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Droit de l'urbanisme et innovation architecturale. Des rapports ambivalents.

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par Laura Lemaire
Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence - Diplôme de l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence 2014
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE AIX-MARSEILLE

INSTITUT D'ETUDES POLITIQUES

MEMOIRE

pour l'obtention du Diplôme

DROIT DE L'URBANISME ET INNOVATION ARCHITECTURALE EN FRANCE : DES RAPPORTS AMBIVALENTS

Par Mlle. Laura Lemaire

Mémoire réalisé sous la direction
du Professeur Elise Carpentier

2

L'IEP n'entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

3

Mots-clés :

urbanisme, droit de l'urbanisme, architecture, bâtiment, innovation, esthétique, patrimoine, environnement, développement durable

Résumé :

Ce mémoire présente le rapport qu'a le droit de l'urbanisme français à l'innovation dans deux domaines, l'esthétique et la protection de l'environnement, et montre les enjeux d'une telle approche dans les deux domaines. La première partie est consacrée à l'innovation esthétique et il s'agit de montrer que le droit de l'urbanisme a un rapport d'hostilité à l'égard de l'innovation architecturale en matière esthétique. La seconde partie quant à elle, est consacrée au rapport entre droit de l'urbanisme et innovation architecturale dans le domaine environnemental. Ce mémoire a été réalisé grâce à des sources de toutes sortes, dont des entretiens avec des architectes.

4

SOMMAIRE

Remerciements

Introduction

Partie 1) Droit de l'urbanisme et innovation architecturale en matière esthétique

Titre 1) Le droit de l'urbanisme : un droit de la protection de l'esthétique qui est un obstacle à l'innovation architecturale

Titre 2) Les architectes et la contrainte réglementaire en matière esthétique : une relation ambivalente

Partie 2) Droit de l'urbanisme et innovation architecturale en matière de protection de l'environnement

Titre 1) Le droit de l'urbanisme et la prise en compte des enjeux environnementaux en architecture

Titre 2) Un droit trop axé sur les innovations technologiques : critiques et propositions pour l'avenir

Conclusion

Annexes

Bibliographie

Table des matières

5

REMERCIEMENTS

Je remercie tout d'abord Elise Carpentier, ma directrice de mémoire, pour ses conseils et ses encouragements.

Je remercie ensuite les architectes qui ont accepté de répondre à mes questions et dont les témoignages ont été pour moi une source d'information précieuse : Christian Périnel, Heloïse de Broissia et en particulier Noëlle Vix-Charpentier qui m'a fourni de la documentation et dont les explications m'ont permis de comprendre comment fonctionnent les documents d'urbanisme.

Et pour finir, je remercie mes grand-parents, Germaine et Jean Bémer, qui ont été des relecteurs hors pair et m'ont ainsi fait gagner beaucoup de temps.

Laura Lemaire

6

INTRODUCTION

En 2013, le projet de la gare routière d'Aix-en-Provence, conçu par l'architecte Jean-Marie Duthilleul, a reçu, au Congrès national des établissements publics locaux, le prix Innovation EDF/EPL pour ses performances énergétiques ainsi que pour sa qualité architecturale, environnementale et technique.1 Le projet a donc été récompensé pour son aspect esthétique mais aussi pour son aspect environnemental. La nouvelle gare routière d'Aix-en-Provence est donc un ouvrage représentatif des enjeux actuels de l'urbanisme et de l'architecture : concilier qualité architecturale, harmonie de l'édifice avec son environnement et développement durable.

Dans ce mémoire, il sera question d'architecture, d'urbanisme et plus particulièrement de droit de l'urbanisme, d'esthétique et d'environnement. Et avant d'aller plus loin et de présenter les rapports entre droit de l'urbanisme et innovation architecturale, il semble nécessaire de définir un certain nombre de termes.

Urbanisme :

« Ensemble des mesures techniques, administratives économiques et sociales qui doivent permettre un développement harmonieux, rationnel et humain des agglomérations »2

« Ensemble des arts et techniques concourant à l'aménagement des espaces urbains en fonction de données démographiques, économiques, esthétiques en vue du bien-être humain et de la protection de l'environnement »3

L'urbanisme suppose l'idée d'une organisation rationnelle et donc l'idée de planification. C'est donc avec les débuts de la planification urbaine après la Première guerre mondiale que naît le droit de l'urbanisme.

Mais si le droit de l'urbanisme apparaît tardivement, à la fin du XIXe siècle, les penseurs réfléchissent depuis l'Antiquité à l'organisation que devrait avoir la ville idéale.4 C'est le cas par exemple de Platon dans Les Lois et La République. Et dans la lignée de

1 Dossier « Nouvelles infrasctructures de transport», Revue Pays d'Aix, n°5 Janvier-Février 2014, p.18 et 19

2 Dictionnaire Larousse, 2012

3 Dictionnaire culturel en langue française, Le Robert, sous la direction d'Alain Rey, Tome 4 (R-Z), 1995 « urbanisme » p. 1686

4 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : Droit de l'urbanisme, 8ème édition,2008, Memento Dalloz. p.1

7

l'Antiquité, la Renaissance donne lieu a plusieurs utopies célèbres qui sont des réflexions sur la ville idéale. On peut citer Utopia de Thomas More, paru en 1516 en encore La cité du soleil de Tomaso Campanella (1613).

Cependant, c'est au XIXe siècle que les théories sur la ville idéale se font les plus nombreuses. Et cela donne lieu à deux grands courants principaux : le courant progressiste et le courant culturaliste. Le courant progressiste se caractérise par une croyance absolue dans le progrès et l'universalisme. Le courant culturaliste au contraire se caractérise par l'admiration du passé et la nostalgie de la société pré-industrielle. Cependant, comme leurs prédécesseurs dans l'histoire des idées, il s'agissait peu pour les intellectuels du XIXe siècle de passer à la réalisation concrète. Françoise Choay parle de « pré-urbanisme ».5

Le XIXe siècle voit donc apparaître des intellectuels qui consacrent des ouvrages entiers à l'organisation de la ville. Cela va contribuer à la naissance de la notion d'urbanisme à la fin du siècle.

Le terme d'urbanisme, urbanizacion en Espagnol, apparaît pour la première fois sous la plume de l'ingénieur catalan Illdefons Cerdà dans son ouvrage Théorie générale de l'urbanisation en 1887. En France, il a fallu attendre 1910 et le néologisme forgé par Pierre Clerget dans un article de la Revue neuchâteloise de Géographie pour que le terme d'urbanisme entre dans le vocabulaire. En 1911 ensuite, fut fondée la Société Française des urbanistes (SFU), « société savante » selon le vocabulaire de l'époque et enfin, en 1953 l'école des Beaux arts de Paris commence à enseigner l'urbanisme à ses étudiants en architecture.6

L'urbanisme est donc à la fois un champ disciplinaire lié aux sciences humaines et un champ professionnel qui regroupe l'ensemble des pratiques et des techniques qui découlent de la mise en oeuvre des politiques urbaines telles que le logement et les transports par exemple. Dans le champ professionnel, on distingue l'urbanisme réglementaire qui consiste en la législation de l'urbanisme et l'urbanisme opérationnel qui consiste en la mise en oeuvre d'actions sur le terrain.

5 CHOAY, Françoise : L'urbanisme : utopie et réalité. Seuil, 1979

6 Idem.

8

Droit de l'urbanisme

En France, comme on l'a dit, on ne parle de droit de l'urbanisme que depuis la fin de la Première guerre guerre mondiale. En effet, à cet époque, l'état de dévastation du pays et la nécessité de reconstruction rendit nécessaire une réflexion globale sur la ville et surtout la planification de la reconstruction du pays. Cela s'accentua encore avec la Seconde guerre mondiale.

Cependant, avant même le XXe siècle, on observe des mesures de l'État pour encadrer la construction de la ville. On ne parle pas encore d'urbanisme puisque le terme n'a pas encore été inventé mais on parle de mesures de police administrative. En France ce type de mesures relatives à la ville date du début du XVIIe siècle.

Les premières mesures de police relative à la ville : aménagement des voies publiques, salubrité, sécurité et esthétique7

La première norme qu'on peut assimiler à de l'urbanisme date de 1607 avec l'Édit d'Henry IV qui impose aux constructeurs de respecter le principe d'alignement des rues et donne à l'administration le pouvoir de les y contraindre. Des plans d'alignements seront établis ensuite par différents monarques, par la Révolution (loi de 1791), le Premier Empire (loi de 1807) et par la loi municipale du 5 avril 1884. La première norme assimilable a de l'urbanisme concerne donc l'aménagement des voies publiques. Avant cela, les villes étaient construites de manières anarchiques, les architectes n'étant soumis qu'à des exigences matérielles et de bon sens :

« Le dessin des voies, ainsi que la dimension des logements résultaient surtout du bon sens, et aussi du savoir faire technique de l'époque, ainsi la largeur des habitations populaires du Moyen-âge dépassait rarement les cinq mètres car cela correspond à la portée maximale d'une poutre. »8

La police de la sécurité est un élément important du droit de l'urbanisme qui apparaît plus de deux siècles plus tard : il s'agit de contrôler par voie d'autorisation ou de déclaration préalable les établissements dangereux, incommodes ou insalubres. En 1810, un décret impérial classe 3 degrés de dangerosité. Ce décret est complété un peu moins d'un siècle plus tard par la Loi du 21 juin 1898 relative aux immeubles menaçant ruine :

7 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : op. Cit. : p.3 et 4

8 OGIER, Magali : Innovations architecturale et droit de l'urbanisme. Mémoire de DESS en droit de l'urbanisme et de la construction, 1995

9

le maire a l'obligation de faire détruire un immeuble qui présente des dangers pour les passants ou les voisins.

Le troisième type de ces mesures de polices administratives relatives à la ville est la police de la salubrité : en 1852 apparaît en effet un décret-loi qui oblige les constructeurs à aménager des réseaux d'évacuation des eaux, d'abord à Paris, puis cela est étendu à d'autres villes. L'idée vient du Baron Hausmann. Puis, cinquante ans plus tard, la Loi du 15 février 1902 oblige chaque commune de plus de 20 000 habitants à adopter un règlement sanitaire. Aucune construction ne pouvait être entreprise sans un permis qui attestait de la conformité au règlement sanitaire.

La protection de l'esthétique, enfin, est le type de mesures de police administratives relatives à la ville qui apparaît en dernier et ne se conçoit que rattachée à la conservation du patrimoine. La conservation du patrimoine recouvre deux choses : la protection des monuments historiques et la protection des sites.

Un monument historique est, en France, un monument ou un objet recevant par arrêté un statut juridique destiné à le protéger du fait de son intérêt historique, artistique ou architectural. La loi du 30 mars 1887 pour la conservation des monuments historiques fixe pour la première fois les critères et la procédure de classement.

La notion de site, quant à elle, correspond au paysage considéré sous le plan de l'esthétique. Les lois des 21 avril 1906 et 2 mai 1930 viennent, de même, encadrer les critères et la procédure de classement des sites.

Enfin la la loi du 13 juillet 1911 introduit la notion de « perspective monumentale ».

Alignement des voies publiques, sécurité, salubrité, esthétique : tels ont donc été les premières mesures de police administratives relatives à l'organisation des villes. Celles ci ne ce se détachaient cependant pas encore du droit de la construction et des objectifs de la police administrative traditionnelle. On était dans le cadre de règles strictes de construction imposées au particulier et pas encore dans le domaine de la planification. Or, c'est avec les débuts de la planification que naît réellement le droit de l'urbanisme.

10

La France dans une dynamique de planification

La première loi de planification urbaine apparaît en France en 1919, à l'imitation de pays voisins comme la Suède (1874), Pays-Bas (1901) et Grande Bretagne (1909) et fait suite à la nécessité de reconstruction des villes du nord et de l'est après la Première guerre mondiale. Il s'agit de la La loi Cornudet du 14 Mars 1919.

Cette loi prescrivait l'établissement dans un délai de trois ans de « projets d'aménagement d'embellissement et d'extension des villes » dans les communes de plus de 100 000 habitants et dans les villes « sinistrées, pittoresque ou en extension rapide ».

Cette loi prévoyait une certaine forme de décentralisation : en effet les plans étaient du ressort des communes. Cependant, si le maire ne prenait pas de décision le préfet pouvait se substituer à lui.

En pratique, la portée de la Loi Cornudet fut limitée puisque la procédure était trop lourde pour des communes dépourvues de moyens d'y faire face. Cependant, la « loi Cornudet » est un apport considérable. En effet elle pose le principe de planification à l'échelle communale : c'est donc l'ancêtre direct des POS (Plans d'occupation des sols).

Ensuite, la loi du 1e Juillet 1924 complète la Loi Cornudet. En effet, celle-ci soumet les lotissements à autorisation préalable.

Puis, par la jurisprudence Lainé, le Conseil d'État admet la légalité des zonages et des affectations du sol à des usages différents.9 C'est un principe qui dominera l'urbanisme jusqu'au années 80 : logements, lieux de travail, commerces et lieu de loisirs sont séparés dans des zones différentes.

Enfin, par la loi du 15 Juin 1943, l'urbanisme est déclaré « affaire d'État » et doté de services propres. Avant cela le ministère de l'intérieur avait la responsabilité de l'urbanisme mais par cette loi, fut créé une Délégation à l'Équipement national avec une direction de l'urbanisme. Les services extérieurs sont placés sous l'autorité d'un inspecteur général et aménagés au niveau régional.

Dès les débuts de la planification, l'urbanisme avait donc vocation a promouvoir un certain équilibre entre les territoires et à imposer des normes aux constructeurs dont font partie les architectes.

9 Arrêt du Conseil d'État, 23 février 1934, Lainé

11

Les enjeux de l'urbanisme et le droit de l'urbanisme depuis 1945

En 30 ans entre 1945 et 1975, la population urbaine en France augmente de 14 millions d'habitants sous les effets simultanés du Baby-boom et de l'exode rural. Le grand enjeu de l'urbanisme devient donc le logement. Il s'agit de construire vite et beaucoup : on assiste à un doublement du nombre de mise en chantier. Pour la seule année 1970 près de 500 000 chantiers sont lancés. Cette situation est celle des Trente Glorieuses et nécessite une politique d'envergure. Et en même temps il s'agit de ne pas construire de manière anarchique : les Trente Glorieuses sont donc une période de l'essor de la planification et de l'urbanisme prospectif.10

De 1950 à 1960 il s'agit donc avant tout de faciliter les opérations d'urbanisme. La loi du 21 Juillet 1950 crée un régime d'aide financière à la construction et la loi du 21 Juillet 1950 élargie les possibilités d'expropriation pour en faire bénéficier les constructeurs privés. De plus, par les décrets du 31 Décembre 1958 sont créés les statuts de deux opérations spécifiques d'aménagement : les ZUP (Zones à aménager en priorité) et la rénovation urbaine. Enfin, avec les programmes de restauration immobilière (Loi Malraux, 4 août 1962) et les Zones d'aménagement différées (ZAD), 26 Juillet 1962), on passe à une politique de sauvegarde et de rénovation qui rompt avec les démolitions brutales et les « grands-ensembles » tant décriés.

Les Trente Glorieuses sont aussi l'époque de l'essor de la planification et de l'urbanisme prospectif. En effet se développe l'idée d'étendre à l'ensemble du territoire l'application de documents d'urbanisme de portée différente. Au niveau supra-communal, les Schéma directeurs d'aménagement et d'urbanisme (SDAU) jouent un rôle de prévision et d'orientation générale. Au niveau communal, il s'agit des Plans d'occupation des sols (POS) qui ont une fonction de réglementation de et zonage. C'est la loi d'orientation foncière du 30 décembre 1967 qui détermine leur régime. Les POS était au départ uniquement fait dans les aires métropolitaines mais bientôt, les communes rurales eurent obligation de se plier aux POS.

Se développe aussi la concertation : c'est à dire la rencontre et le débat organisé entre les différents acteurs intéressés par une opération d'urbanisme avant une prise de décision. Le but est d'atténuer le caractère technocratique et centralisé des décisions. Sont

10 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : op. Cit. : p.3

ainsi créées les Zones d'aménagement concerté (ZAC) par la loi d'orientation foncière du

30 décembre 1967.

Vers un droit de lurbanisme plus protecteur et qualitatif.

Par protection, on entend tout d'abord la protection de l'environnement : comme on le verra en détail dans la seconde partie de ce travail, les enjeux environnementaux prennent de plus en plus d'ampleur à partir de la fin des années 1960 et occupent dans le droit de l'urbanisme les premiers rangs dans la hiérarchie des valeurs.

Il s'agit aussi de la protection contre une trop forte urbanisation à travers des mesures coercitives contre la propriété privée. Est créé le plafond légal de densité (PLD) au dessus duquel il appartient à la collectivité de construire et le permis de construire se généralise.

Enfin, il s'agit de protéger les futurs occupants contre des constructeurs malhonnêtes ou défaillants à travers des lois sur la responsabilité des constructeurs et des maîtres d'ouvrage, des contrats incluant de nombreuses garanties.

Après 1983 avec la décentralisation et les nouveaux pouvoirs donnés aux communes, la concertation sert aussi à tempérer les nouveaux pouvoirs donnés aux communes. La Loi du 18 juillet 1985 rend à ce titre obligatoire l'organisation d'une concertation avec les habitants de la commune pendant la réalisation d'un projet d'aménagement. Se développe aussi la place faite aux associations avec les lois du 10 et

31 décembre 1995 notamment pour les associations agréées de protection de l'environnement et les associations foncières urbaines (AFU) inspirées des associations de propriétaires.

Enfin, il apparaît que l'État, d'avantage que de prendre en charge directement l'aménagement, poursuit des programme d'incitation à l'égard des organismes publics, parapublics et privés de l'aménagement. Cela prend la forme d'aide financières et du développement de la contractualisation.

Décentralisation et inflation normative

Avec les lois de décentralisation, sont transmises beaucoup de compétences au communes en matières d'élaboration des documents d'urbanisme et de délivrance

12

13

d'autorisation. Cela se caractérise par une inflation normative. Un rapport du Conseil d'État de 1992 dit Rapport Labetoulle, pointe la nécessité de rendre le droit de l'urbanisme plus synthétique et « plus efficace ». Le constat est le même aujourd'hui.

La Loi SRU et les débuts de l'urbanisme de projet

La Loi SRU de 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbain, opère une « une ambitieuses réforme de l'ensemble du système »11 La loi SRU tente en effet d'inciter les communes, souvent regroupées au communautés de communes, à mettre au point des Schéma de cohérence territoriale (SCOT) « afin d'aller vers une gestion intégrée des de l'urbanisme vers le développement durable »12 : les documents d'urbanisme doivent ainsi devenir non plus seulement des plans d'affectation des sols mais des véritables projets de développement urbain prenant en compte les enjeux de restructuration de l'existant, le développement économique, le développement des moyens de transport, les problèmes sociaux et les préoccupations environnementales.

La Loi SRU est donc au fondement de l'urbanisme de projet. En effet, la Loi SRU change profondément les documents d'urbanisme et plus exactement la procédure qui mènent à leur élaboration.

Cela a été encore accentué avec Les lois de Grenelle (2010) et par la Loi ALUR du 20 février 2014 qui a pour but pour les nouvelles construction outre de densifier en zone urbaine pour construire là où sont les besoins et de lutter contre l'étalement urbain. Pour cela il s'agit de favoriser les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI) 13

Le droit de l'urbanisme est donc né après la Première guerre mondiale de la nécessité de planifier la reconstruction des villes endommagées par la guerre. Après la Seconde guerre mondiale, l'enjeu principal de l'urbanisme est le logement : le droit de l'urbanisme a donc eu pour objectif de faciliter la construction. Cependant, dès cette époque, il s'est agit d'encadrer la construction. Avec les crises des années 1970, les projets de sont faits de moindres envergures et il s'est agit alors d'enjeux plus qualitatifs :

11 MORRAND-DEVILLER, jacqueline : op. Cit. : p.8

12 Idem.

13 Site internet dédié à la loi ALUR

14

la protection de l'environnement, la lutte contre l'étalement urbain et des enjeux plus sociaux comme la mixité sociale. Cette évolution du droit de l'urbanisme s'est caractérisée par un empilement de normes de plus en plus nombreuses.

Sources du droit de l'urbanisme

Le droit de l'urbanisme est peu encadré par le droit international. Cependant, depuis les années 1970, les liens entre droit de l'urbanisme et droit de l'environnement n'ayant cessé de se renforcer, la dimension internationale du second ne manque pas de se répercuter sur le premier, créant ainsi de nouvelles contraintes pour le secteur du bâtiment.

Outre l'environnement, on peut citer le droit de l'Union Européenne pour ce qui est des règles de la concurrence.

Depuis la loi de décentralisation de 1983, c'est par ailleurs aux élus locaux qu'incombe l'essentiel des fonctions de maîtrise d'ouvrage publique, urbaine et architecturale. C'est aussi aux élus locaux que revient le pouvoir de police de l'urbanisme car ce sont eux qui ont la responsabilité des documents d'urbanisme. Le droit de l'urbanisme relève donc de règles nationales et locales.

Dans ce mémoire il sera fait mention du droit de l'urbanisme dans une acception élargie puisque notre étude ne sera pas limitée aux règles issues du Code de l'urbanisme mais également des règles issues du Code du patrimoine, du Code de la construction ou encore du Code de l'environnement, qui sont intimement liés à l'urbanisme.

Une définition du droit de l'urbanisme

« Le droit de l'urbanisme peut être défini comme l'ensemble des règles concernant l'affectation de l'espace et son aménagement. »14

Il s'agit de mesures de police administrative et de servitudes d'intérêt public . Le droit l'urbanisme est donc rattaché de manière importante au droit administratif et également à d'autres branches du droit public tels que le droit fiscal, le droit de l'environnement, du patrimoine, de l'expropriation, de la propriété des personnes publiques et mais aussi du droit privé : droit de la construction et droit pénal notamment.

14 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : op. Cit. : p.1.

15

« Idéalement le droit de l'urbanisme est un droit de l'harmonie et de la conciliation entre ces diverses exigences » : sociale : droit au logement, diversité de l'habitat, qualité de vie, esthétisme , économique, protection de l'environnement, de l'esthétisme, de la qualité de vie imposant des limites à l'aménagement »

Il s'agit d'un droit parfois rigide et parfois souple et « qui laisse une large place aux décisions discrétionnaires en opportunité. »

Par ailleurs c'est un droit qui met en présence des acteurs diverses souvent en situation conflictuelle. Il faut donc des mécanismes de concertation préalable c'est à dire convaincre et persuader plutôt qu'ordonner.

Un aussi cependant un droit« discriminatoire » qui porte atteinte aux grands principes de liberté et de propriété. Cependant légitimité des règles de l'urbanisme découle du fait que la liberté consiste à ne faire que ce qui ne nuit pas à autrui, et la propriété n'est pas absolue : elle existe dans les limites que fixent les lois et règlements.

De plus, on assiste à un mouvement de développement des droits et libertés individuels notamment sous l'influence du droit de l'Union Européenne et du libéralisme. La jurisprudence actuelle du droit administratif défend de plus en plus les intérêts des administrés face à l'administration. Et il en va de même pour le droit de l'urbanisme.

Mais il est temps à présent de passer à la définition des autres termes du sujet : architecture, innovation et innovation architecturale.

Architecture

« Art de construire les édifices, d'en organiser l'espace et l'apparence, extérieure et intérieure ; ensemble des techniques qui y concourent en étant soumises au projet artistique »15

L'architecture est donc un art. Et dans la classification classique, l'architecture est même le premier des arts. C'est pour cela que l'architecture dépend en France du Ministère de la culture. L'architecture relève donc de la recherche artistique de nouvelles techniques, de nouvelles formes. Et comme tous les arts, l'architecture est marquée par des mouvements artistiques évoluant avec les époques.

Le mot architecture apparaît pour la première fois en langue française à la Renaissance dans une traduction du De architectura de l'architecte Romain Vitruve par

15 Dictionnaire culturel en langue Française, Le Robert, 2005, Tome 1 (A-D), sous la direction Alain Rey, « architecture » p. 468-470

16

Jean Martin. L'ouvrage fut nommé Architecture ou l'art de bien bastir et fut écrit en 1547.

Un art de l'espace et de la construction

Le De architectura de Vitruve écrit vers -25 est le seul traité d'architecture qui nous reste de l'Antiquité. Il s'agit d'une sorte d'encyclopédie des techniques de construction et de conception des ouvrages architecturaux, ainsi que des machines et instruments de mesure. Cette oeuvre a une influence importante durant le Moyen-âge et jusqu'à l'avènement de l'architecture classique et baroque au VIIe siècle. Pour Vitruve, l'architecture est une imitation de la nature. L'édifice doit donc s'insérer harmonieusement dans l'environnement naturel. L'architecte doit par ailleurs posséder une culture vaste et notamment philosophique. Il doit également avoir la connaissance de l'acoustique pour la construction des théâtres, de l'optique pour l'éclairage naturel des édifices et de la médecine pour l'hygiène des aires constructibles. Le livre 1 en particulier donne des indications sur l'organisation urbaine.16

D'après Vitruve, l'architecte de la Rome antique s'occupait donc ce qu'on appellera des siècles plus tard l'aménagement urbain. Cela reste vrai car aujourd'hui en France, de nombreux architectes ont également une formation d'urbaniste.

L'architecte est « celui qui conçoit l'édifice et en dirige la construction. »17 Le métier d'architecte s'apparente donc à la maîtrise d'oeuvre, il est celui qui maîtrise techniquement la construction des bâtiments et surveille la mise en oeuvre des projets architecturaux. On oppose en effet « maîtrise d'oeuvre » et « maîtrise d'ouvrage ». Le maître d'oeuvre est celui qui réalise le projet architectural et le maître d'ouvrage celui qui passe la commande. L'architecture est donc un art qui est intégrée à un secteur économique qui comporte des enjeux financiers importants : le bâtiment.

L'innovation correspond au fait d'innover, c'est à dire :

« Introduire dans une chose établie quelque chose de nouveau, d'encore inconnu »18

16 Table des matières de De Architectura. Maufras, 1847

17 Dictionnaire culturel en langue Française, Le Robert : op. Cit. : « architecture » p. 468-470

18 Dictionnaire culturel en langue Française, Le Robert : op. Cit. : « innover » p. 1998

17

Innovation architecturale et droit de l'urbanisme sont donc a priori des notions antagonistes. Le droit de l'urbanisme, en effet, est un droit contraignant qui a pour fonction l'harmonie esthétique des villes, quand l'architecture en tant qu'art porte en elle la recherche technique et esthétique qui implique l'innovation, c'est à dire la recherche de « quelque chose de nouveau » qui vient bouleverser ce qui existe déjà.

Par ailleurs, une innovation est considérée comme telle par rapport à l'époque à laquelle elle apparaît. La tour Eiffel par exemple, ce prodige architectural de l'exposition universelle de 1889 qui consiste en une tour de 300m de haut entièrement réalisée en métal choqua les Parisiens lorsque fut érigée. Victor Hugo lui même rédigea des pétitions pour que la mairie débarrasse la ville de ce « monstre de métal » qui défigurait Paris. Plus de 100 ans plus tard, la Tour Eiffel est le symbole de Paris dans le monde entier.

L'innovation d'hier peut donc devenir le patrimoine de demain. Et un droit qui se bornerait à protéger ce qui existe ne serait donc qu'une contrainte, quelque chose qui empêcherait toute innovation. Il s'agit donc de se poser la question des rapports souvent conflictuels entre innovation esthétique et droit de l'urbanisme. Mais une partie de ce travail sera également consacrée aux règles de nature environnementale du droit de l'urbanisme.

Environnement

« 1. Ce qui entoure, constitue le voisinage de.

2. Ensemble des éléments physiques, chimiques ou biologiques, naturels ou artificiels, qui entourent un être humain, un animal ou un végétal ou une espèce.

3. Ensemble des éléments objectifs et subjectifs qui constituent le cadre de vie d'un individu »19

La notion d'environnement rassemble tout ce qui constitue le cadre d'existence d'un être vivant. Par ailleurs l'environnement peut être naturel ou artificiel. Et il peut aussi s'agir d'éléments subjectifs, c'est à dire, qui dépendent de la perception de l'être vivant.

Depuis la fin des années 1960, la protection de l'environnement s'est imposée comme une nécessité. Ainsi, les enjeux environnementaux prennent une importance de

19 Le petit Larousse illustré, 2008

18

plus en plus considérable dans le droit de l'urbanisme. Et d'autre part s'est développé depuis cette époque ce qu'on appelle l'architecture environnementale.

Si le droit de l'urbanisme relatif à l'environnement est une contrainte supplémentaire pour les architectes, il est aussi un moteur de l'innovation dans le domaine technique s'agissant notamment des matériaux et de l'efficacité énergétique.

Il s'agira donc dans ce mémoire de réfléchir à la problématique suivante :

En quoi le droit de l'urbanisme français a-t-il un rapport différent à l'innovation quand on se place en matière esthétique et en matière environnementale et quels sont les enjeux de ce rapport dans les deux domaines ?

Dans la première partie, on s'intéressera aux rapports entre innovation esthétique et droit de l'urbanisme. On montrera que le droit de l'urbanisme est un droit hostile à l'innovation architecturale en matière esthétique. On présentera les principales règles d'urbanisme qui empêchent l'innovation esthétique puis on nuancera cette position en montrant le caractère nécessaire et même propice à l'innovation de la contrainte, notamment réglementaire. Dans la seconde partie, on réfléchira aux rapports entre innovation architecturale, protection de l'environnement et droit de l'urbanisme : on montrera qu'en matière environnementale, le droit de l'urbanisme à un rapport favorable à l'innovation architecturale mais que cela ne va pas sans poser de problèmes. On verra en effet que le droit de l'urbanisme français actuel prône une architecture environnementale technologique. On présentera donc les critiques que l'on peut adresser au droit de l'urbanisme actuel en matière environnementale et enfin on présentera des solutions pour une urbanisation plus durable.

19

Partie 1) Le droit de l'urbanisme et l'innovation architecturale en matière esthétique

Outre la sécurité et la salubrité, l'esthétique des villes est l'objet principal du droit de l'urbanisme. Comme on l'a montré en introduction, la période des Trente Glorieuses a fait passer cet objectif au second plan car la nécessité première était surtout de construire des logements en masse pour loger une population en forte augmentation. Le retour a un urbanisme plus qualitatif après les années 1970 a cependant remis l'esthétique au premier

plan.20

En France la notion de protection de l'esthétique s'entend dans un sens passéiste : il s'agit de protéger, de conserver ce qui existe. On suppose une harmonie à ce qui existe déjà et en découle que les constructions nouvelles ne doivent pas détruire cette harmonie.

Dans cette partie, il s'agira donc de s'intéresser aux rapports entre innovation esthétique (c'est à dire la production de nouvelles formes esthétiques) et droit de l'urbanisme.

Dans un premier titre, on montrera qu'en matière esthétique, le droit de l'urbanisme est globalement hostile à l'innovation. Après une phase de définition, nous présenterons les règles les plus contraignantes du droit de l'urbanisme en montrant en quoi elles font obstacle à l'innovation architecturale. Ensuite, dans un seconde titre, on s'intéressera aux rapports entre les professionnels du bâtiment (et en particulier les architectes) et les contraintes réglementaires en matière esthétique. Il s'agira d'abord de montrer que celles-ci apparaissent comme des contraintes excessives qui représentent un obstacle à l'innovation architecturale, puis on nuancera ce point de vue, en montrant que la contrainte réglementaire est un cadre de travail pour les architectes et qu'elle peut aussi devenir un moteur pour l'innovation.

20 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : Droit de l'urbanisme.8e édition. Dalloz, Paris, 2008

20

Titre 1) Le droit de l'urbanisme : un droit de la protection de l'esthétique qui est un obstacle à l'innovation architecturale

Il s'agira donc dans ce premier titre de montrer que le droit de l'urbanisme est hostile à l'innovation architecturale en matière esthétique, en ce qu'il a justement pour objectif la protection de l'esthétique.

Mais l'esthétique de quoi exactement ?

Le droit de l'urbanisme a pour vocation de protéger d'une part le patrimoine architecturale et d'autre part les paysages et les espaces naturels, auxquels comme on l'a

dit, le droit suppose une harmonie.21 Dans un premier chapitre, on présentera donc les dispositions relatives à la protection du patrimoine architectural et dans un seconde chapitre, celles relatives à la protection des paysages et des espaces naturels. Enfin dans un troisième chapitre, on présentera le contrôle du juge administratif en matière d'esthétique.

21 OGIER Magali : Innovations architecturales et droit de l'urbanisme. Mémoire de DESS en droit de l'urbanisme et de la construction, 1995

21

Chapitre 1) Les règles de protection du patrimoine architectural

Dans ce premier chapitre, il s'agira donc de montrer que le droit de l'urbanisme, au sens large, a pour objectif de la protection du patrimoine architectural et de montrer en quoi cela est un obstacle à l'innovation architecturale.

§1) Origine et évolution de la notion de patrimoine

1) Définition et origine de la notion de patrimoine

L'ensemble des lois et de la jurisprudence relative à la protection du patrimoine architectural figure dans le Code du patrimoine.

Le mot patrimoine est issu du latin patrimonium qui signifie « ce que l'on a hérité du père ». En droit privé, le patrimoine désigne un « ensemble de biens, droits et charges d'une personne juridique. », « l'ensemble des biens et des charges d'une personne appréciable en argent ».22

Il y a dans la notion de patrimoine une idée d'héritage des générations passées. Cependant, ce qui est tangible et « appréciable en argent » pour le patrimoine privé devient abstrait pour un patrimoine qui serait national. Cependant il y a l'idée qu'il faudrait « un bon père » pour s'en occuper. Cela justifie que la tâche de gestion doit revenir à l'État car cette lourde tâche ne peut être laissée au seul citoyen. »23

« La protection du patrimoine historique trouve sa raison d'être dans la nécessité d'empêcher ou de limiter strictement la construction dans les endroits ou elle est indésirable afin de préserver les

espaces urbains »24

Il s'agit donc d'inventorier, de protéger de la destruction, conserver et restaurer et mettre en valeur les traces et témoignages du passé.

C'est à l'État que revient l'essentiel des compétences en matière de patrimoine, cependant, les collectivités territoriales y sont associées dans le soutien à la conservation du patrimoine et notamment le département et la région.

22 Dictionnaire en langue française, Le Robert, 1995, sous la Direction d'Alain Rey

23 OGIER, Magali: op. Cit. : p.14

24 MONNIER, Mireille : L'urbanisme de protection, un droit au service du patrimoine, Lextenso éditions, 2013, p. 13

22

En outre, l'idée qui définit la politique patrimoniale est celle que l'urgence justifie l'existence d'un droit très contraignant. On peut parler d'urgence en effet, car une fois un monument historique détruit, aucun retour en arrière n'est possible :

« La protection du patrimoine apparaît de plus en plus fondamentale dans la mesure où elle constitue l'une des facette de la politique patrimoniale qui vise la sauvegarde de l'identité culturelle et la défense

de l'esthétique ». 25

Par ailleurs le patrimoine est un enjeu important pour le développement local parce qu'il permet le développement du tourisme. En effet, si la ville d'Aix-en-Provence, par exemple attire autant de touristes, c'est pour son patrimoine architectural particulièrement ben conservée.

En outre, le patrimoine architectural constitue aussi un aspect de la qualité du cadre de vie des habitants. Si les touristes apprécient le charme des bâtiments anciens, il en va de même pour les habitants, qui peuvent en profiter toute l'année.26

Le droit de l'urbanisme a donc en matière d'esthétique une conception passéiste puisque le patrimoine architectural est conservé pour une question d'esthétique. Est en effet considéré comme esthétique, ce qui existe déjà.

2) Évolution de la notion de patrimoine

En 1913, la loi prévoyait la protection d'objets qui avaient une qualité esthétique particulière. Aujourd'hui, le patrimoine correspond à des bâtiments considérés comme « témoins irremplaçables d'un passé même récent ».27 A ce titre, le théâtre de l'Olympia par exemple, fut classé au patrimoine culturel en 1993.

Suivant la même logique, les architectes et urbanistes se posent aujourd'hui la question de la patrimonialisation de l'habitat social des années 1960-1970. L'idée est en effet que l'habitat social des années 1960-1970 est le témoignage de l'époque particulière qu'ont été les 30 Glorieuses en matière d'architecture : une époque à laquelle il a fallu construire des logements vite et en masse. Et étant donné que la notion de patrimoine a été élargie à la protection des édifices possédant un caractère historique particulier, ne

25 MONNIER, Mireille : ibid. : p. 13

26 MONNIER, Mireille : ibid. p. 14

27 « Un nouveau regard sur les grands ensembles », Urbanisme n°388 Printemps 2013, p.30

23

devraient-ils pas faire partie du patrimoine ? C'est la question qui est posée après 10 ans de rénovation urbaine :

« les barres et les tours des années 1960 à 1970 sont au coeur du procès fait à des normes urbaines pathologiques voire criminogènes. Mais le vent tourne peut-être grâce aux démolitions massives entreprises par la rénovation urbaine version ANRU. Et, phénomène très français, la nostalgie nous tient. Et si nous passions à côté d'un patrimoine fascinant, bâti pendant les fameuses 30 glorieuses et tout particulièrement dans leurs dernières années, avant que le crise du pétrole puis la crise tout court ne viennent mettre le holà aux rêves des architectes et urbanistes nourris des théories du mouvement moderniste ? »28

Une telle évolution de la notion de patrimoine est positive puisqu'elle permet de protéger des constructions issues d'un passé plus récent. Cependant il s'agit toujours d'une conception passéiste du patrimoine : conserver le passé au détriment parfois d'une architecture actuelle.

§2) Les outils juridiques de la protection du patrimoine architectural

Dans cette partie, il s'agira donc de présenter les principaux outils juridiques qui permettent de protéger le patrimoine architectural et qui donc, dans une certaine mesure, sont des obstacles à l'innovation esthétique en architecture.

1) Protection générale par le droit de l'urbanisme

Pour commencer, la protection du patrimoine architectural, et par là-même de l'esthétique des villes, est une composante de tous les documents d'urbanisme à partir desquels sont délivrées les autorisations individuelles de construire.

Le Code de l'urbanisme indique en effet que les documents d'urbanisme visent notamment à « la sauvegarde des ensembles urbains et du patrimoine bâti remarquable ».29

Cet objectif de protection existe aussi bien dans les règlements nationaux d'urbanisme que dans les documents locaux d'urbanisme tels que le Plan local d'urbanisme (PLU), le

28 VAYSSIERE, Bruno : Entretien « Pour une patrimonialisation délibérée », dossier « Les grand ensemble, histoire et devenir » Urbanisme n°322, janv.-févr. 2002

29 Article L.121-1 du Code de l'urbanisme

24

Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi), le Schéma territorial de cohérence territoriale (SCOT) ou en encore le Plan communal.

La principale autorisation individuelle de construire est le permis de construire. Sa délivrance est liée au respect de règles définies nationalement ou localement. La loi du 3 Juillet 1977 sur l'architecture et intégré au Code de l'Urbanisme expose les objectif de protection sur lequel est fondée le permis de construire. Parmi ces objectifs, figurent ainsi le patrimoine en tant qu'intérêt public.30

2) Protection au titre des monuments historiques

Les lois pionnières en matière de protection du patrimoine architectural sont les lois des 30 mars 1887 et 31 décembre 1913 qui concernent les monuments historiques. Une telle législation apparaît car on constate une menace pour les objets et monuments issus du passé.

Un monument historique est, en France, un monument ou un objet recevant par arrêté un statut juridique destiné à le protéger, du fait de son intérêt historique, artistique ou architectural. Deux niveaux de protection existent : un monument peut être classé ou inscrit, le classement étant le plus haut niveau de protection.

La loi du 30 mars 1887 pour la conservation des monuments historiques fixe pour la première fois les critères et la procédure de classement. Elle contient également des dispositions instituant le corps des architectes en chef des monuments historiques.

La loi du 31 décembre 1913 constitue quand à elle la base essentielle du droit régissant la protection des monuments historiques et n'a été que partiellement modifiée jusqu'à présent.

Enfin, la loi du 13 juillet 1911 introduit la notion de « perspective monumentale » : l'article 118 de la loi avait fait de la « conservation des perspectives monumentales » un motif permettant de justifier le refus du permis de bâtir.31

Ces lois anciennes n'ont été partiellement modifiées et constituent toujours en 2014 la base essentielle du droit régissant la protection du patrimoine architectural.32

30 Article L.431 du Code de l'urbanisme

31 Cette disposition, restée inchangée, se retrouve aujourd'hui à l'article R 111-21 du code de l'urbanisme.

32 MONNIER, Mireille : op. Cit. : p. 31

25

Le Code du patrimoine a été mis en place par l'Ordonnance du 20 Février 200433 et le la section 4 du Code de l'urbanisme est consacré notamment aux monuments historiques :

« Les immeubles dont la conservation présente au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt public sont classés comme monuments historiques en totalité ou en partie par les soins de l'autorité

administrative. »34

Enfin la loi du 25 février 1943 impose la protection des abords des monuments historiques classés ou inscrits :

« tout immeuble situé dans le champ de visibilité d'un tel édifice est soumis à une autorisation spéciale pour toutes les démolitions ou transformations de nature à affecter l'aspect. »

Dans la pratique, ce champ de visibilité se manifestait par un rayon de 500 mètres autour de l'édifice en question. Cette loi crée également le corps des architectes des bâtiments de France : ce sont eux qui sont chargés de délivrer les autorisations.

La loi du 15 Juin 1943 institue quant à elle le permis de construire, autorisation préalable qui doit être demandée à la mairie.

Le Code du patrimoine protège également les abords des monuments historiques D'après sa section 4, consacrée aux monuments historiques celui-ci distingue deux types d'immeubles potentiellement compris dans les abords des monuments historiques : les immeubles adossés et les immeubles dans le champ de visibilité.

Un immeuble adossé à un monument historique est un immeuble en contact avec un immeuble classé au titre des monuments historiques ou toute partie non protégée au titre des monuments historiques d'un immeuble partiellement classé.35

Un immeuble situé dans le champ de visibilité d'un monument historique est quant à lui un immeuble situé dans un périmètre de 500 mètres autour d'un monument classé ou inscrit et visible de cet immeuble ou visible en même temps que lui. 36 La loi du 22 Mars 2012 précise cependant qu'en fonction de la nature de l'immeuble classé ou inscrit et de son environnement, peut être créé un périmètre de protection adapté. La distance de 500 mètres peut ainsi être dépassée avec l'accord de la commune ou des

33 Ordonnance n° 2004-178 du 20 Février 2004 relative à la partie législative du Code du patrimoine

34 Article L.621-1 du Code du patrimoine

35 Article L.621-30 du Code du patrimoine

36 Loi du 22 Mars 2012

26

communes intéressées. Ce périmètre est créé par l'autorité administrative après enquête publique.

3) Les aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine

Les aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AMVAP) sont apparues avec la loi du 12 Juillet 2010 issue de l'Engagement national pour l'environnement (Grenelle II). Elles correspondent aux anciennes Zones de protection du patrimoine architectural et urbain (ZPPAU) auxquelles ont été ajoutées les problématiques du développement durable.37

Les ZPPAU ont été crées par la loi du 7 Janvier 1983 relative à la répartition des compétences entres les communes, les départements, les régions et l'État dans le but de simplifier et rationaliser le système de protection existant.

« La politique de l'urbanisme local est ainsi décentralisée au profit des communes et le rôle de l'État réaffirmé quant aux politique ayant valeur d'enjeux nationaux, tel le patrimoine. »38

Les AMVAP et (anciennes ZZPAU) correspondent a une zone de protection qui peut avoir des formes et des superficies différentes. Une procédure de conciliation est prévue en cas de conflit entre le maire et l'architecte des bâtiments de France avec l'intervention de l'autorité de l'État par la personnes d'un Préfet de région ou du Ministre de la culture et de la communication.

4) les secteurs sauvegardés

La législation sur les secteurs sauvegardés est issue de la Loi Malraux du 4 Août 1962. Cela permet la protection, non plus d'immeubles isolés comme dans les lois précédentes relatives à la protection du patrimoine architectural, mais d'ensemble immobiliers. Il s'agit principalement d'étendre la protection à des quartiers anciens dans une optique de revitalisation économique et sociale de centres urbains souvent laissés à

37 Article L.642-1 du Code du patrimoine

38 MONNIER, Mireille : op. Cit. p. 33 et 34 « Les AMVAP »

l'abandon. La loi Malraux permet donc, au delà de la conservation, la réaménagement d'îlots dégradés. Il s'agit de mettre en oeuvre de véritables opérations d'urbanisme.39

Les lois Solidarité et renouvellement urbain (SRU) du 13 décembre 2000 et Urbanisme et habitat du 2 Juillet 2003 n'ont que très peu modifié le régime des secteurs sauvegardés.

27

39 MONNIER, Mireille : op. Cit. : p. 35 « Les secteurs sauvegardés et la restauration immobilière »

28

Chapitre 2) Les règles de protection des paysages et des espaces naturels

§1) Fondements et définition

1) Fondements de la protection des paysages et des espaces naturels

On a vu dans un premier chapitre que le droit de l'urbanisme protégeait le patrimoine architectural. Le Code de l'urbanisme utilise cependant une acception abstraite du terme de patrimoine :

« Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. Chaque collectivité publique en est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences. »40

Cette expression fait donc de l'ensemble du territoire national un patrimoine. De la même manière, on parle aussi du « patrimoine mondial de l'humanité ».

Il s'agit de notions vagues, abstraites, qui, cependant laissent penser qu'il n'y a pas que le patrimoine architectural qui mérite d'être protégé.

A cela s'ajoute une volonté de protéger ce qu'on appelle la « nature » des atteintes humaines. Ces deux éléments justifient l'idée de protéger non pas seulement un patrimoine architectural mais aussi les paysages et les espaces « naturels ».

Il s'agit de la même manière de protéger quelque chose qui existe de constructions nouvelles qui risqueraient de menacer l'harmonie du lieu. On pourrait ainsi parler d'un patrimoine paysager ou d'un patrimoine naturel qu'il faudrait également protéger.

2) Définitions des termes

Il convient, avant de présenter les outils juridiques de protection des paysages et des espaces naturels de définir ces termes.

Un espace « naturel » tout d'abord, est un espace dont la forme n'a pas été façonnée par l'homme mais par la nature. Si l'on met des guillemets à naturel, c'est parce qu'il est difficile en France de trouver un espace qui n'ait vraiment pas été façonné par l'homme. En effet, on pourrait dire que délimiter et protéger un espace naturel, c'est déjà

40 Article L.110 du Code de l'urbanisme

29

le façonner. On se tiendra cependant au terme d'espace naturel pour faire la différence avec le terme de paysage.

En effet, un paysage au contraire peut avoir été façonné par l'homme. On parle aussi bien de paysage de montagne que de paysage urbain. Il y a par ailleurs dans le terme de paysages, deux niveaux. En effet, le paysage désigne d'une part de manière objective une étendue spatiale qui présente une certaine unité visuelle, mais désigne aussi de manière subjective la vue d'ensemble que l'on a d'un point donné.41

Enfin le site, désigne le paysage du point de vue de l'esthétique dans le Code du patrimoine. On parlera donc aussi bien de site que paysage dans le reste du développement mais cela renverra à la même idée.

§2) Les outils de la protection des sites et des espaces naturels

Il s'agit à présent de présenter les outils juridiques de protection des sites et des espaces naturels. Concernant la protection des sites, on verra que certains outils recoupent les outils que l'on a présenté dans le chapitre consacré à la protection du patrimoine architectural.

1) Les outils protection des sites

a) Une protection générale des sites par le droit de l'urbanisme.

On a montré dans le chapitre précédent que l'un des objectifs des documents d'urbanisme était la protection du patrimoine architectural. Et bien, ces documents ont également comme objectif la protection de l'esthétique des paysages comme on le voit dans cet article du Code de l'urbanisme que l'on a déjà cité partiellement :

« Les documents d'urbanisme visent notamment : 1° L'équilibre entre : b) l'utilisation économe des espaces naturels, la préservations des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels c) la sauvegarde des ensembles urbains et du

patrimoine bâti remarquables »42

41 Dictionnaire Larousse, 2012

42 Article L.121-1 du Code de l'urbanisme

30

De la même manière, la Loi sur l'architecture de 1977 évoque aussi cette question dans son Article 1er:

« L'architecture est une expression de la culture. La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains,

ainsi que le patrimoine sont d'intérêts publics. »43

On voit donc que le droit de l'urbanisme compte parmi ses objectifs la protection

de l'esthétique des paysages, autrement dit des sites. L'idée d'une « insertion
harmonieuse dans le milieu environnant »
suppose donc une limite posée à l'innovation architecturale. Il faut que la construction nouvelle s'intègre dans ce qui existe déjà, ce qui semble interdire toute extravagance. On est donc bien là dans la même conception patrimoniale et dans une certaine mesure passéiste que celle décrite précédemment par rapport au patrimoine architectural.

b) Les sites classés et inscrits :

Concernant la protection des sites, il existe deux outils principaux que sont le classement et l'inscription. L'inscription implique pour toute construction l'avis de l'architecte des Bâtiments de France, quand au classement, qui est la protection la plus forte, elle implique une protection au sens de la préservation en l'état et implique une protection de niveau national.

Comme on l'a dit plus haut, les lois des 21 avril 1906 et 2 mai 1930 viennent encadrer respectivement les critères et la procédure de classement des sites. Le site correspond au paysage du point de vue de l'esthétisme mais pas seulement :

« Il est établi dans chaque département une liste des monuments naturels ou sites dont préservation ou la conservation présente, du point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire, ou pittoresque un

intérêt général. »44

Il existe dans chaque département une liste des sites classés 45 ainsi qu'une commission départementale des sites depuis la loi de 1906. D'autre part il existe une

43 Article L.431-2 du Code de l'urbanisme

44 Article L.630-1 du Code du patrimoine

45 Article L.341-1 du Code du patrimoine

31

commission supérieure des sites qui siège au niveau national reliée au Ministre chargé de l'environnement depuis la loi de 1930.46

Enfin, le classement au titre des sites ou des « monuments naturels » a pour conséquence que :

«Les monuments naturels ou les sites classés ne peuvent ni être détruits ni être modifiés dans leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale.» 47

Depuis 1906 que la législation sur les sites existe, des espaces de plus en plus vastes ont été protégés. Dans un premier temps, la législation s'est attachée à des éléments remarquables mais ponctuels comme des rochers, des cascades, des fontaines, ou encore des arbres isolés. Elle s'est ensuite élargie à des « écrins » ou des points de vues , à des châteaux et leurs parcs, puis à des espaces beaucoup plus vastes constituant des ensembles géologiques, géographiques ou paysagers tels que des les massifs, forêts, gorges, vallées, marais, caps, îles. On peut citer en exemples le massif du Mont blanc, la forêt de Fontainebleau, les gorges du Tarn, le marais poitevin, les caps Blanc Nez et Gris Nez ou encore l'île de Ré . Au 1er janvier 2014, 107 ans après la première loi, le territoire national compte près de 2700 sites classés pour une superficie de 1 030 000 hectares et plus de 4 000 sites inscrits pour une superficie d'environ 1 500 000 hectares. Au total ces protections couvrent environ 4 % du territoire.48

Cette protection des sites, qui interdit toute altération du paysage est donc un obstacle à toute construction, c'est donc un réel obstacle à l'innovation architectural. Il s'agit d'une patrimonialisation de certains paysages.

c) La loi du 8 Janvier 1993 : une protection renforcée des sites

Alors que la législation sur les sites inscrits ou classés prenait en compte des paysages particuliers pour leur caractère «historique, scientifique, légendaire, ou pittoresque »49, la loi du 8 Janvier 1993 prend en compte le paysage quotidien et banal. Cette loi fait en effet l'obligation de présenter le volet paysager du permis de construire.

Selon le Code de l'urbanisme en effet, le projet architectural doit être présenté par

46 Article L.341-17 du Code du patrimoine

47 Article L.341-10 du Code du patrimoine

48 Site internet du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie : « politique des sites ».

49 Article L.630-1 du Code du patrimoine

32

des documents graphiques ou des photographies montrant l'insertion dans l'environnement et l'impact visuel des bâtiments.50 En découle don l'obligation que la construction se fonde dans le paysage. L'innovation esthétique est donc fortement limitée par cette loi.

d) Les Aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine

Contrairement à leur nom, les Aires de mises en valeur de l'architecture et du patrimoine (AMVAP) ne se limitent pas à la protection du patrimoine architectural. En effet, la loi du 8 Janvier 1993 étend ces zones aux paysages. Cette loi traite en effet des « zones de protection du patrimoine architectural urbain ou paysager. »51

Cette dénomination est reprise dans la loi du 12 Juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (Grenelle II), qui fait entrer les problématiques du développement durable dans les objectifs des AMVAP.

e) Le « patrimoine mondial de l'humanité »

Le classement en tant que « patrimoine mondial de l'humanité » est international. C'est un classement effectué par l'UNESCO depuis la Convention concernant le patrimoine culturel et naturel de 1972. L'inscription d'un bien sur la liste du patrimoine mondial n'entraîne pas d'effets directs, ni en terme de contraintes juridiques autres que celles prévues par la législation nationale.52

f) Les espaces boisés classés

La législation concernant la protection des espaces boisés tire son fondement du Code de l'urbanisme et du Code forestier.

50 Article L.421-2 du Code de l'urbanisme

51 MONNIER, Mireille : op. Cit. : p. 33 et 34 « Les AMVAP »

52 Site internet du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie « le label patrimoine mondial ».

33

D'après le Code forestier, un statut particulier de protection existe pour les forêts domaniales et les forêts gérées par l'office national des forêts qui limite les coupes et les défrichements.53

Quant au Code de l'urbanisme, celui-ci peut protéger des espaces boisés de l'étalement urbain en les classant :

« Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements. »54

Les espaces forestiers peuvent donc être considérés à ce titre comme un forme de patrimoine paysager qu'il faut également conserver des atteintes de toute construction nouvelle.

2) La protection des espaces naturels

Dans le développement qui suit, il s'agit de présenter un certain nombre d'outil de protection des espaces naturels. Ces outils limitent voire interdisent les activités humaines dans les espaces protégés et notamment la construction de bâtiments. Ces espaces sont donc ceux où l'innovation architecturale est la plus proscrite.

a) Les espaces naturels sensibles

Les espaces naturels sensibles relèvent de la compétence du département depuis la loi du 30 Juillet 1985. Avant cette date, il s'agissait d'une protection déconcentrée sous l'autorité des préfets. Selon le Code de l'urbanisme, il s'agit de :

« préserver la qualité des sites, des paysages, de milieux naturels (...) le département est compétent pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces

naturels sensibles, boisés ou non » .55

53 Article L.133-1 du Code forestier

54 Article L.130-1 du Code de l'urbanisme

55 Article L.142-1 du Code de l'urbanisme

b) 34

Les lois montagne et littoral

Des dispositions particulières sont prévues pour la protection des espaces sensibles des littoraux et des montagnes dans la loi montagne du 9 Janvier 1985 et la loi littoral du 3 Janvier 1986. Ces deux lois ont pour but de limiter l'urbanisation dans ces zones et leurs contraintes viennent s'ajouter à celles des documents d'urbanisme : PLU, PADD, SCOT et Règlements nationaux d'urbanisme. Il s'agit de limiter l'urbanisation, cela est donc un obstacle à l'innovation architecturale.

c) Les zones Natura 2000

Les zones Natura 2000 sont prévues par le Code de l'environnement56. Il s'agit d'un réseau de sites naturels européens identifiés par les États et proposés à la Commission de l'Union Européenne qui les enregistre en tant que sites d'intérêts communautaires. Il s'agit de sites terrestres ou marins à protéger : habitats naturels menacés de disparition ou réduits à de faible dimension ou habitant des espèces animales et végétales elles-mêmes vulnérables ou menacés de disparition.

d) Les parcs nationaux et les parcs régionaux

Dans les deux cas il s'agit de territoires remarquables dont il est souhaitable de protéger la qualité paysagère et le patrimoine naturel, historique ou culturel. Les deux types de parcs diffèrent cependant quant à leur objectif et quant à leur régime de protection.

Les parcs nationaux ont été officiellement créés par la loi du 22 juillet 1960 sont des espaces qui ont vocation à être protégés de l'activité humaine et sont crées par décret. La France en compte actuellement dix : Parc nationaux des Cévennes, des Calanques, des Écrins, de Mercantour, de Guyane, de Réunion, de Guadeloupe, de Port-Cros, de Mercantour et de Vanoise. Ce sont des outils de protection des espaces naturels mais aussi de développement puisqu'ils ont un fort potentiel touristique. Ils dépendent d'une

56 Article L.414-1 du Code de l'environnement

Charte nationale et imposent des règles particulières de protection de la faune et de la Flore. Ce sont des sortes de réserves naturelles.

La dénomination de Parc naturel régional (PNR), quant à elle, a été créée par un décret du 1er mars 1967. Les PNR sont créés par des communes contiguës et la plupart sont administrés par un établissement public dédié. Cependant, la création d'un parc demande une labellisation de l'État. Un PNR n'est pas lié à des règles particulières de protection de la faune et de la flore. Il ne s'agit par ailleurs pas d'une réserve naturelle, mais d'un espace où l'on recherche à concilier protection des espaces naturels et développement des activités humaines, voire une solution de maintien d'activités traditionnelles en déclin57

35

57 Site internet du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

36

Chapitre 3) Le contrôle de l'esthétique par le juge administratif

§1) Les moyens de contrôle du juge administratif

1)Présentation et fondement

Nous avons montré dans les deux chapitres précédents que le droit de l'urbanisme est très contraignant pour les architectes puisque la délivrance du permis de construire dépend du respect de critères esthétiques. Ces critères esthétiques rejoignent la notion de patrimoine : patrimoine architectural mais on pourrait également parler d'un patrimoine paysager et naturel puisque dans chacun des cas, il s'agit de protéger quelque chose qui existe déjà et qu'on refuse de voir disparaître. Le permis de construire est donc une manière de contrôler préalablement l'esthétique des construction. C'est le mode le plus simple de contrôle de l'administration sur l'esthétique des constructions.

Cependant, le juge administratif intervient lorsqu'il est saisi par un administré qui estime qu'un permis de construire a été refusé ou accordé à tord. Le permis de construire est en effet un acte administratif unilatéral et tant que tel, il est toujours contestable devant un juge administratif. On est alors dans la dimension contentieuse du droit de l'urbanisme. Le juge administratif est en effet considéré en droit français comme le garant des libertés individuelles face aux éventuels excès de l'administration. Le juge administratif va alors effectuer un contrôle de l'esthétique.

Il est à noter qu'on ne s'intéressera ici qu'au contrôle esthétique, c'est à dire un cas particulier de contentieux de l'urbanisme lié à l'irrégularité d'actes émanant de l'autorité administrative. Le juge administratif dispose en effet de nombreux autres objets de de

contrôle : contentieux fiscal et contentieux des ordonnances d'expropriation
notamment.58

58 GUILLOT, DARNANVILLE : Droit de l'urbanisme, 3e édition . Edition Ellypse, 2012 Cinquième partie : Le contentieux de l'urbanisme » p. 157 à 184

37

2) Deux niveaux de contrôle

Le juge administratif exerce deux niveaux de contrôle sur les permis de construire selon qu'il s'agit d'une acceptation ou d'un refus : un contrôle minimum en cas de permis de construire accepté et un contrôle normal en cas de permis de construire refusé.

Le contrôle minimum : Dans le cas où le permis de construire est accordé, le juge refuse de se substituer à l'autorité administrative : il effectue donc un contrôle minimum et pourra invoquer une erreur manifeste d'appréciation.59 L'expression « erreur manifeste » signifie que l'erreur de l'administration doit être importante : une erreur de légalité n'est pas suffisante pour que le permis de construire soit annulé. Dans l'arrêt de principe, il s'agissait de la réalisation d'un ensemble de 300 logements sur les rives du lac artificiel de Sainte-Croix. L'administration compétente avait accordé le permis de construire, mais suite à une contestation, le juge administratif a considéré que l'acte devait être annulé car, en dépit de la dimension modérée de chacune des constructions et du style provençal retenu, la construction altérait le paysage.

Le contrôle normal : dans le cas d'un permis de construire refusé, le juge va procéder à un contrôle normal. le juge administratif va contrôler la légalité de la décision et s'il y a atteinte aux lieux avoisinants.60 Le juge n'effectue donc pas un simple contrôle de légalité puisqu'il interprète la règle. Effet dans l'arrêt de principe il s'agissait d'un permis de construire refusé car la construction aurait été comprise dans une perspective monumentale sur une place. Le juge administratif se reconnaît le droit de contrôler d'une part la reconnaissance de perceptive monumentale et d'autre part l'atteinte portée à cette perspective par la construction. En l'espèce, le juge a statué que « la place ne saurait être regardée dans son ensemble comme une perspective monumentale », il n'était donc pas nécessaire d'examiner si le projet de construction y portait atteinte.

On voit ici le rôle de garant des libertés individuelles du juge administratif. En effet, le contrôle du juge administratif en matière esthétique est plutôt favorable au bénéficiaire du permis de construire. En effet, le contrôle le plus approfondi (c'est à dire le contrôle normal) se fait en cas de refus de permis de construire et d'autre part, le juge se réserve un réel pouvoir d'appréciation.

59Arrêt du Conseil d'État 9 mai 1971 SCI résidence de Castellon 60 Arrêt du Conseil d'État du 4 Avril 1914 Gomel

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§2) L'examen des faits et la décision du juge

Le juge contrôle si la configuration des constructions projetées, leur importance, et leur qualité architecturale sont conformes aux règles prescrites au niveau national et local du droit de l'urbanisme, dont on a présenté les éléments principaux dans chapitres 1 et 2.

Cependant ne seront sanctionnés que « les excès, les déséquilibres, ce qui contrarie la règle par un écart manifeste avec les seuils de tolérances admis, ce qui rompt l'harmonie. »61

Dans l'arrêt Commune de la Tremblade et de la Forêt par exemple62, le Plan d'occupation des sols (POS, ancien PLU) indiquait notamment que les constructions devaient présenter une simplicité de volume et que les toitures devaient être en harmonie avec le style régional. Le juge administratif a ici jugé que les constructions n'étaient pas en harmonie avec l'ensemble selon les critères du POS.

Le juge prend donc sa décision après un examen des faits par rapport aux règles nationales et locales d'urbanisme. Il tient également compte de deux autres éléments importants : tout d'abord, l'avis de l'architecte des bâtiments de France ou de la commission d'urbanisme, c'est à dire la personne compétente en matières esthétique et ensuite, l'intention des pouvoir publics, c'est à dire les circonstances particulières à chaque dossier.

Le juge administratif, bien que chargé d'un contrôle de l'esthétique évite cependant le débat esthétique. Son contrôle esthétique se limite à appliquer les règles d'urbanisme liées à l'esthétique, il ne s'agit pas de dire que telle construction est belle ou non. Une affaire est caractéristique en ce sens : en 1986 le Préfet de Paris avait refusé le permis de construire nécessaire aux travaux de réalisation d'une oeuvre de Daniel Buren dans la Cour du Palais Royal de Paris au motif que cela représentait une atteinte à un monument historique dans la mesure où l'oeuvre en question était une oeuvre moderne qui rompait l'harmonie avec le Palais Royal, d'une architecture classique du XVIIe siècle.63 Le juge administratif, saisi de cette affaire, a annulé le refus de permis de construire, considérant

61 OGIER, Magali : op. Cit. : p.35

62 Arrêt du Conseil d'État, 22 Mai 1992 Commune de la Tremblade et de la forêt

63 Annexe 5, figure n°1

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que « L'atteinte aux préférences artistiques de certains n'est pas à nos yeux un moyen de droit. »

On voit donc bien que si le juge administratif a un rôle de contrôle en matière esthétique, ce contrôle ne consiste aucunement en une prescription de ce qui est beau ou non.

Le droit de l'urbanisme est donc un droit contraignant dont l'un des objectifs est de contrôler l'esthétique. Ce contrôle esthétique passe tout d'abord par le refus du permis de construire justifié par les règles d'urbanisme nationales et locales. En cette matière, on a identifié deux catégories de règles : celles qui tiennent à la protection du patrimoine architectural et celles qui tiennent à ce qu'on pourrait appeler un patrimoine paysager ou naturel. Dans ce dernier chapitre on a présenté le rôle du juge administratif en matière esthétique : celui-ci à pour vocation le contrôle du bien fondé de l'administration quant aux délivrances ou refus de permis de construire. Le contrôle de l'esthétique par le droit de l'urbanisme relève donc d'une logique de conservation de ce qui existe au détriment des constructions actuelles, c'est pourquoi on peut dire que le droit de l'urbanisme est un obstacle à l'innovation architecturale.

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Titre 2) Les architectes et la contrainte réglementaire en matière esthétique : une relation ambivalente

« Parler de contrainte en architecture, c'est faire un pléonasme tant l'architecte - comme l'urbaniste ou le paysagiste - n'exerce son travail que sous la pression d'innombrables contraintes : contraintes économiques, contraintes constructives, contraintes programmatiques, contraintes sitologiques... mais aussi exigences du client, représentations sociales, habitudes culturelles... Est-ce pour cette raison que le sujet, en tant que tel, ne semble être traité ni dans les écoles, ni dans les revues, ni répertorié dans les bases de données ? La contrainte serait trop générale ou implicite pour faire l'objet de recherche ou d'analyse critique, trop universelle pour être identifiée autrement que comme condition de l'architecture, trop mal vécue enfin par les concepteurs eux-mêmes pour faire l'objet de commentaires autres que ceux

de l'excuse ou de la lamentation : " Le projet est mauvais, il y avait trop de contraintes ". »64

Nicolas Tixier, Pascal Amphoux : « L'architecture sous contrainte »

Dans la partie précédente, on a donc montré que le droit de l'urbanisme était très contraignant et qu'il pouvait être considéré comme un obstacle à l'innovation architecturale. Dans cette partie, il s'agira d'apporter une nuance à cette l'idée d'un droit de l'urbanisme totalement opposé à l'innovation esthétique et ennemi des architectes. Il s'agit en effet de présenter la relation qu'entretiennent les architectes avec le droit de l'urbanisme. Il sera donc fait une grande place à des témoignages d'architectes. Une partie des témoignages est issue d'une bibliographie existante, cependant il sera également fait mention de témoignages récoltés pour les besoins ce travail auprès d'architectes en fonction, en retraite et jeunes diplômés. Dans un premier chapitre, on présentera les différentes critiques que peuvent adresser les architectes aux règles d'ordre esthétique du droit de l'urbanisme. Dans un deuxième chapitre, on montrera en quoi il s'agit néanmoins d'un cadre de travail nécessaire pour les architectes. Enfin, dans un troisième chapitre, on montrera que ce droit contraignant peut aussi devenir un moteur pour l'innovation esthétique.

64 AMHOUX Pascal, TIXIER Nicolas : « L'architecture sous contraintes », in Colloque international : L'écriture à contrainte, Université Grenoble III - Stendhal, CEDITEL, Grenoble, 25 au 27 mai 2000

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Chapitre 1) Le droit de l'urbanisme : une contrainte excessive pour les architectes.

§1) Les excès de la protection du patrimoine architectural

1) Un certain rejet de la modernité esthétique

Comme on l'a vu dans titre précédent, le droit de l'urbanisme français est très protecteur à l'égard du patrimoine architectural. Et bien que la notion de patrimoine ait connu une évolution, elle n'en reste pas moins une notion ancrée dans la protection des bâtiments qui nous viennent du passé, des menaces que représentent potentiellement les construction nouvelles.

Le droit de l'urbanisme a donc un rôle de garde-fou par rapport aux excès potentiels d'une architecture moderne. Cela est nécessaire pour éviter la destruction des quartiers anciens et des bâtiments anciens et il est bon de garder un témoignage du passé, surtout quand cette architecture ancienne comporte un intérêt esthétique particulier. Et d'autre part, il ne faut pas tomber dans l'excès qui consisterait à penser que tout ce qui est moderne est forcément d'une plus grande valeur. Cependant il est problématique de tomber dans l'excès inverse qui consiste à rejeter en bloc toute architecture moderne. En effet l'innovation architecturale a été au cours de l'histoire le vecteur d'une amélioration du cadre de vie des hommes.

2) Les risque des « villes-musée »

Par ailleurs le risque inhérent à une protection trop stricte du patrimoine architectural est de créer des villes-musées où la vie sociale se limiterait au tourisme et où la vie de quartier n'existerait plus. On peut citer en exemple la vieille-ville de Carcassonne ou encore celle de Sarlat.65 Dans les deux cas, la vieille-ville a été délaissée par les habitants qui se sont installés dans des logements en périphérie au profit de l'activité touristique. Si comme on l'a dit plus haut la mise en valeur du patrimoine peut devenir un atout pour le tourisme et participer au développement des territoires, il n'est

65 OGIER, Magali : op. Cit.: p.12

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cependant pas souhaitable que le tourisme prenne le pas sur la vie sociale. Selon l'architecte italien Andrew Todd, cependant, cette tendance ne serait pas seulement française mais européenne :

« Le contexte urbain en Europe est en train de devenir un simple prétexte, un piège à touristes, auxquels on propose une ville factice, irréelle. »66

Cependant, n'est pas souhaitable non plus que l'architecture moderne ne s'intègre pas à la ville. Andrew Todd dénonce le travail de ceux qu'il appelle les « archi-stars », ou « architectes d'aéroports », ces architectes qui pratiqueraient une architecture moderne et qui se soucieraient peu de la façon dont le projet qu'ils ont réalisés sera vécu et adopté ou non par la population. Andrew Todd, dénonce dans le même ordre d'idée l'attitude des maires des grandes villes qui veulent surtout attirer les touristes grâce à des bâtiments conçus par des architectes de renom international davantage qu'améliorer le cadre de vie des habitants. 67

Un droit de l'urbanisme qui protège le patrimoine architectural a donc des vertus importantes. Cependant, cette protection devient excessive dès lors qu'elle empêche la modernité d'avoir droit de cité dans les villes. Ce qui semble souhaitable serait une cohabitation de toutes les époques architecturales.

§2) Les excès de la protection des sites et des espaces naturels

1) La sacralisation des paysages et des espaces naturels

On a, dans le titre précédent, présenté les principaux outils qui ont pour but de protéger des paysages et les espaces naturels, auxquels on reconnaît une valeur particulière. On fait ainsi de certains paysages et de certains espaces naturels un patrimoine. Et ainsi, on limite fortement voire on prohibe toute construction nouvelle.

Cela semble légitime quand on parle d'espaces qui ont réellement un attrait particulier, ce qui est le cas des espaces naturels protégés ou de certains paysages.

66 « L'architecture, un acte politique » :Interview de Andrew Todd pour cafébabel.com, Le magazine européen, 2008

67 « L'architecture, un acte politique » Interview de Andrew Todd : op. Cit.

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La sacralisation du paysage en tant que tel est cependant plus contestable. Je parle ici du paysage commun, sans attrait particulier, que le droit de l'urbanisme protège pourtant. La loi la plus contestable est donc la loi du 8 Janvier 199368 qui oblige le constructeur à fournir un aperçu visuel du bâtiment en vue de l'obtention du permis de construire, la condition de l'obtention étant que le bâtiment se fonde dans le paysage.

Cette loi est un frein majeur à la création architecturale car l'architecture se doit alors d'être discrète. Cette loi fige le site dans l'état où il se trouve.

La question se pose du bien fondé de cette obligation dès lors qu'on se place dans un paysage sans intérêt particulier. En effet, le bâtiment ne peut-il pas donner un intérêt à un paysage qui n'en a pas ?

2) Différentes façon d'introduire une construction dans le paysage

Il n'y a en effet pas qu'une seule façon d'introduire une construction dans un paysage69 et il semble ici nécessaire d'en apporter la preuve par l'exemple en présentant trois façons différentes.

La première façon d'intégrer un édifice dans un paysage est l'intégration : l'architecture s'efface devant le paysage ou se fond dans celui-ci. On peut penser par exemple à la gare TGV d'Aix-en-Provence conçue par Jean-Marie Duthilleul. En effet, la forme du bâtiment rappelle celle de la montagne Sainte-Victoire, que l'on aperçoit lorsqu'on est sur le quai. De plus, la hauteur du bâtiment n'excède volontairement pas une certaine hauteur pour ne pas rompre avec le paysage de montagne.70 Il en va de même pour le Palais Omnisports de Bercy71 : la volonté des architectes Michel Andrault et pierre Parat fut de fondre l'édifice dans le site : il s'agit d'un site urbain qui forme un plan horizontal avec la Seine. L'idée fut donc de faire des « blocs obliques qui diminuent l'aspect visuel d'un bloc important »72 . Cela se traduit par un bâtiment d'une hauteur limitée et avec du gazon qui recouvre les blocs obliques. Ainsi, le bâtiment n'occulte pas l'horizon et s'intègre dans le paysage de Paris.

68 Article L.421-2 du Code de l'urbanisme

69 OGIER, Magali : op. Cit. : p.22 à 25

70 Annexe 5, figure n°2

71 Annexe 5, figure n°3

72 Faits d'architecture (2) / 7 émissions TV conçues par Catherine Terzieff ; divers réalisateurs Ministère de la culture : images de la culture, architecture et design, 2000 : émission consacrée au Palais Omnisports de Bercy

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Une autre façon d'intégrer un édifice dans un paysage est l'encadrement : dans ce cas là, l'architecture, découpée, met en scène le paysage. On peut citer comme exemple le centre d'entraînement d'aviron sur les rives du Douro au Portugal.73 Le bâtiment semble en effet séparé en trois ensembles et met ainsi en scène un paysage de vallée qui n'avait pas un grand intérêt esthétique.

Enfin, la provocation correspond à une situation où c'est le paysage qui s'efface devant l'édifice. On peut prendre comme exemple celui de la salle de rock « Stadium » de Vitrolles conçue par l'architecte Rudy Ricciotti74 en 1990. Le bâtiment a été construit sur l'emplacement d'une ancienne friche industrielle, un paysage qui n'avait donc aucun intérêt esthétique. Dans ce cas là, c'est l'édifice qui va donner au paysage son esthétisme.

Dans la technique de l'encadrement et de la provocation, c'est donc la construction, du fait de l'innovation architecturale, qui donne son intérêt esthétique au paysage dans lequel il est intégré. Il ne s'agit aucunement de dire que l'architecture devrait toujours s'imposer par rapport au paysage mais de critiquer une certaine sacralisation du paysage, même banal.

§3) Une critique générale des règles d'urbanisme

A ces critiques propres aux règles d'urbanisme en matière esthétique, s'ajoutent des critiques générales relatives au règles d'urbanisme.

1) Les règles d'urbanisme brideraient la créativité des architectes

La première des critiques adressées par les architectes aux règles d'urbanisme en général et aux règles d'esthétique en particulier est celle que la règle briderait la créativité. C'est par exemple l'idée qui transparaît dans l'essai L'architecture est un sport de combat de l'architecte Rudy Ricciotti. Celui-ci dénonce en effet une certaine uniformisation des formes architecturales et une perte d'identité des villes dont l'une des causes principales seraient les règles du droit de l'urbanisme.75 Dans une interview parue

73 Annexe 5, figure n°4

74 Annexe 5, figure n°5

75 RICCIOTTI, Rudy, L'architecture est un sport de combat, entretien avec David D'Equainville. Éditions Textuel, 2013

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en 1994, Rudy Ricciotti dénonçait dans la même logique la perte de caractère de la ville de Marseille à cause notamment de l'accumulation des règles esthétiques du droit de l'urbanisme :

« Le journaliste : « Tout est permis ?

Rudy Ricciotti : Dans le registre des codes, de l'écriture, de la matière, de la couleur, et à condition qu'il

y ait du sens, oui !

Une telle position pose la question de éclectisme des bâtiments.

Je vous retourne l'argument. La question n'est-elle-pas : souffrons-nous davantage d'une prolifération

éclectique d'images ou, au contraire, d'une perte, chaque jour plus confirmée, d'identité. ? »76

On peut supposer que cette idée répandue parmi les architectes est due notamment à leur formation. En effet, les Écoles d'architecture sont considérées comme des écoles d'art et la place réservée aux enseignements juridiques est extrêmement réduite. L'accent est mis sur la créativité. A l'École d'architecture de Versailles par exemple, qui permet d'obtenir le Diplôme national d'architecte après cinq ans d'études, l'enseignement du droit n'existe qu'à partir du master et il n'est pas obligatoire puisque les cours de droit ne correspondent qu'à une partie d'une liste de cours dans laquelle les étudiants doivent en choisir deux.77 Par ailleurs, dans les travaux pratiques qui consistent à concevoir des projets architecturaux, les étudiants n'ont pas pour consigne de se conformer aux règles d'urbanisme :

« Pendant les études, on ne nous demande généralement pas de nous conformer aux règles d'urbanisme.»78

On peut supposer qu'un tel enseignement ne dispose pas favorablement les architectes à l'égard des règles d'urbanisme.

2) L'empilement des normes complique excessivement l'exercice du métier d'architecte.

Mais plus que la limitation de la créativité, ce que les architectes dénoncent de façon quasi-unanime est l'empilement des normes. En effet, le Code de l'urbanisme est depuis sa création en 1954 en perpétuelle évolution et de nouvelles normes se rajoutent chaque année. Et comme on l'a vu, le Code de l'urbanisme n'est pas le seul code auquel

76 Interview de Rudy Ricciotti « CRICR /La République », PACA n°13, 1994, p. 30 à 37

77 Site internet de l'École d'urbanisme de Versailles, page « master »

78 Entretien avec Héloïse de Broissia, architecte : annexe 3

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doit se soumettre l'architecte, à cela s'ajoutent les règles issues des documents d'urbanisme et de nombreux autres codes : Code du patrimoine, le Code forestier mais aussi le code du travail, le Code pénal, Code de la construction pour ne citer qu'eux. Cela complique de manière parfois excessive le métier d'architecte et la réalisation de projets architecturaux. C'est ce que dénonce par exemple Rudy Ricciotti dans une interview datant de 2013 :

«Tout semble interdire aux architectes de rêver de beaux projets, de rêver de liberté et d'initiative. Par voie de conséquence, le métier paraît difficile à exercer. Être architecte paraît impossible aux architectes. L'énergie à déployer pour faire face à l'adversité est colossale. Adversité économique et

juridique, réglementaire et administrative. »79

Plus encore, les règles d'urbanisme en général sont perçues comme évoluant trop vite et trop souvent et il peut arriver que ces normes deviennent même parfois contradictoire les unes avec les autres. Noëlle Vix-Charpentier80, architecte-urbaniste à Metz, dénonce des contradictions entre normes relatives à l'esthétique des villes et normes environnementales. Elle prend l'exemple de La RT 2012 (réglementation thermique).Cette dernière impose en effet que la surface des façades sud des nouveaux bâtiments soient constituée pour un cinquième de fenêtres afin que les bâtiments bénéficient des apports passifs du soleil en terme d'éclairage et de chaleur. Cependant, toute une partie de la ville de Metz fait partie du champ de visibilité de la Cathédrale St Étienne et est, à ce titre, dans le périmètre dont aménagement dépend de l'autorisation de l'architecte des bâtiments de France.81 Or, l'architecte de bâtiments de France n'autorise que deux velux par toiture. Cela aboutie à des conflits permanents nécessitant l'intervention du préfet et alourdissant des procédures administratives déjà très lourdes.

Ainsi d'après M. Périnel, architecte retraité la conséquences de cette accumulation de normes est « est un manque de cohésion dans le temps » :

« Il est vrai qu'il est difficile de prendre au sérieux un texte législatif qui change cinq fois le temps de réaliser l'ouvrage... »82

79 « Architecte, je lutte contre la pornographie réglementaire », interview de Rudy Ricciotti, Contrepoints.org, 2013

80 Entretien avec Noëlle Vix-Charpentier, architecte-urbaniste : Annexe 1

81 Selon la loi du 7 Janvier 1983 qui crées les de ZPPAU, zone de protection du patrimoine architectural et urbain

82 Entretien avec Christian Périnel, architecte : Annexe 2

47

On a donc présenté les principales critiques que l'on peut adresser au droit de l'urbanisme en montrant qu'il représente un obstacle à l'innovation esthétique en architecture. On peut dire que le droit de l'urbanisme accorde une importance démesurée à la protection de ce qui existe : patrimoine architectural, paysages et espaces naturels, limitant de manière peut-être excessive l'expression de nouvelles formes esthétiques. Par ailleurs, et ces critiques peuvent concerner d'autres domaines que l'esthétique, on peut dénoncer des normes qui brideraient la créativité des architectes et dont l'empilement compliquerait considérablement la conception des projets architecturaux.

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Chapitre 2) Le droit de l'urbanisme : une contrainte nécessaire, un outil de travail, voire un moteur de l'innovation architecturale

§1) La nécessité des règles d'urbanisme

1) Pour un développement harmonieux des villes

En nombre excessif, en perpétuelle évolution, dans un rapport de rejet par rapport à l'innovation architecturale, les règles d'urbanisme et en particulier en celles touchant à l'esthétique sont copieusement critiquées.

Cependant, on doit tout de même reconnaître la nécessité de ces règles et pour cela il semble utile de définir à nouveau les notions d'urbanisme et de droit de l'urbanisme.

Urbanisme : « Ensemble des mesures techniques, administratives économiques et sociales qui doivent

permettre un développement harmonieux, rationnel et humain des agglomérations »83

Droit de l'urbanisme : « Idéalement le droit de l'urbanisme est un droit de l'harmonie et de la conciliation entre ces diverses exigences : sociale : droit au logement, diversité de l'habitat, qualité de vie, esthétisme , économique, protection de l'environnement, de l'esthétisme , de la qualité de vie imposant des limites à l'aménagement »84

Le droit de l'urbanisme joue donc un rôle important dans le devenir des villes. Par sa rigueur, il permet de veiller au développement ordonné des villes dans une certaine harmonie. Comme le déclare un jeune architecte, diplômé de l'École d'architecture de Versailles, dans les pays dans lesquels il n'existe pas de droit de l'urbanisme, cela pose un certain nombre de problèmes :

« pour conserver une harmonie urbaine, il est important d'avoir des règles qui cadrent l'acte de construire. Lorsque ce n'est pas le cas comme à Dubaï, on se retrouve avec un tissu urbain assez disparate et mal équilibré. »85

Ce n'est d'ailleurs pas une coïncidence si le droit de l'urbanisme se développe en France à la fin du XIXe siècle, ce qui correspond à une phase d'urbanisation très importante lors de laquelle la population des villes française a considérablement

83 Dictionnaire Larousse, 2012

84 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : op. Cit. : p.1

85 Entretien : Annexe 3

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augmenté sous les effets de ce qu'on appelle « l'exode rural ». C'est une époque où les bidonvilles par exemple prennent des proportions considérables. Il s'agit justement, par la création d'un droit contraignant, d'éviter que les villes françaises se développent de manière trop désordonnée.

2) La nécessité de protéger les sites et le patrimoine architectural

Le droit de l'urbanisme tire donc son origine d'une volonté de contrôler le développement des villes. D'autre part, le droit de l'urbanisme peut être critiqué comme un droit qui aboutit à une sacralisation des sites et du patrimoine architectural au détriment de l'innovation architecturale. Cependant, pour excessive que cette protection puisse parfois sembler, on ne peut pas nier son caractère nécessaire.

Concernant le patrimoine architectural pour commencer, il faut rappeler que les premières lois relatives à sa protection furent votées dans un contexte de destruction du patrimoine architectural et de dispersion des oeuvres d'art. On peut songer à cette tribune de Victor Hugo paru dans La revue deux mondes en 1932 dans lequel l'écrivain s'émeut de la destruction qui est à oeuvre à son époque et prie les décideurs politiques de faire quelque chose, une loi, propose-t-il, pour arrêter cela :

« Il faut arrêter le marteau qui mutile la face du pays. Une loi suffirait. Qu'on la fasse. Quels que soient les droits de la propriété, la destruction d'un édifice historique et monumental ne doit pas être permise à d'ignobles spéculateurs que leur intérêt imbécile aveugle sur leur honneur ; misérables hommes, et si imbéciles qu'ils ne comprennent pas qu'ils sont des barbares ! Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde, à vous, à moi, à

nous tous. Donc, le détruire, c'est dépasser son droit. » Victor Hugo86

Concernant, les sites à présent, leur protection arrive plus tardivement et consiste à faire de certains paysages particuliers un patrimoine à protéger. Pour les paysages naturels, il s'agit principalement de lutter contre l'étalement urbain qui pourrait gâcher la beauté des lieux. Et pour les paysages urbains, il s'agit d'éviter que les nouvelles constructions viennent rompre de manière brutale avec les autres constructions. Par exemple, les documents locaux d'urbanisme comme le PLU peuvent obliger les constructeurs à utiliser une certaine sorte de tuiles, à ne pas dépasser une certaine hauteur

86 « Guerre aux démolisseurs", Revue des deux mondes, 1er mars 1832

50

ou encore à ne pas utiliser de couleurs extravagantes pour les façades. Le but est de préserver l'homogénéité des sites.

Il convient ici de rappeler la définition d'un site classé telles qu'elle figure dans le Code du patrimoine :

« monuments naturels ou sites dont la préservation ou la conservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire, ou pittoresque un intérêt général. »87

La protection consiste donc à préserver le caractère particulier des sites, leur singularité. Il peut donc sembler contradictoire qu'un architecte comme Rudy Ricciotti par exemple, apparemment attaché à la singularité des villes françaises, rejette le droit de l'urbanisme qui vise justement à préserver cette singularité.

Les règles esthétiques du droit de l'urbanisme, qui peuvent s'avérer excessives et trop nombreuses dans certains cas, ont cependant un caractère nécessaire pour le développement harmonieux des villes mais aussi pour la préservation du patrimoine architectural et la protection de la singularité des paysages français, urbain ou rural.

§2) Le droit de l'urbanisme : un cadre de travail pour les architectes

1) Un composante du cadre de travail des architectes

Quoique puissent dire les architectes quant au caractère excessivement contraignant du droit de l'urbanisme, ennemi de la créativité, un architecte ne conçoit jamais un projet à partir de rien. Il s'agit toujours, en effet, de concevoir un projet qui a vocation à s'intégrer dans un contexte spatial, ainsi que le déclare Noëlle Vix-Charpentier :

« J'ai beaucoup de confrères qui n'aiment pas les règlements parce que cela bride la liberté d'expression ; moi je considère que quand on est architecte on travaille toujours dans un contexte : il n'y

a jamais de terrain vierge et même si le terrain est vierge il y a toujours un environnement. »88

Dans cette optique, les contraintes réglementaires seraient donc une contrainte parmi d'autres, auxquelles les architectes doivent se plier pour concevoir un projet.

87 Article L.630-1 du Code du patrimoine

88Entretien avec Noëlle Vix-Charpentier, architecte-urbaniste : Annexe 1

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Plus encore, Noëlle Vix-Charpentier perçoit une certaine évolution dans la considération qu'ont les architectes du droit de l'urbanisme.

« je crois que l'évolution avec les nouvelles générations est qu'on est en train d'évacuer cette idée de l'architecte artiste qui fait ce qu'il veut.».

Les nouvelles générations d'architectes, formées de manière encore très faible au droit de l'urbanisme, semblent cependant être davantage formées que leur aînés au projet urbain dans une idée de complémentarité entre les architectes (maîtrise d'oeuvre) et les maîtres d'ouvrage. Cela se vérifie lorsqu'on observe le déroulement des études à l'École d'architecture de Versailles.89 On pourrait donc dire que le droit de l'urbanisme apparaît comme une composante du cadre dans lequel les architectes conçoivent leurs projets.

2) L'urbanisme de projet : quand le projet crée la contrainte

Cette idée du projet urbain qui mettrait l'architecte et le maître d'ouvrage dans une relation de coopération autour d'un projet se retrouve par ailleurs dans le droit de l'urbanisme lui-même. On parle du développement d'un urbanisme de projet dans lequel l'architecte est d'avantage consulté dans l'élaboration même du projet.

Comme on l'a évoqué en introduction, cette évolution est amorcée avec la Loi SRU de 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbain qui opère une « une

ambitieuse réforme de l'ensemble du système »90 La loi SRU tente en effet d'inciter les communes à mettre au point des Schéma de cohérence territoriale (SCOT) « afin d'aller

vers une gestion intégrée de l'urbanisme vers le développement durable »91 : les documents d'urbanisme doivent devenir non plus seulement des plans d'affectation des sols mais des véritables projets de développement urbain prenant en compte les enjeux de restructuration de l'existant, le développement économique, le développement des moyens de transport, les problèmes sociaux et les préoccupations environnementales.

La Loi SRU est à l'origine de l'urbanisme de projet car elle change profondément les documents d'urbanisme et plus exactement la procédure qui mènent à leur

89 Site internet de l'École d'architecture de Versailles

90 MORRAND-DEVILLER, Jacqueline : op. Cit. : p.8

91 Idem.

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élaboration. En effet, les architectes et urbanistes qui vont concevoir les projets urbains sont consultés préalablement à l'élaboration des documents d'urbanisme :

« la Loi SRU a modifié profondément les documents d'urbanisme et en particulier le POS. (Plan d'occupation des sols) Avant le POS était un outil de gestion : c'était non pas le projet des architectes-

92

urbanistes mais le projet des élus. »

On peut donc dire que dans le cadre du SCOT, c'est le projet urbain qui crée la règle d'urbanisme, auquel les architectes sont associés. Cela renforce donc cette idée du droit de l'urbanisme comme un cadre de travail de l'architecte plutôt qu'un obstacle à sa créativité.

§3) La contrainte esthétique comme moteur de l'innovation architecturale

Le droit de l'urbanisme et ses règles d'esthétique peuvent donc être considérés comme un cadre de travail pour les architectes. Il s'agit à présent d'aller plus loin en montrant en quoi les règles esthétiques peuvent également être un moteur pour l'innovation architecturale au sens où, en architecture comme en littérature, la créativité naît souvent de la contrainte.

1) Les contraintes liées à a protection du patrimoine architectural et paysager comme moteur de la créativité

Dans bien des cas, en architecture comme dans toute activité dans laquelle il s'agit de créer quelque chose de nouveau, la créativité naît de la contrainte. En effet, c'est parce que la contrainte est là que l'on va tenter de la dépasser. Et c'est en cherchant à la dépasser, c'est à dire à concevoir quelque chose de nouveau tout en tenant aux contraintes imposées, que l'on va concevoir quelque chose de vraiment nouveau. Il en va ainsi du droit de l'urbanisme et de l'architecture. Afin de justifier cette idée, on prendra des exemples qui recoupent les deux grands types de contraintes issues du droit de l'urbanisme : les règles relatives à la protection du patrimoine architecturales et celles relatives à la protection des sites et espaces naturels.

92 Entretien avec Noëlle Vix-Charpentier, architecte-urbaniste : Annexe 1

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Concernant les règles de protection du patrimoine architectural, le cas le plus significatif dans lequel il apparaît que la créativité naît de la contrainte est celui de la rénovation de l'ancien.

Par exemple lors la réhabilitation de l'opéra de Lyon93en 1993 par l'architecte Jean Nouvel, la contrainte venait du fait que les façades anciennes étaient classées au titre des monuments historiques. Ainsi, en application régulière du Code du patrimoine, le reste du bâtiment était considéré comme abord d'un monument historique en tant qu'immeuble adossé à un monument historique dans la mesure où il s'agissait d'une partie non protégée au titre des monuments historiques d'un immeuble partiellement classé.94 Il en découle que la réhabilitation du nouveau bâtiment était soumise à l'avis de l'architecte des bâtiments de France. Et celui-ci déclara que l'ensemble du nouvel édifice ne devait pas briser l'harmonie des façades existantes. Cependant, Jean Nouvel a voulu que l'architecture du nouveau bâtiment détonne. Ainsi « le volume créé par Jean Nouvel à l'intérieur des façades existantes apparaît comme une seconde peau. »95 L'architecte a donc su composer avec la contrainte et proposé une architecture innovante d'un point de vue esthétique. A cela s'ajoute une innovation technique puisque la salle de spectacle est entièrement suspendue afin de neutraliser les vibrations possibles avec le sol.

Prenons à présent un autre exemple plus récent pour montrer l'actualité de cette idée d'une l'innovation esthétique qui naît de la contrainte lié aux règles de protection du patrimoine architectural. En 2013, l'agence TOA architectes associés a été chargée de concevoir la restauration de la Caserne Lefebvre à Mulhouse (Alsace)96. Le projet s'est inscrit dans une volonté de la mairie de Mulhouse de diversifier l'habitat collectif dans le centre ville. La caserne militaire, construite en 1877 par les Prussiens a ainsi été reconvertie en habitat collectif moyenne et haute gamme. Dans ce cas, le bâtiment en lui-même n'était pas classé mais était compris dans le champ de visibilité d'un monument historique et était à ce titre considéré comme abord de monument historique. La réhabilitation du bâtiment était donc soumise là-aussi à l'avis de l'architecte des bâtiments

93 Annexe 5, figure n°6

94 Article L.621-30 du Code du patrimoine, voir Partie 1, Titre 1, §1)

95 OGIER, Magali : op. Cit. p.26

96 Annexe 5, figure n°7

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de France97 et celui-ci a imposé que les façades soient conservées sans ouvertures supplémentaires.

« Compte tenu du caractère militaire du bâti, non prédestiné à recevoir du logement, le véritable enjeu à

été de tourner cette contrainte en atout afin de réinventer un cadre à la mesure des attentes et des modes de vie moderne. », souligne le maître d'ouvrage.98

Ont été par exemple ajouté des balcons de 12 mètres carrés de surface en prolongement de l'ouverture, offrant ainsi un espace important donnant sur l'extérieur à ces logements conçus au sein de façades avec peu d'ouvertures. Dans ce cas aussi l'innovation est donc venue de la contrainte issue des règles de protection du patrimoine.

C'est la même idée en ce qui concerne les règles de protection des sites dans le cas d'une construction nouvelle. On peut prendre comme exemple la construction du Musée gallo-romain de Lyon en 1974 sur le site de Fourvière. Le site de Fourvière avec la basilique, l'odéon et l'amphithéâtre romain est en effet un site classé patrimoine au patrimoine mondial de l'UNESCO.99 Il s'est donc agit pour l'architecte, Bernard Zehrfuss de concevoir un bâtiment qui soit le moins visible possible. L'architecte a ainsi opté pour une architecture enterrée. La structure de béton disparaît ainsi sous la végétation et seules deux grandes baies, des « canons à lumière », sont visibles de l'extérieur et introduisent les théâtres antiques à l'intérieur de l'exposition. C'est donc là aussi de la contrainte que naît l'innovation esthétique, en l'occurrence la conception d'un musée enterré.100

2) Dans le processus de création, les architectes se donnent d'autres contraintes de nature esthétique

Enfin, il semble que le travail de l'architecte est intimement lié à la contrainte et que celle-ci est le moteur de l'innovation dans la mesure ou l'architecte lui-même dans la conception du bâtiment se prescrit à lui-même des contraintes esthétiques.101 On pourrait donc dire que dans le processus de création, les contraintes du droit de l'urbanisme en matière esthétique sont des contraintes esthétiques parmi d'autres.

97 Article L.621-30 du Code du patrimoine, voir Partie 1, Titre 1, §1)

98 Dossier « Traces recyclées : transformation d'une ancienne caserne en logements à Mulhouse » : Magazine EK Villes en transition, architectures durables. A vivre éditions, N°36 Décembre 2013-Janvier 2014. Pages 63 à 69

99 Site internet du musée Gallo-Romain de Lyon-Fourvière

100 Annexe 5, figure n°8

101AMPHOUX, Pascal, TIXIER,Nicolas : op. Cit.

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Pascal Amphoux et Nicolas Tixier proposent une typologie des contraintes auxquelles se soumettent les architectes, différenciant notamment les « contraintes ludiques », c'est à dire celles auxquelles se soumettent volontairement les architectes dans leur recherche de formes nouvelles et les « contraintes réglementaires ». Au sujet de l'architecte, les auteurs disent que :

« Non content de devoir respecter et combiner toutes sortes de normes contraignantes, il se donne des règles du jeu supplémentaires, qui, si arbitraires puissent-elles paraître à l'observateur extérieur ou au non-initié, n'en constituent pas moins en certains cas le fondement. »

Un des exemples cités dans cette étude est celle du Centre Georges-Pompidou à Paris.102 Il s'agit selon les auteurs d'une contrainte « ludique » appelée la « structuralité ». Il s'agit d'une contrainte relevant de l'ordre du choix constructif. La « structuralité » désigne l'expression, volontaire et délibérée, de la structure d'un bâtiment. Une telle tendance est issue des courants fonctionnalistes dont l'évolution peut être interprétée comme une évacuation de plus en plus radicale du décor ou de l'ornement. Il s'agissait donc pour les architectes d'exhiber la contrainte structurelle. Les couleurs sont mêmes choisies pour signifier et différencier les flux : le bleu pour la climatisation, le rouge pour les personnes (escalators, escaliers, passerelles), le vert pour les circuits d'eau et enfin le jaune pour les circuits électriques.

Dans cette perspective, les contraintes d'urbanisme ne seraient donc qu'une sorte de contraintes parmi les autres, dans un ensemble de contraintes sur lesquelles l'architecte s'appuie pour alimenter sa créativité.

Conclusion de la Partie 1 :

Dans un premier titre, on donc présenté les principales règles du droit de l'urbanisme en matière esthétique : celles-ci sont liées à la protection du patrimoine, à la protection des sites mais aussi aux règles générales d'urbanisme, dont l'un des objectifs est l'esthétique des villes, c'est à dire leur développement ordonné dans une certaine harmonie. On a ensuite présenté le rôle du juge administratif en matière esthétique.

Dans le second titre, on s'est ensuite interrogé sur le rapport que les architectes ont avec le droit de l'urbanisme. On a vu que les règles esthétiques et surtout leur

102Annexe 5, figure n°9

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accumulation et leur mutation constante sont perçues comme un obstacle à la créativité et donc à l'innovation architecturale. Puis, on a nuancé cette idée en montrant en quoi les règles d'urbanisme en matière esthétique sont un cadre de travail pour les architectes. On a d'abord montré le caractère nécessaire des règles esthétiques puis on a montré que celles-ci peuvent même s'avérer être un moteur pour la créativité et l'innovation architecturale.

Le droit de l'urbanisme a donc en matière d'esthétique un rapport d'hostilité à l'égard de l'innovation architecturale. Cela peut être perçu par les architectes comme un obstacle à la créativité mais c'est en même temps un cadre de travail nécessaire et paradoxalement propice à l'innovation architecturale. On verra dans la seconde partie de ce mémoire qu'en matière environnementale, le droit de l'urbanisme a un rapport très différent à l'innovation et qu'en découle des conséquences elles-aussi différentes.

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Partie 2) Le droit de l'urbanisme et l'innovation architecturale en matière de protection de l'environnement

« elle dégrade des zones écologiques fragiles, elle inflige des dégâts aux ressources naturelles, elle pollue, elle utilise des matériaux de construction nuisibles à la santé de l'être humain ».

à propos de l'industrie du bâtiment,

citation issue de l'Agenda 21 de 1992103,

Le secteur du bâtiment est le plus gros consommateur d'énergie en France : il représente 43% de l'énergie totale et 23% des émissions de gaz à effet de serre.104 D'autre part, les terres agricoles et naturelles constituent depuis des dizaines d'années la variable d'ajustement du mitage périurbain et de la politique de construction de logements qui défigurent les paysages français. L'architecture est donc un domaine dans lequel la protection de l'environnement constitue un enjeu considérable.

On a vu dans la première partie que le droit de l'urbanisme avait un rapport d'hostilité à l'égard de l'innovation architecturale en matière esthétique. En matière de protection de l'environnement, le droit de l'urbanisme a un rapport très différent à l'innovation. En effet, ce dernier est favorable aux innovations en matière de protection de l'environnement, en étant très centré sur la promotion des innovations technologiques qui permettent de limiter la dépense énergétique.

Dans un premier titre, il s'agira donc de présenter la prise en compte des enjeux environnementaux en matière d'architecture dans le droit de l'urbanisme. Dans un second titre, il s'agira de montrer en quoi le droit de l'urbanisme français est trop centré sur les innovations technologiques. On présentera les problèmes qui découlent de cet état de fait et les propositions que l'on peut faire pour l'avenir.

103 Rapport issu du Sommet de la terre de Rio en 1992

104Entretien avec Cécile Duflot, Ministre de l'Égalité des territoires et du Logement. Urbanisme n°45 Juin 2013. Hors Série. « L'urbanisme, la ville, l'écologie ».

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Titre 1) Le droit de l'urbanisme et la prise en compte des enjeux environnementaux en l'architecture

Les enjeux environnementaux ont été progressivement pris en compte à partir des années des années 1960. Dans ce premier titre, il s'agira donc de présenter le droit de l'urbanisme dans ses aspects liés aux enjeux environnementaux en architecture. Il convient d'insister sur le caractère international de la protection de l'environnement et également sur le fait que le cadre théorique dans lequel on pense les enjeux environnementaux, c'est à dire le développement durable est issu d'une construction institutionnelle.

Dans un premier chapitre, il s'agira donc de présenter l'évolution du cadre théorique de la prise en compte enjeux environnementaux jusqu'au développement durable ainsi que les innovations architecturales qui en découlent. Puis dans un second chapitre on présentera le cadre juridique français de la prise en compte des enjeux environnementaux dans l'architecture et le bâtiment, autrement dit l'intégration de ces enjeux dans le droit de l'urbanisme.

Chapitre 1) La prise en compte des enjeux environnementaux dans l'architecture à l'échelle internationale

Il convient dans un premier chapitre de montrer que l'évolution que connaît le droit de l'urbanisme français caractérisée par une intégration des enjeux environnementaux dans ses principes généraux105 et dans ses dispositions est loin d'être un fait isolé. La prise en compte des enjeux environnementaux se fait en effet à la même époque dans tous les pays industrialisés et le développement de l'architecture environnementale est une conséquence de cette prise de conscience. C'est pourquoi il convient, avant de présenter les règles d'urbanisme relatives aux enjeux environnementaux qui existent dans le droit de l'urbanisme français, de retracer l'émergence de la prise en compte des enjeux environnementaux en général et en architecture en particulier.

105 Article L110 du Code de l'urbanisme : Annexe 4

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§1) Prise de conscience institutionnelle des enjeux environnementaux et genèse du développement durable

Aujourd'hui, les enjeux environnementaux sont perçus dans la perspective d'un développement durable. Cependant, cela n'a pas été le cas dès la prise de conscience des enjeux environnementaux. Dans ce paragraphe, on présentera d'abord le contexte historique et institutionnel dans lequel émergent les courants théoriques de la protection de l'environnement. Puis on présentera le concept de développement durable en montrant en quoi il s'agit d'un compromis entre des courants théoriques en conflit.

1) Contexte de prise de conscience des enjeux environnementaux et courants théoriques avant le développement durable

a) les premières organisations de défense des enjeux environnementaux

A la fin des années 1960, dans un contexte mondial de contestation sociale, apparaissent les premiers mouvements écologistes qui visent à faire prendre conscience à l'opinion publique des enjeux environnementaux : dégradation de nos ressources, croissance démographique excessive, limitations de l'agriculture, menant à la famine généralisée dans les pays en voie de développement, pollution de l'air et de l'eau, conséquences climatiques de la concentration de gaz effet de serre dans l'atmosphère. Il s'agit de la prise de conscience que notre environnement subit chaque jour des dommages irréversibles et que nos ressources sont limitées. Ce fut une sorte de prémonition car en 1973, la première crise pétrolière eut lieu, faisant quadrupler les prix du pétrole et entraînant une grave crise économique.

Cependant, dans de nombreux pays, comme les États-Unis, les mouvements de protection de l'environnement se sont rapidement séparés de la contestation sociale, lorsque les contestataires furent rejoints par des membres parfois fort aisés de la bourgeoisie et politiquement conservateurs : c'est la naissance des mouvements environnementalistes. Aux États-Unis par exemple le Président Nixon, sensible à cet infléchissement de son électorat, mit l'environnementalisme au coeur de sa politique.

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Enfin, l'écologie politique fit son apparition pour la première fois en Allemagne avec les listes électorales Grüne Aktion Zukunft et Grüne Listen dès les années 1970. Dans les autres pays développés, les partis verts ou écologistes émergent dans les années 1980 : l'Ecology Party puis le Green Party au Royaume-Uni et le Parti Les Verts en France par exemple.106

b) L'internationalisation du débat et la genèse du développement durable

En 1970, a lieu le premier Sommet de la Terre, qui est la première manifestation institutionnelle internationale relative aux enjeux environnementaux, lesquels comme on l'a vu ont commencé à se faire entendre sous divers modes d'organisation depuis la fin des années 1960. On prend ainsi conscience que les politiques environnementales n'ont de sens qu'au niveau international.

En même temps que le débat s'internationalise, apparaît un conflit majeur entre les partisans de la rentabilité économique et ceux de la protection de l'environnement. Pour les partisans de la rentabilité économique, la protection de l'environnement est un obstacle à la croissance, tandis que pour les partisans de la protection de l'environnement, le modèle de croissance économique occidental est incompatible avec la protection de l'environnement. Le Club de Rome107, par exemple, publie en 1972 un rapport intitulé Les limites de la croissance. Ce dernier met en avant la dépendance des économies occidentales aux énergies fossiles ainsi que le caractère limité de ces ressources à travers ce constat alarmant : si le mode de croissance occidental n'est pas modifié, on s'oriente vers une disparition totale des énergies non renouvelables. Le Club de Rome défend donc l'idée de la « croissance zéro ». Dans la même logique, apparaît également le mouvement des défenseurs de la « décroissance ».

Dans le rapport de la Commission Brandt en intitulé North-South : A program for survival (1980), est fait le constat d'une croissance non-durable des pays en voie de développement à cause notamment du commerce international. Ce dernier ne permettrait pas une croissance durable dans les pays émergents en terme économique mais aussi

106STEELE, James : Architecture écologie, une histoire critique. Édition Actes Sud, 2005 : Préface p. 6 à 9. 107 groupe de réflexion crée en 1968, qui réunie des scientifiques, des économistes, des fonctionnaires et des

industriels de 53 pays autour des problèmes auxquels doivent faire face les sociétés industrialisées mais aussi en

développement

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environnemental. La croissance des pays émergents ne permettrait donc pas d'une part, l'émergence d'une classe moyenne et d'autre part, serait trop dépendante des ressources non renouvelables et notamment des hydrocarbures. Cela signifie qu'émerge l'idée d'une inégalité entre les pays industrialisés et les pays en développement en ce qui concerne la protection de l'environnement.

2) Émergence du développement durable et définition

a) Notre avenir commun, 1987

Le terme de développement durable associé à l'environnement est utilisé pour la première fois dans une publication de l'International Union for the Conservation of Nature intitulé World Conservation Strategy mais eut un impact très limité dans l'opinion publique.

Il s'agit d'un concept qui vient non pas des environnementalistes ou écologistes mais d'hommes politiques soucieux de réconcilier croissance économique et enjeux environnementaux. Voyons à présent en détail la naissance du concept et ses enjeux.

C'est en 1987, dans le rapport de la Commission Brundtland intitulé Notre avenir commun qu'apparaît la notion de développement durable telle que nous la connaissons aujourd'hui et telle qu'elle impacte le droit de l'urbanisme et l'architecture. C'est l'idée que la croissance économique peut être gérée de façon a ce que les ressources naturelles soient employées tout en garantissant une bonne qualité de vie aux générations futures. Il s'agit de :

« suivre ces chemins du progrès social, économique et politique qui correspondent aux besoins actuels sans compromettre la satisfaction de ceux des générations futures »108

Notre avenir commun est le premier texte qui englobe sous le terme de développement durable la croissance économique, le progrès social, les enjeux environnementaux et la gouvernance. Le développement durable serait donc un développement économique compatible avec l'équité sociale et la protection de

108Site internet du Ministère des affaires étrangères, rapport de la Commission Brundtland : Notre avenir commun, 1987. Chapitre 2 « Vers un développement durable ».

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l'environnement et celui-ci ne serait possible qu'avec une « bonne » gouvernance, autrement dit un pouvoir politique soucieux des intérêts précédemment présentés.

La notion de « développement durable » est donc un concept créé pour réconcilier les partisans de la croissance et de la décroissance ou croissance zéro.

« En réduisant les conflits entre la croissance économique et la conscience écologique, cette convergence ouvrait des perspectives de compromis entre les partisans de la croissance et ses détracteurs. »109

b) Le Sommet de la Terre de Rio en 1992

Le Sommet de la terre de Rio donne une nouvelle impulsion au développement durable. Ses conclusions sont rédigées au sein d'un rapport intitulé Agenda 21, parce que l'idée était que les conclusions soient mises en oeuvre au XXIe siècle.

Ce document regroupe environ un millier de propositions regroupées en six grands axes : la qualité de vie, l'utilisation des ressources terrestres, la protection des espaces communs, la gestion de l'habitat, la production chimique et le traitement des déchets et la croissance économique durable, et ce, autour d'une directive dont on peut retenir cette phrase significative :

« l'intégration des intérêts de l'environnement et du développement, ainsi qu'une plus grande attention à leur égard, conduira à la satisfaction des besoins fondamentaux, à l'amélioration de niveau de vie pour tous, à une meilleure protection et une meilleure gestion des écosystèmes, et à un futur plus sûr et plus prospère » 110

On est donc dans l'idée d'un développement durable qui consisterait en un développement économique compatible avec une certaine équité et la protection de l'environnement. Il ressort aussi de l'Agenda 21 que les trois facettes du développement durable : économique, sociale et environnementale ne peuvent se concevoir l'une sans les autres. 111

109 STEELE, James : op. Cit. : Chapitre 17 « A l'origine du développement durable », p. 167

110 STEELE, James : op. Cit. : p.169

111 STEELE, James : op. Cit. : Chapitre 17 « A l'origine du développement durable » p. 165 à 172

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§2) La prise en compte des enjeux environnementaux en architecture : un phénomène international

A la fin des années 1960 va démarrer ce qu'on pourrait qualifier de révolution environnementale dans l'architecture et qui va se positionner en rupture avec l'architecture industrielle de masse telle qu'elle a été pratiquée au cours de la la première moitié du XXe siècle, à une époque à laquelle il s'agissait surtout de loger une population en expansion.

Il s'agira dans ce paragraphe de présenter les différentes facettes de ce qu'on peut appeler l'architecture environnementale, écologique, verte ou encore durable et qui désigne, quelque soit le terme utilisé, une architecture soucieuse des enjeux environnementaux. Par soucis de clarté, et parce que ces termes sont synonymes, on se tiendra ici à l'expression architecture environnementale.

La difficulté réside dans le fait que l'architecture environnementale n'est ni un type de bâtiment ni un style défini et que les technologies ne cessent d'évoluer et de s'ajouter les unes aux autres. Il ne s'agit donc pas de donner une liste exhaustive de tous les types d'architecture environnementale mais de s'efforcer d'en présenter les enjeux principaux en donnant à chaque fois des exemples concrets.

1) Une architecture économe en énergie dans son fonctionnement

Tout d'abord, la prise de conscience de la nécessité d'économiser les ressources énergétiques, mise en avant par les conférences internationales sur l'environnement et accentuée par les crises pétrolières des années 1973 et 1979, va donner naissance à de nombreuses recherches architecturales dans le domaine de l'économie d'énergie. Le bâtiment est en effet un secteur qui consomme beaucoup d'énergie à toutes les étapes : production et transport des matériaux, construction, chauffage et entretien du bâtiment et enfin démolition du bâtiment et destruction ou recyclage des matériaux. Les architectes qui se pressent en première ligne dans ce nouveau type d'architecture sont les architectes high-tech des années 1970, c'est à dire ceux qui avaient les méthodes de production les

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plus coûteuses en terme d'énergie. Il s'agit donc à présent de présenter des exemples de techniques qui permettent d'économiser de l'énergie dans le fonctionnement du bâtiment.

a) La technologie au service de l'environnement

Pour commencer, présentons quelques exemples d'une architecture environnementale qui est basée sur l'utilisation d'une technologie de plus en plus sophistiquée.

Tout d'abord on peut évoquer le recours aux énergies renouvelables qui permet de limiter la consommation des bâtiments en énergie non-renouvelables. Dans les années 1960-1970, aux États-Unis, se développent de manière importante les technologies liées aux énergies renouvelables et en particulier l'énergie solaire. Cela est dû à des incitations fiscales et s'inscrit dans la politique du Président Nixon qu'on a évoqué dans le paragraphe précédent. L'un des architectes emblématiques de cette époque est Edouard Marzia, avec son livre The passiv solar energy book.

Lorsqu'on utilise le rayonnement solaire pour chauffer un fluide qui transporte ensuite la chaleur vers un utilisateur, on parle de chauffage solaire actif et le chauffage solaire est dit passif lorsque le rayonnement solaire réchauffe directement les locaux soit par absorption dans l'enveloppe du bâtiment, soit en pénétrant par les fenêtres.

Les autres énergies renouvelables utilisées en architecture sont l'éolien, la géothermie, la biomasse et en particulier le bois. Le problème est cependant le coût des équipements, leur durée de vie réduite qui oblige a leur remplacement au bout d'une dizaine d'année et le fait que par exemple, les panneaux solaires fabriqués actuellement ne sont pas recyclables.112

Comme autre exemple de technologie au service de l'économie d'énergie, on peut évoquer les technologies qui se développent actuellement et qui permettent d'automatiser les bâtiments. On parle de « gestion active de l'efficacité énergétique ». Par exemple les luminaires peuvent s'adapter automatiquement à la lumière naturelle des pièces et ainsi baisser ou augmenter en intensité. Un autre exemple encore : il existe un

112BARRE, Bertrand : Atlas des énergies : quels choix pour quels développement, éditions Autrement, 2007, Chapitre « Le énergies renouvelables : quel potentiel ? »

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système de portique que l'on peut installer à l'entrée des bureaux et qui permet de reconnaître chaque salarié afin de ne chauffer le bureau de ce dernier que lorsqu'il est dans l'enceinte de l'entreprise. Ce genre de technologies peut permettre de faire des économies significatives, quand on sait que l'éclairage représente 27% de la consommation d'un bâtiment, derrière l'éclairage et les équipements spéciaux. L'inconvénient est cependant le coût énergétique de la fabrication de ce type de technologie ainsi que le coût énergétique de fonctionnement. « L'instrumentalisation a aussi un coût technologique » et il convient donc de l'utiliser à bon escient et pas de manière généralisée.113

b) L'adaptation de l'architecture au climat

Il s'agit ici d'une vision tout à fait différente de l'architecture environnementale. C'est une architecture qui est économe en énergie car elle sait tirer partie des conditions climatiques dans lesquelles elle s'insère.

Bien avant qu'on parle d'architecture environnementale, l'architecte français Le Corbusier avait eu, dès les années 1920, l'intuition de ce type d'architecture. Le Corbusier a notamment conçu des bâtiments en Inde et a su adapter son architecture au climat de ce pays avec de larges fenêtres pour profiter de la chaleur et de l'éclairage que donne le soleil mais aussi des parts-soleil pour l'ombre et l'utilisation des courants d'air pour la ventilation naturelle, comme en témoigne le bâtiment du secrétariat de la ville de Chandigarh qu'il a conçu en 1953.

L'architecte égyptien Hassan Fatti va également dans ce sens dans un retour à d'anciennes techniques de ventilation naturelle. Mais ce cas, la recherche dans le domaine environnementale était teintée de nationalisme : il s'agissait de développer une architecture différente de l'architecture moderniste imposée par le colonisateur Anglais.

114

Il s'agit de s'adapter au climat autrement dit d'isoler dans les espaces où c'est le froid qui pose le plus de problème et de privilégier plutôt une ventilation naturelle dans

113« Bâtiment : efficacité active, mode d'emploi » : Environnement & Énergie Magazine n°17, Mars 2014 114STEELE, James : op. Cit Chapitre 7 « Hassan Fathy : la renaissance d'anciennes techniques »

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les endroits où c'est la chaleur d'été qui est l'enjeu principal.115 Par ventilation naturelle on peut entendre des systèmes naturels de circulation de l'air dans la pièce mais aussi le réflexe simple d'ouvrir la fenêtre plutôt que de faire appel à la climatisation.116

2) Une architecture économe en énergie par ses matériaux

a) La question de l'énergie grise

La volonté de revenir à des méthodes de construction pré-industrielles avec des matériaux naturels date de la fin des années 1960 est est due à l'influence de divers mouvements sociaux de contestations de la société de consommation, ainsi qu'à des travaux d'intellectuels comme par exemple le livre De l'Inhospitalité de nos villes (Die Unwirtlichkeit unserer Städte,1965) d'Alexander Mitscherlich. La critique de la société de consommation aboutie en effet à une contestation de son architecture industrielle.

Apparaît ainsi la question du coût en énergie grise 117 des constructions. Il s'agit des coûts énergétiques de fabrication, de transport et de pose des matériaux. Sont ainsi plébiscités les matériaux qui ne nécessitent par une forte technologie lors de leur fabrication est donc pas de dépenses énergétiques importantes. Cela signifie par exemple préférer pour l'isolation la laine de bois, la ouate de cellulose ou la paille au polystyrène ou à la laine de verre, qui ont un contenu plus élevé en énergie grise lié à leur fabrication. Il y a aussi derrière cela l'idée de préférer des matériaux de construction qui nécessitent plus de main d'oeuvre que de technologie.

Et il s'agit aussi de préférer des matériaux disponibles localement pour éviter des coûts énergétiques trop importants liés au transport.

C'est notamment en Autriche dans les années 1970 que se développe ce type d'architecture à travers un mouvement architectural appelé le régionalisme critique qui prône l'utilisation de matériaux locaux pour limiter le coût énergétique du transport.

115STEELE, James : op. Cit.: Chapitre 16 « Une bouffée d'air frais »

116« Dossier ventilation naturelle » : Magazine EK, Villes en transition et architectures durables, n° 38, Avril-Mai

117LEQUENNE, Philippe, RIGASSI, Vincent : Habitat passif et basse consommation, Principes fondamentaux et études de cas en neuf et en rénovation. Éditions Terre vivante, 2011 : Partie 5 : « L'énergie grise dans les constructions passives » : p.72 à 81

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«Cette approche est nouvelle, mais elle renoue avec un certain bon sens qui avait disparu dans la deuxième moitié du XXe siècle. »118

b) L'habitat passif et basse consommation

L'habitat passif et basse consommation est un type d'architecture qui s'efforce de conjuguer à la fois des matériaux à faible à énergie grise et une architecture adaptée au climat à travers l'utilisation des apports passifs tels que le soleil et une forte isolation ou au contraire l'utilisation des courants d'air en fonction des besoins.119 Cette tendance est aussi d'origine autrichienne, connue sous le nom de Passivhaus. Il s'agit d'une approche globale de l'économie d'énergie.

« Le calcul de l'énergie grise incorporée sans tout produit manufacturé est un pas vers un approche globale qui permettra de connaître et de comparer l'impact sur l'environnement des matériaux de construction ainsi que leur mise en oeuvre. »120

3) Un architecture qui porte une atteinte la plus faible possible aux paysages et aux espaces naturels

Une architecture environnementale peut aussi désigner une architecture qui ne porte pas atteinte aux espaces naturels et agricoles ou encore aux paysages. Cette l'idée vient du constat d'une urbanisation croissante car effet le XXe siècle se caractérise par une part de plus importante de l'humanité qui vit en ville. En 1950, 29% de la population vivait en ville, en 2005 le chiffre frise les 50% et selon l'ONU, ce chiffre pourrait attendre 60% dès 2030. 121

L'une des solutions pour économiser les terres agricoles et les espaces naturels est la construction de tours pour lutter contre l'étalement urbain. Il s'agit de construire de manière verticale en multipliant les étages des immeubles plutôt que de manière horizontale en accroissant l'étalement urbain.

118LEQUENNE, Philippe, RIGASSI, Vincent : op. Cit. : p.8 119LEQUENNE, Philippe, RIGASSI, Vincent : op. Cit. : Introduction p.14 à 19 120LEQUENNE, Philippe, RIGASSI, Vincent : op. Cit. :p.72 121BARRE, Bertrand : op. Cit. : p.59

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On parle aussi de tours bioclimatiques, qui viennent de l'idée que lutter contre l'étalement urbain ne doit pas se faire au prix d'une consommation excessive d'énergie. Il s'agit donc de tours qui utilisent l'énergie passive et les énergies renouvelables. Kenneth Yeang est un des instigateurs de cette tendance, qui s'est développée de façon importante en Allemagne notamment dans les années 1990.122 Pour l'heure, ce type d'architecture n'est pas encore satisfaisante d'un point de vue écologique puisque les tours dépensent six fois plus d'énergie qu'un bâtiment traditionnel car il faut prendre en compte avec les réseaux de ventilation et les ascenseurs.123

L'autre aspect d'une architecture qui porte une atteinte limitée aux espaces naturel est celui d'une architecture qui s'intègre dans la nature. Il s'agit du retour de l'idée de la cité-jardin qui trouve son origine dans l'urbanisme utopique du XIXe siècle. Ce type d'architecture est très présent en Finlande, où il serait plus juste de parler de villes-forêts. On peut citer les villes de Tapiola et Surula qui sont totalement intégrées à la nature.124

4) La nécessité d'une architecture environnementale accessible à tous

Pour finir, il semble utile de présenter un texte important pour l'architecture environnementale, l'Agenda 21, qui insiste sur un enjeu que l'on a pas encore abordé : le fait qu'une architecture environnementale ne devrait pas être un privilège de pays riche. En effet, les questions d'environnement n'ont de sens que si elles sont traités à l'échelle mondiale. Une architecture durable serait donc aussi une architecture accessible à tous.

L'Agenda 21 recommande en effet aux architectes et aux entreprises du bâtiment d'adopter des procédés à faible consommation d'énergie et d'explorer les méthodes qui utilisent les matériaux recyclés. Aux pouvoirs publics par ailleurs est recommandé de décourager par des pénalités financières le recours à des matériaux nuisibles à l'environnement.

Il s'agit aussi en règle général de recourir aux matériaux locaux et de promouvoir les techniques traditionnelles exigeant de la main d'oeuvre plutôt que de l'énergie.

122STEELE, James : op. Cit. : chapitre 20 « le gratte-ciel bio-climatique »

123Réflexions croisées sur le développement durable, op. Cit. :Interview d'Olivier Sidler, thermicien 124 STEELE, James : op. Cit. : chapitre 3 « la Finlande à la recherche d'un standard humain »

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Enfin, il s'agit de faciliter le crédit pour l'accès aux matériaux et développer considérablement le micro-crédit dans les pays pauvres ainsi que de favoriser, à l'échelle internationale, l'échange d'informations entres les architectes et les entrepreneurs sur tous les aspects de la construction en rapport avec l'environnement.125

L'agenda 21 s'oppose donc à une architecture environnementale trop technologique qui serait réservée aux pays riches à cause de son coût et prône plutôt une architecture réalisée avec des matériaux naturels et recyclés non nuisibles à l'environnement. En outre, le rapport prône une coopération entre pays riches et pauvres pour que les architectes et les professionnels du bâtiment soient formés à l'architecture environnementale et informés des différents solutions qui existent dans ce domaine.

La conférence de Rio fut suivie de nombreuses conférences sur le sujet de la construction et de l'environnement dont les plus importantes, la Conférence de Pékin en 1995 et la conférence Habitat II d'Instanbul de 1996 ont insisté profondément sur la nécessité de donner la priorité aux techniques traditionnelles, que l'on appelle aussi vernaculaires. Quant au protocole de Kyoto en 1996, celui-ci reprend en matière d'architecture peu ou prou les mêmes idées de l'Agenda 21 et insiste sur l'idée d'une « responsabilité pour aujourd'hui et pour demain » des architectes.126

Un des pionniers de ce type d'architecture prônée par l'Agenda 21 est l'américain Samuel Mockbee. Ce dernier avait en effet ouvert une agence d'architecture, Le Rural Studio (1944-2001), située en Alabama aux États-Unis, dont l'objet était de construire des logements pour des clients pauvres en utilisant presque exclusivement des matériaux de récupération trouvés sur place.

« Il encourageait l'emploi de matériaux non conformistes, afin de maintenir de coûts de construction peu élevés puisque les clients du Rural studio étaient pour la plupart des familles démunies. »127

125STEELE, James : op. Cit. : Chapitre 17, « à l'origine du développement durable »

126VAN UFFELEN, Chris : Architecture écologique, éditions Citadelles et Mazenot, 2010 : p.11 127 STEELE, James : op. Cit. p.232

Chapitre 2) Les enjeux environnementaux relatifs à l'architecture dans le droit de l'urbanisme français

On a donc montré précédemment que les enjeux environnementaux ont été pris en compte au niveau mondial à partir de la fin des années 1960 et que cela s'est accompagné d'une évolution des pratiques architecturales. Il s'agit à présent de montrer comment ces évolutions se traduisent dans le droit de l'urbanisme français.

Dans un premier paragraphe on présentera les engagements de la France en matière environnementale en ce qui concerne l'architecture et le bâtiment. Puis, dans un second paragraphe on montrera la façon dont ces objectifs sont mis en oeuvre à travers le droit de l'urbanisme.

§1) Les engagements de la France en matière environnementales et les objectifs à atteindre

Les enjeux environnementaux sont devenus des éléments incontournables des réglementations internationales et nationales et les questions liées à l'énergie sont au centre des récentes évolutions des textes de loi. Présentons donc les engagements de la France en matière environnementale et en particulier énergétique. C'est en effet à partir de ces engagements que va être opérée une profonde réforme du droit de l'urbanisme par l'intégration des enjeux environnementaux et en particulier des objectifs d'efficacité énergétique des bâtiments. Et c'est en comprenant les objectifs que s'est fixée la France qu'on comprendra son rapport à l'innovation architecturale en matière de protection de l'environnement.

1) Les engagements internationaux de la France en matière environnementale :

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a) Les engagement internationaux non juridiques

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Pour commencer, la France est engagée par un certain nombre de textes internationaux qui n'ont pas de valeur juridique mais qui sont cependant des engagements politiques importants.

Pour commencer, comme tous les signataires du Protocole de Kyoto, la France est engagée dans un objectif de réduction de 50% des émissions de gaz à effet de serre des pays développés en 2050 par rapport à leur niveau de 1990.

Parallèlement, la France a rejoint la Déclaration du Forum des principales économies qui regroupe les pays du G8128, du G5129, l'Australie, la Corée du Sud et l'Indonésie et par laquelle ces pays se sont engagés en 2009 à ce que l'augmentation de la température terrestre n'excède pas 2°C par rapport au niveau pré-industriel, suivant ainsi les recommandations du GIEC, le Groupe d'experts intergouvernementaux sur l'évolution du climat. Cela suppose une réduction de l'émission des gaz à effet de serre.130

b) Les directives européennes

A ces engagements de nature politique s'ajoutent au niveau international les directives européennes. Pour les pays membres de l'Union Européenne comme la France, les directives de la Commission européenne sont juridiquement contraignantes et les États ont l'obligation juridique de les intégrer au droit interne.

Ainsi en 2007, les pays de l'Union Européenne se sont engagés en 2007 dans l'objectif des « trois fois 20 » : à l'horizon 2020, réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990, réduire de 20% la consommation des énergies primaires et que la part des énergies renouvelables atteigne 20% de la consommation finale.

La directive du 23 Avril 2009131, relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, fixe ensuite des objectifs de développement des énergies renouvelables. Ces objectifs sont les suivants : 20% de l'énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation totale

128Le G8 : États-Unis, Canada, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie et Russie

129Le G5 : Chine, Inde, Afrique du Sud, Brésil et Mexique

130DE GRAMONT, Claire (sous la direction de) : Réussir la planification et l'aménagement durables, ouvrage réalisé à l'initiative de l'ADEME, éditions Le Moniteur, 2013 Chapitre « climat et énergie » p. 88 à 122 131Directive n° 2009/28/CE du 23 avril 2009

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d'énergie et à une part de 10% de ce type d'énergie destinée au transport, et ce, d'ici 2020.

Enfin, la directive du 19 mai 2010132 fixe des normes minimales de performance énergétique des bâtiments neufs et existants lorsque ces derniers font l'objet de travaux. Par ailleurs, la directive fait peser la responsabilité sur les constructeurs et les distributeurs. Ceux-ci doivent notamment informer la clientèle de la performance énergétique des bâtiments par un système d'étiquetage.

2)Les engagements nationaux

La France est donc engagée politiquement au niveau international et engagée juridiquement au niveau européen puisque les directives européennes font partie intégrante du droit français. Mais la France a aussi des engagements nationaux en matière d'environnement.

Tout d'abord, la Loi de programmation fixant les objectifs de la politique énergétique133 (Loi POPE, 2005) rappelle le rôle des collectivités dans les enjeux énergétiques à travers les documents d'urbanisme et la fiscalité.

Mais ce sont surtout les lois dites de Grenelle de 2009 et 2010 qui portent les engagements de la France en matière d'environnement. La loi de Grenelle I134 de 2009 rappelle tout d'abord et renforce les engagements internationaux et européens : c'est à dire diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050 et les réduire de 20 à 30 % d'ici 2020, améliorer de 20% l'efficacité énergétique à l'horizon 2020 et enfin, porter la part des énergies renouvelables à 23% de la consommation énergétique totale d'ici 2020.

Mais surtout, les lois de Grenelle vont opérer une profonde réforme des pratiques et des outils de planification urbaine, ainsi qu'une réforme du droit de l'urbanisme pour l'adapter aux enjeux environnementaux. Les enjeux environnementaux sont dès lors une partie fondamentales des documents d'urbanisme, comme en atteste l'article L110 du Code de l'urbanisme, profondément modifié par les lois de Grenelle.135

132Directive n° 2010/31/UE du 19 mai 2010

133Loi n°2005-781 du 13 Juillet 2005 du programme fixant les orientations en matière de politique énergétique 134Loi du 23 juillet 2009 portant engagement national pour l'environnement

135Article L110 du Code de l'Urbanisme : Annexe 4

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§2) La mise en oeuvre des objectifs environnementaux en matière de construction dans le droit de l'urbanisme français

Les objectifs environnementaux liés au bâtiment et donc à l'architecture se traduisent dans le droit de l'urbanisme par des obligations dont la grande majorité apparaissent avec les lois de Grenelle. Il ne faut cependant pas penser que les Lois de Grenelle créent de toutes pièce le fait que les enjeux environnementaux sont pris en compte dans l'architecture en France. Comme on l'a dit, l'architecture environnementale date de la fin des années 60 : les architectes français n'ont donc pas attendu 2010 pour concevoir ce type d'architecture. En outre, la première réglementation thermique relative aux bâtiments date de 1974, c'est à dire un an après le premier choc pétrolier. Néanmoins, les Lois de Grenelle viennent systématiser et renforcer considérablement les règles environnementales pour les bâtiments et donc l'architecture.

On ne présentera pas ici les règles d'urbanisme liées à la protection des espaces naturels, des paysages et de la biodiversité qui peuvent empêcher toute construction car il s'agit des mêmes règles que l'on a présenté comme des outils de protection de l'esthétique dans la partie 1 du mémoire.136

Il s'agit dans ce paragraphe de montrer en quoi le droit de l'urbanisme été modifié par les lois de Grenelle pour intégrer des objectifs liés à la protection de l'environnement dans le secteur du bâtiment : on présentera donc les nouvelles règles d'efficacité énergétique pour les bâtiments, la modification des documents d'urbanisme et enfin l'obligation nouvelle pour certaines constructions de réaliser une étude d'impact environnemental préalable.

1) Les règles d'efficacité énergétique issues des lois de Grenelle

a) Les règles pour les bâtiments existants

136Voir Partie 1, Titre 1, Chapitre 1) La protection des paysages et des milieux naturels

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Dans un premier temps, présentons donc les objectifs à atteindre fixés par la loi de Grenelle II concernant les bâtiments existants.

Au total, il s'agit de réduire les consommations d'énergie du parc de bâtiments existants d'au moins 38%.

Pour cela, il s'agit de rénover complètement 400 000 logements privés à partir de 2013 et d'engager la rénovation énergétique de tous les bâtiments de l'État et de ses établissements publics. En outre, les collectivités territoriales sont engagées à faire de même pour leurs propres locaux. Il s'agit enfin de rénover l'ensemble des 800 000 logements sociaux en commençant par les 200 000 les plus énergivores d'ici 2020.137

En outre la Loi Grenelle II pose le principe d'une dérogation générale aux documents d'urbanisme en faveur des travaux qui ont pour but l'amélioration des performance énergétiques des bâtiments.138 Cependant les limites, fixées par décret et figurant dans le Code de l'urbanisme sont nombreuses.139 Le but de ces limites posées au principe général est de lutter contre une opposition entre esthétique et architecture environnementale qui engendrerait la multiplication des contentieux. L'idée est en effet que « Le problème de l'écoconstruction est principalement d'ordre paysager ». 140

b) Les règles pour les bâtiments neufs

Quant aux objectifs pour les bâtiments neufs, ceux-ci apparaissent dans les réglementations thermiques (RT). La dernière en date est la RT 2012. Il s'agit de passer au label BBC (Bâtiment basse consommation) à compter de fin 2012 pour les bâtiments privés , ce qui était déjà le cas depuis 2010 pour les bâtiments publics et les logements sociaux des programme ANRU.141

Le label BBC est un label officiel créé en France et qui signifie Bâtiment de basse consommation énergétique. Ce label a été créé par l'arrêté du 3 mai 2007 relatif au

137Loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (Grenelle II)

138Article L.111-6-2 du Code de l'urbanisme

139Les limites figurent dans l'Article L.111-6-2 du Code de l'urbanisme

140JEZOUGO, Yves (Sous la direction de) : Le Grenelle II commenté, éditions Le moniteur. Paris, 2011 : p.13 141Agence nationale pour la rénovation urbaine, établissement public placé sous la tutelle du Ministère chargé de la

politique de la ville, c'est à dire actuellement le Ministère des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des

sports

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contenu et aux conditions d'attribution du label haute performance énergétique aux bâtiments neufs.

Il est également prévu par la RT 2012 un passage au bâtiment à énergie positive pour tous les bâtiments à partir de 2020. Cette dénomination reste vague et ne correspond pour l'instant à aucun label officiel :

« Ces bâtiments dont la définition reste à préciser seront très sobre en énergie et devront produire plus d'énergie renouvelable qu'ils n'en consomment. »142

c) Les incitations à la rénovation des bâtiments pour accroître les performances énergétiques

Concernant l'efficacité énergétique des bâtiments, les Lois de Grenelle n'intègrent pas au droit de l'urbanisme que des règles coercitives mais aussi des règles incitatives. Ces dernières visent à inciter les professionnels du bâtiment à se tourner vers l'architecture environnementale. Cela fait partie du Plan bâtiment durable qui est un engagement national pour l'efficacité énergétique. Les incitations sont de plusieurs ordre : des déductions fiscales, des aides publiques, des facilités d'emprunts et des formations.143

Concernant les incitations fiscales tout d'abord, la Réglementation thermique 2012, prolonge le crédit d'impôt développement durable jusqu'en 2015. Il s'agit d'une déduction d'impôts pour les entreprises de construction qui utilisent des matériaux dits durables.

Un autre type d'incitation est d'ordre bancaire avec la création des éco-prêts à taux zéro qui concernent ces mêmes entreprises.

Enfin, le dispositif FeeBat (Formation aux économies d'énergie dans le bâtiment), prolongé jusqu'en 2017, consiste à proposer des formations aux professionnels de la construction dans le domaine de la construction durable. Ces formations délivrent des

« certificats d'économie d'énergie » (CEE) et sont construites sous l'égide
d'établissement publics sous tutelle de l'État telles que l'ADEME, de services l'État comme la DGEC (Directions générale de l'énergie et du climat) ou encore des

142DE GRAMONT, Claire : op. Cit. p.92

143«Rénovations thermique. Eco-conditionalité : un premier pas vers l'efficacité », Environnement Magazine, Mars 2014, n° 1725

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organisations de la profession du bâtiment comme l'ATEE, l'association technique, énergie et environnement.144

Le but est d'arriver à terme à une « éco-conditionalité des aides publiques »145, c'est à dire à ce que seules les entreprises de travaux titulaires d'une qualification RGE, Reconnu garant de l'environnement puissent bénéficier des dispositifs d'incitation.

En outre la Loi ALUR du 26 Mars 2014 prévoit une déduction d'impôt à hauteur de 18% du prix des travaux pour les propriétaires pour mettre un logement aux normes thermiques ou pour l'achat d'un logement répondant à ces normes.146

2) La modification des documents d'urbanisme avec les lois de Grenelle

Les Lois de Grenelle opèrent une redéfinition des principes généraux de l'urbanisme en ce qu'elles intègrent aux documents d'urbanisme des objectifs de développement durable.147 On présentera donc trois documents d'urbanisme qui ont été l'objet de profondes modifications.

a) Les documents qui contiennent des considérations environnementales d'ordre général auxquelles l'efficacité énergétique des bâtiments peut se rattacher :

Les Directives territoriales d'aménagement et de développement durable148 (DTADD) : Les DTADD ont remplacé les DTA (Directives territoriale d'aménagement) avec la Loi de Grenelle II, intégrant ainsi des aspects environnementaux. En effet, les DTADD et les anciens DTA sont des documents qui déclinent localement les objectifs de l'État en matière d'aménagement si les territoires en question présentent des enjeux nationaux pour un ou plusieurs de ces domaines de compétence comme l'urbanisme, le logement, le transport et la culture. Et depuis les lois de Grenelle, y figurent aussi des objectifs de développement durable et notamment d'efficacité énergétique. 149

144Site internet des formations Feebat, http://batiment.feebat.org/ « parties prenantes » 145«Rénovations thermique. Eco-conditionalité : un premier pas vers l'efficacité » : op. Cit. 146Site internet consacrée à la loi ALUR : http://www.la-loi-alur.org/loi-duflot/ 147JEZOUGO, Yves (Sous la direction de) : Le Grenelle II commenté, op. Cit. : Introduction 148Articles L.113-1 à L.113-6 du Code de l'urbanisme

149Article L.113-1 du Code l'urbanisme

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La Directive doit être approuvée par décret en conseil d'État après avoir fait l'objet d'une évaluation environnementale. Elle peut faire l'objet de révision et est élaborée en concertation avec les Collectivités territoriales, lesquelles ont un délai de 3 mois pour donner leur avis, en l'absence de quoi le document est considéré comme favorable.150 Il s'agit donc d'un document d'urbanisme qui est produit au niveau national mais qui a des effets au niveau local et auquel les lois de Grenelle ont ajoutés des objectifs de développement durable et en particulier d'efficacité énergétique.

Le Schéma de cohérence territoriale (SCOT) : C'est la Loi SRU, en 2000 qui crée le SCOT. Il s'agit d'un document d'urbanisme local : le SCOT est en effet élaboré à l'initiative d'une commune ou d'un groupement de communes par un EPCI (Établissement public de coopération intercommunale) ou un syndicat mixte.151 La loi de Grenelle II incite à la généralisation du SCOT.

La fonction du SCOT est prospective et depuis la Loi de Grenelle II, le SCOT comprend obligatoirement un Projet d'aménagement et de développement durable qui fixe les objectifs des politiques publiques sur le territoire. Il s'appuie sur un diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et des besoins des territoires.152

Par ailleurs, dans le Rapport de présentation, doit figurer une étude des incidences prévisibles de la mise en oeuvre du SCOT sur l'environnement ainsi qu'une présentation des mesures envisagées pour éviter, réduire ou compenser « les conséquences dommageables sur l'environnement des options retenues ».153

b) Le plan local d'urbanisme : un outil qui permet directement de promouvoir une architecture environnementale

Le PLU est également un document d'urbanisme local dont la réalisation est sous l'autorité de la commune et qui doit être compatible avec le SCOT.

150Article L.121-10 du Code de l'urbanisme

151Articles L.122-3 et L.122-4 du Code de l'urbanisme 152Article L.122-3 et L.122-4

153Article R.122-2 du Code de l'urbanisme

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Tout d'abord, Le PLU est soumis à évaluation environnementale obligatoire :

« la prise en compte des enjeux environnementaux à une échelle permettant d'identifier les impacts cumulés ou les éventuelles incohérences du projet de territoire, ainsi la pertinence des mesures adoptées pour encadrer la réalisation des futurs projets d'aménagement. »154

D'autre part la loi de Grenelle II155 donne la possibilité d'imposer dans les PLU pour des secteurs qui s'ouvrent à l'urbanisation de respecter des performances énergétiques et environnementales renforcées définies dans le Code de l'urbanisme.156

La Loi ALUR supprime en outre le COS, le Coefficient d'occupation des sols, qui permettait de fixer dans certains quartiers une densité de construction à ne pas dépasser. Le but de cette réforme est de « lutter contre l'étalement urbain »157.

Le PLU est donc un document d'urbanisme qui d'une part porte le développement durable dans ses objectifs généraux et qui d'autre part, permet aux maires qui en ont la volonté politique d'aller plus loin dans ce sens.

3) Les études d'impacts environnemental : une obligation issue des Lois de Grenelle

On a donc vu que les Lois de Grenelle ont imposé des normes en matière d'efficacité énergétique et transformé les documents d'urbanisme afin qu'ils prennent en compte les enjeux environnementaux, ce à quoi se rattache indirectement, DTADD et SCOT ou directement, par le PLU, la promotion de l'efficacité énergétique des bâtiments. Pour finir, les Lois de Grenelle ont imposé la réalisation d'une étude d'impact pour certaines constructions qui, « par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine »158 Et ce, pour des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics comme privés.

Ces projets sont soumis à étude d'impact en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas effectué par l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement

154HOCREITERE, Patrick : Le Plan local d'urbanisme, 2e édition, sous la direction de, Groupe Berger-Levrault,

2008, p. 32 à 34

155Loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement

156Article L123-1-5 du Code de l'urbanisme

157Site internet dédié à la Loi ALUR http://www.la-loi-alur.org

158Article L.122-1 du Code de l'environnement

En outre, les dépenses réalisées pour procéder aux contrôles, expertises ou analyses prescrites par l'autorité administrative pour assurer l'application des prescriptions fixées en matière d'environnement sont à la charge du maître d'ouvrage.159

Le droit de l'urbanisme français a donc connu une réforme très importante avec les Lois de Grenelle. Il s'agit d'une réforme qui fait entrer dans le droit de l'urbanisme des objectifs et des règles en matière environnementale et en particulier énergétique. Il s'agit notamment d'imposer aux bâtiments une réduction de leur consommation énergétique. Comme on l'a vu la France a pour cela créé le label BBC (Bâtiment basse consommation). Le droit de l'urbanisme français est donc un droit favorable aux innovations architecturales en matière environnementale et ses dispositions font que le secteur du bâtiment est de plus en plus obligé de s'adapter à une architecture environnementale.

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159L. 122-1 du Code de l'urbanisme.

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Titre 2) Un droit trop axé sur les innovations techniques : critiques et propositions pour l'avenir

Après avoir présenté les théories et techniques de l'architecture environnementale, ainsi que leur traduction dans le droit de l'urbanisme français, il s'agit dans ce second titre d'apporter une dimension critique à ce travail.

Une place importante sera donc faite à des témoignages d'acteurs impliqués dans le secteur de l'environnement, de l'urbanisme et de la construction : architectes, urbanistes, scientifiques mais aussi personnalités politiques et personnels administratives. Étant confrontés au droit de l'urbanisme dans l'exercice de leur métier, il semble en effet que ces personnes sont les plus compétentes pour émettre des critiques sur le droit existant et faire des propositions pour l'avenir. Certains témoignages sont issus de supports existants et d'autres ont été collectés pour les besoins de ce travail.

Il s'agit donc de montrer que le droit de l'urbanisme français actuel a un rapport favorable à l'innovation architecturale en matière environnementale mais que cela se caractérise par un droit trop axé sur les innovations technologiques.

Dans un premier chapitre, on expliquera donc en quoi le droit de l'urbanisme français peut être considéré comme un droit trop axé sur les innovations technologiques dans le domaine environnemental et on présentera les problèmes qui en découlent. Puis dans un second chapitre, on présentera deux propositions qui peuvent être faites pour un développement plus durable des villes qui ne passe pas par des innovations architecturales d'ordre technologique.

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Chapitre 1) Les problèmes posés par un droit de l'urbanisme trop axé sur les innovations technologiques

Dans ce chapitre, il s'agira donc de montrer en quoi le droit de l'urbanisme peut être considéré comme un droit trop axé sur des règles d'ordre technique et les innovations technologique et de montrer les problèmes d'un tel rapport à l'innovation dans le domaine environnemental.

§1) Les problèmes de l'accumulation des règles d'ordre technique pour les professionnels du bâtiment

Il s'agira dans ce paragraphe de montrer que ce n'est pas le fait en tant tel d'être soumis à des normes environnementales qui pose problème aux professionnels du bâtiment mais la nature de ces règles ainsi que leur accumulation.

1) Une reconnaissance générale du bien-fondé de l'existence de règles environnementales dans le secteur du bâtiment

a) La nécessité des règles en matière environnementale

Tout d'abord, les architectes sont dans leur très grande majorité conscient de la nécessité d'une architecture respectueuse de l'environnement, c'est à dire qui n'aggrave pas le changement climatique et ne défigure pas les paysages. Le constat étant fait du réchauffement climatique et du caractère limité des ressources non-renouvelables, il paraît en effet difficile de s'opposer à ce qu'existent des règles ayant pour but de ne pas aggraver les choses.

En outre, dans la perceptive du «territoire français comme le patrimoine commun de la nation »160, seuls les pouvoirs publics apparaissent comme capables d'imposer, par la loi et le règlement, à un changement dans les pratiques des professionnels du bâtiment. C'est le sens à donner aux engagements internationaux, européens et nationaux pris par la

160Article L110 du Code de l'urbanisme : Annexe 4

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France en matière environnementale. Dans cette optique, M. Périnel, architecte rappelle en effet qu'avant que les normes environnementales soient intégrées aux règles d'urbanisme il était difficile pour un architecte sensible à l'environnement de faire de l'architecture environnementale parce que les clients n'en voyaient pas toujours l'intérêt et d'autant plus parce qu'une telle architecture a un coût plus élevé :

« Dans l'exercice de mon métier, je n'ai pas eu assez la possibilité de pousser dans cette direction à cause des coûts engendrés et du manque de motivation de la clientèle : par exemple, lors de l'arrivée des vitrages isolants, cela a été perçu comme tout a fait superflu ( il est vrai qu'a cette époque le fioul et le gaz ne coûtaient quasiment rien) (...) Les plus nantis se hasardaient vers les doubles cloisons , les cheminées a feu ouvert et c'était déjà très bien. »161

Les règles environnementales semblent donc nécessaires pour changer les comportements des professionnels du bâtiment dans le sens d'une urbanisation plus durable.

b) Les règles environnementales créent des opportunités dans le secteur du bâtiment

Par ailleurs, les règles environnementales peuvent être considérées comme un phénomène positif pour le secteur du bâtiment et de la construction en qu'elles ont fait naître de nouvelles opportunité, ainsi qu'en témoigne un architecte :

« Le développement durable est un phénomène positif pour l'architecture et qui à permis de créer de nouveaux métiers et matériaux.... »162

En effet, les règles environnementale ont permis de créer de nouveaux métiers, par exemple dans le secteur de l'évaluation de l'efficacité énergétique des bâtiments. Ainsi les règles relatives à l'efficacité énergétiques ont permis de créer des emplois en France.

De même, les règles environnementales ont permis des créer de nouveaux matériaux et surtout de nouveaux marchés pour ces matériaux. Par exemple la vente d'isolants naturels comme la laine de bois et la ouate de cellulose s'est beaucoup développée.

Enfin, les règles environnementales en matière d'architecture ont fait que certains architectes ont été obligés de s'intéresser à ces techniques, ce qui a pu créer une

161Témoignage de Christian Périnel, architecte : Annexe 2

162Témoignage d'un architecte, diplômé de l'École nationale d'architecture de Versailles : Annexe 3

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émulation favorable aux innovations dans le domaine environnemental, ce qui est positif de manière générale pour l'architecture.

c) Des règles qui peuvent cependant être perçues comme trop unilatérales

On peut reconnaître le caractère nécessaire des règles en matière d'environnement, en ce qu'il s'agit d'une cause d'intérêt national mais on peut aussi avoir une approche qui consiste à penser qu'en matière environnementale, l'État devrait inciter plutôt qu'imposer et punir.

Christian Périnel déplore le fait que l'évolution vers une architecture respectueuse de l'environnement soit imposée aux architectes. Pour celui-ci, en effet, il faudrait que cela se fasse sur la base du volontariat : volontariat des architectes, des entreprises de construction et des clients. Autrement dit, il faudrait que les règles incitent à l'architecture environnementale plutôt que d'imposer ce tournant par des règles techniques.

Cependant l'architecte reconnaît qu'aujourd'hui encore seuls les enjeux financiers sont vraiment incitatifs :

« Aujourd'hui on est encore très loin du compte et les enjeux financiers restent la seule arme pour

convaincre... bien innocent celui qui pense que le civisme est un moteur important. »163

Mais comme on l'a montré, de nombreuses mesures incitatives existent déjà sous forme d'aides publiques et de déductions d'impôts pour les entreprises de construction, lesquelles représentent autant d'argent en moins dans les caisses de l'État.

2) Le problème de l'accumulation des mesures techniques

a) l'accumulation des normes compliquerait à outrance le travail des professionnels du bâtiment

Ce n'est donc pas l'idée même de normes environnementales qui est mis en cause mais la façon dont elles sont traduites dans le droit de l'urbanisme et en particulier la façon dont les règles techniques d'ordre environnemental viennent s'ajouter à un corpus déjà extrêmement lourd de règles liées à l'urbanisme au sens large : Code d'urbanisme,

163Témoignage de Christian Périnel, architecte : Annexe 2

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Code la construction et Code du patrimoine pour ne citer qu'eux. Cela a pour conséquence une exaspération générale des architectes et des professionnels du bâtiment en général à l'égard des règles d'urbanisme, qui compliquent leur travail. Les règles environnementales, qui sont pourtant nécessaires, sont donc généralement perçues comme des contraintes supplémentaires, ainsi qu'en témoignage Héloïse De Broissia, architecte :

« Ce n'est pas tellement une loi ou norme en particulier qui est très contraignante, c'est plutôt l'accumulation de toutes les normes. A la fois les règles du code de l'urbanisme, mais également les normes PMR, incendie, code du travail, code de la construction ERP, etc... »164

D'après la Société française des architectes, qui est l'un des principaux syndicat de la profession, cet empilement de normes nuirait à la qualité des bâtiments car l'architecte passerait davantage de temps à se battre avec les règles d'urbanisme qu'à concevoir des bâtiments de qualité pour les personnes qui vivront dedans :

« lorsqu'on est trop occupé à déjouer les chausses-trappes réglementaires, on a physiquement de moins en moins de temps à consacrer à des variables négligeables comme l'espace, la lumière, l'orientation, la qualité d'usages. »165

L'accumulation des normes techniques aboutirait aussi à des situations dans lesquelles certains projets pourtant nécessaires ne voient pas le jour car ils n'ont pu répondre à toutes les règles. François Frédéric Müller et Emmanuelle Colboc ,architectes, dénoncent cette situation dans le cas du logement social :

« L'abus de certaines réglementations rend impossible la construction de certains projets au titre qu'ils ne répondent pas à toutes les attentes normatives »166

b) Par l'accumulation des règles techniques, le droit de l'urbanisme oublie l'essentiel : l'espace à vivre

La société française des architectes dénonce également le fait que le droit de l'urbanisme, qui accumule les règles techniques de construction, fini par en oublier l'essentiel : le fait que les constructions sont faites pour les gens qui vivront dedans :

164Témoignage d'Héloïse de Broissia, architecte : Annexe 3

165MULLER, François Frédéric et COLBOC, Emmanuelle, architectes : « Le logement social aujourd'hui : dans quel état est-il ? » Bulletin de la Société française des architectes, n°51, 4e semestre 2013

166Idem.

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« L'ensemble du système normatif ignore l'essentiel c'est à dire l'espace à vivre. Il ne traite que de performances techniques. »167

Le cas semble particulièrement flagrant pour le logement social : par l'accumulation de normes techniques, le logement social a été totalement uniformisé en France et cela s'est accompagné en moins de trente ans d'une perte considérable de surface habitable. En 1987 en effet, un logement social de trois pièces faisait en moyenne 70m2, pour en moyenne entre 60 et 63m2 aujourd'hui. Autrement dit : «c'est l'équivalent d'une pièce qui a été perdu. »168

Et la Société française des architectes de conclure avec cette phrase pleine de sens :

« La question du logement n'est pas une question technique mais la plus magnifique question humaine posée à l'architecture. »169

Ce n'est donc pas l'idée de règles environnementales qui est en cause mais le fait que les règles environnementales viennent s'ajouter à un droit de l'urbanisme déjà très lourd, accroissant encore l'impression des architectes et des professionnels du bâtiment en général d'être écrasés par un appareil normatif excessif, qui ne leur permettrait plus d'exercer leur métier dans de bonnes conditions.

§2) L'architecture environnementale telle que l'envisage le droit de l'urbanisme français s'éloigne des principes du développement durable

1) Rappel des principes du développement durable tels qu'ils figurent dans le droit de l'urbanisme

Comme on l'a dit dans les chapitres précédents : avec les lois de Grenelle, sont entrés les principes du développement durable dans le Code de l'urbanisme. En effet, l'article L110 qui consiste en une présentation des objectifs du Code de l'urbanisme reprend point par point les principes du développement durable tels qu'ils sont présentés dans le Rapport Brundtland de 1987 ou encore dans l'Agenda 21 de 1992.

167Idem. 168Idem. 169Idem.

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Tout d'abord, on y retrouve, formulée autrement, l'idée de répondre aux besoins des générations actuelles sans priver les générations futures de la capacité de répondre aux leurs. Il s'agit en effet « d'assurer sans discrimination aux populations résidentes et futures des conditions d'habitat, d'emploi, de services et de transport répondant à la diversité de ses besoins et de ses ressources »

On y retrouve également les trois aspects du développement durable : environnemental, économique et social.

Concernant l'aspect environnemental, le Code de l'urbanisme à en effet pour objectif de «gérer le sol de façon économe, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de réduire les consommations d'énergie, d'économiser les ressources fossiles, d'assurer la protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la biodiversité » et en outre, à propos des autorités publiques, le Code de l'urbanisme précise que leur « action en matière d'urbanisme contribue à la lutte contre le changement climatique et à l'adaptation à ce changement »

Concernant l'aspect social, le Code l'urbanisme insiste sur le fait que l'équité doit être à la base de toute politique publique d'urbanisme : il s'agit en effet de « promouvoir l'équilibre entre les populations résidant dans les zones urbaines et rurales » et également d'oeuvrer « sans discrimination ».

Enfin, le Code de l'urbanisme n'oublie pas l'aspect économique puisqu'il s'agit de répondre aux besoins des populations en matière « d'habitat, d'emploi, de services et de transport ».170

Cependant les règles environnementales du droit de l'urbanisme correspondent pour l'essentiel à des mesures qui visent des performances techniques dans la réduction de la consommation d'énergie des bâtiments. Et par là même, comme on va le voir, le droit de l'urbanisme s'éloigne des objectifs de développement durable, en plus de consister en des règles supplémentaires auxquelles le secteur du bâtiment est soumis.

170Article L110 du Code l'urbanisme : Annexe 4

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2) Des critiques d'ordre environnemental, social et économique

La première série de critiques que l'on peut adresser aux règles environnementales du droit de l'urbanisme au sens large est justement d'ordre environnemental. C'est l'idée que ces normes ont des effets contre-productifs en matière écologique. On présentera d'abord le problème causé pas les technologies d'automatisation des bâtiments, puis on s'intéressera à ces nouveaux matériaux de construction que les réglementations thermiques prônent : les matériaux dits Haute qualité environnementale (HQE®).

a) Le coût énergétique des technologies de pointe

Les réglementations thermiques visent à diminuer le plus possible la consommation énergétique des bâtiments. Et selon un article paru dans Environnement & Énergie Magazine, avec les objectifs actuels issus de la RT 2012, les solutions classiques ne suffisent plus, il faut à présent passer à des technologies de plus en plus sophistiquées :

« Mieux isoler, assurer une bonne étanchéité à l'air, miser sur des doubles, voire triples vitrages... Pour limiter la consommation des passoires énergétiques, les recettes sont connues. Mais l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation thermique change la donne. Pour atteindre 50 kWh/m2/an, la laine de roche et un mode de chauffage performant ne suffisent plus. »171

On peut recourir par exemple aux technologies de la domotique qui permettent d'automatiser les bâtiments afin de ne chauffer et de n'éclairer une pièce vraiment que lorsque cela est nécessaire. Le problème est que la fabrication de ce genre de technologie nécessite de fortes dépenses énergétiques et de fortes émissions de gaz à effet de serre. La fabrication de ces équipements technologiques visant à limiter la consommation énergétiques va donc dans le sens inverse de l'objectif initial de ces technologies : économiser de l'énergie.

b) La question des matériaux labellisés HQE®

La question du coût énergétique de fabrication ces technologies ne se limite cependant pas à la domotique et peut s'appliquer aussi aux nouveaux matériaux de

171« Bâtiment : efficacité active, mode d'emploi » : Environnement et Énergie Magazine, n°17, Mars 2014

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construction labellisés Haute qualité environnementale dont la Réglementation thermique 2012 prône l'utilisation à travers le plan Bâtiment basse consommation.

Haute qualité environnementale correspond à une certification des matériaux qui est donnée par l'Association HQE, crée en 1996 par les pouvoirs publics et qui vise à inscrire la construction dans un projet de développement durable. La certification HQE par l'association permet aux matériaux d'obtenir le label « NF Ouvrage Démarche HQE® » de l'AFNOR.

L'AFNOR est l'association française de normalisation qui est l'organe chargé en France de déterminer que tel ou tel produit commercialisé répond aux normes françaises. C'est donc le label qui détermine que tel ou tel matériau de construction est écologique ou pas selon les normes françaises. Et justement, la réglementation thermique actuelle incite à voire contraint, par ses dispositions, à utiliser ce genre de matériaux pour atteindre les objectifs d'efficacité énergétique des bâtiments.

Critiques d'ordre écologique :

Le premier problème est que le caractère écologique des matériaux labellisés HQE n'est pas véritablement prouvé. En effet, il est très difficile de déterminer l'empreinte énergétique d'un matériau pendant toute sa durée de vie. Certaines données comme les besoins énergétiques liés à la fabrication de matériaux sont faciles à calculer mais il est déjà plus difficile de calculer le coefficient de transmission thermique d'un matériau (c'est à dire la quantité de chaleur qui traverse une surface donnée en un temps donné) d'autant plus que celui-ci varie selon les climats. Enfin, l'estimation de l'énergie nécessaire à la préservation, à la démolition ou au recyclage d'un ouvrage est impossible à évaluer précisément. Pourtant, des labels du type HQE existent dans de nombreux pays industrialisés, Minergie en Suisse et BREEAM en Grande-Bretagne par exemple, et il existe même un label européen.172

Les règles d'urbanisme incitent donc à utiliser des matériaux labellisés dont on ignore si le caractère écologique est vraiment supérieur à celui d'un autre matériau. Les architectes dénoncent donc un « business » de l'architecture environnementale et une

172VAN UFFELEN, Chris : op. Cit. : Introduction p. 7 à 12

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collusion d'intérêt entre l'État et les industriels qui fabriquent les matériaux HQE®. C'est pour cette raison que que l'Ordre national des architectes s'est retiré en 2004 de l'Association HQE. Cependant, pour l'instant, l'AFNOR continue de labelliser les matériaux HQE® et le secteur de la construction continue donc de les acheter. On peut citer cette phrase issue du bulletin n° 51 de la Société française des architectes :

« cette volonté farouche de réglementer chaque parcelle de notre vie, à commencer par les logements, débouche inexorablement sur de nouveaux besoins matériels quantifiables est marketables, bientôt transformés en nouveaux marchés. »173

En outre, comme le montre Rudy Ricciotti dans son ouvrage consacré à la question, ces matériaux, dont on ne connaît pas la véritable nature écologique sont produits dans les pays émergents, ce qui signifie qu'on délocalise la pollution et la consommation d'énergie nécessaire à leur fabrication.174

La démarche HQE, encouragée par le droit de l'urbanisme français va donc à l'encontre des recommandation de l'Agenda 21 en matière de construction. L'Agenda 21 lequel prône en effet de recourir à des matériaux locaux et de promouvoir les techniques traditionnelles, de recourir à des techniques de construction exigeant de la main d'oeuvre plutôt que de la technologie et aussi de décentraliser l'industrie du bâtiment en multipliant les petites entreprises175. Et au contraire, les règles environnementales actuelles du droit de l'urbanisme entraînent l'utilisation de techniques de construction qui nécessitent une forte technologie (et donc une forte consommation d'énergie), qui sont fabriqués à l'autre bout du monde (ce qui entraîne une consommation d'énergie liée au transport des matériaux) et qui font la part belle aux grands groupes industriels de fabrication de matériaux de construction.

Critique d'ordre économique : le coût des matériaux HQE®

En outre, les matériaux HQE® ont un coût plus important que la moyenne. C'est là aussi que réside l'idée d'un business de l'architecture environnementale encouragé par le droit de l'urbanisme à travers la Réglementation thermique. Cela va une fois de plus à l'encontre de l'Agenda 21 qui recommande de préférer des matériaux peu onéreux et

173Bulletin de la Société française des architectes n°51 op. Cit.

174RICCIOTTI, Rudy : La HQE® brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt, édition le Gac Presse, 2013 175STEELE, James : op. Cit. : p. 171

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disponible sur place, le but étant que l'architecture environnementale ne soit pas un privilège de pays riches.

Cette critique à l'égard des matériaux HQE® correspond à une critique de l'architecture industrielle qu'on a présenté lorsqu'on parlait des enjeux de l'architecture environnementale. Face à la multiplication des matériaux industriels qui augmentait le coût des bâtiments certains architectes, tels que l'Américain Samuel Mockbee, se sont en effet donnés pour règle d'utiliser des matériaux à bas coût.

Ainsi, les règles environnementales françaises de construction aboutissent à un effet inverse à leur but qui est l'architecture écologique puisqu'elles prônent l'utilisation de matériaux industriel et d'une haute technologie

Critique sociale des matériaux HQE

Enfin, on peut adresser une critique d'ordre social à la promotion des matériaux HQE® que fait le droit de l'urbanisme à travers la réglementation thermique.

Tout d'abord, ces matériaux sont produits dans les pays émergents et donc leur production ne crée pas d'emploi en France.

Ensuite, ce sont des matériaux avec lesquels la construction du bâtiment ne nécessite pas une main d'oeuvre importante, ce qui a aussi des conséquences en terme d'emploi. L'architecte Rudy Ricciotti déplore par ailleurs le fait que ce type de matériaux fait oublier ce qu'il appelle « la mémoire du travail » et aboutie à long terme à « la perte irréversible des savoirs faire » et en particulier des métiers de la façade.176

On peut donc dire que le droit de l'urbanisme fait indirectement la promotion de l'utilisation de matériaux qui ne sont pas durables en terme d'emploi.

176RICCIOTTI, Rudy : La HQE® brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt, édition le Gac Presse, 2013, p.9

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La critique de l'ordre national des architectes

L'Ordre national des architectes, qui s'est retiré en 2004 de l'Association HQE, fait une synthèse de toutes ces critiques en proposant la création d'un nouveau label qui prendrait en compte tous les aspects du développement durable.

L'ordre national des architectes dit en effet que la démarche HQE est une démarche trop centrée sur la facette environnementale du développement durable et qui en oublie les autres facettes : sociale et économique. Pour ce qui est de la facette économique en effet, ces matériaux alourdissent considérablement le coût des bâtiments. Pour la facette sociale, l'Ordre national des architectes dénonce des matériaux produits « hors-sol » qui nécessitent une technologie importante et peu de main d'oeuvre.

« Par rapport aux enjeux de développement durable auxquels est confronté l'ensemble des acteurs de la chaîne de construction, la démarche HQE, dans sa conception actuelle, s'avère ainsi être tout à la fois réductrice, minimaliste, technicienne et castratrice. »177

L'Ordre national des architectes a donc la volonté que soit créé un label plus global « développement durable » qui prendrait en compte l'ensemble des aspects de ce concept.

On a donc montré dans ce chapitre que le droit de l'urbanisme est critiqué pour ses règles environnementales. Tout d'abord parce que ces règles viennent s'ajouter à des règles qui étaient déjà extrêmement nombreuses et ensuite parce que le droit de l'urbanisme, à travers la réglementation thermique et son application dans les documents d'urbanisme, fait la promotion de la haute technologie et de matériaux labellisés Haute qualité environnementale, dont la production et l'utilisation ont non seulement des effets inverses à leur objectif de réduire la consommation énergétique mais aussi des conséquences négatives en matière sociale et économique. Dans le chapitre suivant, il s'agira de présenter des solutions qui permettent une urbanisation durable sans pour autant passer par la technologie.

177« L'Ordre des architectes quitte l'association HQE : Quelques explications», Site internet de l'Ordre national des architectes , avril 2005

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Chapitre 2) Propositions pour une une urbanisation plus durable sans passer par des innovations architecturale d'ordre technologique

On a donc critiqué dans le paragraphe précédent la façon dont sont pris en compte les enjeux environnementaux dans le droit de l'urbanisme, c'est à dire en étant trop axé sur les innovations technologiques. Dans ce dernier chapitre, il s'agit de présenter des solutions pour une prise en compte plus globale des enjeux environnementaux dans l'architecture. Il ne s'agit en aucun cas d'atteindre l'exhaustivité mais de présenter deux éléments majeurs.

Ainsi, dans un premier paragraphe, on présentera la solution de la densité urbaine en montrant que cela nécessite des innovations architecturales d'un autre ordre que technologique. Puis dans un second paragraphe, on montrera que l'échelle locale est celle à laquelle il est le plus possible de faire évoluer la ville en général et l'architecture en particulier vers un développement plus durable.

§1) La densité : l'enjeu clef d'une urbanisation durable

1) Qu'est-ce-que la densité ?

La notion de densité apparaît pour la première fois en France au milieu du XXe siècle à l'époque où fut créé la DATAR : la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale. La création de la DATAR est venue du constat d'une trop grande centralisation en France des forces vives en région parisienne. Ce constat est notamment celui du géographe Jean-François Gravier dans son ouvrage Paris et le désert français paru en 1947. On parle donc d'une trop forte densité des activités et des institutions en région parisienne, ce qui a pour conséquence une trop faible densité d'activité dans les autres régions : c'est ce constat qui a été à l'origine de la décentralisation. La densité c'est donc tout d'abord la concentration des activités dans un même espace.178

178WACHTER, Serge (sous la direction de) : Dictionnaire de l'aménagement du territoire : État des lieux et prospectives, éditons Belin, 2009 : « densité » p.152-156

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Ensuite, si la France a été marquée comme tous les pays développés par une forte urbanisation au court du XXe siècle, un phénomène inverse débute à partir des années 1980. En effet, de plus en plus de gens désirent quitter les villes et s'installer à la

campagne ou en périphérie des villes afin de bénéficier d'une cadre de vie plus agréable. Ce phénomène est appelé « rurbanisation » lorsque les personnes s'installent à la campagne et « périurbanisation » lorsque celles-ci s'installent en périphérie de villes. La conséquence est dans les deux cas le grignotage des espaces agricoles et naturels. La densité, autrement dit la concentration en ville des activités et notamment des logements, serait donc une manière de lutter contre l'étalement urbain : en construisant davantage en ville, on économiserait des terres agricoles et des espaces naturels.179

Enfin, la question de la densité urbaine, c'est aussi celle de la « pluralité

fonctionnelle » autrement dit le fait de concentrer dans un même espace des activités de nature différente : logement, travail, consommation et loisir. La densité urbaine est donc l'inverse du « zonage monofonctionnel » qui a dominé pendant la première moitié du XXe siècle et qui consistait à séparer les activités dans des espaces différents. Le but du zonage mono-fonctionnel était notamment relatif à la salubrité des villes. En effet, dans une France industrielle, il paraissait nécessaire, de séparer les lieux d'habitation, de loisir et de consommation des fumées des usines. Cependant, le problème du zonage mono-fonctionnel est que cela augmente le temps passé dans les transports pour se rendre d'une lieu à un autre et ainsi la consommation énergétique liée au transport et les émissions de gaz à effet de serre. La densité, qui consiste à concentrer des activités différentes dans un même espace apparaît donc comme une solution pour limiter le coût écologique lié au transport. 180

La densité urbaine apparaît donc comme une solution envisageable pour une urbanisation plus durable.

La Loi ALUR va d'ailleurs dans ce sens puisque concernant les construction neuves, ils s'agit de « densifier en zone urbaine, pour construire là où sont les besoins » et aussi de « lutter contre l'étalement urbain »181. Cela est mis en oeuvre dans le Code de l'urbanisme par une suppression des COS dans les Plans locaux d'urbanisme, les

179WACHTER, Serge : op. Cit. : p.152-156

180Réflexions croisées sur le développement durable : op. Cit. Interview de Sébastien Giorgis, architecte et paysagiste

181Site internet dédié à la Loi ALUR http://www.la-loi-alur.org

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Coefficients d'occupation des sols qui obligeaient en effet à ne pas dépasser une certaine densité de construction dans certains quartiers.

Cependant, comme on va le voir, la densification des villes ne va pas non plus sans poser certains problèmes, qu'il est nécessaire d'essayer de pallier.

2) Une densité vivable nécessite une évolution socio-économique que l'architecture peut rendre possible

a) L'enjeu d'une densité vivable

Comme on a pu le voir lorsqu'on a présenté les différents enjeux de l'architecture environnementale, il n'existe pas de solution miracle qui puisse résoudre tous les problèmes environnementaux liés au bâtiment. Ainsi, la densité dont on a présenté le potentiel écologique, ne va pas sans poser de problème

En effet, il ne faut pas tomber dans le piège de règles techniques d'urbanisme qui ont tendance à faire passer la performance technique avant la qualité de vie. Il faut prendre en compte la question de la « densité vécue ». En effet, si les français ont le désir d'aller s'installer à la campagne ou en périphérie des villes, ce n'est pas pour rien. C'est parce qu'ils considèrent que leur qualité de vie y sera meilleure qu'en ville, la ville qui se caractérise justement par la densité. Selon Sabine Barles, ingénieure au CNRS, les français ont donc une mauvaise image de la densité urbaine et c'est justement là que réside l'enjeu d'une densité urbaine réussie : faire percevoir la densité autrement. Car en effet, si la densité aboutie à des villes étouffantes, toutes les économies d'énergie liées au transport réalisées grâce au zonage multifonctionnel seront perdues dès que les personnes auront une journée de libre car ils n'auront qu'une idée : fuir la ville.182

Pour que la densité soit vivable, on pourrait dire durable, il faut donc que la densité soit perçue autrement. Cela nécessité une évolution des modes de vie que l'innovation architecturale peut rendre possible.

182Réflexions croisées sur le développement durable : op. Cit., interview de Sabine Barles, ingénieure au CNRS

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b) Rendre la densité durable par l'innovation architecturale

On a montré précédemment que le droit de l'urbanisme était critiquable en ce qu'il faisait une trop grande place aux innovations technologiques dans sa prise en compte des enjeux environnementaux. Il a donc pu sembler que l'innovation en matière architecturale était forcément liée à la technologie et qu'une architecture environnementale ou durable devait refuser l'innovation et s'en tenir à des architectures traditionnelles.

Ce n'est pas le cas. En effet, on a défini en introduction l'innovation comme « Introduire dans une chose établie quelque chose de nouveau, d'encore inconnu »183. Il n'est là aucunement question de technologie.

Une architecture peut être innovante sans pour autant recourir à une haute technologie mais en ce qu'elle apporte une « évolution du système socio-économique », c'est à dire une évolution des modes de vie et de production des richesses. En matière environnementale, il s'agit de faire baisser les besoins en ressources non-renouvelables. Selon le philosophe Alfred Nordmann en effet :

« La réponse à la crise environnementale se joue non pas tant dans l'avènement d'un âge d'or fait d'électrons verts, mais plutôt du côté des sociétés elles-mêmes, animées par des collectifs d'acteurs

hétérogènes, autour d'hybridations entre les modèles dominants et des modèles alternatifs. »184

Et comme on l'a montré, la densité, qui représente une solution pour économiser les terres agricoles et les espaces naturels, nécessite une évolution pour devenir vivable et donc durable. Et cette évolution peut être mise en oeuvre grâce à l'innovation architecturale. En effet, l'enjeu actuel de la densité est de changer la façon dont les personnes vivent la densité. L'architecte Michel Benaïm montre ainsi que puisque les français ont le désir d'habiter une maison individuelle, il s'agit pour l'architecte « d'individualiser l'habitat collectif ». Pour cela il s'agit de concevoir des logements collectifs où les habitants puisse retrouver la même sensation d'être vraiment chez eux que dans un habitat individuel. Cela passe par la gestion de l'intimité dont dépend la conception des bâtiments : l'isolation phonique et visuelle notamment. C'est à dire pour commencer, construire des murs suffisamment isolants entre les appartements pour

183Dictionnaire culturel en langue Française, Le Robert, 2005, Tome 2 (D-L), sous la direction Alain Rey, « innover » p. 1998

184« L'innovation peut elle sauver la planète ? » : Agnès Sinaï, Actu-environnement.com, 1er Avril 2014

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qu'une famille n'entende pas ce que fait ses voisins et construire les bâtiments de telle sorte qu'il n'y ait pas de vis-à-vis.

L'enjeu est donc, par l'innovation architecturale de créer des logements collectifs où l'on a l'impression de vivre dans un habitat individuel. L'idée serait de pouvoir cumuler les avantages des deux modes d'habitat : la tranquillité du logement individuel et les économies d'énergie liées à la réduction de la consommation liée au transport que peut permettre le logement collectif.

On peut donc dire que l'enjeu de la densité est entre les mains des architectes. Cela rejoint la formule du protocole de Kyoto qui parle d'une « responsabilité pour aujourd'hui et pour demain » des architectes.185 Ainsi, la véritable innovation architecturale qui permet la protection de l'environnement n'est pas d'ordre technologique mais d'ordre socio-économique.

§2) L'échelle locale est celle où la volonté politique peut entraîner le développement d'une architecture durable.

Dans le paragraphe précédent, on a donc montré que la densité urbaine pouvait être une solution pour une urbanisation durable. A présent, il s'agit de montrer que quelque soient les défauts du droit de l'urbanisme actuel, il existe une échelle spatiale où il est possible aux élus d'oeuvrer pour une urbanisation plus durable. Il s'agit de l'échelle locale, c'est à dire celle de la commune ou du groupement de communes.

1) La commune : échelle spatiale pertinente pour une urbanisation durable

a) Les compétences de la commune en matière environnementale

Les compétences de la commune en matière environnementale se partagent entre pouvoirs de police générale et pouvoirs de police spéciale.

185VAN UFFELEN, Chris : op. Cit. : p.11

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La police administrative générale correspond au maintient de l'ordre public. Le maire doit donc prendre des mesures pour veiller à la salubrité, la sécurité et la tranquillité des administrés. En matière environnementale, il s'agit donc en particulier de mesures préventives et de secours en cas de fléaux comme les incendies, les pics de pollution atmosphérique, les inondations ou encore les avalanches.

Et parmi les pouvoirs de police spéciale que détient le maire, la principale est celle de l'urbanisme car la commune détient la compétence générale en matière d'urbanisme. C'est la commune en effet qui est chargée de délivrer les permis de construire et qui établie les documents d'urbanisme locaux comme le Plan local d'urbanisme.186 Comme on le verra, le Plan local d'urbanisme (PLU) est un document qui permet véritablement aux élus de d'oeuvrer pour une une urbanisation plus durable.

b) Rappel de la fonction du PLU en matière environnementale

Le PLU, il semble utile de la rappeler, est un document d'urbanisme, voté par le conseil municipal et exécuté par le maire, qui permet de réglementer l'urbanisation. Celui-ci doit être compatible avec le SCOT et est soumis à évaluation environnementale obligatoire.187 D'autre part, la loi de Grenelle II188 donne la possibilité aux communes d'imposer dans les PLU, pour des secteurs qui s'ouvrent à l'urbanisation, de respecter des règles environnementale (et en particulier de performance énergétique) renforcées.189

Le PLU est donc un document d'urbanisme très important en matière environnementale. D'une part, le développement durable fait partie des objectifs généraux du PLU et d'autre part, le PLU donne la possibilité aux élus qui en ont la volonté politique, d'aller plus loin dans l'architecture durable en renforçant les règles en matière d'environnement.

Guy Mouraux, Maire d'Entraigue-sur-Orges, parle du PLU comme « l'arme fatale des maire»190 en matière environnementale. Selon lui, le vrai pouvoir du maire consiste,

186« Les compétences du maire en matière d'environnement sont variées », Interview de Philippe Billet, professeur

agrégé en droit public : Actu-environnement.com, 28 Mars 2014

187 HOCREITERE, Patrick (sous la direction de) : op. Cit. : p. 32 à 34

188Loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement

189Article L123-1-5 du Code de l'urbanisme

190Réflexions croisées sur le développement durable : op. Cit. : Interview de Guy Mouraux, Maire d'Entraigue-sur-

Orge

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grâce au PLU, à pouvoir discuter d'égal à égal avec les promoteurs immobiliers dans une démarche de qualité environnementale. Et cela permet en particulier de créer des écoquartiers.

c) Le cas de l'écoquartier

L'écoquartier correspond à une démarche de qualité environnementale. Il s'agit d'un label dont l'obtention dépend d'une prise en compte globale des enjeux environnementaux dans l'urbanisation et qui est délivrée par le Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

« Un écoquartier est un projet d'aménagement urbain qui respecte les principes du développement durable tout en s'adaptant aux caractéristiques de son territoire. Le Ministère s'est doté d'un référentiel en matière d'aménagement durable. Des textes de référence posent également les principes de la Ville durable. »191

Il s'agit de limiter les dépenses énergétiques mais aussi d'oeuvrer pour la densité de l'espace urbain, dont on présenté les avantages environnementaux et les enjeux dans le paragraphe précédent. L'écoquartier s'inscrit par ailleurs dans la démarche HQE Aménagement qui a été notamment inspirée par la Charte de Leipzig sur la ville européenne durable192 de 2007. Et l'obtention du Label écoquartier permet aux communes de bénéficier de prêts à taux préférentiels de la Caisse de dépôts pour financer les opérations d'aménagement.193

Parmi les critères du label écoquartier figurent aussi des objectifs de développement économique. Et dans certaines villes, l'aménagement selon les critères de l'écoquartier a permis de créer des espaces qui attirent les entreprises. La démarche écoquartier a permis par exemple de redynamiser une ville comme Granville dans la Manche, où le déclin de l'industrie de la pêche avait entraîné un déclin économique.194

Cependant, certains maires sont méfiants quant à cette démarche. Certain craignent en effet que la création de ce type de quartier exemplaires n'ait pas les conséquences voulues. Certains maires craignent en effet la gentrification de ces quartiers, autrement dit

191Site internet du Ministère de l'Écologie, du développement durable et de l'énergie

192 Le texte de la Charte de Leipzig est disponible sur le Site internet du Ministère des affaires étrangères 193BIDOU, Dominique, CARFANTAN Gwenaëlle : Le maire et son écoquartier : 21 maires témoignent. Victoires édictions, 2013 p.107

194BIDOU, Dominique, CARFANTAN Gwenaëlle : op. Cit. p.31

99

le fait que l'installation d'une population aisée fasse monter en flèche le prix de l'immobilier, ce qui finirait pas chasser les populations moins aisées hors de ces quartiers. Selon Jean Legros, ancien Maire de la ville de Tournus en Bourgogne :

« ce qui arrive fréquemment, c'est que ces quelques quartiers sont des écoquartiers bobos » 195

L'autre risque de la démarche écoquartier est d'en faire une sorte de vitrine et de ne pas faire d'effort dans le reste de la ville. C'est le risque d'un label environnemental de façade qui servirait davantage la réputation du Maire que la qualité de vie des habitants. C'est l'avis par exemple de Michel Chartier, Maire de la ville de Collégien en Seine-et-Marne :

« je n'ai pas choisi la logique écoquartier, qui me paraissait trop rigide, trop gadget. En fait on fait un cercle et on ne regarde pas ce qui se passe à côté, on essaie de faire un truc qui soit un beau modèle à l'intérieur. 196

Enfin pour Michel Benaïm, architecte, l'écoquartier ne peut se concevoir que dans le cadre d'une « nouvelle gouvernance multidisciplinaire ». C'est à dire que l'écoquartier doit faire partie d'un urbanisme de projet, autrement dit ne pas être uniquement le projet de l'élu mais un projet qui serait issu d'une concertation préalable avec différents professionnels de l'aménagement : paysagistes, architectes, urbanistes ou encore des scientifiques tels les thermiciens. En outre, Michel Benaïm déclare que les citoyens devraient aussi être associés à la démarche. En effet, cela permettrait justement d'éviter que l'écoquartier ne soit qu'une vitrine et de garantir qu'il s'agisse d'un véritable projet de territoire.197

L'échelon de la commune est donc un échelon auquel il est réellement possible d'aménager la ville de façon durable grâce à un outil fondamental : le Plan local d'urbanisme. Celui-ci permet en effet d'établir des règles de construction qui vont dans le sens du développement durable. L'un des cas particuliers est celui de la démarche écoquartier, qui peut être un outil efficace, en dépit des critiques que l'on peut formuler, si on l'intègre à un véritable urbanisme de projet.

195BIDOU, Dominique, CARFANTAN Gwenaëlle : op. Cit. p.23

196BIDOU, Dominique, CARFANTAN Gwenaëlle : op. Cit. p.23

197 Réflexions croisées sur le développement durable : op. Cit. : Interview de Michel Benaïm, architecte

100

2) Le transfert de compétences au groupement de communes : une amélioration pour une urbanisation plus durable ?

a) Le transfert de compétences de la commune au groupement de commune

On a donc montré que l'échelon communal était un échelon où il était possible d'agir réellement pour un aménagement durable des villes. Cependant, la tendance actuelle de l'évolution des institutions est au transfert de compétences des communes vers le groupement de communes en matière d'urbanisme et en particulier dans le domaine de l'environnement. Il s'agit donc à présent de présenter cette évolution et de montrer en quoi elle va dans le sens d'un urbanisme plus durable.

A noter que l'on parle de communauté de communes pour un groupement de villages, de communauté urbaine pour un groupement de villes et de communauté d'agglomération pour un groupement qui regroupe des villages et des villes (par exemple la Communauté d'agglomération du Pays d'Aix). La métropole enfin, dont le statut a été créé par une loi du 7 Janvier 2014198 est organisée autour d'une grande ville. (Par exemple le Grand Paris, ou Lyon Capitale).

La protection et la mise en valeur de l'environnement, comme l'assainissement, restent des compétences optionnelles pour les Communautés de communes et d'agglomération, mais elles deviennent obligatoires pour les Communautés urbaines, au même titre que la contribution à la transition énergétique ou la gestion des déchets ménagers. Enfin la métropole exerce de plein droit des compétences environnementales à la mesure de son territoire comme le prévoit la loi du 7 janvier 2014.

Cette évolution est sensée aller dans le sens d'une simplification de ce qu'on appelle communément le mille-feuille administratif français et d'un développement plus durable des territoires.199

198Loi du 7 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Mapam) 199« Modernisation de l'action publique territoriale : où est la simplification ? » Actu-environnement.com : 29 Janvier 2014

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b) Le Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi)

La Loi ALUR, qu'on a déjà évoqué, plusieurs fois, crée l'obligation pour les groupements de communes de faire un Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) avec lequel le PLU de chaque commune membre doit être compatible. Il s'agit d'une des mesures phares de la partie Partie IV de la loi ALUR, intitulée « Moderniser l'urbanisme dans une perspective de transition écologique des territoires»200

Dans le PLUi comme dans le PLU, il s'agit d'« engager la transition écologique des territoires», de « favoriser la densification des quartiers pavillonnaires », de « donner un coup d'arrêt à l'artificialisation des espaces naturels et agricoles » et enfin de « limiter l'étalement urbain notamment quand il est dû à des implantations commerciales dont les surfaces de stationnement consomment excessivement le foncier en périphérie. »201 Le PLUi a donc dans ses objectifs généraux la transition vers un urbanisme plus durable et la question de la densité urbaine est au coeur de cet objectif.

L'idée est que l'échelle territoriale où de tels objectifs ont le plus de sens est l'échelle intercommunale. Tout d'abord, cette idée repose sur le constat que la plupart des compétences en matière d'environnement sont passées de la commune au groupement de communes et que cela s'accompagne d'un transfert de moyens :

« Par ailleurs, l'intercommunalité, par la mutualisation des moyens et des compétences qu'elle permet, exprime et incarne la solidarité entre les territoires. »202

Il semble par ailleurs que le PLUi est surtout nécessaire dans les communes rurales. L'idée est en fait que l'échelle de la commune rurale n'est aujourd'hui plus pertinente parce que la commune ne peut plus fonctionner seule par manque de moyens. C'est l'avis de Noelle Vix-Charpentier, architecte-urbaniste :

« ça me semble intelligent. La commune rurale, on voit bien qu'elle ne peut pas fonctionner toute seule »203

Pour justifier cette idée, Noelle Vix-Charpentier prend l'exemple de la commune de Bayonville sur mad en Meurthe-et-Moselle où une crèche intercommunale a ouvert ses portes en 2010. Dans ce village d'environ 350 habitants, l'ouverture d'une crèche gérée

200Site internet dédié à la loi ALUR

201Site internet du Ministère de l'égalité des territoire et du logement 202Idem.

203 Entretien avec Noëlle Vix-Charpentier, architecte-urbaniste : Annexe 1

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par la mairie et qui n'aurait servi qu'aux habitants du village, autrement dit à une dizaine d'enfants en bas âge tout au plus, n'était pas pensable au vu des investissements nécessaires. La crèche qui a été ouverte dans le village est en fait gérée par la Communauté de commune du Chardon Lorrain et celle-ci est destinée à accueillir les enfants en bas âge des 37 villages membres. Cet exemple montre que l'échelle du groupement de communes est plus pertinente pour une question de moyens financiers mais aussi pour une question de prise en compte des besoins des habitants sur un territoire. Planifier à l'échelle intercommunale permet de mutualiser les moyens et les équipements, qui seront plus rentables puisqu'ils serviront à une population plus nombreuse. Il en va de même pour les politiques publiques liées à l'environnement : dans le cas des communes rurales, il semble nécessaire de faire une planification sur un territoire plus large que la commune. Cela permet de faire des économies en matière financière mais aussi de faire des économies d'énergie et d'économiser la terre.

Il semble donc que la tendance de l'évolution des institutions vers un transfert de compétence en matière d'urbanisme de la commune aux groupement de commune soit aussi une manière d'aller vers une urbanisation plus durables, notamment quand on se place dans le cas des communes rurales.

Conclusion de la partie 2

On observe donc depuis la fin des années 1960 une progression de la prise en compte des enjeux environnementaux à l'échelle internationale, comme en témoigne la tenue de conférences internationales sur ces sujets. Cette évolution a également marqué l'architecture et c'est pourquoi on a présenté les différents enjeux d'une architecture qu'on pourrait qualifier d'environnementale en encore de durable. Car en effet, c'est à travers le prisme du développement durable qu'est envisagée l'architecture environnementale.

On a ensuite présenté la traduction des principes du développement durable dans le droit de l'urbanisme français en montrant en quoi cela permet de faire la promotion d'une architecture environnementale. Cependant, il est apparu que la façon dont est envisagée l'architecture durable dans le droit de l'urbanisme est trop axée sur des innovations d'ordre techniques et technologiques, ce qui d'une part constitue des règles

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supplémentaires pour le secteur de l'environnement qui éprouvait déjà un sentiment d'exaspération à l'égard des règles d'urbanisme, et qui d'autre part trahit d'une certaine façon les objectifs de développement durable. Enfin on a présenter deux aspects d'une solution pour un développement plus durable des villes : favoriser la densité urbaine et mettre l'accent sur l'échelon communal et surtout intercommunal.

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CONCLUSION

Le droit de l'urbanisme a donc un rapport très différent à l'innovation architecturale en matière esthétique et en matière environnementale.

En matière esthétique, le droit de l'urbanisme a en effet un rapport de méfiance voir de rejet à l'égard de l'innovation architecturale. Cela se manifeste par des règles d'urbanisme qui sacralisent ce qui existe déjà, le patrimoine architectural, les espaces naturels ou les paysages au détriment de l'émergence de nouvelles formes esthétiques en architecture. On a cependant montré que les contraintes d'ordre esthétique du Code de l'urbanisme ou issues d'autres codes constituaient un cadre de travail pour les architectes et pouvaient même dans certains cas être un moteur pour l'innovation esthétique dans la mesure où la créativité naît souvent de la contrainte.

En matière environnementale au contraire, le droit de l'urbanisme a un rapport très favorable à l'innovation architecturale. En effet, les règles environnementales du droit de l'urbanisme, qui suivent le mouvement d'une prise de conscience générale des enjeux environnementaux depuis la fin des années 1960, ont pour effet de pousser le secteur du bâtiment dans son ensemble à viser la performance technique en matière d'efficacité énergétique. Les professionnels du bâtiments et les architectes en particulier, qui reconnaissent la nécessité de règles environnementales, dénoncent cependant le fait que le droit de l'urbanisme est trop axé sur les innovations technologiques. C'est l'idée qu'à viser la performance technique, par une technologie de plus en plus sophistiquée, le droit de l'urbanisme aboutie à des résultats parfois inverses aux objectifs de développement durable sur lesquels il se fonde. Et il semble en définitive qu'une urbanisation durable passe moins par des innovations technologique, que par une évolution des modes de vie et de gouvernance. C'est pourquoi on a présenté dans le dernier paragraphe deux solutions qui semblent réalisables pour que la ville future soit plus durable : créer une densité urbaine qui corresponde à une qualité de vie et mettre vraiment l'accent sur l'échelon local.

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En matière esthétique comme en matière environnementale le droit de l'urbanisme a donc un rapport excessif à l'innovation architecturale : excessivement hostile en matière esthétique et excessivement tourné vers la haute technologie en matière environnementale.

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Annexe 1

Entretien avec Noëlle Vix-Charpentier, architecte-urbaniste, codirectrice de l'Atelier A4 architecture et urbanisme durables à Metz, Lorraine entretien réalisé le 28/02/2014

En tant qu'architecte-urbaniste, dans quelle mesure le droit de l'urbanisme est une contrainte dans votre travail ? Comment le droit de l'urbanisme est perçu parmi les architectes en général ?

Pour ma part, j'ai deux casquettes : l'une est celle de maître d'oeuvre en bâtiment et en aménagement et l'autre est celle de la planification urbaine : j'écris donc des règlements qui vont devenir des contraintes pour d'autres confrères. Mais du fait de ma pratique de la maîtrise d'oeuvre, j'ai un autre regard quand j'écris un règlement que quelqu'un qui serait purement administratif ou juriste. Ça, c'était pour dire que j'ai la formation ad hoc pour faire ce que je fais.

En ce qui concerne les règlements, j'ai beaucoup de confrères qui n'aiment pas les règlements, qui trouvent que ce ne sont que des contraintes, que cela bride la liberté d'expression. Moi je considère que quand on est architecte, on travaille dans un contexte, on ne travaille jamais sur un terrain vierge. Et même si le terrain était vierge et qu'il n'y avait pas de construction, il y a toujours un environnement. Donc on ne peut pas se contenter de regarder ce qu'il y a sur sa parcelle : on est obligé de regarder ce qu'il y a gauche et à droite. Donc le droit de l'urbanisme est nécessaire : par exemple les PLU. Il y des gens qui composent intelligemment avec le droit et d'autres qui sont plus dans l'idée que le droit les empêche de s'exprimer. Mais je crois que l'évolution avec les nouvelles générations est qu'on est en train d'évacuer cette idée de l'architecte artiste qui fait ce qu'il veut. J'observe toutes les attitudes parmi mes confrères.

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Justement, quelle loi, quel règlement en particulier vous semble excessivement contraignant ?

Le problème de la législation est qu'on est obligé de composer avec un certain nombre de normes parfois contradictoires. Par exemple quand on est dans un périmètre de protection de l'architecte des bâtiments de France et notamment par rapport au développement durable. Par exemple, la RT 2012 (la loi de rénovation thermique) qui est entrée en vigueur au premier janvier 2013, vise à aller vers des bâtiments plus économes en énergie. Cette loi exige des parois vitrées sur un sixième des façades sud pour bénéficier des apports passifs, mais l'architecte des bâtiments de France de Moselle nous limite à deux velux par toiture. Donc les un sixième de parois vitrés sont impossibles à mettre en oeuvre.

Il en va de même avec des normes relatives à l'accessibilité pour les handicapés. La Loi de 2007 concerne toutes les formes de handicaps. Le cas classique : à Bayonville sur Mad par exemple, la mairie a dû, suite à la loi, faire construire un linéaire très important pour seulement une dizaine de marche. D'une part, cela coûte très cher à la réalisation et ce n'est pas tellement esthétique et d'autre part on arrive à une aberration parce qu'on a pensé à cela mais on n'a pas pensé à la grand-mère qui peut encore marcher mais qui aurait besoin d'un appui : on a pas installé de rampe pour se tenir.

On a des réglementations qui essayent de bien cadrer les choses mais il y a encore beaucoup de problèmes d'ergonomie. L'ergonomie c'est l'adaptation à la morphologie de l'être humain à tout âge de la vie. Par exemple lorsqu'on construit une crèche, cela pourrait être bien de mettre les fenêtres à hauteur des enfants. C'est aussi la question de la prise en main des choses.

Le débat est de savoir s'il faut tout normer (sic) ou si on recherche plutôt à faire des bâtiments qui soient agréable à vivre.

Autre sujet : j'ai lu que de nombreux architectes étaient favorable à la montée en puissance de l'urbanisme de projet. Pourriez-vous s'il vous plaît m'en dire plus sur le sujet ? Et qu'en pensez vous personnellement ?

Cela a commencé avec la multiplication des POS dans les PLU suite à la Loi SRU qui a modifié profondément les documents d'urbanisme et en particulier le POS. Avant, le

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POS était un outil de gestion : c'était non pas le projet des architectes-urbanistes mais le projet des élus. Et désormais cela prend de plus en plus d'importance parce que les lois Grenelle, ont imposé la réalisation de Plans d'aménagement et de développement durables : c'est un document d'aménagement, un pré-schéma d'aménagement qui reprend les enjeux de diagnostiques et les objectifs et les actions à mener en cartographie. C'est une vision à très très long terme. Ce document est traduit dans tous les documents opposables au tiers. On définit la densité. C'est très schématique puisque c'est opposable au tiers.

Avant l'élu disait je veux ça, et c'était fait sans réfléchir. Les nouvelles législations permettent d'éviter les aménagements par poche successive, ce qui est un enjeu important concernant les voies de transport. La nouvelle législation permet de restreindre les velléité des élus.

La dernière étape est la Loi Duflot-ALUR : qui généralise les PLUi : l'idée est de passer du banc communal à une échelle plus petite. Ce n'est donc plus forcément la commune qui va décider. C'est à mettre en perspective avec la réflexion sur l'Acte III de la décentralisation. Cela me semble intelligent. La commune rurale, on voit bien qu'elle ne peut pas fonctionner toute seule.

Prenons par exemple la crèche de Bayonville sur Mad. Elle est intercommunale. Ça n'aurait eu aucun sens de la faire à l'échelle communale. Et ainsi la crèche prend en compte les besoins des communes alentours. On va donc vers une certaine rationalisation qui me semble positive.

Quel est votre point de vue sur les règles d'urbanisme en matière environnementale ? Et quels sont d'après vous les enjeux principaux de l'architecture environnementale aujourd'hui ?

La question de fond est là encore de savoir s'il faut tout gérer par le droit. Pour les enjeux, avec la RT 2012, on va vers le bâtiment passif. Le problème et l'enjeu des années à venir, c'est la rénovation. La rénovation des logements construits depuis les années 1970. La question se pose moins pour les bâtiments anciens parce que les murs étaient plus épais.

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La question est aussi celle de la précarité énergétique à tous les niveaux : locale, départementale, régionale. C'est pour cela qu'existent des aides pour le changement de chaudières.

Votre agence fait de l'architecture durable. Pouvez vous me dire quels matériaux vous utilisez et pour quel usage ?

A l'agence, on fait beaucoup de marchés publics alors les réglementations sont encore plus strictes que pour le bâtiment privé. Les matériaux qu'on utilise sont ceux qui ont reçu l'agrément du CSTB, l'organisation qui agrée les matériaux pour le bâtiment.

La question des matériaux, c'est celle de l'étanchéité des bâtiments à l'air, à l'eau mais aussi de la respiration. La RT 2012 oblige à l'isolation. Et il faut dire que les normes ne sont pas les mêmes dans toute la France, compte tenue des conditions climatiques. Pour isoler on utilise beaucoup la fibre de bois, qui est un produit plus sain, plus naturel que la fibre de verre. L'enjeu en fait, c'est de faire des bâtiments étanches à l'air mais qui laissent ressortir l'humidité. Alors on fait des tests d'étanchéité avec de la fumée noire. Pour l'isolation des toits on utilise aussi les toitures végétalisées et il est important aussi de penser à l'isolation du dallage.

Et hors question de matériaux, dans une architecture durable, on recherche aussi la compacité du bâtiment.

Et une question importante est aussi celle de l'apport de lumière. C'est la question de l'orientation des façades. Il vaut mieux mettre les ouvertures au Sud pour profiter de l'ensoleillement. Mais alors, il ne faut pas oublier de mettre des protections solaires.

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Annexe 2

Entretien avec Christian Périnel, architecte à la retraite, Lorraine
Entretien réalisé en Mars 2014

Considérez-vous le droit de l'urbanisme comme une contrainte qui limite de façon excessive la créativité ou comme un cadre nécessaire?

Les règles d'urbanisme sont comme les règles de n'importe quel jeu de société : sans cadre général, il ne peut y avoir de cohérence, c'est comme si l'un jouait à la bataille avec l'autre qui joue à la belote.

Quelles normes en particulier vous paraissent excessivement contraignantes ?

Le plus souvent ce sont celles impulsées par les groupes d'intérêt, les opportunités politiques, financières ou fiscales et autres élucubrations gadgets, assez rarement issues du bon sens ou ayant pour but l'intérêt des futurs résidents, dont on se prévaut pourtant.

La conséquence est un manque de cohésion dans le temps, à cause de textes volages qui changent tout le temps.

Comment vous positionnez-vous par rapport à l'architecture durable/écologique ? Avez-vous réalisé des projets de ce type dans l'exercice de votre métier ?

L'architecture écologique (celle a bilan énergétique et pollution zéro) est la seule possible. Sans cela, les sept milliards de pèlerins sur terre auront tôt fait de finir de dévaliser la boule.

Dans l'exercice de mon métier, je n'ai pas eu assez la possibilité de pousser dans cette direction à cause des coûts engendrés et du manque de motivation de la clientèle : par exemple, lors de l'arrivée des vitrages isolants, cela a été perçu comme tout a fait superflu (il est vrai qu'a cette époque le fuel et le gaz ne coûtaient quasiment rien) et puis, sur un plan simplement culturel, les clients trouvaient que le poêle a bois restait la solution ! Les plus nantis se hasardaient vers les doubles cloisons et les cheminées a feu ouvert et c'était déjà très bien.

On était en 1965-1970 : il aura fallu plus de cinquante ans pour commencer a faire

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bouger un peu les mentalités. Aujourd'hui on est encore très loin du compte et les enjeux financiers restent la seule arme pour convaincre... bien innocent celui qui pense que le civisme est un moteur important.

Que pensez-vous du développement croissant des normes environnementales en matière d'architecture et d'urbanisme ? Les considérez vous comme des contraintes supplémentaires ou comme quelque chose de positif ?

Les normes environnementales sont nécessaires pour donner le cap quand elle ne sont pas stupides ou inadaptables ou encore en perpétuel changement, c'est à dire dans un bon tiers des cas... Elles sont perçues comme des contraintes supplémentaires, presque toujours mal comprises ou mal expliquées ou les deux (voir les récentes catastrophes provoquées en bordure de mer).

Cela rentre déjà un peu mieux, quand il y a des incitations financières mais c'est tout... Mille fois j'ai entendu « Ho ! ils nous font chier avec leur conneries ! c'est pas eux qui payent ! » Il est vrai qu'il est difficile de prendre au sérieux un texte législatif qui change cinq fois le temps de réaliser l'ouvrage...

Dans un autre domaine, l'accès des bâtiments publics pour les handicapés... Regardez les escaliers devant tous les palais de justice de France ! Cela résume assez bien.

Alors, oui, bien sûr, il faut une règle du jeu, oui, bien sûr, elle doit évoluer avec les moeurs, les goûts, les modes, oui, bien sûr, elle va changer avec les nouvelles techniques et les nouveaux matériaux. Mais en amont, il faut bien expliquer et démontrer l'intérêt financier et faire que ça soit volontaire plutôt qu'obligatoire : ce qui sort de la cheminée, tout le monde s'en fout, par contre, ce qui sort du porte-feuille...

Quels matériaux utilisiez-vous dans l'exercice de votre métier ?

Les matériaux utilisés dans la construction sont tous normalisés : AFNOR, CSTB, CE et surtout les fameux DTU, qui sont la bible incontournable pour tous les intervenants.

Leur non-respect fait perdre à tout le monde le bénéfice des garanties des assurances professionnelles (sauf pour les mercenaires qui travaillent sans, qui ne sont

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que peu ou pas réprimandés, ou tous ceux qui exercent illégalement sans qualifications professionnelles et les voyous en tous genres.

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Annexe 3

Entretien avec deux jeunes diplômés de l'École Nationale d'architecture de
Versailles
Héloïse de Broissia vient d'avoir son diplôme.
La deuxième personne, déjà en poste dans une agence, a tenu a garder l'anonymat.
Entretien réalisé le 29 Mars 2014

En tant que jeunes architectes, considérez-vous le droit de l'urbanisme en général comme une contrainte qui limite de façon excessive la créativité ou comme un cadre nécessaire ?

Personne n°2 : Cette question est à double tranchant. D'un certain coté, pour conserver une harmonie urbaine, il est important d'avoir des règles qui cadrent l'acte de construire. Lorsque ce n'est pas le cas, comme à Dubaï, on se retrouve avec un tissus urbain assez disparate et mal équilibré. Mais il est vrai que certaines communes dans leurs réglementations urbaines sont trop directives (en imposant des toitures à double pentes, des matériaux ainsi que leurs coloris...) Néanmoins, on dit toujours que la créativité naît de la contrainte et on voit certaines opérations, qui, en jouant avec la réglementation, produisent les projets les plus intéressants.

Héloïse de Broissia : Pendant les études, on ne nous demande généralement pas de nous conformer aux règles d'urbanisme. Mais je partage l'avis selon lequel la créativité naît souvent de la contrainte.

Quelles normes/lois en particulier vous paraissent excessivement contraignantes ? Personne n°2 : Il est difficile de répondre à cette question car les principaux documents d'urbanisme avec lesquels nous travaillons sont établis par les communes et ces règles varient d'une commune à l'autre. (Par exemple : la Trinité sur mer impose des toitures à double pentes avec un angle variant entre 35 et 45°, des ardoises comme matériaux de couverture...)

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Il faut savoir également qu'il est possible de déroger aux règles d'urbanisme de certaines communes (à ma connaissance principalement en Région parisienne) en justifiant que le projet crée une meilleure harmonie urbaine. C'est un point que nous pouvons négocier avec les services d'urbanisme des communes en question.

Cela dépend également des classifications des secteurs urbains, par exemple les lois qui régissent une ZPPAUP sont extrêmement contraignantes alors que quand on travaille dans un secteur AU, le cadre est beaucoup plus souple.

Héloise de Broissia : Ce n'est pas tellement une loi ou norme en particulier qui est très contraignante, c'est plutôt l'accumulation de toutes les normes. A la fois les règles du Code de l'urbanisme, mais également les normes PMR, incendie, code du travail, code de la construction ERP... Il y a beaucoup d'articles et de livres qui parlent de ça en ce moment. En fait, l'accumulation de toutes ces normes à des répercussions sur le coût des bâtiments. De grands groupes comme Vinci et Bouygues, par exemple, commencent à manifester contre ça. D'autre part l'Ordre des architectes milite également pour un allègement de toutes ces normes.

Comment vous positionnez-vous par rapport à l'architecture durable/écologique Personne n°2 : Le développement durable est un phénomène positif pour l'architecture et qui a permis de créer de nouveaux métiers et matériaux.

Mais il faut savoir que les industries ont la main mise sur ce secteur et que les règles d'urbanisme qui traitent du développement durable et qui permettent d'avoir des subventions sont encore trop récentes et pas adaptées. (Tu peux lire: HQE Les renards du Temple de Rudy Ricciotti)

Afin d'avoir un label ou des subventions, nous devons justifier de la production d'énergie, et utiliser uniquement des matériaux labellisés et non de la manière dont le bâtiment a été pensé... (les dimensions des ouvertures et les épaisseurs d'isolation.)

Point important à savoir : La majorité pour ne pas dire la quasi totalité des bâtiments HQE ne sont optimum que dans le cas de température extrême (chaud ou froids) mais pour le reste ils ne sont pas adapté.

On peut parler aussi du Plan climat de Paris, qui, en 2010 imposait les mêmes

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consommations énergétiques à des bâtiments de logement, bureau ou EHPAD, il n'y avait pas encore de distinction. Cependant il faut savoir que les consommations énergétiques de bureau ou EHPAD sont nettement supérieures à celle des logements.

En conclusion : oui à la pensée durable, mais il faut regarder en détails le cadre juridique sur lequel il repose.

Héloise de Broissia : Je partage cet avis et te conseille vivement ce livre de Ricciotti qui ouvre les yeux sur le fait que la course aux Labels HQE est un véritable marché et que ces règles manquent parfois cruellement de bon sens. Cependant, l'architecte se doit d'être sensibilisé à la protection de l'environnement et être conscient de l'impact de ses projets sur la planète.

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Annexe 4

Paragraphe introductif de l'article L110 du Code de l'urbanisme Ce paragraphe introductif définit les objectifs généraux de l'urbanisme :

« Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. Chaque collectivité publique en est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences. Afin d'aménager le cadre de vie, d'assurer sans discrimination aux populations résidentes et futures des conditions d'habitat, d'emploi, de services et de transports répondant à la diversité de ses besoins et de ses ressources, de gérer le sol de façon économe, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de réduire les consommations d'énergie, d'économiser les ressources fossiles d'assurer la protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la biodiversité notamment par la conservation, la restauration et la création de continuités écologiques, ainsi que la sécurité et la salubrité publiques et de promouvoir l'équilibre entre les populations résidant dans les zones urbaines et rurales et de rationaliser la demande de déplacements, les collectivités publiques harmonisent, dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et leurs décisions d'utilisation de l'espace. Leur action en matière d'urbanisme contribue à la lutte contre le changement climatique et à l'adaptation à ce changement. »

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Annexe 5

Constructions dont il est question dans la Partie 1

Figure n°1 : Les colonnes de Buren sur le parvis du Palais royal à Paris (artiste : Daniel Buren, 1986)

Source : http://wikipedia.fr

Figure n°2 : La gare TGV d'Aix-en-Provence (architecte : Jean-Marie Duthilleul, 2001)

Source : http://architopik.lemoniteur.fr/

Figure n°3: Le Palais omnisports de Bercy (architectes : Michel Andrault et Pierre Parat, 1983)

Source : http://vincentthe2.blogspot.fr/

Figure n°4 : Le centre d'aviron sur les rives du Douro au Portugal (architecte : Alvaro Fernandes Andrade, 2013)

118

Source : http://www.ozartsetc.com/

119

Figure n° 5 : Salle de rock « Stadium » à Vitrolles (architecte : Rudy Ricciotti, 1990)

Source : http://www.rudyricciotti.com/

Figure n°6 : La rénovation de l'Opéra de Lyon (architecte : Jean Nouvel, 1993)

On observe en particulier le dôme vitré qui n'existait pas dans l'édifice original.

Source : photographie personnelle

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Figure n°7 : La caserne militaire à Mulhouse, reconvertie en habitat collectif (TOA architectes associés, 2013)

Source : http://www.dna.fr/

Figure 8 : Musée gallo-romain de Lyon-Fourvières (architecte : Bernard Zehrfuss,

1975) Le musée est enterré. Les « canons à lumière » sont les rectangles noirs cerclés de blanc qu'on voit sur la partie droite de la photographie.

Source : http://wikipedia.fr

Figure n°9 : Le Centre Georges-Pompidou à Paris (architectes : Renzo Piano, Richard Rogers et Gianfranco Franchini, 1977)

121

Source : http://arpc167.epfl.ch

122

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages

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CHOAY, Françoise : L'urbanisme : utopie et réalité. Seuil, 1979

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GUILLOT Ph. Ch.-A., DARNANVILLE Henry-Michel : Droit de l'urbanisme. Ellipses, 2012

HOCREITERE, Patrick (sous la direction de) : Le Plan local d'urbanisme, 2e édition, éditions Groupe Berger-Levrault, 2008 : p. 32 à 34

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MONIER, Mireille: L'urbanisme de protection : un droit au service du patrimoine. Lextenso Editions, Gualino 2013

MORAND-DEVILLER, Jacqueline : Droit de l'urbanisme 8ème édition 2008, Memento Dalloz

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RICCIOTTI, Rudy, L'architecture est un sport de combat, entretien avec David D'Equainville. Éditons Textuel, 2013

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Films documentaires

Réflexions croisées sur le développement durable, Maison de l'architecture et de la ville

PACA , 2010 :

Interview de Michel Benaïm, architecte ;

Interview de Guy Moureaux, Maire d'Entraigue sur Orge ;

Interview d'Oliver Sidler thermicien ;

Interview de Sébastien Giorgis, architecte et paysagiste ;

Interview de Sabine Barles, ingénieure au CNRS

Faits d'architecture (2) / 7 émissions TV conçues par Catherine Terzieff ; divers réalisateurs Ministère de la culture : images de la culture, architecture et design, 2000 Émission consacrée au Palais Omnisports de Bercy

Sites internet

Sites internet d'accès au droit

Site internet de Legifrance, le service public de la diffusion du droit, Code de l'urbanisme, Code du Patrimoine, Code de la construction, Code de l'environnement, Code forestier en ligne http://Legifrance.fr.gouv

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Site internet du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie : « politique des sites »: http://www.developpement-durable.gouv.fr/

Site internet dédié à la Loi ALUR http://www.la-loi-alur.org

Site internet de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) « Le crédit d'impôt développement durable » http://ecocitoyens.ademe.fr/financer-mon-projet/renovation/credit-dimpot-developpement-durable

Site internet des formations Feebat, Formations aux économies d'énergie dans le bâtiment http://batiment.feebat.org/ : « parties prenantes »

Divers

Site internet de l'École d'urbanisme de Versailles, page « master » : http://www.versailles.archi.fr/

Site internet du musée Gallo-Romain de Lyon-Fourvières : http://www.musees-gallo-romains.com/lyon_fourviere/presentation

125

Site internet de l'agence d'architecture Rudy Riciotti : http://www.rudyricciotti.com/

126

Articles issus de revues spécialisées

Revues spécialisées en architecture

EK : villes en transition architectures durables, A Vivre éditions

Dossier « Traces recyclées : transformation d'une ancienne caserne en logements à Mulhouse » : Magazine EK Villes en transition, architectures durables. A vivre éditions, N°36 Décembre 2013-Janvier 2014. Pages 63 à 69

Revues spécialisées en urbanisme

Urbanisme

Hors série n°45 « L'écologie, l'énergie, les villes » www.urbanisme.fr

« Un nouveau regard sur les grands ensembles », Urbanisme n°388 Printemps 2013 p.30

Entretien avec Cécile Duflot, Ministre de l'Égalité des territoires et du Logement. Urbanisme n°45 Juin 2013. Hors Série. « L'urbanisme, la ville, l'écologie ». La revue urbanisme. N°388 Printemps 2013

Bruno Vayssière : Entretien « Pour une patrimonialisation délibérée », dossier « Les grand ensemble, histoire et devenir » Urbanisme n°322, janv.-févr. 2002

Revues spécialisées en environnement

Revue en ligne, Actu-environnement.com

L'actualité professionnelle du secteur de l'environnement: http://Actu-environnement.com:

127

« Modernisation de l'action publique territoriale : où est la simplification ? »

29 Janvier 2014

http://www.actu-environnement.com/ae/news/modernisation-action-publique-territoriale-environnement-energie-20577.php4

Interview de Philippe Billet, professeur agrégé en droit public : « Les compétences du maire

en matière d'environnement sont variées ». 28 Mars 2014

http://www.actu-environnement.com/ae/news/philippe-billet-maires-competences-environnement-21210.php4#xtor=EPR-1

« L'innovation peut elle sauver la planète ? » : Agnès Sinaï, 1er Avril 2014 http://www.actu-environnement.com/ae/news/regards-terre-2014-innovations-durables-21241.php4#xtor=EPR-1

« Plan bâtiment durable : des efforts demeurent dans la rénovation », http://actu-environnement.com/ae/news/plan-bâtiment-durable-renovation-20620.php4

Environnement Magazine

«Rénovations thermique. Ecoconditionalité : un premier pas vers l'efficacité », Mars 2014, n° 1725

Environnement & Énergie Magazine

« Batîment : efficacité active, mode d'emploi « , n°17, Mars 2014

Entretiens

Entretien avec Noëlle Charpentier, architecte à Metz, do-directrice de l'Atelier A4 architecture et urbanisme durables. Entretien réalisé le 28/02/2014 : Annexe 1

128

Entretien avec Christian Périnel, architecte à la retraite (Lorraine) : propos recueillis en Mars 2014 : Annexe 2

Entretien avec deux jeunes diplômés de l'architecture de Versailles, entretien réalisé le 29 Mars 2014 : Annexe 3

Dictionnaires

Dictionnaire en langue française, Le Robert, 1995, sous la Direction d'Alain Rey

Dictionnaire Larousse, 2012

Dictionnaire Dalloz, 2012

Le petit Larousse illustré, 2008

Dictionnaire de l'aménagement du territoire : État des lieux et prospectives, sous la direction de Serge Wachter, éditons Belin, 2009

« Densité » p.152 à 156

Articles publiés dans des revues généralistes

Interview de Andrew Todd pour cafébabel.com : le magazine européen.'L'architecture, un acte politique » 28/09/2008

Interview de Rudy Ricciotti « CRICR /La République » (1993), PACA n°13, 1994, p30 et 37

Interview de Rudy Ricciotti : « architecte, je lutte contre la pornographie réglementaire » Publié le 25 avril 2013 sur le site Contrepoints.org

129

HUGO, Victor : « Guerre aux démolisseurs », Revue des deux mondes, 1° mars 1832.

Dossier « Nouvelles infrastructures de transport», Revue Pays d'Aix, n°5 Janvier-Février 2014, P.18 et 19

Articles et travaux universitaires

AMPHOUX Pascal, TIXIER, Nicolas, « L'architecture sous contraintes », in Colloque international L'écriture à contrainte, Université Grenoble III - Stendhal, CEDITEL, Grenoble, 25 au 27 mai 2000.

OGIER, Magali : Innovations architecturale et droit de l'urbanisme. Mémoire de DESS en droit de l'urbanisme et de la construction, 1995

Articles issus d'organisations professionnelles d'architectes

Bulletin de la Société française des architectes, n°514, 4e semestre 2013

« Le logement social aujourd'hui : dans quel état est-il ? » François Frédéric Müller et Emmanuelle Colboc, architectes

« L'Ordre des architectes quitte l'association HQE : Quelques explications» Communiqué publié que le site internet de l'Ordre national des architecte, Avril 2005

130

TABLE DES MATIERES

Remerciements p.5

Introductionp.6

Partie 1) droit de l'urbanisme et innovation architecturale en matière esthétique p.19

Titre 1) Le droit de l'urbanisme : un droit de la protection de l'esthétique qui est un obstacle à

l'innovation architecturale p.20

Chapitre 1) Les règles de protection du patrimoine architectural

p.21

§1) Origine et évolution de la notion de patrimoine

p.21

1)Définition et origine de la notion de patrimoinep.21

 

2)Évolution de la notion de patrimoinep.22

 

§2)Les outils juridiques de la protection du patrimoinep.23

 

1)Protection générale par le droit de l'urbanismep.23

 

2)Protection au titre des monuments historiques

p.24

3)Les Aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoinep.26

 

4)Les secteurs sauvegardésp.26

 

Chapitre 2) Les règles de protection des paysages et des espaces naturels

p.28

§1)Fondements et définitionp.28

 

1)Fondements de la protection des paysages et espaces naturelsp.28

 

2)Définition des termesp.28

 

§2)Les outils de protection des sites et espaces naturelsp.29

 

1)La protection des sitesp.29

 

a) une protection générale des sites par le droit de l'urbanismep.29

 

b)Les sites inscrits et classésp.30

 

c)La loi du 8 Janvier 1993 : une protection renforcée des sitesp.31

 

d)Les aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine : volet paysagerp.32

 

e)Le « patrimoine mondial de l'humanité »

p.32

f)Les espaces boisés classésp.32

 

2)La protection des espaces naturelsp.33

 

a)Les espaces naturels sensiblesp.33

 

b)Les lois montagne et littoral.p.34

 

c)Les zones Natura 2000p.34

 

d)Les parcs nationaux et la parcs régionauxp.34

 

Chapitre 3) Le contrôle de l'esthétique par le juge administratif

p.36

§1)Les moyens de contrôle du juge administrati

p.36

1)Présentation et fondements

p.36

2)Deux niveaux de contrôle

p.37

§2)L'examen des faits et la décision du jugep.38

 

Titre 2)Les architectes et la contrainte réglementaire en matière esthétique: une relation

p.40

ambivalente

Chapitre 1)Le droit de l'urbanisme : une contrainte excessive pour les architectesp.41

 

§1)Les excès de la protection du patrimoine architectural

p.41

1) Un certain rejet de ma modernité esthétique

p.41

2)Le risque des « villes musée »

p.41

§2)Les excès de la protection des sites et des espaces naturels

p.42

1)La sacralisation des paysages et des espaces naturel

p.42

2)Différentes façons d'introduire une construction dans un paysage

p.43

§3)Une critique générale des règles d'urbanisme

p.44

1)Les règles d'urbanisme briderait la créativité des architectes

p.44

2)L'empilement des normes complique excessivement l'exercice du métier d'architecte

p.45

Chapitre 2)Le droit de l'urbanisme : une contrainte nécessaire, un outil de travaillent, voire un

moteur pour l'innovation architecturale p.48

§1)La nécessité des règles d'urbanisme p.48

1)Pour un développement harmonieux des villes p.48

2)La nécessité de protéger les sites et le patrimoine architectural p.49

§2)Le droit de l'urbanisme : un cadre de travail pour les architectep.50

1)Une composante du cadre de travail des architectes p.50

2)L'urbanisme de projet : quand le projet crée la contrainte p.51

§1)Les contraintes architecturales comme moteur de l'innovation esthétique p.52

1)Les contraintes liées à la protection du patrimoine architectural et paysager comme moteur de la

créativité p.52
2)Dans le processus de création, les architectes se donnent d'autres contraintes de nature esthétiques p.54

131

Conclusion de la partie 1 p.55

132

Partie 2) Droit de l'urbanisme et innovation architecturale en matière de protection de l'environnementp57

Titre 1)Le droit de l'urbanisme et la prise en compte des enjeux environnementaux en

architecture p.58

Chapitre 1)La prise en compte des enjeux environnementaux dans l'architecture à l'échelle

internationale p.58

§1)Prise de conscience institutionnelle des enjeux environnementaux et genèse du développement

durable p.59
1)Contexte de prise de conscience des enjeux environnementaux et courants théoriques avant le

développement durable p.59
a)Les premières organisations de défense des enjeux environnementauxp.59

b)L'internationalisation du débat et la genèse du développement durable p.60
2)Émergence du développement durable et définitionp.61 a)Notre avenir commun, 1987p.61 b)Le sommet de la terre de Rio en 1992p.62

§2)La prise en compte des enjeux environnementaux en architecture : un phénomène

internationalp.63 1)Une architecture économe en énergie dans son fonctionnementp.63 a)La technologie au service de l'environnementp.64 b)L'adaptation de l'architecture au climatp.65 2)Une architecture économe en énergie par ses matériauxp.66 a)La question de l'énergie grisep.66 b)L'habitat passif et basse consommationp.67 3)Un architecture qui porte une atteinte la plus faible possible aux paysages et aux espaces naturelsp.67 4)La nécessité d'une architecture accessible à tousp.68

Chapitre 2)Les enjeux environnementaux relatifs à l'architecture dans le droit de l'urbanisme

français p.70

§1)Les engagements de la France en matière environnementale et les objectifs à atteindrep.70

1)Les engagements internationaux de la France en matière environnementale p.70
a)Les engagements internationaux non juridiquesp.70 b)Les directives européennesp.71

2)Les engagements nationaux p.72

§2)La mise en oeuvre des objectifs environnementaux en matière de construction dans le droit de l'urbanisme français_p.73

1)Les règles d'efficacité énergétique issues des lois de Grenelle p.73
a)Les règles pour les bâtiments existantsp.73 b)Les règles pour les bâtiments neufsp.74 c)Les incitations à la rénovation des bâtiments pour accroître les performances énergétiquesp.75 2)La modification des documents d'urbanisme avec les lois de Grenellep.76 a)Les documents d'urbanisme qui contiennent des considérations environnementales d'ordre général auxquelles l'efficacité énergétique peut se rattacherp.76 b)Le plan local d'urbanisme : un outil qui permet directement de promouvoir une architecture

environnementalep.77 3)Les études d'impact environnemental : une obligation issue des lois de Grenellep.78

133

Titre 2) Un droit trop axé sur les innovations technologiques : critiques et propositions pour

l'avenir p.80

Chapitre 1) Les problèmes posés par un droit de l'urbanisme trop axé sur les innovations

technologiques p.81

§1)Les problèmes posés par l'accumulation des règles techniques pour les professionnels du

bâtiment p.81
1)Une reconnaissance générale du bien-fondé de l'existence de règles environnementales dans le secteur du bâtimentp.81 a)La nécessité de règles en matière environnementalep.81 b)Les règles environnementales créent des opportunités dans le secteur du bâtimentp.82 c)Des règles qui peuvent être perçues comme trop unilatéralesp.83 2)Le problème de l'accumulation des normes techniquesp.83 a)L'accumulation des normes compliquerait à outrance le travail des professionnels du bâtimentp.83 b)Par l'accumulation des normes techniques, le droit de l'urbanisme oublie l'essentiel : l'espace à vivre

p.84

§2)L'architecture environnementale telle que l'envisage le droit de l'urbanisme français s'éloigne

des principes du développement durable p.85

1)Rappel des principes du développement durable tels qu'ils figurent dans le droit de l'urbanisme p.85

2)Des critiques d'ordre environnemental, social et économiquep.87 a)Le coût écologique des technologies de pointep.87 b)La question des matériaux labellisés HQE®p.87

Chapitre 2)Propositions pour une urbanisation plus durable sans passer par des innovations technologiquep.92

§1)La densité : l'enjeu clef d'une urbanisation durablep.92 1)Qu'est-ce-que la densité ?p.92 2)Une densité vivable nécessite une évolution socio-économique que l'architecture peut rendre

possiblep.94 a)L'enjeu d'une densité vivablep.94 b)Rendre la densité durable par l'innovation architecturalep.95

§2)L'échelle locale est celle ou la volonté politique peut entraîner le développement d'une

architecture durable p.96
1)La commune : échelle spatiale pertinente pour une urbanisation durablep.96 a)Les compétences de la commune en matière environnementalep.96 b)Rappel de la fonction du PLU en matière environnementalep.97 c)Le cas de l'écoquartierp.97 2)Le transfert de compétences au groupement de communes : une amélioration pour une urbanisation plus

durable ? p.100
a)Le transfert de compétences de la commune au groupement de communep.100

b)Le plan local d'urbanisme intercommunal (le PLUi) p.101

Conclusion de la Partie 2p.102

Conclusionp.104

134

Annexe 1p.106 Annexe 2p.110 Annexe 3p.113 Annexe 4p.116 Annexe 5p.117 Bibliographiep.122






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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery