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Enjeux de transition du tourisme aérien.


par Mélanie FAYARD
Institut Urbanisme et Géographie Alpine Grenoble - Master Tourisme Innovation Transition 2019
  

Disponible en mode multipage

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Mémoire de Master 2 Tourisme Innovation Transition 2018-19

MELANIE FAYARD | SOUS LA DIRECTION DE NICOLAS SENIL ET PHILIPPE BOURDEAU

Enjeux de transition du tourisme aérien

QUEL AVENIR POUR LES VOYAGES EN AVION FACE AU DEFI CLIMATIQUE ?

Déclaration sur l'honneur de non-plagiat

Je soussignée Mélanie FAYARD déclare sur l'honneur :

- être pleinement conscient(e) que le plagiat de documents ou d'une partie d'un document publiés sur toutes formes de support, y compris l'Internet, constitue une violation des droits d'auteur et un délit de contrefaçon, sanctionné, d'une part, par l'article L335-2 du Code de la Propriété intellectuelle et, d'autre part, par l'université ;

- que ce mémoire est inédit et de ma composition, hormis les éléments utilisés pour illustrer mon propos (courtes citations, photographies, illustrations, etc...) pour lesquels je m'engage à citer la source ;

- que mon texte ne viole aucun droit d'auteur, ni celui d'aucune personne et qu'il ne contient aucun propos diffamatoire ;

- que les analyses et les conclusions de ce mémoire n'engagent pas la responsabilité de mon université de soutenance ;

Fait à :

Le :

Signature de l'auteur du mémoire :

Remerciements

Je tiens à remercier en premier lieu M. Philippe Bourdeau pour la qualité du master TIT mis en place à l'Institut de Géographie Alpine. Merci d'accompagner les étudiants à mettre les choses en perspective et pousser plus loin leurs réflexions. Quelle richesse que de telles formations universitaires existent et quelle joie d'avoir pu y prendre part. Je tiens à remercier l'ensemble des intervenants et tout particulièrement Nicolas Senil.

Je remercie aussi mes collègues de promotion pour leur soutien, leur ouverture d'esprit et leur énergie. Charlotte, Marion, Valentine, Pauline et Lucie vous qui savez concrétiser de belles idées.

Merci également à l'agence Allibert trekking et au service des Alpes du Nord de m'avoir accueillie pour ces 6 mois de stage. Merci aux filles à Chamonix Lucie, Julie et Martine pour leur accueil chaleureux. Merci ensuite au service Alpes de Chapareillan, Olivier pour la confiance qu'il est capable d'accorder, Nina pour sa patience ainsi que les autres membres du bureau.

Merci aux personnes qui m'ont accordé du temps pour les entretiens et ont bien voulu répondre à mes questions.

Enfin, merci tout particulièrement pour leur soutien sans faille et leur joie de vivre communicative à Tim et Clara. Et un grand merci à ma famille.

Résumé

Nous vivons à une époque où acheter un billet d'avion ressemble bien souvent à s'offrir un ticket vers un bonheur assuré. Le voyage de manière générale, est largement associé à ce moyen de transport qui a permis, en moins d'un siècle à des millions de personnes de découvrir des territoires lointains, situés à plusieurs jours de voyage au siècle dernier.

Avant d'en arriver là, il a fallu rendre possible un des plus vieux rêves de l'homme : voler. Voler toujours plus loin, plus vite, plus nombreux, plus en sécurité ... Le développement du trafic aérien à profondément bouleversé le 21ème siècle, au niveau du commerce mais aussi au niveau touristique.

Aujourd'hui les constats alarmants du réchauffement climatique, de l'érosion de la biodiversité viennent remettre en question de nombreuses activités associées à la mondialisation. On dénonce de toutes parts, dans la rue comme dans les médias, l'inaction des gouvernements et le maintien d'un modèle économique de croissance infinie dans un monde fini. C'est ainsi assez logiquement que l'avion, objet de fascination, se retrouve propulsé en symbole d'un modèle du « toujours plus ». La pollution générée par le trafic aérien et les prévisions de croissance de ce dernier ont provoqué une réaction radicale chez certains, et fait naitre le mouvement Flyqskam : la honte de prendre l'avion. Ce mouvement a même conduit à une première : la baisse du trafic aérien en Suède. Alors qu'en est-il aujourd'hui, va-ton assister à un boycott du transport aérien ? Une telle institution peut-elle être ébranlée ?

Le travail suivant s'interroge sur ce sujet d'actualité qui prend racines en Suède et commence à se diffuser en Europe. Comment voyagent ceux qui ont dit non à l'avion ?

Dans ce contexte, les enjeux pour le transport aérien semblent lourds. L'amélioration des appareils et la compensation carbone sont pour le moment, les seules réponses concrètes apportées par le secteur. Comment ce dernier peut-il envisager sa transition sans remettre profondément en cause ses activités ? Ce mémoire donne des pistes pour y répondre.

Abstract

Nowadays, buying a plane ticket often looks like buying a ticket to happiness. Travel in general is widely associated with this mean of transport which has been, during this last century, enabling millions of people to discover distant territories, which were, until then, reachable in several days.

Before that, one of the oldest human dream became true : Flying . Flying always farther, faster,safer and ever more numerous. The development of air traffic deeply upsets the 21st Century in terms of trade as of tourism.

But today, alarming reports about global warming and biodiversity's erosion are challenging many activities associated to globalization. The inaction of governments and the maintenance of an economic model based on infinite growth in a finite world are denounced by people protesting and by media.

It is thus, quite obvious that the place, as an object of fascination, finds itself propelled as a symbol of « always more ».

Pollution generated by air traffic and forecasts of growth has raised a radical reaction for some, and thus gave rise to the « Flyqskam movement » : the shame of flying. This movement has even led to a first : the decline in air traffic in Sweden.

So what about today, would we attend an air transport boycott ? Could the institution be shaken ?

The following work looks at a current media topic of this summer 2019. It provides to have a closer look to the Flygskam movement, recently born in Sweden and starting to spread throughout Europe, and study how people said «no flights »?

In this context, air transport issues seem going heavier. For now, equipment improvements and carbon

offsetting are the only concrete answers provided by the sector.
How can the latter consider its transition without seriously wonder about its activities ? The following report tries to answer the matter.

Table des matières

Introduction 1

I. Contextualisation 4

A. La conquête du ciel 4

1. Voler ou le rêve d'Icare : approche symbolique 4

2. Historique de la conquête du ciel 5

3. Développement du trafic aérien et des aménagement associés 9

a) Le fret aérien 9

b) Les voyageurs 11

c) Les aménagements : les aéroports 12

4. Organisation générale 14

a) L'espace Aérien 14

b) Les compagnies aériennes 16

c) Les taxes 16

B. Le voyage en avion 18

1. L'avion comme véhicule vers l'exotisme 18

2. Les destinations touristiques redéfinies par l'avion 20

3. L'évolution du trafic aérien et l'avènement du low-cost 23

a) Fonctionnement du low-cost 23

b) Une réelle démocratisation ? 25

4. Les impacts des voyages en avion 26

a) Les impacts environnementaux 26

b) Les impacts sociaux 27

II. Une remise en question 29

A. Limiter l'impact de l'avion 29

1. Les perspectives techniques et économiques 29

III.

 
 

a) Les moteurs propres

b) Les bio carburants

c) La compensation carbone

29

30

32

 

2.

La voix des pouvoirs publics

34

B.

 

Ne plus voler

37

 

1.

Idéologie

37

 

2.

Diffusion du mouvement

38

 
 

a) La communauté scientifique

38

 
 

b) Les sports de nature

39

 
 

c) Les jeunes générations

40

 
 

d) Les mouvements citoyens

40

C.

 

Exemples concrets : ceux qui le font déjà

44

 

1.

La presse spécialisée

44

 

2.

Les voyageurs

45

D.

 

Analyse

46

 
 

Etude de cas Agence Allibert :

49

A.

 

Présentation générale d'Allibert trekking

49

 

1.

L'entreprise : histoire et activités

49

 

2.

Clientèle

50

 

3.

Le label ATR

52

 

4.

La compensation carbone volontaire

53

B.

 

Le tourisme aérien en question

54

 

1.

Note méthodologique :

54

 

2.

Positionnement du groupe Voyageurs du Monde

55

 
 

3.

Constat

57

 
 

a) Des voyages au long court

57

 
 

b) La destination avant tout

57

 
 

c) Tourisme responsable

57

 

4. Perception des changements 59

a) Au sein d'ATR 59

b) Sur les réseaux sociaux 59

c) En interne 60

5. Perspectives et propositions 61

a) Des voyages plus longs 61

b) Limiter les préacheminements 61

c) Renforcer l'offre locale 62

d) Se passer de l'avion : enjeux 63

C. Prospective 64

IV. Bibliographie 68

V. Table des illustrations 70

VI. Webographie 71

VII. Annexes 75

1

Introduction

Le travail suivant est consacré aux enjeux de transition du tourisme aérien. Deux domaines, deux activités humaines qui auraient pu ne jamais se mêler et qui, une fois combinées ont redessiné les contours sociaux et économiques de nombreux pays.

Le tourisme est un phénomène social assez récent à l'échelle de l'histoire. C'est en effet au 18ème siècle que l'aristocratie britannique lance la mode du « grand tour » qui veut envoyer la jeunesse (principalement masculine) en quête d'expérience et de connaissance du monde dans un objectif de pure oisiveté. L'objectif est à cette époque, de se démarquer de la bourgeoisie qui travaille, en consacrant son temps à des activités qui n'ont pas de rentabilité économique. Cette jeunesse dorée d'alors, parcours ainsi l'Europe. C'est de cette manière que vont émerger les premières « stations touristiques » dans les lieux fréquentés par ces voyageurs puisque les itinéraires sont bien souvent similaires. Les Alpes sont ainsi un lieu très visité. Autour de ces voyageurs d'un nouveau genre, vont se déployer progressivement les activités servant à leur accueil c'est-à-dire les hébergements, les restaurants, les transports etc ... Cette pratique reste toutefois tout à fait confidentielle puisque réservée à l'élite et pas forcément prisée du reste de la population. A cette époque « voyager » n'est pas forcément un but comme ce peut être le cas aujourd'hui. Le tourisme est ainsi inventé par ses pratiquants.

Deux siècles plus tard, le tourisme a radicalement changé de visage, il est devenu une industrie. Les distances parcourues par les voyageurs pour leurs vacances ont littéralement explosé et on revendique le droit aux vacances pour tous.

Si l'on veut parler à présent du tourisme aérien, il est dès les années 1920 une véritable révolution. En effet, l'avion redessine la carte du monde. Des territoires jusqu'alors lointains et exotiques deviennent accessibles en quelques heures. Une réelle fascination pour le voyage en avion nait alors, ce qui explique son succès grandissant années après années. Et l'on sait bien également, que voler a toujours été le rêve de l'homme, du mythe d'Icare aux machines de Léonard de Vinci, c'est au sein du 20ème siècle que le ciel va enfin être conquit. Et quelle conquête ! En 2017 on dénombre 36,8 millions de vols dans l'année. Ce sont ainsi de nombreux territoires et pays qui sont bouleversés par le tourisme qui devient massif. On pense à la Thaïlande, à Bali, aux Baléares ... ces endroits où les conséquences sociales et environnementales du tourisme de masse sont majeures. L'avion est donc l'étendard d'une certaine forme de tourisme, ou au moins en phase de le devenir.

2

Dans un contexte mondial de prise de conscience de l'urgence climatique, notamment des jeunes générations on dénonce de toutes parts les aberrations environnementales. Le trafic aérien fait partie des pratiques les plus polluantes. En effet, il connait une croissance exponentielle depuis les années 60 et il est responsable de diverses pollutions comme l'émission de gaz carbonique, d'oxydes d'azote, de monoxyde de carbone ou encore de particules fines. Au-delà de la production de gaz à effet de serre, le transport aérien a d'autres conséquences comme la pollution sonore ou les aménagements terrestres importants.

Longtemps associé aux paysages de rêves, à l'exotisme et aux vacances de manière générale l'avion est l'élément indispensable d'un beau voyage (voir DU voyage). Et pourtant, face aux enjeux climatiques cette pratique semble être remise en question. On voit émerger, notamment en Suède des mouvements qui veulent dire non à l'avion. Nommé « Flygskam » littéralement honte de voler ces mouvements semblent s'amplifier. La presse est en plein boom sur ce sujet et cette tendance se diffuse en France également. Quelques compagnies aériennes font faillite, le trafic aérien semble ralentir en Suède. Serions-nous à l'aube d'un changement de comportement, comment le tourisme aérien peut-il aborder la transition écologique ?

Lorsqu'on regarde la presse, les témoignages sont nombreux et le phénomène semble s'intensifier. Parti de Suède, pays qui a introduit il y a un an une taxe sur le trafic aérien, l'idée de ne plus prendre l'avion par conscience écologique se heurte vite à la réalité : pour des voyages intra-européens, voyager en train est plus long mais surtout plus cher que l'avion.

Face à ce constat, les opérateurs touristiques ont certainement du souci à se faire puisqu'ils vivent du voyage en avion. Comment peuvent-ils aborder ce virage ? De nombreuses questions sont à poser afin de comprendre comment un opérateur touristique peut se saisir de cette mouvance ? Comment même, dans un esprit d'innovation peut-il imaginer l'accompagner ? En effet, pour le moment certains Tour Operator comme Allibert trekking compensent les émissions carbones des clients, mais comment fonctionnent exactement ces compensations ? Elles ne semblent pas faire l'unanimité.

En s'appuyant sur une étude de cas au sein de l'entreprise Allibert trekking, je souhaite comprendre comment peut être abordée cette transition. Cette étude de cas devra permettre de saisir quelles sont aujourd'hui les alternatives à l'avion, comment elles sont organisées et rendues accessibles aux clients.

La question du voyage en avion est au coeur de l'actualité. Depuis le début de cette étude en avril 2019 le nombre d'articles de presse, d'émissions de radio ou de reportages sur le sujet a littéralement explosé. Au-delà d'un simple moyen de transport l'avion semble se positionner en symbole d'un

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modèle qui pour certains conduit le monde vers l'effondrement. Réimaginer le temps des vacances, questionner son lieu et sa durée, reviendrait à questionner profondément notre rapport au temps « vacant » et par conséquent aussi notre rapport au temps qui n'est pas vacant, à savoir celui du travail.

Ce mémoire est organisé en trois grandes parties :

· Une première de contextualisation afin de cerner les enjeux du tourisme aérien, qu'ils soient symboliques, économiques ou sociaux. Cette première partie s'appuie surtout sur des données chiffrées, des études scientifiques et des articles parus dans des revues spécialisées.

· La seconde partie est une analyse d'un corpus d'articles de presse sur le sujet, qui n'est pas exhaustif étant donné la masse considérable d'articles parus ces derniers mois. En termes de méthodologie, j'ai lu une grande quantité d'articles pour ne garder que les plus intéressants. Je les ai ensuite regroupés par thématiques afin de les analyser. La plupart de ces articles ont été consultés en ligne, sur les sites des médias en question. L'ensemble des sources se trouvent en fin de mémoire, en bibliographie et webographie.

· Enfin la dernière partie est consacrée à l'étude de cas de l'agence Allibert Trekking dans laquelle j'ai effectué mon stage.

I. Contextualisation

A. La conquête du ciel

Afin de mesurer toutes les dimensions des voyages en avion il est important de prendre du recul et de reconsidérer le fait même de voler. Se déplacer dans les airs est très longtemps resté pour l'homme, un rêve inaccessible. Fantasmée dans les imaginaires puis réalisée grâce à l'ingéniosité des inventeurs, la conquête du ciel prend ses racines dans les mythologies les plus anciennes avant d'aboutir à l'avènement des avions le siècle dernier, revenons sur cette fabuleuse histoire.

1. Voler ou le rêve d'Icare : approche symbolique

On dit souvent que voler est le plus vieux rêve de l'homme. On retrouve cette fascination au travers de nombreux mythes, personnages imaginés ou constructions. Commençons par en évoquer certaines.

· Dans la mythologie grecque, l'histoire d'Icare évoque déjà la fascination pour le vol. « Icare et son père Dédale, voulaient s'échapper de l'île où le roi Minos les avait emprisonnés. Dédale fabriqua des ailes avec des plumes et de la cire. L'ingénieux mécanisme fonctionna, Icare et Dédale s'envolèrent. Avant de s'enfuir, Dédale recommanda à son fils de ne pas voler trop haut, afin que les ailes ne se détachent pas, la colle fondant sous l'effet du soleil. Mais Icare, grisé par le fait de pouvoir voler, oubliant les recommandations de son père, s'éleva de plus en plus haut, au point que les rayons du soleil firent fondre ses ailes, il tomba dans la mer et périt. »1

Dans ce mythe la voix des airs est une échappatoire, la seule solution face à une situation inextricable, matérialisée par le labyrinthe. La quête de liberté est interrompue brutalement par la chaleur du soleil qui brise les ailes d'Icare pourtant mis en garde par son père. Sa fascination pour le soleil aura eu raison de lui.

· Dans diverses religions on retrouve des créatures ou divinités qui peuvent voler. De manière générale le ciel est bien souvent le domaine des Dieux : ceux de l'Olympe chez les grecs, Asgard dans les religions slaves, le paradis dans la religion chrétienne. Les créatures ailées sont des liens entre le monde des hommes et celui des dieux. Odin est figuré par un corbeau, les anges

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1 https://culture.tv5monde.com/livres/la-mythologie-grecque-en-video/le-mythe-de-dedale-et-icare

et archanges de la chrétienté portent des attributs d'oiseaux. Le ciel, parce qu'inaccessible à l'homme est un espace sacré et vénéré.

· Le cerf-volant est vraisemblablement un des premiers objets volants. Il nait en Asie il y a environ 2500 ans. Il a un aspect esthétique, religieux et récréatif, mais surtout relie aux esprits. Il arrivera en occident au retour d'Asie de grands explorateurs comme Marco Polo. Le cerf-volant a pu avoir des applications militaires mais surtout, en étant l'un des premiers objets volants il a inspiré chercheurs et inventeurs dans la conquête du ciel.

Nous avons évoqué ici en guise de contextualisation symbolique, quelques un des très nombreux aspects du ciel, du vent et du désir de l'homme d'être capable de voler. Voler symbole de liberté, de légèreté voire de plénitude. A Saint Clément en Ardèche, il existe même une école ou l'on peut apprendre à voler, il s'agit de L'école du vent2, espace poétique ou le visiteur est invité à laisser vagabonder son esprit au grès du vent, entre imaginaire et réalité.

De manière plus terre à terre, l'homme a finalement réussi ce pari fou : voler dans les airs. Pas exactement comme un oiseau au temps des premiers rêves mais grâce à la fabuleuse aventure technique de l'aviation. Revenons à présent sur cette odyssée des temps modernes.

2. Historique de la conquête du ciel

La conquête technique du ciel est une histoire en elle-même avec ses héros, ses rebondissements, ses échecs, ses surprises et ses réussites. Cette histoire, ou plutôt cette épopée peut se résumer en 6 temps forts, comme le décrit Jean Hubert dans son ouvrage Chroniques de la navigation aérienne (HUBERT, 1987).

· Le temps des rêves

Voler comme un oiseau est un rêve universel. C'est ainsi assez logiquement que dans l'objectif de voler, l'homme tente dans un premier temps d'imiter les oiseaux. Au 14ème siècle les machines imaginées par Léonard De Vinci sont conçues sur le concept des ailes battantes. Mais comme on le sait, elles ne parviendront jamais à voler. Ce n'est qu'en 1665 que le mathématicien physicien anglais Robert Hooke établit que le vol humain sans moteur est impossible.

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2 http://www.ecole-du-vent.com/accueil-actualites/

· 6

Les premiers vols

En France, au XVIIème siècle, deux ardéchois vont révolutionner la conquête des airs : les frères Montgolfier. Ils sont à l'origine, des bourgeois oeuvrant dans la papeterie à Annonay. En 1783, inspirés par des morceaux de papier s'envolant en brulant dans un feu, ils conçoivent un premier aérostat qui, rempli d'air chaud s'élève majestueusement dans le ciel Ardéchois. L'année suivante un ballon survole Paris avec à son bord des animaux (mouton, coq et canard) qui reviendront sains et saufs de leur voyage : c'est le premier voyage aérien d'êtres vivants. En 1784 la première ordonnance de police française relative à la réglementation aéronautique est rédigée. S'ensuivent des vols transportant des personnes et l'expansion en Europe puis en Amérique du concept : la montgolfière est née. L'histoire raconte qu'en 1791, en pleine révolution française la déclaration des droits de l'homme et du citoyen est déclamée dans un ballon à 12 000 pieds du sol et des exemplaires papier sont jetés depuis la nacelle, c'est la première diffusion de publicité aérienne. L'intérêt militaire des choses aériennes fait vite son apparition, à des fins de surveillance comme de déplacements stratégiques. La première école nationale de l'aérostation voit le jour à Meudon en 1794.

Sous le second empire, les dirigeables s'améliorent et l'on voit également apparaitre des prototypes plus lourds que l'air (qui ne volent pas encore). La première revue dédiée à l'aviation « l'Aéronaute » voit le jour. Les applications militaires des aéronefs se multiplient avec la guerre de 1870, la filière se construit et s'organise.

Une fois la paix revenue, la troisième république va connaître l'essor de la navigation aérienne. On réalisera à ce moment le premier vol en dirigeable avec retour au point de départ. Ces dirigeables sont équipés de moteurs. Clément Ader, un industriel français construit des prototypes inspirés de la morphologie des chauves-souris et équipés de moteurs à vapeur qu'il baptisera avions, le mot est né. Vers 1900 apparaissent des engins tentant de pratiquer le vol plané avec plus ou moins de succès et plus ou moins de casse. En 1905 en France comme aux Etats-Unis les premiers avions équipés de moteurs (Peugeot pour la France) parviennent doucement à décoller et à voler. D'innombrables tentatives, d'innombrables courageux...

En 1908 la radioélectricité rejoint l'aéronautique : une première liaison radio est établie entre un appareil et le sol. En 1909 Blériot réalise la première traversée de la Manche. C'est aussi en 1909 que les premières excursions en transport aérien sont proposées par la compagnie générale Transaérienne. Des cartes aériennes font aussi leur apparition. S'ensuivent les premiers meetings aériens, les premières liaisons radio, c'est une véritable aventure nationale et tout, autour de l'aéronautique se développe.

·

7

La première guerre mondiale

Elle éclate en 1914 lorsque l'Allemagne déclare la guerre à la Russie puis à la France. Ensuite l'Angleterre s'en mêle et c'est toute l'Europe qui s'embrase. L'Allemagne utilise des zeppelins pour bombarder des villes comme Liège en 1914. De manière générale les avions, hydravions et dirigeables sont utilisés à des fins militaires et énormément améliorés. De nombreux avions sont construits, de nombreux pilotes sont formés et au sortir de la guerre en 1918 l'armée met en place les premières lignes postales. En 1919 la Compagnie des messageries aériennes est créée. Les avions sont également utilisés pour ravitailler les villes bombardées, c'est la naissance du fret aérien. Des vols de transport de passagers apparaissent entre Paris et Londres, Paris et Bruxelles. Ils transportent alors une dizaine de personnes. L'aéroport du Bourget fait son apparition en 1919.

· L'entre-deux guerres

Raymond Poincaré, président de la république française crée en 1919, l'Organisme de Coordination Générale de l'Aéronautique (OGCA) dans l'idée que la navigation aérienne s'organise dorénavant au service de la paix. Les aérodromes se multiplient, les liaisons s'allongent, les compagnies aériennes se développent et l'Atlantique est traversée. La filière se structure, s'organise et se normalise tandis que les avancées technologiques s'enchainent, notamment avec la TSF (télégraphie sans fil) qui se perfectionne. Comme on peut le voir dans le tableau suivant, entre 1920 et 1930 le nombre de passagers transportés est multiplié par 20, le fret (la poste uniquement à l'époque) est lui multiplié par 50 en termes de KG transportés. Les lignes régulières se déploient dans les colonies françaises avec par exemple dans les années 30 un départ pour Saïgon tous les 15 jours.

Figure 1 Statistiques du trafic aérien 1930, tiré de Jean Hubert, Chronique de la navigation aérienne.

· 8

La seconde guerre mondiale

En 1939 alors que la seconde guerre mondiale éclate, la flotte d'Air-France et son personnel passent au service des armées. Les avions, produits en masse et les technologies radiographiques sont largement utilisés à des fins militaires. Le monde de l'aéronautique est à l'image de la France : divisé par le régime de Vichy. Le 7 décembre 1941 c'est Pearl Harbor : bombardement aérien massif des forces armées japonaises sur une base américaine et le monde entier bascule dans la guerre. En France, la résistance s'organise également dans le milieu de l'aviation puisqu'il a été quasiment intégralement militarisé. Cela reste encore bien visible par la suite, les pilotes et commandants de bord sont toujours rattachés à l'armée et en uniforme. A la libération en 1944 de nombreux progrès technologiques ont été réalisés du fait de la guerre. En revanche les infrastructures terrestres sont ravagées.

· L'aviation moderne

Au sortir de la guerre, l'aviation mondiale veut se structurer et établit la convention internationale de l'aviation civile à Chicago en décembre 1944. A travers le monde, les installations détruites par la guerre sont rebâties et de nouveaux aéroports sont construits. L'objectif est à présent de gagner en efficacité. Le temps des grands raids et des explorations est révolu, le temps est à l'augmentation des capacités et des distances parcourues sans escale. Le personnel se professionnalise également et la formation est normalisée. En 1948 les premières promotions de l'école nationale de l'aviation civile gagnent les salles de classes à Orly dans des baraquements provisoires. C'est l'effervescence des aérodromes qui se multiplient sur tout le territoire. La filière industrielle n'est pas en reste : améliorations des appareils, apparition de la VHF (Very High Frequency), puis des radars, des tours de contrôle, des systèmes de guidages et des améliorations des prévisions météo. Tout s'automatise, tout s'accélère et les écrans apparaissent dans les années 70. En 1975 c'est l'ouverture de l'aéroport de Lyon Satolas qui remplace le vieux Bron. A partir des années 80, l'aviation civile va prendre un essor incroyable et mondialisé. Grâce aux écrans, les pilotes sont largement plus assistés et ont en permanence accès à de très nombreuses informations. Les avions de ligne sont à présents capables de transporter plusieurs centaines de passagers et ont une autonomie de plus de 10 000 km. Boeing et Airbus apparaissent comme les deux fabricants principaux à l'échelle mondiale.

Le nombre de voyageurs transportés passe de 310 000 000 en 1970 à près de 4 milliards en 20173.

3 https://donnees.banquemondiale.org/indicator/IS.AIR.PSGR?end=2017&start=1970&view=chart

9

Les avions sont de plus en plus performants, et le prix de revient est de moins en moins élevé, ce qui va multiplier le nombre de voyageurs, mais nous en reparlerons.

3. Développement du trafic aérien et des aménagement associés

L'avion est devenu un moyen de transport de premier plan. Il permet de transporter des voyageurs mais aussi des marchandises. Ce trafic est rendu possible par les avions en eux-mêmes mais également par les aménagements indispensables à l'organisation de ce moyen de transport international.

a) Le fret aérien

Nous l'avons vu dans l'historique, l'aéropostale a très vite utilisé le transport aérien. En effet, il s'agissait là d'un moyen efficace de transmettre une lettre ou un colis vite et loin. Depuis les années 1980 le transport aérien de marchandises a connu une croissance exponentielle. Selon les statistiques mondiales de l'aviation civile de l'Organisation de l'aviation civile et internationale (OACI), le fret aérien, mesuré en tonnes-kilomètres parcourus est passé de 15 570 tonnes kilomètres en 1973 à 213 590 tonnes kilomètres en 2017 (soit multiplié par 14).

Figure 2 Fret aérien en millions de tonnes-kilomètres, données de la banque mondiale, 2017.

10

Jusqu'au début des années 1990 l'augmentation du fret aérien concerne principalement l'occident avec un développement important en Europe ou aux Etats-Unis. Par la suite, comme on le voit sur la carte ci-dessus4 représentant l'augmentation annuelle du fret aérien en millions de tonnes-kilomètres, on voit apparaître un important fret aérien depuis la Chine. Cela s'explique par la nature des biens transportés. Il s'agit surtout de bien liés aux nouvelles technologies, achetés le plus souvent en ligne.

Dans un rapport du groupement High Level Group (regroupant l'IATA International Air Transport Association, l'ICAO International Civil Aviation Organisation l'ACI Aeroport Council International, CANSO Civil Air Navigation Service Organisation et l'ICCAIA International Coordinating Council of Aviation Industries Associations) intitulé Aviation Benefits (IHLG, 2017) (que nous citerons à de nombreuses reprises dans la suite de travail) et datant de 2017, on apprend que le fret aérien est un vecteur indissociable du e-commerce. En effet l'avion permet des livraisons ultra rapides. Les biens transportés en avion sont plutôt des biens ayant une forte valeur commerciale puisqu'ils représentent 35% du volume en termes de valeur marchande pour 0,5% du volume physique. Selon le rapport, la croissance du volume du fret aérien entraîne de meilleures industries de productions et des consommateurs plus confiants. Également, le fret aérien permet à des petites et moyennes entreprises de développer exponentiellement leurs marchés en allant chercher des clients sur la planète entière, et potentiellement devenir des firmes multinationales. Le fret aérien permet également l'acheminement de produits ultra frais, « exotiques » comme des fleurs ou des animaux vivants. Le fret aérien transporte 82 % du flux B2C (Businnes to consumer) du e-commerce (achats en ligne) surtout dans le domaine du high-tech et de l'électronique5. L'augmentation estimée de ce volume pour 2025 est de 91%. Le transport aérien de marchandises semble ainsi promis à un bel avenir.

Dans leur Memorandum of Understanding l'UNECE (United Nations Economic Comission for Europe)6 et l'IATA souhaitent mettre en évidence l'intérêt économique du fret aérien. A leurs yeux il est facteur de croissance et de richesse. Il permet des échanges de biens plus rapides et plus nombreux, répondant ainsi à la demande du consommateur. La charte signée en 2015 par les deux organisations veut promouvoir un transport aérien mondialisé comme une belle opportunité pour les pays émergents de

4 https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/IS.AIR.GOOD.MT.K1?end=2018&start=1960&view =chart

5 https://www.icao.int/Newsroom/Pages/FR/Continued-passenger-traffic-growth-and-robust-air-cargo-demand-in-2017.aspx

6 https://www.unece.org/fileadmin/DAM/cefact/mou/MEMORANDUM OF UNDERSTANDING IATA UNECEFinal.pdf

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développer l'économie, créer de la croissance et des emplois. De nos jours environ 1/3 du commerce mondial par la valeur est transporté par voie aérienne. Cela laisse les 2/3 restant potentiellement transportables plus rapidement et plus loin.

Dans un rapport de 20097 l'IATA expose des données sur le Fret aérien et le décrit comme un indicateur fiable et précis du marché mondial des biens. L'organisme va même plus loin en exposant que le fret aérien permet de sentir avec quelques mois d'avance les fluctuations du marché mondial. En effet le transport aérien est plus coûteux que les autres modes de transport, il est aussi plus rapide. Pendant une récession, les firmes ne vont pas choisir ce mode de transport. En revanche lorsque celui repart c'est signe qu'une période croissance globale est enclenchée.

b) Les voyageurs

En 1987 on dépassait la barre symbolique d'1 milliard annuel de passagers en avion. Sur l'année 2017, ce nombre a atteint 4,1 milliards. Ce chiffre est en hausse de 7,1 % par rapport à l'année 2016. (IATA, 2018) L'augmentation du trafic aérien est considérée par certains comme contribuant aux objectifs de développement durable du programme 2030 des Nations Unies. Selon la secrétaire générale de l'OACI, Mme Fang Liu en 20188 (IATA, 2018) le trafic aérien offre la possibilité de « tirer toute une génération de la pauvreté ».

En 2017, la moitié des 1,2 milliards de touristes ayant franchi une frontière internationale l'a fait par avion. On constate que la croissance des voyages va de pair avec la croissance mondiale et que l'augmentation du nombre annuel de voyages est corrélée avec les fluctuations du PIB. En 2016 et 2017 les tarifs aériens plus bas ont stimulés le secteur. Les statistiques permettant d'évaluer le trafic aérien sont mesurées en PKP (Kilomètre Payant par Passager). La carte suivante est tirée de l'OACI qui est une Institution spécialisée des Nations Unies, créée en 1944 pour promouvoir le développement sûr et ordonné de l'aviation civile internationale dans le monde. Cette carte présente le pourcentage de croissance en PKP sur la planète en 2017. La croissance mondiale est de 8 % de PKP c'est-à-dire très forte. La plus forte croissance revient à l'Amérique latine et centrale. Les Etats-Unis

7 https://www.iata.org/publications/economic-briefings/Air freight and world trade.pdf (PEARCE, 2009)

8 https://www.icao.int/Newsroom/Pages/FR/Continued-passenger-traffic-growth-and-robust-air-

cargo-demand-in-2017.aspx

ont une croissance moins élevée car leur nombre de voyageurs est déjà important. Les compagnies à faibles coûts (LLC) ont une croissance encore plus rapide et représentent 30% du trafic aérien mondial (35% d'entre elles sont Européennes).

Figure 5 Croissance globale du nombre de passagers en PKP en 2017

Selon le site Planetoscope9 « En 2017, l'Agence de Sureté Nationale a enregistré 36,8 millions de vols, l'équivalent de 1,16 vol chaque seconde (compteur) réalisés par quelque 27.000 avions de ligne. C'est la première fois qu'on dépasse le nombre de 4 milliards de passagers transportés par l'aviation civile dans le monde : autrement dit, 127 passagers prennent l'avion chaque seconde dans un aéroport. »

Le site internet Flightradar24 recense en direct tous les avions commerciaux en vol et nous apprend le 29 juin 2018 que le record absolu de 200 000 avions sur une même journée a été franchi.

Ce record devrait devenir monnaie courante à l'avenir quand on sait que le trafic aérien devrait doubler d'ici 2040 pour atteindre 8 milliards de passagers annuels.

c) Les aménagements : les aéroports

L'augmentation du nombre de passagers et du nombre de vols ainsi qu'un secteur toujours en croissance implique forcément des aménagements conséquents. En effet les aéroports doivent être en mesure de recevoir et diffuser ces flux.

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9 https://www.planetoscope.com/Avion/109-vols-d-avions-dans-le-monde.html

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Au sein des infrastructures aéroportuaires cela implique un nombre suffisant de pistes, de terminaux, de personnel qualifié, d'infrastructures d'accueil, de ravitaillement mais également de voix d'accès. Les aéroports doivent ainsi être en mesure de gérer des flux de voyageurs de plus en plus importants. Comme on peut le voir sur le graphique suivant tiré d'un article de février 2016 publié sur le site Transport et distribution10, la capacité de certains grands aéroports est parfois atteinte voir dépassée. De nombreux projets de construction ou d'agrandissement sont en cours : 3 supers projets à Pekin, Istanbul et Dubaï avec des aéroports imaginés pour accueillir entre 100 et 160 millions de passagers par an. L'aéroport de Bali a une capacité de 20 millions de passagers par an (pour une population de 4 millions d'habitants).

Figure 8 La capacité d'accueil des aéroports face au trafic aérien

Au-delà d'un simple aménagement l'aéroport « excite l'imaginaire tout en incarnant symboliquement une ville et son pouvoir, effectif ou prétendu » nous dit Catherine Cochard dans le journal suisse Le Temps en février 201711. C'est un peu la course au gigantisme puisque la première impression de ces voyageurs venus de l'autre bout du monde est un enjeu capital. L'aéroport est un lieu idéalisé, l'endroit d'où on imagine l'aventure commence, le temps des vacances et du plaisir.

10 http://transport.sia-partners.com/face-la-croissance-du-trafic-aerien-les-grands-projets-dinfrastructures-des-aeroports

11 https://www.letemps.ch/lifestyle/aeroports-cites-nuages

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4. Organisation générale

a) L'espace Aérien

Chaque pays est souverain de son espace aérien selon la convention de Chicago de 1944. Ainsi en France la direction des services de la Navigation aérienne (DSNA), (qui dépend du ministère de la Transition écologique et solidaire) est le prestataire civil de services de navigation aérienne. Le rôle de ce service public est de coordonner l'espace aérien français. Les clients de la DSNA sont directement les compagnies aériennes françaises et étrangères. Depuis les années 90 en Europe, différentes procédures de libéralisation du ciel ont été mises en oeuvre.

A l'échelle Européenne on peut citer le FABEC : dispositif européen souhaitant regrouper les services de navigation aérienne de plusieurs pays afin d'homogénéiser les pratiques et développer le secteur. Il regroupe pour le moment 6 états et constitue l'espace aérien le plus fréquenté au monde. On peut également évoquer les accords bilatéraux « Open Skies » signés en 2008 et permettant d'établir des liaisons entre Etats-Unis et Europe dans une logique de libéralisation.

De nombreux autres accords du même ordre ont été conclus par les Etats-Unis avec l'Argentine, le Ghana ou encore Dubaï.

Comme le disait Nadine CATTAN dans son article Le monde au prisme des réseaux aériens « l'observation de la dynamique du trafic aérien sur les vingt dernières années montre une certaine augmentation de la polarisation du trafic renforçant le poids de l'anneau d'or qui ceinture la planète dans son hémisphère Nord » (CATTAN, 2004).

Comme on le voit sur la carte suivante issue de l'ouvrage La mondialisation : Genèse, acteurs et enjeux de Laurent Carroué (CARROUE, 2009), la majorité des flux aériens est concentrée sur l'hémisphère Nord. On voit également émerger des Hubs, c'est-à-dire des pôles qui concentrent le trafic aérien, que les flux de passagers et de marchandises. Ces hubs sont des grandes capitales politiques (Londres, ou Tokyo) ou encore des centres majeurs de la finance et des affaires (Francfort ou Hong-kong). Cette polarisation s'est renforcée entre 1980 et 2000 comme le déclare Nadine CATTAN en 2004 « Il y a 20 ans, les structurations du réseau aérien mondial renvoient à des organisations plus multipolaires du système que ne le fait la situation actuelle. » (CATTAN, 2004)

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Figure 11 Un système très polarisé de hubs et de flux

Nous ne sommes pas dans une logique de maillage du réseau mais bien de développement en étoiles autour de centres. Cette organisation a des conséquences en matière d'aménagement du territoire mais aussi en matière de répartition des flux. Ces concentrations humaines en des points donnés ont également des répercutions sociales. L'ouverture d'un nouvel aéroport ou l'augmentation de la capacité d'un aéroport existant a des conséquences énormes sur le territoire où il est implanté. On évoquera plus loin l'exemple des Maldives.

Attention toutefois à ne pas penser que l'ensemble des flux aériens est concentré dans l'hémisphère Nord. Cette vision un peu occidentalo-centrée pourrait induire de fausses représentations. Selon Nadine CATTAN, si l'on considère les pôles en termes de flux (position dans le réseaux mondial, pôle recevant les flux d'autres pôles) et non en termes de volume, on identifie 23 pôles au niveau mondial comprenant Mexico ou Abu-Dhabi au même titre que Paris ou New-york. (CATTAN, 2004)

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b) Les compagnies aériennes

Le paysage formé par les compagnies aériennes est multiple et complexe. Chacune d'elles est rattachée à un pays mais peut être possédée par plusieurs pays ou un pays différent de celui auquel elle est rattachée, ou également par des acteurs privés. De plus, une compagnie aérienne peut posséder directement ses avions mais aussi les louer, tout comme elle peut sous-traiter l'intégralité des services inhérents à son activité, du ménage des cabines à l'entretien technique des appareils.

On peut quand même affirmer que les entreprises aériennes sont toujours des sociétés importantes par l'investissement nécessaire pour l'achat du capital. La plupart des pays du monde ont une compagnie qui leur est historiquement ou symboliquement rattachée. Air France dans notre pays, KLM aux Pays-bas ou encore Lufthansa en Allemagne. Si ces compagnies ont été à l'origine ou dans leur histoire possédée par leur pays d'origine, on ne peut plus dire que ce soit encore la règle aujourd'hui. Sans entrer dans le détail de cet univers très complexe, on peut parler rapidement d'Air France, possédée à 94% par l'Etat Français en 1994 elle est aujourd'hui aux mains de divers investisseurs français et étrangers. Pourtant, comme le décrit Jean-Jacques LECAT dans son article La propriété et le contrôle des compagnies aériennes, le cas d'air France (LECAT) la valeur symbolique et la charge émotionnelles de cette compagnie « pavillon » est très importante dans le paysage politique car on l'envisage toujours comme attachée à l'Etat. L'environnement des compagnies aériennes est pourtant ultra libéralisé, ouvert à la concurrence et mondialisé.

Les compagnies aériennes constituent un domaine rentable, comme le décrivent les chiffres de l'ICAO « le transport aérien termine l'année 2017 avec un autre bénéfice d'exploitation record, soit 60 milliards USD et une marge d'exploitation de 8 %. Le bénéfice net des compagnies devrait s'établir à quelque 36 milliards USD, dont près de 45 % devraient provenir des transporteurs de l'Amérique du Nord. »12

c) Les taxes

Il existe différentes taxes dans le domaine du transport aérien. Tout d'abord nous évoquerons la convention de Chicago de 1944 qui pose les bases de l'organisation actuelle. Nous évoquerons ensuite la TVA appliquée au secteur, la taxe sur les billets d'avions en France dite taxe Chirac puis enfin la toute récente taxe mise en place par le gouvernement Macron.

12 https://www.icao.int/Newsroom/NewsDoc2018fix/COM.01.18.FR.pdf

·

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La convention de Chicago définit le premier cadre du trafic aérien mondial et est ratifiée le 7 décembre 1944, à la sortie de la seconde guerre mondiale. Ce contexte bien particulier donne le ton des premiers mots du texte « The future development of international civil aviation can greatly help to create and preserve friendship and understanding among the nations and people of the world, yes its abuse can become a threat to general security » (Convention on International Civil Aviation, 1944)

C'est ce texte, toujours en vigueur aujourd'hui qui définit la taxation du carburant des avions dans l'Article 24 : « Fuel, lubricating oils, spare parts, regular equiment and aircraft stores (...) shall be exempt from customs duty, inspection fees or similar national or local duties and charges » (Convention on International Civil Aviation, 1944) En résumé, pas de taxe sur le fioul lourd des cargos et le kérosène des avions puisque l'on veut favoriser l'expansion du secteur. Cette décision a été prise par les 191 états membres de l'OACI et seul un vote unanime de ces mêmes états pourrait remettre en cause cette clause. Cette convention ne vaut que pour les vols internationaux, comme le rappelle Claudia Cohen dans son article de novembre 2018 (COHEN, 2018).

· En France le taux de TVA pour l'achat des billets tous moyens de transport confondu est de 10%. Ce taux est le même pour les billets de bus, de train ou d'avion mais uniquement pour les vols domestiques c'est-à-dire en France. Pour les vols internationaux et intra-européens le taux de TVA est de 0. Cette situation trouve son origine dans une directive européenne de 1977 prévue à l'origine pour être provisoire. Cette exemption de TVA signifie que les compagnies peuvent être remboursées de la TVA pour achat de biens et service liés à l'activité. Selon le rapport « Les aides au transport aérien » publié en 2015 par Réseau Action climat ce taux de TVA à 0 représente un manque à gagner de 10 millions d'Euros par an.

· La taxe sur les billets d'avions dite « taxe Chirac » a été mise en place en France en 2006. L'objectif est de constituer un fond pour « rendre accessible les soins aux plus défavorisés de la planète, et lutter contre le sida, le paludisme, la tuberculose » comme nous le décrit cet article de l'Obs (l'Obs, 2013). A son lancement en 2006, Jacques Chirac souhaitait que l'initiative soit suivie par d'autres pays. Finalement la France reste le premier contributeur et les réalisations ne sont pas nombreuses. Cette taxe ne fait pas l'unanimité et n'est pas considérée comme une grande réussite.

· Très récemment, en juillet 2019 une nouvelle écotaxe a été décidée en France. Elle concernera dès 2020 tous les billets d'avions vendus pour des vols au départ de la France. Cette mesure sera intégrée au projet de lois finances de 2020. Le montant de la taxe sera compris entre 1,5 et 18 euros par billet, et devrait rapporter 180 millions d'euros par an

destinés à financer des infrastructures de transport plus écologiques comme le train. Cette taxe a été assez mal perçue de la part des compagnies aériennes, notamment Air France comme le décrit un article du Monde de juillet 2019 (AFP, 2019). La compagnie s'inquiète en effet que cette taxe aille à contre-sens de la transition écologique en empêchant notamment la compagnie de renouveler sa flotte.

B. Le voyage en avion

Le voyage en avion a ouvert les portes à de nouvelles possibilités : des voyages plus rapides, plus lointains, plus faciles. Nous avons évoqué la symbolique de l'aéroport comme un lieu idéalisé, une porte d'entrée vers un monde parfait : celui des vacances ! Et quel véhicule mieux approprié pour accéder le plus rapidement possible à cet Eden que l'avion ? C'est en tous cas l'image qui lui a été associée par les divers voyagistes vantant plages de rêve ou jungle paradisiaque à portée de main, loin du quotidien grisonnant du temps occupé par le travail.

Figure 12 Publicité Air France 1930

1. L'avion comme véhicule vers l'exotisme

Aux prémices de l'expansion du tourisme aérien, l'avion est un véhicule vers l'exotisme. La France et l'Europe dans les années 1930 ont encore des colonies. Ces espaces sont idéalisés et symbole d'exotisme. Leur image est souvent véhiculée via des clichés reprenant les traits les plus marquants d'une culture ou d'un pays. Les compagnies aériennes vont très vite se saisir de ces symboles pour leurs campagnes publicitaires. Comme on le voit sur les publicités d'Air France dans les années 193013. L'avion devient symbole de liberté permettant d'accéder à contrées lointaines fantasmées dans la littérature ou réservées aux pionniers et aux explorateurs. Un voyage historiquement long et éprouvant est ainsi à la portée de tous.

Cette image d'exotisme évolue au fil du siècle et les publicités des compagnies aériennes vont aujourd'hui être plus orientées vers

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13 https://www.laboiteverte.fr/anciennes-affiches-air-france/

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l'offre spécifique de la compagnie. Etant donné l'offre aérienne variée tant en termes de prix que de destinations, la publicité choisit ses cibles.

Des compagnies longs courriers vont continuer de véhiculer une image d'exotisme, en utilisant des symboles mais en spécifiant une image de luxe par exemple (si c'est le créneau de communication de la compagnie). On le voit dans cette récente campagne publicitaire d'Air France14, l'image du Mexique est symbolisée par une femme vêtue d'une robe colorée et de bijoux voyants, une image presque folklorique mais avec un côté moderne. Ici, la publicité vante les voyages au Mexique et utilise la figure d'une personnalité emblématique du pays : Frida Kahlo. Dans tous les cas, le monde atteignable grâce à l'avion est plus beau que celui du quotidien.

Figure 13 Campagne publicitaire Mexique, Air France 2019

Autre exemple avec la compagnie Hop ! filiale d'Air France spécialisée sur les vols intérieurs qui va miser sur la rapidité de ses trajets. L'idée de ces publicités15 est de montrer que l'avion peut modifier la géographie en rendant accessible rapidement des destinations. Cette idée peut même évoquer la notion physique (et fictionnelle) de trou de ver. Le « wormhole » est un objet hypothétique qui serait un raccourci à travers l'espace-temps et permettrait de rapprocher deux feuillets distincts du temps. L'avion permet des déplacements si rapides qu'il peut parfois être envisagé sous un angle futuriste, de fiction devenue réalité.

14 https://www.airfrance.fr/FR/fr/common/transverse/footer/visuels-campagne-air-france.htm

15 http://www.ohlalair.com/archives/2018/05/17/36411875.html

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Figure 14 Campagne publicitaire Hop! 2019

2. Les destinations touristiques redéfinies par l'avion

Comme l'illustre bien cette dernière publicité, la carte du monde a été redessinée par l'avion. Certains pays lointains ont longtemps été réservés aux grands explorateurs, aux pionniers, voir aux conquérants. Avec l'avion cela est complétement bouleversé. Ces deux cartes isochroniques du monde (pages suivantes) illustrent ce phénomène en mettant en avant les temps de trajets nécessaires pour atteindre une partie du monde depuis Londres. On constate qu'entre 1930 et 2000 les destinations sont redéfinies par l'avion. A l'image du développement du réseau aérien en hub, on voit des ilots aujourd'hui rapprochés de Londres en termes de temps de voyage : le rose de la carte isochrone ne s'étend pas linéairement mais progresse par tâches.

On constate qu'en 2016, on trouve des zones roses (les plus proches de Londres en temps de trajet) et des zones bleues (les plus lointaines) très proches les unes des autres. Cela s'explique par l'implantation d'aéroports dans des zones isolées. On peut citer par exemple l'aéroport de Kangerlussuaq qui met Londres à 5h du Groënland alors qu'il fallait en 1914 entre 10 et 20 jours de voyage entre ces deux villes. Au-delà du simple aspect pratique, on peut se demander si ce n'est pas aussi la notion même d'exotisme qui est modelée par les possibilités offertes.

Figure 15 Carte Isochrone 1930

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Figure 16 Carte Isochrone 2016

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3. L'évolution du trafic aérien et l'avènement du low-cost

a) Fonctionnement du low-cost

Si techniquement l'avion permet de voyager facilement, encore faut-il que les billets soient accessibles financièrement pour les voyageurs. Le rapport Aviation Benefits (IHLG, 2017) nous présente l'évolution du coût des voyages en avion. Ce dernier n'a cessé de diminuer depuis les années 1950. Cette baisse continue a été rythmée par différents événements mondiaux majeurs comme la dérégulation du trafic aérien aux Etats-Unis à partir de 1979 ou encore la libéralisation du trafic aérien en Europe dans les années 1990.

Figure 17 Evolution du prix moyen des voyages en avion de 1950 à nos jours

Le prix des billets d'avion a lui aussi diminué. Ce même rapport (IHLG, 2017) nous expose qu'un Paris-Milan aurait couté 400 euros en 1992 et seulement 15 euros en 2017. Au-delà de la baisse des coûts, ce qui a permis une telle réduction des prix des billets c'est l'avénement du low-cost.

L'offre de billets d'avion à bas coûts est proposeé par les compagnies LCC (low cost carrier). Ces compagnies sont capables de minimiser leurs dépenses, notamment en réalisant des économies de densité qui sont plus efficaces que les économies d'echelle. Les avions volent plus longtemps, la main d'oeuvre recrutée est plus flexible en temps et en tâche. Comme le décrit Frédéric DOBRUSKES, ces compagnies livrent à une « chasse systématique aux coûts : réduction ou suppression des services gratuits (repas, journaux...), réservations par téléphone ou internet évitant les agences de voyages et leurs commissions, utilisation d'aéroports secondaires moins gourmands en taxe, absences de billets imprimés, refus de vendre des vols avec correspondance. » (DOBRUSZKES, 2005)

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Le business model du low-cost est en résumé :

· Basé sur des courts-courriers qui lui permettent de ne posséder qu'un seul type d'avion (le Boeing 737 par exemple).

· Limité sur les choix des trajets, l'objectif n'est pas de développer l'offre mais d'utiliser des aéroports peu encombrés pour accélerer toutes les manoeuvres au sol.

· Limité sur les services (repas, bagages, perosnnel d'accueil etc).

· La sous-traitance des prestations aux entreprises les moins coûteuses. Par exemple, comme le décrivent Michel Santi et Véronique Nguyen dans leur article Le business model du low-cost (NGUYEN, 2012) Easyjet fait appel à six fournisseurs sur ses vols londoniens (gestion des bagages, prestataire pour la gestion des horaires de vol, fournisseurs pour les boissons et encas vendus, prestataire pour la maintenance de la flotte etc ...).

· La non-affectation des sièges et le sur-booking (vente de plus de billets que de sièges disponibles).

· Le Yield management (c'est-à-dire la tarification en temps réel, non pas basée sur le prix de revient mais sur la demande du consommateur) .

Cette optimisation des coûts est réfléchie en fonction des attributs de la Valeur d'Utilité Percue par le Client ou VUPC. En résumé les compagnies vont jouer sur un fil entre minimiser les coûts et ne pas boulverser les clients pour qu'ils continuent d'acheter des billets. Pour cela la technique de l'escamotage est souvent utilisée : par exemple supprimer les agents d'accueil à l'aéroport ou en agence et demander aux clients de choisir eux-même leur billet en l'achetant sur internet. Egalement en demandant au client d'enregistrer lui-même son bagage : baisse du coût pour la compagnie (moins de personnel) mais pas de baisse de la VUPC. Comme le décrivent Michel Santi et Véronique Nguyen cette habile manipulation amène au paradoxe suivant « le client réalise une partie de la prestation qu'il achetait précédement et il s'en trouve entièrement satisfait. » (NGUYEN, 2012)

Arrêtons-nous enfin sur une autre pratique du low-cost, l'utilisation d'aéroports secondaires. Les compagnies LCC les préfèrent pour plusieurs raisons : le temps perdu au sol est diminué, les taxes sont moins importantes, il est plus facile de négocier les termes de leur utilisation (parfois exclusive) car ils sont souvent sous-exploités. Ainsi de nombreux aéroports secondaires vivent uniquement grâce au low-cost. C'est le cas de Brussels South Charleroi, Paris Beauvais ou encore Rome Ciampino comme l'explique Frederic Dobruskes. (DOBRUSZKES, 2005)

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b) Une réelle démocratisation ?

Malgré l'avènement du low-cost, voyager en avion reste réservé à une faible partie de la population mondiale. Selon un rapport (DGAC, 2017) publié par la Direction Générale de l'Aviation Civile, les profils types des voyageurs aériens (pour la France) sont les suivants : une majorité d'actifs 74 % et une petite majorité d'hommes 53%. Cette étude a été menée dans 12 aéroports français, sur un échantillon de 40 000 passagers environ. Il en ressort que 27 % de ces passagers sont cadres supérieurs, chef d'entreprise ou de profession libérale. De plus, 57 % des voyageurs interrogés n'ont aucun enfant à charge. On peut en déduire que ceux qui prennent le plus l'avion sont issus de CSP + voir ++ et que l'avion, malgré une certaine démocratisation des prix grâce au low-cost, reste un moyen de transport coûteux et peu accessible aux familles. En termes d'âges les 15-54 ans représentent 80 % des voyageurs interrogés, l'avion n'est pas non plus le moyen de transport privilégié par les séniors. Il faut également préciser que 29 % des personnes interrogées se déplaçaient pour des raisons professionnelles, ce qui explique en partie la faible représentation des séniors.

Au niveau mondial, l'égalité géographique n'est pas de mise quant aux voyages aériens, ainsi un article d'Alternative Economiques (GRIMAULT, 3 juin 2019) nous apprend que « En 2017, il (le continent asiatique) ne pesait encore que 32 % des kilomètres parcourus en avion dans le monde, alors qu'il représente 60 % de la population mondiale. A l'inverse, l'Amérique du Nord réalise 28 % des kilomètres parcourus en avion pour 5 % de la population mondiale, et les Européens, 25 % du trafic mondial pour 10 % de la population. » Le Worlwatch Institute nous apprend en 2008 (ASSADOURIAN, 2007-2008) que 95% des habitants de la planète n'ont jamais pris l'avion. Une autre étude de Réseau Action Climat (annexe 1) nous apprend que 10% de la population mondiale prend l'avion chaque année.

Alors oui on peut affirmer que le trafic aérien s'étend et se développe à une grande vitesse, en revanche il serait inexact de dire qu'il se démocratise. Dans les pays occidentaux ou dans les milieux sociaux aisés l'avion est régulièrement utilisé mais pour l'immense majorité de la population mondiale ce n'est pas un moyen de transport envisageable.

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4. Les impacts des voyages en avion

a) Les impacts environnementaux

L'impact principal du trafic aérien en termes de pollution est bien sur l'émission de dioxyde de carbone résultant de la combustion du kérosène. Ces émissions de CO2 augmentant au niveau mondial accroissent l'effet de serre et donc le réchauffement climatique. On estime généralement que le trafic aérien est responsable de 2 à 3 % de ces émissions. Cela peut paraitre peu, pourtant si l'on compare l'avion à d'autres modes de transport on apprend qu'en termes de CO2 émis par voyageur au kilomètre l'avion est 45 fois plus polluant que le TGV, comme le décrit Aurélien BIGOT dans son article dans The conversation en 201916.

L'avion est donc un mode de transport émettant en moyenne 128gr de CO2 par kilomètre et par passager. On constate que la voiture individuelle est un mode de transport également très émetteur. Il est toutefois délicat de comparer trajet en voiture et trajet en avion, en effet le désir des voyageurs est bien différent. Ainsi, comme le montre Aurélien BIGOT dans son article, si l'on ramène ces chiffres à l'heure de transport l'avion est 13 fois plus polluant que la voiture.

De plus au-delà du CO2, les avions ont d'autres impacts environnementaux. Toujours dans l'émission de gaz à effets de serre les avions émettent des oxydes d'azote qui entrainent la production de méthane, mais également de l'ozone. Ces deux gaz sont à effet de serre. Les trainées blanches (vapeur d'eau) émises par les avions entrainent l'augmentation du nombre de cirrus qui ont eux aussi un effet réchauffant.

Réseau action climat affirme dans son rapport Co2 is in the air (RAC, 2015) qu'en prenant en compte l'ensemble des gaz, le transport aérien mondial est à l'origine de 4,9% du réchauffement climatique mondial.

Dans son rapport (GIEC, 2015) couramment appelé rapport 1,5, le GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat) tire la sonnette d'alarme face au réchauffement climatique mondial et l'érosion de la biodiversité. Ce rapport appelle à de nombreuses actions éco responsables et notamment « repenser nos modes de déplacements » (GIEC, 2015) afin de maintenir le réchauffement climatique global en dessous des 1,5°C. Pourtant, on sait que le secteur aérien est en plein développement et les perspectives d'avenir sont en faveur d'une croissance importante du

16 https://theconversation.com/impact-du-transport-aerien-sur-le-climat-pourquoi-il-faut-refaire-les-calculs-116534

nombre de voyageurs, des aménagements, des liaisons et des avions. Un article récent (26 juin 2019) du média engagé Usbek et Rica rapporte ainsi les propos de Laurent Castaignède (ingénieur centralien et fondateur du bureau d'études BCO2 ingénierie) « Si on ne réduit pas, dans trente ans, environ la moitié de l'énergie mondiale ne servira qu'à des touristes qui partent en avion I »17

b) Les impacts sociaux

Le tourisme aérien a ses défenseurs et ses détracteurs. Nous présenterons ici un bref résumé de deux discours qui s'opposent en termes d'impacts sociaux du tourisme aérien.

Selon l'IATA (IHLG, 2017) le voyage en avion à plusieurs effets positifs :

· Il permet l'accès à des marchandises produites loin.

· Il crée des opportunités d'échange sociaux et culturels.

· Il est une réponse efficace en cas de crise humanitaire ou climatique (catastrophe) pour un apport conséquent et rapide d'aide humaine, médicale ou alimentaire.

· Le marché du tourisme grandit grâce à l'avion et crée de nombreux emplois : en 2017, 62,7 millions d'emplois liés directement ou indirectement à l'aviation, 9,9 millions d'emplois liés directement. Le secteur prévoit de générer 99 millions d'emplois en 2034.

· L'avion permet d'aller étudier facilement dans un autre pays, de développer des opportunités de carrière et d'accéder à une meilleure qualité d'enseignement pour les étudiants des pays en développement.

Face à ce discours d'autres dénoncent les abus du surtourisme qui sont accélérés par l'avion. On peut citer par exemple les Baléares mis en tourisme très vite et d'une manière désastreuse pour l'environnement et les populations locales. On peut également penser aux Maldives : cet archipel au décor paradisiaque, de culture musulmane a été totalement bouleversé par le tourisme. Dans son article (Magnan, Avril 2008) publié dans études caribéennes, Alexandre Magnan décrit le développement des îles hôtels. L'archipel des Maldives était en 2000 habité à seulement 38% (des terres émergées). L'ouverture et le développement de l'aéroport international d'Hulhulé a permis le développement massif du tourisme et la création d'îles hôtel d'où les touristes ne sortent pas et ou les populations locales ne viennent pas ou parfois pour travailler. Comme le décrit Alexandre Magnan « Un tel contexte bouleverse les repères identitaires et sociaux des travailleurs locaux et génère des

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17 https://usbeketrica.com/article/climat-faut-il-taxer-ou-boycotter-l-avion

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comportements déviants (homosexualité, consommation de drogue et d'alcool...) par rapport aux normes sociétales maldiviennes. » (Magnan, Avril 2008)

De manière plus large, le surtourisme parait être cristallisé par l'image de l'avion. Comme nous l'avons vu avec la carte isochrone, au-delà de bouleverser les temps de trajets, l'avion bouleverse également les rapports sociaux. L'avion semble alors se placer comme symbole de rapidité, de modernité mais aussi peut-être de facilité ou de croissance aveugle. Aboutissement d'une longue quête, au départ imaginaire et onirique, par la suite technique et même industrielle, l'avion n'est pas un simple moyen de déplacement, il agite les imaginaires et fait rêver les foules. En dépit des constats scientifiques de la pollution qu'il génère, tout le monde n'est pas prêt à l'abandonner et ceux qui défendent cette idée sont perçus comme extrémistes. Entre croissance et décroissance l'avion devient l'étendard d'une lutte plus profonde. Voyons à présent comment et pourquoi le transport aérien est remis en question.

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II. Une remise en question

Depuis une dizaine d'années, des voix commencent à dénoncer l'avènement d'un moyen de transport aussi polluant que l'avion face au changement climatique. En effet comme nous l'avons vu précédemment, les impacts négatifs de l'avion sur l'environnement ont été prouvés par de nombreuses études scientifiques. Face à ces faits, les fabricants d'avions tentent de proposer des alternatives moins polluantes, les lobbys aériens prennent également le problème en considération. Pourtant certains restent convaincus que le seul moyen de lutter contre cette pollution est simplement de diminuer voir de stopper les voyages en avion. Penchons-nous à présent sur ces différentes tendances.

A. Limiter l'impact de l'avion

1. Les perspectives techniques et économiques

a) Les moteurs propres

Comme dans le domaine automobile qui prévoit la disparition des véhicules diesel ou tout au moins l'arrêt de leur fabrication, le secteur aérien souhaite diminuer le recours aux énergies fossiles, c'est à dire au kérosène. Dans ce but, plusieurs alternatives sont étudiées. Le constructeur français Airbus souhaite créer des avions qui pourraient voler sans polluer. Pour cela, Guillaume Faury, président d'Airbus affirme en mai 2019 dans le journal Frankfurt Allgemeine18 qu'il souhaite introduire des moteurs électriques dans tous les appareils d'ici 10 ans. Toulouse et son « Aerospace Valley » sont un pôle mondial pour la recherche et la fabrication des avions, dynamique impulsée par la présence d'Airbus. Le groupe Safran Electrical & power, lui aussi basé à Blagnac dévoilait en 2018 un moteur électrique révolutionnaire qui pourrait à l'avenir équiper les appareils Airbus. De son côté pourtant, Airbus a abandonné définitivement en 2015 les recherches sur un appareil entièrement électrique (le E-fan). Des partenariats existent entre Airbus et Siemens ou encore Rolls-Royce qui travaillent sur des moteurs hybrides19. Chaque nouvelle génération d'appareils permet déjà une consommation de carburant 15 à 20% inférieur à la génération précédente. Selon le rapport Aviation Benefit20 (IHLG,

18 https://www.faz.net/aktuell/wirtschaft/unternehmen/airbus-chef-faury-will-emissionsfreies-fliegen-16148800.html

19 https://actu.fr/occitanie/toulouse 31555/toulouse-face-honte-prendre-avion-airbus-imagine-voler-sans-polluer 23280504.html

20 https://aviationbenefits.org/environmental-efficiency/climate-action/efficient-technology/

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2017), un siège produit 80% moins de CO2 aujourd'hui qu'en 1950. De plus le secteur de l'aviation est à la pointe en termes d'innovation et de recherche. Il existe de très nombreux projets d'avions futuristes comme des avions à deux fuselages21, des ailes volantes, des carlingues transparentes, des cabines à air enrichi en vitamines ou encore des espaces de réalité augmentée.

b) Les bio carburants

Une autre piste étudiée est celle des agro-carburants, qui limiteraient le recours au kérosène. Des avions capables d'utiliser un mélange de biocarburant sont déjà en circulation. Ce dernier est fabriqué à base de sucre (betterave), de déchets forestiers ou agricoles (paille, copeaux de bois) et mélangé au kérosène à hauteur de 10% maximum22. L'avantage de cette alternative est que les moteurs actuels peuvent s'adapter à ce type de mélange, il ne serait donc pas nécessaire de renouveler les flottes. De plus les biocarburants n'émettent peu ou pas de CO2. On estime qu'en 2025, 2% des besoins globaux du secteur pourront être couverts. Ces carburants sont d'autant plus intéressants pour les compagnies que le prix du baril de pétrole n'est pas stable et risque à l'avenir d'augmenter avec la raréfaction de la matière première. Il existe même des projets d'algo-carburant23, avec lequel Airbus a fait décoller un avion en 2010. Il faudrait 100 kg d'algues pour produire 21 litres de biocarburant. De plus la culture des algues absorbe du CO2 (182 kg de CO2 absorbés pour 00 kg d'algues cultivés) une combinaison « win-win », à suivre.

La filière se mobilise pour trouver des alternatives24 mais celles-ci ne semblent pas arriver assez rapidement. Les objectifs fixés ne sont pas atteints et le progrès technique ne parvient pas à suivre la croissance exponentielle du trafic. Des accords sont pourtant signés avec une volonté affichée d'aller vers une aviation propre. Ainsi l'IATA affirme que le secteur souhaite réduire son empreinte environnementale à court, moyen et long terme. Pour le court terme, l'objectif principal est de faire en sorte de diminuer la consommation de kérosène de 1,5% par an. Cela se traduit par des investissements financiers importants dans la recherche pour l'électrique ou les biocarburants comme évoqué précédemment. A moyen terme l'objectif est de stabiliser les émissions de C02 d'ici 2020 et d'aller vers une croissance carbone neutre en 2050. Ces objectifs s'entendent sur les vols mais aussi les aménagements (aéroports). Le rapport Aviation Benefits (IHLG, 2017) nous décrit par exemple le

21 https://www.futura-sciences.com/sciences/photos/univers-top-17-avions-futur-688/univers-avion-northrop-grumman-ailes-hautes-deux-fuselages-4635/

22 https://www.lemondedelenergie.com/biocarburant-avions/2018/04/18/

23 https://www.transportshaker-wavestone.com/le-biocarburant-dans-le-secteur-aerien-vers-des-vols-plus-verts/

24 https://aviationbenefits.org/environmental-efficiency/climate-action

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projet « Nuestra huerta » à Quito en équateur : les 400 employés de l'aéroport sont nourris par seize familles de producteurs locaux installés autour de l'aéroport. L'aéroport se veut ici ambassadeur du local.

Les objectifs fixés à moyen et long terme ont débouché en 2016 sur la signature des accords CORSIA25 régime de compensation et de réduction de carbone pour l'aviation internationale. Ces accords internationaux précisent la mise en oeuvre de la compensation carbone pour le secteur de l'aviation effective à partir de 2021. L'IATA se félicite de cet accord en déclarant « l'aviation demeure à l'avant-garde des industries qui combattent les changements climatiques », Alexandre de Juniac, directeur général et chef de la direction de l'IATA.26

Un classement des compagnies les moins polluantes a été établi par le professeur Simon Dietz dans le cadre du rapport de la Transition Pathway initiative27. Ce rapport (DIETZ, Mars 2019) a pour ambition de mesurer l'investissement des compagnies pour s'aligner sur les objectifs des accords de Paris.

Figure 18 Classement des performances carbone des compagnies aériennes

25 https://www.aerobuzz.fr/breves-transport-aerien/le-corsia-adopte-par-loaci/

26 https://www.air-journal.fr/2016-10-07-transport-aerien-accord-historique-pour-une-croissance-neutre-en-carbone-5170667.html 27 http://www.lse.ac.uk/GranthamInstitute/tpi/wp-content/uploads/2019/03/Management-quality-and-carbon-performance-of-airlines-040319-1730.pdf

Parmi les compagnies meilleures élèves on peut citer Lufthansa ou encore ANA group (compagnie japonaise). En termes d'émissions de CO2, comme on le voit sur le tableau, les compagnies n'atteignent pas les mêmes objectifs. Ces émissions sont mesurées en grammes de CO2 par passager au kilomètre. Les facteurs de variation de ces taux d'émissions sont principalement l'âge de la flotte, la densité de remplissage des avions, le fret (la mesure ne le prend pas en compte) et le temps passé au sol (qui est très émetteur de CO2). De plus, les émissions de carbone « compensées » par l'achat de crédits carbone sont déduites des émissions réelles. Cela veut dire que le taux d'émissions des compagnies peut être biaisé par cette solution, c'est le concept que nous allons développer dans le paragraphe suivant.

Dans toutes les perspectives envisagées pour réduire l'empreinte carbone du secteur, la croissance du nombre de vols n'est jamais remise en cause, les enjeux financiers étant colossaux. La principale solution adoptée est celle de la compensation carbone.

c) La compensation carbone

Il existe deux choses différentes en termes de compensation carbone :

1) Les quotas carbone mis en place par l'Union Européenne

2) La compensation carbone volontaire des entreprises.

1 : Depuis 2005, dans l'objectif de limiter les émissions de gaz à effet de serre, l'Union Européenne a mis en place le marché de quotas carbone. Un plafond annuel d'émissions est défini pour une certaine durée par le conseil européen, ensuite en fonction des activités des entreprises elles se voient attribuer gratuitement (ou partiellement gratuitement) un certain nombre quotas carbone. Ces quotas correspondent en quelque sorte à la pollution maximale que l'entreprise peut produire. Si elle en produit moins, il est possible pour l'entreprise de revendre les quotas non utilisés. L'objectif de cette mesure est d'inciter les entreprises à limiter leurs émissions et de prévoir de les réduire sur le moyen terme. En effet le nombre de quotas va progressivement diminuer et leur prix augmenter et il sera plus rentable pour les entreprises de mettre en oeuvre des mesures pour limiter leurs émissions plutôt que d'acheter plus de quotas. En place depuis presque 15 ans, il est parfois reproché à cette mesure d'être trop lente et de ne pas avoir un effet assez rapide face à l'urgence climatique28.

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28 http://www.transition-europe.eu/fr/news/carbon-markets-will-not-make-our-planet-great-again

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Le marché carbone n'existe pas seulement en Europe, décidé lors de la cop21 en 2015 les quotas sont implantés ou en cours d'implantation dans certains Etats américains, au Japon, en Islande ou en Afrique du sud par exemple.29

L'argent généré par ces marchés est investi dans des compensations carbone comme la plantation d'arbres ou le financement d'installations durables (fours solaires par exemple). Avec ce principe l'idée est de compenser les émissions carbones des industries polluantes. Pour le domaine du transport aérien, ces quotas ne sont appliqués qu'aux compagnies basées dans des pays appliquant ces mesures et uniquement pour les vols internes à l'Europe

2 : La compensation carbone est un acte volontaire de la part des entreprises qui consiste à investir dans des projets vertueux pour la planète afin de compenser leurs activités polluantes. Ces projets sont portés par de très nombreuses fondations/associations qui les proposent aux entreprises. L'idée est de contrebalancer les émissions de C02 avec notamment des campagnes de reforestation, puisque les arbres vont absorber du CO2. Ces compensations sont mises en place proportionnellement aux émissions produites, qui sont donc calculées dans un premier temps. Pour les entreprises ils existent beaucoup d'organismes auprès de qui organiser cette compensation on peut citer Goodplanet 30 qui propose des projets de restauration de la biodiversité, d'écoles bioclimatiques, ou encore de valorisation des ordures ménagères. Il y a aussi Ecoacts31 qui agit dans le même domaine mais aussi des fondations plus spécialisées dans la reforestation comme Reforestaction32 qui met en place des projets de plantation d'arbres en Europe mais aussi dans le reste du monde.

La compensation carbone peut aussi entrer dans les quotas carbones puisque par ces actions une entreprise va réduire son empreinte carbone et ainsi pouvoir revendre ses quotas.

Ces procédés de compensation carbone sont parfois remis en question. En effet leur efficacité réelle est assez floue et le lien direct entre émissions et compensations n'est parfois pas très factuel. Bien souvent les émissions proviennent des pays occidentaux et les programme de compensation sont mis en place dans les pays en voie de développement. Certains, comme Juliette RENAUD, chargée de campagne pour l'association les amis de la terre33 déclarent « Des centaines de milliers de personnes sont expulsées de leurs terres ou de leurs forêts parce que des entreprises, sous prétexte d'économie verte, prennent le contrôle de ces espaces. Le problème de fond est la surconsommation croissante de

29 http://www.cop21paris.org/images/downloads/Climate Action Infographic Carbon Finance.pdf

30 https://www.goodplanet.org/fr/agir-a-nos-cotes/compensation-carbone/

31 https://eco-act.com/fr/our-people/

32 https://www.reforestaction.com/nos-projets-de-reforestation

33 http://www.amisdelaterre.org/L-histoire-de-REDD-une-reelle-solution-a-la-deforestation-446

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ressources naturelles et la compensation de ces excès ne fait que déplacer le problème ailleurs, là où les gens n'ont aucun moyen de s'opposer. »

Enfin, pour revenir à notre sujet du tourisme aérien, face aux impacts environnementaux de l'avion, certains usagers croient en la compensation carbone à titre personnel et souhaite la mettre en oeuvre afin de prendre l'avion sans avoir une emprunte carbone importante. C'est ce que décrit par exemple Aurélie Delmas dans son article paru dans Libération le 6 juillet 201934 « Aujourd'hui, ce sont même les compagnies aériennes qui sollicitent directement les voyageurs afin de compenser. Par exemple Ryanair propose de cocher une case en achetant son billet pour « faire un don pour compenser l'empreinte carbone de mon vol et contribuer à d'autres initiatives environnementales ». Au sein de l'agence Allibert Trekking, la compensation est automatiquement prise en compte dans le prix de vente et l'intégralité des émissions carbone des clients sont compensées depuis 2017. Nous reparlerons plus loin du cas de l'agence Allibert.

2. La voix des pouvoirs publics

Du côté des institutions, le premier pas a été celui des accords de Paris. Signés en 2015, suite à la Cop21, ces accords sont les premiers mettant en place des mesures d'urgence face au réchauffement climatique. L'aviation n'a que peu été évoquée dans ces accords qui n'ont un impact sur cette dernière que dans le cadre des quotas carbone. Cette absence a été justifiée d'un côté par la dimension internationale de l'avion comme le décrit Fabrice Gliszczynski dans son article35 de la Tribune en décembre 2015 « le caractère international de son activité rend quasiment impossible le calcul d'objectifs de réduction des gaz à effets de serre par pays comme cherchent à la définir les Etats lors de cette 21e conférence sur le climat qui se tient jusqu'au 11 décembre à Paris. » D'un autre côté, cette absence a été largement dénoncée par de nombreuses ONG comme Réseau Action Climat par exemple.36 La force des lobbys du secteur (comme l'IATA) a été évoquée. Certains médias sont même allés plus loin en déclarant que cet oubli était délibéré comme dans Bastamag37 du 11 décembre 2015

34 https://www.liberation.fr/france/2019/07/06/la-compensation-volontaire-alibi-pour-continuer-de-prendre-l-avion 1738216 35 https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/pourquoi-la-cop21-n-est-pas-decisive-pour-l-aviation-532070.html 36 https://www.bfmtv.com/planete/cop21-le-transport-aerien-grand-absent-de-l-accord-sur-le-climat-968865.html 37 https://www.bastamag.net/Accord-a-la-COP21-meme-sur-une-planete-morte-le-commerce-international-devra-se

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qui titre « Accords à la Cop21 : même sur une planète morte, le commerce international devra se poursuivre sans entraves. »

Les mesures liées à l'aviation face aux enjeux climatiques ont donc été abordées au sein des organisations privées liées au domaine et ont débouché sur les accords CORSIA que nous avons déjà abordés.

Au niveau politique en France, certains proposent une taxation du transport aérien puisqu'ils jugent l'absence de taxes sur le kérosène comme une injustice. Mais l'argument de la préservation de la compétitivité des compagnies française est mis en avant et bloque le processus comme le décrit Claudia Cohen dans son article38 paru dans le Figaro en mars 2019.

Les lignes semblent pourtant bouger et les pays scandinaves sont précurseurs en la matière. En avril 2018 la Suède a introduit une taxe sur le transport aérien pour tous les vols au départ du pays. D'un montant compris entre 60 et 400 couronnes (5,8 à 38,8 euros) par billet. La majorité des Suédois y était favorable, comme le décrit un autre article du Figaro en avril 201839.

Les débats autour du transport aérien arrivent peu à peu sur le devant de la scène médiatique et sont pris en compte par les politiques. En France en juin dernier des députés de l'opposition (François Ruffin et Delphine Batho) proposent d'interdire les vols nationaux si une alternative en train existe au nom de l'urgence climatique. Les propositions de loi ne sont pas tout à fait identiques mais l'idée est la même. Comme nous l'expliquent Maxime Vaudano et Adrien Sénécat dans leur article du Monde en juin 201940 si une telle loi était mise en oeuvre « une majorité des vols intérieurs français pourraient être remplacés par des trajets en train sans grande difficulté. » Selon l'article du Monde et comme on

38 http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/11/16/20002-20181116ARTFIG00206-carburants-pourquoi-les-avions-et-les-bateaux-echappent-aux-taxes.php 39 http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2018/04/01/97002-20180401FILWWW00038-la-suede-introduit-une-taxe-sur-le-transport-aerien.php

40 https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/06/07/la-majorite-des-vols-interieurs-pourrait-se-faire-en-train-et-ce-serait-bon-pour-l-environnement 5472992 4355770.html

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le voit sur les cartes suivantes, sur les 26,8 millions de passagers en 2018 (incluant la Corse mais pas l'outre-mer) 13,8 millions sont remplaçables par moins de 5 heures de train.

Figure 19 Trajets en avions remis en cause par les propositions de lois

Face à cette proposition, le ministre de la transition écologique du moment François de Rugy (qui avait pris ses fonctions à la suite de la démission de Nicolas Hulot rappelons-le) a fortement réagi en déclarant que cette proposition « n'était pas sérieuse »41. Il affirmait en effet que « si on interdit tous les vols là où il y a un train qui met moins de 5h, ça veut dire qu'on ne peut plus utiliser l'avion en France » Comme montré précédemment cette affirmation du ministre de l'écologie est inexacte.

La taxe Chirac de 2006 a été revue42 en juillet 2019, ses recettes devraient dorénavant être allouées à des initiatives pour le climat, affaire à suivre.

En France enfin, le projet de loi mobilité est toujours en cours de discussion et comme le déclare le site du ministère de la transition écologique43 « l'examen le 10 juillet, en commission mixte paritaire (CMP) n'a pas permis de trouver un accord entre sénateurs et députés. Le gouvernement et la majorité sont

41 https://www.marianne.net/politique/de-rugy-sur-l-interdiction-de-vols-interieurs-bienvenue-sur-air-infox

42 https://www.capital.fr/economie-politique/la-taxe-chirac-reliftee-par-les-deputes-1339388

43 https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/projet-loi-mobilites

déterminés à aboutir à une adoption rapide du texte, qui sera examiné en nouvelle lecture à la rentrée. » A voir donc, si les propositions de lois autour des vols internes sont adoptées et comment.

Face au monde professionnel de l'aviation qui semble ne pas réagir assez rapidement, voir ne pas faire suffisamment d'efforts ; face au monde politique qui ne parvient pas à mettre en place des mesures efficaces ; certains font un choix radical : ne plus prendre l'avion. C'est l'idée du mouvement Flygskam littéralement honte de prendre l'avion qui prend racine dans les pays scandinaves, ceux-là même qui ont les premiers, imposé une taxe sur le transport aérien. Intéressons-nous maintenant de plus près à ce mouvement et ses partisans.

B. Ne plus voler

Le secteur professionnel de l'aviation tente de démontrer sa prise en compte des enjeux environnementaux via divers projets mais visiblement cela ne convainc pas tout le monde. L'enjeu social est important car du côté des usagers, le nombre de voix considérant le transport aérien comme une aberration ne cesse de croître et fini par amener ces questionnements sur le devant de la scène médiatique. Le mouvement Flyless, ou Flygskam littéralement « voler moins > ou « avoir honte de prendre l'avion » semble faire de plus en plus d'adeptes.

1. Idéologie

Né il y a une dizaine d'années dans les pays scandinaves, ce mouvement est constitué de citoyens sensibles à l'écologie et qui essaient au quotidien de réduire leur empreinte carbone. Adeptes du tri sélectif, essayant de réduire leurs déchets on peut dire que les partisans du Flygskam sont des écolos. Ils croient en l'idée que nous disposons d'un crédit carbone mondial qui correspond à la quantité d'émissions de cO2 que nous pouvons nous permettre de produire. Des associations comme le WWF partagent cette idée et proposent de calculer notre empreinte carbone personnelle. Certaines entreprises calculent également leur empreinte pour tenter de la limiter. Dans cette optique, il est certain qu'un seul voyage en avion est une source colossale d'émissions de carbone. Pour le mouvement Flygskam les voyages en avion ultra polluants ne sont plus admissibles et il faut tout bonnement y mettre fin. De plus, dans le concept de « crédit carbone > et par leurs émissions de carbone cumulées par le passé, les pays industrialisés se devraient d'émettre encore moins aujourd'hui et à l'avenir. En effet, comme le décrit Javier Caletrio dans son article Le mouvement Fly less44, « la

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44 http://fr.forumviesmobiles.org/2018/07/10/mouvement-fly-less-12515

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notion de budget carbone redéfinit le changement climatique comme un jeu à somme nulle. Plus on émet de carbone, moins on laisse les autres en produire. Ce concept renvoi à l'idée que l'humanité partage une même planète qui est ainsi un bien commun. » (CALETRIO, 2019)

On peut résumer les piliers idéologiques du mouvement ainsi :

· Les petites minorités pacifiques ont un rôle à jouer et une réelle portée sur l'opinion publique. L'image du « grand voyageur » (CALETRIO, 2019) en est un bel exemple. La voix de celui qui fait rêver va avoir une influence importante. De nos jours, cette portée est élargie par les réseaux sociaux. On ne compte plus les bloggeurs et instagrammers qui donnent la tendance en termes de tourisme. Convier telle ou telle personnalité influente est bien souvent la meilleure publicité pour un territoire. Ces influenceurs comme on les nomme, s'ils deviennent ambassadeurs du Flyless peuvent avoir un écho énorme.

· L'opinion publique peut très vite basculer : il n'est pas nécessaire qu'une majorité de la population soit convaincue pour que les dynamiques d'opinion soient modifiées et entrainent ainsi des décisions politiques.

· En appliquant ses choix à soi-même on influence forcément les autres. L'idée est toute simple : sans prêcher ni chercher à convaincre, par l'acte seul de ne plus prendre l'avion, on enclenche dans certains esprits autour de soi une réflexion similaire.

· C'est en appliquant ces trois piliers que les politiques publiques suivront. En réduisant la demande en vols, l'argent public sera réinvesti dans le train par exemple. Le consentement public peut rendre possible et réel des politiques novatrices.

L'idée est aussi de dire que moins prendre l'avion ne revient pas à se priver de quelque chose mais au contraire de s'ouvrir à d'autres choses.

2. Diffusion du mouvement

a) La communauté scientifique

Ce mouvement est porté par des figures emblématiques comme Rob Hopkins, fondateur du mouvement Villes en transition. Également par la chanteuse d'opéra Malena Emman qui est la mère de Greta Thunberg. On peut citer aussi les climatologues Alice Larkin et Kevin Anderson aux Etats-Unis ou encore Peter Kalmus au Royaume-Uni.

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La communauté scientifique, pleinement concernée par l'étude du changement climatique se mobilise dans ce mouvement. En effet dans le domaine de la recherche les déplacements en avion sont très nombreux dans le cadre professionnel. Pourtant les chercheurs souhaitant alerter sur le changement climatique se retrouvent face à un cas de conscience, comment alarmer sur le réchauffement et continuer d'utiliser l'avion ? En devoir de montrer l'exemple sous peine de perdre leur crédibilité, certains scientifiques tentent de limiter leurs déplacements. En France par exemple le collectif Labos 1 point 5 regroupe les chercheurs souhaitant oeuvrer pour « transformer la recherche collectivement face à l'urgence climatique ». Leur texte fondateur45 évoque des soucis de cohérence entre publications et actes personnels. Ce texte appel également à une « rupture avec le modèle actuel » et « une nouvelle éthique de recherche » pour un « effet incitatif ». Il appelle à « favoriser l'émergence de modes de travail sobres » comme une « priorité de la communauté académique française ».

b) Les sports de nature

Dans le milieu de la montagne, pleinement impacté par le réchauffement climatique avec des effondrements de plus en plus nombreux46 (record absolu de 70 éboulements sur le massif du Mont Blanc entre janvier et aout 2019), nombreux sont les usagers qui veulent faire leur part pour lutter contre le réchauffement climatique. L'association Mountain Wilderness47 prône un usage respectueux de l'espace montagnard afin de « veiller au maintien des équilibres naturels, de remettre en cause les pratiques déraisonnables, proposer des approches douces de la montagne et soutenir une économie montagnarde diversifiée ». Forte de ces objectifs, elles proposent des défis comme la campagne Changez d'approche48. Lancée dès 2007 son objectif est de mettre en avant les mobilités douces pour accéder à la montagne. L'idée est d'accéder à la montagne en transports en commun, sans voiture et bien sûr sans avion. Une sélection d'itinéraires est proposée. L'idée derrière ce concept est aussi celle des micro-aventures c'est-à-dire partir à l'aventure mais près de chez soi. Cela passe par l'utilisation de moyens de locomotion inhabituels, d'un hébergement ou de pratiques qui sortent de l'ordinaire.

Quatre sympathisants de Mountain wilderness font un retour sur leur expérience à travers l'Europe pour la pratique de leur activité sportive dans leur article Raid + ski nordique en Laponie. Démonstration par l'exemple49, du 17 mai 2010. À la suite de plusieurs voyages à vélo, ils prennent conscience que leurs acheminements à destination par avion son très gourmands en énergie. Ils

45 https://labos1point5.org/texte-fondateur/

46 https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/haute-savoie/chamonix/montagne-est-train-tomber-au-mont-blanc-temperatures-record-font-grimper-nombre-eboulements-1708420.html

47 https://www.mountainwilderness.fr/

48 https://www.changerdapproche.org/

49 https://www.mountainwilderness.fr/se-tenir-informe/actualites/rail-ski-nordique-en-laponie.html

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décrivent alors une réelle prise de conscience personnelle et affirment « Dès lors, je ne vois plus ma planète comme terrain de jeu... mais comme terrain de vie ». Avides de grands espaces mais refusant de prendre l'avion ils choisissent la Laponie pour leurs vacances de 15 jours. « Au départ ma motivation première était complétement basée sur mes convictions écologiques. Tout cela a bien évolué aujourd'hui ». Au-delà d'un voyage propre, ces quatre jeunes montagnards nous relatent une expérience forte : « le train a constitué un véritable voyage dans le voyage » « le voyage retour nous a permis de réattérir en douceur dans le quotidien, de se retracer le voyage, d'en imaginer d'autres » qu'ils ont aujourd'hui envie de promouvoir et de diffuser via leurs métiers d'accompagnateurs en montagne.

c) Les jeunes générations

Il existe de nombreuses initiatives portées par les jeunes générations (collégiens/lycéens) qui se veulent défenseurs du climat. La figure emblématique de ce mouvement est Greta Thunberg. Au-delà de cette jeune fille très médiatisée, il existe par exemple le mouvement « NoflyclimateSCI ». Une initiative citoyenne qui recueille des signatures pour une pétition proposant la taxation du kérosène. L'idée de ce collectif50 est simple : les avions sont une source importante de consommation d'énergie fossile, le kérosène doit être taxé et ne pas être favorisé. Ce mouvement regroupe environ 600 universités sous la bannière « Flyingless » comme l'université de Neuchâtel en Suisse, le Council of the American Association of Geographers aux Etats-Unis, l'Université Concordia de Montréal, l'Institut des sciences et technologies de Barcelone en Espagne ... Le mouvement Flyless se diffuse largement dans les milieux universitaires.

d) Les mouvements citoyens

Le mouvement Staygrounded51 regroupe 120 collectifs qui s'opposent au fait de prendre l'avion et/ou aux aménagements liés à l'avion. Concernant les aménagements, en France on pense à la ZAD de Notre Dame des Landes qui s'est constituée pour dire non au nouvel aéroport de Nantes et a obtenu gain de cause. Mais ce cas est loin d'être unique, il existe de nombreux lieux à travers le monde où des citoyens s'opposent à des projets liés à l'avion ou dénoncent ce qu'ils considèrent comme des aberrations écologiques dont le trafic aérien est responsable. On peut citer par exemple le cas de l'aéroport Ciudad Real52 en Espagne : ouvert en 2009, fermé en 2011 car les compagnies aériennes (low-cost

50 https://noflyclimatesci.org/biographies/jake-woburn

51 https://stay-grounded.org/

52 https://ejatlas.org/conflict/ciudad-real-airport-spain

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principalement) ont fait le choix de ne plus programmer de vols depuis cet aéroport. Il est à présent en friche.

Le mouvement StayGrounded a aussi pour ambition, en regroupant les personnes sensibles à la cause et en gagnant en visibilité, de faire évoluer les politiques publiques en matière de mobilité. L'objectif est rendre visible une demande de transports sans aérien afin que le développement des infrastructures en soit influencé. Ce collectif a organisé cet été 2019 son premier grand évènement à Barcelone. La conférence « Degrowth of aviation » s'est tenue le 14 juillet dernier. Barcelone avait été choisi car symbole fort du surtourisme. 200 personnes se sont réunies pour échanger sur comment ne plus prendre l'avion.

Figure 20 Action des militants de Staygrounded à l'aéroport de Barcelone, juillet 2019

Une action symbolique a également été mise en place à l'aéroport de Barcelone Prats53. Des militants en combinaisons rouges rappelant les braqueurs de banque de la série « Casa de papel » ont formé un cordon humain symbolique pour dire non à l'agrandissement de l'aéroport.

Le train est très souvent cité comme alternative à l'avion. Il permet de parcourir des distances importantes dans un confort proche à celui de l'avion. En France on peut citer le collectif « Oui aux trains de nuit »54 qui se fait entendre depuis près de deux ans pour encourager les gens à prendre le train mais surtout pour défendre le maintien des lignes.

53 https://www.europapress.es/epagro/noticia-cambio-climatico-veintena-activistas-concentran-aeropuerto-barcelona-pedir-no-amplie-20190714125852.html

54 http://lourdesactu.fr/oui-au-train-de-nuit/

Au niveau européen le réseau « Back on Track 55» défend le maintien ou la remise en place des trains de nuit internationaux qui permettent de traverser l'Europe sans prendre l'avion. Ce collectif prévoit un événement en octobre 2019 à Hambourg afin d'évoquer l'évolution européenne du transport ferroviaire lors de nombreuses conférences. Le réseau souhaite donner des conseils aux voyageurs afin de les informer et de faciliter la réservation des trajets en trains à travers l'Europe. Dans cette même idée on peut évoquer deux jeunes plateformes :

· Loco256 (Comme locomotion mais aussi lowCO2) permet de réserver billets de train et de bus en Europe. Cette plateforme anglaise créée en 2012 défend le train avec 3 arguments principaux : il est plus écologique car moins émetteur de CO2, il est d'un bon rapport qualité/prix et voyager en train est confortable, enfin c'est parfois plus rapide que l'avion quand on considère le temps passé à l'aéroport. Il existe également une application dédiée sur smartphone. Cette société florissante a été rachetée par voyages SNCF en juillet 2017.

· Autre plateforme de réservation dédiée au train, « The Man in Seat 6157 » ressemble à Loco2 mais opère sur une zone plus étendue et propose des options en ferry. Ce site fondé par l'anglais Mark Smith fait face à une demande croissante. Il ne ponctionne pas de commissions sur les billets pour autant et vit grâce à la vente de goodies à l'image du site et à des financements publics et privés. Il a reçu de nombreuses récompenses dans le domaine du tourisme responsable et fait couler de l'encre dans la presse. Dès 2001 le Guardian l'évoque comme un « Website of the week ». Dans un article du Telegraph58 en 2018, le récit d'un périple du Royaume-Uni vers la Chine en train a certainement fait rêver de nombreux voyageurs.

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55 https://back-on-track.eu/

56 https://loco2.com/fr

57 https://www.seat61.com/

58 https://www.telegraph.co.uk/travel/rail-journeys/flight-free-holidays-train-europe-africa/

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A l'échelle Européenne, il semblerait que chaque pays a vu naitre un ou plusieurs collectifs liés au mouvement Flyless. En Grande Bretagne il s'appelle Flightfree UK59 et propose à ses militants de s'afficher sur les réseaux sociaux avec un panneau téléchargeable en ligne, comme sur cette image.

Figure 21 Campagne du mouvement anglais Flight free

En France le collectif Stay on the Ground60 a rédigé une charte pour ceux qui choisissent de ne plus prendre l'avion. Cette dernière (en annexe 2) a recueilli environ 2000 signatures.

Enfin, en termes de force des mouvements citoyens, il faut bien sur parler du cas de la Suède puisque le mouvement Flygskam est parvenu à faire basculer la tendance : le nombre de vols à diminué cette dernière année. On découvre ainsi dans un article de Sophie Amsili, publié le 20 avril 2019 dans les Echos61 que « En février, l'opérateur Swedavia AB, qui gère dix aéroports dans le pays, dont les deux principaux situés à Stockholm et Göteborg, a ainsi fait état pour la première fois en une décennie d'une baisse de son trafic passager. Un recul plus marqué sur les vols intérieurs (- 6 % sur un an) que sur les vols internationaux (- 2 %). » Comme le décrit un article du 4 avril 2019 dans Courrier International62, cette baisse du nombre de voyageurs en avion a poussé le gouvernement qui va débloquer un budget de 5 millions d'Euros en 2020 pour financer les trains de nuit vers plusieurs grandes villes européennes. Ainsi en Suède mais aussi dans les milieux écolos sensibles au sujet prendre le train devient un marqueur social fort et une véritable fierté comme le décrit Frédéric Faux sur France Inter en avril 201963 .

59 https://www.flightfree.co.uk/

60 http://stayontheground.org/#manifeste

61 https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/en-suede-la-honte-de-prendre-lavion-plombe-deja-le-trafic-aerien-1013012

62 https://www.courrierinternational.com/article/voyage-en-suede-la-honte-de-prendre-lavion-fait-le-bonheur-du-train 63 https://www.franceinter.fr/societe/en-suede-la-honte-de-prendre-l-avion-face-a-la-fierte-de-voyager-en-train

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C. Exemples concrets : ceux qui le font déjà

Face à cette idéologie, certains voyageurs ont d'ores et déjà mis en pratique le concept en choisissant de ne plus prendre l'avion, sans pour autant renoncer à leurs vacances. C'est ce que faisait déjà les partisans du mouvement Staycation, mais pas uniquement dans l'optique de ne pas utiliser l'avion.

1. La presse spécialisée

Pour répondre à la demande de ces voyageurs d'un nouveau genre, on constate que la presse de voyage fournit de plus en plus de propositions locales. Le journal anglais The Times dans son supplément de Juin 2019 titrait « All abroad ! Cut your carbon this summer. Europe's most beautiful train trip ». D'après Associated Press64 Le journal Danois Politiken « La rubrique voyage couvrira des destinations facilement accessibles par les transports collectifs ». En France, Le Monde consacre cet été 2019 sa chronique matinale65 à des voyages propres. L'idée est résumée ainsi : « Cet été, La Matinale vous propose de faire rimer dépaysement avec respect de l'environnement. » Les voyages proposés sont par exemple « Cinq escapades à cheval, à dos d'ânes, en roulotte... » ou encore « Cinq virées à vélo en Europe66 ». On met également en parallèle des lieux proches (par exemple les Gorges d'Odessa en Espagne) avec des lieux mythiques du tourisme mais lointains (le Grand Canyon) invitant ainsi les voyageurs à découvrir des destinations plus proches67.

Le magazine français Grands Reportages, explorez le monde consacre son numéro du mois d'Aout 2019 à la France Sauvage68 . Son rédacteur en chef Anthony Nicolazzi commente ainsi « Choisir la France ? Passons sur le choix récurrent I...] pour nous intéresser un instant aux « repentis ». Autrement dit tous ceux qui ont beaucoup voyagé, au point, à l'heure du changement climatique, d'en éprouver une forme de culpabilité. « Je ne prends pas l'avion cette année » ai-je ainsi entendu pas plus tard que cette semaine. Et même un « Je ne prends plus l'avion », ce printemps, (...) L'avion, et avec lui le voyage lointain ou trop récurrent, arrive clairement dans le collimateur de tous ceux qui s'alarment du changement climatique et surtout de l'inaction de la société et des pouvoirs publics. Et, cruelle mais

64 https://www.apnews.com/b31a0e98d1134f8b94ae8db5f5d0d2b8

65 https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2019/08/04/on-se-met-au-vert-cinq-escapades-a-cheval-a-dos-d-ane-en-roulotte 5496348 4497319.html 66 https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2019/08/11/on-se-met-au-vert-cinq-virees-a-velo-en-europe54984494497319.html 67 https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2019/08/03/les-gorges-d-ordesa-un-grand-canyon-espagnol54963224500055.html

68 https://www.grands-reportages.com/mag-465-aout-2019

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logique ironie -- on n'est pas à un paradoxe près, ce sont bien souvent les plus grands voyageurs qui s'alarment le plus des conséquences de leur comportement boulimique. Au point de lever le pied et, pourquoi pas après tout, de passer l'été dans l'Hexagone. »

En résumé on peut penser qu'il existe une réelle tendance d'une culture du voyage émergente, celle du voyage moins lointain. De nombreux articles de la presse spécialisée nous rapportent les expériences des voyageurs qui ont dit stop à l'avion, intéressons-nous à présent à leurs récits.

2. Les voyageurs

Dans une enquête en ligne du Figaro réalisée en avril 201969, sur 38 000 votants, 59% déclarent qu'ils sont prêts à « préférer le train à l'avion pour des raisons écologiques ». Bien sûr, « être prêts à » ne veut pas dire faire, pourtant c'est le Figaro à nouveau dans un article de Guillaume Poingt paru le 13 avril 201970 qui nous rapporte les témoignages de personnes ayant arrêté d'utiliser l'avion. Il y a par exemple Benedicte, 30 ans qui déclare « Le voyage en France, en train ou en voiture, offre d'incroyables possibilités de voyages moins polluants. Je pars moins souvent, mais plus longtemps. Exit les week-ends en avion dans des capitales européennes. » Ou encore Ingrid, 32 ans qui utilise exclusivement le train « Dans ces cas-là, le trajet fait vraiment partie du voyage. Il permet d'éprouver la distance, de prendre le temps qu'on n'a pas dans la vie de tous les jours pour lire, préparer son séjour. » Les différents interviewés regrettent en revanche que le train soit bien souvent plus cher que l'avion.

Dans un autre article, paru sur ConsoGlobe en mars 2019 et intitulé Voyager sans avion, la nouvelle tendance de l'écotourisme71, la journaliste Pauline Petit nous décrit des voyageurs souhaitant aller jusqu'au bout de leurs idées, par souci de cohérence. Encore une fois, l'idée de temps de trajet plus long ressort mais sous l'aspect d'un temps pour soi, qui permet de profiter pleinement du voyage. Elle évoque également l'idée de perte d'exotisme dans un certain type de tourisme « quel exotisme trouve l'Allemand en week-end à Ibiza, qui écoute un DJ de son pays entouré de centaines de ses comparses ? ». Voyager sans avion est à l'opposé de ce type de tourisme.

Dans un autre article paru sur LCI le 3 juin 201972, la journaliste Justine Faure recueille les témoignages de deux personnes ayant complétement arrêté d'utiliser l'avion. Elle évoque encore une fois des soucis

69 http://www.lefigaro.fr/international/2019/04/07/01003-20190407QCMWWW00032-comme-en-scandinavie-etes-vous-pret-a-preferer-le-train-a-l-avion-pour-des-raisons-ecologiques.php

70 http://www.lefigaro.fr/conso/ces-francais-qui-ne-prennent-plus-l-avion-pour-preserver-la-planete-20190413

71 https://www.consoglobe.com/voyager-sans-avion-ecotourisme-cg

72 https://www.lci.fr/population/ma-vie-apres-avoir-dit-comme-greta-thunberg-stop-aux-voyages-en-avion-proposition-de-loi-ruffin-train-vols-interieurs-2118243.html

de cohérence, des personnes sensibles à la cause climatique, qui essaient de faire des efforts au quotidien, de consommer local ou qui s'investissent dans des mouvements comme Youth for Climate et pour qui prendre l'avion devient alors éthiquement inenvisageable. L'une des interviewée s'appelle Lena, elle a 20 ans et vient de réaliser un tour d'Europe d'un an en train. Son prochain projet de voyage est le Japon, elle a déjà prévu son itinéraire en train via Moscou puis le transsibérien pour terminer en ferry. Elle prévoit 10 à 15 jours de trajet et commente « Nous sommes dans une société où il est difficile de vivre de manière écologique. Quand vous avez seulement cinq semaines de congés payés par an, si vous voulez aller au Japon, prendre 15 jours juste pour le trajet, c'est compliqué. Mais je pense qu'aller aux Etats-Unis ou en Asie du Sud-est devrait être des choses extrêmement rares et précieuses. C'est normal de prendre du temps. D'un point de vue philosophique je serai pour la suppression des vols long-courriers. »

Voyager en avion semble être le moyen le plus simple et le plus rapide de se rendre d'un point A à un point B. En revanche, voyager sans avion semble remettre en cause l'intérêt de cette rapidité, en transformant le trajet en voyage. Cette question rejoint en fait notre rapport au temps. Le temps « vacant », le temps des vacances, qu'il faut rentabiliser pour profiter au maximum. Visiblement les partisans du « Flyless » ne l'entendent pas de cette façon. C'est également ce que résume Jérémy, sur son blog Roadcall dans un article intitulé Voyager sans prendre l'avion : mission impossible ? Peut-être pas ! Voici les alternatives73 « Oui il est possible de voyager et même de s'éclater en voyage sans prendre l'avion. Simplement, il faut changer son rapport au temps. C'est-à-dire ne plus vouloir absolument aller quelque part, ne plus faire de la destination le but ultime, mais plutôt chercher à apprécier le voyage, le mouvement en tant que tel. »

Les voyageurs ayant dit non à l'avion nous relatent des voyages heureux, des voyages où l'on prend le temps de découvrir les lieux traversés, et dans lesquels le chemin est aussi important que la destination. Dans cette logique, c'est le rapport entier au voyage qui est différent et pas seulement le moyen de transport. L'avion, dans cette idéologie, est presque perçu comme le symbole absolu de ce qui est rejeté, le symbole d'une certaine vision du monde. Bien loin de la fascination du début du siècle, de l'épopée des premiers vols et de la créativité des inventeurs.

D. Analyse

Nous sommes face à un paradoxe : le voyage en avion permet d'un côté de s'ouvrir au monde, de découvrir de nouvelles cultures et offre une solution facile à la curiosité humaine, aux envies

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73 https://www.roadcalls.fr/a-propos/

d'ailleurs et d'exotisme. Pourtant, utiliser un tel moyen de transport est plein de contradictions quand on sait l'impact des émissions carbone et autres polluants. Pour l'anecdote, on peut citer Yann Arthus Bertrand, (écologiste spécialiste de la photographie aérienne) qui dans l'émission Regardez Voir sur France inter, présentée par Brigitte Patient le 10/08, interrogé sur le fait d'avoir pris souvent l'avion pour son film Women répond : « en même temps on ne va pas arrêter l'avion, l'avion ça permet de se rencontrer les uns les autres. Mais on devrait c'est vrai, on devrait tous arrêter de prendre l'avion » (BERTRAND, 2019) Cela résume bien l'état d'esprit ambiant face à des questionnements pour lesquels il est difficile de trancher.

Pour répondre à ce tiraillement intellectuel voir à cette aporie, certains décident tout simplement de ne pas en tenir compte, et de continuer leurs pratiques sans se sentir concernés.

D'autres vont croire en l'avenir technique et penser que des avions propres vont voir le jour et permettront de continuer à voyager sans polluer. Les appareils sont déjà beaucoup plus performants et moins polluants qu'il y a 50 ans. Pour Yves Crozet, auteur de l'ouvrage Hypermobilité et politiques publiques (CROZET, 2016), imposer des taxes sur le transport aérien ou interdire les vols internes entrerait dans une logique d'écologie punitive. A ses yeux c'est en proposant des alternatives viables à l'avion que celui-ci diminuera. Selon lui « on n'est pas sur un problème de critiquer l'avion, on est sur un problème d'équité fiscale »74

D'autres encore, et c'est le sujet principal de cette étude, vont bouleverser totalement leurs habitudes et arrêter de voyager en avion. Comme nous l'avons vu précédemment, les personnes sensibles à cette idée sont plutôt issues de catégories socio-professionnelles +, ou des universitaires issus de milieux intellectuels. Les jeunes générations semblent également touchées par ces préoccupations, parce que soucieuses du réchauffement climatique global.

Mais alors, ce mouvement Flyless, est-il en fait réservé à ceux qui ont déjà voyagé en avion par le passé ? A ceux qui ont largement profité des possibilités offertes et qui se disent aujourd'hui que cela n'a plus d'intérêt ? On peut facilement imaginer que ceux qui ne prennent pas encore l'avion rêve d'y accéder. Les populations des pays émergents comme l'Inde ou la Chine devraient-elles s'interdire ce rêve car les pays occidentaux en ont profité et abusé à leur place ?

Les partisans du Flyless évoquent les voyages près de chez soi comme de véritables aventures et l'occasion de profiter de la beauté simple des choses. Ce privilège n'est-il pas dans un sens, réservé à

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74 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01328814/document

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ceux qui ont déjà pu s'émerveiller, voir être déçus dans les lieux mythiques du tourisme, les lieux de la Bucket list (lieux à voir dans sa vie). La maxime dit « Qui a voyagé partout, voyage partout » Faut-il en déduire que c'est ayant fait des heures de file d'attente pour le Machu Pichu, pour prendre une photo devant le Taj Mahal ou encore pour entrer sur le site d'Angkor Wat que l'on relativise sur la beauté du monde et que l'on est capable de s'émerveiller près de chez soi... Difficile de donner une réponse mais c'est ce qu'évoquent les auditeurs de l'émission Hashtag sur France Culture du 21 juin 201975. (Auditeurs, 2019). Une chose est certaine en revanche : l'avion est le symbole absolu du voyage, certains lui vouent un véritable culte allant jusqu'à se faire tatouer son dessin sur la peau et afficher cet engouement sur les réseaux sociaux (voir annexe 3), non pas en affichant un engouement pour l'avion, mais bien pour le voyage. Le constat est donc simple, avion=voyage et voyage=avion. Comme l'ont décrit de très nombreux auteurs (Franck Michel dans Désirs d'ailleurs par exemple) (MICHEL, 2000) le voyage fascine et l'ailleurs est idéalisé. Le coeur de la réflexion face à cette question pourrait alors se recentrer non pas sur les alternatives mais sur les motivations des voyageurs. Dans une société de l'hypermobilité l'avion est une d'apothéose, un moyen redoutablement efficace de s'échapper de son lieu de vie/travail qui n'est pas toujours, voir pas souvent un lieu de loisirs et de plaisir. Comme le disait André Gorz 76 en évoquant l'utilisation de la voiture, c'est un rapport différent à nos lieux de vie qui pourraient remodeler nos vacances : « Les usagers, écrit Illich, briseront les chaînes du transport surpuissant lorsqu'ils se remettront à aimer comme un territoire leur îlot de circulation, et à redouter de s'en éloigner trop souvent. » Mais, précisément, pour pouvoir aimer « son territoire », il faudra d'abord qu'il soit rendu habitable et non pas circulable : que le quartier ou la commune redevienne le microcosme modelé par et pour toutes les activités humaines, où les gens travaillent, habitent, se détendent, s'instruisent, communiquent, s'ébrouent et gèrent en commun le milieu de leur vie commune. » (GORZ, Septembre-Octobre 1973)

C'est encore une fois un rapprochement avec l'idéologie du mouvement Staycation qui prône l'idée de rester chez soi pendant ses vacances. Le mouvement Flyless peut être abordé comme le symptôme d'une remise en cause plus globale de nos manières de voyager, par extension de nos manières de travailler et d'une organisation globale de nos sociétés. Les valeurs prônées par le slow-tourisme77 peuvent être étendues à une vision quotidienne des rapports humains.

75 https://www.franceculture.fr/emissions/hashtag/etes-vous-prets-a-renoncer-a-lavion-pour-des-raisons-ecologiques

76 http://carfree.fr/index.php/2008/02/02/lideologie-sociale-de-la-bagnole-1973/

77 https://blog.oney.fr/feedbacks/179355-slow-tourisme-retour-authenticite-voyages?fbclid=IwAR3vdElwpFso2ZPniKH7hYID5DCj9O5TeO3FaHH5mJAPojimVnWEM4N7WW4

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III. Etude de cas Agence Allibert :

Les agences de voyage et les compagnies aériennes sont des entreprises qui vivent totalement ou en partie grâce au tourisme aérien. Comme nous l'avons vu, le mouvement Flyless s'étend ou tout au moins fait parler de lui dans la presse. Ce mouvement peut-il inquiéter les opérateurs touristiques, est-il perçu comme une menace ? J'ai passé six mois au sein de l'agence Allibert Trekking et pu interroger cette entreprise sur sa vision de l'avenir du tourisme aérien. Afin de comprendre le contexte de l'agence de tourisme d'aventure Iséroise, nous commencerons par présenter l'entreprise, sa clientèle et les actions qu'elle met en place dans un souci d'écologie. Nous verrons ensuite quel est son positionnement sur l'avenir des voyages en avion. Enfin nous essaierons de tracer les grandes lignes des différents scénarios envisageables pour Allibert à l'avenir, face à la question de l'aérien.

A. Présentation générale d'Allibert trekking

1. L'entreprise : histoire et activités

Allibert trekking est un acteur français majeur du tourisme d'aventure. L'entreprise propose des circuits de randonnée et d'alpinisme partout sur la planète. Le siège social est situé à Chapareaillan en Isère. Il existe cinq autres agences distantes en France et une au Canada. L'entreprise emploie près de 150 salariés.

Allibert trekking nait en 1975 en Isère sous l'initiative de trois amis guides et passionnés de montagnes et de voyage. Proposer des randonnées guidées à des groupes est alors assez novateur. Les destinations des circuits sont principalement les Alpes mais aussi des sommets mythiques comme le Kilimandjaro ou des volcans lointains comme l'Erta Ale en Ethiopie. L'entreprise va vite se développer et étoffer son offre de voyages. Depuis les fondements, l'idée est de proposer un tourisme vertueux qui rend hommage aux beautés de la planète. Les fondateurs sont des fascinés de nature. Dans les années 1995-2005, Allibert devient une référence en matière de voyages dans le désert (l'entreprise s'appelle encore à ce moment, Allibert Montagnes et Déserts).

En 2004, une nouvelle formule de voyage est proposée pour répondre à la demande du marché : les voyages liberté qui correspondent à des produits touristiques vendus sans guide, les clients détenant toutes les informations nécessaires dans un road-book (carnet de route) personnalisé. Ce type de voyage connait un développement très important depuis sa création. Aujourd'hui c'est un client Allibert sur quatre.

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Les années 2000 marquent le moment auquel l'entreprise comprend l'enjeu à communiquer sur la démarche responsable, mise en place depuis les premiers circuits. En 2008 Allibert s'investit dans le label ATR (Agir pour un Tourisme Responsable) et participe à l'élaboration du cahier des charges du label. Celui-ci donne des garanties aux clients. Nous reviendrons plus en détail sur cette démarche par la suite.

En 2013, Allibert trekking rejoint le groupe « Voyageurs du Monde" dirigé par Jean-François Rial, un géant français du tourisme avec 465,9 millions d'euros de chiffre d'affaire en 2017. Le concurrent direct d'Allibert trekking, l'agence Terres d'Aventures fait également partie de ce groupe ce qui lui offre un quasi-monopole dans cette branche du tourisme en France.

Allibert trekking est aujourd'hui une entreprise dynamique, cotée en bourse et qui se porte bien. Les objectifs internes sont une amélioration de la satisfaction clients qui est déjà très bonne, cela afin d'assurer une durabilité économique solide. Frederic Giroir, PDG d'Allibert déclarait en mai 2019 lors d'une réunion pleinière de l'entreprise « Une excellente satisfaction client et une offre de services de qualité peuvent justifier des marges plus élevées. Des marges plus élevées garantissent un meilleur niveau de croissance pour l'entreprise et assurent donc sa stabilité. »

Allibert commence à se déployer sur les marchés internationaux en travaillant avec des agences étrangères mais aussi en direct avec des clients. Ce marché, surtout anglophone, représente un important potentiel de développement.

2. Clientèle

L'entreprise Allibert Trekking mène des études afin de connaitre ses clients, leurs attentes et leurs exigences. La responsable du service communication nous présente la clientèle Allibert comme suit78 :

Pour les clients, les motivations principales au voyage d'aventure sont le bénéfice physique et moral, couplé à la découverte d'une destination ; l'approche orientée «nature» offerte par les produits touristiques proposés ; la découverte de terres peu explorées et le voyage respectueux des populations locales. A l'inverse, les freins principaux sont l'absence de liberté et de personnalisation, le groupe, la crainte de l'effort physique et/ou du caractère secondaire de l'approche culturelle et le prix.

78 Ces informations ont été recueillies lors de la journée d'accueil des nouveaux salariés à laquelle j'ai participé en mai dernier au siège social de l'entreprise à Chapareillan (38)

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Allibert recense entre 26 000 et 27 000 clients par an. 55% d'entre eux ont entre 45 et 65 ans. Seulement 12% d'entre eux ont moins de 35 ans. L'âge moyen des participants est de 53 ans avec 55% de femmes et 45% d'hommes. En termes de provenance géographique, 25% de la clientèle vient de Rhône-Alpes.

La clientèle d'Allibert Trekking appartient à des catégories socio-professionnelles + à ++, comme des cadres, professions libérales, enseignants ou retraités aisés.

Concernant l'étude qui a été menée sur les profils de clientèle, il en ressort :

Les inconditionnels des Tour-Opérateurs, hyper voyageurs : Ils représentent 50% de la clientèle. Ils aiment et ont l'habitude de consommer des produits touristiques packagés par une agence de voyage. Ils partent une à deux fois par an par ce biais.

Les sportifs : Ils sont jeunes, compétiteurs, exigeants et valorisent la figure de l'accompagnateur en montagne ou du guide de haute montagne. Ce type de clientèle est particulièrement intéressé par les séjours demandant une certaine capacité physique et maitrise de la montagne (alpinisme). Nous pouvons retrouver un très net intérêt de ce type de clients pour les sommets renommés dans l'univers de la montagne.

Les ponctuels pragmatiques : Il s'agit d'un type de clientèle qualifié «d'opportuniste», car ils sont à la recherche de la «bonne affaire». Par conséquent, il s'agit d'un profil difficile à fidéliser et susceptible de choisir un produit concurrent si le rapport qualité/prix y est jugé plus intéressant. Ce type de client choisira le voyage d'aventure car le choix de leur destination s'y prête particulièrement.

Les découvreurs multi activités en famille : Ce segment de clientèle s'intéresse tout particulièrement aux circuits «multi activités» développés par Allibert Trekking. Il s'agit de découvrir la nature avec des activités respectant l'environnement et adaptées aux enfants. Ce type de clients représente environ 10% de la clientèle.

Les produits proposés par Allibert sont ainsi organisés en fonction de la demande des clients et clients potentiels. On constate que le souci écologique est présent, plutôt orienté vers le respect des populations sur place. Les préoccupations de pollution carbone ne font, à l'heure actuelle, pas partie des attentes.

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3. Le label ATR

Afin de répondre aux préoccupations des clients, mais aussi de s'assurer de travailler d'une façon éthique chère à ses fondateurs, l'entreprise est labélisée AIR c'est-à-dire Agir pour un Tourisme Responsable. ATR est une association dont Allibert est un membre fondateur et qui regroupe les principaux acteurs français du tourisme d'aventure (Le groupe Voyageurs du monde, Terre d'aventure, Atalante, Chamina, Grand Angle, La Balaguère etc ...) Les termes du label sont fixés par les membres de cette association, le label est ensuite accordé par Ecocert, à la suite d'un audit indépendant mené sous le contrôle d'Afnor. Les engagements fondateurs d'AIR sont au nombre de cinq :

· Impliquer et respecter les populations locales dans le développement.

· Minimiser l'impact de ses activités sur l'environnement.

· Être respectueux de sa clientèle.

· Appliquer à soi ce que l'on préconise aux autres.

· Promouvoir et faire connaître ATR et le Tourisme Responsable.79

ATR propose aux voyageurs une charte du voyageur éthique, rappelant les principes d'un voyage responsable. Ces principes s'appliquent avant le voyage, lors de la préparation en s'intéressant à la destination. Pendant le voyage en respectant aussi bien la nature que les populations. Mais aussi après le voyage en favorisant le dialogue entre les cultures pour permettre un tourisme facteur de paix80.

Pour ce qui est des impacts environnementaux liés au tourisme, le label ATR défend la position suivante « Les voyages, mêmes lointains, peuvent être « climato-compatibles »81 Pour cela, ATR défend la compensation carbone.

Sur la question du changement climatique et plus précisément du transport aérien, les professionnels du tourisme adhérents d'AIR ont décidé, lors d'une rencontre en juin 2019 de mettre en oeuvre un certain nombre de mesures afin d'aller au-devant des exigences législatives. La décision est la suivante : « Les émissions liées au transport des voyageurs devront être compensées par les entreprises titulaires du label ATR, à hauteur de 50% à partir de 2023, puis à 100% à partir de 2025.82 » Comme le décrit ce communiqué « Le tourisme est victime des effets du changement climatique sur l'attractivité

79 https://www.tourisme-responsable.org/agir-tourisme-responsable/lassociation-atr/charte-de-lassociation/

80 https://www.tourisme-responsable.org/voyager-responsable/charte-ethique-voyageur/ 81 https://www.tourisme-responsable.org/voyager-responsable/agir-maintenant/agir-voyages-climato-compatibles/ 82 https://www.tourisme-responsable.org/actualites/evenement/professionnels-voyage-lutter-contre-changement-climatique/

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des destinations, mais il représente aussi près de 10% des émissions globales de CO2* (dont près de la moitié sont liées aux déplacements en avion). Cette controverse, ATR l'a traitée de front depuis plusieurs années, en concentrant son énergie sur les solutions concrètes et les moyens d'agir » ajoute Julien Buot, directeur d'AIR.

L'association semble bien consciente des impacts du tourisme mais souhaite imaginer un tourisme autrement car elle croit en ses vertus d'ouverture d'esprit et de facteur de paix. Elle est également convaincue que les gens n'arrêteront jamais de voyager.

4. La compensation carbone volontaire

L'association AIR dont fait partie Allibert Irekking et d'autres acteurs majeurs du tourisme d'aventure, invite ses clients à calculer l'empreinte carbone de leurs voyages afin de la compenser. Pour cela, ATR met en avant 3 propositions :

· Pur Project, qui propose de financer la plantation d'arbres, en échange de certificats de crédits carbone.

· Microsol, qui propose de financer des cuiseurs à bois économes auprès des populations les plus vulnérables au changement climatique en Amérique Latine, en échange de certificats de crédits carbones

· Ecoact, qui accompagne les professionnels dans leurs actions de lutte contre le changement climatique, et propose des projets de compensation carbone volontaire.

Le choix d'Allibert au niveau de la compensation carbone est plus engagé encore puisque depuis le 1er janvier 2018, Allibert compense 100% des émissions de CO2 émises par ses clients. Cela représente un budget d'1,2 millions d'Euros pour l'entreprise. Ce programme est exclusivement mené auprès de la fondation Insolites bâtisseurs, Philippe Romero, qui développe des projets responsables suivants 3 axes principaux : la lutte contre le réchauffement climatique avec la reforestation principalement, l'aide aux migrants et le mécénat. L'argent ainsi investi est mis au service de projets comme la plantation de mangrove dans le delta des Sundrabans en Inde, la restauration de la mangrove indonésienne à Sumatra, le projet Gorgée d'eau mené au Maroc et qui finance l'amélioration des conditions de scolarisation des enfants ou encore le programme Women Rockin Pamirs qui veut aider les femmes à se former au métier de guide au Tadjikistan.

L'entreprise Allibert semble bien consciente des problèmes éthiques et environnementaux que peuvent amener le tourisme. Elle semble également décidée à lutter contre ses dérives en proposant un tourisme engagé et responsable. La priorité est donnée à l'aide aux populations locales par

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l'accompagnement financier offert via la fondation Insolites Bâtisseurs. Ces démarches ne remettent pas en cause le tourisme en lui-même mais veulent être des garanties de reconnaissance et de visibilité de pratiques éthiques.

On peut voir dans la démarche de l'association ATR et le mouvement « Flyless » certains points communs : les deux prônent un voyage plus « humain », respectueux des personnes. Les deux prônent une ouverture aux autres. Pourtant un problème majeur se pose : les activités d'une agence de voyage sont basées sur l'avion et la recherche d'exotisme. Est-il alors possible de combiner ces deux aspects ou sont-ils antagonistes ? La finalité du mouvement Flyless est de limiter le réchauffement climatique, celle d'une agence de voyage est de faire du profit, comme toute entreprise. Ces deux objectifs peuvent-ils se combiner pour ce qui est du transport aérien et comment ? Nous allons tenter d'éclaircir ces questionnements au travers une série d'entretien menés au sein de l'agence Allibert.

B. Le tourisme aérien en question

À la suite des entretiens réalisés avec des membres de l'agence Allibert, il en ressort certaines grandes lignes quant à la perception de l'avenir du tourisme aérien. Il y a tout d'abord le positionnement du groupe Voyageurs du monde, représenté par Jean-François Rial. N'ayant pu rencontrer directement Monsieur Rial, je résumerai sa pensée en utilisant des interviews qu'il a donné dans la presse. Nous verrons ensuite qu'au sein de l'agence la question du tourisme aérien fait réagir et fait débat. Ensuite nous aborderons l'idée de limiter le recours à l'aérien en se demandant quelles en seraient les conséquences. Nous verrons ensuite quelles seraient les autres pistes pour terminer sur une image prospective.

1. Note méthodologique :

Afin de recueillir les informations développées dans la suite de ce travail j'ai réalisé six entretiens au sein de l'agence en choisissant des personnes ressources.

· Tout d'abord le directeur général puisque c'est lui qui insuffle et décide les grandes orientations de l'entreprise.

· La responsable du service qualité et du label AIR.

· Un membre du service communication chargé des réseaux sociaux.

· Un Chef de produits au service des Alpes qui par son passé professionnel, se sent pleinement concerné par ces questions.

·

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La responsable du service communication qui a une vision précise des clients Allibert et de leurs attentes

· La responsable du service aérien

Je remercie chacune de ces personnes de m'avoir accordé un peu de temps. Les entretiens ont été menés avec une grille unique (en annexe 5) ; enregistrés puis retranscris afin d'être cités et analysés. Un des entretiens a été réalisé par écrit, faute de temps pour se rencontrer. Pour ces échanges, j'ai utilisé l'entretien semi-directif avec seulement six questions posées. Cette méthode m'a paru la plus appropriée pour aborder un sujet mêlant considérations professionnelles liées à l'entreprise et convictions personnelles. L'entretien semi-directif permet de cadrer le discours autour de la thématique choisie, tout en laissant l'espace à l'interlocuteur de partager ses doutes, ses propres questionnements et ainsi d'ouvrir plus largement l'échange.

2. Positionnement du groupe Voyageurs du Monde

Ce résumé est tiré de deux interviews radio de Jean-François Rial, Président Directeur général du groupe Voyageurs du Monde depuis 1996. Ces interviews ont été données entre mai et juillet 2019 sur RMC83 et France info84.

Interroger le PDG d'une grande entreprise touristique sur l'aérien revient à mettre en évidence des paradoxes. Le mouvement Flygscam fait encore une fois parler de lui et c'est une certaine culpabilité du voyage qui est mise en avant par le journaliste de RMC, Olivier Truchot. Face à ces questionnements, le positionnement de Jean-François Rial est très clair. Il est convaincu de la nécessité de la transition et se définit lui-même comme un écologiste. Il évoque des désastres environnementaux à prendre en compte rapidement comme la destruction des sols agricoles, l'érosion de la biodiversité ou le réchauffement climatique. Mais Jean-François Rial se dit être un écologiste libéral, et dénonce la pensée des altermondialistes. Il est convaincu de la possibilité d'une croissance verte et vertueuse. Selon lui, l'idée de ne plus voyager en avion est absolument irréaliste voir même dangereuse. Le voyage constitue selon lui un facteur majeur de tolérance, d'ouverture d'esprit et de paix entre les peuples. Il fait également le constat qu'on ne peut pas empêcher les gens de voyager « c'est complétement irréaliste85 », et qu'ils en auront toujours envie. Se retrouvant face à un tel paradoxe et en tant que

83 https://rmc.bfmtv.com/mediaplayer/video/le-grand-oral-de-jean-francois-rial-pdg-du-groupe-voyageurs-du-monde-0407-1173080.html 84 https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-interview-eco/jean-francois-rial-pdg-de-voyageurs-du-monde-veut-faire-planter-des-milliards-darbres-contre-la-pollution-des-avions3403059.html

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chef d'une entreprise qui fonctionne grâce à l'aérien, il propose la solution suivante : planter des arbres. Selon ses dires il est possible de compenser intégralement les émissions de C02 des avions en plantant environ 4 à 5 milliards d'arbres par an. Derrière cette proposition, on peut faire deux constats : le premier est que la compensation serait la seule voie « réaliste » étant donné qu'on ne saura pas fabriquer des avions propres d'ici trente ans. M. Rial ne souhaite donc pas se lancer dans un discours trop optimiste sur un transport aérien d'avenir qui ne serait pas polluant. La deuxième chose derrière sa proposition est qua dans son idée, le transport aérien n'est nullement remis en question. Il est un indispensable dont on ne peut se passer et qu'on ne peut (et veut) pas réduire. L'avion représente environ 5 % des émissions de CO2 de la planète, dans l'idée de Monsieur Rial si des arbres sont plantés c'est pour compenser ces 5% là. Quant à la place nécessaire pour ces arbres, M. Rial cite une étude Suisse86 qui estime qu'il y a suffisamment de surface sur notre planète pour planter encore 1200 milliards d'arbres sans toucher aux activités humaines. Ces 1200 milliards d'arbres, représentent 10 ans d'émissions de CO2 actuelles planétaires. L'argument de Jean-François Rial devant cette idée est donc « il suffirait de prendre 3,6 milliards d'arbres [pour compenser les émissions des avions] c'est colossal mais Voyageurs du monde le fait à lui tout seul. C'est-à-dire que notre entreprise sur ses 300 000 clients par an, sur l'ensemble de ses marges et de ses activités, réussit à être en carbone neutre en plantant plus de 4000 arbres par jour. Donc si nous on le fait, pourquoi les autres ne pourraient pas le faire ? »87 Jean-François Rial prône également l'économie d'avion, c'est-à-dire ne prendre l'avion que quand c'est nécessaire. Cette notion de « nécessité », est toutefois propre à chaque individu. Enfin, le PDG de Voyageurs du monde, propose en mai 2019 une taxe qu'il appelle « contribution planète » d'une vingtaine d'euros par tonne de CO2 émise et par personne, payés par le consommateur pour compenser mais aussi pour financer la transition écologique gérée non pas par l'Etat mais par un organisme sanitaire indépendant.

En résumé, M. Rial est convaincu de la pertinence des solutions de compensation carbone pour répondre aux problématiques liées à l'avion, inhérentes à son domaine d'activité. Toutefois, face aux constats scientifiques, les autres pollutions causées par l'aérien ne sont pas compensées par la reforestation. Cette dernière semble être une réponse incomplète au problème. En revanche, l'idée d'un arrêt total du trafic aérien semble elle aussi totalement irréaliste. La proposition de M. Rial navigue donc entre ces deux bornes de réflexion, au sein du paradoxe.

86 https://science.sciencemag.org/content/365/6448/76.abstract

87 https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-interview-eco/jean-francois-rial-pdg-de-voyageurs-du-monde-veut-faire-planter-des-milliards-darbres-contre-la-pollution-des-avions 3403059.html

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Voyons à présent la perception de ces enjeux au sein de l'entreprise Allibert trekking, qui est rappelons-le une entreprise du groupe Voyageurs du Monde depuis 2013.

3. Constat

Voyons tout d'abord comment se positionne l'agence Allibert mais surtout sa clientèle face au tourisme aérien et en quoi les activités du groupe sont liées à l'avion.

a) Des voyages au long court

De toute évidence, l'image de l'agence Allibert trekking est fortement liée voir indissociable de l'avion. Bien qu'initiée dans les Alpes, la marque de fabrique Allibert est celle des sommets du monde. Ainsi, les clients qui choisissent de voyager avec cette agence viennent chercher des destinations lointaines, pour lesquelles l'avion est une évidence. « L'histoire d'Allibert c'est le voyage aérien : Pérou, Népal etc... On dépend du voyage aérien car les clients ne sont pas prêts à passer beaucoup de temps dans les transports, quand on passe par une agence on veut que les choses soient organisées » (Allibert, 2019)

De plus, en termes économiques, seuls 10 % des clients Allibert n'utilisent pas l'avion. En 2018, l'avion représente les trois quarts du chiffre d'affaire et 20 000 clients.

b) La destination avant tout

Ce qui prime pour les clients c'est la destination. Des destinations qui font rêver, qui évoquent l'exotisme ou des terres vierges. Les clients ne se posent pas forcément la question de comment ils rejoignent une destination, ce qui est important c'est le but du voyage. L'objectif est de rejoindre un « point », un endroit fameux comme le désert du Namibe par exemple. S'il faut prendre un vol interne pour le rejoindre ce n'est qu'une formalité. « L'aspect aérien n'est qu'un second lieu, ce qui prime c'est la destination, la façon de voyager et ce qu'ils (les clients Allibert) vont pouvoir y découvrir. » (Allibert, 2019)

c) Tourisme responsable

Il apparait également que les clients sont sensibles à l'écologie, mais sous certains aspects. Tout ce qui est visible va être très important pour les voyageurs. En lien avec la charte éthique du voyageur responsable proposée par ATR (voir annexe 4). Le volet social avec le respect des populations par exemple, apparait comme primordial. « L'aspect social est surtout très important. Les bonnes

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conditions de traitements des guides ou des chameliers par exemple, sont une question de qualité de la prestation qui va être délivrée et tout simplement dans les valeurs humaines car on n'est pas dans une exploitation Nord/sud » (Allibert, 2019)

Dans l'idée d'écologie encore, mais sous l'aspect de la protection de l'environnement, les clients Allibert sont en quête de beaux paysages et d'une nature peu explorée. « Les clients Allibert sont sensibles à l'écologie dans le sens où ils veulent voyager dans une nature intacte, revenir émerveillés. Si la nature est dégradée ça ne marche pas. Dans le désert par exemple si on met des papiers gras par terre, ce n'est plus l'image bonifiée donc on doit prendre soin de cet environnement. » (Allibert, 2019) On peut également dire que les clients appliquent des gestes éco citoyens comme le tri sélectif ou encore économiser l'eau. Ils reproduisent pendant leurs voyages les gestes de leur vie quotidienne et c'est important à leurs yeux que le maximum soit fait dans ce domaine au sein des destinations.

« Les clients Allibert ont envie de voyager en faisant quelque chose bien » (Allibert, 2019) Le label ATR vient répondre à cette demande des clients. Il semblerait que réduire les déplacements en avion ne soit pas quelque chose qui fait partie de la sensibilité écologique des clients Allibert. En effet comme nous l'avons évoqué, ces clients sont avant tout des voyageurs en quête d'une destination. L'avion leur permet de l'atteindre. De plus, avec la compensation carbone mise en place, les clients savent qu'ils versent une somme d'argent pour que leurs émissions soient absorbées. On donne « bonne conscience » aux voyageurs en compensant leurs émissions de CO2 et c'est une vraie valeur d'utilité perçue par le client (VUPC).

Les clients ne semblent donc pas manifester le souhait de moins recourir l'avion. Peut-être est-ce une question de génération car comme nous l'avons vu, ils sont en majorité des retraités. « Je pense que refuser de prendre l'avion est un courant qui monte chez les jeunes, la génération des 20-25 ans qui a une conscience écologique plus aigüe et qui se dit on va à la catastrophe. Les clients d'Allibert ont 5055 ans et ne sont pas à ce point dans la réflexion » (Allibert, 2019)

Il est intéressant de noter que les vols directs (moins polluants que les trajets avec escales) sont souvent préférés mais ce n'est pas par souci d'écologie, plutôt par confort.

En résumé, on peut dire que la remise en question, la honte de prendre l'avion ne touche pas encore les clients Allibert mais il parait important de se poser la question car elle pourrait arriver.

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4. Perception des changements

Voyons à présent si des remises en question du tourisme aérien sont tout de même perceptibles au sein de l'entreprise et à quels niveaux. Il semblerait que les questions liées à la honte de prendre l'avion soient abordées en interne, au sein du label AIR mais aussi sur les réseaux sociaux.

a) Au sein d'ATR

Lors de la dernière assemblée générale de l'association Agir Pour un Tourisme Responsable, le mouvement du Flyqskam a été évoqué. En effet, il y a une volonté de l'association d'aller plus loin : c'est-à-dire mettre en place une compensation totale en 2025 de tous les membres de AIR (environ 40 marques). AIR est en train de sélectionner des opérateurs chargés des process de compensation. Pour les Iour Operator la compensation carbone semble être la seule voix envisageable car elle permet de continuer les activités de l'entreprise tout en prenant en considération les problèmes de pollution liés au trafic aérien.

De plus, le fait de se dire que les scandinaves aient réduit leurs achats de billets d'avion est pris au sérieux par les Iour Operator, du moins dans le discours « le monde du tourisme est en train de comprendre que l'enjeu des compensations des émissions liées aux vols est un vrai enjeu » (Allibert, 2019)

Les agences pensent également qu'elles ont intérêt à devancer les exigences des clients afin d'être en mesure de leur proposer des solutions acceptables au lieu d'attendre et de subir des sanctions financières. « Il vaut mieux que les acteurs du tourisme s'emparent du sujet plutôt que de laisser les gouvernements mettre des taxes » (Allibert, 2019)

b) Sur les réseaux sociaux

Allibert est présent sur Facebook à travers sa page principale mais aussi via des groupes thématiques par destinations. Ces groupes engendrent de très nombreux échanges entre voyageurs Allibert mais aussi avec d'autres personnes, simplement membres de cette communauté virtuelle. Depuis relativement peu de temps, environ un an, il semblerait que des commentaires liés aux critiques du trafic aérien fasse leur apparition. « Sur les réseaux sociaux, depuis que Greta Thunberg est médiatisée, on est trollé sur le côté écologique avec des commentaires. Par exemple sur un post parlant d'un voyage en Finlande : Je n'adore pas l'idée que trop de touristes y rentrent et détruisent tout. Le Grand Nord est en outre en train d'agoniser à cause du réchauffement climatique et les voyageurs en avion y contribuent » (Allibert, 2019)

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Ce genre de commentaires n'existaient pas il y a plus d'un an, aujourd'hui ils sont plus fréquents. Allibert envoie également des Newsletter à ses adhérents et récemment « Des clients ont répondus aux newsletters : je ne prends plus l'avion arrêtez de m'envoyer des Newsletters. C'est anecdotique on en a eu deux et dans les 6 derniers mois »

Il semblerait donc qu'au sein de la communauté virtuelle Allibert les remises en question liées au Flygskam commencent à se faire sentir mais dans une moindre mesure. Ces personnes constituent une micro-niche.

c) En interne

Questionner les salariés d'Allibert quant au tourisme aérien c'est soulever un gros paradoxe, et soulever un paradoxe c'est toucher à des sujets sensibles. La direction prise par l'agence Allibert est celle du groupe Voyageurs du Monde, représenté par JF Rial qui a largement exposé ses idées et défendu la compensation carbone dans la presse. « La réflexion au sein d'Allibert a commencé depuis longtemps c'est pour ça que nous avons choisi de compenser 100% des émissions de nos clients. » (Allibert, 2019)

Au-delà du positionnement du groupe, les questions liées au transport aérien font débat en interne depuis de nombreuses années, et même avant l'apparition dans les médias du mouvement Flyqskam. En effet, les équipes de salariés Allibert sont constituées dans la grande majorité de passionnés de montagne, de grands espaces et de nature intacte. Ces personnes sont doublement confrontées au paradoxe :

· Dans le cadre de leurs activités personnelles car ce sont bien souvent des passionnés de voyages pour qui explorer le monde et ses sommets est un indispensable, mais ce sont aussi des personnes sensibles à l'écologie, qui font de nombreux gestes éco-citoyens ou qui utilisent le vélo dans leurs déplacements quotidiens.

· De plus, ces personnes se retrouvent une seconde fois face au paradoxe dans le cadre de leur travail qui reste de faire voyager des gens sur la planète avec tout ce que cela implique. Ce sujet est donc très sensible et personne ne semble parfaitement d'accord avec lui-même quant à la conduite à adopter. Ainsi lors des entretiens, les personnes rencontrées, bien conscientes de ce problème disent « être prêts à vivre et travailler avec ce paradoxe » (Allibert, 2019) ou encore « l'axe officiel de l'entreprise, c'est la seule vision acceptable pour pouvoir dormir la nuit et se regarder dans le miroir et continuer ce business-là. » (Allibert, 2019)

En effet, comme beaucoup de clients, les salariés rencontrés sont convaincus des dangers que représentent le repli sur soi et que voyager est un facteur d'ouverture sur le monde.

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5. Perspectives et propositions

Les questionnements liés au transport aérien sont présents au sein de l'entreprise Allibert mais ne sont pas une priorité. En effet le boycott de l'avion ne concerne pas leur coeur de cible et n'est pas considéré comme une menace de baisse du chiffre d'affaire. L'agence ne souhaite donc pas mettre en pratique demain des actions permettant de diminuer le recours à l'avion. Cependant, diverses propositions paraissent tout à fait réalistes, essayons de les analyser de plus près.

a) Des voyages plus longs

Si on imagine des voyages qui dureraient plus longtemps, il y aura forcément moins de voyages. Proposer des produits plus longs qu'actuellement pourrait être un acte symbolique de la part de l'agence dans une logique responsable. Actuellement les voyages proposés durent entre 4 et 21 jours. On pourrait imaginer des voyages allant jusqu'à 4 voire 5 semaines. Cette idée a déjà été évoquée dans le passé, pourtant cette option n'a jamais été choisie « Faire des voyages plus longs ce serait un moyen de limiter les déplacements mais quand on regarde les tendances de consommation c'est le contraire : plus souvent plus court et plus près. Ce qui n'est pas très bon pour la planète. » (Allibert, 2019)

En effet, la tendance actuelle du marché est de partir plus souvent et moins longtemps. Ce phénomène est facilité par les billets d'avion low-cost qui permettent de partir pour un week-end dans une capitale Européenne par exemple. La tendance est donc de multiplier les courts séjours dans l'année « A cause des contraintes professionnelles les gens ont plus de mal à partir trois semaines et arrivent plus facilement à placer des petits voyages (...) Les voyages en Europe des européens sont en train d'exploser » (Allibert, 2019)

De plus, proposer des voyages plus longs s'inscrirait dans une démarche responsable socialement parlant. On peut imaginer que lors d'un long séjour on a l'opportunité de prendre le temps, aller rencontrer les populations et les comprendre. Un voyage plus long ne se fait pas seulement en accumulant le maximum de choses à voir, il pourrait permettre de ralentir et c'est aussi ce que recherchent les gens lors de leurs vacances.

b) Limiter les préacheminements

Autre piste pour diminuer le recours à l'avion, la question des préacheminements. Lorsque les clients partent en voyage, ils doivent rejoindre un aéroport important (Hub) afin de gagner ensuite leur destination finale avec ou sans escales supplémentaires. Pour la France, le hub principal est Paris. Allibert a depuis de nombreuses années fait le choix de proposer également des départs de Province

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avec une première liaison depuis les grandes villes françaises (Toulouse, Lyon, Marseille, Nantes ...) vers Paris mais aussi vers d'autres hubs proches comme Francfort ou Madrid. Cette première étape du voyage est appelée préacheminement et est réalisée en avion.

Pour limiter le recours à l'avion l'agence pourrait faire le choix de proposer des préacheminements en train. Cela voudrait dire proposer aux clients une solution en train et une en avion peut-être ; mais en tous cas, faire cette proposition serait déjà un message fort envoyé aux clients. Encore faut-il que les clients soient d'accord pour préférer le train, rien n'est moins certain. Également au niveau pratique lorsqu'un billet d'avion Toulouse - Bangkok est acheté à une compagnie par exemple, s'il y a un retard dans le premier vol entre Toulouse et Francfort imaginons, c'est la compagnie aérienne qui est responsable et doit assurer la suite du trajet. Avec l'achat d'un préacheminement en train, réservé par l'agence à la SNCF la continuité du trajet devrait être assurée par l'agence, ce qui pose quelques problèmes. « On pourrait décider de limiter les préacheminements en avion et les proposer en train, je pense que c'est possible par contre ce serait un peu une révolution pour nos clients. Cela pose des questions assez techniques : acheter des billets de train pour eux, assez lourd à mettre en place pour un service transport. (...) On accroit un peu l'insécurité. » (Allibert, 2019)

En résumé, on peut dire que l'idée de limiter les préacheminements en avion et proposer des alternatives en train parait réaliste pour l'agence en réorganisant bien sur quelques aspects techniques. Les clients ne sont peut-être pas tous disposés à sacrifier un peu de confort et de temps au nom de limiter leurs émissions carbones, mais l'alternative pourrait toutefois en intéresser certains et irait dans le sens du tourisme responsable, sans remettre en cause les activités de l'agence.

c) Renforcer l'offre locale

Limiter le recours à l'avion peut aussi vouloir dire renforcer l'offre locale de voyage. De ce côté l'offre Allibert est très conséquente puisque les destinations France et Europe représentent une part importante des produits. Ainsi, si on imagine une réduction future des voyages long-courriers, Allibert aurait moins de souci à se faire qu'une agence qui serait spécialisée dans ce domaine. « Le maillage géographique des destinations Allibert en fait un système plus récessif que des agences spécialisées dans le long courrier et les destinations lointaines » (Allibert, 2019)

Allibert souhaite continuer de proposer des voyages locaux, pas forcément dans une logique de limiter l'avion, mais parce que c'est une tendance de la clientèle que de voyager en Europe.

Pour ces destinations plus proches, notamment pour les Alpes, les points de rendez-vous sont très souvent donnés dans les gares et cela dans le but d'inciter les clients à arriver en train. Pour aller plus

loin, « on pourrait imaginer des gestes commerciaux pour les gens qui viennent en train. » (Allibert, 2019)

Également, dans une logique de tourisme responsable et de limiter les émissions carbone, Allibert déclare « Pour tous nos voyages dans les Alpes nous souhaitons dès l'année prochaine indiquer des modes alternatifs d'accès. Favoriser le train, favoriser le co-voiturage. » (Allibert, 2019) Cela passera par exemple par le projet intitulé Salle d'embarquement et qui sera mis en oeuvre cet hiver. L'idée est de mettre en lien les clients avant leur voyage et de leur proposer des outils facilitant l'organisation de leur co-voiturage.

Au sein de l'agence, certains croient en l'idée d'imaginer de nouvelles destinations en Europe et de les mettre plus en avant en proposant d'y aller en train (Dolomites, Suède par exemple). Créer de nouveaux produits au départ de la France vers la Croatie ou la Scandinavie avec un voyage totalement en train, avec pourquoi pas une nuit supplémentaire en cours de voyage pour découvrir une capitale européenne. Ce genre de développement pourrait s'appliquer aux voyages liberté. L'application mon road-book (carnet de route sur smartphone) serait alors tout à fait pertinente pour guider les clients dans leurs voyages (correspondances, train, gares etc...) mais aussi pour passer quelques heures entre deux trains dans une ville d'Europe, voir une nuit dans un hébergement.

Enfin, il faut évoquer la mouvance des mirco-aventures près de chez soi. L'idée est de proposer des circuits assez courts sur un week-end par exemple au départ direct des grandes villes. Dans cette logique, Allibert est en partenariat avec l'entreprise Helloways88 et organisera prochainement un évènement à Grenoble au départ de la Bastille puis deux heures de train, balade et un buffet. Le concept est de développer des communautés de randonneurs dans les grandes villes d'Europe, et leur proposer une aventure au départ du centre-ville en transports en communs (ce qui rappelle le projet Changer d'approche de Mountain Wilderness). Allibert est en ce moment très sollicité par des entreprises de micro-aventure (une fois par semaine environ).

d) Se passer de l'avion : enjeux

Nous l'avons vu, même si de forts questionnements agitent l'agence et les membres du label AIR, la tendance n'est pas pour le moment à réduire les voyages en avion qui sont le coeur de l'activité économique des Tours Operators. Cette tendance semble pourtant pointer et l'anticiper parait tout de même important. Au sein d'Alibert, les avis quant à l'avenir du mouvement Fkyqskam divergent quelque peu. Certains pensent qu'il va grandir et amener les TO à se remettre en question. « Il y a des

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88 https://www.helloways.com/

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clients à aller chercher dans ce mouvement-là. Pour nous ça peut être un moyen d'aller chercher autre chose et de se renouveler. Et je pense aussi qu'il y a des clients fidèles chez nous qui a un moment nous demanderons un autre type de voyage (...) qui voudront un tourisme propre dans le sens moins de trajets et qui diront la compensation carbone ça ne suffit pas. » (Allibert, 2019)

Toutefois cette tendance n'est pas considérée comme un mouvement important « il va falloir que nous trouvions des idées pour proposer autre chose à nos clients mais avec toujours cette méfiance de se dire qu'en trouvant une idée pour une niche au milieu d'une niche, même si elle rejoint nos convictions, on tue notre business principal. » (Allibert, 2019) Le mouvement Flygskam reste pour le moment, un mouvement de niche, voire de micro-niche, il ne concerne que peu de gens et voyager en avion reste un rêve pour la majorité de la population. « C'est dans les pays où l'on a déjà profité de tout ça, des possibilités offertes par l'avion qu'on voit émerger ces mouvements de honte de prendre l'avion. C'est seulement quand on a fait 50 voyages dans sa vie qu'on arrive à être lassés. Quand c'est le premier voyage de sa vie, qu'on est issu de classe moyenne on ne réfléchit pas de cette manière » (Allibert, 2019)

Ainsi, bien que dans une démarche de tourisme responsable, il apparait finalement que l'avion ne fasse pas pour l'instant partie des choses à limiter. « On est dans la démarche de limiter notre impact en étant dans la démarche ATR mais limiter l'avion ne fait pas partie du négociable. Le business continue tant que les gens sont d'accord pour vivre avec ce paradoxe » (Allibert, 2019)

C. Prospective

En guise de conclusion de cette partie consacrée à l'étude de cas de l'agence Allibert, j'ai trouvé intéressant de me pencher sur la vision prospective du secteur aérien des personnes rencontrées en entretiens. Cette vision est bien sur propre à chacun mais elle s'appuie sur une expérience professionnelle quotidienne du tourisme d'aventure et donc sur une expertise importante.

· L'espoir d'appareils plus propres et de flotte d'avions de meilleures performances pourrait redessiner les contours du tourisme aérien. Avec de telles avancées technologiques, le problème de la pollution ne se poserait plus et le tourisme aérien pourrait continuer sa croissance.

· Également, si d'autres moyens de transports propres et aussi confortables que l'avion faisaient leur apparition, ou si le train était aussi rapide et confortable que l'avion, cela pourrait changer la donne « Aujourd'hui le temps qualitatif n'est pas celui du transport. Ce qui pourrait changer les choses à terme c'est qu'il le devienne. Ce qui est complexe c'est l'attente d'optimisation de temps, qui est une constante dans la demande aujourd'hui. » (Allibert, 2019)

·

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Que ce soit à cause de l'augmentation du prix du pétrole ou du renouvellement des avions, les prix des billets pourraient augmenter considérablement. Cette augmentation des prix pourrait faire que les voyageurs ne prennent plus l'avion et partent en vacances plus proche de chez eux. « On va un jour avoir un vrai problème sur le pétrole et c'est ça qui fera baisser le tourisme aérien. Pour moi dans 30 ans, 80 % du trafic aérien sera resitué localement. » (Allibert, 2019)

· Grâce aux outils informatiques et la facilitation de l'échange d'informations, les voyageurs pourraient avoir de moins en moins besoin de faire appel aux Tour Operators « le transport aérien est en profonde mutation, à l'avenir les clients feront de moins en moins appel à des TO car ils sont de plus en plus autonomes » (Allibert, 2019) Dans cette idée les pratiquants réinventeront le tourisme et la mutation ne viendra pas de agences mais des pratiquants, comme à l'invention du tourisme au début du siècle.

L'avenir de l'agence Allibert trekking parait donc incertain si l'on considère une augmentation des prix des billets, un bouleversement des destinations ou même une forte autonomisation des voyageurs. Pourtant, en ayant une offre locale élargie et en proposant des voyages en liberté, elle a su assurer des perspectives de croissance fiables et se trouve globalement dans une situation favorable.

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Conclusion

Nous l'avons vu au fil de ce mémoire, le secteur aérien a de nos jours, une énorme influence sur l'organisation du commerce mondial, tant en termes de transport de personnes que de transport de marchandises. Il est un élément indispensable de développement des marchés mondiaux et d'accroissement du PIB. L'avion est devenu un moyen de transport très utilisé mais seulement par une faible proportion de la population mondiale. Est-ce une activité élitiste que de partir en vacances à l'autre bout du monde ? A l'échelle planétaire on peut affirmer que oui.

Pourtant, c'est bien à l'échelle planétaire que le trafic aérien à des conséquences, et la pollution qu'il génère a des répercussions importantes. Les rapports scientifiques sont clairs : le réchauffement climatique est là, et a des conséquences désastreuses. Le trafic aérien n'est responsable que d'une faible part des émissions mondiales de C02, 3% environ. Mais ces perspectives de croissance en font tout de même une réelle menace pour l'avenir.

C'est dans ce constat que nait le mouvement Flygskam. Prendre l'avion serait une absurdité écologique. En effet, les études scientifiques vont dans ce sens. Pourtant il n'est pas si facile de trancher et d'abandonner purement et simplement les déplacements en avion.

L'avion n'est pas qu'un moyen de transport. Il est une victoire, une révolution technique, une fierté de l'humanité. L'avion a élevé l'homme au propre comme au figuré. Il a permis de rapprocher des contrées lointaines et de parcourir le monde facilement. Il a aussi ouvert la voie à la possibilité de vacances inoubliables et exceptionnelles en permettant d'accéder aux plus beaux endroits de la planète.

Pour les vacances, l'avion c'est surtout ça : un moyen d'accéder à ... Alors à l'heure de la bucket list, des 100 lieux qu'il faut avoir vu dans sa vie, l'avion est un outil indispensable pour cocher toutes les cases. Car ce que l'on veut quand on voyage ce n'est pas aller se balader au hasard pour flâner, ce que l'on cherche c'est une destination, c'est le Grand Canyon, Venise, la Grande Muraille de Chine, le Taj Mahal ... C'est aussi depuis l'avènement des réseaux sociaux des lieux « Instagrammables » c'est-à-dire des lieux photogéniques dont la côte de popularité a explosé très rapidement et qui n'étaient jusqu'alors que peu fréquenté . La destination est visualisée, véhiculée par des images vues dans les médias et souvent idéalisée et 80 % des touristes sont concentrés sur 3% de la planète. Serions-nous en manque d'inspiration ?

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Face à de tels constats, faut-il encourager une baisse du trafic aérien, mais quelle forme prendra-t-elle ? L'avion doit-il être taxé ? Comme le dit Jean-Pierre Mas dans le Monde en mai 201989 « Afin de réduire les émissions liées au transport aérien, une des solutions pourrait s'inscrire dans une démarche de décélération : plus cher du fait d'une taxation dissuasive, le transport aérien deviendrait moins accessible. Moins de passagers, c'est moins de vols, donc moins de CO2. Les voyageurs les moins aisés, plus sensibles au prix, seraient alors les premiers concernés ». Le risque d'une taxe serait que l'avion ne devienne encore plus élitiste qu'il ne l'est déjà. A moins qu'il soit simplement boycotté. Est-il réaliste de croire que l'avion sera boudé, car trop polluant ? L'idée fait de plus en plus d'adeptes en tous cas. Ainsi, d'autres modes de déplacement, plus propres reviennent sur le devant de la scène. C'est avant tout le cas du train. Les projets de réhabilitation des trains de nuit se multiplient en France et en Europe, et comme le dit Juliette Labaronne dans Libération le 13 aout 2019 « On nous a pris pour des hurluberlus à vouloir garder nos trains de nuit. Aujourd'hui, on sait que c'est le mode de transport le plus écolo »90 Les mobilités sont visiblement en pleine mutation.

Pour clore ce travail, je souhaite citer Bertrand Picard. Ce « savanturier » comme on le nomme s'est fait connaître en faisant le tour du monde à bord d'un avion électrique. Il est un véritable passionné d'aviation. Interrogé sur le mouvement Flygskam il déclare dans le Parisien en aout 201991 « L'avion est un mode de transport extraordinaire. S'acharner sur une cause du réchauffement climatique est souvent la meilleure façon de se donner bonne conscience sur tout le reste. Ce pauvre avion n'a rien fait. Ce sont les voyageurs qui ont perdu le sens du raisonnable quand ils s'envolent pour faire du shopping le temps d'un week-end. Ce sont nos modes de vie qui deviennent fous. »

89 https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/05/21/qu-adviendrait-il-du-droit-aux-vacances-pour-tous-en-

rendant-moins-accessible-le-transport-aerien 5464996 3232.html 90 https://www.liberation.fr/france/2019/08/13/et-si-le-train-de-nuit-revoyait-le-jour1744976?utmmedium=Social&utmsource=Facebook&fbclid=IwAR3IreaDaDDxuBPdIw9CWSMH90iXGulz aoRI0KFmnxaId7xEltybs8El9mQ#Echobox=1565706538

91 http://www.leparisien.fr/societe/honte-de-prendre-l-avion-ce-sont-les-voyageurs-qui-ont-perdu-le-sens-du-raisonnable-02-08-2019-8127495.php

68

IV. Bibliographie

OUVRAGES

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CROZET, Y. (2016). Hypermobilité et politiques publiques - Changer d'époque ? (G. B. Coll Méthodes et approches, Éd.) Economica.

HUBERT, J. (1987). Chronique de la navigation aérienne. Toulouse: Ecole Nationale de l'Aviation civile. MICHEL, F. (2000). Désirs d'ailleurs. Paris: Armand Colin.

ARTICLES DE PRESSE (la plupart des articles du corpus sont référencés dans la webographie)

AFP, L. M. (2019, Juillet 10). Le gouvernement met en place une écotaxe sur les billets d'avion. Le

Monde.

COHEN, C. (2018, Novembre 16). Carburants: pourquoi les avions et les bâteaux echappent aux taxes. Le Figaro.

GORZ, A. (Septembre-Octobre 1973). L'idéologie sociale de la bagnole. Le Sauvage.

GRIMAULT, V. (3 juin 2019). TRANSPORTS: Faut-il arrêter de prendre l'avion ? Alternatives Economiques.

ARTICLES SCIENTIFIQUES

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DOBRUSZKES, F. (2005). Compagnies Low Cost Européennes et aéroports secondaires: quelles dépendances pour quel developpement régional ? Les cahiers scientifiques du transport N°47, pp. 39-59.

DIETZ, R. B. (Mars 2019). Management quality and carbon performances of airlines. Transition Pathway Initiative.

LECAT, J.-J. (s.d.). La propriété et le contrôle des compagnies aériennes. Le cas d'Air France. Revue internationale de droit comparé Volume 54 N°2, pp. 415-440.

69

Magnan, A. (Avril 2008). Le développement des îles hôtel aux Maldives d'hier à demain. Etudes

Caribéennes.

NGUYEN, M. S. (2012). Le business model du low-cost. Eyrolles.

RAPPORTS

ASSADOURIAN, E. (2007-2008). Vitals Signs The trends that are shaping our futur. World watch

Institute.

CATTAN, N. (2004). Le monde au prisme des réseaux aériens. Flux volume 58, no 4, pp. 32-43. (1944). Convention on International Civil Aviation. Chicago.

DGAC, D. G. (2017). Enquête nationale auprès des passagers aériens. France: Ministère de la transition écologique.

GIEC. (2015). Il est encore temps ! 3 leçons à retenir pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C. IATA. (2018). Le trafic de passagers a continué de croître et la demande de fret aérien a été forte en

2017. Montréal: IATA.

IHLG, I. H. (2017). Aviation Benefits.

PEARCE, B. (2009). IATA Economic briefing Air freight timely indicator of economic turning point.

Montréal: IATA.

RAC, R. A. (2015). CO2 is in the air, Cinq mythes sur le rôle du transport aérien dans les changements climatiques. Montreuil.

UNECE, I. (2015). MEMORANDUM OF UNDERSTANDING. Geneve.

EMISSIONS DE RADIO

BERTRAND, Y.-A. (2019, Aout 10). France Inter, Regardez Voir. (B. PATIENT, Intervieweur)

FAYOLLE, MAxime (2019, Aout 21). France Culture, Hashtag

ENTRETIENS

Allibert, T. (2019, Aout). Echanges sur l'avenir du tourisme aérien. (M. Fayard, Intervieweur)

70

V. Table des illustrations

Figure 1 Statistiques du trafic aérien 1930, tiré de Jean Hubert, Chronique de la navigation aérienne.

7

Figure 2 Fret aérien en millions de tonnes-kilomètres, données de la banque mondiale, 2017. 9

Figure 3 Croissance globale du nombre de passagers en PKP en 2017Figure 4 Fret aérien en millions de

tonnes-kilomètres, données de la banque mondiale, 2017 9

Figure 5 Croissance globale du nombre de passagers en PKP en 2017 12

Figure 6 La capacité d'accueil des aéroports face au trafic aérienFigure 7 Croissance globale du nombre

de passagers en PKP en 2017 12

Figure 8 La capacité d'accueil des aéroports face au trafic aérien 13

Figure 9 Un système très polarisé de hubs et de fluxFigure 10 La capacité d'accueil des aéroports face

au trafic aérien 13

Figure 11 Un système très polarisé de hubs et de flux 15

Figure 12 Publicité Air France 1930 18

Figure 13 Campagne publicitaire Mexique, Air France 2019 19

Figure 14 Campagne publicitaire Hop! 2019 20

Figure 15 Carte Isochrone 1930 21

Figure 16 Carte Isochrone 2016 22

Figure 17 Evolution du prix moyen des voyages en avion de 1950 à nos jours 23

Figure 18 Classement des performances carbone des compagnies aériennes 31

Figure 19 Trajets en avions remis en cause par les propositions de lois 36

Figure 20 Action des militants de Staygrounded à l'aéroport de Barcelone, juillet 2019 41

Figure 21 Campagne du mouvement anglais Flight free 43

71

VI. Webographie

Les numéros correspondent aux notes de bas de page

1 https://culture.tv5monde.com/livres/la-mythologie-grecque-en-video/le-mythe-de-dedale-et-icare

2 http://www.ecole-du-vent.com/accueil-actualites/

3 https://donnees.banquemondiale.org/indicator/IS.AIR.PSGR?end=2017&start=1970&view=chart 4 https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/IS.AIR.GOOD.MT.K1?end=2018&start=1960&view =chart

5 https://www.icao.int/Newsroom/Pages/FR/Continued-passenger-traffic-growth-and-robust-air-cargo-demand-in-2017.aspx

6 https://www.unece.org/fileadmin/DAM/cefact/mou/MEMORANDUM OF UNDERSTANDING IATA UNECE Final.pdf

7 https://www.iata.org/publications/economic-briefings/Air freight and world trade.pdf

8 https://www.icao.int/Newsroom/Pages/FR/Continued-passenger-traffic-growth-and-robust-air-cargo-demand-in-2017.aspx

9 https://www.planetoscope.com/Avion/109-vols-d-avions-dans-le-monde.html

10 http://transport.sia-partners.com/face-la-croissance-du-trafic-aerien-les-grands-projets-dinfrastructures-des-aeroports

11 https://www.letemps.ch/lifestyle/aeroports-cites-nuages

12 https://www.icao.int/Newsroom/NewsDoc2018fix/COM.01.18.FR.pdf

13 https://www.laboiteverte.fr/anciennes-affiches-air-france/

14 https://www.airfrance.fr/FR/fr/common/transverse/footer/visuels-campagne-air-france.htm

15 http://www.ohlalair.com/archives/2018/05/17/36411875.html

16 https://theconversation.com/impact-du-transport-aerien-sur-le-climat-pourquoi-il-faut-refaire-les-calculs-116534

17 https://usbeketrica.com/article/climat-faut-il-taxer-ou-boycotter-l-avion

18 https://www.faz.net/aktuell/wirtschaft/unternehmen/airbus-chef-faury-will-emissionsfreies-fliegen-16148800.html

19 https://actu.fr/occitanie/toulouse31555/toulouse-face-honte-prendre-avion-airbus-imagine-voler-sans-polluer23280504.html

20 https://aviationbenefits.org/environmental-efficiency/climate-action/efficient-technology/

21 https://www.futura-sciences.com/sciences/photos/univers-top-17-avions-futur-688/univers-avion-northrop-grumman-ailes-hautes-deux-fuselages-4635/

22 https://www.lemondedelenergie.com/biocarburant-avions/2018/04/18/

72

23 https://www.transportshaker-wavestone.com/le-biocarburant-dans-le-secteur-aerien-vers-des-vols-plus-verts/

24 https://aviationbenefits.org/environmental-efficiency/climate-action

25 https://www.aerobuzz.fr/breves-transport-aerien/le-corsia-adopte-par-loaci/

26 https://www.air-journal.fr/2016-10-07-transport-aerien-accord-historique-pour-une-croissance-neutre-en-carbone-5170667.html

27 http://www.lse.ac.uk/GranthamInstitute/tpi/wp-content/uploads/2019/03/Management-quality-and-carbon-performance-of-airlines-040319-1730.pdf

28 http://www.transition-europe.eu/fr/news/carbon-markets-will-not-make-our-planet-great-again

29 http://www.cop21paris.org/images/downloads/ClimateActionInfographicCarbonFinance.pdf

30 https://www.goodplanet.org/fr/agir-a-nos-cotes/compensation-carbone/

31 https://eco-act.com/fr/our-people/

32 https://www.reforestaction.com/nos-projets-de-reforestation

33 http://www.amisdelaterre.org/L-histoire-de-REDD-une-reelle-solution-a-la-deforestation-446

34 https://www.liberation.fr/france/2019/07/06/la-compensation-volontaire-alibi-pour-continuer-de-prendre-l-avion 1738216

35 https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/pourquoi-la-cop21-n-est-pas-decisive-pour-l-aviation-532070.html

36 https://www.bfmtv.com/planete/cop21-le-transport-aerien-grand-absent-de-l-accord-sur-le-climat-968865.html

37 https://www.bastamag.net/Accord-a-la-COP21-meme-sur-une-planete-morte-le-commerce-international-devra-se

38 http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/11/16/20002-20181116ARTFIG00206-carburants-pourquoi-les-avions-et-les-bateaux-echappent-aux-taxes.php

39 http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2018/04/01/97002-20180401FILWWW00038-la-suede-introduit-une-taxe-sur-le-transport-aerien.php

40 https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/06/07/la-majorite-des-vols-interieurs-pourrait-se-faire-en-train-et-ce-serait-bon-pour-l-environnement 5472992 4355770.html

41 https://www.marianne.net/politique/de-rugy-sur-l-interdiction-de-vols-interieurs-bienvenue-sur-air-infox

42 https://www.capital.fr/economie-politique/la-taxe-chirac-reliftee-par-les-deputes-1339388

43 https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/projet-loi-mobilites

44 http://fr.forumviesmobiles.org/2018/07/10/mouvement-fly-less-12515

45 https://labos1point5.org/texte-fondateur/

46 https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/haute-savoie/chamonix/montagne-

73

est-train-tomber-au-mont-blanc-temperatures-record-font-grimper-nombre-eboulements-1708420.html

47 https://www.mountainwilderness.fr/

48 https://www.changerdapproche.org/

49 https://www.mountainwilderness.fr/se-tenir-informe/actualites/rail-ski-nordique-en-laponie.html

50 https://noflyclimatesci.org/biographies/jake-woburn

51 https://stay-grounded.org/

52 https://ejatlas.org/conflict/ciudad-real-airport-spain

53 https://www.europapress.es/epagro/noticia-cambio-climatico-veintena-activistas-concentran-aeropuerto-barcelona-pedir-no-amplie-20190714125852.html

54 http://lourdesactu.fr/oui-au-train-de-nuit/

55 https://back-on-track.eu/

56 https://loco2.com/fr

57 https://www.seat61.com/

58 https://www.telegraph.co.uk/travel/rail-journeys/flight-free-holidays-train-europe-africa/

59 http://stayontheground.org/#manifeste

60 https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/en-suede-la-honte-de-prendre-lavion-plombe-deja-le-trafic-aerien-1013012

61 https://www.courrierinternational.com/article/voyage-en-suede-la-honte-de-prendre-lavion-fait-le-bonheur-du-train

62 https://www.franceinter.fr/societe/en-suede-la-honte-de-prendre-l-avion-face-a-la-fierte-de-voyager-en-train

63 https://www.flightfree.co.uk/

64 https://www.apnews.com/b31a0e98d1134f8b94ae8db5f5d0d2b8

65 https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2019/08/04/on-se-met-au-vert-cinq-escapades-a-cheval-a-dos-d-ane-en-roulotte54963484497319.html

66 https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2019/08/11/on-se-met-au-vert-cinq-virees-a-velo-en-europe 5498449 4497319.html

67 https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2019/08/03/les-gorges-d-ordesa-un-grand-canyon-espagnol 5496322 4500055.html

68 https://www.grands-reportages.com/mag-465-aout-2019

69 http://www.lefigaro.fr/international/2019/04/07/01003-20190407QCMWWW00032-comme-en-scandinavie-etes-vous-pret-a-preferer-le-train-a-l-avion-pour-des-raisons-ecologiques.php

70 http://www.lefigaro.fr/conso/ces-francais-qui-ne-prennent-plus-l-avion-pour-preserver-la-planete-20190413

74

71 https://www.consoglobe.com/voyager-sans-avion-ecotourisme-cg

72 https://www.lci.fr/population/ma-vie-apres-avoir-dit-comme-greta-thunberg-stop-aux-voyages-en-avion-proposition-de-loi-ruffin-train-vols-interieurs-2118243.html

73 https://www.roadcalls.fr/a-propos/

74 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01328814/document

75 https://www.franceculture.fr/emissions/hashtag/etes-vous-prets-a-renoncer-a-lavion-pour-des-raisons-ecologiques

76 http://carfree.fr/index.php/2008/02/02/lideologie-sociale-de-la-bagnole-1973/

77 https://blog.oney.fr/feedbacks/179355-slow-tourisme-retour-authenticite-voyages?fbclid=IwAR3vdElwpFso2ZPniKH7hYID5DCj9O5TeO3FaHH5mJAPojimVnWEM4N7WW4

79 https://www.tourisme-responsable.org/agir-tourisme-responsable/lassociation-atr/charte-de-lassociation/

80 https://www.tourisme-responsable.org/voyager-responsable/charte-ethique-voyageur/

81 https://www.tourisme-responsable.org/voyager-responsable/agir-maintenant/agir-voyages-climato-compatibles/

82 https://www.tourisme-responsable.org/actualites/evenement/professionnels-voyage-lutter-contre-changement-climatique/

83 https://rmc.bfmtv.com/mediaplayer/video/le-grand-oral-de-jean-francois-rial-pdg-du-groupe-voyageurs-du-monde-0407-1173080.html

84 https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-interview-eco/jean-francois-rial-pdg-de-voyageurs-du-monde-veut-faire-planter-des-milliards-darbres-contre-la-pollution-des-avions3403059.html

85 https://science.sciencemag.org/content/365/6448/76.abstract

87 https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-interview-eco/jean-francois-rial-pdg-de-voyageurs-du-monde-veut-faire-planter-des-milliards-darbres-contre-la-pollution-des-avions3403059.html

88 https://www.helloways.com/

89 https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/05/21/qu-adviendrait-il-du-droit-aux-vacances-pour-tous-en-rendant-moins-accessible-le-transport-aerien 5464996 3232.html 90 https://www.liberation.fr/france/2019/08/13/et-si-le-train-de-nuit-revoyait-le-jour 1744976?utm medium=Social&utm source=Facebook&fbclid=IwAR3IreaDaDDxuBPdIw9CWSM H90iXGulzaoRI0KFmnxaId7xEltybs8El9mQ#Echobox=1565706538

91 http://www.leparisien.fr/societe/honte-de-prendre-l-avion-ce-sont-les-voyageurs-qui-ont-perdu-le-sens-du-raisonnable-02-08-2019-8127495.php

75

VII. Annexes

Annexe 1 : Réseau Action climat, 6 idées reçues sur la taxation de l'aérien

Annexe 2 : Manifeste du mouvement Stay on the ground, nous ne prendrons plus l'avion

Annexe 3 : Captures d'écrans page Facebook We are Backpackeuses

Annexe 4 : Charte éthique du voyageur responsable AIR

Annexe 5 : Personnes rencontrées lors des entretiens et Grille d'entretien

76

Annexe 1 : Réseau Action climat, 6 idées reçues sur la taxation de l'aérien

77

Annexe 2 : Manifeste du mouvement Stay on the ground, nous ne prendrons plus l'avion

23148/2019 Stay on the ground - Nous ne prendrons plus l'avion

Chaque français émet 5 tonnes de CO2 par an. Un A/R Paris- New York en émet 2,5 t par passager. Autrement dit : entre une année de vie en France (déplacements quotidiens pour allertravailler, chauffage, consommation électrique, alimentation...) et une semaine de vacances à Bali, mon impact sur le réchauffement du climat est strictement le même.

Ne plus prendre l'avion, c'est supprimer un coût énorme pour le climat.

O POUR ÊTRE COHÉRENTS

Nous faisons chaque jour des efforts pour limiter notre impact environnemental et réduire notre empreinte carbone. Nous pratiquons le covoiturage, nous baissons notre chauffage, nous isolons nos habitations, nous remplaçons nos voitures par des vélos électriques quand nous le pouvons.

Tous les efforts que nous faisons au cours d'une année entière sont ruinés dès lors que nous montons dans un avion pour un vol long courrier.

Si nous consommons local parce qu'un kiwi de Nouvelle-Zélande vendu en France nous parait fou, ne gâchons pas tout en prenant l'avion pour partir en vacances. Ne plus prendre l'avion, c'est lier nos actes à nos discours.

c POUR INAUGURER UNE NOUVELLE ÈRE

Les yeux grands ouverts, nous déclarons aujourd'hui que se téléporter en quelques heures à quelques milliers de kilomètres est un rêve du passé. Demain, ce sera irresponsable.

Nous proposons de repenser notre rapportà l'ailleursetau voyage. L'avion a aboli les distances ? Restaurons-les. Au culte de la vitesse nous opposons l'éloge de la lenteur.

L'époque où l'on changeait de continent le temps d'un congé est révolue. La technologie et l'offre commerciale le permettent encore, mais la raison nous l'interdit désormais. Voyageons près de chez nous, ici est un ailleurs comme un autre. Et si nous voulons aller plus loin, prenons le temps d'y aller lentement, à vélo, en voilier ou à pied.

Ne plus prendre l'avion, c'est être visionnaire.

JE M'ENGAGE, JE SIGNE r

78

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We are

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· Groupe terme

À propos

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Discussions de groupe

Annonces

Membres

Évènemenls

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Fichiers

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Chercher dans groupe

Flacon urci s

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Annexe 3 : Captures d'écrans page Facebook We are Backpackeuses

We are backpackeuses

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: phéfie Rodrigues

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We are

backpackeuses1

· Groupe fermé

A propos

Discussion

Discussions de groupe 2

Annonces

Membres

Événements

Vidéos

Photos

Fichiers

Recommandations

Chercher dans groupe Li. Raccourcis

Centre Charles Marc... Yale Plaisance

Q Animation Offre d'eni 3
4 Chamonix location... -20

ha '5 J'aime Répondre 55 min


·

79

411, Nos Gillenlan ?Magnifique !.Cs J'aime Répondre 54 min

Louise Bouchet Judith Roche

J'aime Répondre 50 min

Vic Bar

01) s

Jaime Répondre 35 min

Ophélie Rodrigues Vic Bar j'ai d'autres petits tattoos discrets comme celui ci. J'adore ! Simple et sentimental !

J'aime Répondre 24 min

Kix Lou Céline Cé a

J'aime
· Répondre I min

40

80

Annexe 4 : Charte éthique du Voyageur responsable ATR

4

AGIR POUR UN TOURISME

CHARTE ÉTHIQUE

DU VOYAGEUR

Chacun de nous peut contribuer à âtre
un voyageur responsable, attentif au monde
et à ses habitants, en suivant quelques
conseils, avant, pendant et après le voyage.

Avant le voyage :

Préparer son voyage, c'est d'abord s'intéresser â la destination.

Q Bien s'informer sur les habitants et leur mode de vie, le patrimoine, la religion, l'environnement, l'économie, et apprendre quelques mots dans la langue de la destination.

® Choisir des professionnels impliqués dans le tourisme responsable : agences de voyage, tour-opérateurs, compagnies aériennes, guides, activités sur place, hébergements, restaurants.

Q N'emporter que l'essentiel, et garder de la place dans la valise pour ramener des souvenirs fabriqués localement. Se renseigner sur la pratique et les limites du marchandage des prix et sur les pourboires laissés aux professionnels : restaurants, hébergements, guides, artisans, commerçants, sans s'obstiner à vouloir obtenir des privilèges.

Q Pour partir l'esprit léger, garder l'esprit critique. S'interroger sur la réalité des risques de la destination, et se renseigner auprès des organismes compétents, sans se laisser trop influencer par certains médias.

Le voyage permet la rencontre, la rencontre permet la connaissance, la connaissance permet la confiance.

Proverbe bambara

81

Pendant le voyage :

Respecter aussi bien la nature que les hommes et leur culture.

8 Se mettre au diapason des us et coutumes de la destination, sans imposer ses habitudes ni son style de vie, en portant attention à la manière de s'habiller notamment dans les lieux de culte, mais aussi aux signes de richesse qui peuvent contraster avec le niveau de vie local. Goûter la cuisine locale, et être curieux des modes d'hébergements authentiques.

I® Avant de photographier une personne, prendre le temps de lui demander l'autorisation et profiter de l'occasion pour nouer le dialogue. Pour les enfants, demander l'accord des parents.

® Comme chez soi, trier les déchets lorsque cela est possible, économiser l'eau et l'énergie. Respecter aussi les règles affichées dans les espaces naturels, afin de préserver l'équilibre des lieux, de même que dans les musées, les villes, ou sur les plages.

® Veiller à ne pas prélever de souvenirs dans les sites naturels et archéologiques, et à ne pas favoriser le vol et les dégradations en achetant des objets sacrés ou des produits issus d'espèces protégées. Préférer le don aux associations compétentes, aux écoles, aux chefs de villages, plutôt que de favoriser la mendicité, notamment celle des enfants. Dénoncer l'exploitation sexuelle des enfants. Dans plusieurs pays dont la France, des lois poursuivent les délits sexuels commis à l'étranger.

Nous n'héritons pas de fa terre de nos

ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants.

Maxime amérindienne reprise par Antoine de Saint-Sxupe y

Après le voyage :

Favoriser le dialogue entre les cultures pour permettre un tourisme Facteur de paix.

® Honorer ses engagements avec les personnes rencontrées pendant le voyage, l'envoi de photos par exemple. Si vous avez remarqué des situations graves et intolérables, les signaler à l'agence qui vous a vendu le voyage ou aux autorités compétentes.

® Compenser tout ou partie des émissions liées à son voyage, et notamment les déplacements en avion, en contribuant à des projets de solidarité climatique. Soutenir des initiatives locales en donnant à des associations de développement, en s'engageant au sein d'ONG, ou en achetant des produits du commerce équitable.

(10 Partager son expérience de voyageur, en famille, avec ses amis, ou sur les réseaux sociaux pour témoigner des richesses et des fragilités de notre planète, et faire bénéficier aux autres de conseils pour voyager mieux.

® Préparer son prochain voyage, proche ou lointain, en prenant conscience des nombreuses vertus du tourisme, non seulement économiques et sociales mais aussi culturelles et environnementales. Le tourisme donne de la valeur au patrimoine et encourage sa protection.

Seule l'empreinte de nos pas doit rester derrière nous, laissons le meilleur des souvenirs à nos hôtes.

Citation issue de fa première charte éthique du voyageur écrite en 7995

Pour de plus amples informations sur le tourisme responsable AGIR POUR UN

et profiter d'autres conseils pour voyager mieux TOURISME

www.tourisme-responsable.org RESPONSABLE

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Annexe 5 : Méthodologie + Grille entretiens

Dans le cadre de ce travail de recherche les entretiens ont été réalisé au sein de l'agence Allibert Trekking basée à Chapareillan. Dans un souci de discrétion et de respect leurs noms ne sont pas cités dans l'analyse des entretiens, c'est pourquoi les citations ne sont pas identifiées. L'ensemble des entretiens a eu lieu en journée, pendant les horaires de travail, dans les locaux de l'entreprise à Chapareillan en Isère.

Les personnes rencontrées sont :

· Frédéric GIROIR, directeur général de l'entreprise. Rencontré en entretien le 6 aout 2019.

· Aurélie MANSIOT, responsable du service communication. Rencontrée en entretien le 20 aout 2019.

· Olivier LEVASSEUR, chef de produits Alpes du Nord. Rencontré en entretien le 2O aout 2019.

· Nicolas MANGER, membre du service communication et chargé des réseaux sociaux. Rencontré en entretien le 6 aout 2019.

· Marie-Laure ROTA, responsable du service aérien. Entretien envoyé par mail, réponse par écrit le 17 aout 2019.

· Isabelle CAYRE, responsable du service qualité. Rencontrée en entretien le 8 aout 2019.

Entretien N°

Date et lieu

Personne interrogée :

Rôle chez Allibert:

Introduction : Bonjour, je suis Mélanie, actuellement en stage au service des Alpes et étudiante en Master de Géographie Tourisme Innovation et Transition à l'institut de géographie Alpine de Grenoble. J'ai choisi de consacrer mon mémoire à la question de l'avenir du tourisme aérien (sans lien direct avec mon stage aux Alpes) mais notamment face aux mouvements émergents qui dénoncent ce mode de transport polluant. J'aimerai vous poser quelques questions afin de connaitre votre avis ainsi que celui d'Allibert trekking sur le sujet.

A quel point les activités d'Allibert sont-elles liées aux déplacements aériens ? Historiquement et actuellement.

A vos yeux les clients d'Allibert sont-ils sensibles à l'écologie ? Pourraient-ils émettre des réserves à utiliser l'avion ?

Des remises en cause sont-elles perceptibles ? Si oui à quel niveau ? Si non pourquoi selon vous ?

Pensez-vous que le mouvement "Flyless" honte de prendre l'avion puisse prendre de l'ampleur ? Pourquoi ?

Y a-t-il à vos yeux des clients à aller chercher dans son mouvement ? Sont-ils atteignables par un TO ? Comment ?

Comment imaginez-vous le secteur en 2050 ?

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Autre sujet que vous souhaitez aborder






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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius