WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Museomix: people make museums

( Télécharger le fichier original )
par Joris Astier
Université Paris IV-Sorbonne - Master 2 2018
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

PARTIE I

MUSEOMIX : L'HISTOIRE D'UNE CULTURE COLLABORATIVE

EMERGENCE D'UNE NOUVELLE FAÇON DE TRAVAILLER LA MATIÈRE CULTURELLE

Au commencement, des acteurs de l'univers muséal observent un décalage important entre les pratiques de médiation instaurées par les institutions culturelles, les pratiques sociales du numérique et le potentiel en termes de médiation que possèdent les nouveaux médias. Soucieux d'offrir une place d'« acteur » de l'institution muséale aux visiteurs et non de « consommateur », ils ouvrent la voie à la culture collaborative. En 2011 naît alors la première édition de Museomix.

A l'origine de Museomix, une équipe diversifiée alliant particuliers et structures innovantes. Samuel Bausson, webmaster du musée de Toulouse, et Julien Dorra, enseignant des nouvelles technologies dans plusieurs écoles et facultés, s'associent à Buzzeum, une agence spécialisée dans l'innovation culturelle, à l'agence nod-A, experte en conseil des pratiques innovantes, et au centre Erasme pour donner forme à ce nouveau concept. La première édition se tiendra au musée des Arts décoratifs à Paris. Des appels à projets sont alors lancés11 et les équipes retenues, constituées de chefs de projets, de médiateurs, de développeurs et de bien d'autres métiers divers et complémentaires (Annexes, Fig. 1), travailleront intensément pendant trois jours pour donner corps à leurs idées (Annexes, Fig. 2).

Sébastien Magro, chef de projet numérique et participant de cette première édition, nous livre son sentiment à la sortie de l'événement : « Soudain, le numérique au musée n'était plus pour moi un centre d'intérêt personnel et professionnel, c'était devenu une réalité, partagée par au moins une centaine de personnes capables de donner de leur temps pour un projet utopique : (re)mixer le musée12. » Le concept suscite l'engouement chez les participants. Une situation dialogique s'instaure non seulement entre ces derniers mais également entre l'oeuvre et le museomixeur13. Parce qu'il développe les principes collaboratif et participatif, le fonctionnement de Museomix s'inscrit au coeur des tendances actuelles, notamment dans celles du développement durable. Le musée citoyen,

11

12

13

http://www.ladn.eu/news-business/actualites-agences/museomix-remixe-les-musees/

http://blog.sebastienmagro.net/2012/05/21/retour-sur-museomix-premiere-edition/

Serge Chaumier, La médiation culturelle, Armand Colin, « Collection U », Paris, 2013, p. 118-119.

5

évoqué depuis plusieurs années, trouve dans cet événement annuel son terrain d'accomplissement, puisqu'il ajoute aux anciennes espérances écomuséales les formes les plus évoluées et les aspects les plus technologiques du « fab-lab »14. Plus encore, il ouvre de nouvelles perspectives sur la façon de construire la matière culturelle. Le même témoin poursuit : « Je retire aussi de cette expérience une grande confiance en l'avenir et en l'évolution des institutions culturelles : malgré les lenteurs administratives, malgré leur fonctionnement vertical et hiérarchique, je reste persuadé que les musées ont la possibilité de changer, d'évoluer pour intégrer le numérique dans leur fonctionnement. Plus largement, je crois que les institutions culturelles pourront s'ouvrir aux dimensions participatives et collaboratives qui découlent du numérique, si elles s'appuient sur leur deux grandes forces : la richesse de leurs contenus et l'énergie dont sont capables leurs communautés15. »

Le rôle du public est lui aussi central dans le processus d'innovation. A distance, par le biais du numérique, il s'intègre au modèle collaboratif par deux modes d'intervention. Premièrement, il peut apporter son soutien par une contribution financière. En effet, Museomix fonctionne sur le volontariat et certains des participants se proposent même de payer leur logement pour réduire les coûts que l'événement engendre (planification et organisation, matériels technologiques, logistiques d'accueil, promotion et diffusion, etc.). Nous retrouvons aujourd'hui sur internet des traces laissées par la participation financière du public pour cette première édition. Le site de financement participatif Ulule dévoile par exemple une collecte de dons s'élevant à 500 euros et atteignant 100% des objectifs fixés (Annexes, Fig. 3). L'intérêt suscité par le concept ne se limite donc pas aux participants.

Deuxièmement, il ne faut pas minimiser le poids des réseaux sociaux dans la diffusion du savoir et dans la construction collective des idées innovantes. De plus en plus munis de community managers et de communicants, les musées s'accaparent progressivement le web 2.0 pour en faire un outil de communication culturelle efficace. Le concept Museomix repose aussi en partie sur la communication. C'est de cette façon qu'il se fait connaître et qu'il attire de nouveaux participants. Mais les équipes Museomix sont aussi souvent composées de communicants dont le rôle est de relayer leurs projets sur les réseaux. Les internautes sont ainsi conviés à participer au processus de création, qui devient dès lors extra-muros et d'intérêt public. Ils peuvent donner leurs avis et

14 Le « fab-lab » (contraction de l'anglais fabrication laboratory, laboratoire de fabrication) est un lieu ouvert à tous dans lequel toutes sortes d'outils servant à la conception et la réalisation d'objets, notamment des machines-outils pilotées par ordinateur, sont mis à disposition du public.

15 http://blog.sebastienmagro.net/2012/05/21/retour-sur-museomix-premiere-edition/

6

proposer des pistes d'amélioration pour les projets diffusés. Par les interactions sociales qu'il mobilise, le numérique offre à l'objet créatif des possibilités évolutives quasiment infinies.

Au terme de cette première édition, onze prototypes ont pu voir le jour et être présentés au public. Parmi eux, le projet Strat, l'un des plus ambitieux d'un point de vue muséographique, retiendra l'attention. A travers ce concept, il s'agit d'augmenter numériquement une pièce entière du musée, le Cabinet des fables, par des technologies immersives utilisant uniquement le déplacement du visiteur comme interface (Annexes, Fig. 4). Par l'immersion, le visiteur est beaucoup plus affecté par son expérience muséale16. Mais les concepts innovants et les futurs projets fusent déjà dans l'esprit des participants. Le témoignage d'Yves-Armel Martin, fondateur du centre Erasme, en dit long sur cette véritable réaction en chaîne des idées que produit Museomix : « En entendant les conversations autour de cette salle, cela m'a donné l'idée d'un sujet à exploiter : parmi les fables présentées dans ce cabinet, certaines nous sont inconnues. Il y aurait un beau projet à monter de participation des publics (en ligne ou en atelier) pour imaginer et écrire ces fables disparues simplement en partant de leur traces picturales dans cette pièce17. » Au moment même où l'événement s'achève, le modèle Museomix est déjà destiné à être répliqué.

UN MODÈLE COLLABORATIF RÉPLIQUÉ : L'ENGOUEMENT CROISSANT AUTOUR DU CONCEPT

MUSEOMIX

Le modèle proposé par Museomix séduit tant le public que les acteurs du milieu muséal. Le ministère de la culture l'accompagne le soutient également18. Après le succès de l'édition de 2011, d'autres voient le jour. Les 19, 20 et 21 octobre 2012 se tient la deuxième édition du concept, au musée Gallo-romain de Lyon Fourvière cette fois, et aboutit à la création de huit prototypes19. Mais c'est en 2013 qu'il prend véritablement son essor. Six lieux, répartis sur trois pays, accueillent pendant trois jours des participants de toutes professions. Ainsi les musées de Grenoble, Lens, Nantes, Paris, Québec et Shropshire ouvrent-ils leurs portes à la culture collaborative. Il en ressort une répartition majoritairement française mais qui préfigure néanmoins un élargissement du modèle à l'échelle internationale.

16 Florence Belaën, « L'immersion dans les musées de science : médiation ou séduction ? », Culture & Musées, n°5, 2005, p. 99.

17 http://www.erasme.org/Strat

18 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/154000331.pdf

19

VOIR LE SITE OFFICIEL DE MUSEOMIX : HTTP://www.MUSEOMIX.ORG/EDITIONS/EDITION-2012/

Mais pourquoi le concept est-il aussi rapidement repris par les institutions culturelles ? Outre cet aspect de co-construction entre le public et les musées, l'efficacité de l'événement convainc à bien des égards. L'intérêt qu'ont les institutions d'intégrer Museomix à leur système évolutif est évident. Véritable laboratoire de recherche en innovation et lieu d'expérimentation, regroupant chercheurs, testeurs et techniciens de tous horizons, tels que peu de structures peuvent se permettre de financer, il représente une aubaine. Les participants s'investissent énergiquement en peu de temps et produisent des projets concrets, tandis que le coût total de l'opération reste moindre. Des pistes de renouvellement leur sont ainsi proposées sans grand investissement financier de leur part.

Mais, au-delà de ce profit, l'événement représente aussi pour les institutions une stratégie de positionnement. En se faisant l'hôte de Museomix, le lieu d'accueil se situe à l'intersection entre culture et technologie et se positionne clairement comme incubateur de solutions culturelles innovantes. Grâce à cette stratégie, les institutions partent à la conquête de nouveaux publics. Combien de passionnés de nouvelles technologies ne se seraient jamais déplacés au musée sans lui ajouter une dimension hautement innovante ? L'intérêt porté à l'espace muséal naît alors des médiations qu'il est possible d'y déployer, et non l'inverse.

Enfin, plus en arrière-plan parce que plus aléatoire, Museomix peut également permettre de repenser le système hiérarchique et les rapports de travail au sein même des institutions culturelles. En participant à l'événement, les musées choisissent logiquement de s'y impliquer pleinement. Au moins une partie du personnel s'investit, quelque soit sa position hiérarchique, pour collaborer à un projet commun de manière égalitaire, sans distinction sociale ni professionnelle. En revisitant son fonctionnement interne l'espace de quelques jours, le musée peut s'ouvrir sur de nouvelles façons de travailler et conserver « l'esprit Museomix » après l'achèvement de l'opération. La nouvelle dynamique professionnelle insufflée pendant les longs mois de préparation et pendant ces trois jours intenses est susceptible d'imprégner les méthodes de travail du personnel et de les faire perdurer sur le long terme. Mais ce schéma est aléatoire puisqu'il dépend de la façon d'entrevoir le concept. Il ne peut fonctionner lorsque le lieu d'accueil n'y voit qu'un moyen efficace pour communiquer sur sa modernité. Ainsi le musée de Louvre-Lens a-t-il délaissé cette dynamique après l'achèvement de l'opération, à l'inverse des musées de Lyon et de Grenoble. Museomix est pourtant une belle occasion de dénicher de nouvelles formes de management d'équipes, plus collaboratives et moins soumises à l'autorité hiérarchique. Pour Catherine Barra, chercheuse-archéologue et museomixeuse, avec qui nous avons réalisé une interview, Museomix est une expérience incroyable qui ne peut qu'imprégner le personnel du musée après son achèvement : « Museomix ne peut pas ne pas laisser de traces. On ne peut pas accueillir 150 personnes le week-end, s'impliquer à fond avec elles pour bâtir des projets concrets qui peuvent changer les choses, et retourner au même endroit le

7

8

lundi sans que cette énergie n'ait impacté le personnel20. » L'institution tend à se transformer en profondeur21.

De l'édition de 2013 éclosent alors cinquante-huit prototypes, dont dix-huit en dehors de l'hexagone22. L'événement produit sur les participants une émotion tout aussi vive que lors de la première édition. Myrlène Numa, museomixeuse experte en technologie et fonctionnement, témoigne : « J'ai découvert Museomix au détour d'un tweet, j'ai d'abord été très étonnée par l'originalité du concept. C'est un véritable challenge d'arriver à élaborer des propositions originales qui apporteront de nouvelles perspectives dans la manière d'appréhender le musée. Je suis convaincue qu'un tel événement participe à en faire un lieu ouvert à tous, en connexion avec son temps et qui puise dans différents univers pour mener à bien sa mission d'éducation et de médiation. Lorsque je vois la qualité des prototypes des éditions précédentes et la matière que l'on a à disposition ici à Nantes mais aussi sur les autres lieux de la manifestation, je me dis qu'il y a un beau défi à relever 23. »

C'est pourquoi s'enchaînent les éditions et se multiplient les pays d'accueil. Le concept répond aux attentes d'une société en quête d'innovation par l'échange culturel et technologique. Qu'il s'agisse des individus ou des institutions, le culture collaborative ouvre de nouvelles voies de médiation grâce auxquelles naissent des solutions innovantes fondées sur une dynamique de travail transformée.

Dans les années suivantes, le concept continue logiquement à gagner en notoriété. En 2014, sept musées accueilleront l'événement, répartis sur quatre pays (France, Canada, Angleterre et Suisse), avec toujours une dominante française. En 2015, nous assistons à une plus vaste expansion du phénomène, qui touche onze musées dans cinq pays24 (France, Canada, Suisse, Belgique et Mexique), avec cette fois une majorité extra-nationale (Annexes, Fig. 5). Un goût prononcé pour la culture collaborative se diffuse dans le monde entier. Mais ce modèle, aussi innovant soit-il, est-il si performant ? Amène-t-il à des résultats probants ? Une fois l'événement achevé, que reste-t-il concrètement de Museomix dans le musée ? Pour répondre à ces questions, il nous faudra, en nous

20 Entretien téléphonique réalisé avec Catherine Barra, le 7 octobre 2017. L'intégralité de l'entretien se trouvera à la fin de cette étude.

21

22

23

Paul Rasse, Le musée réinventé. Culture, patrimoine, médiation, CNRS éditions, Paris, 2017, p. 2.

http://www.museomix.org/editions/edition-2013/

http://www.museomix.org/wp-content/uploads/2013/07/dossier-de-presse-museomix.pdf

24 http://www.20minutes.fr/rennes/1729779-20151113-rennes-marathon-creatif-week-end-musee-bretagne

9

focalisant sur la dernière édition en date (2016), analyser dans son ensemble le déroulement et la construction du modèle collaboratif proposé par Museomix.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld