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La gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le département de Sinfra.


par Jean Noel PacàƒÂ´me KANA
Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan - Doctorat en Criminologie 2019
  

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IV. Problème et Questions de recherche

Les conflits fonciers et leurs mécanismes de gestion posent d'énormes difficultés dans le tissu social de Sinfra et constituent à la fois un enjeu socio-économique, sécuritaire et culturel pour le département. Cette dynamique se trouve résumée dans la question suivante : Comment redynamiser le fonctionnement des mécanismes de régulation foncière pour éviter les effets de résurgence conflictuelle à Sinfra ? C'est à cette tâche que la présente souhaite se consacrer.

En effet, dans notre zone d'étude, une enquête que nous avons effectuée pendant six mois (de Mai 2015 à Juillet 2015 puis d' Octobre 2017 à Décembre 2017) nous a permis d'observer de nombreux conflits fonciers internes aux familles (djahanénin-péhinénin en 2002 et 2010, digliblanfla en 2013), aux communautés sédentaires (sian et nordistes de Sinfra en 2010 et 2011) et des récupérations politiques de cette crise foncière qui s'en ont suivi pendant et après les violences post-électorales de 2010. Ces violences foncières qui ont pour la plupart, émergé de conflits latents (petits crises en communautés sédentaires, rebondissement de joutes foncières ayant connu de séances de gestion coutumières et/ou pénales), ont débouché sur des

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affrontements sanglants entre autochtones et allochtones avec la destruction incendiaire de quelques villages autochtones (Koblata et Proniani en 2011).

Il s'agit là, des conflits déclarés aux instances de régulation foncière. Mais au-delà, le chef des différentes tribus du département de Sinfra dit recevoir en moyenne deux (02) cas de conflit chaque semaine, soit environ cent - quatre (104) cas de conflits fonciers chaque année (depuis 2009). Outre ce fait, de nombreux villages du département sont aussi le théâtre de litiges fonciers : Degbesséré (03 cas de litiges avec rixe en 2017), Manoufla (02 cas avec blessure à la machette en 2016), Blontifla (05 cas avec dépôt de canaris à proximité des champs en 2017), Tricata (01 cas avec bagarre dans un champ de cacao en 2015), Paabénéfla (04 cas avec menaces de mort et incendie de plantations en 2013), Kayéta (02 cas avec blessures à la daba et du bois de chauffe en 2016) pour ne citer que ceux-là.

Ces quelques faits qui témoignent de la fréquence des conflits fonciers dans la localité étudiée, se greffent à des conséquences à la fois internes et externes aux consciences villageoises. Au niveau des conséquences internes, il faut noter l'atmosphère d'incertitude sociale qui pousse certains villageois (acteurs de conflits) à mener les activités champêtres en nombre important pour éviter des cas d'attaques sectorielles. A cette donne, s'ajoute le sentiment d'insécurité généralisé qui contraint quelques agriculteurs à rester dans leurs domiciles en laissant leurs plantations sans entretien.

Au niveau des conséquences externes, on note une baisse de la production des cultures d'exportation en raison de la position géographique de Sinfra (zone à prédominance cacaoyère, caféière et anacardière).

Devant ces tensions foncières qui jusque-là perdurent, l'Etat n'est pas resté inactif et a engagé des actions concrètes dans le terroir local. Au titre de ces actions, notons la mise en place des Comités Villageois de Gestion Foncière Rurale instaurés dans les quarante-quatre (44) villages du département de Sinfra,l'édiction de dispositions règlementaires (Loi n°98-750 du 18 Décembre 1998, promulguée le 23 Décembre1998 au Journal Officiel de la République et amendée en son article 26 par la loi n°2004-412 du 14 Août 2004 et ses décrets d'application), l'établissement de cent-quatre (104) certificat fonciers dans le département, soit environ 2% des terres locales cadastrées (selon la direction du cadastre de Sinfra, Février, 2016).

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Au-delà de ces actions, mentionnons l'instauration d'une collégialité professionnelle et une fluidité communicationnelle entre les différentes entités chargées de gérer les litiges fonciers (autorités traditionnelles, administratives, judiciaires et les unités décentralisées des ministères de l'agriculture et de la construction) et la réunion des éléments concrets du projet de création de l'Agence de gestion Foncière Rurale (AFOR).

Dans ce contexte social prophylactique à la gestion des rixes inter-rurales à Sinfra, les représentants locaux de l'Etat qui avaient désormais une portée plus active, en ont profité pour actionner des leviers de résolution des conflits stagnants. La plupart de ces interventions, à défaut de prendre des positions figées visant l'expropriation de certaines catégories sociales, s'érigeaient dans le cadre des transactions amiables laissant ainsi libre cours à des frustrations passagères, des plaintes fréquentes, des tentatives de corruption dans un contexte déjà alimenté par la crise de 2010 et ses récupérations politico-foncières.

Relativement à ces actions de règlement « médianes », certains y saluaient des décisions de justice impartiales parce qu'y trouvant leur compte tandis que d'autres réfutaient autant que possible ces décisions jugées insatisfaisantes. Dès lors, l'on a assisté à une forme de clanisme entre communautés sédentaires et des tentatives de remise en cause des décisions de justice (traditionnelle, administrative ou pénale) manifestée au moyen de rixes pour la consolidation exclusive de droits de propriété sur la plupart des terres litigieuses.

A l'analyse, il ressort que ces tentatives de règlement bien que prometteuses, n'ont pas eu d'écho favorable auprès de la population dans toute la contrée. Bien au contraire, elles ont constitué des combustibles à un repli identitaire de certaines catégories sociales à l'égard d'autres et à un métamorphisme des interactions entre ruraux, prophylactique à des regains de violences foncières.

Devant l'ampleur de ces litiges fonciers qui se manifestent certes dans le département mais également des d'autres régions ivoiriennes et sous-régionales, la communauté scientifique n'est pas restée inactive. De nombreux chercheurs se sont investis dans la recherche des facteurs explicatifs et par ricochet, des voies de résolution. Trois approches explicatives ressortent de ces recherches : l'approche centrée sur la saturation foncière et les tentatives d'appropriation foncière (Alkassoum (2006 ; Tallet et Paré, 1999 ; Merabet, 2006 et Bonnecase, 2001), l'approche centrée sur le

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positionnement des jeunes pionniers dans le théâtre foncier familial en dépit des principes culturels (Kodjo, 2013 ; Ibo, 2012 ; Agnissan, 2012 et Coulibaly, 2015) et l'approche centrée sur le jeu trouble des acteurs institutionnels (Chauveau, 2000 ; Lavigne, 2002 ; Kéita, 2012 et Dicko, 2007).

Notre démarche explicative inclut ces trois approches abordées dans la littérature. Pour nous, l'inclusion de ces trois dynamiques dans la sphère explicative, permet de comprendre dans sa totalité, la question du rebondissement des conflits fonciers après des séances de gestion (à Sinfra).

L'approche théorique qui sous-tend une telle réalité sociale, est la théorie constructiviste (Delcourt, 1991 ; Vellas, 2003 ; Bourdieu, 1972). En effet, cette théorie postule que pour comprendre un phénomène social donné, il faut recourir à des facteurs à la fois internes et externes aux consciences individuelles. Autrement, cette théorie recherche la réunion de facteurs endogènes et exogènes dans la compréhension d'un phénomène social donné.

Dans notre cas d'espèce, il est à noter que dans le terroir local ivoirien, en raison du culte rendu à la terre (prescriptions et interdictions), est accompagnée d'un certain nombre de rites agraires.Tout paysan est ou doit être conscient que la terre ne peut être consolidée, défrichée, labourée sans l'accomplissement préalable de pratiques propitiatoires susceptibles de lui assurer l'agrément des génies des lieux et esprits des ancêtres (Agnissan, 1997). La terre à Sinfra a donc des attributs sacrés et c'est à travers le non-respect des règles informelles de cette coutume(facteurs endogènes) d'une part et d'autre part par des implications collatérales (facteurs exogènes) au détriment de cette boussole ancestrale que l'on pourrait véritablement comprendre la genèse des obstacles liés à la gestion des conflits fonciers. Tenter donc de repositionner théoriquement ce sujet reviendrait à considérer la structure agraire et les mécanismes de gestion des conflits fonciers comme un système guidée par une norme sacrée dans lequel interagissent des difficultés. Ces difficultés à la fois internes et externes éclairent l'explication des conflits fonciers naissant des procédures de gestion.

Toutefois,il faut remarquer qu'en dépit des textes juridiques (loi n°98-750 du 23 Décembre 1998 et ses mesures d'accompagnement), des institutions régaliennes en charge du traitement des questions foncières, des Comités Villageois de Gestion Foncières Rurales, des conflits fonciers à Sinfra naissent et s'intensifient.Par

? Rechercher la relation entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs externes aux acteurs sociaux dans le département de Sinfra.

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conséquent, il parait important dans le cadre de la compréhension de ce sujet, d'identifier en amont les obstacles internes et externes à la gestion des conflits fonciers à Sinfra puis en aval, de rechercher les facteurs explicatifs de ces obstacles. C'est l'occasion ici de rappeler qu'un tel phénomène social (conflits fonciers) intéresse le champ social de la criminologie qui cherche à élucider le phénomène criminel quel que soit l'angle sous lequel il se présente.

Question principale

Pourquoi la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones échoue-t-elle dans le département de Sinfra ?

Questions secondaires

Existe-t-il une relation entre l'échec de la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones et les facteurs internes aux acteurs sociauxdans le département de Sinfra ?

Existe-t-il une relation entre l'échec de la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones et les facteurs externes aux acteurs sociaux dans le département de Sinfra ?

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote