plan d'Aménagement de la municipalité de Goulmima (Errachidia)

Tenaillés entre d'un côté le développement de l'urbanisation et de l'autre la préservation des espaces agricoles, ces paysages périurbains sont le reflet de l'hybridation des espaces ruraux et urbains. Il en résulte un mélange hétéroclite de matérialités urbaines et agricoles s'associant en de nouveaux motifs sans totalement éliminer les anciennes trames. Aussi, n'est-il pas rare d'observer de grandes résidences aux formes architecturales modernes construites à coté de vieux Ksour. Ksar Targa, noyau historique de la ville d'Errachidia, est l'expression type de ce paysage périurbain en formation. L'urbanisation initialement concentrée autour du village traditionnel composé de maisons anciennes, s'est progressivement développé le long de l'axe de liaison entre le Ksar et le centre ville. De part et d'autre de ce cordon urbain s'étend l'espace agricole de la palmeraie composée de petites parcelles. Les nouvelles constructions affichent leur modernité architecturale soit sous forme d'habitat résidentiel isolé avec jardins car construites sur une parcelle agricole, soit en de petits lotissements linéaires d'organisation très compacte qui grignotent la palmeraie.

L'étendue de vue :

Symbole implicite, cet élément paysage très remarquable dans les oasis est une donnée importante car elle liée directement au relief moutonneux, au vallonnement et à l'étendue des plateaux

désertiques. L'idée de voir loin, sans qu'aucun obstacle n'arrête le champ de vision, le fait de surplomber les paysages semblent être des données importantes à la construction d'un paysage oasien authentique et participe à sa typicité car dans les oasis, le panorama est une clé essentielle qui contribue à la qualité des paysages.

Le palmier dattier :

Cet arbre millénaire, emblème des palmeraies, figure en tête des symboles évocateurs dans le territoire oasien. Nous pouvons dire que la réserve de biosphère des palmeraies a besoin du palmier dattier pour fonder une partie de son identité; il en est de même pour les habitants qui accordent tout leur intérêt à la palmeraie, leur mère nourricière. Ainsi définit, le paysage de la palmeraie suscite et éveille chez les populations des oasis un sentiment de bien-être et d'appropriation spatiale. Il ne s'agit pas uniquement d'une matérialité paysagère ou d'un symbole concret, mais ce sentiment contribue largement à la constitution d'un paysage enraciné dans le mémoire collective. Les populations se sentent bien dans le paysage qui les entoure et qui les enveloppe. Le paysage de la palmeraie peut donc jouer un rôle sécuritaire car elle apporte un sentiment d'appartenance. Pour les touristes, le paysage de la palmeraie correspond à un idéal de vie. Ces derniers font référence au paysage oasien et insistent sur celui-ci comme s'ils souhaitaient montrer leur hostilité envers la civilisation de la ville. Nous pourrions parler ici de ruralisme, idée selon laquelle les individus ont souvent tendance à associer aux campagnes des valeurs dites d'authenticité qu'on ne retrouverait plus ailleurs et notamment dans les villes dont le développement paraît très souvent abusif et artificiel. Dans le cas présent, les villageois incluent dans leur paysage identitaire leurs lieux de vie, plus exactement et sans exception leurs villages et à la commune où ils résident. Le lieu de résidence constitue pour la plupart d'entre eux le point d'ancrage et d'appartenance ultime, l'espace privilégié de la territorialité d'où l'importance de la qualité de cadre de vie pour une mobilisation collective. Ils privilégient aussi le patrimoine architectural, ainsi que des vues de leur village. Ils mettent en avant les images des lieux dans lesquels ils ont l'habitude de vivre. Et, malgré le caractère personnel des choix, il se dégage une tendance générale. Le paysage identitaire est représenté par le village, par son cadre paysager, son terroir agricole et par son architecture. Le village et la commune est le paysage qui incarne au mieux l'identité des palmeraies. La palmeraie et le Ksar constituent des emblèmes territoriaux. Ils sont les icônes du territoire de la réserve de biosphère. L'existence d'un emblème suppose que le lieu et l'élément concernés puissent fixer spontanément des valeurs socioéconomiques et condenser en particulier un grand nombre de caractères et d'attributs que les professionnels de l'aménagement du territoire prêtent à l'espace. L'affirmation d'un emblème résulte d'une construction sociale. Un lieu est dressé en emblème

territorial (ou paysager) en raison des buts et des fins poursuivis par la société locale.13 De ce fait, la typologie pour présenter les matérialités qui entrent dans la construction des préférences paysagères des habitants des oasis, s'appuie sur la distinction qu'ils opèrent fréquemment entre matérialités bâties (construites) et matérialités non bâties (végétales).14

1.4. Les palmeraies entre « espace ressource » et « espace de consommation » :

Pour conclure ce chapitre et expliquer en partie les rapports que les oasiens les oasis entretiennent avec le territoire qu'ils investissent, il semble important de souligner la différence de considération de l'espace habité qui apparaît nettement, dans les palmeraies, entre les habitants des centres urbains et les villageois (les Ksouriens) ou habitants des Ksour. Ainsi, pour les uns, l'espace qu'ils habitent est un « espace de consommation ». Pour les autres il est avant tout un « espace ressource » qui permet de produire des marchandises et des biens de consommation familiale. Les terroirs villageois offrent aussi un cadre de vie d'une qualité incomparable que les urbains ne connaissent pas dans leur lieu de travail ou de résidence : beaux paysages, tranquillité, calme, zones récréatives. Ils se révèlent être dans la plupart des cas très désireux de profiter de ces avantages offerts par l'entretien des palmeraies. La relation qu'ils instaurent avec le territoire villageois semble portée par l'intérêt, le profit et la volonté de consommation. De fait, les gens des villes et les touristes de manière générale poursuivent sur ces territoires une quête de tranquillité, de réconfort et de calme. Autrement dit, ils sont à la recherche du bonheur agreste. Pour les Ksouriens, le territoire habité est avant tout une terre que l'on travaille de père en fils, une terre qui leur a permis et leur permet encore aujourd'hui de se nourrir et ce, particulièrement sur les territoires de la palmeraie. La relation qui les lie au territoire qu'ils habitent est plutôt portée par un attachement historique profond et sincère à la terre. Bien que conscient de la qualité du cadre de vie dont ils jouissent, leurs attitudes sont empreintes d'un sentiment qui mélange identité, besoin économique, respect et affection à l'espace qu'ils habitent. Partout dans la réserve, des interventions de protection de l'environnement participent à une appropriation nouvelle des paysages, il n'en reste pas moins que certaines mises en scène stéréotypées, l'urbanisation contemporaine en particulier, conduisent à l'abolition des valeurs de ces lieux singuliers et à une banalisation croissante de leurs qualités intrinsèques. Face à ce constat, une question clé s'impose : comment peut-on travailler le regard porté sur le paysage des palmeraies et leur spécificités environnementales afin d'engager une réflexion collective pour parvenir à des interventions recueillant l'adhésion des populations à un projet d'ensemble ?

13 LEVY J., LUSSAULT M., (2003), « Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés », Editions Belin, Paris

14 Idem

Pour prendre en compte le rapport des populations de la réserve à leurs paysages et leurs réalités environnantes, et leur faire émerger les conditions d'implication à leur préservation et leur mise en valeur, une démarche de projet participatif s'impose. Cette démarche doit préconiser l'association de l'environnement et de développement et mettre de l'avant une approche collaborative de gestion des ressources locales. Sur le plan des interactions entre le paysage et l'environnement, cette démarche du projet favorisera la mobilisation des différents intérêts présents sur le territoire oasien en vue de produire des paysages de qualité et les rendre économiquement rentables.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand