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Facteurs favorisants les sorties contre avis médical aux urgences


par Guilaine Teclaire LEKANI
Université Catholique d'Afrique Centrale - Licence en sciences Infirmières 2017
  

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5.2 Les facteurs individuels favorisant les sorties contre avis médical

Il ressort des propos de nos participants que tous ont une connaissance du motif ayant conduit à l'hospitalisation. Ce motif varie de la crise convulsive à la douleur (lancinante). Nous pouvons donc dire que chacun de nos participants a été informé dès son arrivé de la problématique ayant conduit à l'hospitalisation ; c'est le cas par exemple d'Armand qui déclare «mon motif d'hospitalisation était la fracture fermé de l'os du tibia issus d'un accident de la voie public ».L'ensemble des étiologies évoquées par les participants reflète ainsi le caractère urgent (car mise en jeu du pronostic vital) dans la prise en charge d'où la sollicitation d'un centre des urgences en première instance. Quoique l'on soit dans un service des urgences, il n'est pas rare que des difficultés surviennent pendant le séjour des patients.

La plupart de nos enquêtés affirment avoir rencontrés d'énormes difficultés pendant le traitement. L'enquête montre que ces difficultés ont commencé pour certains dès leur arrivée et ce sont prolongées jusqu'à la fin de leur séjour dans cette structure.C'est le cas de joseph:

«Les difficultés ne sont pas seulement pendant le traitement sa commence dès l'arrivée dans cet hôpital jusqu'à la fin de tes jours là-bas. D'abord la 1ère difficulté que j'ai rencontrée était de voir ma malade se tordre de douleur et on me demande d'abord de payer avant qu'on lui donne quelque chose. Et ensuite c'était avec les infirmiers qui t'abandonne et même quand elles arrivent ce sont les problèmes. Elle vous insulte grave ; la tenue là les prend la tête. Et l'autre difficulté était au niveau des moyens ; là-bas c'est trop cher ; tout est chère, il n'y a pas de petite facture et il faut qu'on mette même trois personnes à la pharmacie car quand tu pars pour payer c'est trop saturé. Les médecins aussi là-bas je ne sais pas s'il y a seulement les jours de consultation, ils ne passent presque jamais. »

Il ressort dans ces propos l'idée de plusieurs ordres de difficultés qui sont liés à la prise en soin, au fonctionnement du service et au financement des soins. Ainsi, accompagnement insuffisant, faible qualité d'écoute et de communication, désorganisation au niveau du service, coûts de soins élevés semblent être les principaux points de difficultés. Si la vocation d'un centre des urgences est de lever le risque d'atteinte du pronostic vital (en stabilisant le malade), il semble incompréhensible que l'on puisse exiger au patient de payer des frais avant la réalisation de tout acte médical. Cependant, l'incrédulité de certains patients serait l'une des causes de cette exigence dans les services, ceux-ci prenant parfois la fuite dès lors qu'ils se sentent « mieux ».

Tout à côté de ce participant, d'autres ont rencontrés des difficultés sur le plan organisationnel et la prise en soinqui s'avère grave (si avéré). Tel est le cas de Calvin qui affirme :

«La seule et grave difficulté que j'ai eu là-bas était au niveau du diagnostic incertain posé sur la maladie de ma maman et cela après un long séjour de traitement. Ça veut dire qu'ils font des choses à tâtons et c'est délicat surtout pour des personnes âgées comme ma mère, et le médecin se dit qu'on ne peut pas lui reproché sur quelque chose. D'autre part, la longue file d'attente au niveau de la pharmacie constitue un autre problème qu'il faudrait solutionner ». 

L'incertitude sur le diagnostic laisse ainsi planer une ombre de doute en ce qui concerne le savoir du personnel sur les différentes affections ; cependant, la complexité de certains processus pathologiques associé parfois à l'indisponibilité des outils diagnostics pourrait justifier ce que les patients note comme « incertitude diagnostic». Il ressort par ailleurs ici l'idée de désorganisation du service tel qu'évoqué par Armand dont la conséquence était à l'entrée un long délai d'attente tel qu'évoqué par les participants Martine, Martin, Jeanne et Joseph en ces termes « l'accueil y est bien fait mais vous êtes par la suite abandonnée pour un bon moment soit dit en attendant le médecin ». Le fait que cette participante ait un diplôme d'études supérieur montre ainsi l'influence de l'éducation sur l'adhésion ou soin d'où son questionnement sur le diagnostic posé.

A l'exception dePierre qui lui affirme « en dehors du temps d'attente long au niveau de la pharmacie,  moi, je n'ai pas eu de difficulté en tant que tel durant mon séjour», l'ensemble de nos participants s'accordent sur des difficultés qui sont liés à la prise en soin (mauvaise qualité d'écoute, accompagnement insuffisant), à l'organisation de la structure (délai d'attente long) ainsi qu'à l'accessibilité aux soins (coûts élevés de soins). L'observation de l'un des participant peut être dû à sa fonction de comptable qui lui permettait de pouvoir « financer » tous les aspects formel et informel relatifs aux soins dans la structure, d'où la question de prise en charge/financement des soins en milieu hospitalier.

A la problématique relative au financement des soins, les réponses formulées par les enquêtés sont des plus diverses. Néanmoins, nous constatons que cette prise en charge des frais médicauxse résume en une prise en charge individuelle et une prise en charge par une société d'assurance. À l'exception d'Armand (chef d'entreprise) qui déclare bénéficier d'un régime d'assurance (bien qu'il doive préfinancer ses soins), l'ensemble des participants déclarent payer leurs soins de leur poche. Cet état reflète la réalité de la prise en soin dans notre contexte où l'on note l'absence de système de sécurité sociale dont la conséquence est le recours aux organismes d'assurances pour les personnes les plus Fortunés. De tout ceci nous pouvons dire que la personne assurée rencontre moins de difficultés sur le payement des frais d'hospitalisation que la personne non assurée. Il semble dès lors quelque peu incompréhensible que ceux-ci puissent solliciter une sortie contre avis médical, d'où l'investigation sur les causes à la base du phénomène tel que perçu par nos Participants. Il ressort de notre enquête que plusieurs raisons ont poussé les patients à sortir contre avis médical. Il s'agit en l'occurrence du coût élevé de soins, l'accompagnement insuffisant des patients et de la mauvaise communication entre les patients et le personnel soignant.Cependant, d'autres éléments tels l'absence d'un soutien familial ou encore de soutien spirituel sont également à la base de ce phénomène. Ceci est retrouvé dans les propos de Martine qui déclare :

« J'étais seule à Yaoundé avec ma mère, les infirmières ne prenaient pas bien soins de ma mère, elles nous abandonnaient trop, les frais étaient trop chers et il n'y avait plus rien même pour manger. Aussi il fallait que ma maman suive les séances de prières avec son prêtre ».

La famille étant un agent de normalisation/socialisation, l'on comprend qu'elle ait une place inexplicable dans la prise en soin des individus. De même, les convictions religieuses des individus étant parfois à la base de l'acceptation de leur thérapeutique, il parait compréhensible que ceux-ci se tournent vers le spirituel en situation de maladie d'où leur sortie pour rechercher des solutions à leurs problèmes, et surtout au niveau de leur bourse. Tout à côté des patients qui sortent pour rechercher des solutions alternatives (prière), d'autres eux sortent parce qu'ils estiment qu'ils se portent au mieux (amélioration de l'état de santé). Tel est le cas de pierre qui déclare :

« Ce qui m'a poussé à sortir contre avis médical était le fait qu'on voulait à tout prix m'imposer un hôpital où je ne voulais pas alleralors que je voyais ma fille qui allait déjà mieux. En plus la grande raison était que leur ambulance coûtait trop chers et on lui imposait cette ambulance alors que je pouvais le faire avec ma propre voiture. J'ai compris que le jeu là-dedans était beaucoup plus l'argent qu'il voulait »

Il met ainsi une fois de plus en exergue l'absence de recherche de compromis entre les partenaires de soin qui est une exigence même à la relation d'aide. Cette relation d'aide qui doit être épreinte d'une certaine dose d'humanisme semble, de l'avis de cet informateur, manquer à l'appel dans cette structure. Certains de nos participants soulignent déjà les longs délais d'attente à l'entrée et le détournement de leurs médicaments en cours d'hospitalisation. C'est le cas de jeanne qui rapporte que :

« Ce qui m'a poussé à solliciter une SCAM était d'abord le fait qu'on nous abandonne dans un box pour longtemps sans s'en occuper de ma soeur malgré son état. Ensuite la décision subite d'opérer ma soeur et sans aucun examen».

Elle reprend ici l'idée d'incertitude sur le diagnostic évoqué plus haut, témoignant ainsi de l'exigence des patients en regard de la qualité du service dont de la qualité des soins qui leur est offert. À sa suite Martin rajoute :

« J'ai décidé de partir de cet hôpital parce que tout allait mal là-bas. Je ne sais même pas si on peut appeler encore ça hôpital. D'abord parce qu'on vole les médicaments là-bas, et même on abandonne le malade s'il n'a pas d'argent, mais on prend bien soin de ceux qui en ont »

Il reprend ainsil'idée du capitalisme médical/en santé ; ce capitalisme étant définitcomme la recherche d'un profit argent (priorité accordée à l'argent). Cette priorité accordée à l'argent peut ainsi justifier le fait que Pierre (comptable de profession) estimait ne pas avoir eu de difficultés lors de son séjour. Ce manque de valeurs/d'humanisme qui se traduit d'une part par le détournement des médicaments se retrouvent dans les propos de Joseph qui déclare :

« Même si c'était toi madame tu ne pouvais plus rester là-bas. Ce qui à motiver ma sortie est le fait que tout ce que j'ai acheté pour le bloc ait disparu et qu'aucune information ne m'ait été donnée par les infirmières ».

Ces éléments sont à l'origine d'une perte de confiance/méfiance des patients envers le corps médical, méfiance qui est exacerbée par l'incertitude relative au diagnostic et au dysfonctionnement organisationnel de la structure. Calvin souligne à cet effet :

« Moi ce qui m'a poussé à sortir contre vis médical est le fait que le CURY ne joue pas bien son rôle des urgences. Il garde les malades là-bas pour longtemps surtout lorsqu'il constate qu'ils ont un peu d'argent. La grande raison était au niveau du diagnostic incertain faite sur sa mère. Le médecin décide d'opérer un malade sans faire un examen de confirmation ».

Quoique la clinique permette de confirmer bon nombre d'affections sans besoin d'un examen para clinique (surtout dans le cadre des urgences), les patients comme nous l'avons souligné ci-haut sont aujourd'hui sontinformés des techniques diagnostiques et parfois de leur maladie grâce aux technologies de l'information et de la communication (TIC). Leur démarche s'inscrit dès lors dans une optique confirmatoire, nécessitant ainsi pour le praticien une communication efficace lorsque ces conclusions semblent ne pas aller dans le sens des conjectures de ceux-ci.

En ce qui concerne les raisons de sortie contre avis médical, nous pouvons constater que sept patients sur sept se plaignent du coût très élevé. Les raisons qui reviennent chez les enquêtés sont : la mauvaise communication avec le personnel soignant (que ce soit le médecin ou l'infirmier),  accompagnement insuffisant ; détournements des médicaments et autres. Si la sortie contre avis médical est une réalité au sein de cette structure, il est toutefois nécessaire de s'intéresser à l'investissement des individus dans le cadre de cette sollicitation.

De multiples raisons poussent les participants à prendre la décision de sortir contre avis médical. Nous constatons que cette prise de décision estmajoritairement réalisée par la personne directement responsable de la personne malade (celui qui règle les factures) et très rarementpar le patient lui-même. Ceux-ci sont en général soit l'époux, le fils, la soeur ou encore le parent du patient. Telle est le cas pour Pierre  qui signifie que« la décision était prise par moi (parent) vu que c'est moi qui m'occupe de ma fille et la charge me revient ». Il en ressort ainsi l'implication des proches aidants dans la prise en soin des patients, d'où leur statut d'auteur et d'acteur de soins tel qu'évoqué par Pokam (2017).De ce fait, l'influence familiale peut être considérée comme l'un des facteurs au phénomène de SCAM. À contrario, on note qu'un de nos participants (patients) déclare avoir pris cette décision de lui-même. Il (Martin) déclare : « La décision a été prise par moi-même et personne d'autre, déjà que j'étais seul là-bas toute ma famille est à MbamEkim ».Son statut d'adulte associé à l'éloignement de ses proches représente là les conditions qui justifient qu'il soit ainsi le garant de sa prise en charge. En dépit que des difficultés semblent joncher le séjour de nos participants, améliorer celui-ci ne saurait se faire sans l'aide de ceux-ci d'où leurs suggestions quant à la prise en soin.

Au regard de toutes les difficultés rencontrées, certains enquêtés pensent qu'il y a des possibilités d'améliorerla prise en charge des patients au CURY. C'est la raison pour laquelle nous avons recueillies leurs suggestions pour cette amélioration.Celles-ci sont présentées en annexes3 de ce travail.

Malgré ces difficultés, d'autres estiment qu'ils n'ont rien à suggérer pour cet hôpital car les praticiens sont conscient de ce qu'ils font. Calvin dans cette lancée déclare :

«Je ne suggère rien pour cet hôpital car les praticiens sont conscient de ce qu'ils font, et le gouvernement sait ce qu'il peut faire pour mettre fin à cela.Les praticiens se sentent obligés d'agir de cette sorte pour avoir un peu d'argent vu que leur salaire est très minable. »

Il met ainsi en avant la volonté politique comme étant un moyen pouvant améliorer le séjour des patients et par conséquent faciliter l'accès aux soins tout en minimisant le risque de SCAM. Les propositions faites par les enquêtés pour l'amélioration de la prise en charge des patients sont diverses. Pendant que certains pensent que l'administration devait organiser des réunions et des supervisions pour le personnel infirmier et pour les médecins, d'autres par contre estiment que celle-ci devrait sanctionner en cas de mauvaise conduite. D'autres aussi, trouvent que les infirmiers et les brancardiers se comportent bien avec les malades et pensent qu'il faudrait juste encourager ceux-ci d'où l'importance de la « motivation » au travail. Néanmoins la plupart s'accordent sur le fait que les infirmiers doivent être gentils et attentionnés aux besoins des malades. Les individus évoluant dans un milieu (hôpital) déterminé, il nous a paru adéquat de nous intéresser aux facteurs liés à celui-ci.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille