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Droit de l'urbanisme et innovation architecturale. Des rapports ambivalents.

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par Laura Lemaire
Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence - Diplôme de l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence 2014
  

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INTRODUCTION

En 2013, le projet de la gare routière d'Aix-en-Provence, conçu par l'architecte Jean-Marie Duthilleul, a reçu, au Congrès national des établissements publics locaux, le prix Innovation EDF/EPL pour ses performances énergétiques ainsi que pour sa qualité architecturale, environnementale et technique.1 Le projet a donc été récompensé pour son aspect esthétique mais aussi pour son aspect environnemental. La nouvelle gare routière d'Aix-en-Provence est donc un ouvrage représentatif des enjeux actuels de l'urbanisme et de l'architecture : concilier qualité architecturale, harmonie de l'édifice avec son environnement et développement durable.

Dans ce mémoire, il sera question d'architecture, d'urbanisme et plus particulièrement de droit de l'urbanisme, d'esthétique et d'environnement. Et avant d'aller plus loin et de présenter les rapports entre droit de l'urbanisme et innovation architecturale, il semble nécessaire de définir un certain nombre de termes.

Urbanisme :

« Ensemble des mesures techniques, administratives économiques et sociales qui doivent permettre un développement harmonieux, rationnel et humain des agglomérations »2

« Ensemble des arts et techniques concourant à l'aménagement des espaces urbains en fonction de données démographiques, économiques, esthétiques en vue du bien-être humain et de la protection de l'environnement »3

L'urbanisme suppose l'idée d'une organisation rationnelle et donc l'idée de planification. C'est donc avec les débuts de la planification urbaine après la Première guerre mondiale que naît le droit de l'urbanisme.

Mais si le droit de l'urbanisme apparaît tardivement, à la fin du XIXe siècle, les penseurs réfléchissent depuis l'Antiquité à l'organisation que devrait avoir la ville idéale.4 C'est le cas par exemple de Platon dans Les Lois et La République. Et dans la lignée de

1 Dossier « Nouvelles infrasctructures de transport», Revue Pays d'Aix, n°5 Janvier-Février 2014, p.18 et 19

2 Dictionnaire Larousse, 2012

3 Dictionnaire culturel en langue française, Le Robert, sous la direction d'Alain Rey, Tome 4 (R-Z), 1995 « urbanisme » p. 1686

4 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : Droit de l'urbanisme, 8ème édition,2008, Memento Dalloz. p.1

7

l'Antiquité, la Renaissance donne lieu a plusieurs utopies célèbres qui sont des réflexions sur la ville idéale. On peut citer Utopia de Thomas More, paru en 1516 en encore La cité du soleil de Tomaso Campanella (1613).

Cependant, c'est au XIXe siècle que les théories sur la ville idéale se font les plus nombreuses. Et cela donne lieu à deux grands courants principaux : le courant progressiste et le courant culturaliste. Le courant progressiste se caractérise par une croyance absolue dans le progrès et l'universalisme. Le courant culturaliste au contraire se caractérise par l'admiration du passé et la nostalgie de la société pré-industrielle. Cependant, comme leurs prédécesseurs dans l'histoire des idées, il s'agissait peu pour les intellectuels du XIXe siècle de passer à la réalisation concrète. Françoise Choay parle de « pré-urbanisme ».5

Le XIXe siècle voit donc apparaître des intellectuels qui consacrent des ouvrages entiers à l'organisation de la ville. Cela va contribuer à la naissance de la notion d'urbanisme à la fin du siècle.

Le terme d'urbanisme, urbanizacion en Espagnol, apparaît pour la première fois sous la plume de l'ingénieur catalan Illdefons Cerdà dans son ouvrage Théorie générale de l'urbanisation en 1887. En France, il a fallu attendre 1910 et le néologisme forgé par Pierre Clerget dans un article de la Revue neuchâteloise de Géographie pour que le terme d'urbanisme entre dans le vocabulaire. En 1911 ensuite, fut fondée la Société Française des urbanistes (SFU), « société savante » selon le vocabulaire de l'époque et enfin, en 1953 l'école des Beaux arts de Paris commence à enseigner l'urbanisme à ses étudiants en architecture.6

L'urbanisme est donc à la fois un champ disciplinaire lié aux sciences humaines et un champ professionnel qui regroupe l'ensemble des pratiques et des techniques qui découlent de la mise en oeuvre des politiques urbaines telles que le logement et les transports par exemple. Dans le champ professionnel, on distingue l'urbanisme réglementaire qui consiste en la législation de l'urbanisme et l'urbanisme opérationnel qui consiste en la mise en oeuvre d'actions sur le terrain.

5 CHOAY, Françoise : L'urbanisme : utopie et réalité. Seuil, 1979

6 Idem.

8

Droit de l'urbanisme

En France, comme on l'a dit, on ne parle de droit de l'urbanisme que depuis la fin de la Première guerre guerre mondiale. En effet, à cet époque, l'état de dévastation du pays et la nécessité de reconstruction rendit nécessaire une réflexion globale sur la ville et surtout la planification de la reconstruction du pays. Cela s'accentua encore avec la Seconde guerre mondiale.

Cependant, avant même le XXe siècle, on observe des mesures de l'État pour encadrer la construction de la ville. On ne parle pas encore d'urbanisme puisque le terme n'a pas encore été inventé mais on parle de mesures de police administrative. En France ce type de mesures relatives à la ville date du début du XVIIe siècle.

Les premières mesures de police relative à la ville : aménagement des voies publiques, salubrité, sécurité et esthétique7

La première norme qu'on peut assimiler à de l'urbanisme date de 1607 avec l'Édit d'Henry IV qui impose aux constructeurs de respecter le principe d'alignement des rues et donne à l'administration le pouvoir de les y contraindre. Des plans d'alignements seront établis ensuite par différents monarques, par la Révolution (loi de 1791), le Premier Empire (loi de 1807) et par la loi municipale du 5 avril 1884. La première norme assimilable a de l'urbanisme concerne donc l'aménagement des voies publiques. Avant cela, les villes étaient construites de manières anarchiques, les architectes n'étant soumis qu'à des exigences matérielles et de bon sens :

« Le dessin des voies, ainsi que la dimension des logements résultaient surtout du bon sens, et aussi du savoir faire technique de l'époque, ainsi la largeur des habitations populaires du Moyen-âge dépassait rarement les cinq mètres car cela correspond à la portée maximale d'une poutre. »8

La police de la sécurité est un élément important du droit de l'urbanisme qui apparaît plus de deux siècles plus tard : il s'agit de contrôler par voie d'autorisation ou de déclaration préalable les établissements dangereux, incommodes ou insalubres. En 1810, un décret impérial classe 3 degrés de dangerosité. Ce décret est complété un peu moins d'un siècle plus tard par la Loi du 21 juin 1898 relative aux immeubles menaçant ruine :

7 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : op. Cit. : p.3 et 4

8 OGIER, Magali : Innovations architecturale et droit de l'urbanisme. Mémoire de DESS en droit de l'urbanisme et de la construction, 1995

9

le maire a l'obligation de faire détruire un immeuble qui présente des dangers pour les passants ou les voisins.

Le troisième type de ces mesures de polices administratives relatives à la ville est la police de la salubrité : en 1852 apparaît en effet un décret-loi qui oblige les constructeurs à aménager des réseaux d'évacuation des eaux, d'abord à Paris, puis cela est étendu à d'autres villes. L'idée vient du Baron Hausmann. Puis, cinquante ans plus tard, la Loi du 15 février 1902 oblige chaque commune de plus de 20 000 habitants à adopter un règlement sanitaire. Aucune construction ne pouvait être entreprise sans un permis qui attestait de la conformité au règlement sanitaire.

La protection de l'esthétique, enfin, est le type de mesures de police administratives relatives à la ville qui apparaît en dernier et ne se conçoit que rattachée à la conservation du patrimoine. La conservation du patrimoine recouvre deux choses : la protection des monuments historiques et la protection des sites.

Un monument historique est, en France, un monument ou un objet recevant par arrêté un statut juridique destiné à le protéger du fait de son intérêt historique, artistique ou architectural. La loi du 30 mars 1887 pour la conservation des monuments historiques fixe pour la première fois les critères et la procédure de classement.

La notion de site, quant à elle, correspond au paysage considéré sous le plan de l'esthétique. Les lois des 21 avril 1906 et 2 mai 1930 viennent, de même, encadrer les critères et la procédure de classement des sites.

Enfin la la loi du 13 juillet 1911 introduit la notion de « perspective monumentale ».

Alignement des voies publiques, sécurité, salubrité, esthétique : tels ont donc été les premières mesures de police administratives relatives à l'organisation des villes. Celles ci ne ce se détachaient cependant pas encore du droit de la construction et des objectifs de la police administrative traditionnelle. On était dans le cadre de règles strictes de construction imposées au particulier et pas encore dans le domaine de la planification. Or, c'est avec les débuts de la planification que naît réellement le droit de l'urbanisme.

10

La France dans une dynamique de planification

La première loi de planification urbaine apparaît en France en 1919, à l'imitation de pays voisins comme la Suède (1874), Pays-Bas (1901) et Grande Bretagne (1909) et fait suite à la nécessité de reconstruction des villes du nord et de l'est après la Première guerre mondiale. Il s'agit de la La loi Cornudet du 14 Mars 1919.

Cette loi prescrivait l'établissement dans un délai de trois ans de « projets d'aménagement d'embellissement et d'extension des villes » dans les communes de plus de 100 000 habitants et dans les villes « sinistrées, pittoresque ou en extension rapide ».

Cette loi prévoyait une certaine forme de décentralisation : en effet les plans étaient du ressort des communes. Cependant, si le maire ne prenait pas de décision le préfet pouvait se substituer à lui.

En pratique, la portée de la Loi Cornudet fut limitée puisque la procédure était trop lourde pour des communes dépourvues de moyens d'y faire face. Cependant, la « loi Cornudet » est un apport considérable. En effet elle pose le principe de planification à l'échelle communale : c'est donc l'ancêtre direct des POS (Plans d'occupation des sols).

Ensuite, la loi du 1e Juillet 1924 complète la Loi Cornudet. En effet, celle-ci soumet les lotissements à autorisation préalable.

Puis, par la jurisprudence Lainé, le Conseil d'État admet la légalité des zonages et des affectations du sol à des usages différents.9 C'est un principe qui dominera l'urbanisme jusqu'au années 80 : logements, lieux de travail, commerces et lieu de loisirs sont séparés dans des zones différentes.

Enfin, par la loi du 15 Juin 1943, l'urbanisme est déclaré « affaire d'État » et doté de services propres. Avant cela le ministère de l'intérieur avait la responsabilité de l'urbanisme mais par cette loi, fut créé une Délégation à l'Équipement national avec une direction de l'urbanisme. Les services extérieurs sont placés sous l'autorité d'un inspecteur général et aménagés au niveau régional.

Dès les débuts de la planification, l'urbanisme avait donc vocation a promouvoir un certain équilibre entre les territoires et à imposer des normes aux constructeurs dont font partie les architectes.

9 Arrêt du Conseil d'État, 23 février 1934, Lainé

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Les enjeux de l'urbanisme et le droit de l'urbanisme depuis 1945

En 30 ans entre 1945 et 1975, la population urbaine en France augmente de 14 millions d'habitants sous les effets simultanés du Baby-boom et de l'exode rural. Le grand enjeu de l'urbanisme devient donc le logement. Il s'agit de construire vite et beaucoup : on assiste à un doublement du nombre de mise en chantier. Pour la seule année 1970 près de 500 000 chantiers sont lancés. Cette situation est celle des Trente Glorieuses et nécessite une politique d'envergure. Et en même temps il s'agit de ne pas construire de manière anarchique : les Trente Glorieuses sont donc une période de l'essor de la planification et de l'urbanisme prospectif.10

De 1950 à 1960 il s'agit donc avant tout de faciliter les opérations d'urbanisme. La loi du 21 Juillet 1950 crée un régime d'aide financière à la construction et la loi du 21 Juillet 1950 élargie les possibilités d'expropriation pour en faire bénéficier les constructeurs privés. De plus, par les décrets du 31 Décembre 1958 sont créés les statuts de deux opérations spécifiques d'aménagement : les ZUP (Zones à aménager en priorité) et la rénovation urbaine. Enfin, avec les programmes de restauration immobilière (Loi Malraux, 4 août 1962) et les Zones d'aménagement différées (ZAD), 26 Juillet 1962), on passe à une politique de sauvegarde et de rénovation qui rompt avec les démolitions brutales et les « grands-ensembles » tant décriés.

Les Trente Glorieuses sont aussi l'époque de l'essor de la planification et de l'urbanisme prospectif. En effet se développe l'idée d'étendre à l'ensemble du territoire l'application de documents d'urbanisme de portée différente. Au niveau supra-communal, les Schéma directeurs d'aménagement et d'urbanisme (SDAU) jouent un rôle de prévision et d'orientation générale. Au niveau communal, il s'agit des Plans d'occupation des sols (POS) qui ont une fonction de réglementation de et zonage. C'est la loi d'orientation foncière du 30 décembre 1967 qui détermine leur régime. Les POS était au départ uniquement fait dans les aires métropolitaines mais bientôt, les communes rurales eurent obligation de se plier aux POS.

Se développe aussi la concertation : c'est à dire la rencontre et le débat organisé entre les différents acteurs intéressés par une opération d'urbanisme avant une prise de décision. Le but est d'atténuer le caractère technocratique et centralisé des décisions. Sont

10 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : op. Cit. : p.3

ainsi créées les Zones d'aménagement concerté (ZAC) par la loi d'orientation foncière du

30 décembre 1967.

Vers un droit de lurbanisme plus protecteur et qualitatif.

Par protection, on entend tout d'abord la protection de l'environnement : comme on le verra en détail dans la seconde partie de ce travail, les enjeux environnementaux prennent de plus en plus d'ampleur à partir de la fin des années 1960 et occupent dans le droit de l'urbanisme les premiers rangs dans la hiérarchie des valeurs.

Il s'agit aussi de la protection contre une trop forte urbanisation à travers des mesures coercitives contre la propriété privée. Est créé le plafond légal de densité (PLD) au dessus duquel il appartient à la collectivité de construire et le permis de construire se généralise.

Enfin, il s'agit de protéger les futurs occupants contre des constructeurs malhonnêtes ou défaillants à travers des lois sur la responsabilité des constructeurs et des maîtres d'ouvrage, des contrats incluant de nombreuses garanties.

Après 1983 avec la décentralisation et les nouveaux pouvoirs donnés aux communes, la concertation sert aussi à tempérer les nouveaux pouvoirs donnés aux communes. La Loi du 18 juillet 1985 rend à ce titre obligatoire l'organisation d'une concertation avec les habitants de la commune pendant la réalisation d'un projet d'aménagement. Se développe aussi la place faite aux associations avec les lois du 10 et

31 décembre 1995 notamment pour les associations agréées de protection de l'environnement et les associations foncières urbaines (AFU) inspirées des associations de propriétaires.

Enfin, il apparaît que l'État, d'avantage que de prendre en charge directement l'aménagement, poursuit des programme d'incitation à l'égard des organismes publics, parapublics et privés de l'aménagement. Cela prend la forme d'aide financières et du développement de la contractualisation.

Décentralisation et inflation normative

Avec les lois de décentralisation, sont transmises beaucoup de compétences au communes en matières d'élaboration des documents d'urbanisme et de délivrance

12

13

d'autorisation. Cela se caractérise par une inflation normative. Un rapport du Conseil d'État de 1992 dit Rapport Labetoulle, pointe la nécessité de rendre le droit de l'urbanisme plus synthétique et « plus efficace ». Le constat est le même aujourd'hui.

La Loi SRU et les débuts de l'urbanisme de projet

La Loi SRU de 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbain, opère une « une ambitieuses réforme de l'ensemble du système »11 La loi SRU tente en effet d'inciter les communes, souvent regroupées au communautés de communes, à mettre au point des Schéma de cohérence territoriale (SCOT) « afin d'aller vers une gestion intégrée des de l'urbanisme vers le développement durable »12 : les documents d'urbanisme doivent ainsi devenir non plus seulement des plans d'affectation des sols mais des véritables projets de développement urbain prenant en compte les enjeux de restructuration de l'existant, le développement économique, le développement des moyens de transport, les problèmes sociaux et les préoccupations environnementales.

La Loi SRU est donc au fondement de l'urbanisme de projet. En effet, la Loi SRU change profondément les documents d'urbanisme et plus exactement la procédure qui mènent à leur élaboration.

Cela a été encore accentué avec Les lois de Grenelle (2010) et par la Loi ALUR du 20 février 2014 qui a pour but pour les nouvelles construction outre de densifier en zone urbaine pour construire là où sont les besoins et de lutter contre l'étalement urbain. Pour cela il s'agit de favoriser les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI) 13

Le droit de l'urbanisme est donc né après la Première guerre mondiale de la nécessité de planifier la reconstruction des villes endommagées par la guerre. Après la Seconde guerre mondiale, l'enjeu principal de l'urbanisme est le logement : le droit de l'urbanisme a donc eu pour objectif de faciliter la construction. Cependant, dès cette époque, il s'est agit d'encadrer la construction. Avec les crises des années 1970, les projets de sont faits de moindres envergures et il s'est agit alors d'enjeux plus qualitatifs :

11 MORRAND-DEVILLER, jacqueline : op. Cit. : p.8

12 Idem.

13 Site internet dédié à la loi ALUR

14

la protection de l'environnement, la lutte contre l'étalement urbain et des enjeux plus sociaux comme la mixité sociale. Cette évolution du droit de l'urbanisme s'est caractérisée par un empilement de normes de plus en plus nombreuses.

Sources du droit de l'urbanisme

Le droit de l'urbanisme est peu encadré par le droit international. Cependant, depuis les années 1970, les liens entre droit de l'urbanisme et droit de l'environnement n'ayant cessé de se renforcer, la dimension internationale du second ne manque pas de se répercuter sur le premier, créant ainsi de nouvelles contraintes pour le secteur du bâtiment.

Outre l'environnement, on peut citer le droit de l'Union Européenne pour ce qui est des règles de la concurrence.

Depuis la loi de décentralisation de 1983, c'est par ailleurs aux élus locaux qu'incombe l'essentiel des fonctions de maîtrise d'ouvrage publique, urbaine et architecturale. C'est aussi aux élus locaux que revient le pouvoir de police de l'urbanisme car ce sont eux qui ont la responsabilité des documents d'urbanisme. Le droit de l'urbanisme relève donc de règles nationales et locales.

Dans ce mémoire il sera fait mention du droit de l'urbanisme dans une acception élargie puisque notre étude ne sera pas limitée aux règles issues du Code de l'urbanisme mais également des règles issues du Code du patrimoine, du Code de la construction ou encore du Code de l'environnement, qui sont intimement liés à l'urbanisme.

Une définition du droit de l'urbanisme

« Le droit de l'urbanisme peut être défini comme l'ensemble des règles concernant l'affectation de l'espace et son aménagement. »14

Il s'agit de mesures de police administrative et de servitudes d'intérêt public . Le droit l'urbanisme est donc rattaché de manière importante au droit administratif et également à d'autres branches du droit public tels que le droit fiscal, le droit de l'environnement, du patrimoine, de l'expropriation, de la propriété des personnes publiques et mais aussi du droit privé : droit de la construction et droit pénal notamment.

14 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : op. Cit. : p.1.

15

« Idéalement le droit de l'urbanisme est un droit de l'harmonie et de la conciliation entre ces diverses exigences » : sociale : droit au logement, diversité de l'habitat, qualité de vie, esthétisme , économique, protection de l'environnement, de l'esthétisme, de la qualité de vie imposant des limites à l'aménagement »

Il s'agit d'un droit parfois rigide et parfois souple et « qui laisse une large place aux décisions discrétionnaires en opportunité. »

Par ailleurs c'est un droit qui met en présence des acteurs diverses souvent en situation conflictuelle. Il faut donc des mécanismes de concertation préalable c'est à dire convaincre et persuader plutôt qu'ordonner.

Un aussi cependant un droit« discriminatoire » qui porte atteinte aux grands principes de liberté et de propriété. Cependant légitimité des règles de l'urbanisme découle du fait que la liberté consiste à ne faire que ce qui ne nuit pas à autrui, et la propriété n'est pas absolue : elle existe dans les limites que fixent les lois et règlements.

De plus, on assiste à un mouvement de développement des droits et libertés individuels notamment sous l'influence du droit de l'Union Européenne et du libéralisme. La jurisprudence actuelle du droit administratif défend de plus en plus les intérêts des administrés face à l'administration. Et il en va de même pour le droit de l'urbanisme.

Mais il est temps à présent de passer à la définition des autres termes du sujet : architecture, innovation et innovation architecturale.

Architecture

« Art de construire les édifices, d'en organiser l'espace et l'apparence, extérieure et intérieure ; ensemble des techniques qui y concourent en étant soumises au projet artistique »15

L'architecture est donc un art. Et dans la classification classique, l'architecture est même le premier des arts. C'est pour cela que l'architecture dépend en France du Ministère de la culture. L'architecture relève donc de la recherche artistique de nouvelles techniques, de nouvelles formes. Et comme tous les arts, l'architecture est marquée par des mouvements artistiques évoluant avec les époques.

Le mot architecture apparaît pour la première fois en langue française à la Renaissance dans une traduction du De architectura de l'architecte Romain Vitruve par

15 Dictionnaire culturel en langue Française, Le Robert, 2005, Tome 1 (A-D), sous la direction Alain Rey, « architecture » p. 468-470

16

Jean Martin. L'ouvrage fut nommé Architecture ou l'art de bien bastir et fut écrit en 1547.

Un art de l'espace et de la construction

Le De architectura de Vitruve écrit vers -25 est le seul traité d'architecture qui nous reste de l'Antiquité. Il s'agit d'une sorte d'encyclopédie des techniques de construction et de conception des ouvrages architecturaux, ainsi que des machines et instruments de mesure. Cette oeuvre a une influence importante durant le Moyen-âge et jusqu'à l'avènement de l'architecture classique et baroque au VIIe siècle. Pour Vitruve, l'architecture est une imitation de la nature. L'édifice doit donc s'insérer harmonieusement dans l'environnement naturel. L'architecte doit par ailleurs posséder une culture vaste et notamment philosophique. Il doit également avoir la connaissance de l'acoustique pour la construction des théâtres, de l'optique pour l'éclairage naturel des édifices et de la médecine pour l'hygiène des aires constructibles. Le livre 1 en particulier donne des indications sur l'organisation urbaine.16

D'après Vitruve, l'architecte de la Rome antique s'occupait donc ce qu'on appellera des siècles plus tard l'aménagement urbain. Cela reste vrai car aujourd'hui en France, de nombreux architectes ont également une formation d'urbaniste.

L'architecte est « celui qui conçoit l'édifice et en dirige la construction. »17 Le métier d'architecte s'apparente donc à la maîtrise d'oeuvre, il est celui qui maîtrise techniquement la construction des bâtiments et surveille la mise en oeuvre des projets architecturaux. On oppose en effet « maîtrise d'oeuvre » et « maîtrise d'ouvrage ». Le maître d'oeuvre est celui qui réalise le projet architectural et le maître d'ouvrage celui qui passe la commande. L'architecture est donc un art qui est intégrée à un secteur économique qui comporte des enjeux financiers importants : le bâtiment.

L'innovation correspond au fait d'innover, c'est à dire :

« Introduire dans une chose établie quelque chose de nouveau, d'encore inconnu »18

16 Table des matières de De Architectura. Maufras, 1847

17 Dictionnaire culturel en langue Française, Le Robert : op. Cit. : « architecture » p. 468-470

18 Dictionnaire culturel en langue Française, Le Robert : op. Cit. : « innover » p. 1998

17

Innovation architecturale et droit de l'urbanisme sont donc a priori des notions antagonistes. Le droit de l'urbanisme, en effet, est un droit contraignant qui a pour fonction l'harmonie esthétique des villes, quand l'architecture en tant qu'art porte en elle la recherche technique et esthétique qui implique l'innovation, c'est à dire la recherche de « quelque chose de nouveau » qui vient bouleverser ce qui existe déjà.

Par ailleurs, une innovation est considérée comme telle par rapport à l'époque à laquelle elle apparaît. La tour Eiffel par exemple, ce prodige architectural de l'exposition universelle de 1889 qui consiste en une tour de 300m de haut entièrement réalisée en métal choqua les Parisiens lorsque fut érigée. Victor Hugo lui même rédigea des pétitions pour que la mairie débarrasse la ville de ce « monstre de métal » qui défigurait Paris. Plus de 100 ans plus tard, la Tour Eiffel est le symbole de Paris dans le monde entier.

L'innovation d'hier peut donc devenir le patrimoine de demain. Et un droit qui se bornerait à protéger ce qui existe ne serait donc qu'une contrainte, quelque chose qui empêcherait toute innovation. Il s'agit donc de se poser la question des rapports souvent conflictuels entre innovation esthétique et droit de l'urbanisme. Mais une partie de ce travail sera également consacrée aux règles de nature environnementale du droit de l'urbanisme.

Environnement

« 1. Ce qui entoure, constitue le voisinage de.

2. Ensemble des éléments physiques, chimiques ou biologiques, naturels ou artificiels, qui entourent un être humain, un animal ou un végétal ou une espèce.

3. Ensemble des éléments objectifs et subjectifs qui constituent le cadre de vie d'un individu »19

La notion d'environnement rassemble tout ce qui constitue le cadre d'existence d'un être vivant. Par ailleurs l'environnement peut être naturel ou artificiel. Et il peut aussi s'agir d'éléments subjectifs, c'est à dire, qui dépendent de la perception de l'être vivant.

Depuis la fin des années 1960, la protection de l'environnement s'est imposée comme une nécessité. Ainsi, les enjeux environnementaux prennent une importance de

19 Le petit Larousse illustré, 2008

18

plus en plus considérable dans le droit de l'urbanisme. Et d'autre part s'est développé depuis cette époque ce qu'on appelle l'architecture environnementale.

Si le droit de l'urbanisme relatif à l'environnement est une contrainte supplémentaire pour les architectes, il est aussi un moteur de l'innovation dans le domaine technique s'agissant notamment des matériaux et de l'efficacité énergétique.

Il s'agira donc dans ce mémoire de réfléchir à la problématique suivante :

En quoi le droit de l'urbanisme français a-t-il un rapport différent à l'innovation quand on se place en matière esthétique et en matière environnementale et quels sont les enjeux de ce rapport dans les deux domaines ?

Dans la première partie, on s'intéressera aux rapports entre innovation esthétique et droit de l'urbanisme. On montrera que le droit de l'urbanisme est un droit hostile à l'innovation architecturale en matière esthétique. On présentera les principales règles d'urbanisme qui empêchent l'innovation esthétique puis on nuancera cette position en montrant le caractère nécessaire et même propice à l'innovation de la contrainte, notamment réglementaire. Dans la seconde partie, on réfléchira aux rapports entre innovation architecturale, protection de l'environnement et droit de l'urbanisme : on montrera qu'en matière environnementale, le droit de l'urbanisme à un rapport favorable à l'innovation architecturale mais que cela ne va pas sans poser de problèmes. On verra en effet que le droit de l'urbanisme français actuel prône une architecture environnementale technologique. On présentera donc les critiques que l'on peut adresser au droit de l'urbanisme actuel en matière environnementale et enfin on présentera des solutions pour une urbanisation plus durable.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld