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Quand l'anxiété majore la douleur postopératoire


par Marie Brisack
IFSI du Centre Hospitalier du Mans -  2017
  

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2. Situation d'appel et questionnement de départ

La situation présentée ci-dessous se déroule à l'entrée du semestre cinq. Etant alors en 3ème année de formation en soins infirmiers, j'ai effectué un stage au bloc opératoire gynécologique et pédiatrique. Il s'agit du bloc Aliénor, rattaché au Centre Hospitalier du Mans (CHM).

2.1 Récit de la situation d'appel

Durant cette période de stage, j'ai passé une première semaine à l'accueil du bloc opératoire. Il s'agit notamment de l'endroit où les patients attendent avant d'entrer en salle d'intervention. Régulièrement, plusieurs femmes et enfants y patientent dans le même temps. L'infirmière diplômée d'état (IDE), présente dans cette salle, veille à l'identitovigilance et s'entretient avec les patients dans le but de contrôler la complétude de leur dossier médical afin que ceux-ci puissent entrer en salle d'intervention. C'est également l'endroit où l'infirmière pose les voies veineuses périphériques auxquelles sont adaptées les perfusions de chlorure de sodium, utiles notamment pour l'anesthésie en salle.

A ce poste, j'ai ainsi pu observer la prise en charge de nombreux enfants. La majorité d'entre eux étaient hospitalisés pour subir des opérations telles que des amygdalectomies, des adénoïdectomies (ablation des végétations) ou bien encore des avulsions dentaires. Généralement, leur prise en charge débute à leur arrivée dans le sas, aussi appelé « salle de permutation ». Cette salle sépare l'accueil et l'enceinte du bloc opératoire du couloir extérieur au bloc, et permet le transfert des patients du lit dans lequel ceux-ci sont transportés depuis le service, à un brancard de transfert appartenant exclusivement au bloc. Tout ceci se justifie par la volonté d'instaurer une asepsie progressive de l'extérieur du bloc jusqu'à la table d'opération. En effet, les enfants sont dans leur lit, descendus du service et accompagnés par les brancardiers. Les parents, ne pouvant pas entrer dans l'enceinte, expliquent à leur enfant qu'ils le retrouveront tout-de-suite après l'intervention, lui disent au-revoir et attendent généralement à l'extérieur pour rencontrer le médecin anesthésiste. De là, l'IDE demande aux enfants de revêtir, en complément de leur blouse de bloc opératoire, une charlotte et des « chaussons », puis de monter sur le brancard de transfert pour les diriger vers l'accueil. A leur arrivée, ils semblent, la plupart du temps, surpris, voire impressionnés par la tenue portée par les professionnels du bloc opératoire et ne sont pas tous ravis d'entrer dans un endroit qui leur est généralement inconnu. En effet, j'ai pu constater en accompagnant ces enfants que, malgré leur jeune âge, certains étaient « tout-sourire », ne semblaient pas souffrir ou bien

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avoir la moindre anxiété quant à l'opération... Alors que d'autres, à l'inverse, étaient inconsolables, inquiets et ne supportaient pas d'être séparés de leurs parents. Lorsque cela arrivait, le recours aux tablettes interactives ou encore aux jouets, disponibles à l'accueil, suffisait parfois à capter leur attention et les apaiser. La distraction par le jeu permettait de les tranquilliser pendant un certain temps. C'est pourquoi ces tablettes sont systématiquement données par le service de chirurgie pédiatrique aux enfants afin qu'ils puissent en être accompagnés à chaque « étape » de la prise en charge opératoire (descente du service vers le bloc opératoire, salle de permutation, accueil, salle d'opération, salle de réveil...). Néanmoins, cela n'était pas toujours suffisant et plusieurs jeunes enfants n'étaient pas faciles à tranquilliser. Par ailleurs, de mon côté, je pense que le fait de ne pas avoir eu l'occasion de beaucoup côtoyer les enfants, tant dans ma vie personnelle que professionnelle, a participé au fait que je ne sois pas très sûre de moi dans mes prises en charge auprès d'eux. En effet, j'éprouvais une certaine appréhension lorsqu'il s'agissait de les rassurer ou de leur expliquer les raisons de leur présence au bloc opératoire ainsi que les différents soins que nous allions leur faire, par crainte de ne pas trouver les mots « adéquats » et d'ainsi majorer leur angoisse. J'essayais pourtant de m'inspirer de ce que mettait en oeuvre l'IDE d'accueil, en termes d'approche et d'attitude, mais ne parvenais pas à être complètement satisfaite de moi lorsque je tentais à mon tour de le reproduire. Puis, quelques temps après, en discutant avec une jeune femme qui attendait d'entrer en salle d'intervention : j'ai été interpellée. Un petit enfant, d'environ trois ans, venait d'arriver, agité et en sanglots. Nous observions les infirmières, postées dans sa salle d'intervention, tenter de le rasséréner. Voir un enfant dans un tel état d'angoisse a provoqué une sorte de gêne et même d'impuissance chez moi... Quelques instants plus tard, la patiente m'a dit : « Oh les miens, ça va, ils n'ont pas eu trop peur lorsqu'il a fallu qu'ils se fassent opérer des amygdales. Je pense que c'est parce que mon mari et moi leur avons bien expliqué... Du coup, ils étaient en confiance avec les professionnels et n'ont pas trop souffert, lors de la séparation et puis après l'opération. ».

2.2 Questionnement de départ

Après avoir vécu et analysé cette situation, de nombreuses questions se sont présentées à moi puisqu'en tant que future professionnelle, il me parait important d'être capable de s'adapter à tout type de patient, et ainsi aux enfants. En effet, je me demande si l'expérience de l'infirmier peut influer, de façon méliorative, sur la prise de charge d'un enfant angoissé et sur sa capacité à créer avec lui une relation de confiance, dans un contexte de soin. J'ai des

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difficultés à imaginer que les compétences de l'IDE ne s'acquièrent pas au cours de l'expérience professionnelle et que, au contraire, le seul fait d'avoir une « bonne approche » avec les enfants suffise à faire la différence pour aboutir à une prise en charge de qualité. Par ailleurs, je me questionne sur le ressenti de l'enfant hospitalisé depuis le service de chirurgie pédiatrique jusqu'au bloc opératoire. Si certains ne semblent pas être angoissés, je pense avoir perçu cette angoisse chez bon nombre d'enfants. A quoi pourrait être liée cette angoisse ? Existe-t-il un moyen, autre que la perception subjective, pour évaluer cette angoisse de manière fiable ? Cette dernière peut-elle avoir des répercussions sur la perception de la douleur postopératoire de l'enfant ? Peut-elle être amplifiée ? Et, tout simplement, peut-on déjà considérer cette angoisse comme une douleur ? La douleur ne peut-elle être que physique ? J'entends par physique le fait d'être provoquée par une « sensation ». Est-ce qu'elle ne pourrait pas également être morale ? D'autre part, quelles sont les techniques misent en place par les infirmiers pour évaluer et prendre en charge l'angoisse, l'anxiété des enfants ? Est-ce que tous les soignants y ont recours ? Ces techniques sont-elles « invariables » ou bien s'adaptent-elles aux enfants rencontrés, tenant compte de leur âge ou bien leur comportement ? De plus, par rapport aux dires de la patiente avec qui j'ai pu dialoguer : est-ce qu'un enfant qui aura reçu des explications, qui aura été informé des soins allant lui être appliqués, sera moins anxieux ? Je me demande encore quel rôle jouent les parents dans cette prise en charge de l'anxiété. Les infirmiers incluent-ils les parents dans cette démarche ? Aussi, est-ce que parfois le fait de rassurer les parents, pouvant être inquiets eux-aussi, peut apaiser l'enfant ?

A partir de toutes ces interrogations se construit ma question de départ :

« En quoi l'expérience de l'infirmier, auprès d'un petit-enfant anxieux et de ses parents, en service de chirurgie pédiatrique, influe sur la perception de la douleur postopératoire induite par l'amygdalectomie ? »

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3. Cadre théorique

Pour tenter d'obtenir des réponses à cette question, la recherche d'éléments théoriques, sur lesquels je pourrais m'appuyer dans la suite de ce mémoire, est nécessaire. Cette recherche portera essentiellement sur les concepts composant mon interrogation précédemment établie.

3.1 Les caractéristiques du petit-enfant

Pour débuter cette première partie, je m'intéresserai tout d'abord à l'enfant au sens large, avant de me centrer sur le petit-enfant, âgé de deux à sept ans. Alors, je développerai ses caractéristiques, ses stades de développement ou encore ses émotions en Centre Hospitalier.

3.1.1 Le développement de l'enfant

Pour Freud, l'être humain développe sa personnalité tout au long de l'enfance et de l'adolescence. En effet, dès sa naissance et à mesure qu'il grandit, l'enfant se trouve dans un processus d'apprentissage continu. Avec le temps, les tâches développementales qu'il accomplit se diversifient et ses besoins se modifient. Avant d'atteindre sa majorité, celui-ci passe par différents stades, définis comme suit : de nouveau-né, il est considéré comme un nourrisson à partir de six mois jusqu'à ses vingt-quatre mois. Il devient par la suite un petit-enfant jusqu'à sept ans, puis un enfant jusqu'à douze ans, et enfin, un adolescent jusqu'à dix-huit ans (Pichard-Léandri, Gauvain-Piquard, 1989). Néanmoins, l'âge n'est qu'un indicateur. Bien évidemment, l'accès à tel ou tel niveau d'évolution dépend d'une grande variabilité entre individus (Lehalle, Mellier, 2013). Durant sa croissance, l'enfant apprendra à être peu à peu autonome et indépendant face à ses parents. Avec l'adolescence, leurs relations prendront des caractéristiques particulières, mais elles seront fondamentales dans la construction de la personnalité. Celui-ci se sociabilisera, il élargira son cercle social. Sa vision du monde deviendra plus réaliste. Il acquerra enfin un système de valeurs et finira par se projeter à l'âge adulte (Carpenito-Moyet, 2012).

3.1.2 Le développement du petit-enfant

Grâce aux recherches précédentes, menées au sujet de l'enfant « au sens large ». J'ai pu discerner à quel stade du développement se trouvait le petit garçon, observé durant mon stage au bloc opératoire (le dit petit-enfant qui est à l'origine de la question de départ de ce travail). En cohérence avec cette question de départ, mon choix est évident quant au fait de centrer dorénavant mes recherches sur le petit-enfant, c'est-à-dire l'enfant âgé de deux à sept ans.

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Ainsi, dans la poursuite de ce travail, j'aborderai le développement psychoaffectif du petit-enfant, étape importante dans la construction de sa personnalité.

3.1.2.1 Le développement psycho-affectif du petit-enfant

Le développement psycho-affectif du petit-enfant s'accompagne du développement de sa personnalité mais aussi de sa sexualité, tout au long de l'enfance et de l'adolescence. Freud (1905, cité dans les stades Freud Piaget Wallon, s.d), qui a joué un rôle fondamental dans l'élaboration de cette théorie, place derrière la sexualité infantile un caractère tout autre que la sexualité normale de l'adulte. Il s'agit là, selon Freud, d'une sexualité primaire avec une organisation plus ou moins marquée de la libido. Par ailleurs, le développement psychoaffectif se construit de façon chronologique : l'on passe par les stades dits prégénitaux, composés du stade oral et du stade anal, puis par le stade phallique comprenant le conflit oedipien... Ce sont ces étapes que je détaillerai par la suite.

3.1.2.1.1 Le stade oral (de 0 à 2 ans)

La première année, la vie affective du nourrisson est organisée autour de la fonction alimentaire. Celle-ci possède une fonction nutritionnelle, mais aussi libidinale. En effet, la succion est un plaisir pour le nourrisson. C'est pourquoi même il en vient généralement à sucer son pouce. La zone érogène est la région buccale. Cependant, il est important de rappeler qu'à chaque zone privilégiée du corps correspond un conflit. Effectivement, durant le stade oral, le nouveau-né doit gérer sa frustration de ne plus recevoir, peu à peu, d'alimentation lactée au profit d'une alimentation plus variée (légumes, fruits, etc). Cela provoque chez lui une discontinuité, une frustration, induite par la séparation du sein de sa mère... Ceci impose un maternage renforcé afin d'apaiser progressivement son sentiment d'abandon, généré par ce conflit. Dans cette situation, le doudou, ou autre objet transitionnel, est généralement apprécié par l'enfant, car, utilisé en tant que moyen de substitution à la mère, sa présence est rassurante et symbolique (Les stades Freud Piaget Wallon, s.d, Pichard-Léandri, Gauvain-Piquard, 1989).

3.1.2.1.2 Le stade anal (de 2 à 4 ans)

Le stade anal représente le second stade prégénital. Celui-ci est caractérisé par l'apprentissage de la propreté par le petit-enfant. La région anale devient alors la zone érogène. Cela s'explique par le fait que le petit-enfant éprouve du plaisir à retenir ou non ses selles lorsqu'il se trouve sur le pot. En effet, dans le contexte de l'éducation à la propreté, le petit-enfant perçoit que ses parents, très investis, ont des attentes, et que ses selles représentent l'objet de

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négociation pour leur satisfaction. Ce type de plaisir se retrouve dans l'apprentissage du langage, par exemple lorsque l'enfant décide ou non de dire « papa »... Le bambin comprend par là qu'il a une certaine maîtrise des choses et un pouvoir de frustration sur ses parents. Néanmoins, il s'agit là pour lui d'un conflit relationnel : ses parents désirent qu'il devienne propre, mais lui s'y oppose car il reste partagé entre le souhait de grandir et de rester petit (Les stades Freud Piaget Wallon, s.d, Pichard-Léandri, Gauvain-Piquard, 1989).

3.1.2.1.3 Le stade phallique (de 4 à 7 ans)

Pour finir, le stade phallique est le troisième et dernier stade du développement de la libido. Cette période est notamment caractérisée par le conflit oedipien, qui est une « phase du développement, souvent accompagnée de phobies transitoires, de déplacements d'affects concernant l'un ou l'autre des personnages parentaux, et d'angoisse de castration. En règle générale, l'enfant de cet âge est très vite anxieux et sujet à la peur » (Pichard-Léandri, Gauvain-Piquard, 1989, p. 31). Tout cela s'explique par le fait que le petit-enfant, qui découvre une nouvelle zone de son corps : la zone génitale, croit à l'universalité de la zone génitale. En effet, tant les garçons que les filles, ils ne connaissent qu'un seul organe génital qu'est le pénis (Les stades Freud Piaget Wallon, s.d). Le petit-enfant s'interroge alors sur les différences entre homme et femme et sur les origines de la vie. Cela suscite chez lui beaucoup d'inquiétudes et de fantasmes. Il ne faut pas oublier que pour un enfant, réalité et fantasmes s'imbriquent à l'infini. Il y a, d'ailleurs, souvent plus de fantasmes par rapport à perception de la réalité, notamment, lorsque les choses lui échappent... Chez les garçons, le conflit oedipien se manifeste par l'angoisse de castration. En effet, l'enfant a peur que son père le punisse d'éprouver des sentiments pour sa mère... Il pense que les filles sont castrées, qu'elles sont punies. Néanmoins, cela n'exclut pas que le garçon éprouve des sentiments positifs envers son père. D'ailleurs, voyant qu'il ne peut le mettre de côté pour entretenir une relation privilégiée avec sa mère, il va finir par s'identifier à lui et en faire son modèle. Les filles, elles, n'ont pas à redouter la privation de pénis. Cependant, elles ressentent un manque douloureux face à cette inégalité. L'enfant souffre de cette dernière comme d'une infériorité, dont serait également victime sa mère. C'est pourquoi, à cet âge, elle considère son père comme un être prestigieux, qui possède ce qui lui manque. A ce moment-là, sa mère devient une rivale, mais, tout comme chez le garçon, elle sera amenée à voir que son père n'est pas à elle, et qu'il est vain de rivaliser. C'est pourquoi, elle s'identifiera à sa mère en imitant son comportement. La sortie de ce conflit est signée par ce processus d'identification. L'enfant qui a dû renoncer à un désir incestueux interdit devra se tourner vers les autres pour trouver de nouveaux objets

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d'amour... Cela explique pourquoi les enfants tombent amoureux à l'école maternelle. (Pichard-Léandri, Gauvain-Piquard, 1989).

3.1.2.2 Le développement psychomoteur et cognitif du petit-enfant

Parallèlement à son développement psycho-affectif, le petit-enfant de cet âge acquiert également une certaine autonomie, grâce à l'amélioration progressive de son habilité motrice et de sa coordination. C'est durant cette période, par exemple entre trois et cinq ans, qu'il apprend à rouler en tricycle ou à bicyclette. Il réussit à lancer une balle, mais a encore des difficultés à la réceptionner. Il améliore, de plus, son habilité langagière et développe sa curiosité. Il s'interroge beaucoup sur ce qui l'entoure, et pose des questions (Carpenito-Moyet, 2012). Par ailleurs, entre deux et sept ans, selon Piaget, le petit-enfant est au stade de la pensée dite pré-logique (ou stade préopératoire). Cela signifie que son raisonnement logique n'est encore mature. Sa pensée est intuitive. Il lui est impossible de se distancier de son environnement, et est dans un contexte spatiotemporel d'ici et maintenant, soit, en d'autres termes « hors de la vue, hors de la pensée » (Pichard-Léandri, Gauvain-Piquard, 1989). Cela démontre qu'il nécessite avant tout pour l'infirmier en pédiatrie, de connaître les besoins de l'enfant exempt de pathologie, en fonction de son âge, de son développement psychomoteur et psycho-affectif, pour connaître les besoins de l'enfant hospitalisé en vue de lui prodiguer une prise en soins de qualité lors d'une éventuelle hospitalisation (Cohen-Salmon, 2007).

3.1.3 La psychologie d'un petit-enfant hospitalisé en chirurgie

Par ailleurs, il faut savoir que l'univers de l'hôpital est généralement étranger au petit-enfant, et génère chez lui des perturbations : pertes des repères et montée d'anxiété (Lanté, Benesse, 2017). L'anxiété est « un état émotionnel f...] qui est lié à l'appréhension d'un danger potentiel plus ou moins subjectif. Il s'agit d'une dimension normale de la personnalité. f...] Par exemple, l'anxiété préopératoire est un malaise physique et psychologique dont l'apparition est consécutive à la possibilité d'une intervention chirurgicale » (Rousseau-Salvador, Maunoury, 2010). Si l'hospitalisation est généralement plus difficilement vécue par l'adulte, car l'enfant, fort d'insouciance à cet âge, ne mesure pas encore toute la complexité qui se trouve derrière une hospitalisation... L'ambiance de l'hôpital, les machines, les soins prodigués peuvent être sources d'inconfort. Et, d'autres parts, son anxiété est souvent renforcée par celle de ses parents. Par ailleurs, sa perception de l'hospitalisation est particulière... Dans l'esprit de l'enfant, la maladie serait une punition, en réponse à toutes ses méchancetés, pensées, désobéissances, qu'il estime mauvaises et dont il aurait fait preuve.

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Cette pensée se nourrit de sa culpabilité, générée par la situation oedipienne. L'enfant peut associer ce qui lui arrive à un manque d'amour de la part de ses parents, à une incapacité à le protéger. Et, lorsqu'il se sent insécurisé, c'est-à-dire séparé des repères que constituent ses parents, l'enfant va exprimer un comportement inhabituel comme des colères, des exigences inhabituelles, des pleurs, etc. D'autant plus si l'âge de l'enfant est jeune (Wanquet-Thibault, 2015). Par ailleurs, ces perturbations peuvent persister dans le temps (trois à six mois après l'hospitalisation) et se manifester par « une augmentation de la sollicitation parentale, des troubles du sommeil, [...] des terreurs nocturnes, une régression possible des acquis (en matière de propreté ou d'autonomie pour s'alimenter, par exemple) » (Wanquet-Thibault, 2015, p. 72). Il est donc très important de lui répéter qu'il n'est pas responsable, et de maintenir autour de lui un climat affectif sécurisant en évitant tant que possible les séparations avec ses parents (Wanquet-Thibault, 2015).

3.2 L'infirmier

L'infirmier en service de chirurgie pédiatrique me semble tenir un rôle clé dans la prise en soins du petit-enfant, lors de son hospitalisation. C'est pourquoi il me parait primordial, pour continuer, d'examiner de plus près les missions et les ressources de ce professionnel.

3.2.1 La définition et le rôle d'un infirmier

Tout d'abord, l'infirmier se définit comme une « personne qui, en fonction des diplômes qui l'y habilitent, donne habituellement des soins infirmiers sur prescription ou conseil médical ou bien en application du rôle propre qui lui est dévolu. En outre, elle participe à différentes actions, notamment en matière de prévention, d'éducation de la santé et de formation ou d'encadrement » (Amiec recherche, 2005, p. 130). En d'autres termes, les soins prodigués par l'infirmier découlent soit directement d'une prescription lui étant faite par le médecin, c'est ce que l'on appelle le rôle sur prescription de l'infirmier, ou soit de sa propre initiative, il s'agit alors du rôle propre de l'infirmier. Ce que l'on appelle le « rôle propre de l'infirmier » représente donc sa « zone d'autonomie [...] reconnue par les textes régissant l'exercice de la profession qui lui permet de prendre des initiatives et accomplir les soins qu'il (elle) juge nécessaire dans son champs de compétences » (Amiec recherche, 2005, p. 240). Prenons pour exemple la gestion de la douleur postopératoire du patient par l'infirmier. Selon l'article R4312-19 du Code de la Santé Publique (Legifrance, s.d), il est du devoir du professionnel infirmier de mettre en oeuvre tous les moyens appropriés visant à soulager la douleur du patient en dispensant des soins qui, s'ils dépassent son champs de compétences, doivent être prescrits par le médecin (il peut s'agir par exemple de prescrire des antalgiques), ou sinon qui

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dépendent de ses compétences propres (il peut s'agir alors d'apporter des conseils en terme de positions antalgiques, d'apporter de la glace à placer sur la région douloureuse afin de moduler la douleur, ou encore de pratiquer la relaxation etc.). Cela implique de ce fait, vis-à-vis de sa responsabilité professionnelle, que l'infirmier soit informé et conscient des actes qui entrent dans son champs de compétences ou non (Legifrance, s.d). De plus, selon le service où il exerce, les missions de l'infirmier ne sont pas toujours identiques et peuvent différer.

3.2.2 L'infirmier en service de chirurgie pédiatrique

En service de chirurgie pédiatrique, les missions de l'infirmier se concentrent notamment autour de la prise en charge préopératoire et postopératoire de l'enfant. La prise en charge préopératoire consiste essentiellement en l'accueil du petit et de ses parents, l'apport d'explications et de réponses aux questions concernant le déroulement de l'hospitalisation, mais aussi en la création d'un lien de confiance avec le soigné et son entourage, afin de mettre l'enfant dans les conditions les plus confortables avant l'intervention (Pédiadol, 2014). Ainsi, c'est durant la prise en charge préopératoire que l'infirmier peut tenter de gérer l'anxiété du petit-enfant dont celui-ci peut faire preuve avant l'intervention Par rapport à cela, nous allons le voir, l'infirmier de pédiatrie a un rôle à jouer auprès du petit-enfant, mais aussi auprès de ses parents.

3.2.2.1 La préparation préopératoire du petit-enfant par l'infirmier

L'information et la préparation de l'infirmer auprès du petit-enfant et de son entourage est une étape primordiale. En effet, il faut savoir que le fait qu'un enfant soit correctement informé et préparé à une intervention chirurgicale participe nettement à la diminution de son anxiété préopératoire. Pour cela, l'information de l'enfant peut se faire en amont (durant la consultation de chirurgie et d'anesthésie) et à l'arrivée dans le service. Ceci nécessite alors que l'infirmier connaisse le déroulement de l'hospitalisation, des soins, et lui parle de ce qu'il va se passer comme : les spécificités rattachées à l'intervention, le type de douleur généralement provoquée, les moyens d'évaluation de cette douleur et les traitements existants, mais aussi les techniques d'endormissement lors de l'anesthésie générale. (Pédiadol, 2014). Pour le petit-enfant, il est essentiel que le professionnel s'adapte à lui et aille à son rythme lorsqu'il lui délivre ses explications. En effet, ne rien lui dire serait délétère : la dissimulation que l'enfant arrive à percevoir aggrave son angoisse et peut même rompre son lien de confiance envers les adultes... Cependant, trop en dire pourrait également le submerger. C'est pourquoi, l'essentiel ne réside pas tant dans le fait de tout dire à tout prix, mais plutôt dans le fait de savoir rester disponible pour écouter et répondre à ses questions (Wanquet-Thibault,

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2015). De plus, il importe également que l'infirmier adopte une posture rassurante à l'égard de l'enfant en lui rappelant que l'intervention chirurgicale n'est pas une punition, et qu'il rentrera à la maison avec ses parents dès que possible. Cela participe au maintien de la sécurité affective, et à la création d'un lien de confiance avec le soignant. En effet, par-là, l'enfant comprend que ce dernier attache de l'importance à sa compréhension et l'assiste dans sa crainte. L'ensemble de cette démarche a bien un effet réducteur de l'anxiété (Wanquet-Thibault, 2015, pédiadol, 2014).

3.2.2.1 Le rôle de l'infirmier auprès des parents

Le rôle de l'infirmier auprès des parents, et de l'entourage d'une manière plus large, vise également à fixer un cadre sécurisant afin de leur laisser la possibilité d'exprimer leurs angoisses. En effet, comme évoqué précédemment, à son âge, le petit-enfant a tendance à calquer son attitude sur celle de ses parents... Ainsi, généralement, le fait de gérer l'anxiété des parents participe à diminuer celle de leur enfant. La relation établie entre le soignant et les parents aide l'enfant à mieux appréhender l'hospitalisation (Pichard-Léandri, Gauvain-Piquard, 1989). D'ailleurs, le premier temps fort de la prise en charge de l'infirmier auprès des parents est l'accueil. Manu, aide-soignant à l'hôpital Trousseau de Paris, ajoute même que l'accueil est « peut-être le plus important » (Lanté, Benesse, 2017). En effet, cela permet, dès le début de la relation, de mettre en confiance les parents avec l'équipe soignante. Il s'agit par-là de leur montrer que les professionnels, qui vont prendre en soin leur enfant durant l'hospitalisation, sont compétents, qualifiés, et que de ce fait tout se passera bien. Cela passe tout d'abord par l'attitude du soignant et l'image que cette dernière renvoie aux parents. Cela passe aussi par l'apport d'informations, de repères (en termes de lieux, de personnes, et du rythme)... Mais encore, par le fait de les intégrer pleinement, par la suite, dans la prise en charge postopératoire de l'enfant, en les faisant participer tant que possible à certains soins comme la reprise de l'alimentation ou certaines surveillances. Cette collaboration entre parents et soignants est dans l'intérêt même de l'enfant. Cela permet aux parents d'apporter leur présence rassurante à l'enfant, ce qui est capital (Lanté, Benesse, 2017, Pichard-Léandri, Gauvain-Piquard, 1989). Ainsi, à partir de ce constat, je me suis demandée si, parmi tous ces facteurs caractérisant la qualité de la prise en charge infirmière, l'expérience du soignant pouvait avoir son importance. C'est pourquoi je développerai ce concept sans attendre.

3.2.3 L'expérience infirmière

L'expérience se définit comme la « pratique de quelque chose, de quelqu'un, épreuve de quelque chose, dont découlent un savoir, une connaissance, une habitude ; connaissance tirée

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de cette pratique. » (« Expérience », s.d). Ainsi, et selon Benner (2003, citée dans Vanschoor, 2015), l'on ne parle d'expérience infirmière seulement lorsque l'évènement vécu par le soignant améliore, élabore ou invalide une connaissance antérieure. L'on en déduit par-là que l'infirmier, pour acquérir de l'expérience, doit d'abord posséder des connaissances. Benner (2003) parle même de compétences (compétences qu'elle spécifie comme des actes qualifiés). Effectivement, le processus d'acquisition de l'expérience infirmière se déroule de la façon suivante : c'est en acquérant une compétence puis en la développant, que l'étudiant, puis l'infirmier, acquiert de l'expérience. En d'autres termes, l'expérience infirmière croît de façon parallèle au développement, et donc à la maîtrise, de ces compétences grâce à la pratique, sur le terrain, de la théorie apprise à l'école. De ce fait, il a été établi cinq niveaux de compétences : novice, débutant, compétent, performant et expert. Le professionnel qualifié comme novice n'a aucune expérience. Ses actes ne dépendant que des règles qui lui ont été enseignées. « Leur pratique est limitée à gérer les paramètres mesurables (poids, température...) ainsi qu'à mettre en oeuvre des règles standards indépendantes du contexte ». (Benner, 2003, citée dans Vanschoor, 2015). Cela signifie que le soignant applique, sans vraiment prendre en compte le contexte de la situation, c'est-à-dire sans s'y adapter. A ce niveau, ce dernier ressent ainsi une profonde insécurité. En tant que débutant, le professionnel possède toujours peu d'expérience (moins de deux ans, dans un même service), il fait toujours vérifier ses soins par ses collègues compétents, mais « a déjà fait face à suffisamment de situations réelles pour noter les facteurs signifiants qui ne se reproduisent pas dans les situations identiques » (Benner, 2003, citée dans Vanschoor, 2015). Il ne devient enfin compétent que lorsqu'il a le sentiment de maîtriser et de pouvoir faire face aux situations non prévues. L'infirmier compétent, au bout de deux ou trois années passées dans le même service, sait quels éléments prioriser pour gérer de manière efficace la situation. Toutefois, le soignant performant voit davantage la situation comme un ensemble, et perçoit dans celle-ci des nuances imperceptibles pour ces collègues moins expérimentés. « L'infirmière performante apprend par l'expérience quels évènements typiques risquent d'arriver dans une situation donnée, et comment il faut modifier ce qui a été prévu pour faire face à ces événements. » (Benner, 2003, citée dans Vanschoor, 2015). Ainsi, performant et expert se rejoignent... Effectivement, à son niveau, l'infirmier expert est qualifié de connaisseurship. Son maître mot est l'intuition. Il possède un véritable savoir, et sa façon de traiter une situation, un cas, est comparable à celle d'un chercheur. (Benner, 2003). Le niveau de la qualité des soins prodigués par le professionnel infirmier semble donc avoir un lien direct avec le niveau de compétence de celui-ci, et par conséquence, avec son niveau d'expérience.

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3.1 La douleur postopératoire

Faisons maintenant un virage à 180°. Avant d'évoquer l'impact qu'a l'anxiété préopératoire sur la perception de la douleur postopératoire, il est avant tout nécessaire que je précise le concept de la douleur postopératoire dans la partie à venir.

3.1.1 La définition de la douleur postopératoire et ses caractéristiques

Tout d'abord, selon Deymier et Wrobel (2000, p. 35) « Il n'y pas une, mais des douleurs. ». Effectivement, l'on pourrait classer ces différentes douleurs selon leur mécanisme physiopathologique (par excès de nociception, neurogène, ou psychogène), leur durée d'évolution (aigue ou chronique), et le type de pathologie en cause (maligne ou non maligne). La douleur postopératoire, à laquelle je m'intéresse, est « souvent caractérisée par une forte intensité évoluant sur une durée brève. ». (Deymier, Wrobel, 2000, p. 91). La douleur postopératoire est une douleur aigüe, par excès de nociception. Pour tenter de comprendre ce que cela signifie, il importe d'apporter des précisions concernant l'excès de nociception, le mécanisme physiopathologique à l'origine de cette douleur aigue. Boussahira (2016) détaille ce mécanisme grâce à cet exemple.

Exemple de la douleur aiguë provoquée par une main posée par inadvertance sur une plaque brûlante : la brûlure va stimuler des terminaisons nerveuses, localisées au niveau de la peau, dans ce cas, mais que l'on retrouve dans d'autres tissus (muscles, articulations, viscères...). De là, l'information va se propager le long des nerfs nocicepteurs (récepteurs périphériques de la douleur) pour être transmise à la moelle épinière, puis au cerveau. Ce n'est qu'une fois arrivé au cerveau que le signal est identifié comme une douleur, et que nous avons mal.

L'illustration réalisée par Jacopin (2016) (cf. Annexe I) permet également de visualiser le mécanisme de cet influx douloureux. En faisant le rapprochement entre cet exemple et la douleur postopératoire, l'on comprend alors que dans le mécanisme par excès de nociception : la douleur est provoquée par le traumatisme de l'intervention chirurgicale, qui induit un excès de stimulations au niveau des nocicepteurs (nocicepteurs chargés de transmettre le message sur la douleur au cerveau). D'autre part, la douleur postopératoire se fait ressentir dès la levée de l'anesthésie générale, ou locale, mais peut être soulagée grâce aux antalgiques. Généralement, son intensité atteint son pic après deux ou six heures postopératoires, puis, décroit progressivement au bout de quarante-huit heures, pour finir par disparaître totalement au bout de dix jours (Haute Autorité de Santé, 2005). Néanmoins, voyons plus en détails les

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caractéristiques de cette douleur postopératoire dans le contexte de l'amygdalectomie.

3.1.2 L'amygdalectomie et la douleur postopératoire induite chez le petit-enfant L'amygdalectomie est une chirurgie oto-rhino-laryngologique (ORL) qui consiste en l'ablation des amygdales (appelées aussi tonsilles palatines) (cf. Annexes II). Les amygdales sont des glandes, les plus connues sont situées au niveau du pharynx et sont visibles au fond de la bouche. Mais, il en existe d'autres que l'on ne voit pas. Toutes jouent un rôle de défense immunitaire. Cependant, ces dernières peuvent s'infecter au contact des microbes, et lorsque cela devient récurrent, que l'enfant présente des angines à répétition, cela signifie que les amygdales ne jouent plus correctement leur rôle de défense contre les maladies. De plus, lorsque leur développement est trop important, naturellement ou causé par une inflammation, l'augmentation de leur volume peut notamment provoquer une obstruction des voies respiratoires et des apnées du sommeil (Haute Autorité de Santé, 2005). Selon La rédaction d' Allodocteurs.fr. (2016), cela peut être la cause, chez le petit-enfant, de troubles alimentaires, de troubles de la concentration, d'une sur-agitation mais surtout d'une grande fatigue. Dans ce cas, l'amygdalectomie est alors proposée, quand un traitement par antibiotique ne suffit pas à éradiquer l'infection (Eyriey, 2007). L'intervention chirurgicale consistant en l'ablation des amygdales, réalisée sous anesthésie générale, se déroule le plus généralement en ambulatoire. Celle-ci ne dure qu'une dizaine de minutes en salle d'opération, mais n'en est pourtant pas moins anodine (Dimov, Vouriot, s.d Eyriey, 2007,). En effet, l'ablation des amygdales est une intervention à risque hémorragique important, où l'hémorragie peut atteindre jusqu'à dix pourcent du volume sanguin total de l'organisme (Dimov, Vouriot, s.d.). La douleur postopératoire induite est considérée comme forte, mais reste néanmoins aujourd'hui très bien prise en charge grâce aux antalgiques. L'inconfort occasionné reste peut-être le plus désagréable. Avaler, par exemple, reste douloureux, et, nausées et vomissements peuvent survenir (Ferragut, 2001). Il faut savoir que des progrès considérables ont été faits face à la prise en charge de l'amygdalectomie. Aujourd'hui, l'anesthésie et la prise en charge de la douleur atténuent grandement le traumatisme physique et psychologique, autrefois subi par les patients. Auparavant, ces deux composantes étaient inexistantes ou minimisées, ce qui a rendu cette intervention chirurgicale si particulière dans les mémoires des adultes, l'ayant subi étant enfants... (Pédiadol, 2000). Dans le cadre de sa prise en soin postopératoire auprès du petit-enfant, l'infirmier aura donc pour mission de prévenir et de soulager cette douleur. Pour cela, il importe bien évidemment qu'il sache ce qui caractérise la douleur postopératoire induite par l'intervention, mais aussi ce qui caractérise un petit-enfant douloureux.

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3.1.1 Les réactions et les croyances du petit-enfant face à la douleur

L'association internationale pour l'étude de la douleur (2016) redéfinit la douleur comme « une sensation et une expérience émotionnelle désagréable en réponse à une atteinte tissulaire réelle ou potentielle ou décrites en ces termes ». Il faut ajouter qu'il s'agit là d'une sensation subjective, dont l'intensité ressentie peut extrêmement varier d'un individu à l'autre, sous l'influence par exemple d'un contexte psycho-social. (Bouhassira, 2016). La façon de reconnaître un enfant douloureux passe par son observation. Lorsqu'un enfant est douloureux, celui-ci a tendance à se replier sur lui-même. La douleur isole. Il se sent seul, ne joue plus, et a le regard absent. Il peut entrer dans un mutisme. Ce comportement est instinctif. L'organisme qui a mal, met en place des stratégies visant à diminuer la douleur. Il peut notamment adopter des positions antalgiques comme un repli sur lui-même, une rigidité d'une partie du corps, ou une immobilité. Par rapport à l'expression verbale de la douleur et de sa composante sensorielle, chez le petit-enfant, cette dernière reste frustre et imprécise jusqu'à l'âge de six ou sept ans... Cela s'explique par le fait que, malgré son accès au langage, le petit-enfant, ne possède pas assez de vocabulaire pour que la description de sa douleur soit suffisamment précise (Pichard-Léandri, Gauvain-Piquard, 1989). C'est pourquoi il existe des échelles d'évaluations de la douleur basées plutôt sur des manifestations comportementales, permettant une évaluation de la douleur de l'enfant par le soignant. Par ailleurs, il faut savoir que même si l'enfant n'a pas d'expérience de soins : il anticipe et craint les soins invasifs. En effet, il n'a pas de connaissance, mais son vécu est grandement influencé par ses croyances et fantasmes. Par exemple, à la réalisation d'un prélèvement veineux, « les enfants imaginent des piqûres immenses, qui traversent leur corps de part en part, ou qui restent à l'intérieur » (Carbajal, 2006). Il est vrai que les adultes ont du mal à imaginer les peurs des enfants... Cependant, ces dernières ne sont pas mettre de côté, ou à minimiser, car ces soins peuvent représenter pour eux un réel traumatisme physique et psychologique (Carbajal, 2006). Les conséquences de souvenirs d'expériences douloureuses chez l'enfant peuvent, à court et moyen terme, se manifester par une sensibilisation à la douleur suivante, une anxiété, voire, à plus long terme, une phobie ou un évitement des soins chez l'adulte (Fournier-Charrière, 2014). C'est pourquoi, il est d'autant plus nécessaire si le but est de soulager efficacement la douleur de l'enfant, d'en faire une évaluation qui soit la plus précise et objective possible.

3.1.2 Les échelles d'évaluation de la douleur postopératoire

L'amygdalectomie, comme évoqué précédemment, est source de douleur postopératoire et d'inconfort, lié à la gêne provoquée lors de la déglutition, et aux nausées, vomissements

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possibles. Pour tenter d'évaluer la douleur et l'inconfort occasionnés, l'infirmier, et plus largement les parents, disposent de nombreuses échelles d'évaluation de la douleur.

3.1.2.1 Les échelles de douleur auto-évaluatives

La plus simple d'utilisation est peut-être l'échelle verbale simple (EVS). Celle-ci consiste à demander à l'enfant s'il a mal ou non, et s'il a mal, comment est-ce qu'il qualifie sa douleur... Est-elle faible, modérée, sévère, ou intolérable ? Un score se cache derrière chaque réponse (douleur absente : 0, douleur faible : 1, douleur modérée : 2, douleur sévère : 3, douleur intolérable : 4), permettant, par la suite, la mise en place d'une réponse adaptée. Cette échelle est auto-évaluative, cela signifie que c'est l'enfant lui-même qui évalue sa douleur. C'est le cas également pour l'échelle des visages (cf. Annexe V), qui consiste à montrer à l'enfant une planche, sur laquelle sont représentés six visages. Le plus à gauche montre quelqu'un qui n'a pas mal du tout. Tandis qu'en se déplaçant de gauche à droite, les visages montrent quelqu'un qui a de plus en plus mal. L'attendu est que l'enfant montre, grâce à ces différents visages, combien est-ce qu'il a mal, lui, à l'intérieur. Cependant, bien que simplifiées pour faciliter la compréhension et la participation du petit-enfant dans l'évaluation, dès ses quatre ans environ... Ces échelles auto-évaluatives peuvent être complétées, précisées, au moyen de l'hétéro-évaluation des soignants (Pichard-Léandri, Gauvain-Piquard, 1989).

3.1.2.2 Les échelles de douleur hétéro-évaluatives

Effectivement, la douleur est une expérience sensorielle que le petit-enfant, dans certains cas, n'est pas encore capable de décrire suffisamment, de par son manque de vocabulaire. Ainsi, des échelles destinées aux soignants existent dans le but d'évaluer le plus précisément et objectivement possible cette douleur postopératoire. On parlera ainsi d'hétéro-évaluation, dans le cas où l'évaluation est réalisée par un tiers. Ces échelles sont alors basées sur l'observation comportementale, mais également sur le recueil de paramètres physiologiques (comme la pression artérielle ou la fréquence cardiaque par exemple), et/ou le recueil de la consommation d'antalgiques. Ainsi, concernant les suites opératoires de l'amygdalectomie, l'on dispose par exemple d'une grille d'évaluation, permettant de jauger le confort ou l'inconfort de l'enfant, comprenant 6 items : la douleur spontanée, et à la déglutition, évaluée par l'EVS (cotée de 0 à 4), survenue de nausées/vomissements (0-1), qualité du sommeil (0- 1), de l'alimentation (0-1) et du jeu (0-1), permettant de calculer, puis d'établir un score de confort allant de 0 à 12 (en considérant un score inférieur ou égal à quatre, très satisfaisant) (Madadaki, 2002). Les échelles CHEOPS (Children's Hospital of Eastern Ontario Postoperative Scale) (cf. Annexe III) et OPS (Objective Pain Scale) (cf. Annexe IV) sont

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également adaptées à un usage auprès d'enfants âgés de un à cinq ou sept ans environ. Qualifiées d'échelles comportementales, elles comprennent la mesure de paramètres tels que les pleurs, l'expression faciale, la verbalisation, l'attitude corporelle, le désir de toucher ou non à la plaie, ou encore les mouvements des membres inférieurs, côtés de 4 (normal) à 13 (maximum) dont 8 est le seuil de traitement. OPS inclue, en plus de tout cela, le recueil de la pression artérielle. Chez le petit-enfant, les paramètres comme l'expression faciale et la consolabilité sont surement ceux étant les mieux reliés à la douleur. En effet, il est difficile, chez le petit-enfant de distinguer un comportement douloureux d'un comportement induit par une autre expérience désagréable (anxiété, faim etc)... Ces derniers sont généralement similaires. Il est donc, dans un premier temps, d'autant plus important de vérifier ces hypothèses, avant d'évaluer ou même d'affirmer le diagnostic de douleur. D'autre part, l'évaluation de la douleur se réalise généralement en préopératoire et postopératoire, afin d'en mesurer l'intensité et son éventuelle évolution (avant/après l'intervention, avant/après la prise d'antalgiques par exemple) (Gall, s.d, pédiadol, 2015). Celle-ci peut également se faire à la maison, par les parents, grâce à l'échelle PPMP (Postoperative Pain Mesure for Parents) (cf. Annexe VI). Peu connue, cette dernière comporte une quinzaine d'items comportementaux, semblables à ceux déjà évoqués, cotés (de 0 à 15) présents ou absents, avec un score à six indiquant une douleur significative. Cela permet de rassurer les parents dans l'accompagnement et le soutien de leur petit après la chirurgie ambulatoire (Pédiadol, 2012). Finalement, la diversité de ces échelles permet avant tout de choisir laquelle semble être la plus adaptée en fonction des capacités cognitives du patient, ce qui est d'autant plus nécessaire chez le petit-enfant, de part de son âge et son niveau de développement (Gall, s.d). Mais, voyons alors, sans plus tarder, quel lien existe entre douleur postopératoire et anxiété manifestée par le petit-enfant en période préopératoire...

3.2 L'anxiété préopératoire du petit-enfant

3.2.1 L'impact de l'anxiété préopératoire sur le petit-enfant

L'anxiété préopératoire est un concept désignant « une forme de malaise physique et psychologique dont les manifestations et l'intensité sont variables » (Amouroux, Rousseau-Salvador, et Annequin, 2009). Dans le cas de l'anxiété préopératoire, l'apparition de cette sensation de malaise est consécutive à la possibilité d'une intervention chirurgicale. La nature de l'intervention, l'âge du jeune enfant ou encore ses expériences chirurgicales et anesthésiques préalables sont autant de facteurs pouvant causer, chez lui, différentes réactions en période préopératoire. Cependant, l'intensité de l'anxiété a son importance. Effectivement,

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si cette dernière reste faible ou modérée, elle sera considérée comme une appréhension normale... mais si elle s'avère être importante, voire massive, elle peut alors représenter une réelle attaque de panique. Chez le petit-enfant, la perte des repères et l'ambiance de l'hôpital, plus que les spécificités propres à l'intervention ou à l'anesthésie, peuvent être à l'origine, dans ce cas, d'un débordement de sa capacité d'adaptation, face à l'angoisse générée. Selon des études, reprises par Amouroux, Rousseau-Salvador, et Annequin (2009), la prévalence de l'anxiété préopératoire varie entre 40 % et 60 %, en pédiatrie. Or, il est aujourd'hui établi que cette dernière peut impacter significativement les suites médicales et psychologiques de l'intervention. En effet, un niveau important d'anxiété préopératoire majore le ressenti de la douleur postopératoire, majore la consommation d'antalgiques, et multiplie également, par trois, le risque de développer des troubles comportementaux postopératoires (Amouroux, Rousseau-Salvador, et Annequin, 2009, Haute Autorité de Santé, 2005). Il faut savoir que les patients les plus à risque de manifester ce type d'anxiété sont les jeunes enfants, principalement âgés de moins de cinq ans. Aucune étude ne permet de dire si le sexe de l'enfant est un facteur influençant... Cependant, certains facteurs psychologiques comme le tempérament de l'enfant (anxieux, timide, ou inhibé), ou sa tendance à recourir aux stratégies d'évitement (retrait, pensée magique pour faire face au stress) sont à prendre en compte, face à une éventuelle apparition de cette anxiété lors de l'hospitalisation (Amouroux, Rousseau-Salvador, et Annequin, 2009). Face à ce constat, l'évaluation de ce phénomène par le professionnel infirmier, comme l'évaluation faite pour la douleur, semble indispensable pour permettre la mise en place de réponses adaptées.

3.2.2 L'évaluation de l'anxiété préopératoire

Finalement, il n'est pas rare pour un soignant de se retrouver confronté au phénomène d'anxiété préopératoire. Pourtant, malgré la prévalence et les nombreuses conséquences qu'elle engendre sur les suites opératoires... En France, l'infirmier ne dispose d'aucun outil permettant d'en évaluer les manifestations cliniques auprès du petit-enfant. Or, sans moyen de mesure suffisamment objectif, il reste alors difficile de mettre en place des mesures de prévention réellement efficaces. Néanmoins, il existe une échelle fiable, adaptée au jeune-enfant, dont usent les Anglo-saxons. Il s'agit là de l'échelle m-YPAS (modified Yale Preoperative Anxiety Scale) (cf. Annexe VIII). Celle-ci a été traduite mais pas encore validée en français. Pourtant, elle est une échelle hétéro-évaluative connue et utilisée pour évaluer l'anxiété préopératoire de l'enfant, avant l'intervention. Cette dernière regroupe ainsi vingt-deux items, classés selon cinq catégories (activité, comportement verbal, expression, éveil, et

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attitude avec les parents). Un score obtenu strictement égal à vingt-quatre considère l'enfant comme anxieux (Centre National de Ressources de lutte contre la Douleur, 2008). Mais, alors, de quelles ressources disposent l'infirmier pour lutter contre ce phénomène ?

3.2.3 Les moyens de prévention et de gestion de l'anxiété préopératoire

Selon l'âge du petit-enfant et son niveau de développement, diverses stratégies peuvent être mises en place par les soignants pour diminuer voire éviter l'apparition de manifestations anxieuses.

3.2.3.1 L'approche pharmacologique

Effectivement, il est fréquent de prévenir ou même gérer l'anxiété préopératoire du petit-enfant à l'hôpital par l'administration de prémédications médicamenteuses. Ces dernières sont systématiquement données à l'enfant, une heure avant que celui-ci ne parte au bloc opératoire. Le plus couramment, il s'agit de la molécule du midazolam, commercialisée sous l'appellation Hypnovel (Centre National de Ressources de lutte contre la Douleur, 2008). Celle-ci possède des propriétés anxiolytiques, myorelaxantes, sédatives, hypnotiques, amnésiantes ou encore anticonvulsives, qui permettent de réduire efficacement l'anxiété préopératoire de l'enfant (Amouroux, Rousseau-Salvador, et Annequin, 2009, Vidal, 2013). Toutefois, cette prémédication n'est pas sans poser d'inconvénients... En effet, « chez l'enfant, elle augmenterait la durée d'hospitalisation, la fréquence des troubles comportementaux postopératoires et l'amnésie » (Amouroux, Rousseau-Salvador, et Annequin, 2009). C'est la raison pour laquelle, je m'intéresserai, plus particulièrement, aux approches psychologiques pouvant être mises place dans le cadre de la prise en charge de l'anxiété préopératoire du petit-enfant.

3.2.3.2 L'approche psychologique

Dans le cadre d'une approche psychologique, des moyens simples existent pour prévenir et limiter l'anxiété préopératoire de l'enfant. Cela semble évident pour un grand nombre de soignants, mais il s'agit, pour commencer, d'accueillir le petit-enfant et sa famille. Comme évoqué précédemment, durant cet accueil, l'infirmier a un rôle essentiel d'informateur, mais aussi d'accompagnant du soin, de l'hospitalisation. Pour enrichir la qualité de sa prise en charge préopératoire auprès du petit-enfant, les informations dispensées par l'infirmier peuvent s'accompagner de démonstration sur des poupées, ou s'illustrer au moyen de livres explicatifs, adaptés à son âge et à l'intervention prévue. Cela permet de respecter son rythme d'intégration, d'autoriser ainsi une éventuelle répétition, d'exprimer ses émotions mais aussi de rendre l'enfant actif et décisionnaire. Le jeu ou encore l'usage de la distraction ont un réel

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effet bénéfique sur le petit-enfant, mais nécessitent, bien évidemment, de la part du professionnel, dans sa relation à l'enfant, qu'il réussisse à capter son attention pour obtenir sa participation (Centre National de Ressources de lutte contre la Douleur, 2008, Pédiadol, 2014). Par ailleurs d'autres approches, plus spécifiques, existent mais doivent être officialisées avant d'être appliquées. Les programmes de préparation psychologique, la musicothérapie, la « Clown-thérapie » ou encore l'hypnose, par exemple, donnent des résultats intéressants quant à l'anxiété préopératoire (Amouroux, Rousseau-Salvador, et Annequin, 2009, Centre National de Ressources de lutte contre la Douleur, 2008). Galy (2015, p. 40) reprend notamment la définition de l'hypnose dans son article.

L'hypnose est une modification de la conscience ordinaire ou conscience critique et peut être un état de veille modifié. C'est un phénomène naturel, qui n'appartient pas au sommeil. On reconnait plusieurs situations de la conscience modifiée :

Les états spontanés naturels, être « ici et ailleurs » en regardant la télévision ou en conversant avec son voisin.

Les états spontanés induits par un évènement extérieur, souvent de type émotionnel : une mauvaise nouvelle ou de l'anxiété au moment d'une hospitalisation. On ne sait plus où l'on est, on ne comprend ni ne retient les explications que l'on donne

Enfin les états induits par un tiers, c'est l'hypnose, ou par soi-même, on parle d'autohypnose.

Pour recourir à l'hypnose, l'infirmier doit nécessairement suivre une formation dite continue, c'est-à-dire obtenir un diplôme universitaire d'hypnose thérapeutique. Cependant, ses avantages sont multiples quant à la diminution de l'anxiété préopératoire. Effectivement, à elle seule, l'hypnose présente davantage d'efficacité que le midazolam. Elle permet ainsi d'éviter les effets secondaires liés à la molécule et, de diminuer les troubles comportementaux postopératoires de l'enfant (Centre National de Ressources de lutte contre la Douleur, 2008, Galy, 2015). Il est également intéressant de noter que l'hypnose permet de diminuer les drogues, nécessaires lors de l'endormissement, durant l'anesthésie, et ainsi la durée de l'hospitalisation de l'enfant... mais agit aussi directement sur la perception de la douleur postopératoire grâce à la diminution efficace de l'anxiété préopératoire. Enfin, toujours selon Galy (2015, p.41) « l'utilisation des moyens d'entrer en hypnose pendant un soin procure,

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aussi bien chez le patient que chez le soignant, un état de relâchement qui s'associe à de la compétence, à la confiance mutuelle, et au lien thérapeutique ». Il est ainsi établi que ces outils, et en particulier l'hypnose, participent à la qualité du soin et ont un réel impact sur l'anxiété préopératoire (Centre National de Ressources de lutte contre la Douleur, 2008).

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4. Méthodologie de la recherche

Après avoir effectué la recherche d'éléments théoriques, me permettant de mieux maîtriser mon sujet... Il est temps de présenter, dans cette partie, la méthode d'exploration que j'ai appliquée dans le cadre de ce travail de mémoire. Celle-ci m'a permis de recueillir, auprès des professionnels infirmiers, des propos conséquents et exploitables pour la suite.

4.1 Présentation de l'outil du recueil de données

Tout d'abord, j'ai mené une recherche qualitative. Cette recherche, en comparaison à la recherche quantitative, m'a permis d'explorer avec les participants, des sujets plus en profondeur et en détails. Ainsi, je m'attendais à ce que les résultats soient riches et conséquents. De plus, le travail de mémoire, ne représentant pas une étude en tant que telle mais plutôt son amorce, ne permettait pas d'interroger un grand nombre de participants. Le nombre de sujets rencontrés se restreignant à trois, le choix de la recherche qualitative s'imposait. Cette recherche, sur le terrain, s'est traduite par la menée d'entretiens semi-directifs. Le choix de cette technique qualitative s'explique par le fait qu'elle me permettait de centrer le discours des participants autour des thèmes de mon mémoire, tout en leur laissant la liberté de développer leurs propos. Pour cela, j'ai eu recours à un guide d'entretien, sur lequel je me suis appuyée pour orienter le discours des interrogés (cf. Annexe IX). Grâce à cet outil, j'espérais recueillir des informations de différentes natures comme des faits, des analyses, mais aussi des opinions, des points de vue et des propositions.

4.2 Présentation de la population cible

En lien avec la question de départ établie précédemment, j'ai mené mes entretiens auprès de trois professionnels infirmiers. Ces derniers exerçaient tous dans un service de chirurgie pédiatrique. Cependant, pour le choix de ces trois professionnels, ma première idée était que deux d'entre eux soient expérimentés et dits « performants », tandis que le dernier ne soit que peu expérimenté, et dit « débutant »... Seulement, cela n'a pas été réalisable. Ainsi, les trois infirmières, avec qui j'ai eu la chance d'échanger, étaient toutes expérimentées et en poste dans le service depuis un certain temps. Par ailleurs, j'ai tenté de diversifier tant que possible le profil des personnes interrogées, dans le but d'enrichir le recueil de données concernant la prise en charge du petit-enfant, sans que cela ne représente un facteur pouvant fausser les résultats. Ainsi, j'ai rencontré des soignantes exerçant dans des lieux d'exercice différents. Effectivement, deux d'entre elles travaillaient en cliniques privées et une autre à l'hôpital.

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4.3 Déroulement des entretiens

Ces entretiens semi-directifs se sont déroulés dans des endroits calmes, dans des bureaux et salles de réunion, à distance d'éventuels bruits parasites. Cela a notamment permis de nous mettre à l'aise. Par ailleurs, j'estime la durée moyenne de ces entretiens à environ vingt-cinq minutes. Durant ces derniers, j'ai eu recours à l'enregistrement de nos échanges, à l'aide d'un dictaphone. Aussi, j'ai veillé à obtenir, au préalable, l'accord des professionnels infirmiers et leur ai garanti de respecter leur anonymat. Par conséquent, leur identité sera modifiée, dans la suite de ce travail, lors de l'exploitation des résultats. Cette dernière sera réalisée à l'aide d'un tableau, qui me permettra d'analyser les propos de chaque interrogé, de les classer, et d'en faire émerger les thèmes majeurs pour pouvoir établir des résultats précis et ordonnés.

4.4 Critique de la méthodologie de recherche

Les contraintes liées aux modalités de réalisation du mémoire, comme par exemple le temps imparti, ont contribué, comme évoqué précédemment, à modifier mes premiers choix concernant la population à interroger... Je n'ai pas pu confronter directement les propos d'infirmières expérimentées avec ceux d'une soignante débutante, comme je l'aurais souhaité. Cependant, toutes ont pu néanmoins évoquer leur vécu en tant que jeune diplômée et aborder l'évolution de leur prise en charge. Ainsi, je ne pense pas que cela ait constitué un biais dans le cadre de cette recherche. Toutefois, il est vrai que, lors de la menée d'entretiens, les questions n'ont pas toutes été formulées exactement de la manière lors des différentes entrevues. Effectivement, la fluidité des échanges a été privilégiée. Ainsi, certaines questions de relance ont été omises, dont la question sur le suivie de formations continues pour Léa par exemple. De plus, je m'aperçois après analyse que certains aspects auraient pu être plus approfondis, que d'autres questions auraient pu être posées pour compléter le sujet, ou encore que certaines étaient peut-être inductives. Néanmoins, il convient de préciser que ce travail de mémoire consiste en l'appréhension d'un outil de recherche. Il ne permet donc pas d'apporter des résultats affirmatifs mais plutôt des réajustements et des axes de recherche dans le contexte d'une éventuelle poursuite de cette dernière.

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5. Analyse des entretiens et résultats

Après avoir mené un entretien d'une vingtaine de minutes avec chacune des trois des soignantes, je me suis attelée à retranscrire leurs propos (cf. Annexes X, XI et XII). J'ai, ensuite, procédé à une analyse qualitative, en les triant et les classant à l'aide d'un tableau d'analyse (cf. Annexe XIII). Celui-ci, une fois établi, m'a permis de faire émerger les thèmes que j'aborderai tout au long de cette partie.

5.1 Le niveau de compétences de l'infirmier en service de chirurgie pédiatrique

5.1.1 Le niveau de compétences de l'infirmier peu expérimenté

Tout d'abord, Léa juge que la formation en soins infirmiers ne dispense que peu de connaissances aux étudiants, en rapport à la pédiatrie. Elle explique cela en comparant la formation infirmière initiale et la spécialisation de puéricultrice qu'elle a suivie, un an après l'obtention de son diplôme, : « Infirmière, on fait vraiment un tout petit module sur la pédiatrie. Alors que là, on détaille vraiment tout, de la naissance à dix-huit ans, et puis tous les domaines ». De plus, elle et Ninon n'avaient été que peu en contact auprès de l'enfant, que cela soit durant les stages effectués dans le cadre de la formation, ou bien, durant leur carrière professionnelle, préalables à leur prise de poste en pédiatrie. Ninon parle alors d'un temps d'adaptation. En effet, en tant que jeune diplômée, elle s'est sentie comme « propulsée » auprès des enfants, lors de son arrivée en service de chirurgie pédiatrique. De ce fait, et rejointe par Laurence, elle raconte que sa prise en charge était plus difficile à ses débuts. Selon elle, elle mettait en place des actions, : « un petit peu de manière aléatoire », et les soins étaient plus compliqués. De même, pour Laurence, il n'a pas été simple de, : « savoir comment approcher les enfants » à son arrivée en ambulatoire, malgré son parcours professionnel antérieur infirmier conséquent auprès de l'adulte.

5.1.2 Le niveau de compétences résultant de l'expérience de l'infirmier

Aujourd'hui, cela fait huit ans que Léa travaille en ambulatoire. Quatorze ans, que Ninon travaille en service de chirurgie pédiatrique. Et, Laurence a quitté l'ambulatoire au bout de quatre ans d'exercice dans ce service. Alors, il s'avère que toutes s'accordent sur le fait qu'elles maitrisent davantage les choses aujourd'hui, qu'à leurs débuts. Léa relie directement ceci à son ancienneté dans le service, : « Le fait d'être depuis un certain temps dans le même service, ça... On fait que de la chirurgie, donc c'est très ciblé quoi. Après, je pense que dans

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ce que je fais, du coup, je pense que je maitrise assez bien.». Aussi, toutes se rejoignent sur le fait que, riches de leur expérience, il est plus facile pour elles de créer une relation de confiance avec l'enfant. D'ailleurs, pour cela, chacune a développé ses propres astuces. Par exemple, Léa dialogue avec l'enfant et le suit durant toute l'hospitalisation pour devenir presque comme un repère pour lui. Ninon, elle, le distrait, : « Et bien, moi je vais essayer de faire partir l'enfant sur des choses autre que l'intervention quoi, « tiens t'as un beau pyjama etc ». Et puis, éventuellement, lui proposer des jeux [...] je vais essayer de dialoguer un peu plus, pour réussir à établir vraiment une relation de confiance, et que ça se passe mieux quoi. »... Tandis que Laurence invoque la magie et les fées. Léa et Ninon notent, effectivement, une évolution dans leur pratique. « Et bien c'est vrai que j'ai évolué depuis que j'ai commencé à travailler », (Ninon). Léa a acquis une organisation dans sa façon de faire les choses, : « Moi, je commence toujours par la partie administrative parce que c'est plus enquiquinant. Et après, il y a toujours un moment où je parle avec l'enfant. [...] Je n'aime pas ne pas faire les entrées. ». Quant à Ninon, celle-ci note, dans sa pratique actuelle, des changements concernant les soins dispensés, : « C'est vrai que cela permet d'aborder le soin différemment. Je note des changements. ». Aussi, Léa et Laurence insistent à plusieurs reprises sur leur perception et leur intuition des choses aujourd'hui. En effet, Laurence pressent, avant qu'il ne parte, les réactions de l'enfant au retour du bloc opératoire, : « En général, tu le repères. Tu sais déjà comment il va être au retour de bloc. ». Enfin, Ninon et Laurence considèrent également qu'elles possèdent plus d'assurance. D'ailleurs, Laurence attribue cela, sans aucun doute, à l'expérience, : « Cette assurance découle directement de l'expérience ». Et, pour Ninon, cette dernière représenterait même un facteur rassurant pour l'enfant, : « Avec l'expérience, on réussit quand même mieux à les rassurer, on sait de quoi on parle. ».

5.1.3 Les facteurs influençant le développement du niveau de compétences

Léa, Ninon et Laurence assurent que les formations qu'elles ont suivies respectivement, ciblées sur la pédiatrie, leur ont apporté des connaissances nécessaires. « Je pense qu'il y a de l'acquis. Ça veut donc dire que tu l'as appris. Moi, je sais que mon DU douleur, parce que le DU douleur traite de la pédiatrie, et la formation m'ont vachement apporté » rapporte Laurence. Par ailleurs, la pratique sur le terrain est également bénéfique quant au développement des compétences. « J'ai appris beaucoup de choses parce que, de travailler, ça permet quand même d'apprendre à gérer son service, d'apprendre beaucoup de choses, etc. » révèle Léa. Egalement, à cela, s'ajoute la personnalité et le vécu personnel de l'infirmier. Selon Ninon, « il y a une part de la personnalité, il y a le parcours, et ce que j'ai

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vécu aussi personnellement... ». D'ailleurs, Laurence affirme « Alors, moi, j'ai toujours aimé travailler avec des enfants, déjà. Et, je pense que pour travailler avec des enfants : il faut avoir un profil. ». Les dires de l'infirmière ne font pour autant aucun lien direct entre son attrait pour la pédiatrie et le développement de son niveau de compétences. Toutefois, il peut être bon de noter que les trois infirmières ont évoqué leur attrait pour la pédiatrie lors des entretiens.

5.2 Les caractéristiques de l'anxiété préopératoire du petit-enfant

5.2.1 Les signes d'anxiété préopératoire manifestés par le petit-enfant

Selon les dires des infirmières que j'ai interrogées, il semble que les pleurs, le repli sur soi et l'absence de communication soient les principaux signes d'anxiété préopératoire manifestés par le petit-enfant. Effectivement, Ninon et Laurence évoquent les pleurs et le mutisme du petit-enfant anxieux. Ninon avoue que : « De toute façon, c'est vrai qu'ils vont pleurer. », mais aussi : « on ne va pas du tout réussir à communiquer avec eux ». A cela, Laurence ajoute, de son côté, qu'il peut même s'agir d'un enfant qui crie. Léa et Ninon soulignent la tendance qu'il a de se renfermer sur lui lorsqu'il est pris d'anxiété. D'autre part, il importe également à l'infirmière d'observer si l'enfant joue ou non. Selon cette dernière : « Un enfant qui joue, c'est un enfant qui est bien. Moi c'est plus là-dessus, sur le comportement, s'il parle, s'il parle pas, s'il joue, si... C'est révélateur ». Enfin, d'après Ninon, le caractère d'opposition manifesté par un petit-enfant peut tout aussi être la traduction chez lui d'un état de stress, : « Et puis, le fait de leur mettre une blouse de bloc opératoire, certains enfants veulent pas du tout la mettre quoi. ».

5.2.2 Les situations anxiogènes pour le petit-enfant hospitalisé en chirurgie

Les soignantes se rejoignent, ici encore, sur le fait que le manque de préparation du petit-enfant quant à l'hospitalisation serait un facteur favorisant l'apparition d'anxiété préopératoire chez celui-ci. Laurence assure que l'appréhension de l'hospitalisation par l'enfant dépend directement de, : « Comment ils ont été préparés. Comment les parents les ont préparés. Ça c'est d'une importance capitale. ». D'autres parts, selon Léa, le fait d'être opéré, la séparation des parents lors de l'entrée au bloc et l'attente en salle d'accueil avant l'intervention, sont autant de situations anxiogènes pour le petit-enfant. Effectivement, d'après Léa, plus les enfants sont jeunes, et plus difficile la séparation est vécue, : « Les petits surtouts ont du mal à se détacher des parents. ». C'est pourquoi, les soignants du bloc opératoire les prendraient en charge dès leur arrivée, : « Quand ils font la séparation, quand les personnes du bloc opératoire viennent chercher l'enfant, ils s'occupent de lui tout de suite. Ils ne le font pas

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attendre, comme les adultes peuvent attendre. Le fait d'attendre peut être une situation anxiogène pour les enfants... ». Laurence évoque également la séparation des parents comme un facteur d'anxiété préopératoire. Cependant, elle rajoute que l'ambiance propre à l'hôpital et les expériences préalables qu'il y a vécues peuvent également être déterminantes. L'infirmière constate, en rapport à l'atmosphère de l'hôpital, que le petit-enfant « peut être très impressionné ». De ce fait, elle explique : « Il faut savoir s'il est « vierge ou pas d'hospitalisation ». S'il a déjà eu un contact avec des blouses blanches ou pas. Il faut savoir que s'il n'a jamais eu de contact avec les blouses blanches, ton premier contact sera hyper important pour sa vie adulte et, la douleur, rentrer à l'hôpital, et tout ça. S'ils ont eu une bonne expérience, ça se passera bien. ».

5.2.3 Les facteurs limitant l'anxiété préopératoire du petit-enfant

Les infirmières s'accordent entres elles concernant la préparation de l'enfant réalisée en amont de l'intervention (notamment au cours des consultations chirurgicales et anesthésiques) et sur l'importance que celle-ci peut avoir, afin de limiter l'apparition d'anxiété préopératoire. En effet, d'après Laurence, la préparation de l'enfant doit se faire dès la consultation d'anesthésie, : « C'est pour ça que, souvent en consultation d'anesthésie, je pense que c'est là déjà que l'anesthésiste doit vachement lui expliquer, le briffer... etc ». Ninon assure que l'anxiété préopératoire de l'enfant est limitée grâce aux moyens mis en oeuvre, en amont, pour le préparer correctement, : « Et puis, c'est vrai que la prise en charge au niveau de la consultation de l'anesthésie, là, il y a l'association des Doudous d'Aliénor : ils donnent un masque, l'enfant le garde, il met des gommettes dessus. Donc, il y a tout un travail qui est fait en amont pour que l'enfant arrive aussi plus détendu pour le jour de l'intervention ». Par ailleurs, toutes pensent également que les informations dispensées par l'infirmier, le jour de l'intervention, préviennent ou diminuent les angoisses du petit-enfant. D'après Léa, : « Le fait de savoir comment ils vont s'endormir, etc, c'est des petits détails mais ça permet de visualiser. Ça permet de repérer un peu, ça dédramatise un peu l'opération. ». C'est pourquoi cette dernière, dans le cadre de sa prise en charge préopératoire, explique et détaille à l'enfant le déroulement complet de l'hospitalisation : la tenue de bloc opératoire à porter, chaque étape à passer, la présence ou non des parents durant celles-ci, l'endormissement ou encore le type de douleur postopératoire auquel l'enfant doit s'attendre... C'est ainsi que le petit-enfant comprend les raisons de l'hospitalisation, et qu'alors ses angoisses diminuent. « Ils comprennent pourquoi ils sont séparés, ils savent qu'ils vont retrouver les parents après, ça, ils comprennent bien. », « Les enfants plus ils sont préparés, plus ils sont rassurés. » (Léa).

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Laurence est du même avis, : « Tu sais que un enfant : il faut toujours le rassurer, lui parler, lui dire ce que tu vas faire.». De ce fait, l'utilisation de livres explicatifs, adaptés à l'enfant, peut, par exemple, être utile dans le cadre de sa préparation. Léa et Ninon en disposent. « On a des petits livrets SPARADRAP aussi que l'on peut leur donner. Ça permet de repérer la tenue des personnes qui sont au bloc, sa petite tenue à lui, le masque pour s'endormir, des petites choses comme ça...Ça permet de leur montrer. » (Léa). Le deuxième point, sur lequel les propos des soignantes concordent, est le fait que la prévention et la gestion de l'anxiété préopératoire chez le petit-enfant semble dépendre de certaines compétences, propres à l'infirmier. Adopter une attitude rassurante envers l'enfant, dans le cadre de l'établissement d'une relation de confiance, est essentielle pour les trois infirmières. D'après Laurence, l'efficience de cette attitude résulterait de deux composantes : le verbal, : « Tu peux lui dire « Là, tu vas partir, quand tu reviendras papa et maman seront là, ils t'attendront, t'inquiète pas. » Tu vois ? Rassurant un petit peu. » et le non-verbal, : « Tu peux essayer de te mettre à sa hauteur par exemple, au lieu d'être grande... Tu peux essayer de t'asseoir à côté de lui ». Léa ajoute que la relation de confiance avec l'enfant ne peut être de qualité si la création d'une relation avec ses parents ne se fait pas également, : « Ce n'est pas un élément précis, mais : mettre en place une relation, qu'ils aient confiance. Avec l'enfant, mais avec les parents aussi du coup. ». Ninon, quant à elle, établit un lien direct entre cette dernière et l'expérience de l'infirmier, : « Mais après un enfant qui est anxieux, il va rester anxieux. On va peut-être réussir à diminuer l'anxiété mais il va rester anxieux. Avec l'expérience, on réussit quand même mieux à les rassurer [...] ». Par ailleurs, il importe tout autant aux infirmières de s'adapter à l'enfant, à son âge et à son niveau de développement. « On essaie de s'adapter pour que les choses se passent mieux quoi. » (Ninon). Laurence rajoute, : « L'adulte c'est l'adulte, l'enfant c'est autre chose quoi. Un enfant, il comprend la magie, les fées, il croit en tout ça. ». Et, cela est d'autant plus essentiel lors de l'apport d'informations par l'infirmier. Léa précise qu': « A deux ans, ils ne se rendent pas bien compte... Mais à six ans, si on leur explique avec le petit livret, qu'on leur détaille bien tout : ils peuvent avoir peur, mais ils comprennent mieux ce qu'il se passe. ». Toujours en rapport avec l'instauration d'un climat sécurisant pour le petit-enfant, user de la distraction permet de détourner son attention vers des choses moins anxiogènes que l'intervention chirurgicale. Ninon et Laurence évoquent le recours à la distraction et leurs astuces. « Il faut toujours être à côté d'eux, toujours les distraire. Donc il faut apprendre des chansons pour les enfants » (Laurence). « Et puis, éventuellement, lui proposer des jeux. » (Ninon.). Elles évoquent, encore, l'assurance dont elles font preuve. Effectivement, l'assurance que renvoie l'infirmier participerait à la

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mise en confiance du patient, et limiterait ainsi son niveau d'anxiété. Laurence explique que, : « De toutes manières, quelqu'un qui est stressé, c'est qu'il ne comprend pas. Il faut qu'en face de lui, il ait quelqu'un qui lui explique comment ça se passe, et quelqu'un qui soit sur de lui ». A ces conditions, la soignante additionne la disponibilité physique : « L'enfant : tu prends le temps », et psychologique, : « toi aussi, des fois, tu as le droit d'être un peu... Tu ne peux pas toujours être zen, cool, et tout ça. [...] Dans ce cas-là, c'est bien aussi de passer la main, parce qu'il peut trouver une infirmière qui est plus disponible ». La disponibilité psychologique peut dépendre, selon Laurence, de l'état d'esprit dans lequel se trouve l'infirmier, en lien avec sa vie personnelle ou en lien avec la charge de travail qu'il doit assumer ce jour-là. Mais, elle cite aussi le suivi et l'implication dont l'infirmier fait preuve tout au long de la prise en soin du petit-enfant. Rejointe par Léa sur ce dernier point, Laurence affirme que la relation de confiance établie avec l'enfant en dépend, : « Déjà à partir du moment où tu prends en charge un enfant, tu le prends du début à la fin. S'il doit partir au moment où tu es encore là, c'est toi qui finis quoi. Tu ne laisses pas des enfants. C'est la relation de confiance. ». Les infirmières sont plus partagées concernant la présence des parents auprès de l'enfant comme facteur limitant l'anxiété préopératoire. Effectivement, Laurence et Léa reconnaissent qu'ils restent tout de même pour le petit-enfant une source rassurante. « Parfois, ils vont être dans les bras des parents, ça les rassure plus. » (Léa). Toutefois, Ninon semble plus sur la réserve... Elle insiste, en effet, à deux répétition en rapportant que « les parents ne sont pas forcément une aide ici ». Les trois soignantes admettent qu'en cas de stress de leur part, il arrive aux parents de transmettre cette angoisse à leur enfant. « Les parents peuvent très bien augmenter l'anxiété de l'enfant parce qu'ils vont être stressés. » (Ninon.). Dans ce cas de figure, la prise en charge de Laurence s'adapte alors aux parents, : « notre rôle c'est aussi de déstresser les parents, ce qui fait qu'ils détressent l'enfant. » (Laurence). Ninon, de son côté, explique tenter de dialoguer et de faire comprendre les choses aux parents, mais semble moins convaincue du résultat, : « Là, on essaie de leur faire comprendre, mais bon... Après si l'enfant n'arrive pas à prendre un médicament par exemple, et que le parent ne coopère pas, on va dire « bah vous sortez ». ». Enfin, autres facteurs abordés dans le cadre de la gestion de l'anxiété préopératoire, les prémédications médicamenteuses, l'utilisation de tablettes tactiles offrant à l'enfant la possibilité de jouer, ou encore le recours à l'hypnose auraient eux aussi des effets bénéfiques sur le petit-enfant anxieux. Effectivement, l'approche médicamenteuse possèderait, selon Léa et Laurence, des propriétés anxiolytiques. « Le but principal, c'est de déstresser dès le début. » (Laurence). Les effets de la tablette, quant à elle, seraient immédiats. « Là, quand un enfant on va faire

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l'accueil, si c'est un peu difficile, on va sortir la tablette : tout de suite, généralement, il commence à sourire, il va aller sur la tablette, et on va le sentir beaucoup plus détendu. » (Ninon). L'appareil jouerait aussi un rôle important dans la gestion de l'anxiété préopératoire générée par la séparation des parents, à l'entrée du bloc opératoire, car le fait de pouvoir prendre des photos avec les parents et de les regarder, au bloc comme à chaque étape du parcours d'hospitalisation, rassurerait le petit-enfant. « Les enfants se prennent en photo avec les parents. Le but c'est qu'ils puissent regarder les photos, qu'ils voient les photos de leurs parents, pour qu'ils soient rassurés. Je pense que ça atténue leurs angoisses. » (Ninon). Enfin, pour terminer, l'hypnose serait tout aussi efficace. D'ailleurs, Laurence souhaiterait se former à ce procédé, et Ninon en utilise déjà certaines propriétés comme l'utilisation, dans ses propos, de métaphores. « Dans l'hypnose conversationnelle, tu choisis un peu tes mots quoi. Tu fais attention à ne pas utiliser de termes porteurs de sens négatifs, par exemple. Nous, au bloc les anesthésistes sont beaucoup formés en hypnose pour l'endormissement et la gestion de l'anxiété, mais les infirmières ne sont pas formées en amont justement, c'est dommage. », (Laurence).

5.3 Le rôle et la place des parents dans la prise en soin du petit-enfant

hospitalisé en chirurgie pédiatrique

Les propos recueillis auprès des trois infirmières révèlent que les parents tiennent un rôle important dans la préparation préopératoire de leur enfant. Léa et Ninon abordent l'aspect physique de la préparation. « On leur donne tous les petits conseils : d'être bien à jeun... » (Léa). Tandis que toutes les trois appuient l'aspect psychologique. En effet, la façon dont les parents préparent psychologiquement leur enfant à l'intervention chirurgicale influencerait le niveau d'angoisse de ce dernier. Léa affirme, : « Plus les parents sont informés, mieux ils expliquent à l'enfant, et moins il y a d'inquiétude. ». Ainsi, il semble que la condition sine qua none à une préparation optimale de l'enfant est l'information du parent. De plus, de ce fait, l'on note que, malgré que leur présence ne soit pas toujours rassurante pour l'enfant, comme l'a suggéré l'analyse, précédemment, les parents participent tout de même à gérer l'anxiété de l'enfant. Par ailleurs, Laurence estime que la majeure partie des parents n'intensifie pas l'angoisse de l'enfant, : « Après, il y a un ou deux parents qui peuvent être nocifs des fois... Des parents plus « porteurs de soucis » quoi. ». Autrement, chacune des soignantes voit en eux les accompagnants de l'enfant dans le parcours de soin. « Ils les accompagnent jusqu'à la porte du bloc et la séparation se fait avant qu'ils soient endormis. Mais en salle de réveil, ils sont sans les parents... » (Léa). Et, elles considèrent ces derniers comme occupant une place

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essentielle auprès de leur petit, dans sa prise en soin. « Je pense qu'il faut totalement leur donner leur place dans le service. » : Laurence justifie cela par le fait que ce sont les parents qui connaissent le mieux leur enfant. En effet, l'infirmière avertit, : « Et... les parents, ils le savent mieux que toi de toutes manières. ». Selon la soignante, c'est en cela qu'ils tiendraient leur rôle majeur, car représentant un réel atout pour la prise en charge de l'enfant. Pour Léa, les parents ont surtout une responsabilité importante au moment de la sortie et pour la prise en charge postopératoire de l'enfant au domicile. C'est la raison pour laquelle, elle collabore avec eux par rapport aux traitements. « Tout ce qui est médicament per os, j'essaie de les responsabiliser tout de suite dans la prise en charge et au traitement pour la sortie. » (Léa).

5.4 La prise en soin de la douleur postopératoire par l'infirmier en service de chirurgie pédiatrique

Les moyens utilisés par les infirmières, visant à soulager la douleur postopératoire ressentie par le petit-enfant, sont divers et variés. Pour commencer, Laurence explique qu'elle évalue toujours la douleur de l'enfant avant de tenter de la soulager. Pour cela, elle s'adapte et fait attention à l'âge de l'enfant. Elle explique que, : « Après quand un enfant a mal, il faut d'abord lui demander où il a mal... Parce que les enfants, en fonction de l'âge ils ne savent pas trop comment s'exprimer, tout ça.». Ensuite, les trois soignantes confient disposer d'antalgiques, mais complètent toutes leur dispensation par une autre composante. En effet, en plus de la dispensation de traitements antalgiques, Léa sait que l'apport d'alimentation fraîche quelques heures après l'opération participe à diminuer la douleur perçue. Ninon et Laurence, elles, vont tenter de distraire l'enfant. Ninon estime que cela permet d', : « essayer de les faire penser à autre chose, de les faire sortir de la chambre pour qu'ils ne restent pas centrés sur leur douleur. ». Et, Laurence s'adapte encore une fois à l'enfant lorsque ce dernier revient du bloc et qu'elle lui apporte les médicaments. En effet, l'infirmière lui explique les effets du traitement, tout en le rassurant sur le fait que s'il a mal : il ne restera pas avec sa douleur. Laurence conseille, : « Et quand tu lui donnes le médicament, il faut savoir lui dire que ça va guérir mais pas tout de suite, tu peux lui dire que c'est magique par exemple, ça il comprend. », « Après tu lui dis "t'inquiète pas, tes parents ne vont pas partir, ils restent maintenant avec toi, le bloc s'est bien TRES bien passé, pas de souci, si tu as mal : on te donnera un produit magique"voilà. Ce genre de choses. ».

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5.5 Les caractéristiques de la douleur postopératoire induite par l'amygdalectomie chez le petit enfant

5.5.1 La perception de la douleur chez le petit-enfant

Les trois infirmières interrogées ont abordé l'intensité de la douleur perçue par l'enfant. Effectivement, l'amygdalectomie induirait une douleur postopératoire importante. Par exemple, Ninon compare l'amygdalectomie comme, : « l'équivalence d'une angine. ». Léa la qualifie de, « plutôt forte ». Néanmoins, selon les trois infirmières, il semblerait que la douleur soit mieux maîtrisée aujourd'hui, voire éradiquée, grâce aux traitements antalgiques administrés au bloc opératoire, en prophylaxie. Léa révèle, : « Mais c'est vrai que la douleur est bien gérée maintenant. Ils n'attendent pas que l'opération soit finie, que les enfants soient réveillés pour donner des antalgiques, ils donnent dès le bloc opératoire. Et, ils en redonnent en salle de réveil. ». A cela, Laurence confirme, : « souvent en post-op, ils ont quand même tout ce qu'il faut pour la douleur ». Pourtant, Ninon et Laurence évoquent, tout de même, voir revenir du bloc opératoire des enfants douloureux. « Le problème c'est qu'ils n'ont rien (Ne sont pas douloureux à l'entrée), et quand ils reviennent ils ont hyper mal... » (Laurence). D'autre part, Léa remarque que les enfants sont, généralement, plus douloureux le lendemain, à domicile, : « Ils sont plus douloureux le lendemain, je trouve. Je pense qu'il n'y a pas eu tout ce qu'il y a eu au bloc, le jour de l'opération. Des fois, ils dorment très bien la nuit par exemple, donc ils ont eu un antalgique le soir mais rien pendant la nuit donc... ». Et, Ninon, a pu observer une différence de perception de la douleur en fonction de l'âge du petit-enfant. En effet, plus l'enfant grandirait et plus l'intensité de la douleur perçue serait augmentée. Ninon explique, : « La douleur dépend complètement des enfants. A deux ans, les enfants sont un peu moins douloureux. Plus ils grandissent, plus la douleur est importante ».

5.5.2 Les facteurs pouvant majorer les scores de douleur postopératoire

En plus de l'âge des enfants, évoqué par Ninon précédemment... D'autres facteurs ont été cités par les infirmières, comme pouvant majorer la perception de la douleur postopératoire des jeunes enfants. A la question « constatez-vous une douleur exprimée postopératoire en lien avec le niveau d'anxiété préopératoire de l'enfant ? », Laurence acquiesce, et en est convaincue : « Ah bah oui ! C'est quoi le but de la prémédication ? c'est que l'on sait que les gens qui partent déstressés, quand ils reviennent ils sont mieux. Plus les gens partent dans de bonnes conditions, et mieux est le retour. Et ça, chez les enfants tout pareil. ». Pour Ninon, l'évaluation de ce lien est moins aisée... Néanmoins, la douleur postopératoire serait tout de même majorée par le niveau d'anxiété préopératoire selon elle. Elle explique cela par le fait

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que si un enfant part très anxieux au bloc opératoire, alors l'anxiété le suivra en postopératoire. Ainsi, et si sa douleur n'est pas totalement soulagée par les antalgiques, l'influence de l'anxiété postopératoire majorera en conséquences ses scores de douleur. Léa, quant à elle, n'établit pas de lien franc entre anxiété préopératoire et douleur postopératoire, mais plutôt entre tempérament de l'enfant et douleur. Elle justifie cela par le fait qu'il y ait, : « vraiment des différences de tempérament des enfants, plutôt. ». Elle ajoute, rejointe par Laurence sur ce point, que l'éducation de l'enfant pourrait également influer sur les scores de douleur. Laurence partage que, grâce à l'éducation reçue de leurs parents, certains enfants seraient plus « durs » à la douleur, : « Un enfant qui tombe ou qui se blesse, à qui tu ne dis rien, tu dis « Boh, ça va, ça va aller » tu vois, cet enfant là il sera plus dur à la douleur. Donc, tu vois, en tout cas le rapport avec les parents et les enfants... ». D'autres parts, Léa et Ninon évoquent également une défiance du petit-enfant à l'égard des cathéters. D'après Léa, l'anxiété préopératoire ne majorerait pas forcément la douleur postopératoire induite par l'amygdalectomie mais plutôt la douleur ressentie au point d'injection de la perfusion. « Ils n'aiment pas la perfusion, ça, ça peut leur faire peur. Et je dirais que leur peur de ça, fait qu'ils vont avoir mal. Mais sur l'amygdalectomie en elle-même pas franchement. » (Léa).

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6. Discussion

Après avoir effectué la rédaction des résultats, cette ultime partie est pour moi l'occasion d'interpréter ces derniers en les confrontant directement avec le cadre théorique. Ainsi, ceci me permettra, en fin de discussion, de poser une question de recherche.

6.1 Quel lien entre la douleur postopératoire exprimée et le niveau
d'anxiété préopératoire manifesté chez un petit-enfant ?

Penchons-nous, tout d'abord, sur les caractéristiques de l'amygdalectomie. Celle-ci, longtemps banalisée par les soignants et les parents, figure, aujourd'hui, parmi les douleurs postopératoires les plus importantes en chirurgie pédiatrique quotidienne (Pédiadol, 2004).

6.1.1 L'amygdalectomie, une intervention pas si anodine

A la question que je leur ai posée concernant les aspects de leur prise en charge postopératoire, les trois infirmières, avec qui j'ai pu échanger, ont tout de suite répondu en abordant l'intensité importante de la douleur induite par l'intervention. Ces résultats confirment ceux de la Haute Autorité de Santé (2005). En effet, il faut savoir que cette douleur est intense les deux premiers jours, puis elle s'atténue, et disparait au bout de dix jours. Il est également admis par chacune des professionnelles que cette douleur postopératoire est beaucoup mieux maitrisée qu'auparavant, notamment grâce aux stratégies antalgiques mises en places depuis le bloc opératoire jusqu'en en chirurgie pédiatrique... Nous pouvons rappeler les propos de Léa à ce sujet, : « c'est vrai que la douleur est bien gérée maintenant. Ils n'attendent pas que l'opération soit finie, que les enfants soient réveillés pour donner des antalgiques, ils donnent dès le bloc opératoire. Et, ils en redonnent en salle de réveil. ». Ferragut (2001) ajoute qu'il perdure, néanmoins, chez l'enfant, un inconfort important après l'intervention : la plaie opératoire, qui est sollicitée à chaque déglutition, rend cette dernière très douloureuse, et, des vomissements peuvent survenir. Ceci peut expliquer pourquoi, malgré la prise en charge antalgique qui semble satisfaisante en structure hospitalière, Laurence et Ninon évoquent, tout de même, voir revenir du bloc opératoire des enfants douloureux.

Par ailleurs, au moment d'aborder les caractéristiques de cette douleur, Ninon a partagé ses observations quant au fait qu'« A deux ans, les enfants sont un peu moins douloureux. » et que « Plus ils grandissent, plus la douleur est importante ». Ce résultat pose question. En effet, ce dernier est en contradiction avec les recommandations de Centre National de Ressources de

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lutte contre la Douleur (s.d). Il est établi que plus l'enfant est jeune et plus ses réactions augmentent face à la douleur. Bien que la douleur soit une sensation subjective, du fait de leur incompréhension de ce qu'il leur arrive : les très petits-enfants sont plus sujets à la peur, ce qui majore inévitablement leur perception de la douleur. Léa explique d'ailleurs ce mécanisme, dans ses propos, que l'on peut citer : « A six ans, si on leur explique avec le petit livret, qu'on leur détaille bien tout : ils peuvent avoir peur, mais ils comprennent mieux ce qu'il se passe. ». Nous pouvons nous demander, devant ce constat fait par Ninon, si les jeunes enfants sont ainsi mieux pris en charge. Les soignants et parents sont-ils plus attentifs ? Les traitements antalgiques diffèrent-ils ?

D'autre part, aucune des soignantes n'a évoqué avoir recours aux échelles auto et hétéro-évaluatives de la douleur... Seule Laurence a mentionné évaluer la douleur en demandant directement à l'enfant où est-ce qu'il localisait sa douleur. Il aurait été intéressant que je les relance sur cette question, car l'on peut, encore, se demander dans quelles conditions est réalisée l'évaluation de la douleur par Ninon. Il est vrai qu'il faut se méfier d'un enfant « trop calme ». Cela peut très bien cacher une douleur forte... La douleur isole, et pour la combattre, l'enfant peut instinctivement se replier sur lui-même. Par ailleurs, nous devons être d'autant plus vigilent quant à l'âge de l'enfant, car plus ce dernier est jeune et plus l'expression verbale de la douleur est encore frustre et imprécise (Pichard-Léandri, Gauvain-Piquard, 1989). Face à la douleur induite par l'amygdalectomie, l'utilisation de la grille d'évaluation cotant le confort ou l'inconfort de l'enfant durant les suites opératoires de l'amygdalectomie, ou encore l'utilisation d'échelles comportementales, telles que CHEOPS et OPS, sont adaptées et permettent une évaluation précise des réactions manifestées par les enfants en période postopératoire, et ce, tant par les soignants que par les parents, (Gall, s.d, pédiadol, 2015).

L'amygdalectomie étant réalisée le plus couramment en ambulatoire, Léa a soulevé le fait que les parents avaient une responsabilité importante auprès de l'enfant, au moment de la sortie. Or, il s'avère que grâce au rappel téléphonique de l'infirmière, au domicile, le lendemain de chaque intervention, la soignante a constaté que les enfants étaient généralement plus douloureux le lendemain. Léa explique cela par le fait qu'il « n'y a pas eu tout ce qu'il y a eu au bloc, le jour de l'opération. », mais aussi que « des fois, ils dorment très bien la nuit, par exemple, donc ils ont eu un antalgique le soir mais rien pendant la nuit donc...». Ces résultats sont notamment soutenus par l'étude menée par Pédiadol (2004) concernant les suites opératoires à domicile. Il apparait que la prescription du relais antalgique à domicile n'est pas suffisante. De plus, selon Pédiadol (2000), sans accompagnement, ni soutien et éducation de

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la part de l'équipe soignante envers les parents, ceux-ci présentent des difficultés à soulager leur enfant. Afin de les rassurer dans ce rôle, l'échelle PPMP et le disque horaire (cf. Annexe VII), créés par l'association Pédiadol, peuvent être des ressources utiles pour les parents. Par ailleurs, il n'est pas exclu que les infirmières enseignent aux parents quelques principes et astuces, qu'ils pourront appliquer à la maison, comme distraire l'enfant, adopter une attitude rassurante en n'omettant pas de lui expliquer les choses, ou encore lui apporter de la nourriture fraîche, qui favorisera la cicatrisation. Toutes ces astuces sont mises en place par les infirmières interrogées dans le cadre de leur prise en soin de la douleur, et soutiennent les écrits de Pédiadol (2015). En effet, les moyens non-médicamenteux, comprenant les méthodes psychocorporelles et physiques, contribuent à la diminution de la douleur et sont complémentaires des thérapeutiques médicamenteuses.

Pour poursuivre ce travail, j'aborderai les facteurs psychologiques susceptibles d'influencer négativement la perception de la douleur postopératoire du petit-enfant.

6.1.2 Les facteurs psychologiques susceptibles de majorer les scores de douleur postopératoire

Un des objectifs de l'exploration était de confirmer ou d'infirmer l'existence d'un lien entre le niveau d'anxiété préopératoire, manifesté par le petit-enfant, et les scores de douleur postopératoire exprimés. Les résultats obtenus auprès des infirmières ont montré que la majorité d'entre elles constatait bien une corrélation entre ces deux notions. Laurence en est particulièrement convaincue. Le fait de limiter l'anxiété préopératoire a une incidence directe sur la diminution des scores de douleur. D'après elle, : « Plus les gens partent dans de bonnes conditions, et mieux est le retour. Et ça, chez les enfants tout pareil ». Ces conclusions sont confirmées par les travaux d'Amouroux, Rousseau-Salvador, et Annequin, (2009). En effet, ces derniers démontrent que chez un petit-enfant, un niveau important d'anxiété préopératoire majore le ressenti de la douleur postopératoire et, par conséquent, sa consommation d'antalgiques, mais multiplie aussi par trois le risque de développer des troubles comportementaux postopératoires. Or, nous nous apercevons que les situations anxiogènes pour l'enfant peuvent être nombreuses en chirurgie pédiatrique. Tout d'abord, il ressort des entretiens qu'un enfant sera plus inquiet, s'il n'a pas été suffisamment préparé à l'intervention chirurgicale. A cela, s'ajoute l'univers de l'hôpital qui peut être impressionnant, d'autant plus s'il a le souvenir d'expériences négatives préalables. De plus, toujours d'après les soignantes, la séparation des parents, notamment chez les plus petits, et le fait d'être opéré, sont loin de favoriser leur détente. Ces résultats coïncident avec ceux de Pédiadol (2014) et du Centre

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National de Ressources de lutte contre la Douleur (2008). Il est vrai que l'angoisse générée peut être à l'origine d'un débordement de la capacité d'adaptation de l'enfant, et peut le conduire à une réelle attaque de panique (Amouroux, Rousseau-Salvador, et Annequin, 2009).

Sans aller jusqu'à une attaque de panique, les résultats démontrent que les pleurs de l'enfant, les cris, l'absence de jeu ou de communication, ainsi que le repli sur soi et le caractère d'opposition doivent, déjà, alerter les soignants quant à l'apparition d'anxiété. Ces signes reprennent, en partie, ceux côtés par l'échelle mYPAS (Centre Nationale de Ressources de lutte contre la Douleur, s.d). Celle-ci rajoute la sollicitation accrue des parents et la possible sur-agitation, de l'enfant anxieux. Cependant, nous pouvons noter que les propos des soignantes laissent entendre que l'absence d'outils d'évaluation, ainsi que les relèves infirmières, dépendantes de l'organisation du service, peuvent représenter des freins, dans le cadre d'une évaluation fiable et objective de ce phénomène et de son impact.

Par ailleurs, Léa a considéré que le lien entre les scores de douleur postopératoire et le tempérament de l'enfant était lui aussi significatif. Ce résultat mérite d'être investigué, car, effectivement, Quartier (2010) affirme l'existence d'une multitude de caractéristiques, qui constitueraient et différencieraient le tempérament de chacun. Ces caractéristiques apparaitraient dès la naissance et, persisteraient dans le temps et dans diverses situations. De ce fait, nous pouvons nous demander si les traits de tempérament de l'enfant sont en mesure de modifier son ressenti face à la douleur.

Enfin, Laurence a suggéré que l'éducation, apportée par les parents, pouvait influencer les réactions de l'enfant dans ce contexte. Sur ce point, Pichard-Léandri et Gauvain-Piquard (1989) mettent en évidence, effectivement, que la culture, l'environnement, influence la perception mais aussi l'expression de la douleur. En effet, leurs études prouvent que les réactions de l'enfant face à la douleur peuvent être tolérées, voire suscitées, de façon différente par les parents selon le milieu culturel.

Ainsi, nous pouvons considérer que l'anxiété préopératoire mais aussi l'éducation, et possiblement le tempérament de l'enfant, sont autant de facteurs psychologiques susceptibles d'impacter négativement les scores de douleurs postopératoires.

6.2 L'expérience de l'infirmier auprès du petit-enfant anxieux et de ses parents

Le second objectif de ce mémoire était de déterminer quels pouvaient être les apports de l'expérience infirmière, auprès d'un petit enfant anxieux et de ses parents. Ainsi, nous

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verrons, par la suite, comment cette expérience modifie la prise en charge du professionnel infirmier.

6.2.1 L'expérience infirmière, synonyme de maîtrise et de qualité des soins

Les résultats obtenus démontrent que les infirmières expérimentées ont développé leurs compétences, et maîtrisent, de ce fait, davantage les choses aujourd'hui, que lorsqu'elles ont débuté. En effet, une réelle évolution de leur pratique est ressentie par les professionnelles. Ce constat appuie la théorie de Benner (2003, citée dans Vanschoor, 2015) qui identifie cinq niveaux de compétences chez l'infirmier (novice, débutant, compétent, performant et expert). Dans cette théorie, l'auteure considère, en effet, qu'un infirmier n'a le sentiment de maîtriser et de pouvoir faire face aux situations non prévues, que lorsqu'il devient compétent. Avant cela, le professionnel n'est pas considéré comme suffisamment expérimenté pour être qualifié et efficace.

Les résultats font apparaître alors que l'acquisition de connaissances théoriques, apportées notamment par les formations continues ou diplômantes, l'ancienneté dans le service, ainsi que la personnalité et le vécu personnel de l'infirmier, sont des facteurs développant les compétences de ce dernier. Ces apports n'appuient qu'en partie ceux de Benner (2003). En effet, d'après les recherches de l'auteure, quel que soit le parcours antérieur de l'infirmier, qu'il soit nouvellement diplômé ou qu'il ait une carrière antérieure, dès lors qu'il ne possède aucune ancienneté dans le service, ou le domaine, dans lequel il prend son nouveau poste, celui-ci est considéré comme débutant. Pour que sa pratique évolue, il est nécessaire que le professionnel acquière des connaissances théoriques, un « savoir », accompagnées de connaissances pratiques, un « savoir-faire ». La théorie ne saurait se passer de connaissances pratiques, et vice-versa. Seulement, il n'est abordé dans ce processus, ni la personnalité ni le vécu personnel de l'infirmier, bien que l'influence de ces deux facteurs ne paraisse pas illogique.

De plus, les résultats rapportent que la maîtrise de l'infirmier se traduit par le développement de ses compétences comme : l'aisance au cours des soins prodigués, l'organisation, l'assurance, la perception des choses, ou encore, le relationnel dans le cadre de l'établissement d'un lien de confiance avec l'enfant, et ses parents. A nouveau, les résultats complètent ceux de Benner (2003), qui n'établit, dans ce contexte, aucune liste définie de compétences. Cependant, certaines d'entre elles semblent appartenir, davantage, à un niveau de compétence cité qu'à un autre. Il est également notable que les infirmières développent, avec l'expérience, des astuces qui leur sont propres. Cela laisse penser qu'elles ne se

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contentent plus d'appliquer la théorie, mais qu'elles se la sont appropriées pour enrichir leur pratique.

Tout ceci démontre que plus l'infirmier développe ses connaissances pratiques, au travers de situations réelles, plus il enrichit son « savoir-faire ». Ainsi, c'est en cela que son expérience et son niveau de compétences évoluent, traduisant qualité et maîtrise de ses actes.

6.2.2 Les compétences de l'infirmier expérimenté dans la prévention et la gestion de l'anxiété préopératoire du petit-enfant

Nous l'avons vu, les conditions psychologiques, dans lesquelles se trouve le petit-enfant, ont un impact sur la façon dont il perçoit la douleur postopératoire. Pour limiter l'impact de l'anxiété préopératoire sur cette douleur, les résultats obtenus montrent que la compréhension de l'enfant concernant les raisons de son hospitalisation et le déroulement de celle-ci, sa participation, ainsi que la collaboration avec ses parents et l'accueil sécurisant, sont recherchés par les infirmières. Les éléments de cette préparation sont capitaux chez le petit-enfant, et lui permettent de « dédramatiser un peu l'opération », pour reprendre les propos de Léa. Ces résultats sont en accord avec ceux de Wanquet-Thibault (2015) et de Pédiadol (2014). Ceux-ci affirment, de plus, que plus l'enfant est informé et préparé, en amont, moins celui-ci est inquiet le jour de l'intervention. Il s'agit d'un point, également, abordé par les soignantes. En effet, elles jugent que le premier temps de cette préparation doit avoir lieu lors dès les consultations chirurgicales et anesthésiques, et suggèrent même, dans ce contexte, que cette préparation soit pluridisciplinaire. L'on peut rappeler le discours de Laurence, à ce sujet : « L'appréhension des enfants dépend de comment ils ont été préparés. C'est pour ça, je pense que c'est là déjà que l'anesthésiste doit vachement lui expliquer, le briffer... ».

Par ailleurs, toujours dans l'objectif de prévenir et de gérer cette anxiété, il apparaît que les moyens à disposition de l'infirmier sont nombreux. Ceux-ci peuvent être médicamenteux, psychologiques, ou bien dépendent directement des parents ou de l'infirmier.

Les résultats montrent que les compétences de ce dernier, développées au cours de son expérience, sont déterminantes et facilitent, entre autre, la création d'une relation de confiance avec l'enfant. Cela confirme les propos de Formarier (2007), et de Wanquet-Thibault (2015). Effectivement, le premier précise que les attitudes relationnelles s'acquièrent au cours de l'expérience, ou encore, grâce au suivi de formations continues, plus que par la transmission directe d'une infirmière experte à une collègue moins expérimentée, comme cela se fait pour une grande partie de l'apprentissage des infirmières. De plus, le deuxième confirme que l'enfant comprend, par les actions ciblées que l'infirmier met en place, que ce dernier attache

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de l'importance à sa compréhension et qu'il l'assiste dans sa crainte. Cette démarche a ainsi un effet réducteur de l'anxiété. Néanmoins, il apparaît que cette confiance n'est pas donnée et que celle-ci, pour se construire, s'appuie sur différents éléments de la communication. Dans leurs échanges avec l'enfant, nous pouvons noter que les infirmières ont recours à la communication verbale, non-verbale et paraverbale. Dans leur communication verbale, celles-ci adoptent des propos rassurants, choisis et adaptés à l'enfant. Dans leur communication non-verbale, elles sont vigilantes à leur posture vis-à-vis de l'enfant, ou à l'assurance qu'elles renvoient à celui-ci et à ses parents. Elles essaient de se rendre disponibles physiquement, mais aussi psychologiquement, en mettant de côté la charge de travail ou leurs préoccupations personnelles, et s'impliquent dans la prise en charge, en étant, tant que possible, le professionnel « référent » durant son hospitalisation. Leur communication paraverbale, qui se rapporte à leur manière de s'exprimer (volume de la voix, le rythme des mots etc) a, également, été mise en avant pendant les entretiens, lorsqu'elles me décrivaient la façon dont elles dialoguaient avec le petit. Il est, ici, intéressant de noter que leurs dires concordent parfaitement avec les écrits de Galy (2015). En effet, celui-ci va même jusqu'à décrire cette façon de communiquer comme une « communication thérapeutique », plus adaptée aux besoins du patient, qui reconsidère la relation soignant-soigné actuelle.

Les résultats suggèrent également que développement des connaissances de l'infirmier, déterminent l'application de ses différentes approches psychologiques, dans le cadre de la gestion de l'anxiété de l'enfant. La distraction par des moyens simples est privilégiée à l'hypnose, par exemple, surement car celle-ci nécessite, entre autre, une formation préalable. Il apparait qu'elle n'est pas directement abordée par les infirmières, bien que celles-ci jugent cette méthode tout à fait adaptée pour réduire l'anxiété préopératoire.

Par ailleurs, les résultats sont prometteurs quant à la diminution de l'anxiété et le maintien de la sécurité affective, induits par l'utilisation de la tablette tactile. Cependant, Cano (2016) nous informe qu'une étude est en cours concernant les effets de la tablette sur l'enfant, car nous ne possédons aucune donnée objective à ce sujet. Il apparaît néanmoins que celle-ci permet de rassurer, mais aussi de faire participer l'enfant à sa prise en charge par le détournement de son attention grâce au jeu. Par exemple, « le premier jeu a lieu lors de la prise de tension ; l'enfant va gonfler un ballon pendant que le brassard [du tensiomètre] gonfle. Cette agression va être transformée en acte positif car l'enfant, en gonflant ce ballon gagne des points. » (Cano, 2016, p.45).

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Il apparait, à plusieurs reprises dans les résultats, que l'apport des formations représente pour l'infirmier un facteur important dans le développement de son expérience, et de ses compétences. Ainsi, ces réflexions m'ont permis d'élaborer une nouvelle question de recherche :

« En quoi la formation de l'infirmier, auprès d'un petit-enfant anxieux et de ses parents, en service de chirurgie pédiatrique, influe sur la perception de la douleur postopératoire induite par l'amygdalectomie ? »

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7. Conclusion

Ce travail de fin d'étude avait pour objectif de déterminer en quoi l'expérience de l'infirmier, auprès d'un petit-enfant anxieux et de ses parents, influençait la perception de la douleur postopératoire induite par l'amygdalectomie, dans un service de chirurgie pédiatrique.

En confrontant mes recherches théoriques avec les résultats obtenus au travers des entretiens réalisés, auprès des professionnelles, il apparait que l'infirmier tient un rôle majeur dans la prévention et la réduction de l'anxiété préopératoire, notamment chez les jeunes enfants. Sa démarche consiste, en effet, à mettre l'enfant dans les conditions les plus favorables, le jour de l'intervention. Son attitude dans la communication à l'enfant se révèle avoir un impact important sur la création d'un lien de confiance avec ce dernier, et l'instauration d'un climat sécurisant dès l'accueil. De plus, l'expérience, que celui-ci développe au cours de sa carrière, s'accompagne, incontestablement, du développement de ses compétences et de la qualité des soins qu'il prodigue. Il est apparait alors que celui-ci acquiert davantage d'aisance, quant au fait de rassurer l'enfant et sa famille. Nous avons pu noter, par ailleurs, que son niveau de compétences, mais aussi de formation, déterminent le choix de l'application de ses différentes approches psychologiques, visant à limiter le niveau d'anxiété préopératoire du petit. Or, il s'avère aujourd'hui que gérer l'anxiété préopératoire aux moyens d'approches psychologiques présentent de nombreux avantages. En plus de diminuer les scores de douleur postopératoire et les besoins en antalgiques de l'enfant, ces approches permettent de reconsidérer l'utilisation des prémédications médicamenteuses avant l'opération et de diminuer le traumatisme psychique induit par l'hospitalisation, encore trop souvent sous-estimé. Ainsi, l'anxiété préopératoire mérite d'être considérée par les soignants, et reconnue comme un phénomène pouvant avoir des conséquences lourdes sur les suites opératoires.

Enfin, cette réflexion sur la prise en charge de l'anxiété préopératoire et son impact m'a beaucoup apportée en tant que future soignante. Effectivement, les recherches réalisées m'ont permis d'enrichir mes connaissances au sujet de la pédiatrie, mais aussi de développer mon esprit d'analyse. Les enseignements tirés de la réalisation de ce travail de mémoire sont nombreux, et m'accompagneront dans ma pratique future sans nul doute.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams