WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Problématique de l'affiliation du secteur informel à  la caisse sociale du Rwanda. Cas des menuisiers de Gakinjiro. Période : 1974-2002.

( Télécharger le fichier original )
par Joseph KAYUMBA
Universit&é libre de Kigali (ULK) - Licence en gestion 2002
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

4.3.2. Le revenu du menuisier et son affectation

D'après le Nouveau Petit Robert, le revenu est :  Ce qui revient à quelqu'un, à une collectivité, comme rémunération du travail ou fruit du capital .

Le revenu est aussi défini comme la part de la production qui revient au sujet économique individu ou collectivité, comme rémunération de son travail, et / ou le fruit de son capital.

Tableau 20: Revenu du menuisier en Frw

Revenu journalier

Nbre de jours de travail/mois

Revenu mensuel

xi

Nombre de menuisiers

ni

nixi

500

24

12000

6

72000

650

24

15600

3

46800

800

24

19200

3

57600

1000

24

24000

15

360000

1200

24

28800

6

172800

1300

24

31200

3

93600

1500

24

36000

12

432000

1600

24

38400

3

115200

2000

24

48000

15

720000

2500

24

60000

3

180000

4000

24

96000

3

288000

5000

24

120000

3

360000

TOTAL

 

529.200

75

2.898.000

Source : enquête à Gakinjiro

NB : 15 menuisiers se sont abstenus.

Le revenu moyen est de1frwx 2.898.000 = 38.640 Frw/mois, soit une moyenne

75

journalière de 1600frw/jour. Selon une enquête réalisée par Madame Agnès Ntibanyurwa49(*) en 1997 et en 1998, le revenu moyen d'un menuisier s'élevait à 990 frw/jour soit 23.720Ffrw/mois en prenant une constance de 6 jours de travail par semaine. Le taux d'évolution de 61,88% en 5 ans peut s'expliquer par deux éléments essentiels à notre avis :

- dépréciation de la monnaie

- croissance démographique urbaine, donc accroissement de la demande des produits fabriqués par les menuisiers.

Le tableau n°21 va nous permettre d'apprécier le revenu du menuisier par rapport à celui d'un agent de l'Etat.

Tableau 21: Barème des salaires des Agents de l'Administration Centrale (Année 2002).

Année

2002

Catégorie

Grade

Salaire base.

Prime

T.M

I

II

III

IV

V

VI

Licencié

Bachelier

Humaniste

D5

D4

Non qualifié

28500

25000

18500

14000

9000

5000

25000

10000

6500

4000

4000

4000

53500

35000

25000

18000

13000

9000

 

Source : MIFOTRA

Si on analyse le revenu des menuisiers de Gakinjiro tel qu'apparaissant au tableau n° 14, comparativement au barème de l'Administration Centrale (tableau n° 15) , on remarque que le revenu moyen des menuisiers de Gakinjiro est compris entre celui du bachelier et du licencié engagés par l'Administration Centrale. Quand on sait que le revenu dont il est question ici est celui gagné sur le lieu de travail, on peut affirmer sans risque d'erreur que le revenu du menuisier peut être majoré par des activités exercées sporadiquement dans son environnement immédiat.

A la lumière de ce qui précède, notre première hypothèse se retrouve infirmée. Et pour cause. Nous étions en effet persuadés que les menuisiers de Gakinjiro et par extension celui des travailleurs du secteur informel était précaire et instable que ce fait constituait une des causes majeures de la non affiliation à la Caisse Sociale du Rwanda. L'enquête menée auprès des menuisiers de Gakinjiro vient de nous prouver le contraire.

Dans le contexte économique rwandais ce revenu permet aux personnes enquêtées :

- de se nourrir (83%) ;

- de se loger (83%) ;

- de se vêtir (83%) ;

- de se faire soigner (73%) ;

- de constituer une épargne (13%) ;

- de payer une certaine taxe.

Il va de soi que la non affiliation des menuisiers de Gakinjiro et par extension celle des travailleurs du secteur informel a d'autres raisons comme nous allons le voir par la suite.

Tableau 22: Utilisation du revenu

Utilisation du revenu

Nombre de Menuisier

Proportion

a) se nourrir

Oui ...........................

Non ..........................

b) Se loger

Oui ...........................

Non ..........................

c) Se vêtir

Oui...........................

Non ..........................

d) Se faire soigner

Oui...........................

Non .........................

e) Constituer une épargne

Oui ..........................

Non ........................

f) Sans réponse.................

75

15

75

15

75

15

66

18

24

60

12

83%

10%

83%

10%

83%

10%

73%

20%

27%

67%

13%

TOTAL

90

 

Source : enquête à Gakinjiro

La raison de la non affiliation des travailleurs du secteur informel se trouve donc ailleurs comme nous allons le voir dans les pages qui suivent. En effet selon le tableau n° 22, 90% des personnes enquêtées ne sont pas affiliés à la Caisse Sociale du Rwanda.

Il est intéressant de souligner que ce pourcentage s'observe tant sur le plan national que sur le plan international. En effet, selon le rapport d'un économètre de l'A.I.S.S., Monsieur BUTARE Théopiste50(*) le taux de couverture au Rwanda en 1999 avoisine les 10% ce qui signifie que 90% de la population rwandaise est exclus de la Sécurité Sociale.

Dans le même ordre d'idées, selon le rapport du BIT déjà cité, 90% de la population mondiale est exclue de la protection sociale.

Tableau 23: Affiliation à la CSR

Affiliation à la CSR

Nombre de menuisiers

Proportions

OUI

3

3%

NON

81

90%

PAS DE REPONSE

6

7%

TOTAL

90

100%

Source : enquête à Gakinjiro

Quelles sont les causes majeures qui empêchent les travailleurs du secteur informel a ne pas s'affilier à la Caisse Sociale du Rwanda ?

Tableau 24: Raisons de la non affiliation

Raisons de la non affiliation

Nombre de menuisiers

Proportions

Revenu insuffisant

39

43.3%

Manque de sensibilisation

39

43.3%

Mauvaise perception de la CSR

3

3.4%

Pas de réponse

9

10%

Total

90

100%

Source : enquête à Gakinjiro

En analysant le tableau n° 24, on trouve que parmi les raisons avancées se trouve le revenu insuffisant à égalité avec le manque de sensibilisation (43, 3%).

Cela peut paraître paradoxal, étant donné que nous venons d'infirmer notre première hypothèse. Mais en réalité, il n'y a aucune contradiction. En effet, l'artisan menuisier de Gakinjiro gagne un revenu quotidien qu'il dépense quotidiennement. Tout se joue à ce niveau. Il ne sait même pas qu'il a un revenu proche ou même supérieur à celui d'un licencié. Il vit dans un environnement qui l'incite à dépenser sans compter.

Son niveau d'instruction le met à l'écart des jouissances qu'il pourrait tirer de sa condition de travailleur plus ou moins bien rémunéré par rapport aux autres travailleurs notamment ceux du secteur public. L'épargne, le syndicat, la Caisse Sociale du Rwanda, le crédit, c'est pour les autres, ceux qui ont étudié, comme ils aiment le dire.

L'insuffisance du revenu n'est donc qu'un faux prétexte puisque les agents de l'Etat qui gagnent en général moins que ces artisans sont affiliés à la Caisse Sociale du Rwanda.

Les vraies raisons sont à notre avis le manque d'informations en matière de sécurité sociale et surtout la mauvaise perception du rôle de la Caisse Sociale du Rwanda.

En effet, celle-ci n'a conçu jusqu' à ce jour aucune politique cohérente destinée à éduquer, informer et sensibiliser les travailleurs du secteur informel. Si les menuisiers de Gakinjiro étaient au courant des avantages qu'ils pourraient tirer d'une éventuelle affiliation à la Caisse Sociale du Rwanda, s'ils savaient qu'en cas d'accident de travail (si fréquent dans leur métier) ils seraient indemnisés proportionnellement au dommage subi, s'ils étaient informés qu'en cas de maladie professionnelle (si fréquente également) la Caisse Sociale du Rwanda prendrait en charge tous les soins nécessaires à leur guérison et au besoin bénéficier de différentes formes de rentes prévues par la loi, s'ils étaient au courant que la Caisse Sociale du Rwanda accorde une pension d'invalidité, une pension de vieillesse, une pension de survivant, diverses allocations prévues par la loi qui régit la sécurité sociale, s'ils savaient tout cela, eh bien les menuisiers de Gakinjiro n'hésiteraient pas une seconde à payer une somme modique de 3% de leur revenu trimestriel pour profiter des avantages que leur offre la Caisse Sociale du Rwanda. Il resterait à placer l'employeur devant ses responsabilités.

Il est donc exclu à toute forme d'avantages sociaux dont jouissent ces camarades du secteur formel parce qu'il n'est pas tout simplement correctement informé. La Caisse Sociale du Rwanda, les pouvoirs publics, les syndicats, sont autant responsables de cette ignorance dans laquelle se meuvent les travailleurs du secteur informel. Quant à la mauvaise perception du rôle de la Caisse Sociale du Rwanda, elle dérive également de cette ignorance et de la mauvaise gestion qui a caractérise par le passé cette institution. Cela a naturellement affecté son image de marque aux yeux de la population.

Ce problème de crédibilité qui caractérise du reste l'ensemble des régimes de sécurité sociale en Afrique sub saharienne est le fruit de multiples facteurs comme le faible niveau de prestations, les longs délais d'instruction des dossiers, la faible qualité des services rendus, le manque de bonne politique de placement des fonds, les coûts élevés d'administration, l'inefficacité administrative etc.

Un autre problème qui entache l'image de marque de la Caisse Sociale du Rwanda est que les pouvoirs publics délibérément ou pas, ont ajusté à la baisse les prestations en s'abstenant de les indexer sur l'inflation. Cela est d'autant plus frappant quand on sait que la monnaie a perdu son pouvoir d'achat dans des proportions inimaginables au cours de ces 40 dernières années.

Notre deuxième hypothèse est ainsi confirmée. Le manque d'informations en matière de sécurité sociale et surtout la mauvaise perception du rôle de la Caisse Sociale du Rwanda constituent bel et bien un obstacle majeur à la non affiliation des menuisiers de Gakinjiro.

Notre dernière hypothèse a trait aux restrictions juridiques et aux obstacles organisationnels. Nous n'avons pas jugé nécessaire de faire des enquêtes d'opinion pour confirmer ou infirmer cette hypothèse. En tant que cadre de la Caisse Sociale du Rwanda, notre connaissance de la loi qui régit notre institution nous permet de confirmer ladite hypothèse. En effet, le décret-loi régissant la Caisse Sociale du Rwanda date du 22/08/1974. En son article 2, il est écrit ce qui suit : « Sont assujettis aux dispositions du présent Décret-loi :

a) Les travailleurs soumis aux dispositions du code du travail, sans aucune distinction de race, de nationalité, de sexe, ou d'origine, lorsqu'ils sont employés à titre principal sur le territoire national pour le compte d'un ou de plusieurs employeurs publics ou privés, nonobstant la nature, la forme, la validité du contrat ou le montant et la nature de la rémunération ;

b) Les membres des services de l'Etat

Peuvent être assimilés aux travailleurs visés au premier paragraphe du présent article, les élèves des écoles professionnelles ou artisanales, les stagiaires et les apprentis, même non rémunérés.

Les modalités particulières nécessaires à l'application du présent Décret-Loi aux travailleurs temporaires ou occasionnels, aux stagiaires, aux apprentis et aux élèves des écoles professionnelles ou artisanales seront déterminées par arrêté du Ministère ayant la sécurité sociale dans ses attributions.

A la lumière de cet article, on constate que les menuisiers de Gakinjiro, à l'instar de tous les travailleurs du secteur informel, ne sont pas visés par le présent Décret-loi. Ils ne sont pas en effet soumis aux dispositions du code du travail.

Non plus ce ne sont pas des agents de l'Etat, ni encore moins des occasionnels ou temporaires puisqu'ils exercent un métier connu et permanent. Ce ne sont pas des élèves, encore moins des apprentis, mais bel et bien des travailleurs régis par une logique de survie. Ce sont donc des exclus de la sécurité sociale. Si on essaye de les assimiler aux travailleurs temporaires ou occasionnels, là aussi la loi n'a pas défini leurs champs d'action. Il y a eu depuis la promulgation de cette loi plusieurs ministres ayant eu la sécurité sociale dans leurs attributions, mais aucun n'a défini les modalités particulières nécessaires à l'application du présent Décret-Loi en rapport avec le groupe ciblé. Ce manquement préjudicie sans nul doute les travailleurs du secteur informel et par ricochet la Caisse Sociale du Rwanda car comme nous l'avons constaté lors de notre enquête menée auprès des menuisiers de Gakinjiro, ceux-ci gagnent un revenu régulier et amplement suffisant pour leur permettre une affiliation effective à la Caisse Sociale du Rwanda.

Quant aux blocages administratifs, nous sommes du même avis que Wouter Van Ginneken51(*) quand il affirme qu'il existe un lien étroit entre l'extension de la couverture et la capacité administrative des employeurs et des agences de sécurité sociale .

En effet, même si les menuisiers de Gakinjiro sont regroupés en association « KORA » et que de ce fait leur affiliation ne poserait pas de problèmes en principe, il en est tout autrement d'autres artisans, voire d'autres travailleurs du secteur informel, qui sont disséminés ici et là et dont la volonté d'absorption par la Caisse Sociale du Rwanda entraînerait une explosion des coûts fixes.

Il est utile de rappeler que la tenue des comptes individuels de chaque assuré pose déjà un problème alors qu'il s'agit des seuls travailleurs du secteur formel.

Il est évident que l'affiliation d'un nombre aussi considérable des travailleurs du secteur non structuré constituerait une charge administrative sans commune mesure. Le fonctionnement d'un régime d'assurance sociale  prévoit comme le précise Wouter Van Ginneken, la tenue d'un dossier personnel précis et exhaustif pour chaque assuré. Plus le nombre d'affiliés croît, plus les dossiers individuels augmentent. Il s'agit là d'un obstacle administratif majeur qui confirme notre dernière hypothèse.

L'auteur ci-haut cité, en la personne de Wouter Van Ginneken ajoute que « parmi les autres facteurs qui ralentissent le processus d'extension de la couverture, il faut signaler le manque généralisé d'informations au sein des groupes, voire leur réticence lorsqu'un régime est perçu comme étant inefficace ou contraire à leur intérêt. D'aucuns (tant parmi les employeurs que les employés) se sentent dépassés par les contraintes bureaucratiques liées à l'adhésion au régime légal de sécurité sociale, ou craignant peut-être que leur entrée dans le système public soit générateur d'autres conséquences indésirables ».

Nous pensons notamment à l'idée du fisc qui hante les travailleurs et les employeurs du secteur structuré. En effet selon les souhaits exprimés par les menuisiers de Gakinjiro (qui nous semble partagés par d'autres artisans ou d'autres travailleurs), l'Etat devrait revoir à la baisse son système d'imposition. Il s'agit pour ces menuisiers de l'ICHA qui se pratique en amont du processus de production et qui fait que les matières premières leur coûtent cher, réduisant indirectement leur marge bénéficiaire.

Le même auteur affirme que « les politiques d'ajustement structurel poursuivies ces derniers temps dans les pays en développement ont contribué à faire reculer le faible pourcentage représenté par la population active au sein du secteur formel. Les vagues successives des programmes d'ajustement structurel poursuivies ces derniers temps dans les pays en développement ont mené à une baisse des salaires dans les secteurs public et privé, créant par là une érosion de la base financière de régimes légaux d'assurance sociale. Dans le même temps, nombreux sont les régimes de cette nature qui, dans les pays en développement, ont souffert d'une mauvaise gestion partiellement attribuable à une ingérence excessive des pouvoirs publics, cette dernière ayant entraîné une perte de confiance sensible chez les adhérents au régime. »

Nous terminons ainsi la vérification de nos hypothèses de travail. Nous en avons confirmé deux et infirmé une.

Nous allons maintenant exposer brièvement les problèmes que rencontrent les menuisiers de Gakinjiro et les voies de solution possibles.

* 49 NTIBANYURWA A., Impact socio-économique du secteur informel, l'U.N.R, FSESG ,2001

* 50 BUTARE , T., in Régimes de pensions : problèmes et perspectives, Document de travail lors des journées de réflexion organisées par la CSR , 10-14 août 1998 p.21

* 51 WOUTER, G., op.cit , p.15

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci