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Museomix: people make museums

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par Joris Astier
Université Paris IV-Sorbonne - Master 2 2018
  

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PARTIE III

PROBLÈMES, INFLUENCE ET PERSPECTIVES D'UN DISPOSITIF DE
MÉDIATION CULTURELLE

PROBLÈMES IDENTIFIÉS ET SOLUTIONS POTENTIELLES

Nous l'avons vu, le dispositif de médiation déployé par Museomix, malgré des résultats encore trop hétérogènes, débouche sur de très belles perspectives pour le devenir muséal. Cependant, plusieurs problèmes bridant le processus de création ou la mise en production des projets peuvent être dégagés.

L'événement laisse certes la parole à tous les participants de façon égalitaire, mais, au-delà des murs du musée, celle du public n'est guère écoutée. Que ce soit pour donner des pistes d'amélioration via les réseaux sociaux durant l'opération ou pour offrir au prototype créé davantage de consistance technologique et/ou culturelle pendant la phase de post-production, le public n'est pas pensé comme un acteur du processus créatif. Pourtant, le modèle collaboratif proposé par Museomix, qui prône la diversité comme élément central de l'innovation, s'inscrit parfaitement dans cette démarche. Donner plus de voix à la parole du public ne pourrait qu'accroître les chances de dénicher des solutions innovantes. Ainsi, des formulaires accompagnant la description des projets pourraient être diffusés, ou des systèmes de votes mis en place, afin que tous puissent donner un avis et surtout des perspectives d'évolution. Car c'est d'un engagement collectif que naîtront de réels résultats ; la réaction en chaîne des idées produite pendant l'opération, que nous avons déjà évoquée, pourrait atteindre une dimension beaucoup plus grande si la voix était aussi donnée au public.

Un autre problème est celui de la réticence des musées à recevoir l'événement. Dans l'entretien que nous avons réalisé, Catherine Barra nous en parle : « Mais le concept peine malgré tout à pénétrer les musées, qui le trouvent trop exigeant : l'accueillir implique de trouver un budget et de confier son espace à un grand groupe de personnes qui va le désordonner pendant quelques jours32. » En fait, ce sont surtout les grands musées qui ont cette mentalité. Beaucoup de visiteurs y affluent déjà et leurs pratiques sont de fait trop institutionnalisées pour accueillir l'opération. Si un

32

Entretien téléphonique réalisé avec Catherine Barra, le 7 octobre 2017. L'intégralité de l'entretien se trouvera à la fin

de cette étude.

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grand musée se faisait l'hôte de Museomix, la décision ne pourrait qu'émaner de la direction et il y aurait de grandes chances pour que l'événement soit envisagé comme une opération marketing. Il est probable que peu de traces resteraient de Museomix après son achèvement. En revanche, pour les petits musées de province, comme celui de Guéret (dans la Creuse), l'événement représente une véritable aubaine. D'une part, il leur permet de trouver de nouvelles façons de consommer leurs produits, car ces petites structures ne bénéficient que de très peu de personnel et rares sont les personnes en charge d'un tel développement. D'autre part, il leur permet de booster leur potentiel culturel. De cette manière, ces musées gagnent en visibilité et peuvent trouver des investissements futurs pour réaliser d'autres projets ou pour développer les prototypes créés pour l'occasion. En touchant de plus en plus de petites structures, peut-être le phénomène Museomix pourra-t-il progressivement séduire les grandes institutions, souvent considérées comme trop fermées à la culture collaborative et comme « poussiéreuses ».

Enfin, nous avons dégagé dans cette étude un troisième problème, qui concerne la pérennisation des projets. Cette dernière n'est pas systématisée et il revient aux musées d'entreprendre les démarches administratives pour leur mise en production. Museomix n'a pas pour vocation la gestion de ce que l'événement a produit pendant ses trois jours d'effectivité. Il en résulte de grandes difficultés pour mettre à disposition du public de nouvelles formes de consommation culturelles. C'est du système administratif français que doit être opéré le changement. En rendant très difficiles la mise en place d'éléments évolutifs, il bride par contre-coup le processus créatif et limite les effets d'innovation que souhaite produire Museomix.

INFLUENCE

Face à ces problèmes, d'autres structures reprennent la démarche de Museomix en l'adaptant à un public cible donné qui reste en marge du phénomène. C'est par exemple le cas de labOmusée, organisé par Museomix Rhône-Alpes, Cybèle (société d'assistance à la conception de médiation), Patrimoine Aurhalpin (association régionale qui valorise le patrimoine) et la Fondation Renault. LabOmix a pour but de reprendre le même principe que Museomix, mais adaptable aux musées locaux avec les problématiques qui y sont liées33. La première édition a eu lieu en 2016 au musée de la Grande Chartreuse et portait comme problématique locale « comment faire prendre conscience aux personnes qui viennent dans les alentours du musée que près d'ici vivent des moines et qu'un musée parle de leur histoire et de leur mode de vie ? ». Nous le voyons, le concept est

33 https://labomusee.fr/a-propos/

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davantage centré sur le caractère local de l'espace muséal. Cette première édition a abouti à la création de deux prototypes. Parmi eux, L'appât son proposait aux visiteurs, en les munissant d'un casque sonore, de s'immerger dans la vie quotidienne du monastère et des moines chartreux en reproduisant les bruits qu'ils pouvaient entendre tous les jours (Annexes, Fig. 12).

Mais l'influence exercée par Museomix dépasse le cadre strictement muséal. Le phénomène

a également pénétré l'enseignement, et notamment les collèges. Le cas d'Edumix est à cet égard

significatif. Initié par le réseau des LearningLabs34 et le centre Erasme, Edumix se dit être une

transposition dans le monde de l'éducation du format Museomix35. Le mouvement vise à :

- décloisonner des habitudes et des communautés

- initier et renforcer une communauté d'innovateurs

- former aux méthodes agiles

- amorcer la transformation numérique d'une institution

- ouvrir des pistes innovantes.

Le concept a vu sa première édition naître en 2017 et dix projets ont été concrétisés jusqu'à présent. L'un deux, Un collège sur mesure, propose à chaque élève un parcours individualisé qui valorise ses progrès et qui lui permet de s'engager dans des projets liés à ses centres d'intérêts. Sur une application à caractère ludique, l'élève est identifié à un avatar et il peut répondre à des questions liées aux éléments de cours abordés lors du trimestre et surveiller sa marge de progression au long de l'année (Annexes, Fig. 13). Le but du projet est clair : il s'agit d'accroître l'intérêt des élèves pour les matières enseignées au collège ainsi que de permettre aux enseignants de valoriser les connaissances et les compétences que développe leur discipline. En pénétrant l'enseignement, et donc le quotidien des élèves, l'enjeu est ici considérable : l'apprentissage est non plus considéré comme un devoir mais comme un objectif. Ce concept reprend l'esprit Museomix dans sa conception mais emprunte aussi beaucoup au mouvement des serious games qui tend de plus en plus à pénétrer le milieu professoral.

Enfin, un troisième exemple d'influence a émergé de nos recherches documentaires. Il s'agit des BiblioRemix, un mouvement qui implique les lecteurs dans la transformation des

34 Les LearningLabs sont des espaces innovants dédiés aux nouvelles formes d'apprentissage exploitant notamment les possibilités offertes par les nouvelles technologies de l'information et de la communication.

35 http://www.edumix.fr/a-propos/

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bibliothèques36. Après tout, si le concept a réussi à toucher le musée, pourquoi le modèle ne pourrait-il pas être dupliqué pour d'autres institutions culturelles ? Ainsi le BiblioRemix, né en juin 201337, vise à réunir des participants aux compétences diverses (lecteurs, informaticiens, bibliothécaires, designers, architectes, etc.) pour mettre en place des dispositifs concrets qui correspondent à leur vision de la bibliothèque idéale 38. Les groupes imaginent, prototypent et expérimentent alors des réponses aux problématiques identifiées par les professionnels des bibliothèques lors de l'exercice de leurs fonctions. Le mouvement semble prendre une ampleur plus importante que Museomix, puisqu'il est parvenu assez vite à toucher la plus grande institution française : la BnF. Le 29 mai dernier se sont regroupés des bibliomixeurs dans l'enceinte de la bibliothèque pour imaginer collectivement son futur pôle Média39. Le 17 juin, le public a été invité à découvrir et à échanger autour des huit projets d'évolution des salles et de leurs services que les bibliomixeurs ont proposés40. Au regard du mode de communication déployé pour l'occasion, il semble que la BnF ait très vite capté les enjeux de l'opinion publique dans le processus d'innovation, puisque les visiteurs, mais aussi les internautes (Twitter), sont invités à voter pour les projets qu'ils souhaitent voir aboutir (Annexes, Fig. 14). La BnF comprend que les transformations mises en place seront destinées au public, et qu'il est donc primordial qu'il puisse s'exprimer sur le sujet.

PERSPECTIVES

La vague Museomix se propage efficacement puisque des envies de nouvelles formes de médiation culturelle naissent un peu partout et construisent des réseaux de personnes appréhendant différemment les musées et les problématiques liées aux services proposés au public41. Par cette nouvelle façon de penser la transmission du savoir, Museomix souhaite irriguer les institutions, les territoires et les individus pour que son esprit puisse donner à des structures locales l'envie d'agir à leur échelle. Le concept a d'ores et déjà réussi le tour de force d'opérer un brassage entre les entreprises, les collectivités, les professionnels et les amateurs du monde muséal. En mobilisant des

36 http://www.letelegramme.fr/finistere/plougastel-daoulas/biblioremix-penser-la-bibliotheque-de-

demain-23-03-2017-11445602.php

37 http://www.enssib.fr/biblio-remix-esprit-lab-en-bibliotheque

38

https://biblioremix.wordpress.com/le-projet/

39 http://www.bnf.fr/fr/la_bnf/anx_actu_bib/a.170529_biblioremix.html

40 http://www.bnf.fr/documents/170529_biblioremix_reglement.pdf

41 Serge Chaumier, Camille Françoise, « Museomix : l'invention d'un musée du XXIe siècle», La Lettre de l'OCIM, 156, 2014, p. 9-10.

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individus et structures de tous horizons, Muséomix crée des communautés diversifiées et engagées dans un projet commun : donner à la matière culturelle de nouvelles formes de consommation.

Il serait par ailleurs intéressant d'élargir la démarche amorcée par Museomix au-delà des musées. Nous l'avons vu juste avant, d'autres institutions reprennent le modèle collaboratif qu'il propose, et cela semble trouver son efficacité au sein de ces structures. Mais le paradigme culturel n'est pas qu'un conglomérat d'organismes qui cherchent à trouver de façon autonome de nouvelles solutions pour transmettre leur propre patrimoine. Pour que la culture puisse être condensée et transmise le plus efficacement possible, ces institutions doivent constituer un ensemble cohérent et être liées par un système d'interrelations. Et le numérique peut en faciliter les usages. Prenons les exemples des bibliothèques et des musées, cités plus haut. Dans le fond, ces deux institutions exercent les mêmes fonctions au sein du système culturel : ils en sont les conservateurs. Nous pourrions donc envisager de les connecter par la voie numérique : une application pourrait par exemple mettre en relation la base de données d'un musée et celle d'une bibliothèque. Puisque les vestiges archéologiques et les textes parlent d'un même objet, l'histoire, il est nécessaire de les relier pour mobiliser toutes les sources dont notre patrimoine dispose sur cet objet. Ainsi, aux musées des Beaux-Arts de Lausanne, l'utilisateur de l'application pourrait observer le tableau du massacre de la Saint-Barthélémy de François Dubois tout en lisant les mémoires de Marguerite de Valois sur l'événement, conservés à la BnF (Annexes, Fig. 15). Ce n'est que l'une des nombreuses innovations que les liaisons institutionnelles et le modèle collaboratif proposé par Museomix pourraient permettre.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld