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L'usage de la phytothérapie chez la femme enceinte et le nouveau-né à  la Réunion.


par Adeline DESPRAIRIES
Université de La Réunion - Diplome d'Etat de Sage-femme 2020
  

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2.2.5 La singularité de la situation à la Réunion vis-à-vis de l'usage des plantes médicinales.

Ø Le contexte multiculturel réunionnais et l'importance des plantes à l'échelle de l'île.

La Réunion est marquée par sa multiculturalité. La colonisation et le métissage ont ramené des croyances, savoirs et pratiques de toutes les aires géographiques environnantes, offrant à l'île une richesse monumentale en termes culturels. De plus, sa géographie et la singularité de son climat et de ses paysages favorisent la diversité végétale de l'île.

La médecine réunionnaise est donc un système spécifique riche d'origines. L.POURCHEZ la décrit comme une imbrication de plusieurs systèmes : européen, malgache et indien (51). Elle se caractérise : « par un rapport aux humeurs (le sang, la bile, le vent) générant des relations d'oppositions, inséparable d'un rapport au sacré ». Ces relations d'opposition attribuées aux humeurs sont : le pur et l'impur, le chaud et le froid, l'épais et le liquide. La santé est un équilibre des humeurs. Les plantes font partie intégrante du système de soin. Il existe des plantes dites « échauffantes », d'autres « rafraichissantes » par exemple. Le rapport à la maladie et à la santé est aussi défini par la théorie des semblables (« un mal peut être soigné par son équivalent » : les herbes à vers, dont la forme évoque celle des asticots, soignent les vers par exemple), et la théorie des transferts (transférer le mal d'un corps à un autre) (52).

La raison pour laquelle les plantes réunionnaises sont mal connues, et que peu d'entre elles sont inscrites à la pharmacopée, est avant tout historique. Leur émancipation a été difficile. La première pharmacopée (le Codex) date de 1818, date à laquelle l'esclavage était encore présent. Or, de nombreux savoirs traditionnels sont issus des pratiques des esclaves interdites à l'époque, et que même l'abolition de 1848 n'a pas reconnu. Le clivage entre médecine occidentale et médecine traditionnelle (dont les secrets sont longtemps restés cachés) a longtemps résisté. Il a fallu modifier la législation pour inscrire les plantes médicinales à la pharmacopée le 12 juillet 2013. C'est un des objectifs de l'APLAMEDOM.

Les « anciens » s'attachent à leurs traditions faisant perdurer les pratiques. Il s'avère en effet que malgré de profonds bouleversements de la société réunionnaise et de son système médical, les croyances et pratiques traditionnelles sont toujours présentes. La Réunion s'est forgée son métissage médical. Les deux médecines se côtoient, cohabitent. La population a recours aux deux, parfois simultanément. En 2011, Julie DUTERTRE, dans sa thèse de médecine soutenue à la Réunion, a montré que 87% de la population avaient recours à la

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phytothérapie (7). Sur les 300 personnes interrogées (usagers et non usagers), 83 % sont des femmes. Et parmi la population d'usagers, 18 % ont moins de 30 ans et près de la moitié ont entre 30 et 45 ans. Il semble donc y avoir un nombre conséquent de femmes en âge de procréer qui ont recours à la phytothérapie, domaine qui intéresse de plus en plus la médecine conventionnelle.

En effet, différentes études, concernant l'usage thérapeutique des plantes ont alors été menées. Les vertus de l'Ayapana Ayapana triplinervis ou Eupatorium triplinerve par exemple, ont été recensées par le pharmacien C MARODON (53). L'Ayapana est reconnue pour ses effets anticoagulants, anti agrégants, anti-dépresseurs, hépatoprotecteurs, antiseptiques, cardiotoniques, sédatifs, antitumoraux (cancer du sein, du foie, de la vessie, reins), antiparasitaires, antipaludéens, antibactériens. Elle est inscrite à la pharmacopée française depuis 2013 ; comme 18 autres plantes réunionnaises. Mais ces études concernent la population générale. Etonnement, il y a peu d'écrits concernant la grossesse et le nouveau-né.

C'est aussi ce qu'ont constaté L. POURCHEZ et S. DUPE qui en viennent à conclure que ce manque de données est lié à un manque de savoir dans les familles et à certaines réticences vis-à-vis du sujet (54). Les familles redoutent l'usage des plantes pour la femme enceinte et son enfant. En effet, au temps de l'esclavage, quand les plantes étaient utilisées par les femmes enceintes, elles l'étaient surtout à des fins abortives. Par ailleurs, de nombreuses tisanes sont rafraichissantes en provoquant « l'évacuation du sang impur » (les règles), donc possiblement un avortement. Le sujet en devient presque tabou et les connaissances se perdent alors.

Par ailleurs, la biomédecine est parvenue à monopoliser le suivi des femmes enceintes, qui se détachent de la phytothérapie. Pourtant, traditionnellement les plantes ont un objectif préventif, profitant à l'enfant. Or, le progrès dans la prévention de certaines maladies a populairement été attribué à l'avènement de la biomédecine. Les femmes enceintes ont alors préféré la prévention plus sécure de la biomédecine aux plantes. Celle-ci est parvenue à discréditer le savoir des femmes (déjà craintives) en mettant en avant le manque de données rassurantes vis-à-vis de l'usage des plantes pendant la grossesse et pour l'enfant.

L. POURCHEZ, en 2002 est parvenu à défaire le tabou autour du sujet (8). Ses recherches se sont axées sur les pratiques et croyances autour de la grossesse, de la naissance et de la petite enfance et sur le savoir des femmes en matière de médecine traditionnelle. Il s'avère que les plantes sont utilisées aussi bien à des fins de « traitement du corps », que pour des affections

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psychologiques ou pour des pratiques magico-religieuses. L'exemple le plus fréquemment cité est la tisane « saisissement » : après un choc émotionnel, la tisane calme l'esprit et le corps.

L'enfant, le symbole de la fertilité, est l'assurance d'une aide future dans les vieux jours, c'est celui qui aide, qui rassure, autant économiquement que sentimentalement. Il permet à la femme de retrouver sa place sociale. Dès son début de grossesse et pour la mener au mieux, la femme doit pouvoir maintenir un équilibre physique (entre le chaud et le froid, le pur et l'impur, le fluide et l'épais...). Elle a alors recours aux plantes. Ainsi, certaines tisanes servent à rafraichir le corps, d'une chaleur non évacuée habituellement par le sang des règles, et vecteur d'un risque d'impureté, et d'épaississement du sang. Après l'accouchement au contraire, d'autres tisanes permettent d'éviter les « refroidissements » en aidant à retrouver la tonicité vaginale. Pendant la grossesse comme après, le sang doit être dans un équilibre entre le chaud et le froid, le liquide et l'épais, le pur et l'impur (8).

Ø Les plantes utilisées autour de la naissance à la Réunion :

Rafraîchissant Barb maïs (stigmates Zea mays* Pharmacologie : Les stigmates de maïs sont

du maïs) diurétiques, hypotensifs, stimulants utérins

et immunostimulants

Accélérer Jus de citron Citrus limon

l'accouchement

Indications Noms vernaculaires Noms scientifiques Autre : résultats d'études pharmacologiques

(32)indications communes (55)

Fluidification du

sang et « tanbav », rafraichissant pour les nourrissons

Liane d'olive Secamone volubilis

(Lam) Maraiis*

Pharmacologie : hypotensive, diurétique, antioxydante, antiradicalaire

A la Réunion, elle est utilisée contre les infections urinaires et vaginales également (56).

 

Col-col Sigesbeckia orientalis* Pharmacologie : A Madagascar,

Sigesbeckia orientalis traite les ulcères, furoncles, plaies infectées ; elle y est CONTRE-INDIQUEE CHEZ LA FEMME ENCEINTE ET L'ENFANT de moins de 5ans

Bois cassant Psathura borbonica Selon Roger LAVERGNE, en dehors de la

grossesse , on l'utilise aussi comme hypotenseur, comme rafraîchissant, pour calmer les inflammations urinaires ou encore contre les ménorragies

Jean Robert Euphorbia hirta Pharmacologie : contre les gastro-entérites et

les diarrhées

Ambrovate Cajanus cajan* Pharmacologie : à Madagascar, Cajanus
cajan
est recommandée comme anti-diarrhéique, hypoglycémiant, dans les troubles cutanés, en supplémentation protéique

Col-col Sigesbeckia orientalis* Pharmacologie : cicatrisant

Nausées et

vomissements

Cicatrisation après accouchement

Cicatrisation, Tamarin Tamarindus indicus* Pharmacologie : A Madagascar, la plante est

« Reprendre des recommandée pour ces mêmes propriétés en

forces » plus de ses autres vertus

 
 

« Tanbav » (57) Ti Coeur de pêche Prunus persica

associé à :

+ Ayapana Ayapana triplinervis*

+ Bleuette Stachytarpheta

jamaicensis*

Pharmacologie : A Madagascar,

Stachytarpheta jamaicensis est
recommandée comme fébrifuge, analgésique, sédatif, antidiarrhéique, hypotenseur et antispasmodique.

 

+ Camomille Parthenym hysterphorus

« Tanbav » des petits garçons

Romarin Rosmarinus officinalis*

Patte poule Vepris lanceolata*

Feuilles de Combava Citrus hystrix

Petit Carambole Bulbophyllum nutans

Lanis Foeniculum dulce*

Affouche rouge Ficus rubra Vahl Aussi appelé affouche à grandes feuilles

Bois d'Osto Antirrhea borbonica*

Ti Coeur de pêche Prunus persica associé à :

+ camomille Parthenium

hysterophorus

Col-col associé à : Sigesbeckia orientalis*

 
 

+ Ambaville Hubertia ambavilla*

+ lingue café* Mussaenda arcuata

Poiret*

 

Bleuette asssocié à : Stachytarpheta

jamaicensis

+ tiouette Cardiospernum

halicacabum

 

+ capillaire Adiantum pedatum*

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+ camomille Parthenum hysterphorus

Indications

Noms vernaculaires

Noms scientifiques

Autre : résultats d'études pharmacologiques

 
 
 

(32) indications communes (55)

Rhumatisme, refroidissement,

plaies, contusion,
nourrisson

Patte poule

Vepris lanceolata*

Pharmacologie : antipaludéen, antioxydant, antibactérien

« paralysé »

 
 
 

Galactogène

Affouche rouge

Ficus rubra Vahl

Aussi aappelé affouche à grandes feuilles

 

Contre le « lait contrarié »

Coeur de Landrez Celtis madagascariensis

(bois d'Andrèze =Trema orientalis (L) Blum. Ulmacées)

Fébrifuge

Bringelier Solanum mauritianum

Sevrage Mazambron, Aloes Aloe barbadensis*

Calmer le nouveau- Sensitive Mimosa pudica Pharmacologie : A Madagascar, la Sensitive

est recommandée comme anti-oxydante, anti-

inflammatoire, anti-ulcéreuse etc. en externe ou en interne à courte durée

Purgatif chez le nouveau-né

Herbe à vers Chenopodium

ambrosoïde L*

Potentiel toxique

Papaye Carica papaya Linné* Plutôt utilisé contre les diarrhées

Goyavier Psidium guajava*

Muguet buccal chez le bébé

Cochlearia associé à : Centella asiatica* Pharmacologie : Centella asiatica est

recommandé à Madagascar comme cicatrisant, veinotonique, sédatif, anti-ulcéreux, immunomodulateur etc.

Une faible activité mutagène a cependant été mise en évidence.

+ café fort Coffea arabica

+ colan (= col-col) Sigesbeckia orientalis*

+ coeur de framboisier Rubus apetalus Poir

Eugenia uniflora

Fièvre du bébé Feuilles de cerise

(coeur cerise) associé à :

Aloes, mazambron Aloe barbadensis*

Huile de ricin Ricinus communis* Huile chauffée (non toxique) + beurre de

cacao

Lanis Foeniculum dulce*

Ayapana Ayapana triplinervis*

Betel maron Piper sarmentosum spp Pharmacologie : A Madagascar, elle est

utilisée comme digestive, anthelmintique etc. Elle peut être toxique

Coliques du

nouveau-né

+ patte poule Vepris lanceolata*

Rhume de l'enfant Tiloc : beurre de cacao

associé à :

+ Bleuette Stachytarpheta

jamaicensis*

+ coeur de peche Prunus persica

Contre le rhume, « l'oppressement » = rhume, ou glaires du nouveau-né

Racine de safran-péi associé à :

+ zerbabouc Ageratum conyzoides*

+ jean robert Euphorbia hirta* Pharmacologie : A Madagascar, Euphorbia
hirta
est recommandée en tant qu'anti-spasmodique, antibactérienne, analgésique, anti-inflammatoire et antipyrétique, sédatif et anxiolytique etc.

Curcuma longa L. Zingibéracées

+ racines zerb tombé Leucas lavandulifolia

Smith

Lamiacées *

+ Ambrovate Cajanus cajan*

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Renforcement des os du nouveau- né

Bains de riz ou « eau de riz »

Oriza sativa L. Poacées

Col-col associé à : Sigesbeckia orientalis*

+ Ambaville Hubertia ambavilla*

+ lingue café* Mussaenda arcuata

Poiret*

Plaies chez le

nouveau-né et
l'adulte

Arrow-root Maranta arundinaceae

Indications Noms vernaculaires Noms scientifiques Autre : résultats d'études pharmacologiques

32 ? indications communes (55)

Barb maïs associé à : Zea mays*

+ change écorce Aphloia theiformis* Pharmacologie : stimulant cardiaque,

diurétique, anti-radicalaire, anti-collagénase, prévention de l'hémolyse, anti-bactérien, anti-inflammatoire

« Jaunisse » du

nouveau-né

« gratèl » de l'enfant Bois cassant associé à : Psathura borbonica

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+ Ambaville Hubertia ambavilla* Antiulcéreux gastrique, anti-oxydant, anti-

radicalaire

+ pattes de lézard Phymatodes

scolopendria

 

Bois maigre Nuxia verticillata* Pharmacologie : antiproliférative,

antioxydante

Jean Robert Euphorbia hirta*

Herbe à bouc Argeratum conyzoïdes*

Change écorce Aphloia theiformis*

Colan, kol-kol Sigesbeckia orientalis*

Diarrhées sanglantes chez l'enfant

Gros chiendent Eleusine indica

Millefeuilles péi Conyza sumatrensis

(Retz) EH Walker Astéracées

Rougette Euphorbia prostrata

Bois cassant Psathura borbonica

« Vérette » chez le nourrisson

Patte poule Vepris lanceolata (Lam)

G.Don*

« ti coeur cerise » Eugenia uniflora

Romarin Rosmarinus officinalis*

Bois d'arnette Dodonea viscosa*

Olea europaea

L.subsp.africana*

Bois de cerf*, Bois d'olive noir

Pharmacologie : analgésique, anti-

inflammatoire, myorelaxant, antibactérien, anti-parasitaire, etc.

Bois d'Osto Antirrhea borbonica* Pharmacologie : hypotensif, diurétique,

antipaludéen

Contre la « crise » : convulsions, fièvre, épisodes spasmodiques liés aux vers

Saisissement de

l'enfant

Romarin Rosmarinus officinalis*

Thym vert Thymus vulgaris*

Marjolaine Origanum majorana*

Problème de hanche chez le nouveau-né

Camphre ou camphrier Cinnamomum camphora Interdiction formelle avant 12 ans

Géranium rosat Pelargonium x asperum

Ehrh.

mazambron, aloes Aloes barbadensis*

« Katar » du

nouveau-né

Bringelier Solanum mauritianum

 
 

Huile de ricin Ricinus communis

 

Benjouin Terminalia bentzoe (L)

 

Jus de safran cru Curcuma longa

 

Ti-Cannelle Cinnamomum cassia

Nees.

 

Safran vert Curcuma longa

Tableau 5 : plantes à usage traditionnel à la Réunion

*plantes inscrites à la Pharmacopée Française

Les professionnels de terrain insistent sur le fait que l'efficacité et la toxicité des plantes dépendent de la dose utilisée. Chez le nouveau-né, les doses sont en général restreintes. FB, sage-femme libérale, conseille aux femmes « d'essayer de petites doses » des tisanes conseillées par la famille, et d'observer les réactions. Elle fait confiance au système empirique en gardant quelques précautions. « Dans les familles créoles ça se passe comme ça depuis des générations, et tout le monde est bien (en bonne santé). Franswa Tibère, tisaneur, et Raymond

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Lucas, botaniste, insistent sur le fait que si la plante n'a pas été efficace au bout de 3 jours, il faut changer de traitement.

Par ailleurs, il est nécessaire avant de conseiller une plante, de connaître un minimum la personne. Kakouk, tisaneur reconnu par l'APLAMEDOM, explique qu'il a des questions à poser aux personnes avant de leur conseiller des plantes. De même, Franswa Tibère ne donne pas de plante au mari mais le renvoie chercher son épouse avant de lui donner des plantes médicinales. Selon lui, il y des plantes qui correspondent à telle ou telle personne. Il y a des plantes à éviter selon le profil de la femme ou de l'enfant.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote