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Conflits hommes-faune sauvage en Inde du sud: déterminants spatiaux et socioculturels


par Paul Badaire
Le Mans Université - Master Gestion des Territoires et Développement Local 2018
  

Disponible en mode multipage

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Université du Mans

Mémoire de 2ème année de Master

Mention Gestion des territoires et développement local Parcours Transition énergétique et développement

 

Conflits hommes-faune sauvage en Inde du Sud :

déterminants spatiaux et socioculturels

Paul Badaire

Mémoire dirigé par Mr. Andreu-Boussut

Session de Juin

Année universitaire 2017/2018

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier dans un premier temps mon directeur de mémoire, Mr. Andreu-Boussut, dont les conseils et les remarques ont permis d'enrichir ma réflexion et d'améliorer grandement la qualité de ce travail.

Je souhaite remercier aussi Mme Anitha, du Kerala Forest Resarch Institute, qui m'a suggéré le sujet des conflits hommes-animaux et sensibilisé sur les défis associés. En approfondissant la littérature sur ce sujet, j'ai découvert un champ d'étude, la coexistence hommes-faune sauvage, et une discipline, la géographie animale, passionnants.

Je remercie, de plus, Mr Madhusoodhanan, directeur adjoint de l'Aralam Wildlife Sanctuary et Mr Mir Mohammed, District Collector du district de Kannur, de m'avoir donné les autorisations nécessaires pour mener à bien le travail de ce mémoire, qui découle d'une initiative personnelle, sur le terrain de l'ouest de l'Aralam Wildlife Sanctuary.

Je remercie également Akhil, qui m'a assisté lors de l'enquête sur le terrain, à la fois pour la traduction et pour l'adaptation du questionnaire aux contraintes de la langue et des habitants.

Je remercie, en outre, les personnes qui ont accepté de participer à l'enquête et aux entretiens, à la fois pour la franchise et l'enthousiasme partagés.

Je remercie enfin Mrs. Karanth, Mrs. Emel, Mr. Sudakhar et Mrs. Talukdar pour leurs conseils et pour avoir gracieusement mis à ma disposition leurs articles scientifiques.

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SOMMAIRE

REMERCIEMENTS 2

SOMMAIRE 3

1. INTRODUCTION 4

2. CONTEXTE DE L'ÉTUDE 24

3. MÉTHODOLOGIE 30

4. CARACTÉRISTIQUES SOCIOÉCONOMIQUES DE LA POPULATION

INTERVIEWÉE 34

5. CARACTÉRISTIQUES DES CONFLITS HOMMES-ANIMAUX EN PÉRIPHÉRIE DE

L'AWS 40

6. CONFIGURATIONS SPATIALES ET RISQUES DE DÉGRADATIONS AGRICOLES

..49

7. ATTITUDES DES HABITANTS ET DÉTERMINANTS SOCIO-CULTURELS 68

8. DISCUSSIONS ET RECOMMANDATIONS 83

9. CONCLUSION 93

ANNEXES 95

BIBLIOGRAPHIE 105

TABLE DES FIGURES 118

TABLE DES TABLEAUX 118

TABLE DES MATIERES 119

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1. INTRODUCTION

1.1. Conservation et coexistence conflictuelle entre hommes et animaux

À l'ère de l'Anthropocène, le processus de domestication des terres émergées de la planète par les hommes pour répondre aux besoins provoqués par l'accroissement démographique et le développement économique semble irréfrénable, notamment dans les pays tropicaux. L'érosion de la biodiversité résultante atteint des niveaux inquiétants (UICN, 2018). Les forêts tropicales sont particulièrement soumises à d'intenses pressions et sont de plus en plus fragmentées (Taubert et al., 2018), alors qu'elles sont sources de bénéfices essentiels aux sociétés humaines, localement et globalement, et qu'elles forment les habitats naturels de faune et de flore endémiques d'une richesse exceptionnelle (Brandon, 2014; Gadgil et al., 2011). Leur protection est donc devenue un enjeu majeur pour l'humanité.

Les Aires Protégées (AP) sont un des outils de conservation ayant montré une certaine efficacité pour préserver la biodiversité dans les forêts tropicales (Beaudrot et al., 2016). Elles représentaient 15 % des terres émergées et 7 % des océans de la Terre à la fin 2017 (UICN, 2018). En Inde, elles représentent en 2018 : 4,93% du territoire1 et protègent la majorité de la biodiversité du pays (Karanth et al., 2008). Les AP sont définies dans l'article 2 de la Convention sur la Diversité Biologique, traité international signé au Sommet de la Terre de Rio en 1992, comme « a geographically defined area which is designated or regulated and managed to achieve specific conservation objectives » (United Nations, 1992, p. 6). Une aire protégée correspond donc à un espace géographiquement délimité et réglementé dans un but de protection particulier, comme sauvegarder un écosystème endémique en danger ou simplement fournir aux faunes locales un espace libre des pressions anthropiques. Cependant, loin d'être des espaces unidimensionnels fermés, ces aires se caractérisent plus par la notion d'interface et sont des lieux de coexistence de nombreux acteurs, humains et non-humains, dont les actions et interactions impactent l'équilibre de ces aires.

Malgré l'établissement d'une démarcation administrative entre les aires humaines et animales, les territoires de ces derniers ne sont pas étanches et ils ont tendance à s'entrecroiser (Bortolamiol et al., 2017). Les espaces vitaux des animaux s'inscrivent en effet souvent dans des écosystèmes plus larges que les délimitations administratives des AP et les restrictions spatiales imposées aux communautés locales peuvent être en inadéquation avec leurs besoins

1 http://www.wiienvis.nic.in/Database/Protected_Area_854.aspx

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(De Fries et al., 2010). Par exemple, certains animaux peuvent sortir de l'aire protégée lors de migrations, ou bien les habitants locaux peuvent y rentrer pour récolter certaines ressources forestières telles que des plantes médicinales. De même, une AP peut être connectée à plusieurs territoires humains différents selon les groupes d'acteurs les composants. Les AP et leurs périphéries sont ainsi des lieux de vie en commun (Estebanez et al., 2013), des espaces complexes de rencontres, de relations mais aussi de conflits possible entre les acteurs locaux, qu'ils soient humains ou animaux.

Dans les faits, l'établissement d'AP s'accompagne souvent de conséquences négatives pour les habitants en périphérie, notamment dans les pays tropicaux (DeFries et al., 2010). Les conflits homme-faune sauvage représentent ainsi le principal défi des politiques de conservation (Dickman, 2010). Les animaux sauvages ont en effet tendance à sortir de ces aires et peuvent provoquer des dégâts agricoles, matériels, physiques...(Seiler et Robbins, 2016). Les communautés vivant aux alentours des AP sont de plus souvent déjà vulnérables et ont peu de moyens pour faire face aux conséquences de ces conflits. Naughton-Treves et Treves (2005) notent ainsi que les plus désavantagés sont souvent les plus exposés aux risques de conflits avec les animaux. Les effets de ces conflits peuvent donc être dévastateurs sur la vie des habitants. Face à ces impacts, les humains peuvent répliquer, par exemple en tuant les animaux problématiques ou en détruisant leurs habitats naturels (Sillero et al., 2006). Ces conflits entre hommes et animaux sauvages peuvent ainsi remettre en cause la soutenabilité écologique et sociale de ces AP et le succès des politiques de conservation.

L'établissement d'AP peut donc mettre en compétition hommes et animaux sur l'accès et l'utilisation des ressources environnementales. La restriction spatiale imposée crée en outre une forme d'inégalité environnementale, que soit en termes d'accès ou sur d'exposition aux risques, dont les victimes sont les communautés locales en périphérie des AP (Sukumar, 1994). Les AP peuvent donc être sources de conflits à la fois entre hommes et animaux mais également entre hommes. La conciliation des besoins humains et de la faune sauvage est en conséquence un enjeu majeur des politiques de conservation de la biodiversité à la fois pour des raisons d'efficacité (pour atteindre l'objectif de conservation), mais aussi éthiques (Sillero et al., 2006). Une gestion durable des AP doit donc viser à articuler les intérêts globaux et locaux. Elle se doit ainsi de prendre en compte les besoins et les intérêts des communautés locales, tout en satisfaisant l'objectif de préservation de la diversité biologique.

Étant donné la nature ouverte des AP, encourager la cohabitation entre les hommes et la faune est donc primordiale pour atteindre les objectifs environnementaux et sociaux. La compréhension des tenants des conflits hommes-animaux et la recherche de solutions visant à

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les limiter et à promouvoir la coexistence est ainsi une des préoccupation principales de la conservation (Pooley et al., 2017; Redpath et al., 2015), d'autant plus que les conflits ont tendance à augmenter globalement avec la croissance démographique (WWF, 2008).

1.2. Les conflits hommes-animaux sauvages

Pour Johansson (2009), un conflit apparaît quand un animal ou un homme passe la frontière (symbolique mais qui peut correspondre à une frontière réelle) entre nature et culture. Suite à cette transgression, il n'est plus à la place qu'il lui était attribué. Mauz (2002) parle de « juste place », dont la conception varie selon les personnes et qui peut également être déterminée par la loi, comme dans le cas d'une AP. Le conflit survient quand l'animal transgresse les limites de la juste place qui lui a été attribuée. La notion de conflit homme-animal est donc intimement liée à l'espace et peut évoluer selon les sensibilités individuelles et collectives et les réglementations.

Les conflits hommes-faune sauvage peuvent prendre deux formes : quand les besoins et les comportements des animaux ont des effets néfastes sur les activités humaines ou quand ces dernières ont des effets néfastes sur les besoins de la faune sauvage (Madden, 2004).

Ces conflits peuvent affecter les hommes et les animaux directement sur la santé (blessures, décès, transmission de maladie...) ou sur le mode de vie (dégradations agricoles, dégradations matérielles, déprédation d'animaux domestiques, destruction d'habitats naturels...) (Nyhus, 2016). Ils peuvent également générer des coûts indirects pour les personnes touchées : coût d'opportunité du gardiennage ou de transaction lors du temps passé pour déposer une demande de réclamation, insécurité alimentaire et malnutrition, affectation psychologique à cause de l'insécurité physique ressentie, non-scolarisation des enfants pour participer au gardiennage ou impossibilité d'aller à l'école à cause du danger posé par certaines espèces animales... (Barua et al., 2013). Par exemple, outre les dégradations agricoles, la taille et la puissance de l'éléphant peut créer un fort sentiment d'insécurité, dont la dimension psychologique renforce le sentiment de conflit et impacte le bien-être psychosocial.

Globalement, la fréquence et la gravité des conflits hommes-animaux ont tendance à augmenter avec le temps sous l'expansion spatiale humaine et la proximité accrue entre les deux (Hill, 2015; Karanth et al., 2013, WWF, 2008). À titre d'exemple, en Inde, entre 2005 et 2010, 330 km2 de cultures ont été détruites et 350 personnes tuées chaque année à cause des

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éléphants. En réponse, une cinquantaine d'éléphants ont été tués par an en moyenne et de nombreuses forêts détruites (Rangarajan et al., 2010)

Une multitude de facteurs biologiques, écologiques et humains a été suggéré dans la littérature comme expliquant la propension des espèces animales à sortir des AP : manque de ressources alimentaires et hydriques dans l'AP, préférences alimentaires, qualité de l'habitat, intensité des d'activités humaines, types de limites de l'AP... (Linkie et al., 2007; Nyhus et Tilson, 2004; Parker et Osborn, 2006; Seiler et Robbins, 2016; Sillero et al., 2006; Sitati et al., 2003; Sukumar, 1994). Les réactions des populations aux incursions de ces animaux peuvent, en outre, aggraver les conflits. Une réactions humaine courante est en effet de chasser et d'exterminer l'animal problématique (Naughton-Treves et Treves, 2005). Madden (2004) insiste également sur le fait que les conflits hommes-animaux peuvent devenir des conflits hommes-hommes à propos des animaux et s'aggraver considérablement, par exemple quand les populations locales ressentent que la priorité est donnée aux animaux.

La réduction de ces conflits varie selon les contextes économiques, culturels, réglementaires... Afin de protéger la faune, certains gouvernements ont instauré des lois visant à interdire ou limiter la chasse hors des AP (Sukumar, 1994). Un grand nombre de méthodes différentes existent pour limiter les visites des animaux, comme par le contrôle létal ou la relocalisation des animaux problématiques, les mesures de ségrégation spatiale, les mesures de prévention comme le gardiennage, l'utilisation de moyens de dissuasion olfactifs, visuels ou sonores, la plantation de cultures tampon entre l'AP et les champs, l'aménagement du territoire... (Nyhus, 2016). Des mesures économiques visant à promouvoir des sources de revenus alternatives à l'agriculture ou fournissant une compensation financière aux pertes existent également (Dickman, 2010).

La gestion des conflits hommes-animaux a traditionnellement été exclusivement confiée aux gestionnaires des AP. Cependant, de plus en plus, l'importance d'associer les acteurs locaux au management (Larson et al., 2016; Sillero et al., 2006) et l'utilité de leurs savoirs, à la fois sur la faune et sur l'environnement (Goldman, 2007), sont de plus en plus reconnues. Lier la conservation avec le développement durable en privilégiant le local est en effet un des courants principal de la conservation depuis les années 1980, où une cogestion avec les autorités voire une gestion communautaire sont appelées pour améliorer la gestion de la conservation, même si cela peine à se matérialiser concrètement et efficacement (Rodary, 2008). Globalement, la nécessité de prendre en compte la dimension sociale dans l'étude des conflits et de leur résolution est de plus en plus acceptée (Dickman, 2010; Manfredo et Dayer, 2004; Nyhus, 2016; Redpath et al., 2015).

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Les phénomène des conflits hommes-animaux et leur résolution sont cependant complexes et il n'existe pas de solution « one-size fits all » (Madden, 2004). Ils sont en effet corollaires des spécificités du système socio-écologique dans lequel ils s'inscrivent et sont influencés par les facteurs historiques, sociaux, politiques, culturels, biologiques et environnementaux locaux (Dickman, 2010; Pozo et al., 2017). Pour comprendre ces conflits et les mitiger, il s'agit donc de prendre en compte à la fois les dimensions humaines et animales, ainsi que leur contexte socio-spatial (Bortolamiol et al., 2017; K K. Karanth et al., 2012; Marchand, 2013; Sitati et al., 2005).

1.3. Dimension environnementale des conflits hommes-animaux sauvages

Les conflits entre des communautés humaines et des animaux sauvages s'inscrivant donc dans les caractéristiques sociétales et environnementales du système socio-écologique les englobant, Guerbois, Chapanda, et Fritz (2012) estiment que l'implantation de solutions efficaces pour faciliter la cohabitation est subordonnée à la compréhension de la spécificité du contexte local et des processus endogènes à l'oeuvre. Poinsot (2012) soutient en effet que la gestion de la faune sauvage implique la prise en compte de la diversité du milieu géographique. Outre le contexte sociétal, il estime que trois variables en interrelations et aux caractéristiques à la fois naturelles et sociales conditionnent l'intensité des conflits : les densités humaines et animales, les formes (contours et taille de l'aire protégée, couverture des sols...) et l'accessibilité (mesures d'aménagement humaines, topographie...). Les espèces animales concernées dans les conflits hommes-animaux sont, de plus, en grande majorité mobiles, et dotés d'une capacité à s'adapter aux contraintes du milieu. L'étude de leurs écologies dans le contexte de leurs territoires et leurs spatialisations sont donc également nécessaires pour appréhender correctement les tenants de ces conflits (Sitati et al., 2005).

Une variété de facteurs peut donc accroître (ou décroître) les risques de conflits. Ces facteurs s'inscrivent dans un territoire, un lieu et un espace aux caractéristiques particulières, et sont intimement liés à ces dernières. L'analyse des configurations spatiales à l'origine de ces conflits permet donc d'intégrer différents types de données (éthologiques, agro-écologiques, sociodémographiques, géographiques...) afin de mieux interpréter ces conflits et leurs causes. L'intérêt d'une telle étude est double : identifier les zones de vulnérabilité pour optimiser l'utilisation des moyens de réduction des conflits et déterminer les solutions les plus adaptées selon les situations.

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1.3.1. Dimension animale : des comportements et des préférences évolutives

Dans le cadre de leurs stratégies alimentaires, les animaux effectuent des choix qui visent à optimiser ces stratégies (Graham et al., 2010; Sitati et al., 2005; Sukumar, 1994). Les décisions prises découlent d'un arbitrage entre bénéfices possibles et risques perçus (Guerbois et al., 2012). Ce mémoire autour de l'AP d'Aralam dans l'État du Kerala au sud de l'Inde, se concentrera sur les dégradations agricoles par les espèces animales herbivores. L'accès à l'intérieur de l'aire protégée d'Aralam étant interdit, les conflits ont en effet pour principale cause la transgression de ses limites par la faune et sont en très grande majorité l'oeuvre d'herbivores qui viennent ponctuellement dans à la recherche de moyens de subsistance (Rajan, Madhusoodhanan, communications personnelles).

Plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer ce qui attire les herbivores hors de leurs habitats naturels. En Inde, l'insuffisance de nourriture ou de sources d'eau à l'intérieur des AP est souvent proposée dans la littérature, par exemple à cause de la réduction de l'habitat naturel (Everard et al., 2017) ou de la propagation d'espèces végétales invasives non comestibles telle que le lantanier qui diminuent les sources de nourriture (Pant et al., 1999). L'expansion spatiale des activités humaines impacte ainsi l'habitat naturel de la faune sauvage et sa qualité. Cette constriction spatiale de l'habitat de la faune sauvage peut limiter fortement la disponibilité des ressources nécessaires pour la faune. DeFries, Karanth et Pareeth (2010) indiquent par exemple que les ressources hydriques dans une AP peuvent diminuer drastiquement si les sources sont situées hors de l'aire et ne font pas l'objet d'une gestion durable.

Les herbivores peuvent également être attirés par la valeur nutritive supérieure des cultures agricoles par rapport à celle des plantes sauvages, ainsi que par leur groupement spatial qui permet une quête de nourriture plus efficace (Sukumar, 1990). De même, certains types de récoltes semblent plus appétents selon les espèces animales, comme le bambou pour l'éléphant asiatique ou la canne à sucre pour le sanglier (Baskaran, 2013; Naughton-Treves, 1997). La proximité à des activités humaines peut donc provoquer des changements de comportements et d'habitudes alimentaires chez certains animaux.

Chaque espèce a également un type d'habitat qui lui est plus propice. Par exemple, le cervidé sambar (Rusa Unicolor) préfère les forêts denses et les terrains accidentés, mais a besoin d'espaces de végétation intermédiaire pour se nourrir (Pant et al. 1999) alors que l'éléphant asiatique préfère les espaces de végétation herbacée ouverts (Baskaran et al., 2013).

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D'une manière générale, les forêts secondaires sont très prisées pour leur diversité végétale (Sillero et al., 2006).

Les comportements individuels des animaux influencent aussi leurs stratégies alimentaires. Srinivasaiah et al. (2012) montrent ainsi que les éléphants mâles solitaires sont plus susceptibles de ravager les cultures humaines que les éléphants appartenant à un troupeau. Ces cultures présentant plus de risques pour les animaux (à cause de la proximité humaine) mais une qualité et une quantité de nourriture supérieure, ils estiment ainsi que éléphants mâles solitaires sont plus audacieux et ont une aversion inférieure au risque par rapport aux éléphants vivant en groupe, fondant ainsi leurs stratégies alimentaires sur le mode « high risk/high gain ».

Gubbi (2012) et Shivaraju (2016), dans des études au sud de l'Inde, montrent de plus l'influence du facteur temporel sur les comportements des animaux. Ils notent que la saison sèche (Mars-Avril) coïncide avec un accroissement des conflits à cause d'une moindre disponibilité en eau et ressources alimentaires. La période de récolte post-mousson en Novembre-Janvier de nombreuses cultures semble également être associée avec une recrudescence des raids sur les cultures agricoles.

1.3.2. Activités humaines et dynamiques paysagères

L'utilisation des sols et le choix des cultures plantées sont donc des facteurs déterminants de conflits selon les préférences alimentaires des animaux. L'agriculture de subsistance, courante dans les pays en développement, se fonde souvent sur des cultures hautement nutritionnelles et donc attractives pour les animaux sauvages (Naughton-Treves, 1997). L'irrigation des cultures peut de plus être un facteur d'attraction de la faune sauvage (Sukumar, 1989), bien que Gubbi (2012) dans une étude extensive au centre du Kerala ne trouve pas de relation entre conflits et irrigation. Outre les cultures agricoles, la plupart des foyers du Kerala entretiennent également des potagers et des vergers domestiques, ce qui renforce les risques de dégradations animales. Les monocultures d'arbres, comme les plantations d'hévéa très présentes au Kerala, sont en revanche peu visitées par la faune sauvage à cause de la faible diversité végétale (Baskaran et al. 2013).

L'identification des types de récoltes particulièrement prisées par la faune et leur substitution avec d'autres moins appétentes, voire non comestibles, permettraient de limiter les raids de ces animaux (Parker et Osborn, 2006). Ceci est bien entendu conditionné à la présence de ressources alimentaires suffisantes à l'intérieur des aires protégées, ainsi qu'à la volonté et possibilité pour les habitants de modifier leurs pratiques de production. L'adaptabilité de la

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faune aux conditions de son environnement rend cependant difficile une généralisation de ces préférences et requiert des études spécifiques à chaque environnement. Bal et al. (2011) ont ainsi récemment découvert que les éléphants asiatiques à Kodagu (dans le sud de l'Inde) se nourrissaient de baies de café. Ces dégradations agricoles peuvent également simplement résulter de comportements opportunistes, notamment lors des migrations qui les amènent d'une aire protégée à une autre (Sukumar, 1990), ce qui peut fausser les analyses statistiques des relations entre types de cultures et dégradations agricoles.

Les conflits hommes-éléphants procèdent ainsi principalement d'une utilisation des sols inadéquate (Sitati et al., 2003). L'éléphant requiert en effet une zone vitale très large pour accommoder ses besoins en termes de migrations, et la fragmentation de son habitat naturel le met naturellement en contact avec les sociétés humaines, où il a tendance à compenser en venant s'y nourrir (Sukumar, 1994).

Le type de couverture de sol influence également les raids d'herbivores sauvages. Nyhus et Tilson (2004) notent ainsi que la présence d'une végétation dense peut servir de protection à la faune sauvage pour effectuer des incursions rapides. Les plantations servent par exemple de refuge lors de raids dans les cultures en Inde (Bal et al. 2011). De même, Paleeri, Jayson, et Govind (2016) indiquent que l'absence d'espace dégagé entre la lisière de la forêt et les cultures renforce considérablement les problèmes dus aux écureuils géants indiens et aux singes. En effet, ces espaces dégagés augmentent fortement le risque ressenti, notamment pour les petits mammifères essentiellement arboricoles.

En revanche, la proximité de signes de présence humaine, que ce soit des habitations ou des routes, a tendance à s'accompagner d'une baisse des pillages agricoles, en augmentant les risques perçus par la faune sauvage (Pozo et al., 2017). Guerbois et al. (2012) trouvent ainsi que la densité d'habitation en Ouganda tend à réduire les risques de conflits, en considérant une zone d'influence circulaire de 100 m de rayon autour de chaque foyer. Cependant, dans un contexte de forêt fragmentée au Kerala, Ananda Kumar et al. (2011) concluent que les habitations et les routes ne sont pas des facteurs déterminants de conflits. La densité d'habitations, ainsi que le type de couverture des sols environnant semblent donc influencer le risque de conflits.

L'utilisation de mesures de prévention vise également à renforcer les risques perçus par les animaux. Les mesures de ségrégation spatiale telles que les clôtures électriques ou les tranchées sont efficaces mais requièrent une maintenance importante (Gubbi 2012; Karanth et al. 2012). Dans une étude très complète en Inde, Karanth et al. (2013) estiment que l'utilisation d'animaux de garde et de barrières tend à réduire légèrement les pertes agricoles. Sinu et

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Nagarajan (2015) ajoutent que la méthode traditionnelle de clôtures de tissus demeure la plus efficace contre les sangliers. L'utilisation de mesures traditionnelles de gardiennage humain est estimée efficace par certains (Guerbois et al., 2012; Karanth et al., 2012), mais beaucoup moins par d'autres (Kumar et al., 2017; Linkie et al., 2007). Les caractéristiques territoriales et temporelles peuvent avoir un impact sur l'efficacité de ces mesures. Par exemple, Linkie et al. (2007) indiquent qu'en période de pluie le gardiennage est beaucoup moins effectif. Globalement, le contexte local influence l'efficacité des mesures de réduction des conflits. D'une manière générale, l'intelligence des animaux et leur capacité à apprendre de leurs expériences rend, de plus, souvent inefficace sur le long terme, la plupart de ces mesures (Dickman, 2010; Lenin et Sukumar, 2008).

Enfin, beaucoup d'études analysent certaines caractéristiques environnementales liées à l'accessibilité comme l'altitude, la pente, l'orientation de la pente, la distance à l'AP, la distance à la source d'eau la plus proche... La proximité à l'AP est en grande partie jugée être un facteur déterminant des risques de pillages de cultures (Goswami et al., 2015; Gubbi, 2012; Guerbois et al., 2012; Karanth et al., 2012).

Chacune de ces dimensions joue donc, à divers degrés selon les spécificités du terrain et des acteurs engagés, sur la possibilité de subir une incursion animale. La compréhension de leur relation dans l'espace offre l'opportunité de révéler les configurations spatiales à l'origine des conflits (Ananda Kumar et al., 2011).

Si l'analyse des configurations spatiales favorisant les conflits hommes-faune sauvage est importante pour identifier des solutions appropriées, ce seul point de vue environnemental et écologique n'est pas suffisant. En effet, la dimension humaine de la cohabitation entre hommes et animaux aux alentours d'espaces protégés joue un rôle essentiel dans la gestion des espèces animales sauvages (Treves et al., 2006). Le contexte socioculturel et socio-spatial est donc à prendre en compte pour résoudre ces conflits (Bortolamiol et al., 2017; Marchand, 2013; Redpath et al., 2015).

1.4. Dimension humaine des conflits hommes-animaux sauvages

L'importance de l'aspect social pour comprendre les conflits hommes-animaux est effectivement de plus en plus reconnue (Nyhus, 2016). La collaboration de toutes les parties prenantes est de plus considérée primordiale pour réduire ces conflits et améliorer les politiques

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de conservation (Larson et al., 2016; Treves et al., 2006). Selon Dickman (2010), les facteurs sociaux peuvent avoir une part plus significative dans ces conflits que les dommages directement causés par les animaux.

En effet, la manière dont les hommes perçoivent leur environnement (dont les animaux font partie) modèle leurs niveaux de tolérance et leurs attitudes envers la faune (Lassiter, 2002). Mauz (2002) indique que la conception de la juste place des animaux par les hommes est liée aux représentations personnelles et collectives qu'ils en ont. Cette représentation définit donc la démarcation entre les aires humaines et animales, même au-delà de la place légalement démarquée comme pour les PA, et par extension détermine le conflit et ses conditions d'apparition. Les attitudes des habitants locaux et des différents groupes d'acteurs envers les animaux et les institutions de conservation influent de plus leur niveau de coopération aux actions de conservation, la participation aux mesures de prévention des conflits et les réactions aux situations de conflits (Carter et al., 2014; Manfredo et Dayer, 2004). La compréhension du contexte socio-culturel local aide aussi à cibler les actions d'information et de sensibilisation pour désamorcer les conflits (Marchand, 2013).

Afin de comprendre les conflits hommes-animaux, de cibler les mesures de réduction des conflits efficaces et d'encourager la coopération avec les acteurs locaux, il semble donc essentiel de mettre au jour les représentations que les acteurs locaux ont des animaux et leurs attitudes envers les politiques de conservation, ainsi que les facteurs les déterminants.

1.4.1. Des représentations subjectives et complexes

Selon Wolch, Emel et Wilbert (2003), la manière dont on perçoit les animaux, et par extension les politiques de conservation, se construisent à la fois à l'aide de facteurs personnels (expériences vécues, préférences particulières), locaux (sociaux, culturels, institutionnels) et globaux (mouvements économiques et politiques).

D'après Pooley et al. (2017), la prise en compte de cette complexité des facteurs influençant les représentations est d'autant plus nécessaire que les professionnels de la conservation ont tendance à les négliger. Dickman (2010) estime ainsi que nombre de ces derniers se basent sur des hypothèses comportementales reposant seulement sur les expériences vécues et les faits scientifiques, et qui s'avèrent souvent erronées. La perception des risques par les habitants locaux et leurs réactions aux conflits sont ainsi souvent disproportionnées. Les dommages réels occasionnés par la faune peuvent, de plus, être inférieurs aux dommages perçus par les victimes (Webber et Hill, 2014), notamment lorsque ces conflits s'ajoutent à des tensions

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déjà existantes avec les autorités. Dickman argumente que des critères de rationalité seuls ne sont pas suffisants pour expliquer la sensibilité personnelle à une situation de conflit avec un animal, mais qu'il faut aussi prendre en compte le contexte socioculturel local. Les gens ont en effet tendance à valoriser leur ressenti alors que les scientifiques privilégient les faits (Sillero et al., 2006). Johnston (2008) estime également que les perceptions et l'esthétisme jouent plus que les faits scientifiques dans la conception des représentations.

1.4.2. Un contexte socioculturel à prendre en compte

Des travaux de géographie animale (Johansson, 2009; Lassiter, 2002; Wolch et al., 2003), ainsi que les contributions d'autres sciences sociales (ethnographie, psychologie...), ont montré que les valeurs et les représentations associées aux animaux sont intimement liées au contexte socioculturel (Pooley et al., 2017), qui est lié à l'espace et au lieu.

L'exposition à un risque de conflit avec un animal sauvage influence également les représentations et les attitudes et peut varier selon l'âge, le sexe, l'ethnicité, la richesse, la classe sociale, la profession... (Karanth et al., 2008). Ceci est lié au concept de vulnérabilité. Naughton-Treves et Treves (2005) définissent ce concept à travers deux notions : vulnérabilité biophysique (risques plus importants dus à la situation spatiale) et vulnérabilité sociale (capacité à faire face aux dommages). Par exemple, Naughton-Treves (1997) analyse l'influence de l'ethnicité, du sexe et de la richesse sur les perceptions de risques de conflits avec la faune sauvage en Ouganda. Elle observe que les perceptions des habitants sont déterminées en grande partie par leur ethnicité. Ogra (2008) montre qu'en Inde, les femmes ne vivent pas de la même manière que les hommes la proximité avec la faune sauvage. Elle note qu'elles ont plus de chance d'être en contact avec les animaux, qu'elles supportent des coûts associés à cette proximité plus élevés et que leurs perceptions de la faune sauvage est plus négative.

Ces facteurs sociaux ont également un impact sur la valeur que chacun accorde à la faune sauvage (Hill, 2015). Pour Manfredo et Dayer (2004), ces valeurs sont déterminées par les croyances intérieures et le rapport à la nature et définissent le comportement humain et ses réponses face à une situation de conflit avec un animal. Ces valeurs peuvent prendre des formes variées : matérialiste où l'animal est vu à travers son utilité (coûts ou bénéfices), mutualiste où il est considéré plutôt comme un être vivant ayant des droits (Teel et al., 2007). Ils ajoutent que l'évolution de ces valeurs est souvent liée à celui de la société et du développement économique. Carter et al. (2014), dans une étude sur les attitudes envers le tigre au Népal, montrent ainsi que les valeurs accordées au tigre sont liées à la place occupée dans la hiérarchie sociale.

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Sillero, Sukumar et Treves (2006) mettent en garde cependant contre une liaison systématique du niveau d'éducation et de développement économique et la tolérance de la faune sauvage. Ils ajoutent que la réalité est plus complexe et qu'avec l'évolution actuelle de la société, la valeur donnée aux animaux peut diminuer. Ainsi, pour certaines communautés hindoues démunies, les singes sont considérés comme l'émanation du dieu Hanuman et ils ne seront pas perçus négativement, malgré les nuisances occasionnées (Sukumar, 1994). Le contexte culturel et les croyances ont donc également un impact.

1.4.3. Un contexte socio-spatial et des jeux d'acteurs déterminants

Cependant, si le territoire des animaux sauvages est plus ou moins continu d'un point de vue écologique, il peut rencontrer plusieurs sous espaces aux dynamiques sociales et préoccupations différentes (Bortolamiol et al., 2017). Les conflits hommes-animaux peuvent en effet révéler des conflits humains-humains sous-jacents, dont la non-résolution limitera l'efficacité de toute tentative de réduction des conflits avec les animaux (Hill, 2015). Redpath, Bhatia et Young (2015) argumentent donc que toute étude sur les conflits hommes-animaux doit d'abord s'attacher à identifier les différents groupes d'acteurs et les intérêts qui déterminent leurs actions et interactions. La prise en compte des dynamiques territoriales et du contexte socio-spatial est donc capitale (Marchand 2013).

Les aires animales se caractérisent en effet plus par la continuité que par la séparation avec les sociétés humaines. Les rencontres hommes-animaux et les acteurs engagés se multiplient sous la pression démographique qui peut aller jusqu'à réduire l'habitat de nombreuses espèces aux seules aires protégées. La complexité du partage de l'espace qui s'ensuit peut expliquer en partie les conflits hommes-faune sauvage (Bortolamiol et al., 2017). En effet, les espaces protégés sont connectés avec plusieurs territoires aux contextes sociaux, économiques, culturels, institutionnels... variés et mettant en relation plusieurs groupes d'acteurs ayant des logiques et des intérêts qui peuvent être antagonistes, et ayant des capacités d'actions très inégales.

La représentation de la faune peut ainsi varier fortement selon les catégories d'acteurs concernées: nuisance pour les agriculteurs et les populations vulnérables en bordure des aires protégées, produit touristique pour les classes moyennes urbaines et les professionnels du tourisme, patrimoine de la biodiversité à protéger pour les autorités forestières, représentation religieuse pour certains... (Lassiter, 2002). Chaque groupe d'acteurs a sa propre conception de

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la juste place de l'animal déterminée par sa représentation associée (Mauz, 2002). La place de l'animal est donc en constante négociation à travers les jeux des acteurs concernés et leurs intérêts. En conséquence de cause, les perceptions des animaux sont aussi politiques (Kamau, 2017).

Les comportements envers les animaux et les politiques de conservation s'inscrivent en effet souvent dans un cadre social plus large où la perception d'inégalités et de différentiels de pouvoir génèrent des attitudes négatives (Dickman, 2010). Dans le cas des aires protégées, où les actions humaines sont restreintes au profit de la conservation de la faune par les institutions, les conflits hommes-animaux se retrouvent souvent être utilisés comme proxys par les habitants des alentours au conflit les opposant aux autorités (Emel et Urbanik, 2010).

Ces dissensions ont de plus tendance à s'exacerber dans les pays en développement, où les habitants autour de ces aires sont souvent déjà vulnérables socialement et dépendent des ressources naturelles et forestières pour leurs besoins (Karanth et al. 2013). Les perceptions des animaux et les attitudes face à la conservation peuvent être influencées par le sentiment que le droit à subvenir à ses besoins n'est pas respecté ou pour l'accès aux ressources naturelles (Sillero et al., 2006). Les populations locales peuvent ainsi avoir le sentiment que les animaux sont protégés par les autorités à leur détriment, et percevoir ces animaux comme appartenant à ces derniers.

Les problèmes de confiance et d'antagonisme entre les parties prenantes locales peuvent de plus aggraver ces dissensions (Dickman, 2010). Ceci est d'autant plus important que certains acteurs peuvent chercher à instrumentaliser les espèces animales et viser à modifier les représentations afin de servir leurs propres objectifs (Emel et Urbanik, 2010).

Certaines approches de political ecology (Barua, 2014; Kamau, 2017) en mobilisant l'histoire socio-écologique du lieu, ont d'ailleurs permis de mieux comprendre les différents processus et phénomènes ayant impacté les différents acteurs et leurs stratégies. Ils ont ainsi pu expliquer l'évolution et la différenciation des représentations et attitudes des différents groupes d'acteurs envers les animaux et la conservation.

Un nombre important d'études tend de plus à omettre l'agentivité des animaux et leurs capacités à être des acteurs à part entière (Campbell, 2009). Ceci questionne pourtant l'étude des relations hommes-animaux par le seul biais des perceptions et représentations (Estebanez et al., 2013). L'animal possède un libre arbitre et des stratégies qui lui sont propres, qui l'amènent à dépasser les limites qui lui sont imposées et les perceptions à son égard (Wolch et

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al., 2003). Il est capable de s'adapter selon les contraintes qui lui sont imposées ou les changements paysagers, ce qui peut apporter un décalage entre la juste place donnée par l'homme et sa place réelle (Mauz, 2002). Cette intelligence lui permet d'ailleurs de trouver des solutions face à un obstacle, de choisir sa place et force les humains à modifier leur modes de cohabitation avec les animaux (Luquiau, 2013). La subjectivité et le point de vue des animaux, qui est un des champs majeur de la géographie animale contemporaine, est cependant un domaine encore largement inconnu (Emel et Urbanik, 2010).

Les facteurs sociaux tendent ainsi à impacter à la fois les représentations de la faune et les attitudes envers les actions de conservation, à travers, entre autre, les vulnérabilités biophysiques et sociales, les différences de valeurs et de croyances, ainsi que les jeux d'acteurs et pouvoirs antagonistes. Ces facteurs trouvent leur source dans le contexte socio-spatial et les dynamiques territoriales du lieu, et ses caractéristiques culturelles, démographiques, politiques... L'étude du volet humain des conflits hommes-animaux se doit également donc d'être spécifique à chaque situation.

1.5. La géographie et l'étude des relations hommes-animaux sauvages

Bien que les enjeux des conflits hommes-faune sauvage ne soient pas récents, les travaux scientifiques sur les conflits et la coexistence hommes-animaux ne se sont réellement multipliés sur la question que depuis une vingtaine d'années (Nyhus, 2016). Alors que l'étude des relations homme-faune relève de problématiques socio-écologiques et demande par essence une approche pluridisciplinaire, ce sont traditionnellement les sciences naturelles qui se sont attachées à étudier ces conflits (Carter et al., 2014). Cependant, ces approches ont tendance à omettre l'importance de l'aspect humain de ces conflits. En conséquence, les sciences sociales sont de plus en plus appelées à participer à ces recherches (Dickman, 2010). Nyhus (2016) propose ainsi le développement d'une nouvelle discipline l'anthrothérologie, qui réunirait les chercheurs de différents horizons pour traiter la coexistence et les conflits hommes-faune sauvage. D'une manière générale, les processus endogènes sous-tendant les relations entre les hommes et la faune et leur cohabitation sont encore très peu compris (Guerbois et al., 2012).

La géographie ne s'est cependant encore que peu attachée à étudier ce domaine (Marchand, 2013), malgré le fait que la notion d'espace et le concept de territoire soient centraux à ces conflits. Comme Emel et Urbanik (2010, p. 203) l'indiquent : « The contribution

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of geographers are unique precisely because of their emphasis on the historical and spatial contexts of specifics lives and relationships: in effect space, place, landscapes are instrumental to furthering the goals of Human-Animal studies », la géographie peut offrir un angle d'analyse particulièrement fructueux sur la question des relations entre hommes et animaux en étudiant la question à travers le prisme spatial. En effet, les relations entre les activités humaines, la faune sauvage et les paysages sont liés aux particularités du territoire dans lequel ils s'inscrivent (Bortolamiol et al., 2013; Wilson et al., 2015). Étant donné la mobilité et l'agentivité des animaux (Poinsot, 2012 ; Estebanez et al., 2013), il est, en outre, indispensable d'intégrer à la fois les perspectives humaines et animales et de spatialiser le milieu de vie de ces derniers afin de mieux saisir les processus sous-tendant leurs rencontres. Comprendre les interactions existantes entre les hommes, les animaux et l'espace qu'ils occupent conjointement est donc essentiel pour appréhender ces conflits et leurs tenants.

La géographie animale connaît un renouveau depuis 20 ans, notamment en France avec un numéro d'Espaces et Sociétés consacré à ce courant en 2002 ainsi qu'un numéro de Carnets de Géographes en 2013. Les significations de la vie sauvage pour les humains ont fait l'objet de nombreux travaux de la part de la géographie animale culturelle (Marchand, 2013). Cette dernière se focalise autour de deux grands thèmes : l'impact socioculturel des animaux dans la construction de l'espace et de la culture humaine, et l'évolution spatio-temporelle de la ligne de démarcation entre les hommes et les animaux (Johansson, 2009; Wolch et al., 2003). Par exemple, les travaux des géographes comme Mauz (2002) visent à déterminer la place de l'animal selon les humains, afin de définir la notion de conflit. Selon Blanc et Cohen (2002) et Lorimer et Srinivasan (2013), la géographie animale cherche à comprendre le monde du point de vue de l'animal et à déterminer les dynamiques sous-tendant la mobilité des animaux. La géographie humanimale d'Estebanez et al. (2013) met plus l'accent sur l'étude des relations entre hommes et animaux et la manière dans ces derniers transforment les sociétés humaines. En intégrant une dimension sociale et l'agentivité des animaux, la géographie animale permet donc d'aller plus loin que le seul point de vue écologique dans la compréhension de l'animal et de sa mobilité quand il entre en interaction avec les sociétés humaines.

De même, la question des conflits environnementaux et l'intégration de la dimension politique et des rapports de pouvoir sont des parties intégrantes du champ disciplinaire de la géographie (Chartier et Rodary, 2007; Marchand, 2013).

Selon Caloz et Collet (2011, p. 3), l'analyse spatiale correspond à « décomposer un phénomène de l'espace en ses éléments essentiels afin d'en saisir les rapports et de donner un

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modèle de l'ensemble ». Dans le cadre des conflits hommes-animaux, elle permet donc d'étudier les diverses variables géographiques influençant l'occurrence de déprédations agricoles et déterminer les règles reliant ces variables explicatives au phénomène à expliquer. L'analyse spatiale, qu'elle soit par le biais des statistiques ou de Systèmes d'Informations Géographiques (SIG), autorise la combinaison d'échelles différentes et de données provenant de différentes disciplines et peut ainsi offrir une connaissance plus approfondie des facteurs favorisant les incursions animales.

D'une manière générale, la géographie permet d'intégrer la dimension pluridisciplinaire des conflits hommes-animaux en les étudiant à travers le prisme spatial et du territoire (Bortolamiol et al., 2017; Marchand, 2013). Les concepts, les outils et les méthodes de la géographie peuvent ainsi aider tant au niveau de la compréhension des causes de ces conflits que de la mise en place de solutions (Sitati et al., 2005), d'autant plus que l'aménagement du territoire est souvent considéré comme une des causes principales (Nyhus, 2016).

En intégrant à la fois les dimensions sociales et environnementales du cadre territorial local, la géographie peut donc aider à la mieux comprendre les conflits entre les sociétés humaines et la faune sauvage en périphérie d'AP, ainsi que les processus à l'oeuvre les déterminants. Elle peut ainsi participer à révéler les configurations spatiales à l'origine de ces conflits et la complexité de la dimension sociale des conflits hommes-animaux.

1.6. Les conflits hommes-animaux en périphérie de l'Aralam Wildlife Sanctuary

Bien que les études sur les conflits hommes-animaux sauvages dans les pays en développement, et leurs corrélats socio-écologiques, se multiplient, il existe néanmoins un fort biais sur l'Afrique et les éléphants (Graham et al., 2010; Guerbois et al., 2012; Hoare, 1999; Kamau, 2017; Sitati et al., 2005). Les dégradations agricoles par les animaux sauvages en Asie sont relativement peu étudiées (Karanth et Kudalkar, 2017; Linkie et al., 2007), alors que les densités de populations plus élevées augmentent les risques.

En Inde, malgré une densité démographique imposante et des conflits hommes-animaux associés importants, la tolérance envers de nombreuses espèces est élevée grâce au contexte religieux et culturel, et les représailles létales sont rares (Karanth et al., 2013). Cependant, les populations habitants en proximité des AP subissent des dommages majeurs, que ce soit directement par les prédations d'animaux domestiques ou les dégâts agricoles et indirectement sur le bien-être et la sécurité alimentaire (Barua et al., 2013). Étant pour beaucoup dépendants

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des ressources forestières, la restriction de l'accès à ces AP peut de plus renforcer les vulnérabilités des habitants et par conséquent accroître les conflits avec les autorités forestières (Lenin et Sukumar, 2008). Officiellement, la politique de conservation indienne vise à intégrer les parties prenantes locales, mais la mise en oeuvre pratique demeure très inégale (Ogra, 2008).

L'Aralam Wildlife Sanctuary (AWS) est une petite aire protégée de catégorie 4 de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) de 55 km2 située au sud de l'Inde. Les lisières de l'AWS se confondent globalement avec la démarcation entre forêts et sociétés humaines (sauf pour les frontières contigües à d'autres AP et pour un tronçon de 1,5 km à l'ouest). L'accès y étant interdit pour les habitants, et cette interdiction globalement respectée, la grande majorité des conflits hommes-faune sauvage se déroule dans les aires humaines. Ils concernent principalement les herbivores : majoritairement macaques, sangliers, éléphants et sambars (grands cervidés). Les dommages causés sont en grande partie agricoles, bien que les confrontations physiques soient en augmentation (3 personnes sont mortes en 2017 à cause d'éléphants). Les dommages matériels sont minimes, ainsi que les cas de prédation d'animaux domestiques (5 en moyenne par an sur les 5 dernières années). La chasse et toutes mesures pouvant menacer l'intégrité physique des animaux sauvages sont prohibées par le gouvernement. Dans la pratique, il n'y a que peu de cas de braconnage, à la fois pour des raisons culturelles et pratiques (dénonciations courantes). En Inde, les animaux sont souvent associés au religieux et la tolérance est relativement élevée par rapport à d'autres régions du monde (Karanth et al., 2008; Sukumar, 1994).

Les conflits sont donc principalement le fait d'herbivores. Les sources d'eau sont nombreuses dans l'AWS, mais cette dernière étant exclusivement une forêt dense, l'absence de prairie amène les herbivores à chercher des espaces ouverts de pâturages disponibles à l'extérieur. Les limites de l'AWS ne correspondent donc pas à la zone vitale des animaux sauvages l'habitant. Ces conflits apparaissent ainsi essentiellement quand les herbivores sont à la recherche de nourriture hors de l'AWS.

L'ouest de l'AWS, dont j'habite à une douzaine de kilomètres, correspond à l'endroit le plus conflictuel de l'aire protégée et du district de Kannur selon Mr. Rajan, responsable de la division forestière de Kannur. Cette partie est, de plus, habitée par des populations particulièrement vulnérables et ayant peu de moyens pour faire face à ces conflits. Cet espace est une ancienne ferme gouvernementale de 5000 hectares. En 2004, la moitié a été conservée comme ferme gouvernementale, l'Aralam Farm. La seconde moitié, la zone du Programme de Réhabilitation des Adivasi (PRA), a été réservée dans le cadre d'un programme de distribution

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de terres aux peuples autochtones à tradition forestière ; ces derniers ayant perdu progressivement leurs territoires à cause de la réduction de la surface forestière et de l'implantation d'aires protégées. Chaque famille a reçu 4000 m2 de terre pour cultiver et construire une maison. Alors que la culture de ces parcelles était supposée fournir un moyen d'autonomisation financière et alimentaire pour ces familles, les incursions animales en limitent la possibilité d'atteindre cet objectif.

La gouvernance de l'AWS et des conflits hommes-animaux est exclusivement aux mains des gestionnaires de l'AWS. Dans la lignée des directives du gouvernement indien visant à plus intégrer les communautés locales dans la gestion des AP, trois Comités d'Écodéveloppement (EDC) ont été mis en place. Ces EDC n'ont cependant qu'un petit rôle à jouer dans la gestion de l'AWS. Ils servent simplement de relais entre les gestionnaires et les habitants pour mettre en place plusieurs programmes d'aides, comme la distribution de cuisinières au gaz ou l'offre d'emplois à la journée. Les gestionnaires ont néanmoins développé le programme d'écotourisme du parc en s'appuyant principalement sur les EDC. Le tourisme est cependant principalement limité à des groupes d'écoliers des environs.

La démarcation entre l'AP d'Aralam et les espaces utilisés par les humains est abrupte. Il n'y a pas de zone tampon. Ceci renforce les incidences de conflits. La vulnérabilité des habitants en périphérie rend la situation particulièrement problématique, et accroît la précarité des résidents. Cependant, aucune étude n'a été effectuée sur ce terrain spécifique sur les conflits hommes-animaux.

En outre, la dimension spatiale est souvent étudiée de manière peu rigoureuse dans les études sur les conflits hommes-faune en Inde (Karanth et al., 2012). La complexité de la dimension humaine des conflits influe, de plus, sur la capacité des acteurs locaux à partager leurs espaces avec les espèces animales sauvages et est souvent mésestimée. En Inde, le lien entre le contexte socio-spatial, et notamment les biais du sexe et des relations intracommunautaires, et les attitudes envers les actions de conservation sont encore peu étudiés (Ogra, 2009). Plusieurs études se concentrent sur les perceptions des méthodes de compensation gouvernementales (Karanth et al., 2012; Rohini et al., 2017). Les autres études sur les attitudes envers la conservation (Carter et al., 2014; Mir et al., 2015; Ogra, 2009) ont plus été effectuées dans la région himalayenne, aux caractéristiques socio-culturelles très différentes.

Étant donné l'importance des caractéristiques spécifiques du système socio-écologique étudié pour l'étude des conflits hommes-faune sauvage, l'étude de la dimension sociale et de la

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dimension spatiale est nécessaire pour mieux comprendre les conflits hommes-faune sauvage sur ce terrain et proposer des solutions adaptées selon les situations.

Ce mémoire cherchera donc à mieux comprendre les conflits hommes-animaux sauvages à l'ouest de l'AP d'Aralam et leurs déterminants spatiaux et sociaux, afin de proposer des pistes de solutions pour promouvoir la cohabitation entre les hommes et la faune.

1.7. Objectifs du mémoire et hypothèses

Les principaux objectifs de cette étude sont :

? Déterminer les facteurs spatiaux et environnementaux favorisant le risque de dégradations agricoles selon chaque espèce animale

? Déterminer les facteurs socio-culturels impactant les représentations des habitants envers les animaux sauvages et la conservation ainsi que leurs attitudes envers la résolution des conflits

? Proposer des pistes de solutions pour réduire la fréquence et les impacts des dégradations agricoles animales, ainsi que pour faciliter la cohabitation hommes-faune et la préservation de la biodiversité animale

Cette étude s'attachera donc dans un premier temps à déterminer les configurations spatiales influant le risque de dégradations agricoles par les sangliers, éléphants, macaques et sambars. Les hypothèses suivantes seront testées :

1) Certaines récoltes sont particulièrement attractives et augmentent les risques de conflits.

2) Les mesures de prévention utilisées par les habitants ne sont pas efficaces.

3) Les conflits diminuent selon la distance à l'Aralam Wildlife Sanctuary.

4) Les signes de présence humaine (routes, bâtiments) réduisent les risques de conflits.

5) Selon le type de couverture des sols environnants, les risques de conflits augmentent : couvert forestier dense pour les primates et les sangliers, espaces de végétation intermédiaire pour les éléphants et les sambars.

Dans un deuxième temps, la dimension sociale sera étudiée pour mieux appréhender la vision des habitants et des gestionnaires. Les rapports des habitants vis-à-vis des animaux

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sauvages, de la conservation et des solutions à mettre en place seront examinés. Plusieurs hypothèses de filtres socio-culturels pouvant influencer ces représentations et attitudes seront analysées. Les hypothèses pourront varier selon le type d'attitude étudié. Par exemple, une personne âgée peut avoir une représentation positive de la faune sauvage mais une attitude négative envers la mise en place d'une action collective car elle ne se sent pas assez dynamique pour s'y impliquer.

1) Le sexe. Par exemple, l'hypothèse sera faite que les femmes supportent moins la conservation que les hommes.

2) L'âge. Par exemple, l'hypothèse que les personnes plus âgées sont moins favorables à une initiative de gestion collective des conflits sera testée.

3) Les expériences passées de coexistence avec les animaux sauvages. Par exemple, il sera supposé que les personnes ayant une expérience plus forte de la cohabitation seront plus favorables à une gestion collective des conflits.

4) La source principale de revenus (agriculture, travail journalier agricole, travail journalier non-agricole). Par exemple, l'hypothèse que les agriculteurs sont plus enclins à soutenir une amélioration du système de compensation sera émise.

5) Les bénéfices obtenus des autorités de conservation et de l'Aralam Farm (emplois, activités d'écodéveloppement...). Par exemple, l'hypothèse que les personnes recevant des bénéfices de l'AWS soient plus satisfaites de la gestion de la faune par l'AWS sera testée.

Dans un premier temps, le contexte dans lequel cette étude a été effectuée et la méthodologie mise en oeuvre seront détaillés. Les caractéristiques socio-économiques des personnes interviewées seront également examinées. Ensuite, la nature et le type de conflits hommes-animaux sur ce terrain seront abordés en prenant en compte le point de vue des habitants et des gestionnaires de l'AWS. Puis les dimensions spatiales et sociales de ces conflits seront analysées. Enfin, les résultats obtenus seront discutés pour des pistes d'amélioration de la coexistence entre les communautés locales et la faune sauvage.

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2. CONTEXTE DE L'ÉTUDE

2.1. L'Aralam Wildlife Sanctuary (AWS)

L'Aralam Wildlife Sanctuary (AWS) est une aire protégée se situant au nord de l'État du Kerala, au sud de l'Inde, entre les latitudes nord 11°54' et 11°59 et les longitudes est 75°47 et 75°57. Créée en 1984 par le gouvernement indien, elle s'étend sur une superficie de 55 km2 et est contigüe au nord et à l'est aux AP de Kottiyoor Wildlife Sanctuary et de Brahmagiri Wildlife Sanctuary, ainsi qu'à la forêt protégée de Hill Dale. Elle fait partie d'un réseau d'AP s'étendant sur toute la longueur de la chaîne montagneuse des Western Ghats, considérée comme une des 8 zones de biodiversité les plus critiques dans le monde (Myers et al., 2000). L'AWS forme, de plus, un lien vital entre la partie nord des Western Ghats, plus sèche, et la partie sud, plus humide.

L'accès à l'intérieur des limites de l'AWS est strictement interdit depuis son instauration, bien que des communautés y vivaient auparavant. Les dernières personnes y habitant en ont été expulsées en 2004. L'AWS a été séparé en trois parties pour en assurer une gestion optimale : la zone coeur, considérée comme la zone critique d'habitat naturel et représentant 88% de l'AWS, une zone tampon de 10% et une zone de tourisme et d'éducation de 2%.

Le climat est de type tropical à mousson, avec des précipitations annuelles s'élevant entre 2846mm et 4630mm sur les 10 dernières années et une saison sèche s'étendant de janvier à mai. L'ensemble des cours d'eau le traversant trouvent leurs sources soit dans l'enceinte de l'aire ou dans les AP adjacentes. D'après le directeur-adjoint de l'AWS, Mr Madhusoodhanan, ceci, en ajoutant la construction de 14 mares et 5 barrages, permet d'assurer globalement un approvisionnement en eau suffisant pour la faune tout au long de l'année, sauf les années de sécheresse exceptionnelle.

L'AWS est doté d'une biodiversité très riche, dont au moins 150 espèces végétales endémiques dans les Western Ghats. Un tiers de sa superficie est recouverte par des forêts tropicales à feuilles persistantes et 60% par des forêts tropicales à feuilles caduques. Le reste est occupé par d'anciennes plantations de teck, dont les gestionnaires s'efforcent de remettre à l'état naturel. L'aire d'Aralam est donc exclusivement sous un couvert forestier dense. Les plus proches espaces ouverts se trouvent dans l'aire adjacente de Kottiyoor Wildlife Sanctuary, qui

a été notifiée comme AP il y a 5 ans en partie car elle offre des espaces herbacés essentiels aux éléphants des environs.

Parmi les vertébrés 16 espèces d'amphibiens, 53 de reptiles, 233 d'oiseaux, 40 de poissons et 48 espèces de mammifères ont été observées dans l'AWS (dont 3 endémiques aux Western Ghats). Trois espèces animales, les tigres, éléphants et macaques à queue de lion font partie de la liste UICN des espèces animales en danger et six sont vulnérables (langur du nilgiri, gaur, sambar, chital, martre de l'Inde du sud, ours lippu).

Dans l'État du Kerala, la densité démographique est très élevée (860 personnes au km2 en 20112) alors que 29% de sa superficie correspond à des forêts protégées3. Bien que la surface sous couvert forestier ayant une canopée de densité supérieure à 10% soit de 52%, les forêts protégées rassemblent peu ou prou l'ensemble des forêts intactes du Kerala, le reste correspondant à des plantations en monoculture ou des espaces d'agroforesterie densément peuplés. Dans ces conditions, les habitats naturels pour la plupart des mammifères sont réduits aux seuls espaces protégés. Dans le cas d'Aralam, le sud est bordé par une large rivière, avec essentiellement des habitations et des plantations de cocotiers et d'hévéas au-delà. Cet espace n'est que peu visité par les animaux sauvages du fait de la rivière. Le nord et l'est sont contigus à d'autres AP. L'ouest concentre ainsi la plupart des conflits hommes-faune.

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2 http://spb.kerala.gov.in/EconomicReview2016/web/chapter01_01.php

3 http://www.forest.kerala.gov.in/index.php/forest/forest-area

Aires protégées de la région

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Source : Aralam Wildlife Sanctuary (23/04/18)

Figure 1: Aires protégées de la région

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2.2. La zone du Programme de Réhabilitation des Adivasi (PRA)

Cette étude se concentrera donc sur l'ouest d'Aralam, où cette étude a été conduite, correspond à une surface de 30 km2 de forêt entourée de rivières, qui a été entièrement coupée au début des années 1970 pour mettre en place une ferme gouvernementale nationale. En 2004, cette ferme a été donnée au Programme de Réhabilitation des Adivasi (PRA) qui l'a séparée en deux portions : la moitié a été gardée comme ferme, l'Aralam Farm, et l'autre moitié, adjacente à l'AWS, pour réhabiliter les Adivasi (et qui sera appelée dans la suite de ce mémoire zone du PRA). Le PRA a été instauré dans le cadre d'initiatives visant à compenser les Adivasi, qui sont les peuples autochtones de l'Asie du Sud pour la perte de leurs territoires ancestraux.

Ces populations suivaient pour beaucoup un mode de vie « traditionnel », en partie nomade, centré sur la forêt et ses ressources. L'expansion spatiale humaine au Kerala, et les restrictions imposées par la mise en place des AP, ont fortement remis en cause leur mode de vie car ils n'étaient pas propriétaires des espaces forestiers où ils habitaient. Le déplacement de ces populations hors de leurs territoires traditionnels et les difficultés à maintenir leur mode de vie ont ainsi généré une forte instabilité dans ces communautés et les ont rendu particulièrement vulnérables. Ils s'intègrent, en outre, difficilement au modèle économique actuellement en vigueur, à la fois à cause de leur situation socioéconomique, mais également de par leur système culturel.

Le PRA est ainsi un programme visant à distribuer des terres (4000 m2 par famille dans le cas d'Aralam) aux Adivasi sans-terre du district afin de leur offrir les possibilités de pourvoir à leurs besoins de manière autonome à travers l'agriculture. L'objectif est donc d'offrir à ces personnes une forme de compensation pour la perte de leur mode de vie. Quatre groupes ethniques s'y côtoient, les Kurichians, les Mavilans, les Karimpalans et les Paniyans.

La zone de la PRA était avant principalement une plantation d'anacardiers (dont le fruit est la noix de cajou), de cocotier et d'hévéas, qui a été divisé en 3375 parcelles de 4000 m2, dont seulement 1653 sont occupées à ce jour (ce qui représente environ 4500 habitants). En effet, de nombreuses personnes refusent d'y vivre à cause de la venue des animaux sauvages provenant de l'AWS bien que beaucoup utilisent cependant leur parcelle à des fins productives sans l'habiter. La plupart des familles ont gardé les arbres déjà plantés comme sources de revenus et ont planté d'autres arbres fruitiers, ainsi que des tubercules à des fins d'autoconsommation. Une agriculture plus intensive et capable de pourvoir aux besoins familiaux reste cependant une gageure à cause des incursions animales. Les habitants de la zone

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du PRA ont donc besoin de compléter leurs moyens de subsistance, essentiellement à travers des emplois journaliers d'agriculture ou de construction. Bien qu'une partie soit employée à l'Aralam Farm adjacente, le reste dépend d'emplois extérieurs à la zone du PRA. Étant donné l'éloignement relatif de la zone du PRA et surtout son étalement sur 15 km2, le manque d'infrastructures de transport en commun complique néanmoins les possibilités d'emplois à l'extérieur de la zone du PRA.

De plus, plusieurs programmes de développement des infrastructures, de construction de maisons en dur... ont été initiés ou promis depuis le début du PRA, mais leurs réalisations demeurent au mieux partielles.

La zone du PRA est donc exclusivement formée de parcelles de 4000 m2. La propriété de ces parcelles est de plus indivisible et ne peut pas être cédé à des personnes extérieures à la famille proche. Ceci a été instauré pour éviter que ces familles ne les revendent pour une somme modique et se retrouvent de nouveau sans terres et sans argent. Bien qu'il puisse exister deux habitations sur une parcelle, ceci est rare. Il ne peut donc pas y avoir de centre urbain. La population est ainsi répartie extensivement, principalement autour de deux pôles, au nord et au sud de la zone du PRA. La partie centrale adjacente à l'AWS demeure essentiellement sauvage.

L'Aralam Farm, toujours sous contrôle gouvernemental, est composée de plantations d'anarcadiers, de cocotiers, de cacaoyers, d'hévéas et d'ananas. Elle emploie environ 60% de ses travailleurs journaliers parmi les habitants de la zone de PRA (ce qui représente 583 personnes). Elle s'est engagée dans plusieurs programmes de soutien, notamment par la distribution d'arbres fruitiers.

Les gestionnaires de l'AWS ont implanté trois comités d'écodéveloppement. À travers ces comités, ils ont mis en place un certain nombre d'activités visant à supporter les habitants de la zone PRA : proposition d'emploi à la journée selon les besoins, distribution de cuisinières au gaz, construction de mini-barrages... D'après Mr Madhusoodhanan, ces activités ont permis d'améliorer la relation entre les autorités de l'AWS et les habitants. Cependant, il n'existe pas de projets visant à intégrer les habitants, même partiellement, dans la gestion du parc ou des conflits avec les animaux. Pour réduire les conflits sur les 10 kilomètres de bordure, il a été mis en place, avec un succès limité, 3 kms de mur en béton, 2 kms de tranchées et 5 kms de bordure électrique. Les garde-forestiers, aidé d'habitants locaux embauchés, patrouillent les nuits aux alentours de la bordure pour effrayer les animaux sauvages et intervenir rapidement en cas de problème grave, notamment avec les éléphants.

29

Trois groupes d'acteurs principaux sont ainsi présents sur ce terrain : l'institution de conservation de l'AWS, l'institution gouvernementale de l'Aralam Farm (qui emploie un grand nombre d'habitants de la zone du PRA) et les habitants de la zone du PRA. Le PRA n'est plus un acteur très actif sur le terrain, il est seulement en charge de veiller à la bonne distribution des parcelles.

La zone du PRA est donc une immense zone agroforestière ouverte habitée, dont une partie est retournée à l'état sauvage. Alors que le PRA était un programme de justice (partielle) environnementale visant à fournir aux populations vulnérables un moyen d'autonomisation, les habitants de la zone du PRA restent dans un état de précarité certain à cause du manque d'infrastructures, de la difficulté à changer de mode de vie et des problèmes avec les animaux sauvages, qui limite les possibilités d'agriculture,

L'Aralam Wildlife Sanctuary

Figure 2 : L'Aralam Wildlife Sanctuary Source : Map Data @2018 Google (27/05/18)

30

3. MÉTHODOLOGIE

Ce mémoire se fonde sur une approche pluridisciplinaire, intégrant à la fois des notions de sociologie, d'écologie et de géographie animale, et utilisant des méthodes qualitatives et quantitatives.

3.1. Entretiens non-structurés

Une série d'entretiens non-structurés avec plusieurs parties prenantes locales a été menée afin de mieux appréhender le sujet dans le contexte de ce terrain et d'obtenir le point de vue des gestionnaires de l'AWS. J'ai ainsi rencontré Mr Madhusoodhanan, le directeur adjoint de l'AWS (qui est en charge des opérations courantes), en Janvier pour un entretien préliminaire, afin de cadrer le sujet, puis en Février pour un entretien plus approfondi. J'ai ensuite rencontré Mr Rajan, le responsable de la division forestière du district de Kannur en Février, ainsi que le responsable du PRA d'Aralam, Mr Sreekumar, et deux travailleurs sociaux impliqués dans le PRA, Mrs Jobi et Mrs Rohina. Plusieurs entretiens ont été effectués avec des gardes forestiers de l'AWS, Mr Biju, Mr Rahul, Mr Jos, entre les mois de Février et d'Avril. Je me suis également entretenu avec le directeur de l'Aralam Farm, Mr Venugopalan, en Mars.

3.2. Enquête sociale à l'aide d'un questionnaire

Une enquête sociale a été menée en personne auprès des foyers domestiques de la zone du PRA entre le 24 avril et le 8 mai, avec l'aide d'un traducteur (ma maitrise de la langue locale étant imparfaite). Cette enquête a été réalisée à partir d'un questionnaire administré oralement. Il a fallu dans un premier temps former le traducteur aux exigences de l'enquête sociale qualitative, ainsi qu'effectuer un travail d'ajustement des questions aux particularités et au vocabulaire de la langue locale, le Malayalam, pour qu'elles soient clairement exprimées. L'enquête sociale a été menée de telle manière à offrir aux interviewés un espace d'expression allant au-delà de la simple réponse aux questions. Ceci a permis d'une part d'instaurer une forme de confiance et d'autre part de mieux comprendre la situation.

Un foyer est défini comme une ou un ensemble d'habitations où réside une famille. Une personne par foyer a été interviewée, la personne privilégiée étant celle ayant le plus de chances d'être confrontée à un animal sauvage. Bien que de nombreuses parcelles soient utilisées mais

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non habitées, la restriction de cette étude aux seules parcelles habitées découle de deux raisons : le fait d'y habiter offre des informations beaucoup plus complètes (notamment sur l'aspect temporel) et, le terrain étant difficile d'accès et le type d'agriculture pratiqué ne requérant pas forcément de travail journalier, les personnes non-résidentes ne viennent pas tous les jours.

Un échantillon aléatoire simple (Salès-Wuillemin, 2006) de 109 foyers a été sélectionné parmi les 432 foyers se situant à moins de 1 km de la bordure de l'aire protégée. Pour une population mère de 432 foyers, à un niveau de confiance de 95% et une probabilité de réalisation positive p inconnue, l'échantillon doit être en effet d'au moins 109 en considérant une marge d'erreur de 8%. Cette distance de 1 km a été choisie sur les conseils de Mr Madhusoodhanan, directeur adjoint de l'AWS. Il m'a en effet affirmé que la majorité des conflits avaient lieu à proximité des bordures de l'AWS, et qu'en prenant en compte la totalité de la zone du PRA, je risquais d'obtenir beaucoup de témoignages de foyers non-touchés par les conflits du fait de l'éloignement aux bordures de l'AWS. Sachant que j'étais limité en termes de temps, je souhaitais limiter la population mère de mon échantillon pour conserver une marge d'erreur raisonnable. Cette distance de 1 km a donc été choisie à la fois pour permettre d'avoir un échantillon dont les données obtenues seraient significatives de la population étudiée, ainsi que pour limiter le biais de la distance dans l'étude des configurations spatiales favorisant les conflits hommes-animaux sur ce terrain.

Le questionnaire comporte des questions ouvertes et fermées. Une préenquête sur 10 foyers a été effectuée. Cette préenquête a permis d'adapter le contenu du questionnaire aux disponibilités des personnes. L'enquête a été menée fin Avril-début Mai quand les habitants sont occupés par la récolte des noix de cajou et les préparations d'avant-mousson (ex. collecte de bois). Par conséquent, les habitants n'ayant pas forcément le temps de répondre à un long questionnaire, ce dernier a été raccourci, notamment dans la partie des représentations et attitudes, pour qu'un entretien ne dure pas plus de 30 minutes. D'autre part, il a fallu l'adapter aux contraintes de la traduction sur le terrain. En effet, certains concepts se sont avérés finalement plus difficiles à faire comprendre en Malayalam qu'escompté. Ce langage est, de plus, subdivisé en une multitude de dialectes locaux, compliquant la traduction de certaines questions.

Les résultats ont ensuite été codés sous forme numérique sur Excel. Les réponses des questions ouvertes ont été traitées dans un premier temps par regroupement par types thématiques.

32

3.3. Analyse statistique

Les logiciels Excel et R ont été utilisés. Le choix des tests statistiques pour valider les hypothèses dépend des types de variables. Les tableaux de contingence seront initialement étudiés et analysés, exceptés dans les cas de variables continues où le nuage de points sera examinées. Les écarts entre les effectifs théoriques et observés seront particulièrement observés. Dans un deuxième temps, la significativité de la relation entre deux variables sera étudié à l'aide du test du khi2, de la corrélation de Spearman et de la corrélation de Pearson selon les types de combinaison de variables. Des regroupements de classes seront effectués si nécessaire et si pertinent. Le risque d'erreur alpha de rejet de l'hypothèse nulle a été fixé à 5%.

3.4. Analyse spatiale

Les logiciels QGIS 3.0.3 (QGIS Development Team, 2018), SNAP 6.0 (European Space Agency, 2018) et SPRING 5.5.2 (Camara et al., 1996) ont été utilisés.

Une image Sentinel-2A du 21/02/2018 de niveau de traitement 1C, sans nuages, ortho rectifiée et ayant une résolution spatiale de 10 ou 20 mètres pour les bandes sélectionnées (bandes 2, 3, 4, 8, 11 et 12) a été obtenue sur la plateforme Copernicus de l'European Space Agency4. Un sous-ensemble a été créé sur SNAP, qui a ensuite été utilisé pour créer une carte de couverture de sols sur SPRING.

Une carte topographique de Survey of India de 2010 a été numérisée et exportée vers QGIS pour digitaliser les routes (« couche des routes ») et les limites de l'AWS (« couche de l'AWS ») dans le système de coordonnées WGS 84 zone 43N (EPSG :32463). La couche des routes a été complétée à de connaissances du terrain. La carte topographique a gracieusement été mise à disposition par les gestionnaires de l'AWS.

Une image Bing et une image Google Satellite ont été importées sur QGIS à l'aide de la fonctionnalité « XYZ Tile Server » pour digitaliser les habitations. Afin de digitaliser les foyers situés à moins d'un kilomètre de l'AWS, la « couche de l'AWS » a d'abord été reprojetée dans un système de coordonnées en mètres (EPSG : 24343), puis tamponnée de 1000 mètres à l'aide de l'outil « Buffer ». La bordure des 1 km a ensuite été extraite à l'aide de l'outil « Polygons to lines ». Les habitations entre cette dernière et la bordure de l'AWS ont ensuite

4 https://scihub.copernicus.eu/dhus/odata/v1/Products('1865c921-d011-4547-a5bf-b65317ab8c02')/$value

(04/04/18)

33

été digitalisées. Bien qu'ayant eu peur que de nombreuses habitations soient omises par cette technique, les reconnaissances sur le terrain ont montré que seules les maisons les plus récentes (-de 2 ans) étaient absentes, et ces dernières sont très minoritaires. La configuration du terrain, qui est essentiellement une forêt ouverte, a certainement aidé. Ceci a donc permis d'obtenir la « couche des habitations ». Une sélection aléatoire sur QGIS a donné la « couche des foyers interviewés » : les 109 habitations sélectionnées pour l'enquête sur le terrain.

L'analyse des liens entre les signes de présence humaines, la couverture des sols et les dégradations agricoles repose sur l'hypothèse que les animaux viennent directement des forêts denses pour effectuer des incursions dans la zone du PRA et y retournent ensuite, comme suggéré par Mr Madhusoodhanan, et plusieurs gardes forestiers. Les forêts denses qui servent de refuges comprennent ici l'AWS ainsi qu'une partie du centre de la zone de la PRA adjacente à l'AWS. Les forêts denses seront assimilées à partir d'ici à la forêt. À cette fin, une couche comportant les lignes les plus courtes entre les foyers interviewés et la bordure des forêts, a été créée sur QGIS en convertissant d'abord ces bordures en lignes, puis en points, et enfin en utilisant l'outil « Distance to nearest hub » pour relier les foyers à la forêt. Les lignes de cette couche ont ensuite été tamponnées de 50 mètres de chaque côté pour former la « couche des lignes foyers/forêt » à l'aide de l'outil « Buffer ».

Guerbois et al. (2012) ont choisi un rayon de 100 mètres dans un environnement assez ouvert et pour des parcelles en moyenne de 8000 m2. Étant donné les particularités du terrain, cette distance de 50 mètres qui traduit la zone d'influence d'un foyer a été choisie car elle reflète un peu plus que la taille des parcelles et la visibilité sur ce terrain.

Les procédures spécifiques seront détaillées dans chaque sous-partie concernée.

34

4. CARACTÉRISTIQUES SOCIOÉCONOMIQUES DE LA POPULATION INTERVIEWÉE

Sur les 109 foyers sélectionnés de manière aléatoire, 84 ont pu être interviewés. 25 foyers n'ont pas été interviewés : 18 où les personnes y habitant étaient absentes, voire définitivement parties, 7 où les personnes ne souhaitaient pas participer. Un certain nombre de personnes ont d'ailleurs exprimé dans un premier temps des réticences à participer à l'enquête, expliquant qu'ils n'avaient pas été à l'école et qu'ils ne sauraient pas répondre aux questions. Cependant, en expliquant que l'étude concernait leur vie quotidienne et la cohabitation avec les animaux sauvages, la grande majorité a accepté volontiers, voir avec un grand enthousiasme pour certains.

Au total, la parité hommes-femmes a été respectée involontairement : 43 hommes (51%) et 41 femmes (49%) ont été interviewés, alors que je m'attendais à un taux de femmes supérieur.

La personne la plus jeune avait 14 ans et la plus âgée 70 ans, pour un âge moyen de 42 ans et un âge médian de 41 ans. 14,29% ont en dessous de 25 ans et n'ont pas de famille à charge. 63,1% ont entre 25 et 55 ans. 22,62% ont plus de 55 ans.

Age des interviewés (en % des 84
foyers interviewés)

14,29%

22,62%

63,10%

- de 25 ans 25-55 ans + de 55 ans

Figure 3:Age des interviewés

4,36 personnes en moyenne vivent par foyer, avec une médiane et un mode de 4 personnes. Seuls 3 foyers ne comportaient qu'une seule personne et le foyer abritant le plus de

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personnes en comportaient 8. Cette moyenne correspond à celle du reste de l'État du Kerala, 4,3 (IIPS, 2007), alors que typiquement les familles les plus pauvres au Kerala, auxquelles appartiennent une grande majorité des habitants de la zone du PRA, sont plus nombreuses par foyer. Le fait que nombre d'enfants des 1ères familles arrivées dans la zone du PRA aient obtenu une parcelle dans la zone après leurs mariages explique en partie cette différence.

Les résidents interviewés y habitent en moyenne depuis 9,76 années, avec une médiane et un mode de 10 ans. Parmi les résidents les plus anciens, beaucoup ne se rappelaient certainement pas l'année exacte de leur arrivée et ont répondu environ 10 ans. Ceci correspond plus ou moins à la première grande initiative d'allocation des parcelles dans le cadre du PRA en 2006-2008. Certaines personnes (dont le maximum est de 20 ans) y habitaient déjà, illégalement, du temps de la ferme gouvernementale, où ils y travaillaient. La famille la plus récemment installée est arrivé en 2017.

La majorité des interviewés (62%) ont quitté le système éducatif après l'école primaire, qui correspond à un niveau 5ème en France. 15% se sont arrêtés entre la 5ème et la terminale, et 4% ont effectué des études supérieures après et baccalauréat. 19% ne sont jamais allés à l'école.

Il a également été demandé de statuer l'activité principale soutenant la vie du foyer. 20% des familles ont déclaré que l'agriculture était leur principale source de revenu. 79 % sont des travailleurs journaliers : 47% de travailleurs agricoles (dont un peu de moins de la moitié travaille à l'Aralam Farm) et 32% de travailleurs non-agricoles (principalement dans la construction), la dernière personne étant employée de banque. Je m'attendais à un pourcentage supérieur de gens vivant de l'agriculture. La zone du PRA étant en effet une ancienne plantation dont les arbres n'ont pas été coupés lors du changement de statut, des opportunités commerciales étaient déjà présentes. Cependant, de fortes disparités existent. Les personnes ayant une parcelle d'hévéas n'ont pas besoin de travailler à côté et sont financièrement plus aisés. La plupart des familles ayant eu une parcelle d'anarcadiers ne sont absolument pas en mesure de subvenir à leurs besoins seulement par l'agriculture et ont besoin d'une source de revenus alternative.

Principales sources de revenus (en % des
84 foyers interviewés)

1,19%

32,14%

46,43%

20,24%

Agriculture Emploi journalier agricole Emploi journalier nonagricole Employes

36

Figure 4 : Principales sources de revenus

Dans un second temps, il a été demandé le rapport à l'agriculture. L'ensemble des foyers entretient en effet une forme d'agriculture sur leurs parcelles de terrain : 17 % à des seuls fins de subsistance, 21 % à des seules fins commerciales, et 62% pour les deux à la fois.

Les habitants de la zone du PRA sont donc essentiellement dans une situation de précarité au niveau du travail, et par conséquent de dépendance aux ressources de leurs terres pour compléter leurs revenus. La majorité a ajouté qu'ils souhaiteraient pouvoir cultiver plus leurs parcelles, notamment des légumes, mais que les incursions journalières des animaux les décourageaient. Une phrase très couramment entendue lors de la question sur les espèces végétales cultivées fut « On a tout planté, mais on ne récolte jamais rien ».

Les cultures pratiquées se trouvent dans le tableau suivant :

37

Cultures pratiquées (sur 84 foyers)

Tableau 1: Cultures pratiquées

Aucune famille ne pratique l'élevage en tant qu'activité principale, mais certaines possèdent quelques animaux domestiques : 7% ont une vache, 14% ont au moins une chèvre, 15% ont au moins une poule. Un tiers des foyers ont également au moins un chien, dont l'utilité demeure dans ses aboiements pour prévenir l'arrivée d'animaux sauvages.

96% des personnes interviewées ont déclaré récolter des ressources naturelles dans les environs : 92 % pour du bois de chauffe, 72% pour de l'eau et 89% pour des plantes médicinales. Ils marchent en moyenne 7 minutes pour la recherche de ces ressources. 20% ont indiqué aller occasionnellement dans l'enceinte de l'AWS, principalement pour aller laver le linge. Beaucoup ont cependant indiqué qu'ils restent à proximité de la bordure à cause d'un fort sentiment d'insécurité dans l'AWS.

Le niveau de revenus n'a pas été demandé pour des raisons de sensibilité.

38

À travers les Comités d'Écodéveloppement, les gestionnaires de l'AWS ont mis en place plusieurs programmes d'aides. Il a été demandé s'ils ont obtenus des bénéfices de la part de ces derniers. Seulement 15% font partie de ces comités et 15% ont répondu oui (pas nécessairement les mêmes): 8 personnes reçoivent de temps en temps du travail, 1 personne a reçu des arbres en pot, 2 de la nourriture, 2 une cuisinière au gaz.

Bénéfices obtenus de la part des gestionnaires
de l'AWS (nombre de foyers)

80

 
 
 
 

71

 

70

 
 
 
 
 
 

60

 
 
 
 
 
 

50

 
 
 
 
 
 

40

 
 
 
 
 
 

30

 
 
 
 
 
 

20

 
 
 
 
 
 
 

8

 
 
 
 
 

10

 

1

2

2

 
 

0

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Emploi

Arbres

Nourriture

Cuisinière au gas Pas de bénéfices

 

(temporaire)

 
 
 

Figure 5: Bénéfices obtenus de la part des gestionnaires de l'AWS

Les gestionnaires de l'Aralam Farm ont également mis en place des programmes au soutien aux habitants de la zone du PRA. 76 % des habitants interviewés ont obtenu des bénéfices matériels de la part d'Aralam Farm : 20 personnes y ont un emploi, 42 ont obtenu des arbres en pots, 1 de la nourriture et 1 une cuisinière au gaz.

Bénéfices obtenus de la part de l'Aralam Farm
(nombre de foyers)

45

 

42

 

40

 
 
 
 
 

35

 
 
 
 
 

30

 
 
 
 
 

25

20

 
 

20

20

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

15

 
 
 
 
 
 
 

10

 
 
 
 
 
 
 

5

 
 
 

1

1

 
 

0

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Emploi Arbres Nourriture

Cuisinière au gas Pas de bénéfices

 

(temporaire)

 

39

Figure 6:Bénéfices obtenus de la part de l'Aralam Farm

Les résidents de la zone du PRA sont donc installés depuis un certain nombre d'années (10 en moyenne). La source de revenus principale des habitants repose essentiellement sur des emplois journaliers précaires. L'agriculture est néanmoins une source complémentaire importante à la fois de revenus et nutritionnelle. L'AWS et surtout l'Aralam Farm s'efforcent de plus d'aider les résidents de la zone du PRA.

40

5. CARACTÉRISTIQUES DES CONFLITS HOMMES-ANIMAUX EN PÉRIPHÉRIE DE L'AWS

Cette partie s'efforcera d'offrir une meilleure compréhension des conflits hommes-animaux dans la zone du PRA, à la fois en prenant en compte le point de vue des personnes touchées, les habitants de la zone du PRA, et le point de vue des gestionnaires de l'AWS.

5.1. Opinions des habitants de la zone du PRA

Cette sous-partie s'attache à analyser le ressenti que les habitants de la zone du PRA ont des conflits hommes-animaux et, plus particulièrement des dégradations agricoles.

5.1.1. Les types de conflits hommes-faune sauvage

Les 84 foyers interviewés ont tous exprimé vivre au moins une forme de conflits avec les animaux sauvages.

L'ensemble des foyers subissent des dommages réguliers sur leurs cultures. Les sangliers sont impliqués dans 79 des 84 cas, les sambars dans 69 cas, les éléphants dans 49 cas, les macaques dans 15 cas, les calaos (oiseaux nommés « Hornbill » en anglais) dans 1 cas, les porcs épics dans 2 cas et les écureuils géants dans 2 cas.

Le 2ème type de conflit le plus reporté est le sentiment d'insécurité (76,19%). Ce dernier est causé par 4 animaux : éléphants (pour 59 des 84 foyers), sangliers (6 foyers), tigres (17 foyers) et chiens sauvages (9 foyers).

Seulement 13,10% des foyers ont subi des dommages matériels (13,10%), à cause d'éléphants (7 foyers), sangliers (5 foyers) et porc-épic (1 foyer).

Il y a eu des cas de prédation d'animaux domestiques dans 7,14% des foyers, à cause de tigres (5 foyers) et de python (1 foyer). Ce dernier a mangé 2 chevreaux, alors que les tigres ont tué 3 chiens et 2 chèvres.

3 foyers (3,57% du total) ont reporté des blessures physiques non invalidantes : un par un sanglier et deux par des serpents.

Types de conflits reportés (en % des 84 foyers
interviewés)

100,00% 90,00% 80,00% 70,00% 60,00% 50,00% 40,00% 30,00% 20,00% 10,00% 0,00%

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

76,19%

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

13,10%

3,57%

7,14%

 
 
 
 
 
 
 

Dommages
Matériels

Dommages
Physiques

Prédation
d'animaux
domestiques

Insécurité

100,00%

Dommages agricoles

41

Figure 7:Types de conflits reportés

Il a été également demandé d'exprimer l'espèce animale étant la plus problématique. Les sangliers ont été cités dans 78,57% des foyers, alors que les éléphants et les sambars l'ont été chacun dans 25% des foyers. Seule une personne a énoncé les macaques.

Les opinions sur les raisons principales poussant les animaux à sortir de l'AWS sont principalement partagées entre le manque de nourriture dans l'enceinte de l'AWS et les préférences alimentaires des animaux (41,67% chacun). Le manque d'eau est beaucoup moins considéré (14,29%), conformément aux opinions des gestionnaires de l'AWS. Une personne a répondu que les animaux venaient pour nuire aux humains et une autre a suggéré que c'était par peur des prédateurs dans l'AWS.

Seulement 39,29% des foyers ont demandé à se faire compenser pour les dommages subis, et 72,73% de ces foyers ont obtenu une compensation financière. Chaque foyer a pourtant le droit de se faire compenser financièrement par le gouvernement indien pour les dégâts occasionnés par la faune sauvage une fois par an. Les habitants se plaignent cependant que les autorités de l'AWS ne viennent que tardivement vérifier leurs déclarations, quand les dégâts sont bien moins visibles, ce qui leur permet de d'estimer à la baisse la gravité des dégâts, voire de les nier.

60,71% des personnes interviewées ont exprimé que ces conflits ont un impact important sur leur vie quotidienne, 35,71% un impact faible et 3,57% ne sont pas dérangés par

42

les animaux sauvages. Ces derniers (3 foyers) possèdent tous les 3 une plantation d'hévéas, peu sujette aux dommages de la faune sauvage, dont ils tirent la majorité de leurs revenus.

La source principale de conflits sur ce terrain est les dégradations agricoles, d'autant plus que l'agriculture sert de complément de revenus essentiels pour la majorité des foyers. L'insécurité ressentie est également forte, alors que les dommages matériels et sur l'intégrité physique des habitants sont minoritaires. Ce sentiment d'insécurité est de plus très lié à la venue des éléphants. Le fait que ces derniers ne soient pas ceux causant le plus de dégâts matériels semble indiquer que le problème est plus d'ordre psychologique. Plutôt que les dégâts réels provoqués, la taille et le potentiel de destruction des éléphants provoquent certainement ce sentiment. Le sentiment d'insécurité est de plus causé dans 71% des cas par les herbivores. Ces derniers sortants de l'AWS essentiellement dans le cadre de leurs stratégies de recherche de nourriture (Rajan, Madhusoodhanan, comm. personnelles), le sentiment d'insécurité est donc lié au problème des dégradations agricoles.

5.1.2. Les dégradations agricoles

L'ensemble des foyers interviewés estime subir régulièrement des dégradations de leurs cultures par la faune sauvage. Les espèces animales les plus en cause dans les dégradations agricoles dans la zone du PRA sont les sangliers (Sus Scrofa), les sambars (Rusa Unicolor), les éléphants (Elephas Maximus) et les macaques (Macaca radiata et Macaca Silenus).

Les dégradations agricoles peuvent être séparées en deux catégories : les dommages résultant de la recherche de nourriture sur la plante même (que l'on appellera par la suite les raids agricoles) et les dommages non liés directement à la recherche de nourriture, comme le déracinement d'un arbre par un éléphant (que l'on appellera par la suite les dommages agricoles collatéraux).

Des raids agricoles ont été reportés par 96,43% des foyers : sangliers (75 des 84 foyers), sambars (67 foyers), éléphants (44 foyers), macaques (15 foyers), calao (1 cas), porc-épic (2 foyers) et écureuils géants (2 foyers). Des dommages agricoles collatéraux ont été signalés par 34,52% des foyers : éléphants (10 foyers), sambars (10 foyers), sangliers (9 foyers). À titre d'exemple, les sambar utilisent parfois l'écorce d'un arbre pour soulager une démangeaison, détruisant au passage les poivriers avec ses rameaux.

43

Contrairement à d'autres études dans un contexte environnemental similaire, les animaux causant le plus de dégâts agricoles ne sont donc pas les éléphants, mais plutôt les sangliers et les sambars (Gubbi, 2012; Karanth et al., 2012).

Espèces animales causant des dégradations
agricoles (en % des 84 foyers interviewés)

100,00%

90,00%

94,05%

82,14%

58,33%

17,86%

1,19% 2,38% 2,38%

80,00%

70,00%

60,00%

50,00%

40,00%

30,00%

20,00%

10,00%

0,00%

Figure 8:Espèces animales causant des dégradations agricoles

D'après les habitants, les dégradations agricoles ont lieu principalement la nuit pour les sangliers, éléphants et sambars (100% des foyers), au coucher du soleil pour les éléphants et sangliers (33,33%) et dans la journée pour les éléphants et les singes (25%). De nombreuses personnes ont mentionné une heure précise de la nuit, 22h. Seulement 15,48% des foyers ont exprimé une période de l'année particulièrement corrélée à la venue de la faune sauvage, la période de début des moussons en Juin-Juillet. Le reste estime que les dégradations agricoles ont lieu tout au long de l'année.

63,10% des personnes ont le sentiment que les dégradations agricoles sont en augmentation par rapport aux années précédentes, alors que 17,86% estiment qu'elles sont stables et 19,06% qu'elles sont en diminution.

La fréquence de venue de ces espèces animales sur les parcelles des habitants de la zone du PRA interviewés varie.

Les sangliers viennent tous les jours chez 91,67% des personnes interrogées.

Fréquence de venue des sangliers (en % des 84
foyers interviewés)

100,00%

91,67%

90,00% 80,00% 70,00% 60,00% 50,00% 40,00% 30,00% 20,00% 10,00% 0,00%

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

4,76% 1,19% 1,19% 1,19%

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Tous les jours Plus d'une fois Plus d'une fois Plus d'une fois Jamais

par semaine par mois par an

44

Figure 9: Fréquence de venue des sangliers

Les sambars viennent également très fréquemment : tous les jours dans 89,29% des cas.

Fréquence de venue des sambars (en % des 84
foyers interviewés)

100,00%

89,29%

90,00% 80,00% 70,00% 60,00% 50,00% 40,00% 30,00% 20,00% 10,00% 0,00%

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

5,95% 1,19% 2,38% 1,19%

 
 
 
 
 
 
 

Tous les jours Plus d'une fois Plus d'une fois Plus d'une fois Jamais

par semaine par mois par an

Figure 10: Fréquence de venue des sambars

45

Les éléphants viennent moins régulièrement. Ils ne sont en effet observés que sur un rythme mensuel dans la moitié des foyers.

Fréquence de venue des éléphants (en % des 84
foyers interviewés)

60,00% 50,00% 40,00% 30,00% 20,00% 10,00%

0,00%

 
 
 
 
 
 

51,19%

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

16,67%

 

21,43%

 

7,14%

 
 
 
 
 
 
 

3,57%

Tous les jours

Plus d'une fois Plus d'une fois Plus d'une fois Jamais

par semaine par mois par an

Figure 11: Fréquence de venue des éléphants

Les macaques sont les moins observés. Ils ne viennent plus d'une fois par semaine que dans 21,44% des cas. 21,43% des foyers ne les voient même jamais.

Fréquence de venue des macaques (en % des 84
foyers interviewés)

35,00% 30,00% 25,00% 20,00% 15,00% 10,00% 5,00% 0,00%

 
 
 
 
 

29,76%

 
 
 

27,38%

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

14,29%

 
 
 
 
 
 
 
 

7,14%

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Tous les jours

Plus d'une fois Plus d'une fois Plus d'une fois

par semaine par mois par an

21,43%

Jamais

Figure 12: Fréquence de venue des macaques

Les habitants ne ressentent donc pas les macaques comme posant beaucoup de problèmes, comparativement aux trois autres espèces animales. Leur petite taille fait qu'ils ne sont peut-être pas tout le temps repérés. De même, ils privilégient les fruits et la perte de quelque

46

uns de ces fruits peut ne pas être observée. Ils posent donc peut-être plus de dégâts que reportés, mais ces dégâts ont un impact beaucoup moins important sur la vie quotidienne des habitants.

D'après les habitants de la zone du PRA, l'espèce animale posant le plus de problèmes est donc celle des sangliers, à cause des dégradations agricoles causées. Les sambars et les éléphants sont également sources de destructions de nombreuses cultures. La venue de l'éléphant crée, en outre, un fort sentiment d'insécurité. La régularité de la venue des sangliers et des sambars (quasiment journalière) renforce d'autant plus les problèmes.

5.2. Opinions des gestionnaires de l'AWS

Cette sous-partie se fondera sur les entretiens non-structurés effectués avec le personnel de l'AWS et le responsable de la division forestière du district.

La zone du PRA n'étant réellement habitée que depuis 15 ans (et dont la population est en augmentation régulière depuis), les conflits hommes-animaux sont une préoccupation relativement récente et croissante chaque année. Les autorités de l'AWS avaient d'ailleurs anticipé le problème que pouvait représenter l'octroi de parcelles habitables sur la partie adjacente à l'AWS. Ils avaient conseillé les responsables du PRA de donner plutôt des parcelles éloignées de la bordure de l'AWS, mais ces derniers sont restés sourds à leurs remarques. J'ai essayé de comprendre les raisons sous-jacentes en interrogeant la personne en charge du PRA d'Aralam, mais cette dernière n'est là que depuis quelques années et ses prédécesseurs sont à la retraite et injoignables.

D'une manière plus générale, à l'échelle du district, Mr Rajan, m'a affirmé que les conflits hommes-faune sauvage ont véritablement commencé il y a une quinzaine d'années. Il estime que les habitats naturels des animaux ont fortement diminué en superficie dans les 30 dernières années à cause de l'expansion spatiale humaine. Il met notamment en cause les plantations en monoculture d'hévéas omniprésentes qui ne sont en aucun cas en mesure de supporter les grands mammifères. Aujourd'hui, les seuls espaces habités par les grands mammifères sont les AP et les forêts protégées du district. Ces dernières correspondent à des espaces où les activités commerciales et la manipulation de l'environnement sont interdites, bien que l'accès et la résidence y soient autorisés. Mr Rajan estime en outre que les changements climatiques sont en partie la cause de la recrudescence des conflits sur les dernières années. Il

47

juge en effet que l'augmentation des phénomènes climatiques extrêmes (sécheresses, inondations) amplifie les difficultés pour la faune à se nourrir.

Les personnes interviewées ont été unanimes sur l'origine des conflits hommes-animaux sauvages en périphérie de l'AWS : le manque d'espaces ouverts dans l'AWS, qui amène les herbivores à chercher de la nourriture dans la zone du PRA. Cet espace offre en effet une variété et une qualité nutritionnelle d'espèces végétales bien supérieures aux forêts denses de l'AWS, notamment pour les végétations herbacées prisées par les grands herbivores. De plus, cette zone étant une ancienne plantation agroforestière en grande partie conservée, elle se caractérise comme une forêt ouverte, où les animaux ne ressentent pas l'impression d'être à découvert, et sont donc plus aventureux. La saison sèche (de Février à Mai) est estimée correspondre au pic des venues des animaux sauvages par les professionnels de la conservation, bien que les habitants de la zone du PRA ne ressentent pas vraiment de variation dans l'année, si ce n'est une légère augmentation au début de la saison des moussons en Juin-Juillet.

Les animaux causant le plus de problèmes à l'échelle du district et de l'AWS sont similaires à ceux énoncés par les habitants de la zone du PRA : sangliers, sambars, macaques et éléphants. Cependant, le personnel de l'AWS semble considérer que les singes causent plus de dégâts que ce qui est a été reporté lors de l'enquête sociale.

Afin de prévenir les conflits hommes-animaux sauvages en bordure de l'AWS, les gestionnaires de l'AWS ont essayé un certain nombre de mesures.

Dans un premier temps, des mesures de séparation spatiale des espaces de l'AWS et de la PRA ont été implantés. 5 kilomètres de mur en ciment et en pierre ont été érigés, mais les éléphants en ont détruit une partie. 3 kilomètres de tranchées ont également été creusées et 2 kilomètres de barrières électriques solaires installées. Bien que la barrière électrique soit estimée relativement efficace, les éléphants comprennent vite comment surmonter ces obstacles. Ils font par exemple tomber des arbres pour effectuer une ouverture ou ils utilisent leurs paumes très dures pour appuyer sur les barrières électriques et les faire tomber. De même, ils remblaient les tranchées à l'aide de terre ou d'arbres pour pouvoir passer. On m'a ainsi souvent répété que les animaux, surtout les éléphants, sont plus intelligents que ce que l'on ne croit et qu'ils sont capables de trouver des solutions à tous types de problèmes mis en place par les humains. La maintenance étant très coûteuse, les gestionnaires n'ont pas les moyens de remettre en état ces barrières physiques à chaque ouverture faite.

48

J'ai demandé également s'ils utilisaient des formes de barrières biologiques (« biofencing »), à partir de haies ou d'arbustes. Mr Madhusoodhanan m'a répondu que la question des barrières biologiques est plus une sorte de gimmick utilisé par la presse ou les associations de conservation et que leur efficacité était infime.

Afin d'offrir des sources de nourriture plus variées et plus riches, ils s'efforcent de remettre à l'état sauvage une ancienne plantation de teck à l'intérieur de l'AWS. Ils essaient également de couper des branches régulièrement et de conserver des espaces ouverts afin de fournir un espace de végétation secondaire plus riche. La plantation d'arbres fruitiers et de bambous pour fournir une source de nourriture plus régulière aux animaux sauvages a été pratiquée, mais ces derniers mangent les jeunes arbres ou les détruisent.

Lorsqu'un éléphant pose plus de problèmes que les autres, les gestionnaires de l'AWS s'efforcent de le capturer et de le relocaliser dans d'autres AP plus vastes. Par exemple, en Février, un mâle qui menait une bande de 4 éléphants à des incursions particulièrement audacieuses et destructrices a été capturé et envoyé dans une AP à 150 kilomètres au Sud.

Les gestionnaires de l'AWS m'ont également indiqué que la provision d'emplois non-agricoles permettrait de réduire la magnitude des conflits. À cet effet, ils s'efforcent de développer une activité d'écotourisme à l'AWS, dont les guides sont des habitants de la zone du PRA. Les revenus obtenus sont à moitié reversé aux 3 comités d'écodéveloppement pour financer des fours sans fumées, des cuisinières au gaz... Cependant, le tourisme demeure très limité et n'est donc pas en mesure de générer une véritable source de revenu alternative pour les habitants.

J'ai également demandé s'ils estimaient qu'il était possible et intéressant d'inclure les habitants dans la gestion des conflits hommes-faune. Les réponses sont restées évasives, en affirmant tout le temps que « oui, mais c'est difficile », et sans donner de véritables réponses.

Globalement, les professionnels de la conservation ont semblé plutôt désabusés, voir impuissant, sur les possibilités de prévention des conflits hommes-animaux sauvages.

Les incursions des animaux sauvages de l'AWS dans la zone du PRA sont donc sources de conflits, notamment par les dégradations agricoles et le sentiment d'insécurité ressenti. Ceci est d'autant plus dommageable que l'agriculture était sensée fournir aux habitants le moyen de subvenir à leurs besoins. Ces animaux sont essentiellement des herbivores qui viennent dans le cadre de leurs stratégies de recherche de nourriture pour profiter des ressources végétales de la zone du PRA. La gestion de la faune sauvage est cependant difficile et les solutions mises en place sont peu efficaces.

49

6. CONFIGURATIONS SPATIALES ET RISQUES DE DÉGRADATIONS AGRICOLES

Cette partie s'attèlera à déterminer les facteurs spatiaux et environnementaux pouvant influencer les risques de dégradations agricoles dans le contexte spécifique d'Aralam. Les résultats obtenus seront ensuite expliqués, interprétés et comparés avec d'autres études de la littérature pour chaque sous-partie.

L'ensemble des foyers ayant reporté des dégradations agricoles, l'influence de ces facteurs sera étudiée pour chacune des quatre espèces animales, mais ne fera pas l'objet d'une analyse supplémentaire globale. Les différentes hypothèses seront testées non pas sur l'incidence ou non de conflits mais sur la fréquence des venues des animaux. En effet, certains animaux peuvent venir sur une parcelle mais ne pas causer de dégâts sur les cultures, par exemple si ces dernières ne sont pas comestibles. Dans ce cas, le niveau de risque potentiel de dégradations agricoles, découlant par exemple de l'utilisation de mesures de prévention ou de la densité humaine, est tout aussi important que dans le cas d'une parcelle se trouvant dans les mêmes conditions territoriales et ayant été ravagée par un animal car les cultures lui étaient particulièrement appétentes. Les espèces animales étudiées étant des herbivores dont la stratégie alimentaire guide en grande partie la mobilité, la fréquence de visite des animaux est donc considérée ici comme un indicateur pertinent pour juger des risques de dégradations agricoles.

Dans un premier temps, l'hypothèse de la préférence alimentaire des animaux sauvages sera testée. L'efficacité des mesures de réduction des conflits mises en place sera ensuite analysée. Puis, l'impact des signes de présence humaine sur la venue des animaux sera étudié. Enfin, le lien entre le type de couverture des sols et la présence de faune sauvage sera examiné.

50

6.1. Utilisation des sols et risques de raid agricoles

Cette partie visera à déterminer si les 4 espèces animales étudiées viennent hors du sanctuaire de l'AWS pour se nourrir d'espèces végétales cultivées spécifiques. L'objectif est d'identifier les types de cultures pouvant potentiellement attirer les animaux sauvages. Tout d'abord la proportion de foyers reportant l'attaque d'un type de culture par rapport au nombre de foyers cultivant cette espèce végétale sera calculée pour estimer les cultures appétentes par espèces. Ensuite, 4 variables binaires, une pour chaque espèce animale, intitulées « foyers à risques » seront construites en codant 1 pour les foyers cultivant au moins une des 3 cultures les plus appétentes de l'espèce animale et 0 pour les autres. La corrélation entre cette variable et la fréquence de venue des animaux sera ensuite étudiée selon chaque espèce animale. La probabilité que les animaux viennent pour des cultures particulière est élevée s'ils viennent plus fréquemment dans les foyers cultivant les cultures les plus appétentes.

Le type d'espèces végétales cultivées est, en effet, souvent proposé dans la littérature comme un facteur de conflits hommes-herbivores sauvages (Jayson, 1998; Naughton-Treves, 1997; Sitati et al., 2005). Sukumar (1990) suggère que la valeur nutritive des plantes cultivées est supérieure à celle des plantes sauvages. Il estime que le groupement spatial des premières dans les champs de culture permet une quête de nourriture bien plus efficace pour les animaux. Ces derniers ont également tendance à montrer des préférences alimentaires. Lors des entretiens préliminaires, il a ainsi été suggéré que, sur le terrain d'Aralam, les éléphants préféraient les bananes, les sangliers : les racines du manioc, et les singes : les fruits.

Le tableau suivant présente les espèces végétales cultivées, le nombre de foyers les cultivant, ainsi que la proportion de foyers ayant signalé des raids agricoles sur ces espèces végétales par rapport au nombre de foyers en cultivant. Cette proportion a été calculée pour chacune des quatre espèces animales, ainsi qu'au total.

Préférences alimentaires des 4 espèces animales

étudiées

51

Types de cultures

 

Nombre de

Proportion de foyers ayant subi des raids agricoles (% des 84

 

foyers interviewés)

 

foyers

 

Par les

Par les

Par les

Par les

Total

 

cultivant

sangliers

sambars

Éléphants

macaques

 
 
 
 
 
 

Anarcadiers (noix de cajou)

69

6%

80%

0%

7%

81%

Bananiers

60

50%

7%

53%

7%

90%

Poivriers

57

0%

67%

0%

0%

67%

Cocotiers

55

24%

0%

44%

9%

69%

Taro (tubercule)

49

92%

0%

0%

0%

92%

Manioc (tubercule)

47

94%

0%

0%

0%

94%

Aréquiers (noix de bétel)

24

0%

4%

25%

0%

29%

Elephant Foot Yam (tubercule)

20

85%

0%

0%

0%

85%

Hévéas

16

0%

0%

0%

0%

0%

Gingembres

15

0%

0%

0%

7%

27%

Jacquiers (fruit)

13

0%

0%

23%

0%

23%

Curcuma

12

0%

0%

0%

8%

17%

Grands ignames (tubercule)

12

83%

0%

0%

0%

83%

Épinards

10

0%

20%

0%

0%

20%

Papayers

7

0%

0%

0%

14%

14%

Cacaoyers

6

0%

0%

0%

0%

0%

Manguiers

6

17%

0%

33%

17%

67%

Haricots

6

17%

17%

0%

0%

33%

Piments verts

4

0%

0%

0%

0%

0%

Goyaves

4

0%

0%

0%

0%

0%

Aubergines

3

0%

0%

0%

0%

0%

Caféiers

2

0%

0%

0%

0%

0%

Tableau 2: Préférences alimentaires des 4 espèces animales étudiées

On peut observer que le sanglier a une alimentation plus variée que les autres. Il mange principalement les tubercules. Il semble également très friand des noix de coco et des bananiers, où il mange le fruit mais également plusieurs parties de la plante. Les mangues, les haricots et les pommes de l'anacardier semblent plus être des sources de nourriture complémentaire. Bien que les tubercules soient fortement touchés, ils sont quand même plantés par les habitants car leur culture demande une attention minime. Ces résultats semblent corroborer ceux de Guo et

52

al. (2017) et Chauhan et al. (2009), qui indiquent que leur régime alimentaire est extrêmement varié, notamment dans les milieux tropicaux. Paleeri et al. (2016) ont également trouvé une préférence pour les bananes, les noix de coco et les tubercules dans le centre du Kerala, bien que dans leur étude les tubercules soient beaucoup moins touchés.

L'analyse de la table de contingence et le test d'association entre la variable « foyers à risque » (ceux cultivant du manioc, du taro ou de l'Elephant Foot Yam) et la fréquence des venues des sangliers montrent néanmoins une indépendance entre les 2. Il faut néanmoins prendre en compte que 92% des foyers ont signalé des visites journalières des sangliers, ce qui limite la portée du test.

Les sambars se nourrissent principalement de feuilles de poivriers et d'anacardiers, ainsi que des pommes de l'anacardier. Ils montrent également une préférence pour les feuilles de légumes. Dans une étude en Inde, Porwal et al. (1996) ont d'ailleurs montré que les sambars se nourrissent principalement d'herbes et de feuilles et privilégient une diète variée.

L'analyse de la table de contingence et le test d'association entre la variable « foyers à risque » (ceux cultivant des poivriers, des anarcadiers ou des épinards) et la fréquence des venues des sambars indiquent également que les deux sont indépendants. Sachant que 89% des foyers signalant des visites journalières des sambars, la significativité du test est néanmoins faible.

Les éléphants montrent également des préférences assez marquées, principalement des bananes et des noix de coco. Ils se nourrissent également de fruits comme le fruit du jacquier et les mangues, ainsi que des noix de bétels. Le régime alimentaire de l'éléphant repose essentiellement sur les végétations herbacées (Baskaran et al., 2013), mais il mange également des fruits, des brindilles, des racines, de l'écorce, des bambous...(Sukumar, 1994). La préférence pour la banane avait déjà été remarquée au Kerala (Jayson, 1998; Paleeri et al., 2016).

Après l'analyse de la table de contingence et du test d'association entre la variable « foyers à risque » (ceux cultivant des manguiers, des bananiers ou des cocotiers) et la fréquence des venues des éléphants, une indépendance entre les deux a été trouvée.

Lorsqu'ils viennent dans les parcelles habitées de la zone du PRA, les macaques mangent essentiellement des fruits (papayes, bananes, pommes de noix de cajou) et des noix de coco. Ils endommagent également des pieds de gingembre et de curcuma, car ces derniers sont

53

souvent hôtes de vers prisés par les macaques. Ces résultats concordent avec ceux de Dileep et Jose (2014) et Krishnamani (1994), qui ont trouvé que le régime alimentaire des macaques à bonnets en Inde du sud est essentiellement composé de fruits, feuilles et invertébrés.

L'hypothèse de dépendance entre la variable « foyers à risque » (ceux cultivant du manioc, du taro ou de l'Elephant Foot Yam) et la fréquence des venues des macaques est également rejetée après l'analyse de la table de contingence et le test d'association.

Les quatre espèces animales étudiées suivent globalement un régime alimentaire assez marqué. L'absence d'association entre la fréquence de venues des animaux et le fait de cultiver les cultures qui leur semblent être les plus appétentes (bien que dans le cas des sambars et des sangliers l'analyse statistique soit sujette à caution) semble indiquer que les raids agricoles sont essentiellement le fait de comportements opportunistes plutôt que d'une recherche de nourriture spécifiquement orientée vers une espèce végétale. Néanmoins, une étude avec plus de données et dans un environnement plus diversifié (par exemple, dans des situations de cultures vivrière plus développées et plus intenses) serait certainement nécessaire pour statuer sur ces résultats.

6.2. Mesures de réduction des conflits et risques de dégradations agricoles

Cette partie cherchera à déterminer les mesures de prévention utilisées par les habitants de la zone de la PRA et si elles permettent de réduire les risques de dégradations agricoles. Il est ici supposé qu'elles ne sont pas efficaces. En Inde du sud, Kumar et al. (2017) et Karanth et al. (2013) jugent en effet que les mesures traditionnelles sont peu efficaces. Les entretiens exploratoires ont globalement confirmé l'impression de cette tendance.

Les mesures de réduction des conflits hommes-animaux peuvent être séparées en deux catégories. Les premières sont les mesures de prévention et visent à empêcher la venue de la faune. Leur efficacité sera évaluée en les associant à la fréquence de venue des animaux sur les parcelles des habitants. Les deuxièmes sont les mesures de réactions et visent à faire partir les animaux ayant pénétré dans l'espace humain. Leur efficacité sera analysée en les associant à l'occurrence de dégradations agricoles

Dans un premier temps, les méthodes utilisées et la perception de leur efficacité par leurs utilisateurs seront détaillés. Ensuite, l'hypothèse de non efficacité de ces mesures sera testée statistiquement pour chaque méthode et pour chaque espèce animale.

54

Les mesures de prévention utilisés sur ce terrain sont au nombre de quatre. Les barrières en tissus sont utilisées par 17 des 84 foyers interviewés. 88% de ces foyers estiment qu'elles ne sont pas efficaces, et seulement partiellement efficace pour le reste.

Les barrières biologiques correspondent à la plantation de bosquets adossés à une barrière en bois ou bambou et sont utilisés par 37 des foyers. 84% jugent qu'elles sont inefficaces, 13% partiellement efficaces et 3% (1 personne) efficaces.

Les barrières en fils barbelés ne sont présentes que dans seulement 4 parcelles, à cause de leur coût prohibitif. Elles ont été financées dans 3 des cas par la commune. La moitié estime qu'elles ne sont pas suffisantes pour empêcher les animaux de passer, et l'autre moitié juge qu'elles sont partiellement efficaces. 3 estiment cependant qu'elles permettent de limiter les venues de sambars.

27 familles ont installé des épouvantails, mais 81% de ces derniers les trouvent inefficaces. 14% les jugent néanmoins partiellement inefficaces alors qu'une seule personne (4%) estime qu'ils permettent de tenir les animaux éloignés.

Ces mesures de ségrégation sont donc globalement estimées peu fonctionnelles. Seulement deux personnes ont estimé garder régulièrement leur parcelle pour y prévenir l'entrée des animaux. Ce faible nombre peut s'expliquer par le fait que la plupart des habitants ont un autre travail à côté et le fait que ceux qui vivent de l'agriculture cultivent principalement des hévéas qui sont moins sujets aux dégâts animaux. Les agriculteurs sont, en outre, plus âgés que la moyenne (50 ans) et donc peut-être moins en mesure de s'opposer aux animaux sauvages, comme les sangliers ou les éléphants. Le gardiennage préventif a donc été mis de côté dans cette analyse.

Les habitants de la zone de la PRA ont développé plusieurs techniques pour effrayer et faire fuir les animaux sauvages ayant pu rentrer sur leurs parcelles.

L'utilisation de répulsifs sonores est ainsi pratiquée par 70% des foyers, que ce soient des pétards ou des percussions. 30% de ces derniers ont indiqué que l'utilisation de telles méthodes est particulièrement efficace. Un quart juge néanmoins qu'elles sont inutiles et 45% partiellement efficaces.

Un peu moins de la moitié (46%) des foyers utilise des répulsifs visuels, essentiellement le feu ou des lampes torches. 23% les juge efficaces, 31% partiellement efficaces et 36% inefficaces.

55

Un tiers des habitants a également déclaré avoir des chiens de garde. La moitié les juge inutiles, un tiers partiellement efficaces et 18% efficaces. Bien que de nombreuses personnes aient estimé qu'ils n'empêchent pas les animaux de venir et ne servent principalement qu'à avertir les humains, cette mesure d'atténuation des conflits hommes-animaux peut être considérée comme à la fois mesure de prévention et de réaction. Dans le premier cas, l'hypothèse considérée est que les aboiements du chien indiquent une présence humaine aux animaux, réduisant par-là les venues de ces derniers. Dans le deuxième cas, l'hypothèse considérée est que les aboiements permettent aux hommes de connaître la venue d'animaux est donc de pouvoir réagir.

Mesures de réduction des conflits utilisées et perceptions de leur

efficacité

Barrière en Barrières Barrières Epouvantails Répulsifs Répulsifs Chiens

tissu biologiques barbelés sonores visuels

Inefficace Partiellement efficace Efficace Nombre de foyers utilisant

40,00%

90,00%

80,00%

70,00%

60,00%

50,00%

30,00%

0,00%

20,00%

100,00%

10,00%

% de foyers (sur 84)

Nombre de foyers (sur 84)

40

70

60

50

30

20

10

0

17

37

4

27

59

39

28

Figure 13: Mesures de réduction des conflits utilisées et perceptions de leur efficacité

L'hypothèse de l'inefficacité des mesures de réduction des conflits a ensuite été testée statistiquement pour chaque espèce animale.

Pour les mesures de prévention, cette hypothèse a été testée en étudiant la relation entre la fréquence des venues et l'utilisation de ces mesures.

56

Pour les barrières en tissu et biologiques ainsi que pour les épouvantails, l'hypothèse d'indépendance est acceptée pour chaque espèce animale. L'étude du tableau de contingence de l'utilisation de barrières en métal (4 cas) ne montre pas une fréquence de venue moindre pour les quatre espèces animales. Le fait de posséder un chien de garde ne montre pas également une diminution relative de la fréquence des venues.

Pour les mesures de réaction, cette hypothèse a été testée en étudiant la relation entre l'incidence de dégradations agricoles et l'utilisation de ces mesures.

L'utilisation de répulsifs sonores n'est pas liée à une baisse des dégradations agricoles pour les sangliers et les singes. Cependant, l'hypothèse d'indépendance est rejetée pour les sambars (p=0,03482, n=84), mais l'analyse détaillée indique que l'utilisation de répulsifs sonores augmente les occurrences de dégradations agricoles. En revanche, cette technique semble efficace (p=0,004417, n=84) dans le cas des éléphants.

En revanche, les techniques de répulsifs visuels ne semblent pas s'accompagner d'une réduction des conflits.

Le fait de posséder un chien de garde montre une relation négative (p=0,02001, n=84) avec l'occurrence de dégradations agricoles des éléphants, mais pas pour les autres espèces animales.

Les mesures de réductions des conflits utilisées par les habitants de la zone de la PRA correspondent à celles communément utilisées dans le reste de l'Inde (Karanth et al., 2012; Lenin et Sukumar, 2008; C. K. Rohini et al., 2016). Elles ne semblent globalement ne pas s'accompagner d'une réduction des venues des animaux et des conflits. Ces résultats correspondent globalement à d'autres études déjà menées au Inde du sud n'ayant pas trouvé de relations vraiment significatives entre les mesures de réduction et le risque de dégradations agricoles (Karanth, Gopalaswamy, et al., 2013; Kumar et al., 2017; Paleeri et al., 2016). Bien que Sinu et Nagarajan (2015) suggèrent un impact positif de l'utilisation de barrières en tissus au nord du Kerala, ceci n'est pas le cas sur ce terrain.

Néanmoins, bien que cela ne s'accompagne pas de visites animales plus rares, le fait de posséder un chien est associé à une réduction de dégradations agricoles causées par les éléphants, de même que pour les répulsifs sonores. Ceci concorde avec les résultats de Paleeri et al., (2016) dans un contexte similaire. Ceci s'explique peut-être par le fait que les éléphants sont plus aisément remarqués du fait de leur taille et de leur moindre discrétion, d'autant plus qu'ils s'aventurent également en journée contrairement aux sangliers et sambars. Ceci peut

57

donc permettre aux habitants de réagir plus vite à leurs venues et de pouvoir les faire fuir avant qu'ils n'aient pu créer des dommages.

6.3. Analyse spatiale visuelle et distance à la forêt

Une analyse spatiale visuelle de la carte des conflits sera dans un premier temps effectuée. Ensuite, la relation entre la distance à la forêt (AWS et partie centrale de la zone du PRA, voir partie 3.4) et les visites des quatre espèces animales sera étudiée.

Initialement, une variable de proximité à une ouverture dans les mesures de ségrégation spatiale (5km de mur, 3km de fossé, 2km de barrière électrique) implantée par les autorités de l'AWS devait être également analysée. Cependant, les données nécessaires à l'élaboration d'une variable de proximité à une ouverture dans la séparation entre zone du PRA et AWS n'ont pas pu être obtenues. Les gardes forestiers m'ont en effet interdit de continuer ma reconnaissance à pied du long de la bordure, car un tigre avait été repéré plusieurs fois dans les environs, ce qui est assez rare. Ayant pu effectuer environ un tiers de la bordure avant d'être interrompu (22/05/2018), j'ai remarqué de nombreux pans de murs démolis et de tranchées à moitié remblayées.

Seule la variable de distance à la forêt a donc été étudiée plus en détail. En effet, de nombreuses études ont trouvé un lien entre la distance au refuge le plus proche et l'intensité des conflits en Inde du sud (Gubbi, 2012; K K. Karanth, Naughton-Treves, et al., 2013; Paleeri et al., 2016). La distance entre les foyers et la forêt a été obtenue à l'aide de l'outil « Distance to nearest hub » (voir partie 3.4).

Le foyer dont les résidents ont été interviewés le plus proche de la forêt est à 18 mètres et la plus éloignée à 1009 mètres, pour une moyenne de 458 mètres (84 foyers). Le premier quartile est à une distance de la forêt allant de 18 à 229 mètres, le deuxième de 229 à 449 mètres, le troisième de 449 à 715 mètres et le dernier de 715 à 1009 mètres. La distribution des foyers est donc relativement équilibrée.

Les sangliers montrent ainsi une tendance à moins venir dans les habitations les plus éloignées (r=0,21, p=0,0559, n=84). Bien que ce résultat statistique peut être peu pertinent sachant que 92% des foyers ont signalé des visites quotidiennes, il est intéressant de noter que 4 des 7 foyers n'ayant pas déclaré de visites quotidiennes font partie du 4ème quartile de distance à la forêt.

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En outre, une corrélation a été trouvée entre la distance au refuge le plus proche et la probabilité de visites des macaques (r=0,2167, p=0,04774, n=84). Les macaques viennent moins dans les habitations plus éloignées de la forêt.

Le fait que la mobilité des sangliers soit plus reliée à la distance que celle des éléphants et des sambars est assez étonnant. Plusieurs études ont en effet pointé que les sangliers sont une des espèces les plus aventureuses (Chauhan et al., 2009; Thinley et al., 2017). Cependant, encore une fois, la distribution des données pour les sangliers et les sambars est très asymétrique. La généralisation de leur analyse se doit donc d'être prudente.

L'analyse spatiale visuelle de la carte des dégradations agricoles signalées par les foyers interviewés selon l'espèce animale (Figure 1) montre une distribution marquée des conflits avec les macaques. Ces derniers semblent concentrés dans le nord de la zone du PRA et dans le sud. De même, les éléphants semblent créer moins de dégâts au sud. Les dégradations agricoles causées par les sambars et les sangliers semblent uniformément réparties.

Figure 14:Carte de dégradations agricoles signalées par les foyers interviewés de la zone du PRA

Source : Map Data @2018 Google (27/05/18)

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Carte des dégradations agricoles signalées par les foyers
interviewés de la zone du PRA

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6.4. Présences humaines et risques de dégradations agricoles

Cette partie visera à établir si les signes de présence humaine tendent à augmenter les risques perçus par les herbivores sauvages et donc réduire les risques de conflits. Plusieurs auteurs abondent en effet dans ce sens et indiquent que la plupart des animaux sauvages évitent s'ils le peuvent le contact avec l'homme (Pozo et al., 2017 ; Guerbois et al., 2012, Rangarajan et al., 2010).

Dans cette optique, la relation entre la fréquence de venue de la faune sauvage et la présence de voisins et de routes entre la bordure de l'AWS et les foyers sera donc étudiée.

Le nombre de voisins a été calculé en comptabilisant le nombre d'habitations se trouvant entre un foyer et le refuge sur QGIS. Pour cela, l'outil « Join attributes by location (summary) » a été utilisé à partir de la « couche des habitations », représentant l'ensemble des habitations digitalisés se trouvant à moins d'un kilomètre de l'AWS, et de la « couche des lignes foyers/forêt », représentant les lignes tamponnées (100m de large) les plus courtes entre les foyers et la forêt. Cet outil a permis d'obtenir le nombre d'habitations se trouvant dans chacune de ces lignes tamponnées.

Un peu moins d'un quart des foyers interviewés de la zone de la PRA (23%) n'a pas ou qu'un seul voisin entre leur habitation et la forêt. Un peu plus d'un quart (26%) a 2 ou 3 voisins. Ceux ayant entre 4 et 6 voisins représentent également 26%, alors qu'un dernier quart de foyer a plus de 7 voisins. 9 foyers n'ont pas de voisins et celui qui en a le plus en a 16.

Carte du nombre de voisins entre les foyers interviewés et la forêt

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Figure 15: Carte du nombre de voisins entre les foyers interviewés et la forêt

 

Source : Map Data @2018 Google (27/05/18)

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L'hypothèse de risques supérieurs ressentis par les animaux en présence d'une forte densité d'habitations a ensuite été testée statistiquement par espèce animale.

Dans un premier temps, l'analyse des tableaux de contingence a montré une tendance faible à relation inverse entre les venues de la faune sauvage et le nombre de voisins. Cependant, l'occurrence de dégradations agricoles ne montre pas de relation avec le nombre de voisins.

La corrélation entre le nombre de voisins et, respectivement, la fréquence de venue des animaux et les dégradations agricoles, selon chaque espèce animale, a ensuite étudiée. Une corrélation significative a été trouvée entre les venues des sangliers et le nombre de voisins (rho=0,246 ; p=0.024 ; n=84). Les sangliers ont ainsi tendance à moins s'aventurer quand la densité d'habitations augmente.

Globalement, les trois autres espèces animales montrent également cette tendance, bien que faiblement : le test de corrélation n'a pas de résultats significatifs (valeur p variant entre 0,11 et 0,16). Les tests de corrélation entre dégradations agricoles et nombre de voisins sont beaucoup moins significatifs.

Les routes sont également des éléments pouvant augmenter les risques perçus par les animaux sauvages et les décourager de traverser. Seules les routes principales et les plus larges sont considérées ici. Elles opèrent en effet une séparation abrupte et absente de végétation, ce qui ne laisse pas de couverts accessibles directement. De plus, le trafic, bien que faible, peut induire un sentiment de danger supplémentaire pour les animaux. Les routes et chemins secondaires ont été délaissées car elles ne traduisent pas forcément un sentiment de séparation et ne semblent plus inclus dans l'environnement.

Pour calculer le nombre de routes entre la forêt et les foyers interviewés, l'outil « Join attributes by location (summary) » a été utilisé dans QGIS à partir de la « couche des routes », représentant les routes digitalisées, et de la « couche des lignes foyers/forêt », représentant les lignes tamponnées (100m de large) les plus courtes entre les foyers et le refuge le plus proche.

Il n'existe aucune route principale entre les habitations et la forêt pour la moitié des foyers ayant participé à l'enquête sociale. Un tiers est séparé par une route principale et le reste (16,33%) par 2 ou 3 routes.

En analysant les tableaux de contingence, les routes semblent légèrement réduire la fréquence de venues des éléphants dans la zone de la PRA, mais pas pour les autres animaux. Le test d'hypothèse statistique n'a pas révélé d'association significative entre la présence de

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routes et la fréquence de visites de la faune sauvage, ainsi qu'avec l'occurrence de dégradations agricoles.

Contrairement à ce qui était attendu, les signes de présence humaine ne semblent pas intimider fortement les éléphants, les macaques et les sambars dans la zone de la PRA. Les sangliers montrent cependant une certaine disposition à côtoyer en priorité les espaces les moins denses en habitations humaines. La distribution des données sur les visites et les dégâts des sangliers et des sambars étant fortement asymétrique, les résultats obtenus sont à prendre avec prudence.

Ces résultats semblent aller à l'encontre de Rohini et al. (2016) et Gubbi (2012), qui trouvent une corrélation entre le nombre d'habitations et les dégradations agricoles au Kerala. La densité d'habitations est relativement faible dans la zone du PRA car cette zone est divisée en parcelles de 4000m2. Les habitations sont donc un peu éloignées les unes des autres et il n'y a donc pas de centre urbain à proprement parler, bien que l'on puisse observer une certaine forme de regroupements dans certaines parties. Cet étalement, additionné avec la végétation relativement haute de la zone, peut offrir à la faune des espaces de refuges immédiats dans une majorité des situations favorables, d'autant plus que les incursions sont majoritairement nocturnes. Il serait intéressant de prolonger l'étude en comparant les résultats entre l'utilisation des lignes tamponnées et une analyse à base d'une grille pour étudier plus profondément le lien entre densité d'habitations et conflits. Par ailleurs, Ananda Kumar et al. (2011) suggèrent que, dans le contexte du Kerala, ce n'est pas tant le nombre d'habitations et la présence de routes qui favorisent les conflits avec la faune sauvage, mais plutôt la fragmentation de leur habitat naturel et la qualité de la végétation à disposition.

6.5. Couverture des sols et risques de dégradations agricoles

Cette sous partie s'attachera à évaluer le lien entre couverture des sols et dégradations agricoles sur les cultures. Nyhus et Tilson (2004) ont en effet montré qu'une végétation dense peut favoriser le risque de raids en offrant un refuge aisément accessible. Selon les espèces animales et leurs besoins, certains couverts sont de plus préférés (Linkie et al., 2007 ; Pant et al., 2009 ; Baskaran et al., 2013). Un couvert forestier minimal est jugé essentiel pour les petits primates (Hill et Wallace, 2012). Les macaques d'Aralam restent ainsi essentiellement dans les arbres, et les rares incursions à terre sont brèves. De même, les sangliers préfèrent les espaces de végétation dense dans les milieux tropicaux, qui sont plus riches en ressources alimentaires

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(Guo et al., 2017). Thinley et al. (2017) ont démontré que les sangliers privilégient les forêts en bordure immédiate de champs. Sur ce terrain, il a de plus été suggéré que les éléphants et les cerfs ont tendance à sortir de l'AWS car ce dernier ne comporte pas d'espaces ouverts, qui sont particulièrement recherchés par les grands herbivores Les éléphants en particulier ont tendance à privilégier les espaces de végétation intermédiaire, qui offrent un compromis entre la qualité nutritionnelle supérieure des espaces ouverts et la quantité supérieure de nourriture des espaces denses (Gara et al., 2016).

Les incursions animales étant motivées par la quête de nourriture et les raids agricoles probablement plus opportunistes que volontaires (voir partie 6.1), la présence d'un type de couverture des sols particulièrement recherché par certains animaux peut donc s'accompagner de visites animales et de risques de dégradations supérieurs pour les foyers à proximité.

Les hypothèses d'association entre la couverture du sol et les visites de la faune sauvage seront donc différentes selon les espèces animales : les espaces de végétation intermédiaire sont supposés être plus propices aux venues des sambars et des éléphants, alors que les espaces plus denses sont supposés être privilégiés par les sangliers et macaques.

La vérification de ces hypothèses sera effectuée à partir de la composition des différents types de couverture des sols entre un foyer et le refuge le plus proche.

Dans un premier temps, une carte de la couverture des sols a été établie à l'aide de l'image Sentinel 2A et des connaissances du terrain. Un sous-ensemble correspondant à la zone étudiée a d'abord été sélectionné sur SNAP, en ne gardant que les bandes 2, 3, 4, 5, 11 et 12 et en redimensionnant chaque bande en pixel de 10 mètres. Une classification supervisée par pixel a ensuite été effectuée sur SPRING, à l'aide de la méthode couramment utilisée de la « Maximum Likelihood » à 99% (Lu et Weng, 2007). L'étape de post classification a ensuite été exécutée pour réduire le nombre de pixels indépendants ou en très petit groupe. Un poids de 2 et un seuil de 5 se sont avérés les plus appropriés.

L'objectif a été de classifier la couverture des sols en 4 classes : surfaces sans végétation (ex. surfaces artificielles, eau, sol nu), végétation herbacée ouverte et basse, végétation intermédiaire (principalement des fruticées ouvertes et des forêts ouvertes) et végétation dense (incluant plantations denses). La vérification de la qualité de la classification a finalement été jugée à l'aide du coefficient de Kappa (Congalton, 1991). Ce dernier a été obtenu à l'aide d'une matrice de confusion construite à partir de 100 points sélectionnés de manière aléatoire sur QGIS. La précision totale de la classification effectuée est de 83% et le coefficient de Kappa

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s'élève à 77%. Bien que ce résultat ne soit pas excellent, il demeure raisonnable. La différence entre végétation basse et intermédiaire a été la principale source d'erreur (9 des 17 erreurs).

Cette carte de couverture des sols a ensuite été exportée vers QGIS pour être traitée. Cette couche et une couche rastérisé de la « couche des lignes foyers/forêt » (lignes tamponnées entre les foyers et le refuge le plus proche) ont été croisées à l'aide de l'outil « Cross-Classification and Tabulation ». Il a fallu dans un premier temps créer une couche raster par foyer à partir de la « couche des lignes foyers/forêt » et ensuite les croiser individuellement. Ceci a permis d'obtenir la composition de la couverture des sols entre les foyers et le refuge le plus proche. Les données ont ensuite été extraites sur Excel pour calculer le pourcentage de chaque type de couverture des sols dans chaque ligne tamponnée foyer-forêt. Ces valeurs continues ont ensuite transformées en valeurs discrètes en les regroupant en plusieurs classes.

Une corrélation significative a été trouvée entre la fréquence de venue des éléphants et la présence de végétation intermédiaire (rho=0,24, p=0,028, n=84). Moins il y a de végétation intermédiaire, plus les éléphants viennent fréquemment dans les parcelles des foyers. Ce résultat peut donc indiquer que lorsque le type de végétation qui leur convient le mieux est abondant, les éléphants ne cherchent pas à aller chercher de la nourriture chez les hommes. Ceci semble donc corroborer le résultat de la partie 6 .1 sur l'utilisation des sols: les éléphants ne semblent pas venir sur les parcelles humaines car ils préfèrent s'y alimenter, mais plutôt quand ils ne trouvent pas assez de nourriture.

L'analyse des tables de contingences a montré une faible corrélation négative entre la présence de végétation dense et les venues des sangliers. Cependant, étant donné que 92% des foyers ont signalé des venues quotidiennes des sangliers, la signification de ce résultat est faible.

L'hypothèse de lien entre la densité de la végétation, et donc la présence d'arbres, et les visites de macaques a été rejetée. Il n'y a également pas de corrélation entre la présence de végétation intermédiaire et de végétation dense combinées et leurs venues. L'hypothèse de lien entre la présence de végétation intermédiaire et la venue de sambars a également été rejetée.

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Carte de couverture des sols

Figure 16: Carte de couverture des sols

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L'analyse des configurations spatiales de la zone du PRA a donc permis de montrer plusieurs tendances. Les animaux sauvages venant de l'AWS montrent des préférences alimentaires certaines, mais ne semblent pas spécifiquement pour les cultures qui leur sont appétentes. Les raids agricoles dans les parcelles habitées découlent probablement plus d'un comportement opportuniste lors de leurs venues à la recherche de nourriture. Les éléphants, par exemple, viennent plus chez les humains quand il y a peu de végétation intermédiaire (qu'ils favorisent) entre la forêt et les espaces habités.

La présence d'habitations entre la forêt et les parcelles visitées a tendance à faiblement limiter les venues des animaux. Les routes en revanche ne semblent augmenter les risques perçus par les animaux, si ce n'est faiblement pour les éléphants.

Les mesures de prévention mises en place par les habitants ne sont pas efficaces, comme estimées par ces derniers. En revanche, l'usage de méthodes de réaction, telles que des répulsifs sonores et visuels, permettent généralement de faire fuir les animaux. Cependant, seulement pour les éléphants, ceci semble s'accompagner d'une baisse des dégradations agricoles. Le fait qu'ils soient plus facilement repérables peut permettre aux habitants de réagir avant qu'ils n'aient causé de dégâts.

Les macaques ont tendance à rester près de la forêt et à ne pas s'aventurer au-delà. Ils sont de plus peu présents entre le Sud et la partie centrale de la zone du PRA. Le fait que la végétation soit moins dense influe peut-être leur venues.

Les résultats de cette analyse spatiale sont cependant limités pour les sangliers et les sambars à cause de la distribution très marquée des données sur leurs fréquences de visites et sur leurs dégradations agricoles. Une classification des dégâts par leur ampleur aurait permis de procéder à une analyse plus fine. Les résultats les plus significatifs ont ainsi été trouvés pour les éléphants. Ces derniers semblent éviter les humains tant qu'ils ont une source de nourriture à disposition. D'une manière générale, l'échantillon des 84 foyers interviewés est certainement trop faible pour donner des résultats suffisants sur ce terrain.

Bien que l'étude des configurations spatiales favorisant les conflits soit importante pour concevoir des mesures de prévention et de réduction des conflits efficaces, l'analyse du volet social est également indispensable pour mieux comprendre l'origine des conflits et mettre en oeuvre des solutions adaptées aux habitants locaux.

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7. ATTITUDES DES HABITANTS ET DÉTERMINANTS

SOCIO-CULTURELS

Cette partie abordera le problème des conflits hommes-animaux dans la zone du PRA d'Aralam sous un prisme plus qualitatif, en examinant le volet social. Elle se fondera sur des données de l'enquête sociale, obtenues à travers des questions ouvertes et fermées, afin d'étudier les rapports des habitants aux animaux sauvages, à la conservation et à la résolution des conflits, ainsi que les filtres socio-culturels oeuvrant dans la construction de ces rapports.

Les habitants de la zone du PRA sont en effet directement et profondément touchés par les politiques de protection de la biodiversité comme l'instauration de l'AWS. Ils sont également des acteurs dont les actions influencent l'atteinte de l'objectif de conservation de l'AWS. La prise en compte de leur vision du monde, de leurs valeurs et de leurs intérêts est donc indispensable à la fois à la mise en oeuvre d'une gestion efficace de l'AWS et à la mise en place de solutions adaptées pour réduire l'intensité et la gravité des conflits avec la faune sauvage. Ceci requiert donc de connaître les attitudes et les représentations des habitants locaux envers les différents aspects du problème.

Les filtres socioculturels participant à la construction des représentations et des attitudes des habitants sont également importants. L'efficacité d'une action, qu'elle vise par exemple à instaurer une gestion partagée ou simplement à sensibiliser sur un thème particulier, repose sur sa correspondance à un besoin, mais aussi sur l'acceptation et la volonté des acteurs concernés. Déterminer les filtres pouvant influencer les opinions permet ainsi d'être en capacité de cibler ces actions et les adapter selon la réceptivité des divers groupes sociaux.

Tout d'abord, afin de déterminer les tendances globales, les réponses des habitants seront analysées à l'aide de statistiques descriptives. Dans un deuxième temps, l'influence des filtres socio-culturels sur les représentations et les attitudes sera approfondie sur certaines questions à l'aide des tables de contingences et du test du khi2. Les facteurs étudiés seront le sexe, l'âge, les expériences vécues, le rapport à l'agriculture et les bénéfices reçus des autorités de conservation. Les hypothèses pourront varier selon le type d'attitude étudié. Par exemple, une personne âgée peut avoir une représentation positive de la faune sauvage mais une attitude négative envers la mise en place d'une action collective car elle ne se sent pas assez dynamique pour s'y impliquer.

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La première hypothèse suppose que le sexe influence les attitudes. Les femmes sont en effet souvent plus confrontées aux animaux sauvages (ex. lors de la recherche de bois de chauffe) et peuvent avoir une sensibilité plus aigüe aux dégâts, notamment lorsqu'ils peuvent remettre en cause la sécurité alimentaire de la famille (Ogra, 2009).

L'âge est également considéré comme impactant les représentations et les attitudes (Wang et al., 2006). Cette variable a été classée en 3 catégories : moins de 20 ans, 20-55, plus de 55 ans. Ces catégories ont été choisies car elles représentent plus ou moins les 3 étapes de la vie locale sur ce terrain : jeunes n'ayant pas de famille à supporter, adultes ayant une famille à supporter, personnes âgées n'étant plus les principaux supports de la famille.

Le troisième facteur étudié concerne les expériences de la coexistence avec la faune sauvage. Cette variable était supposée être binaire : 1 pour les personnes vivant depuis au moins 5 ans sur ce terrain ou pour celles y habitant depuis moins de 5 ans mais ayant été en contact avec les animaux dans leur précédents lieux de vies, 0 sinon. Cependant, seulement 9 foyers sur 84 interviewés correspondant à la 2ème catégorie, la pertinence de l'analyse risquait d'être réduite. Une variable binaire sur la présence d'un sentiment d'insécurité provoqué par cette proximité avec les animaux sauvages a été privilégiée par rapport aux occurrences de dégradations agricoles, dommages matériels et physique ou prédation d'animaux domestiques, qui présentent une distribution des données trop asymétrique. En outre, l'insécurité et son impact psychologique reflète une forme particulière de conflit, dont les impacts peuvent être particulièrement profonds (Barua et al., 2013; Ogra, 2008) L'hypothèse est que le fait de ressentir de l'insécurité impacte les attitudes.

Le lien entre l'occupation principale des individus et les représentations sera également approfondi. Cette variable a été séparée en trois catégories représentant 83 des 84 foyers interviewés : Agriculteur, Travailleur journalier agricole, Travailleur journalier non-agricole. En effet, selon le type de source principale de revenus, et notamment la dépendance à l'agriculture, les attitudes peuvent varier (Naughton-Treves et Treves, 2005).

Les bénéfices retirés du fait de l'existence de l'AWS peuvent également influencer la tolérance et les attitudes des habitants. Par exemple, les autorités de l'AWS ont implanté 3 comités d'écodéveloppement pour les communautés de la zone du PRA et offrent des opportunités d'emplois, ainsi que des bénéfices matériels (ex. gazinières). L'Aralam Farm emploie plus de 450 personnes de la zone du PRA et ont développé plusieurs initiatives d'aides. Bien que ces bénéfices ne soient pas issus de l'AWS, il peut être intéressant d'étudier comment les attitudes peuvent changer selon l'origine des avantages reçus, notamment quand les 2 donateurs sont des institutions gouvernementales. Ceci peut ainsi indiquer si le conflit est vécu,

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en partie, comme causé par l'impératif de conservation en lui-même ou plus globalement par le gouvernement. Ces bénéfices ont été séparés en deux catégories : majeurs (emplois) et mineurs (participation à un comité d'écodéveloppement et autres bénéfices).

Les représentations et les attitudes, ainsi que leurs déterminants socio-culturels, des habitants envers l'AWS et les animaux sauvages, la conservation, les conflits, les gestionnaires de l'AWS, la résolution des conflits et la mise en oeuvre d'une solution collective seront successivement étudiées.

7.1. Représentations de l'aire protégée et de la faune sauvage

La manière dont l'aire protégée et les animaux sauvages sont perçus a été examinée en deux temps. La question « Qu'est-ce que « wildlife » représente pour vous ? » a d'abord été posée. L'utilisation du mot « wildlife », qui a été utilisé tel quel et non traduit en Malayalam, a été décidée en concertation avec le traducteur et validé suite à l'enquête préliminaire. En effet, ce mot représente sur ce terrain un concept englobant à la fois la vie à proximité de la forêt en tant qu'espace, et les organismes végétaux et animaux la peuplant. Il correspond donc plus à « life in the wild ». Ce concept s'inscrit surtout en opposition aux espaces plus domestiqués par l'homme et représentant la majeure partie du Kerala. La zone du PRA, forêt ouverte faiblement domestiqué et adjacente à l'AWS, correspond ainsi particulièrement à ce concept. L'objectif est de découvrir les principaux thèmes associés à la vie à proximité de l'AWS.

Ensuite les réponses à la question suivante seront étudiées : « Est-ce que certains animaux ont une importance particulière pour les habitants, leur mode de vie ou l'environnement ? ». L'objectif est de déterminer si la faune sauvage, outre sa nuisibilité dans la vie quotidienne, possède un intérêt pour les personnes de la zone du PRA. Par exemple, dans le contexte culturo-religieux hindou, certains animaux, comme les serpents ou les singes, peuvent être liés aux dieux5.

Ces questions étant ouvertes, leur analyse se fera par regroupement des réponses par types de thématiques.

5 Le polymorphisme et la malléabilité de l'hindouisme, qui est plus une philosophie qu'une religion, font cependant que la plupart des croyances et traditions varient fortement d'une région à une autre, et même d'un temple à un autre, d'autant plus que l'Inde est un pays d'une diversité culturelle très importante.

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Cette question ouverte s'est avérée ardue à répondre pour plusieurs habitants. Lorsque nous sentions une réticence, nous indiquions à la personne qu'il n'y avait pas de bonnes réponses, mais seulement des opinions. Ceci a permis à plusieurs d'entre elles de prendre confiance et d'y répondre. Au total, 9 personnes n'ont pas répondu. Bien qu'il ait été spécifié que plusieurs réponses étaient possibles, peu (17) ont donné plus d'une réponse.

Les réponses à la question « qu'est-ce que « wildlife » représente pour vous ? » ont ensuite été réparties en 5 types de thématiques.

Qu'est-ce que « wildlife » représente pour vous ?

 

Thématiques

 

Animaux

Nature

Vie attractive

Vie difficile

Utilité matérielle

Nombre de
réponses
(sur 84 foyers)

19

18

29

19

7

Tableau 3: Représentations de la vie en périphérie de l'AWS

19 personnes ont associé le mot « wildlife » aux animaux de manière descriptive (animaux, oiseaux). Parmi celles-ci, 5 ont cité spécifiquement l'éléphant et une, les serpents. 18 individus ont rapproché ce concept à la nature de manière descriptive, en citant la forêt, les arbres ou la verdure. Parmi celles-ci, 5 ont énoncé une préoccupation face à la déforestation et l'importance de préserver la nature.

29 personnes ont exprimé un lien avec une vie attractive : 19 en l'associant à une vie plaisante (vie confortable, température agréable) et 9 à des considérations esthétiques (beauté, animaux divertissants). La préférence par rapport à la vie des gens de la « ville » (ce qui correspond plus aux gens à l'extérieur de la zone du PRA qu'aux urbains stricto sensu dans ce contexte) a été exprimée régulièrement.

19 résidents interviewés ont lié « wildlife » à une vie difficile. En particulier, 13 d'entre eux ont exprimé une insécurité due aux animaux. 6 ont exprimé des difficultés financières liées à l'isolement. Le manque de transports en commun et la nécessité de sortir de la zone du PRA pour effectuer un emploi journalier expliquent sans doute cela.

Finalement, 7 individus l'ont associé à une dépendance aux ressources naturelles. Ces personnes ont souvent exprimé que l'accès à l'AWS permettrait d'améliorer leur vie quotidienne.

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L'étude des tables de contingences et le test du khi2 n'ont pas permis de valider une association entre un des 5 filtres socioculturels et les thématiques exprimées.

La vie en périphérie de l'AWS semble donc offrir des attraits certains, bien que les problèmes avec les animaux et les contraintes financières soient également une préoccupation. Je m'attendais à ce que plus de personnes expriment des regrets vis-à-vis de l'instauration de l'AWS. Cependant, les familles interviewées étant installées depuis 10 ans en moyenne et les dernières expulsions de l'AWS datant de 2004, les habitants de la zone du PRA jugent peut-être plus leur situation vis-à-vis de celles des autres habitants du district que par rapport à la vie forestière. La vie dans la zone du PRA, où la densité est faible et où les ressources naturelles (bois de chauffe, eau, plantes médicinales...) sont relativement importantes, offre ainsi peut-être un compromis intéressant entre la forêt et le reste du district, qui se caractérise par une densité démographique élevée et des plantations en monoculture.

Il est intéressant de noter que 5 personnes ont cité spécifiquement l'éléphant. Cela montre que ce dernier, bien qu'il cause moins de dommages et qu'il soit moins présent que le sanglier ou le sambar, marque plus les esprits et peut entrainer des réactions humaines disproportionnées par rapport à ses propres actions, comme l'indiquent Sukumar (1990) et Wilson et al. (2015).

Afin de déterminer si certaines espèces animales possèdent une valeur spéciale aux yeux des habitants, les réponses à la question « Est-ce que certains animaux ont une importance particulière pour les habitants, leur mode de vie ou l'environnement ? » ont ensuite été étudiées.

Les réponses ont été plutôt équilibrées. 43 des foyers ont répondu oui et 41 non.

Animaux ayant une valeur pour les habitants de la zone du PRA

Animaux

Nombre de foyers

Raisons

Oiseaux

13

Esthétique

Lapins

9

Esthétique

Chitals (cervidés)

7

Esthétique

Singes

5

Esthétique

Poules sauvages

4

Esthétique

Calaos (oiseau)

3

Esthétique

Chèvres sauvages

3

Esthétique

Tortues

2

Esthétique

Varans

2

Esthétique

Paons

1

Esthétique

73

 
 

Aboient quand les

Chiens sauvages

1

sangliers viennent

Hiboux

1

Esthétique

Serpents

1

Religieux

Caméléons

1

Esthétique

Tableau 4 : Animaux ayant une valeur pour les habitants de la zone du PRA

Contrairement à ce qui était attendu, seulement une personne a énoncé des raisons religieuses (serpent). Une personne a également cité les chiens sauvages car ils aboient quand les sangliers viennent et servent donc de signal. Les autres individus ont tous cité des raisons d'esthétisme.

Les personnes habitant la zone du PRA entretiennent donc une vision globalement positive de la vie à proximité de la forêt. Les animaux occupent de plus une part importante des représentations de la vie en périphérie de l'AWS, et sont souvent cités comme ayant des effets négatifs. Les animaux sauvages appréciés sont essentiellement de petite taille et inoffensifs (du moins vis-à-vis de l'intégrité physique des individus) et le sont essentiellement pour des raisons d'esthétisme.

7.2. Attitudes envers la conservation

Les attitudes envers la conservation ont été examinées à travers la question suivante. « Est-ce que vous pensez que les animaux sauvages doivent être protégés ? ». Le lien entre les 5 filtres socioculturels et les réponses à cette question ont ensuite été étudiés. Il a également été demandé d'expliquer leurs réponses, ce qui a été analysé par regroupement des réponses par mots clés.

60 personnes, ce qui représente 71% des 84 foyers interviewés, ont exprimé être en faveur de la protection de la protection de la faune sauvage.

Seulement 33 personnes ont souhaité expliquer leur réponse, dont aucun n'ayant répondu non, si ce n'est qu'ils sont sources de problèmes. Parmi ceux ayant répondu oui, 12 ont statué le droit de vivre des animaux, 11 le fait que leur vie à la même valeur que celles des humains et 7 qu'ils sont une part essentielle de l'écosystème. Une personne a répondu qu'ils broutaient les mauvaises herbes et 2 individus, qu'ils ne nuisent pas aux animaux.

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Raisons en faveur de la conservation

 

Thématiques

 

Droit de vivre

Leur vie à la même valeur que celle des humains.

Ils font partie de l'écosystème

Ils broutent les mauvaises herbes

Ils ne nuisent pas aux humains

Nombre de réponses

12

11

7

1

2

Tableau 5: Raisons en faveur de la conservation

La 1ère hypothèse était que les hommes favoriseraient plus la conservation. Bien que la proportion d'hommes favorisant la conservation soit légèrement supérieure, l'association n'est pas significative.

La 2ème hypothèse était que les plus jeunes et les plus âgées supporteraient plus la conservation. Cette hypothèse a été rejetée suite au test du khi2.

La 3ème hypothèse était que l'insécurité ressentie s'accompagnerait d'un refus de la protection des animaux sauvages. Cette hypothèse a ensuite été rejetée.

La 4ème hypothèse était que les personnes dont la source de revenus principale provient de l'agriculture seraient moins en faveur de la conservation. L'analyse des tables de contingence et le test du khi2 n'a pas montré de lien entre les 2.

La 5ème hypothèse supposait que les individus ayant obtenus des bénéfices de la part de l'AWS ou de l'AF seraient plus favorables à la conservation. Le test de cette hypothèse n'a pas montré d'association significative. Les personnes travaillant ponctuellement pour l'AWS montrent cependant un fort taux de support pour la préservation de la faune (88%).

Les habitants de la zone du PRA favorisent en grande majorité la conservation de la faune sauvage. Ce résultat, malgré la récurrence des conflits hommes-animaux sur ce terrain, peut s'expliquer par le contexte culturel indien et plus particulièrement de ces populations à traditions forestières. La tolérance y est en effet élevée, en partie à cause des tabous religieux (K K. Karanth et al., 2008; Sukumar, 1994). Le fait que ces personnes possèdent, en outre, une forte tradition de lien avec la nature peut également y contribuer. Les explications données, dont deux tiers concernent le droit de vivre ou l'égalité accordée entre les hommes et les animaux vont dans ce sens. Plus particulièrement, les personnes travaillant avec les gardes forestiers manifestent une plus grande sensibilisation à l'impératif de conservation de la faune sauvage.

75

7.3. Perception de l'impact des conflits

La perception de l'impact des conflits hommes-animaux sur la vie quotidienne a été examinée en étudiant le lien entre les 5 facteurs et la magnitude ressentie de l'impact de ces conflits sur la vie quotidienne.

Pour obtenir cette variable, il a été demandé lors de la pré-enquête d'estimer l'impact des animaux sauvages sur la vie quotidienne sur une échelle de 0 à 5. Ce type de question s'est avéré poser des difficultés lors de la pré-enquête. Finalement, il a été décidé de laisser 3 choix à cette question : inexistant, mineur, majeur.

La majorité des individus (61%) estiment que les animaux sauvages ont un impact majeur sur leur vie quotidienne. Les difficultés à cultiver la terre ont été particulièrement soulignées. Ceci est exacerbé par le fait que l'utilisation de potagers et l'agroforesterie domestique sont très répandues au Kérala et fournissent une part non-négligeable de l'alimentation quotidienne, notamment pour les familles ayant de faibles revenus. Le sentiment d'insécurité lié aux éléphants a été également cité.

Un peu plus d'un tiers (35,71%) ont jugé que les animaux n'impactaient que partiellement leur vie quotidienne. Seulement 3 personnes (3,57%) ont exprimé de ne pas être gênées par la présence des animaux. Il est intéressant de noter que ces trois individus ont pour source de revenus principale la récolte du latex d'hévéas plantés sur leur parcelle.

Impact ressenti des conflits sur la vie quotidienne
(en % des 84 foyers interviewés)

3,57%

60,71%

 

35,71%

Inexistant Mineur Majeur

Figure 17:Impact ressenti des conflits sur la vie quotidienne

76

Aucune des hypothèses d'indépendances n'a été rejetée suite aux tests du khi2. Néanmoins, on peut observer qu'une proportion supérieure des personnes de plus de 55 ans et des personnes vivant de l'agriculture, respectivement 83% et 81%, ressentent un impact majeur. Ces résultats ne sont pas surprenants. Les personnes âgées sont moins en mesure d'obtenir du travail manuel journalier que les personnes dans la force de l'âge, et sont donc plus dépendants des revenus de leurs parcelles. 37% des plus de 55 ans vivent ainsi de l'agriculture alors que la moyenne est de 20% sur les 84 foyers.

Il semble donc que la faune sauvage impacte globalement fortement la population de la zone du PRA, notamment pour les personnes âgées qui sont plus dépendantes de l'agriculture.

7.4. Opinions de la gestion de l'Aralam Wildlife Sanctuary

Les opinions sur la gestion de la faune sauvage par les gestionnaires de l'AWS ont été mesurées à partir de la question « Comment évaluez-vous les actions menées les autorités en charge de l'AWS pour la gestion des espèces animales sauvages ? ». Les liens entre les 5 déterminants socioculturels et les réponses ont ensuite été analysés.

Cette question a été posée sous la forme fermée et trois réponses ont été proposées. Un peu moins d'un tiers a estimé que leurs actions étaient insuffisantes, un peu plus d'un quart qu'elles étaient partiellement satisfaisantes et 42% qu'elles étaient satisfaisantes.

Les personnes satisfaites ont souvent exprimé que les autorités font le maximum dans la limite de leurs moyens. Plusieurs ont rajouté que les gestionnaires de l'AWS essaient d'instaurer des mesures de séparation efficaces (ex. murs, barrières électriques, tranchées) mais que les animaux trouvent toujours un moyen de passer, que ce soit par-dessus, pour dessous ou à travers. De nombreux individus ont de plus déclaré vouloir que les gardes forestiers viennent plus fréquemment ou plus rapidement lorsqu'ils sont appelés, notamment dans le cas de venues d'éléphants. Les habitants insatisfaits ont ainsi essentiellement répété que les gardes ne venaient pas quand ils étaient appelés. Cette réactivité aux appels semble être l'attente principale des résidents vis-à-vis des activités des gestionnaires du parc. Une personne a ajouté qu'il y a de la corruption et que les financements de l'AWS sont détournés.

Perceptions de la gestion de la faune sauvage
(% des 84 foyers interviewés)

42,86%

26,19%

30,95%

Insuffisant Partiellement satisfaisant Satisfaisant

77

Figure 18:Perceptions de la gestion de la faune sauvage

Aucun des tests d'hypothèses n'a révélé d'associations significatives. L'analyse des tableaux de contingence a cependant permis d'observer plusieurs tendances faibles.

88% des personnes obtenant ponctuellement des emplois avec l'AWS sont satisfaits des actions des autorités. Certains participent de temps en temps aux rondes nocturnes. D'une manière générale, le fait de travailler pour l'AWS permet certainement de rendre compte des moyens à disposition et du travail effectué par les gardes.

Deux tiers des moins de 25 ans louent également la gestion de la faune par les autorités de l'AWS. Ceci peut s'expliquer par le fait que les jeunes ressentent moins les conflits avec les animaux sauvages, et jugent donc plus efficaces les actions des gestionnaires de l'AWS. Leur implication et leurs informations sur les conflits et leur gestion sont de plus probablement moindres et leurs réponses peuvent être sans réels fondements. En revanche, les personnes âgées entre 25 et 55 ans sont plus insatisfaites (42%). Le fait d'avoir une famille à charge peut probablement diminuer la tolérance et accroître les attentes.

D'une manière générale, les habitants sont relativement satisfaits des actions des autorités de l'AWS pour gérer la faune sauvage, ou du moins conscients qu'ils essaient de faire leur maximum. La venue des gardes lorsqu'ils sont appelés est cependant une préoccupation importante, mais qui est souvent source de désappointement. Ceci semble montrer que les habitants estiment dans tous les cas que les incursions animales sont impossibles à prévenir, mais que les responsabilités des autorités reposent plus sur la gestion des cas d'urgence, par exemple quand les éléphants sont menaçants.

78

7.5. Attitudes envers la résolution des conflits hommes-animaux

Les attitudes envers la résolution des conflits ont ensuite été examinées pour déterminer les types de mesures favorisées par les habitants de la zone du PRA et si ces choix sont déterminés en partie par les filtres socioculturels. La question suivante a été posée : « Comment ces conflits peuvent être limités ? ».

Plusieurs options ont été proposées : ségrégation spatiale (mur, clôtures...), compensation financière systématique des dégâts causés, offres d'emplois stables, tuer les animaux problématiques, relocaliser les animaux problématiques, augmenter le nombre de gardes forestiers. Il a également été spécifié qu'il était possible de suggérer d'autres mesures.

Lors de la pré-enquête, les options de compensations financières et d'emplois ont été interprétées comme un choix de préférence par les individus interviewés. En discutant avec ces personnes, il s'est avéré que la compensation est jugée permettre une forme d'agriculture plus intensive, alors que l'offre d'emplois est comprise comme permettant d'offrir un revenu rendant superflu l'utilisation de la terre. Les options de relocalisation et d'élimination des animaux problématiques ont également été perçues globalement comme un choix de préférences. Il a été ensuite décidé de présenter ces options sous la forme de deux questions de préférences (une pour compensation/emploi et une pour relocalisation/élimination) entre citant deux options ensemble. La possibilité de ne pas choisir ou de choisir les deux a bien entendu été laissée. Finalement, il s'est avéré que respectivement seulement 14 et 5 (sur 84) personnes ont signalé les deux à la fois.

La mesure privilégiée par les habitants de la zone du PRA est la ségrégation spatiale entre leurs parcelles et les animaux sauvages. Ils souhaitent en grande majorité l'instauration de barrières barbelées autour de leurs parcelles. Les autorités de l'AWS ont, en effet, mis en place plusieurs techniques de ségrégation physique en bordure de l'AWS (barrières électriques, tranchées, mur en ciment et pierres), mais les habitants ont signifié qu'elles n'étaient pas efficaces. Quelques personnes ont cependant suggéré d'agrandir les murs (qui font 2 mètres de haut).

La relocalisation des personnes dans un autre endroit avec une parcelle de taille similaire est cependant exclue par la majorité des répondants (79 sur 84). Ce résultat aussi marqué est assez étonnant. Ceci peut être expliqué par le fait que les perceptions de la vie dans la zone du PRA soient globalement positives. 40% soutiennent l'augmentation du nombre de garde-

79

forestiers. Cependant un grand nombre a signifié qu'ils étaient déjà nombreux et que les augmenter ne servirait pas à réduire significativement les conflits.

Un tiers des résidents supporte la relocalisation des animaux problématiques. Beaucoup ont exprimé cependant l'impossibilité d'une telle mesure face au nombre de sangliers. 31 personnes (36%) sont en faveur de tuer les animaux problématiques, dont 26 ont spécifié seulement les sangliers. Une relation significative (X2=8,4021, p=0,015, n=84) a été trouvé entre le fait d'avoir obtenu des bénéfices de la part de l'AWS et le soutien à la relocalisation des animaux problématiques. Les hypothèses que les hommes privilégieraient la relocalisation alors que les femmes plutôt l'élimination ont également été émises. Les femmes supportent plus l'élimination des animaux problématiques que les hommes (X2=3,906, p=0,0488, n=84). Les jeunes et les personnes âgées sont en revanche significativement moins en faveur de l'élimination (X2=13,632, p=0,001, n=84).

Deux-tiers soutienne la mise en place d'un système de compensation financière systématique et efficace, alors qu'un tiers supporte la création d'emplois pour créer un revenu stable. Ces résultats vont dans le sens d'un désir de vivre plus de l'agriculture.

Attitudes envers la résolution des conflits

80

 

75

 
 
 

Nombre de personnes en faveur

Sur 84 personnes

40

70

60

50

30

20

10

0

5

36

31

28 27

55

Figure 19 : Attitudes envers la résolution des conflits

Les résidents de la zone du PRA demandent donc en priorité la mise en place de barrières barbelées autour de leurs parcelles de terrain. Très peu supportent la relocalisation des habitants. Malgré la récurrence des problèmes, ils montrent un fort attachement à la zone du PRA. Ceci peut-être néanmoins dû à un manque de confiance dans la réalisation d'un tel programme. Le

80

fait qu'une amélioration de la compensation financière soit beaucoup plus demandée que l'offre d'emploi stable, montre une certaine forme de préférence pour l'agriculture.

Les personnes liées à l'AWS, soit par un emploi ou en participant à un comité d'écodéveloppement, favorisent la relocalisation des animaux plutôt que leur élimination. Le fait d'être en contact avec les gardes forestiers et les gestionnaires de l'AWS, peut être interprété comme une sensibilisation accrue au bien-être des animaux. Les personnes âgées et les jeunes y semblent également plus sensibles. Les femmes, en revanche, montrent une tendance à privilégier l'élimination des animaux sauvages (principalement des sangliers). Le fait que soit ces dernières qui s'occupent principalement de l'agriculture quand le mari possède un travail peut expliquer ce sentiment, notamment sur les sangliers qui sont cités comme étant les plus problématiques.

7.6. Attitudes envers une gestion collective des conflits hommes-animaux

Les attitudes envers une gestion collective des conflits ont ensuite été analysées à partir de la question « Seriez-vous prêts à vous engager dans une initiative collective de réduction des conflits ?». Trois réponses ont été proposées : réunissant les habitants et les autorités de l'AWS, réunissant seulement les habitants, aucune.

Une question sur l'implantation d'une forme d'assurance collective, où les membres paient un premium chaque mois et sont indemnisés lors de dégradations agricoles, a également été prévue. Seulement, cette question s'est avérée particulièrement difficile à faire comprendre lors de la pré-enquête. Elle a donc été malheureusement laissée de côté.

L'importance des cinq filtres socio-culturels dans la détermination des réponses a été, en outre, étudiée.

57% des individus interviewés ont exprimé un intérêt à intégrer une initiative de gestion collective des conflits en partenariat avec l'AWS. Parmi ces personnes, la plupart ont montré une réelle volonté de participer dans une telle structure. 7% ont déclaré de ne pas vouloir participer si l'AWS était incluse, mais être prêt à rejoindre une structure comprenant seulement les habitants. Ils ont exprimé qu'il ne servait à rien d'incorporer les autorités de l'AWS car ces derniers ne sont pas attentifs à leurs besoins et requêtes. Parmi les 30 personnes ne souhaitant pas participer dans une initiative collective (36%), 22 ont cependant fait part de leurs désirs de voir leurs opinions communiquées à l'AWS, mais qu'ils ne souhaitaient pas s'engager.

81

Plusieurs personnes âgées ont communiqué le fait que l'idée est intéressante mais qu'ils ne se sentent pas capables d'y participer.

Les personnes ressentant une forme d'insécurité se prononcent significativement en faveur d'une initiative collective, alors que les autres privilégient la simple expression de leurs opinions ou aucune des propositions (X2=5,4265, p=0,0198, n=84).

Attitudes envers une initiative de gestion collective des conflits

60 50 40 30 20 10 0

 
 

48

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

22

 
 

6

 
 

8

 
 
 
 

Initiative avec l'AWS Initiative sans l'AWS

Expression des Aucun

opinions

Sur 84 personnes

Nombre de personnes

Figure 20:Attitudes envers une initiative de gestion collective des conflits

Il semble donc exister un fort désir d'intégration dans la gestion des conflits hommes-animaux chez les habitants de la zone du PRA, gestion jusqu'à maintenant exclusivement opérée par les autorités de l'AWS. Il est intéressant de noter que le sentiment d'insécurité est fortement lié à cette volonté de participation.

L'étude des déterminants socio-culturels de ces représentations et attitudes a donc montré une certaine uniformité dans la construction de ces dernières. Elle a néanmoins permis de souligner plusieurs faits intéressants. Le fait d'être en contact plus fréquent avec les autorités de l'AWS, à travers des travaux temporaires ou la participation à un comité d'écodéveloppement, semble s'accompagner d'une sensibilisation accrue à la faune sauvage et aux efforts de gestion de l'AWS. Les bénéfices reçus de part de l'Aralam Farm ne s'accompagnent cependant pas d'une modification des attitudes.

Les personnes âgées ressentent plus les effets négatifs de la coexistence avec les animaux, car elles sont certainement plus dépendantes de l'agriculture. Les personnes ayant entre 25 à 55 ans sont les moins satisfaites de la gestion des conflits et les femmes sont celles

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qui privilégient le plus l'élimination des animaux problématiques. Le fait d'avoir une famille à charge et plus de responsabilités peut donc amener une forme de frustration et d'impatience plus importante.

D'une manière générale, la faune sauvage provenant de l'AWS fait donc partie intégrante de la vie des populations de la zone du PRA. Elle impacte fortement la vie quotidienne locale à la fois en limitant les possibilités d'agriculture qui représentent une source potentielle de revenus et de nourriture, et en instillant un sentiment d'insécurité qui peut être très néfaste. Les sangliers et les éléphants sont respectivement les plus mis en cause.

Malgré ces difficultés, les habitants supportent néanmoins la protection de ces animaux. Ils sont attachés à la vie dans la zone de la PRA, comme le montre le très faible nombre de personnes supportant la délocalisation des habitants et la vision globalement positive de la vie à proximité de l'AWS.

Il est très souvent ressorti des interviews que les habitants souhaitent une séparation des espaces humains et animaux plus marquée.

Bien que les mesures de réduction des conflits mises en place par les autorités de l'AWS ne soient pas efficaces, la gestion de la faune sauvage par ces derniers n'est estimée insatisfaisante que seulement par un tiers des habitants. Il semble exister une certaine forme de conscience de la difficulté de la tâche pour les gestionnaires. Une amélioration de la réactivité des gardes forestiers, notamment en cas de problèmes avec les éléphants, est cependant demandée.

La mise en place de barrières barbelées autour des parcelles est la mesure de prévention des conflits la plus demandée. La relocalisation des animaux problématiques est exclue par beaucoup à cause de son infaisabilité pratique. Plus d'un tiers favorise l'élimination des animaux problématiques, en particulier les sangliers. Un système de compensation financière efficace des dégâts est également privilégié, notamment vis-à-vis de l'assurance d'un emploi stable et régulier. Ceci semble donc confirmer le désir de ces personnes de pouvoir subvenir à leurs besoins principalement par l'agriculture. Les personnes interviewées, notamment celles ressentant une forme d'insécurité, sont globalement favorables à la création d'une structure de gestion des conflits hommes-animaux réunissant à la fois les résidents et les autorités de l'AWS. La mise en place a minima d'un dialogue plus développé avec ces derniers est une préoccupation partagée par la majorité.

83

8. DISCUSSIONS ET RECOMMANDATIONS

Cette partie abordera d'abord les limites rencontrées. Les résultats obtenus seront ensuite discutés. Enfin, des pistes de solutions pour réduire les conflits hommes-animaux en périphérie de l'AWS et leur impact seront proposées.

8.1. Limites rencontrées

D'une manière générale, il convient d'être prudent vis-à-vis de l'utilisation de données issues de méthodes qualitatives, comme celle du questionnaire, quand le sujet abordé peut soulever des réactions importantes. Il peut y avoir des risques d'exagération. Les dommages perçus et les dommages réels peuvent en effet être différents (Dickman, 2010). En outre, un échantillon de 84 personnes peut être trop limité pour certaines analyses.

Plus spécifiquement, les données obtenues sur les conflits hommes-faune sauvage lors de l'enquête se sont avérées insuffisantes pour mener à bien l'analyse des configurations spatiales favorisant le risque de dégradations agricoles. Les données sur la fréquence de venue des sangliers et des sambars sont, en effet, trop asymétriques, et leurs analyses perdent toute portée. Je ne m'attendais pas du tout à ce que tous les foyers signalent des dégradations agricoles, et qu'une grande majorité observe des sangliers et des sambars quotidiennement. Des données sur l'ampleur des dégâts provoqués auraient pu permettre d'offrir une variable assez différenciée pour être analysée correctement.

La fréquence des venues des sangliers et des sambars a pu être de plus exagérée par les personnes interviewées par exaspération vis-à-vis de l'ampleur des dégâts causés. Ces deux espèces venant principalement la nuit, les estimations des visites peuvent être biaisées. Les venues des macaques ont pu également être sous-estimées, étant donné leur petite taille et l'omniprésence d'arbres dans la zone du PRA.

Une analyse plus profonde du volet temporel aurait offert des indices intéressants sur la variation des risques de dégradations par les herbivores. Par exemple, selon les saisons, les éléphants peuvent varier leurs régimes alimentaires et donc leurs rythmes de raids agricoles (Loarie et al., 2009). Ceci demande néanmoins une étude plus longue et plus régulière sur une année. Une comparaison sur plusieurs années de l'amplitude des conflits avec les variations climatiques (pluies, sécheresse et inondations) pourrait également donner des pistes de réflexions intéressantes. Les animaux peuvent également favoriser certaines cultures à une

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étape particulière de croissance des espèces végétales cultivées (Jayson, 1998). L'étude des régimes alimentaires des animaux et des disponibilités en ressources alimentaires dans l'AWS (ainsi que leur variation temporelle) permettrait de mieux saisir les motivations les poussant à sortir de l'AWS. D'une manière générale, une meilleure compréhension du point de vue de l'animal est certainement nécessaire.

Il eût également été intéressant de procéder à une analyse par grille en comparaison à l'analyse des lignes les plus courtes entre la forêt et les foyers, afin d'étudier plus en détail l'influence de la densité humaine et de la couverture des sols.

De même, demander une justification des réponses sur la question de l'impact ressenti sur la vie quotidienne (par exemple sur la sécurité alimentaire, sur la sécurité financière, sur l'insécurité...) aurait permis de mieux comprendre la nature de l'impact causé par les venues de la faune sauvage.

Surtout, une des limites principales de ce mémoire est que je n'ai pas eu le temps de rediscuter avec les autorités de l'AWS des résultats obtenus, notamment sur le volet social et sur les réactions vis-à-vis des cas d'urgence. Je compte néanmoins y remédier dès que possible.

8.2. Un problème de compétition pour l'espace du PRA et ses ressources

L'établissement d'aires protégées, dont l'accès est restreint, et les pressions anthropiques sur les forêts au Kerala ont remis en cause le mode de vie de populations à tradition forestière et les ont rendues vulnérables économiquement et culturellement.

Le PRA d'Aralam visait à fournir à ces populations vulnérables le moyen de subvenir à leurs besoins de manière autonome par l'agriculture en distribuant des parcelles de 4000m2 pour chaque famille dans un espace adjacent à l'aire protégée de l'AWS. Cette initiative a globalement été acceptée par ses bénéficiaires. Ils apprécient cet espace peu anthropisé par rapport au reste de la région, qui offre un compromis entre une vie centrée sur la forêt impossible à mener actuellement et une vie dans un espace totalement domestiqué par l'homme. Ils manifestent, de plus, un réel désir de pouvoir vivre de l'agriculture.

Cependant, la proximité à l'AWS remet en cause l'objectif de l'initiative de la PRA. Les dégradations agricoles incessantes des herbivores sauvages empêchent les habitants de cultiver intensivement leurs parcelles, et donc de pouvoir subvenir à leurs besoins à travers des cultures commerciales ou vivrières. Ces animaux, particulièrement les éléphants, créent un fort sentiment d'insécurité chez les habitants. Bien que les gestionnaires de l'AWS et l'Aralam Farm mettent en oeuvre des programmes de soutien à ces habitants, ils sont loin d'être suffisants. En

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conséquence, de nombreuses familles ont choisi de ne pas venir y vivre, et ceux qui y habitent sont contraints de rechercher des emplois journaliers, et donc précaires, à l'extérieur de la zone du PRA.

La mise en oeuvre du PRA s'est donc avérée peu réfléchie et ne favorise pas la cohabitation entre hommes et faune sauvage, alors que les autorités de gestion de l'AWS avaient conseillé de ne pas distribuer de parcelles directement adjacentes à l'AWS et de conserver plutôt cet espace pour l'Aralam Farm. Outre des inégalités d'exposition aux risques, la mise en place du PRA a créée des inégalités lors de la distribution des parcelles. Certaines personnes ont, en effet, obtenu des parcelles d'hévéas, dont l'exploitation permet d'assurer d'importants revenus et qui est peu sujette aux dommages animaux. La plupart ont cependant obtenu des anarcadiers, dont le prix des fruits commercialisables, les noix de cajou, a fortement baissé sur les 15 dernières années d'après les habitants.

Malgré la récurrence des conflits et leur impact sur la vie quotidienne, les habitants de la zone du PRA ne manifestent cependant globalement pas de sentiments agressifs envers les animaux. La majorité soutient en effet la conservation de la faune et leur accorde le droit de vivre. Bien qu'un tiers supporte l'élimination des animaux problématiques (et non pas l'ensemble de l'espèce), ceci concerne essentiellement les sangliers, dont les venues sont journalières et les ravages très conséquents, notamment sur les cultures vivrières. Le rapport que les résidents de la zone du PRA entretiennent avec les animaux se caractérise par un respect pour le droit des animaux à vivre mais aussi par un désir de séparation spatiale plus marquée.

Je m'attendais à des complaintes beaucoup plus importantes concernant l'Aralam Farm, qui représente l'héritage assimilable au PRA, et les gestionnaires de l'AWS, qui sont en charge de la gestion de la faune. De nombreuses promesses de développement d'infrastructures n'ont pas été tenues. Cependant, malgré le fait que les interviews aient intentionnellement largement débordé le cadre des questions fixées, très peu de personnes ont déploré la restriction de l'accès aux ressources de l'AWS ou ont incriminé l'AWS pour les conflits, voir remis en cause la gestion du PRA à travers l'Aralam Farm. Par exemple, seulement un peu plus d'un tiers est insatisfait avec la gestion de la faune sauvage par l'AWS alors que deux tiers des foyers estiment que la faune impacte fortement la vie quotidienne. Ces personnes insatisfaites ont essentiellement reproché aux autorités de l'AWS de ne pas assez réagir en cas d'urgence avec les éléphants. Ceci indique d'une part que les habitants semblent accepter le fait que les incursions animales soient inévitables (du moins selon les capacités de l'AWS) et d'autre part

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que le sentiment d'insécurité représente une préoccupation majeure. Le système de compensation actuel fait également l'objet de critiques.

D'une manière générale, les habitants de la zone du PRA n'ont donc pas incriminé les autres acteurs humains comme étant la cause des conflits, directement (ex. les animaux venant de l'AWS, ils pourraient être assimilés à l'AWS et à ses gestionnaires) ou indirectement (les autorités de l'AWS sont supposées prévenir les incursions animales). Le fait d'être associé avec l'AWS, par exemple lors d'emplois ponctuels, semble même s'associer d'une tolérance supérieure. Ils sont, en majorité, seulement critiques d'une partie de la gestion des conséquences de ces conflits, concernant principalement le système de compensation et les réactions aux situations d'urgences. Ils souhaitent globalement pouvoir plus interagir et collaborer avec les gestionnaires de l'AWS.

L'héritage culturel de ces populations, qui s'inscrivent plus dans une philosophie du présent, qui ont une expérience plus importante de la cohabitation avec les animaux et qui sont moins ancrés dans la matérialité que le reste de la population kéralaise, participe sans doute à favoriser la tolérance des animaux sauvages et à tempérer les sentiments d'injustice et de rancoeur qui pourraient être légitimement perçus. Beaucoup réussissant à obtenir quelques journées de travail par semaine en dehors de la zone du PRA et les parcelles offrant un revenu minimum (ex. noix de cajou), la plupart des familles est en mesure de subvenir à ses besoins essentiels.

Sur ce terrain, les conflits entre humains ne sont donc que peu prégnants, alors que les politiques de conservation de la biodiversité et de compensation des Adivasi sont en grande partie responsables de la difficile cohabitation avec les animaux sauvages. Les résidents de la zone du PRA présentent un degré de tolérance important, mais les incursions animales ont néanmoins un impact majeur sur la vie quotidienne, principalement sur la capacité à subvenir aux besoins de manière autonome et à travers le sentiment d'insécurité ressenti. Les questions de la mobilité des herbivores sauvages et de sa gestion sont donc au coeur des conflits hommes-animaux en périphérie de l'AWS.

8.3. Une mobilité des animaux peu comprise

La mobilité de la faune sauvage et les conditions l'impactant demeurent encore peu comprises (Emel et Urbanik, 2010; Poinsot, 2012). Une multitude de facteurs peut en effet influencer les déplacements des animaux. Pour comprendre comment et pourquoi ils sont sources de conflits, il s'agit de prendre en compte à la fois les dynamiques animales (leurs

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stratégies et leurs caractéristiques), les dynamiques écologiques (qui influencent la qualité et la quantité de nourriture disponibles), les activités humaines (l'utilisation des sols et les modifications du paysage) et les pratiques de gestion des conflits hommes-animaux (ex. clôtures électriques, relocalisation...) (Guerbois et al., 2012).

Les sangliers, les sambars, les éléphants et les macaques sont les principaux animaux responsables des conflits sur le terrain de la zone du PRA d'Aralam. Leurs mobilités sont essentiellement déterminées par leurs stratégies de recherche d'espèces végétales comestibles. Une étude des configurations spatiales et environnementales pouvant favoriser les incursions animales sur ce terrain a été menée afin de mieux comprendre les facteurs influençant la mobilité de ces quatre espèces.

Les animaux de l'AWS ont démontré des préférences alimentaires plutôt marquées. Ils ne semblent cependant pas rechercher un type de culture en particulier. D'une manière générale, la densité humaine augmente faiblement les risques perçus les animaux. Les routes et la distance au refuge le plus proche ne s'associent pas à une diminution des venues, sauf pour les macaques. Le lien entre la couverture des sols, qui est corrélée à la qualité et la quantité d'espèces végétales comestibles, et les raids des animaux n'est également pas significatif, excepté pour les éléphants. Ces derniers semblent ainsi s'aventurer dans les parcelles humaines lorsque les espaces de végétation intermédiaire sont faibles. Les mesures de prévention mises en place par les habitants ne sont pas efficaces pour prévenir les incursions. Néanmoins, les méthodes auditives ou visuelles visant à faire fuir les animaux sont généralement plus ou moins effectives. Les résultats de ces analyses sont donc globalement décevants, mais pourraient être améliorés (voir partie 8.1).

Le fait que les incursions soient régulières dans l'année et autant intenses peut en tous cas indiquer que l'aire de l'AWS est certainement trop réduite et pas en mesure de satisfaire les besoins alimentaires des populations animales l'habitant. Les éléphants, qui sont les principaux créateurs de brèches dans les mesures de séparation en bordure de l'AWS, semblent, en particulier, venir pour profiter d'espaces de végétation moins denses, qui ne sont pas présents dans l'AWS. Le fait qu'ils montrent une tendance à éviter les signes de présence humaine mais à venir plus fréquemment dans les parcelles habitées quand les espaces de végétation intermédiaires sont moindres va également dans ce sens.

La compréhension des tenants de la mobilité des animaux sur ce terrain demeure donc un défi majeur pour la résolution des conflits. Ceci permettrait de pouvoir concevoir des solutions adaptées selon les espèces et les moyens à disposition.

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8.4. La gestion des conflits hommes-animaux en périphérie de l'AWS

La gestion des conflits hommes-animaux sauvages est actuellement effectuée à deux niveaux relativement hermétiques : au niveau individuel par les habitants et au niveau de la zone du PRA par les gestionnaires de l'AWS.

Les gestionnaires de l'AWS ont mis en place plusieurs mesures de séparation des espaces humains et animaux sur toute la bordure de l'AWS avec la zone du PRA : tranchées, murs et clôtures électriques. Elles sont cependant mises à l'épreuve par l'inventivité des animaux, notamment des éléphants, et sont rapidement endommagées. Leurs coûts de mise en place et de maintenance importants limitent les capacités des autorités de l'AWS à les remettre en état promptement. Elles sont, en conséquence, inefficaces comme le montrent l'intensité et la fréquence de venues des animaux sauvages. Ils patrouillent, en outre, tous les soirs pour faire fuir les animaux et répondre aux appels des habitants.

Plusieurs actions d'augmentation des ressources alimentaires à l'intérieur de l'AWS (plantation de bambous et d'arbres fruitiers, éclaircissage de certains espaces...) ont également été menées mais se sont avérées globalement infructueuses. Des initiatives visant à fournir des moyens de subsistance alternatifs (écotourisme, emplois forestiers ponctuels...) ont également été lancées, mais leurs portées sont très limitées.

Les habitants utilisent un certain nombre de mesures pour limiter les venues des animaux sauvages (épouvantails, barrières biologiques et en bois, barrières en tissu, voir barrières en fil barbelés pour quelque uns), qui ne sont pas efficaces. Bien que très peu montent la garde régulièrement et assidûment, les résidents utilisent des méthodes auditives et visuelles pour faire fuir les animaux une fois qu'ils sont rentrés sur la parcelle, qui sont globalement efficaces. L'utilisation de chiens, pour prévenir leurs propriétaires des venues d'animaux, permet d'ailleurs certainement d'améliorer la vitesse de réaction, notamment pour les éléphants.

Ils estiment globalement que les mesures de ségrégation en bordure de l'AWS sont inefficaces et demandent en priorité la mise en place de barrières barbelées autour de leurs parcelles. Une meilleure réactivité des garde-forestiers, lorsqu'ils sont contactés en cas d'urgence, est également demandée.

La relocalisation des habitants est exclue. Moins d'un tiers des personnes interrogées, en majorité des femmes, soutienne l'élimination des sangliers problématiques. Ils montrent également une préférence claire pour un système de compensation amélioré, qui permet de

89

dédommager sérieusement les dommages subis, notamment agricoles. Le fait qu'une grande partie des interviewés ait interprété la proposition d'une compensation améliorée comme un choix avec l'offre d'emplois stables confirme ainsi le désir ressenti de pouvoir vivre des revenus de la parcelle qui leur a été attribuée. À ce titre, il est dommage que le concept d'assurance collective n'ait pas pu être bien expliqué et ait été retiré du questionnaire.

Il existe, de plus, une forte volonté de pouvoir participer à une initiative de gestion collective des conflits, et au moins d'instaurer une plateforme d'échanges avec les autorités de l'AWS.

8.5. Pistes de solutions

En tenant compte des dispositions des habitants, de la nature des conflits et des particularités de la zone du PRA, plusieurs solutions sont envisageables.

Dans un premier temps, il semble essentiel d'instaurer une plate-forme d'échanges sur les conflits hommes-animaux en complément des comités d'écodéveloppement. Ceci permettrait à la fois d'obtenir des informations plus détaillées sur les conflits et leurs tenants spatio-temporels, ainsi que sur les attitudes et les perceptions des habitants, et également de servir de support pour la mise en place d'actions collectives selon les besoins et les possibilités. Ceci renforcerait le dialogue et la confiance entre les deux parties. La création d'une telle plateforme serait, de plus, facilitée par la volonté des résidents de participer plus activement.

Cela peut permettre par exemple de faciliter la maintenance des mesures de ségrégation spatiale en lisière de l'AWS. Les habitants pourraient ainsi être responsabilisés sur une portion de barrière électrique et rendre compte rapidement des défections, voire de participer à la maintenance, comme c'est le cas dans certains endroits du district voisin de Wayanad. À travers cette plateforme, des essais de mesures de réduction des conflits alternatives pourraient de plus être mis en oeuvre.

La prévention des incursions animales peut être effectuée à plusieurs niveaux.

Les mesures de ségrégation spatiale modernes sont déjà utilisées avec peu de succès par les autorités de l'AWS. Outre la participation des habitants, seule une augmentation des moyens à leur disposition permettrait d'en améliorer l'efficacité.

90

Le contrôle des animaux est très difficile dans ce contexte. La loi indienne interdit toute atteinte à l'intégrité physique des animaux concernés ici6, bien que ce statut ait pu être relâché pour un temps limité dans des cas extrêmes. Par exemple, en 2016, les macaques rhésus ont été déclarés comme vermines pour 1 an dans 10 districts du nord de l'Inde, autorisant ainsi le fait de les tuer7. Ces décisions sont cependant prises au niveau juridique de l'état (l'Inde est un pays fédéral). La relocalisation des animaux problématiques est très coûteuse et n'est possible que pour les éléphants, les autres espèces étant bien trop nombreuses.

Une solution plus intéressante serait de développer les sources de nourriture dans l'enceinte de l'AWS. Les autorités de l'AWS ont déjà essayé mais les plants de bambous et d'arbres fruitiers ont été mangées ou détruites avant d'avoir atteint leur maturité. Rishi (2009) a néanmoins montré qu'il était possible de limiter les dégâts lors de la croissance des jeunes pousses en les plantant au milieu d'un couvert de lantaniers, espèce végétale invasive non comestible par les herbivores et qui est présente au sein de l'AWS.

Un aménagement du territoire offrirait une solution beaucoup plus ambitieuse mais difficile à réaliser. Cela pourrait consister à créer une zone tampon sur la partie adjacente à l'AWS de la zone du PRA. Les habitants des parcelles transformées pourraient se voir attribuer une nouvelle parcelle sur l'espace de l'Aralam Farm, qui est toujours sous contrôle gouvernemental. Ceci permettrait de fournir un espace ouvert propice aux herbivores absents de l'AWS, et ainsi réduire les pressions sur les espaces humains. Plus particulièrement, les éléphants ont montré une tendance à moins venir dans les foyers quand il y a avait plus d'espaces de végétation intermédiaire. Une zone tampon avec de tels espaces d'une dimension suffisante pourrait donc potentiellement limiter les incursions des pachydermes.

Au niveau des habitations, la plantation de cultures prisées par les animaux en bordure des parcelles pourrait en limiter les venues à l'intérieur. Surtout, l'identification de cultures non appétentes pour la faune sauvage autoriserait une agriculture plus intensive. À travers la plateforme d'échanges, les habitants pourraient être sensibilisés aux types de cultures à risque et à celles non risquées. Une forme d'agroforesterie plus rentable que les anarcadiers pourrait certainement être développée. Cependant, l'adaptabilité des animaux peut les amener à changer de régime alimentaire et il s'agit donc d'être prudent. Alors que dans cette étude, aucun raid agricole n'ait été signalé sur les hévéas, Paleeri et al. (2016) ont ainsi montré que les sambars

6 Selon The Indian Wildlife Act de 1972 ( http://envfor.nic.in/legis/wildlife/wildlife1.html, accédé le 30/05/18)

7 http://www.downtoearth.org.in/news/rhesus-macaque-declared-vermin-in-himachal-pradesh-54270 (30/05/18)

91

pouvaient se nourrir de jeunes plants d'hévéas. Bal et al. (2011) ont également démontré que les éléphants dans les plantations de café en Inde du sud se nourrissaient de baies de café.

Les mesures de séparation spatiale au niveau des parcelles peuvent être améliorées. L'efficacité des barrières barbelées, qui sont très demandées mais coûteuses, mériterait dans un premier temps d'être évaluée. Il a été difficile de juger de leur utilité, car seulement quatre foyers en possédaient parmi les 84 foyers interviewés. Un certain nombre de mesure alternative et accessible a été essayé à travers le monde avec plus ou moins de succès : mur en briques faites avec du piment, dont l'odeur repousse les éléphants (Chang 'a et al., 2016), clôtures en corde en fibres de coco imbibés d'un mélange de soufre et d'huile de graisse de sangliers (Vasudeva Rao et al., 2015), utilisation de ruches d'abeilles pour décourager les éléphants (Ngama et al., 2016)...

Le système de compensation actuel est géré par l'AWS et ne permet qu'une seule indemnisation annuelle. Il est critiqué car les garde-forestiers mettent du temps à venir vérifier les dégâts et ont tendance à essayer de les minimiser. Une solution alternative serait de mettre en place une forme d'assurance collective des dégâts occasionnés par les animaux sauvages. Chen et al. (2013) proposent ainsi que les habitants volontaires payent un premium mensuel et se voient compensés en cas de dégradations agricoles, le gouvernement et les touristes, via une taxe sur les entrées dans l'AP, participant également financièrement. Une telle solution serait certainement envisageable, étant donné que l'AWS est libre de décider les prix d'entrée de l'aire protégée, et pourrait remplacer la méthode actuelle. L'amélioration du système de compensation est cependant dépendante dans un premier temps d'une réduction des venues des animaux. En effet, dans la situation présente, si de nombreuses personnes initiaient une agriculture plus intensive, les dégâts seraient certainement trop élevés pour être suffisamment compensés.

Il s'agirait aussi de proposer des moyens de subsistance alternatifs à l'agriculture pour assurer un entre-deux entre l'agriculture à risque avec les animaux et les emplois journaliers précaires et éloignés. La remontée de la filière des noix de cajou pourrait par exemple fournir des débouchés intéressants. En effet, les noix de cajou sont actuellement seulement ramassées et directement vendues à bas prix. D'autres initiatives comme la formation à des techniques et méthodes de couture pourraient également aider à diversifier les sources de revenus des habitants de la zone du PRA.

D'une manière générale, les personnes de plus de 55 ans ressentent le plus intensément les conflits, notamment de par leur dépendance plus importante à l'agriculture. Des essais de

92

mesures de prévention plus efficaces devraient donc se concentrer en partie sur cette partie de la population.

La réduction de la magnitude et des impacts des conflits hommes-animaux en périphérie de l'AWS requiert certainement une combinaison de l'ensemble de ces solutions : limiter les incitations des animaux à sortir de l'AWS, limiter les incursions et les dégâts sur les parcelles, compenser les dégâts et fournir des moyens alternatifs de subsistance. L'instauration d'une plateforme d'échanges et de gestion collective des conflits permettrait de faciliter la compréhension des conflits et leurs résolutions. Le fait que les personnes déjà en contact avec l'AWS montrent une forme de tolérance supérieure incite dans tous les cas à instaurer des échanges plus importants entre l'AWS et les habitants, notamment pour les femmes et les personnes ayant une famille à charge qui semblent moins tolérants.

93

9. CONCLUSION

L'établissement d'aires protégées et la mise en oeuvre de politiques de réhabilitation de populations vulnérables ont créé une situation de conflits avec les animaux sauvages en périphérie de l'Aralam Wildlife Sanctuary. Les habitants sont relativement tolérants vis-à-vis de la conservation, mais sont très touchés par ces conflits, notamment par l'impossibilité de pratiquer une agriculture plus intensive et par le sentiment d'insécurité ressenti. Ces conflits hommes-faune dans la zone du PRA sont essentiellement liés aux incursions d'herbivores sauvages (principalement éléphants, sangliers, sambars et un peu moins macaques), qui sortent de l'AWS pour rechercher de la nourriture. La mobilité de ces animaux et sa gestion sont donc au coeur du problème.

Cette étude s'est attachée dans un premier temps à déterminer les configurations spatiales et environnementales associées aux incursions de ces animaux, et par extension, favorisant les risques de conflits. L'aire de l'AWS ne correspond certainement pas à la zone vitale des animaux l'habitant. Les mesures de prévention des visites animales mises en place par les habitants ne sont pas efficaces. Des préférences alimentaires précises ont été remarquées, même si les animaux ne semblent pas venir spécifiquement pour certaines espèces végétales. Les éléphants montrent une propension à moins venir dans les espaces humains lorsque les espaces de végétation intermédiaire sont plus abondants. Les macaques s'aventurent moins à distance de la forêt. La présence d'habitations s'accompagne d'une plus faible fréquence de venues des quatre espèces animales. La présence de routes ne présente pas d'association significative avec les déplacements de la faune sauvage. Ces analyses ont cependant été limitées par le choix des variables et pourraient être affinées, notamment pour les sangliers et sambars, en intégrant une variable sur l'ampleur des dégâts causés.

Les habitants de la zone du PRA présentent globalement des attitudes positives envers les animaux et la conservation, mais souhaitent une séparation spatiale plus marquée. Ils souhaitent en priorité l'instauration de barrières barbelées autour de leurs parcelles, une amélioration du système de compensation et une meilleure réaction des autorités en cas de situations d'urgence. Ils ne sont globalement pas en situation de conflit avec les autorités de l'AWS et sont particulièrement demandeurs d'une gestion des conflits plus partagée. L'analyse des déterminants socio-culturels n'a globalement pas montré d'associations. Néanmoins, les personnes en contact avec l'AWS, notamment par des emplois ponctuels, sont plus tolérantes et ont une vision plus positive. Les personnes âgées ressentent plus fortement les conflits.

94

L'amélioration de la gestion des conflits sur ce terrain requiert certainement une combinaison de mesures visant à prévenir les incursions animales (amélioration des clôtures, accroissement des ressources alimentaires dans l'AWS...) et à diminuer l'impact des dégâts sur les habitants (sources de revenus alternatives, système de compensation amélioré...). L'instauration d'une plate-forme d'échanges et de collaboration entre les gestionnaires de l'AWS et les habitants permettrait d'améliorer la compréhension des conflits, d'accroître la tolérance des résidents et de mettre en oeuvre, conjointement et plus efficacement, ces mesures de réduction des conflits.

Ce mémoire s'est attaché en priorité à étudier les conflits hommes-animaux tels qu'ils apparaissent actuellement sur ce terrain et à chercher des solutions pratiques visant à les réduire. Les thématiques de justice environnementale et de droits humains mériteraient cependant d'être approfondies. Une étude plus qualitative intégrant une dimension ethnographique et historique à travers une analyse de political ecology offrirait une meilleure compréhension de la source de ces conflits et de leurs impacts indirects sur les habitants, notamment d'un point de vue psychosocial. En outre, une approche de géographie animale rigoureuse permettrait de mieux saisir le point de vue de l'animal quand il entre en interaction avec les sociétés humaines, ce qui motive sa mobilité et comment il s'adapte à ces interactions.

95

ANNEXES

Annexe 1 : Questionnaire administré lors de l'enquête sociale

Questionnaire - Household survey

This survey is part of a study to better understand the interactions between people and wild animals around the Aralam Wildlife Sanctuary. The objective of the survey is to find out what people think about wildlife and what are the problems associated with the wild animals. All answers will be kept confidential and considered anonymous.

Household Id No : Location (lat./long.) :

Date:

Basic Information:

1. How many years have you been living here?

2. What is the main source of income of the family? 1) Farming 2) Agricultural

Labour 3) Non-agricultural Labour 4) Other:

3. Are you cultivating your land? 1) Subsistence 2) Commercial

3) No cultivation If yes, what do you cultivate?

4.

96

Do you have domestic animals? 1) Cows 2) Goats 3) Chickens 4) Dogs 5)

Others .

5. Do you collect natural resources from the surroundings? 1) Firewood 2)

Water 3) Medicinal plants 4) Others :

If yes, how far are you going from your home (in minutes) : .

6. Did you receive any income or benefit from the wildlife sanctuary? 1) Yes 2) No

If yes: What?

7. Did you receive any income or benefit from the Aralam farm? 1) Yes 2) No

If yes: What?

Human-wildlife conflict:

8. Are you experiencing problems with wild animals? 1) Yes 2) No

9. What kind of problems? 1) Crop raiding 2) Material damages 3) Physical injuries 4) Insecurity 5)

Other:

10. Which species are involved?

Species

Crop raiding

Material Damages

Physical injuries

Insecurity

 
 

Elephants

 
 
 
 
 
 

Wild boars

 
 
 
 
 
 

Monkeys

 
 
 
 
 
 

Sambars

 
 
 
 
 
 

Tigers

 
 
 
 
 
 

97

Wild dogs

11. Which specie is most problematic?

12. How often are the animals coming?

Conflicts Once

in a year More

than once in the year

Every month

Every week

Never

Elephants

 
 
 
 
 

Wild boars

 
 
 
 
 

Monkeys

 
 
 
 
 

Sambars

 
 
 
 
 

Tigers

 
 
 
 
 

Wild dogs

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

13. How often are the crops raided?

Conflicts Once

in a year More

than once in the year

Every month Every

week

Never

Elephants

 
 
 
 
 

Wild boars

 
 
 
 
 

Monkeys

 
 
 
 
 

Sambars

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

b.

14. Which crop are raided? a. By elephants:

98

By wild pigs:

c. By monkeys:

d. By sambars:

e. .:

f. :

15. Which crop are damaged? a. By elephants:

b.

99

By wild pigs:

c. By monkeys:

d. By sambars:

e. .:

f. :

16. Which month are the raids most intense?

17. At what time of the day the raids are likely to occur? 1) Dusk 2) Daytime 3)
Dawn 4) Night

18. Why do you think the wild animals are coming out of the sanctuary? 1) Lack of forage in the sanctuary 2) Lack of water 3) Crop preferences 4)

Other:

19. 100

Have you applied for compensation? 1) Yes 2) No

If yes, have you received compensation? 3) Yes 4) No
If no, why?:

20. Are the raid increasing in the past years? 1) Highly increasing 2) Increasing 3) Stable 4) Decreasing

If increasing, why? 1) Wildlife population increases 2) People and

theirs activities 3) Wildlife behavior 4) Preventive measures

inadequate 5) Other :

21. How much do you feel the wild animals are impacting your life? 1) Not at all 2) A

bit 3) A lot

22. Were you experiencing conflict with wild animals in your previous home?

23. What kind of measures are you taking to prevent the conflicts? Are these measures effective?

Measures

Yes/No

Not effective

Partly Effective

Effective

Guarding

 
 
 
 

Tissu barriers

 
 
 
 

Wooden barriers

 
 
 
 

Biofencing

 
 
 
 

Metal barriers

 
 
 
 

Scarecrows

 
 
 
 

Dogs

 
 
 
 

Noise deterrents

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Visual deterrents

 
 
 
 

101

Management and resolution of conflicts

24. What is wildlife for you?

25. Are some of the local wildlife particularly important to the local people, their

livelihood or the nature in the area? 1) Yes 2) No

If yes, which species and why?

26. Do you think wild animals should be protected? 1) Yes 2) No

If yes, why:

27.

102

Do you feel the forest authorities are doing a good job to manage the animals?

28. What should be done to reduce the conflicts?

a. Better fencing

b. Relocate people

c. Relocate problematic animals

d. Kill problematic animals

e. Support for alternative source of income/crops

f. Better compensation

g. Increase the number of forest guards

...

h. Others:

103

29. Are you involved in one the EcoDevelopment committees? 1) Yes 2) No

30. Are you involved in another committee regarding the wildlife conflicts? 1) Yes 2) No

31. Would you be interested to be involved in the management of conflicts? 1) Yes No)

a. Give your opinion to the wildlife sanctuary

b. Participate in a committee supported by the wildlife sanctuary

c. Participate in a village comitee (only the people

32. Extra suggestions, informations?

104

Other

33. Gender : 1) Male 2) Female

34. Age :

35. Highest education :

36. Number of person in the household : Adults Children (below 18)

105

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118

TABLE DES FIGURES

Figure 1: Aires protégées de la région 26

Figure 2 : L'Aralam Wildlife Sanctuary 29

Figure 3:Age des interviewés 34

Figure 4 : Principales sources de revenus 36

Figure 5: Bénéfices obtenus de la part des gestionnaires de l'AWS 38

Figure 6:Bénéfices obtenus de la part de l'Aralam Farm 39

Figure 7:Types de conflits reportés 41

Figure 8:Espèces animales causant des dégradations agricoles 43

Figure 9: Fréquence de venue des sangliers 44

Figure 10: Fréquence de venue des sambars 44

Figure 11: Fréquence de venue des éléphants 45

Figure 12: Fréquence de venue des macaques 45

Figure 13: Mesures de réduction des conflits utilisées et perceptions de leur efficacité 55

Figure 14:Carte des dégradations agricoles reportés par les foyers interviewés 59

Figure 15: Carte du nombre de voisins entre les foyers interviewés et la forêt 61

Figure 16: Carte de couverture des sols 66

Figure 17:Impact ressenti des conflits sur la vie quotidienne 75

Figure 18:Perceptions de la gestion de la faune sauvage 77

Figure 19 : Attitudes envers la résolution des conflits 79

Figure 20:Attitudes envers une initiative de gestion collective des conflits 81

TABLE DES TABLEAUX

Tableau 1: Cultures pratiquées 37

Tableau 2: Préférences alimentaires des 4 espèces animales étudiées 51

Tableau 3: Représentations de la vie en périphérie de l'AWS 71

Tableau 4 : Animaux ayant une valeur pour les habitants de la zone du PRA 73

Tableau 5: Raisons en faveur de la conservation 74

119

TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS 2

SOMMAIRE 3

1. INTRODUCTION 4

1.1. Conservation et coexistence conflictuelle entre hommes et animaux 4

1.2. Les conflits hommes-animaux sauvages 6

1.3. Dimension environnementale des conflits hommes-animaux sauvages 8

1.3.1. Dimension animale : des comportements et des préférences évolutives 9

1.3.2. Activités humaines et dynamiques paysagères 10

1.4. Dimension humaine des conflits hommes-animaux sauvages 12

1.4.1. Des représentations subjectives et complexes 13

1.4.2. Un contexte socioculturel à prendre en compte 14

1.4.3. Un contexte socio-spatial et des jeux d'acteurs déterminants 15

1.5. La géographie et l'étude des relations hommes-animaux sauvages 17

1.6. Les conflits hommes-animaux en périphérie de l'Aralam Wildlife Sanctuary 19

1.7. Objectifs du mémoire et hypothèses 22

2. CONTEXTE DE L'ÉTUDE 24

2.1. L'Aralam Wildlife Sanctuary (AWS) 24

2.2. La zone du Programme de Réhabilitation des Adivasi (PRA) 27

3. MÉTHODOLOGIE 30

3.1. Entretiens non-structurés 30

3.2. Enquête sociale à l'aide d'un questionnaire 30

3.3. Analyse statistique 32

3.4. Analyse spatiale 32

4. CARACTÉRISTIQUES SOCIOÉCONOMIQUES DE LA POPULATION

INTERVIEWÉE 34

5. CARACTÉRISTIQUES DES CONFLITS HOMMES-ANIMAUX EN PÉRIPHÉRIE DE

L'AWS 40

5.1. Opinions des habitants de la zone du PRA 40

5.1.1. Les types de conflits hommes-faune sauvage 40

5.1.2. Les dégradations agricoles 42

5.2. Opinions des gestionnaires de l'AWS 46

120

6. CONFIGURATIONS SPATIALES ET RISQUES DE DÉGRADATIONS AGRICOLES

 

49

 
 
 

6.1.

Utilisation des sols et risques de raid agricoles

50

 

6.2.

Mesures de réduction des conflits et risques de dégradations agricoles

53

 

6.3.

Analyse spatiale visuelle et distance à la forêt

57

 

6.4.

Présences humaines et risques de dégradations agricoles

60

 

6.5.

Couverture des sols et risques de dégradations agricoles

63

7.

ATTITUDES DES HABITANTS ET DÉTERMINANTS SOCIO-CULTURELS

68

 

7.1.

Représentations de l'aire protégée et de la faune sauvage

70

 

7.2.

Attitudes envers la conservation

73

 

7.3.

Perception de l'impact des conflits

75

 

7.4.

Opinions de la gestion de l'Aralam Wildlife Sanctuary

76

 

7.5.

Attitudes envers la résolution des conflits hommes-animaux

78

 

7.6.

Attitudes envers une gestion collective des conflits hommes-animaux

80

8.

DISCUSSIONS ET RECOMMANDATIONS

83

 

8.1.

Limites rencontrées

83

 

8.2.

Un problème de compétition pour l'espace du PRA et ses ressources

84

 

8.3.

Une mobilité des animaux peu comprise

86

 

8.4.

La gestion des conflits hommes-animaux en périphérie de l'AWS

88

 

8.5.

Pistes de solutions

89

9.

CONCLUSION

93

ANNEXES 95

BIBLIOGRAPHIE 105

TABLE DES FIGURES 118

TABLE DES TABLEAUX 118

TABLE DES MATIERES 119






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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway