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L’héritage industriel dans le renouveau du quartier « Grandclément gare".


par Camille JEAN-BAPTISTE
Université Jean moulin Lyon 3 - Master géographie et aménagement du territoire 2016
  

Disponible en mode multipage

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L'héritage industriel dans le renouveau du quartier « Grandclément gare » aux horizons 2026

Photo Camille Jean-Baptiste et Steeve Saxemard, villeurbanne, juin 2016

Camille JEAN-BAPTISTE

Master 1 Géographie et aménagement Université Jean Moulin Lyon 3

Année 2015-2016

Sous la direction de Mr Bernard Gauthiez

Tuteur de stage

Mr Vincent Veschambre

1

Index

Introduction p.6

Partie 1 : Le quartier Grandclément : histoire et description p.8

1. Le plan

..p.8

2. La ville dans ses formes à travers les siècles

p.11

 

2.1 L'époque préindustrielle

p.11

2.2 L'époque industrielle

..p.13

2.2.1 L'industrialisation de la ville

..p.13

2.2.2 Les industries

..p.14

2.2.3 Le contexte social

...p.16

2.2.4 Les formes urbaines

p.17

2.3 L'époque postindustrielle

...p.24

2.3.1 Le contexte social

p.25

2.3.2 Les formes urbaines

p.26

Partie 2 : Lecture d'un projet de réaménagement

..p.29

I- Informations sur le projet

..p.29

1. Aux origines du projet

p.29

2. Les orientations du projet

..p.30

 

2.1 La nature en ville

..p.30

2.2 L'accessibilité

..p.32

2.3 La mixité habitat-économie

..p.32

II- Comment l'équipe ANMA appréhende-t-elle l'identité industrielle du secteur..p.36

1. La construction d'un patrimoine p.36

1.1 L'image véhiculée dans les médias p.36

1.2 Le recensement des pépites ........p.37

1.3 La réutilisation du patrimoine industriel pour le renouveau du quartier..p.39

2

III- Remise en question de la concertation habitante .p.42

1. Pourquoi mettre en place cette concertation ? p.43

2. Quel jeu d'acteurs ? p.46

3. La concertation en est-elle bien une ? p.47

Partie 3 : Quel patrimoine industriel pour les habitants du quartier ?

I- Retour sur la notion de patrimoine

p.50 p.50

1. Le gros mot patrimoine

p.50

2. Qu'est-ce que le patrimoine ?

p.53

 

II- Interroger les habitants sur leur patrimoine

...p.54

1. Observations lors des réunions de concertation

..p.54

2. Les dispositifs mis en place

p.56

2.1 Les cartes mentales

.p.57

2.2 L'arbre à idées

p.60

2.3 Les entretiens

..p.61

2.4 Explorations urbaines avec une école primaire

...p.63

3. Quels résultats ?

p.64

 

3.1 Le patrimoine une thématique délaissée

p.64

3.2 Le patrimoine social valorisé

..p.65

Conclusion

...p.66

Annexes

...p.68

Bibliographie

p.82

3

4

« Le projet de réaménagement urbain prévu pour le quartier « Grandclément gare » nous offre l'occasion d'interroger le renouvellement d'un ancien quartier industriel de Villeurbanne. L'analyse des espaces sociaux et des formes urbaines associées nous permet de mieux comprendre la construction de l'identité ouvrière du quartier ainsi que son évolution au fil du temps. Les orientations privilégiées par le cabinet d'architectes pour le projet donnent à réfléchir à l'identité proposée pour ce futur quartier tout comme elles incitent à réinterroger la légitimité de la place des professionnels de l'urbanisme dans la reconstruction de la ville. Un travail avec les riverains de tous les âges a été mené questionnant le recours à la participation habitante dans les opérations d'urbanisme. »

5

6

Le quartier Grandclément de Villeurbanne a été depuis la fin du 19ème siècle et jusqu'au milieu du 20ème siècle un territoire à forte dominante industrielle. Le déclin progressif des industries dès les années 60 a laissé place à un quartier dévitalisé, et comme figé dans son temps. De nombreuses friches industrielles sont encore à l'abandon laissant transparaître les derniers vestiges d'une époque industrielle révolue. Aujourd'hui au centre des préoccupations de la ville, le quartier fait l'objet d'un grand projet de rénovation. Le cabinet d'architectes urbanistes Michelin (ANMA) associé à la métropole de Lyon a d'ores et déjà commencé l'élaboration d'un plan guide venant définir les axes structurants du projet urbain nommé « Grandclément gare » pour les dix prochaines années. Les grandes orientations sont tracées et ce ne sont pas moins de 45 hectares qui vont passer entre les mains d'experts urbanistes et architectes pour façonner le paysage urbain de demain. La volonté apparente de conserver d'anciens bâtiments industriels en souvenir d'un quartier ouvrier offre une excellente occasion d'interroger le réinvestissement des traces du passé dans les projets de réaménagement urbain.

Conserver, démolir, réhabiliter sont les maîtres mots pour des opérations d'aménagement de ce genre, toutefois au-delà de simples orientations urbaines c'est un tout un rapport à l'identité d'un territoire qui est questionné. Dans le cas présent, la reconnaissance et la gestion d'un patrimoine industriel au sein du quartier « Grandclément gare » de la part de l'agence ANMA interpelle et donne à réfléchir aux éléments constitutifs de ce patrimoine. Qui sont ceux ou celles qui définissent le patrimoine de ce quartier et quelle place prend-t-il dans le projet de renouvellement ? C'est donc à partir du projet de rénovation que mes premières investigations se sont tout naturellement portées cependant au fil de mes découvertes une question plus générale s'est imposée, les experts en matière d'aménagement des territoires sont-ils les seuls légitimes à définir ce qu'est le patrimoine qu'en est-il des savoirs vernaculaires ? La question de l'implication des riverains dans ce projet d'urbanisme est alors posée.

Pour répondre à ces premières questions, je cherche d'abord à accéder à une meilleure compréhension du quartier par une étude de son histoire. Avec l'aide de photographies, de comptes rendus municipaux, de plans cadastraux je me replonge dans le passé du quartier pour comprendre ses bâtiments et ses habitants. A cette occasion je cherche à mettre en évidence les différentes unités morphologiques présentent dans le secteur tout en les rapprochant de leur contexte social.

A partir d'une analyse approfondie du programme de rénovation, je m'attache par ailleurs à saisir les principaux enjeux du projet. Dans cette perspective, je m'appuierai sur le

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programme du cabinet urbaniste en charge du projet, l'analyse du Plan Local d'Urbanisme, sur des entretiens avec les responsables urbanistes et des observations de terrains afin d'appréhender l'atmosphère ambiante et découvrir l'ensemble des facettes du capital bâti à venir.

Enfin, une dernière partie de mon travail porte sur la dimension patrimoniale du projet à travers une perspective humaine. Un recueil de témoignages intergénérationnels émanant des plus anciens habitants jusqu'aux plus jeunes permettra de mettre en lumière ce qui fait patrimoine à leurs yeux et ce qu'ils voudraient voir conserver dans leur paysage de demain. Cette dernière partie est véritablement au coeur de la recherche puisqu'elle va lier les Hommes et leurs mémoires, l'espace et l'histoire, permettant ainsi d'aborder le lien entre histoire sociale histoire mentale et l'espace concret.

8

Partie 1 : Le quartier Grandclément : histoire et description

I- La ville dans ses espaces et ses formes

1. Le plan

Le quartier au coeur de notre étude est le quartier nommé « Grandclément gare ». La mise en guillemet est volontaire puisque cette appellation n'est utilisée que par les acteurs du projet urbain. Ce secteur d'une surface de 45 hectares est délimité à l'Est par l'avenue du Général Leclerc à l'Ouest par la rue Emile Decorps, au sud avec la route de Genas et au Nord avec la rue Léon Blum.

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Analyser le quartier Grandclément c'est avant tout comprendre l'organisation de la ville dans laquelle il s'insère, c'est à dire la ville de Villeurbanne. L'outil le plus adapté pour cette tâche reste indubitablement le plan. Première expression de la ville, le plan est le support structurel du tissu urbain, formé progressivement il porte la marque du site reflète l'histoire de la ville et exprime sa personnalité. Bien qu'en évolution permanente c'est l'élément le plus stable de la forme urbaine qui nous livrera de nombreuses informations quant à la structuration de la forme de l'agglomération.

Pour bien comprendre la dynamique structurelle de l'agglomération de Villeurbanne nous rapprocherons plusieurs plans d'époques variées allant du XVIIème siècle à nos jours.

Une première représentation de Villeurbanne de la fin du XVIIème siècle nous est offerte avec la peinture d'Henri Verdier. Encore loin de l'image du plan avec ses codes et ses normes cette peinture réalisée en 1697 nous apporte néanmoins des éléments d'informations tout à fait intéressants.

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A l'emplacement de l'actuelle Villeurbanne le peintre peint un paysage tout entier de campagnes où se dessinent à travers champs les voiries majeures de l'époque qui réussissent encore à marquer le territoire actuel1.

On observe très peu de routes intérieures, seules de grandes artères sont tracées on retrouve notamment la route de Genas et la route de Crémieu (aujourd'hui rue Léon Blum). Cette peinture, préfigure du plan nous offre ici une traduction spatiale de la fonction de base de la ville, l'échange. Ces rues centrales qui portent le nom des villes de destinations indiquent l'influence de cette logique très ancienne. Par ailleurs, si on s'intéresse au maillage de détail c'est-à-dire à l'échelle du morceau de ville (Alain p83) on observe une multitude de parcelles cultivées étroitement imbriquées les unes dans les autres les couleurs utilisées par le peintre nous renseignent sur la grande diversité de production agricole vignes, blés... A la fin du XVIIème siècle Villeurbanne est donc une ville à large dominante agricole, elle est rattachée à Lyon et d'autres agglomérations proches par plusieurs axes majeurs permettant une facilité d'échanges au nord comme au sud. Le faible taux de population2 explique également le peu de voiries. Un plan de 1702 représentant Lyon et ses abords dauphinois en 1702 nous confirme la faible urbanisation de la ville. On retrouve quelques maisons préfigurant la future place Grandclément ainsi que deux routes majeures que sont la route de Crémieu et le chemin de Genas.

Avançons dans le temps, cette fois-ci avec un plan de 18433. Le maillage général qui fait apparaitre les grandes lignes de la structuration de la ville se transforme progressivement, le tissu urbain s'est développé autour des grands axes historiques. Quelques voies intérieures commencent à voir le jour timidement. Toutefois en ce qui concerne notre quartier d'étude le périmètre est dessiné avec une dominance d'habitats autour de la route de Crémieu (rue Léon Blum) il faudra attendre 1910 pour que l'intégralité des voies soient tracées. Le réseau viaire de 19104 est très proche du réseau viaire actuel, seuls quelques prolongements et création de rues sont à noter.

Si on s'attarde sur le maillage général une différence notable est à noter avec les plans plus anciens. En très peu de temps la ville s'est transformée, délaissant ses parcelles agricoles au profit d'un large réseau de voies de transport.

Le Nord-ouest de la ville suit la logique d'un plan volontaire quadrillé orthogonal. En effet on observe la volonté d'une trame urbaine avec des quadrillages simples et réguliers. Le quartier

1 Annexe 1

2 Annexe 2

3 Annexe 3

4 Annexe 4

11

Bonneterre s'inscrit également dans cette logique. On remarque que ce type de maillage se trouve dans des secteurs voisins de la ville de Lyon. En revanche quand on s'attarde au reste de la structure de la ville on a du mal à identifier une logique dominante. Quelques grosses artères relient l'Est à l'Ouest de la ville, aucun axe majeur reliant le nord au sud n'est à compter. Pour comprendre l'organisation de la ville il faut s'arrêter sur chaque quartier. Finalement chaque quartier se développe autour de deux axes majeurs, l'un au sud l'autre nord eux même reliés par quelques axes importants Nord-Sud. La ville n'a donc pas une identité singulière mais plutôt plusieurs identités qui prennent naissance dans les différents quartiers qui la composent.

2 : La ville dans ses formes à travers les siècles

2.1 Epoque préindustrielle

Comme nous avons pu le comprendre précédemment Villeurbanne a été pendant de nombreux siècles un territoire à large dominante agricole. Là où aujourd'hui fleurissent de nombreux projets immobiliers il y avait jadis un grand nombre de parcelles cultivées. Des cultures de toutes sortes couvraient le territoire villeurbannais. C'est suite à la lecture de plans et de cartes anciennes que ces informations nous parviennent.

Comme les représentations imagées sont peu nombreuses pour l'époque nous débuterons notre analyse à l'aide de ces cartes pour tenter de comprendre les logiques urbaines du moment. Toutefois, ce n'est pas la seule information que la carte nous livre. En effet, l'intérêt de ces cartes repose également dans la finesse de sa réalisation. Jusqu'au milieu du 18ème siècle les plans sont réalisés en perspective nous offrant ainsi une grande richesse d'informations quant à la morphologie urbaine des villes. De fait le plan de 17025 représentant une portion de Villeurbanne nous apporte quelques précisions sur le style architectural de l'époque.

Bien qu'il faille prendre avec un peu de recul l'exactitude de cette carte on peut toutefois observer avec précision le type de bâti dominants en ce début du 18èmesiècle.

La faible densité d'habitants facilement repérable par le peu de bâtiments, ainsi que la prédominance des champs confirment le caractère agricole de la ville. Si l'on s'intéresse plus

5 Annexe 5

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spécifiquement aux différentes constructions présentes sur la carte on remarque une certaine similitude entre celles-ci. En effet, la majorité des représentations de bâti s'apparentent à des sortes de grosses bâtisses proches de la ferme. Après réflexion il semblerait assez évident qu'il puisse s'agir de fermes dans la mesure où tout autour on constate la présence de champs dont leur présence est signifiée par les zones dotées de tracés horizontaux et verticaux rappelant les sillons des cultures. En terme de technique de construction bien que ces informations ne soient pas disponibles à la simple lecture de la carte on peut aisément supposer que ces fermes étaient construites avec du pisé. Cette technique basée sur l'utilisation de terre crue comprimée à l'aide de coffrages en planches de bois appelées les banches était particulièrement présente en Dauphiné aux 18ème et 19ème siècles. A la pierre, ce matériau coûteux et éloigné, était privilégié la terre dont la disponibilité était immédiate et gratuite. Après la construction de fondation en cailloux et mortier la terre coulée dans les banches sont enlevées, posées par-dessus pour monter le mur d'une hauteur supplémentaire, et ainsi de suite (Le Rize+ ). Un toit en tuile, des portes et fenêtres en bois, éventuellement un escalier de pierre, viendront compléter le tout. On retrouve par ailleurs la couleur rouge des toits dans la peinture d'Henri Verdier pouvant ainsi rappeler l'utilisation de tuiles pour les toitures.

Aujourd'hui il ne reste guère de traces du passé rural de Villeurbanne, simple village jusqu'à l'arrivée de l'aventure industrielle sur ses terres à partir de 1850. Au gré des opportunités foncières, ces vastes espaces disponibles, maraîchers notamment ont été ainsi tous démembrés en parcelles pour laisser la place à une usine, un lotissement ou des immeubles. Quand elles n'ont pas été détruites, la plupart des anciennes fermes ont été réaménagées, leur taille imposante permettant souvent un découpage lucratif en plusieurs logements.

Finalement Villeurbanne n'aurait pas connu l'essor d'une ville médiévale. En retrait face à l'urbanisation galopante de la sa voisine la ville de Lyon, Villeurbanne a suivi une transformation urbaine très lente, conservant son caractère rural pendant de nombreux siècles. L'évolution du nombre d'habitants à travers le temps est un indicateur nous confirmant le caractère largement rural de la ville. La notion de village, au sens de groupement d'habitations dont l'ensemble de la population est engagé dans le secteur agricole6 était celle qui caractérisait selon toute vraisemblance le mieux cette localité. C'est donc le passage à l'époque industrielle qui va transformer massivement et durablement le paysage urbain du site.

6 Lexique de la géographie

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2.2 L'époque industrielle

2.2.1 L'industrialisation de la ville

L'entrée dans la période industrielle marque véritablement la fin d'une période rurale pour Villeurbanne. Les quelques fermes présentes auparavant disparaissent petit à petit. Les propriétés rurales ont le plus souvent été grignotées par l'urbanisation. Le nombre d'habitants évolue à grande vitesse passant de 11 176 habitants en 1881 à 56 110 en 1921. Le manque d'espaces disponibles à Lyon pour installer de nouvelles activités industrielles poussent les entrepreneurs à s'installer à Villeurbanne. De 1860 à 1900 les industries s'implantent massivement sur le territoire, les activités artisanales se développent transformant en très peu de temps le territoire Villeurbannais. Le caractère rural de la ville disparait en 40 ans, laissant place à un véritable paysage urbain à forte dominante industrielle. De nouveaux quartiers commencent à émerger sous l'effet conjugué de la pression lyonnaise, de la maîtrise des crues du Rhône mais aussi de la croissance démographique de la commune. Le développement urbain de Villeurbanne reste cependant timide. Il faudra attendre la deuxième moitié du 19ème siècle pour que la croissance industrielle et démographique de Villeurbanne soit de plus en plus marquée principalement en raison de la forte pression lyonnaise.

En effet certaines activités artisanales et celles liées aux textile quittent le quartier de la Croix Rousse et du sixième arrondissement pour venir s'installer dans les nouveaux quartiers de Villeurbanne. Le sud de la ville, dans notre quartier d'étude va connaître un large développement à la même période. A partir de 1860, de grandes opérations urbaines vont marquer le territoire lui conférant sa physionomie actuelle. On retrouve entre autre la création du boulevard Laurent Bonnevay, le canal de Jonage en 1899 et l'usine hydroélectrique de Cusset aussi appelée la « fée électricité » qui permit l'installation massive d'usines dans le secteur. En effet l'importance de la maîtrise de la « houille blanche » hydroélectricité dessine une nouvelle géographie de la ville. L'activité industrielle moins dépendante des sources d'énergie, avec l'interconnexion des réseaux et le transport de l'électricité sous haute tension à grande distance, et la généralisation de l'emploi des hydrocarbures, l'industrie se disperse dans les territoires de la ville. La liaison industrialisation-urbanisation jusque-là limitée à quelques grandes régions minières et aux agglomérations principales devient générale. Pour des raisons de coûts fonciers et salariaux, le processus rejette « naturellement » à la périphérie du système urbain les secteurs économiques les plus communs, mangeurs d'espaces,

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parcimonieux en plus-values, et consommateurs de main-d'oeuvre médiocrement qualifiée : usines, entrepôts, infrastructures de transport indispensable à la redistribution des produits.

Par ailleurs les travaux de canalisation opéré sur la rivière de la Rize encouragèrent le développement d'activités de blanchissage et de teinture. En quelques décennies des zones autrefois agricoles se couvrent d'un enchevêtrement de chevalets de mines, de terrils, de cheminées d'usines, d'agglomérats disparates d'habitat ouvrier (corons, maisons de rapport, cités patronales) entrecoupés des demeures cossues des « capitaines d'industrie ». Comme une traînée de poudre, l'urbanisation industrielle se répand aux rythmes de la modernité, des histoires politiques nationales et de ses diversités régionales.

Toutefois, qu'en est-il exactement du caractère industriel de notre quartier ?

C'est pendant la première moitié du 19ème siècle entre 1812 et 1860 que va se mettre en place la première phase de développement du quartier. Cette urbanisation progressive s'appuie sur celle de Lyon. En 1835, la mairie anciennement située à Cusset quitte son implantation historique pour la place du Plâtre (actuelle place Grandclement) alors située en pleine campagne dynamisant complètement cette partie de Villeurbanne. L'implantation, sur le site, de la grande industrie commence dès la deuxième moitié du XIXème siècle.(Le Rize+)

2.2.2 Les industries

Suite à la construction et la mise en marche de la gare de Villeurbanne en 1881, au coeur même de notre site, on assiste à la fin du 19ème siècle à l'implantation de nombreuses usines dans le secteur. En effet grâce aux possibilités de transport de marchandises à la fois en direction de Lyon (part Dieu) et de l'Est du Lyonnais, les usines trouvent un intérêt à s'installer à proximité afin de profiter de ce service de transport de marchandises essentiellement. De nombreux transports de pierres et de ciment ont alimenté cette ligne. Des ramifications ferroviaires sont mises en place à partir de cette gare afin de relier directement les usines. La fin du 19ème siècle représente donc la mise en place des structures industrielles du quartier. Ainsi, le site poursuit sa transformation en cité industrielle, abritant de nombreuses usines. Une carte des industries de Villeurbanne nous permet d'avoir un panorama assez complet de la composante industrielle du quartier. On y observe la présence majoritaire d'industries métallurgiques et d'industries chimiques de bois, de cuir, et de

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bâtiment, d'alimentation avec les grandes minoteries Lyonnaises aujourd'hui devenu le pôle pixel et quelques industries de textile et de papier.

Le développement du quartier a connu une évolution qui lui est propre. En effet, dans la délimitation de notre territoire il ne figure pas de sites industriels de taille très importantes. Le plus gros site était celui de Dell Alstom une rue à côté et les usines Gillet un peu plus au nord. Notre quartier est d'avantage marqué par une multitude de petits sites industriels ou d'activités artisanales. Le plan cadastral couplé à la carte des industries de la ville qui s'apparente à la période 1931-1934 nous apportent des données pertinentes pour saisir l'activité industrielle du quartier7. Un recensement de l'ensemble des activités industrielles présentes sur le territoire à différentes époques, par exemple fin du 19ème, début 20ème et seconde moitié du 20ème nous serait d'une grande utilité pour comprendre l'évolution du caractère industrielle de la ville. J'avais pensé réalisé ce travail mais cela m'aurait demandé beaucoup trop de temps, chercher les documents correspondants à chaque entreprise sur un si large territoire mériterai une étude à part entière. J'ai toutefois souhaité en apprendre plus sur ces différentes activités, je me suis donc mise à chercher des informations sur les entreprises dont j'ai entendu parler quand j'interrogeais des habitants où des membres du Rize sur le passé industriel de la ville. En terme d'usine métallurgique on retrouve notamment l'usine Guillotte manufacture de ressort de 1815 à 1970 qui d'ailleurs donna son nom à la rue dans laquelle elle se trouvait. Guillotte ne représente pas une usine majeure de l'histoire de Villeurbanne, ou de sa vie économique mais elle n'en est pas moins une trace et un excellent exemple. D'après l'étude d'un fascicule publicitaire conservés aux archives de Villeurbanne on comprend que l'usine s'étend sur 6000 m2, elle dispose d'un personnel « spécialisé » et de machines performantes et modernes : « à la pointe ». Les produits crées sont très spécialisés et destinés à appartenir à des mécanismes complets, des produits finis variés des « cordes de piano » aux ressorts de pince, d'appareil photo...

On retrouve également la verrerie située sur la rue Paul Krüger qui comptait beaucoup d'ouvriers et d'employés divers jusqu'en 1935. Elle a largement rythmé l'avenue. Le nord du quartier était également bien doté en entreprises en soieries et en industries du bois mais aussi en combustible avec l'usine à gaz qui deviendra par la suite la compagnie du Gaz de Lyon.

7 Annexe 6 et 7

16

2.2.3 Le contexte social

En parallèle Villeurbanne et le quartier étudié se dote d'une population ouvrière que l'on observe aisément après étude du recensement. Une étudiante en histoire Aliénor Wagnès-Coubès a étudié la rue de la Gare actuelle avenue du général Leclerc en 2016 mettant ainsi en lumière de nombreuses informations sur la situation socio-économique de la rue au 19ème et 20ème siècle. La rédaction de cette partie s'appuie donc essentiellement sur ses travaux. En s'appuyant sur les données du recensement de 18918 on découvre que les métiers mentionnés par les interrogés sont en lien étroit avec l'activité industrielle du secteur. Par exemple on retrouve des « tireuses d'or » dans le recensement de la rue de la Gare. Ce métier consiste en l'affinage et la constitution de « portions » d'or ou autres métaux précieux sous différentes formes, dont le fil. De façon générale on observe des métiers bien plus apparentés à l'activité artisanale dans le recensement ancien : vannier, ébéniste, menuisier, tripier...Dans les deux recensements, on retrouve les métiers liés à la gare (tout à fait logique étant donné la proximité), on trouve en 1891 trois employés des chemins de fer, un aiguilleur et une garde barrière, en en 1936 un poseur, une garde barrière, un chef de gare et chef de service tous employés par la compagnie des chemins de fer de l'Est lyonnais. De plus dans le casier sanitaire de la rue de la Gare, un plan datant de 1920 nous apprend que la compagnie de chemin de fer de l'Est a construit une maison pour ses employés. Celle-ci se trouve entre les voies et la rue Paul Krüger et bénéficie de confort moderne, fosse, cave, laverie, cuisine et salle à manger et trois chambres. Elle a donc vocation à abriter une famille. Sur le plan de construction, on ne trouve pas le numéro de la rue à laquelle cette maison correspond, cependant en croisant avec le plan cadastral on peut supposer qu'il s'agit du numéro 56 ou 53.

Par ailleurs, les métiers trouvés dans le recensement du 20ème siècle sont bien plus orientés vers l'industrie : employé, ouvrier, manoeuvre, magasinier... Cependant on note aussi une augmentation des métiers liés au commerce comme épicier, cafetier, marchand de cycle, débitant. Egalement les métiers de services se développent, comme coiffeur, mécanicien ou entrepreneur. Ce sont des catégories professionnelles qui travaillent « à leur compte » ainsi on peut imaginer que la vie sociale, mais aussi économique et de proximité était assurée dans ce quartier.

En ce qui concerne la partie sociale, on observe que dans les deux recensements il s'agit d'une population relativement modeste, constituée d'individus ayant de « petits » métiers, les gens

8 Annexe 8

17

habitent dans des immeubles collectifs, peu de famille occupent « un » numéro. Enfin, la population étrangère recensée dans la rue augmente sensiblement, elle passe de 3% (environ) en 1891 à 8% en 1936. A travers ces exemples, et malgré leur échelle réduite, on peut percevoir une évolution entre la société et la ville à la fin du 19ème et du 20ème : augmentation de la population, mutations urbaines et modernisation, mutation du tissu professionnel plus tourné vers l'industrie au 20ème.

2.2.4 Les formes urbaines

Les entreprises ont donc une forte emprise spatiale toutefois il ne faut pas oublier les logements qu'elles ont amenés avec elles. Le personnel des usines avait tendance à être logé à proximité des usines. En ces temps initiaux, le prolétariat naissant n'est jamais très loin de l'atelier, et du patronat. Les ouvriers constituent une force de travail qu'il faut autant exploiter que surveiller. Pour cette raison on voit fleurir à proximité des usines nombre de logement ouvriers. On observe ce phénomène dans la rue Poizat, où se trouvait l'usine Guillotte. En effet d'après l'analyse des recensements de 1936 et 1931 des rues avoisinantes peu d'ouvriers dont l'employer était Guillotte ont été trouvés. Cependant dans la rue Poizat, on y retrouve quelques mentions. Une large part des ouvriers se déclare domiciliés avec leurs familles au numéro 38 ce qui correspond à l'emplacement de l'usine (50% des ouvriers de Guillotte recensés rue Poizat en 1931 et 80% de 1936.

Je propose à présent, d'effectuer une petite analyse architecturale de quelques bâtis remarquables de la période industrielle. Pour commencer nous nous intéresserons à l'immeuble situé au 34 rue Poizat à Villeurbanne. D'après l'étude des plans disponibles dans les casiers sanitaires9 l'immeuble aurait été construit en 1911. . Il s'agit ici un bâtiment horizontal, avec une toiture en « V » à 2 pans. En terme de masse, il ne s'agit que d'un seul bâtiment dont la surface au sol est de 96,72 m2 avec une longueur de 10,4 mètres une largeur de 9,3 mètres et une hauteur de 17,5 mètres. On compte 3 étages et un rez-de-chaussée donc un R+3

Le plan qui nous donne à voir les dimensions et la distribution interne nous informe que le deuxième étage est composé de 3 logements. Deux sont identiques avec une chambre, une alcôve et une cuisine d'une superficie totale de 33 m2. Le troisième logement est une loge de concierge composée d'une seule pièce avec une cuisine et une baignoire de 13 m2. Les

9 Annexe 9

toilettes sont sur le palier. L'immeuble à 3 façades dont une sur rue. En terme de matériaux de construction on peut supposer l'utilisation du pisé de mâchefer, la présence de trous alignés sur une des façades confirme la technique du coffrage10. L'analyse de la façade sur rue nous apprend qu'il pourrait s'agir d'une construction à destination de la petite bourgeoisie. En effet, la façade principale bien que relativement sobre est dotée d'un soucis esthétique apparent. Les linteaux des fenêtres sont d'avantage proches de frontons en saillie

soulignant les ouvertures de l'immeuble. Par ailleurs le rez-de-chaussée est particulièrement

riche. On retrouve la création d'une ligne horizontale creusée sur le parement du mur. Cette

ligne de refend habille ainsi la devanture de l'immeuble. L'entrée principale surmontée d'une

clé de voûte en saillie va également dans ce sens, tout comme les soubassements délimités par

un bandeau filant.

18

10 Annexe 10

19

Dans la même rue on trouve également des logements bien plus simple d'un point de vue architectural. C'est le cas au 20 rue Poizat.

Les documents d'archives relatifs à l'immeuble sont très peu nombreux. On sait néanmoins qu'il a été construit entre 1812 et 191211. Il s'agit ici d'un immeuble de type R+2 avec une activité commerciale en rez-de-chaussée toujours en fonction aujourd'hui. Cette forme urbaine témoigne d'une période où habitat et lieu de travail n'était pas sectorisé. D'après le témoignage d'une riveraine, le café existait déjà avant sa naissance donc avant 1917. N'ayant aucuns plans attenants à la construction, l'étude du bâtiment se base essentiellement sur ses façades. Il s'agit donc d'une seule construction de type R+2. Aucun élément décoratif n'est à signaler si ce n'est un encadrement des fenêtres. Vu le contexte industriel du quartier on peut aisément supposer qu'il devait s'agir d'un bâtiment largement occupé par des ouvriers. On retrouve ce même type de construction dans l'ensemble de la rue.

On trouve également un autre type de logement héritage de cette période industrielle. Construit par des ouvriers et gens modestes attirés par le faible loyer du sol consentant à bâtir et à démolir à la fin du bail. On trouve des maisons sans étage ou avec un étage prédominent. Construites souvent par les occupants avec des matériaux précaires ou en pisé, elles ont permis aux ouvriers ou aux travailleurs du bâtiment non seulement de « se mettre chez eux »

11 Casier sanitaire 5J311

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mais aussi, compte tenu de leurs faibles ressources, de construire à leur convenance. Ce qui prévaut, c'est la petite maison avec jardinet ou cour, potager, et tonnelle. Les jeux de boules, les cafés ont proliféré, ainsi que les ateliers. Il s'agit d'une structure villageoise et de maisons reflétant des origines rurales. Or les occupants s'ils appartiennent à toutes les professions sont en majorité des ouvriers, des usines plus ou moins grande des environs. Ainsi le modèle adopté par les ouvriers, à leur initiative reste-t-il traditionnel, mais aussi très ouvert à toutes les catégories de travailleurs. (Bonneville)

Finalement, ces types de bâtiments s'inscrivent dans la même unité morphologique. En effet, on retrouve en nombre conséquent un petit tissu ouvrier en marge du secteur se concentrant dans quelques zones bien définies. Il s'agit d'un tissu de banlieue ouvrière, dominé par des petits collectifs mais ponctué par de l'habitat individuel et de l'activité industrielle et artisanale qui y introduisent de la discontinuité. Ce tissu se développe essentiellement autour des tracés nord-sud qui sont l'héritage du développement industriel du secteur. Les immeubles collectifs sont bas (R+1, R+2), de facture modeste. Les villas sont de qualité variable, allant de la maison ouvrière modeste à la villa d'ingénieur, plus richement décorée. L'activité industrielle et artisanale y est encore présente. Ce tissu est cependant de plus en plus fragilisé car il concentre une grande partie du potentiel de mutabilité du secteur et subit l'impact des constructions contemporaines. Il ne possède pas une grande richesse patrimoniale, mais appartient à l'histoire industrielle. On retrouve cette unité morphologique dans les rues suivantes : Berthelot, Ducroize, et dans la rue Guillotte.

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D'autres types de bâti sont à relever dans le secteur. On retrouve en minorité une unité morphologique constituée d'un tissu de faubourgs anciens le long des grands tracés du secteur. Il s'agit d'un tissu parfois ancien, du début du XIXème implanté à l'alignement de la rue Léon Blum sur un parcellaire étroit et assez profond. On y trouve des immeubles collectifs bas avec de légères variations dans les hauteurs en moyenne de R+1, mais pouvant varier à R+3 au maximum. Des boutiques sont installées en rez-de-chaussée créant des alignements commerciaux. Toute la dynamique de la ville était liée à cette organisation spatiale. La

décoration des immeubles est quant à elle de qualité variable, avec des immeubles modestes de faubourg aux façades très simples, et des immeubles de rapports bourgeois, moins nombreux et plus richement décorés. Les coeurs d'îlots sont occupés par de l'activité de type artisanale ou industrielle.

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Par ailleurs, une autre morphologique identifiable et cette fois qui se distingue des autres unités observées auparavant. Le début de la rue Léon Blum possède une morphologie

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d'avantage connu dans la ville de Lyon. On retrouve quelques immeubles réalisés pour la plupart dans la deuxième moitié du XIXème et au début du XXème qui ont une architecture très élaborée et leurs façades sont richement décorées. Ces dernières sont moulurées, avec souvent un traitement en bossage, on trouve des ferronneries ouvragées pour balcons et gardes corps. Le registre décoratif est variable selon l'époque. On note également parfois le maintien de vitraux. Les niveaux de soubassement des immeubles de rapport bourgeois ont une spécialisation commerciale.

Qui dit quartier industriel, dit industries. Voyons à présent les différents sites industriels qui ont émergés au cours du XXème siècle. Comme nous avons pu l'évoquer précédemment il n'existait pas réellement d'usines avec une grande emprise foncière dans le secteur, il s'agit davantage de nombreuses entreprises de petites tailles. On ne peut pas facilement parler d'unité morphologique tant les activités étaient diverses je choisis donc de prendre l'exemple de quelques sites remarquables principalement du fait de leur présence actuelle et des informations disponibles. On remarque par exemple au 38 rue Poizat des hangars industriels

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avec deux halles industrielles du XIXème siècle avec lanterneaux et une charpente métallique de type Eiffel. On y trouve adjoint également un bâtiment à sheds dans le prolongement des deux halles côté ouest.

Finalement, sur l'ensemble du site on trouve la présence de nombreux hangars et de très nombreuses toitures en shed. Presque sur chaque site que j'ai pu visiter et explorer la présence de ces toits d'usine si distinctifs sont présents. Les morphologies des usines, confirment donc le caractère industriel du quartier.

2.3 Période post-industrielle

A partir de 1975, les effets de la crise économique des années 70 accélèrent les restructurations des sites de production sidérurgiques régionaux. Ils entraînent des licenciements massifs et des fermetures de site. C'est le cas à Villeurbanne. Cette évolution constitue un processus de désindustrialisation c'est-à-dire le recul de l'industrie dans la part de l'emploi total. La majeure partie des activités industrielles souvent issues de l'industrialisation mise en place depuis la fin du 19ème siècle disparaissent sans être remplacées par des activités équivalentes, notamment en nombre d'emplois. Les conséquences ne sont donc pas limitées au domaine économique. Elles ont une dimension sociale et culturelle voire politique (Pascal Raggi).

Le départ des unités de production a pour effet une désorganisation du tissu urbain, entraînant celle du tissu social. Les rapports entre les salariés et l'entreprise, voire leur direction, étant modifiés, les rapports de la ville et de l'espace productif le sont aussi. On assiste alors à une modification de la géographie urbaine de ces villes industrielles et d'entreprises, de l'espace urbain. La fragmentation du tissu urbain résultant de la désertion des activités industrielles bouleverse durablement le paysage d'une part mais aussi l'urbanité de ces villes entraînant avec ceux les représentations qu'en ont les habitants, leur appropriation, leurs images. (Luxembourg). Ce sont les concentrations industrielles soudain vieillies qui posent alors problème : espaces dévalorisés, friches urbaines, reconversion économique multiples, jusqu'à l'inversion des vocations.

La désindustrialisation intéresse doublement la politique immobilière. Tout d'abord les parcelles industrielles fournissent le support le plus important à la promotion immobilière, mais ensuite la diminution de l'emploi industriel à Villeurbanne détermine un renouvellement

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du contenu résidentiel de la commune. Toutefois la désindustrialisation et son utilisation à des fins de rénovations immobilière dépend de l'emplacement de ces zones industrielles. En effet, les zones les plus éloignées du centre comme l'est le quartier de Grandclément sont touchées par une moindre pression foncière et la meilleure situation économique des entreprises peuvent l'expliquer. La désindustrialisation opère donc de façon sélective, selon le contexte économique, la structure et l'importance des entreprises, l'emplacement des implantations. Cependant ses effets intéressent particulièrement la politique immobilière de la commune ; de même la recherche des terrains contribue à accélérer le processus de départ de l'industrie. Un autre effet important de la désindustrialisation réside dans le renouvellement de la population de Villeurbanne. Dans le cas de suppression d'usines ou de leur transfert, on peut envisager que la dissociation de l'emploi et de la résidence, très souvent associés jusqu'ici dans la ville, conduira à terme au départ de la main d'oeuvre vers l'Est Lyonnais. Certains emplois ont été créés dans des branches en expansion : bâtiment et travaux publics, services, distribution, transport mais il s'agit très souvent de salariés peu qualifiés, ces salariés peuvent donc difficilement prétendre à la résidence au centre de Villeurbanne. Les nouveaux immeubles ne leur sont que rarement accessibles, ce qui a été possible de 1930 à 1954 essentiellement lors des grandes réalisations sociales, ne l'est plus aujourd'hui. La désindustrialisation déterminera « le choix » du contenu social du renouveau immobilier, en modifiant le profil de la clientèle communale. (Bonneville)

2.3.1 Contexte social

Pour Villeurbanne la désindustrialisation a été marquée majoritairement par le transfert dans la proche agglomération (souvent en zone industrielle) et par la fermeture d'une industrie.12 La condition des ouvriers qui continuent de résider à Villeurbanne mais qui font les trajets pour rejoindre leur entreprise délocalisée dans une ville proche se modifie. En effet, on assiste à la fin d'un genre de vie, celui de l'ouvrier habitant à l'ombre de l'usine imposant sa présence hors du temps de travail comme dans le travail. A terme les ouvriers choisiront de partir, même au prix de l'abandon d'un cadre de vie apprécié. La désindustrialisation contribue ainsi au renouvellement inéluctable de la population et renforce les effets de la politique du logement. Pour les années 60-70, on ne dispose pas de renseignements complets sur l'ensemble des résidents qui habitent les nouveaux immeubles à Villeurbanne. Du seul point de vue des occupants on sait que la clientèle des locataires est souvent très semblable à

12 Marc Bonneville, désindustrialisation p105

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celle des propriétaires-occupant. Les seuls renseignements disponibles concernant les caractéristiques des logements et leurs condition de commercialisation sont fournis en particulier par le CECIM13. Ils permettent de connaître les types de programmes en cours, leurs caractéristiques de prix et de financement, le rythme de leur commercialisation. De ce fait, on a une image de la clientèle des acquéreurs et indirectement de celle des résidents. Au final, bien que Villeurbanne proposait des prix avantageux par rapport aux arrondissements lyonnais on constate14 que les logements étaient loin d'être accessibles au plus grand nombre de Villeurbannais. La clientèle solvable pour l'achat ou pour la location était restreinte aux catégories sociales aisées et même les cadres moyens risquaient d'en être écartés. La situation centrale de Villeurbanne comme les sites des collines de l'ouest constitue à l'évidence un facteur de hausse des prix du terrain et des constructions.

En définitive, l'essor immobilier a considérablement augmenté les densités démographiques de la commune et la rénovation urbaine puisqu'elle domine largement le processus immobilier a aussi assuré le renouvellement de la population en place. (Bonneville)

2.3.2 Les formes urbaines

En ce qui concerne notre quartier c'est à partir des années 1950 que son identité industrielle est mise en mal. Le paysage du quartier encore largement industriel va se transformer progressivement. D'après les travaux de Marc Bonneville et de sa carte sur les réalisations immobilières à Villeurbanne entre 1968 et 1974 très peu de projets immobiliers sont entrepris dans notre secteur. On retrouve des opérations sur la route de Genas et à proximité de la rue Léon Blum. Ces principaux points ne sont d'ailleurs pas le fruit du hasard leur proximité avec la ville de Lyon, l'accès facilité aux grands axes de circulation en transports en commun ainsi qu'un bon équipement commercial ont favorisés leurs implantations. Pour la route de Genas ce sont trois constructions notables de 50 à 100 logements qu'on observe principalement. Le paysage, globalement homogène, de l'avenue du Général Leclerc et de la rue Guillotte est affecté par l'installation de barres d'immeubles collectifs des années 50-60.

La désindustrialisation a également marqué son territoire par la création de nombreuses friches industrielles ces « espaces inemployés et non entretenus15. En effet, l'unité

13 Le CECIM (Centre d'études de conjoncture immobilière) qui regroupe les promoteurs constructeurs de l'agglomération lyonnais publie des informations sur les programmes immobiliers de ses adhérents

14 Index : p 116 du livre de bonneville sur les prix de logements

15 Friches urbaines, p 76 lexique de la ville, jean-philippe antoni

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morphologique qui prédomine dans le nord du secteur est sans nul doute celle des sites industriels en cours de reconversion. Les surfaces représentées par ce tissu sont considérables, en particulier quand on sait que la désindustrialisation a déjà amputé le quartier de certaines de ses anciennes industries. Ici on trouve à la fois des « terrains vagues », espaces essentiellement vides délimités par d'anciens murs délabrés mais aussi certains vestiges architecturaux d'anciennes usines qui tombent lentement en ruine. La plus grande zone vide d'une superficie16 plus ou moins égale à 24 556 m2 est située sur l'ancien site de l'usine à gaz17 de la ville dont il ne reste absolument rien. On trouve également des vestiges presque intacts de la période industrielle. En effet cette fois-ci d'avantage dans le sud de la zone on remarque d'anciens sites industriels d'une taille non négligeable. Derniers témoin d'une époque révolue ils marquent le quartier par leur silencieuse présence.

Enfin, la dernière unité morphologique à noter représente un tissu récent. On distingue sur le site plusieurs types de tissus récents. Des immeubles implantés à l'alignement (d'époques diverses) affectent le tissu de façon diffuse et ont un impact sur le paysage que l'on perçoit. On les retrouve particulièrement le long des grands axes, de hauteur généralement importante à R+8, ces immeubles proposent également des grands linéaires de façade. Ce caractère diffus n'empêche pas la mutation complète de certains secteurs.

16 Calcul d'après Géoportail, annexe 11

17 Plan archives

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Ce type de construction s'inscrit inévitablement dans la tendance urbaine du début du 20ème siècle et qui se poursuit encore aujourd'hui, l'intensification du sol urbain. En effet, l'augmentation démographique dans la ville y est pour beaucoup. Devant la demande croissante de logements les agglomérations investissent aussi bien dans des tours que dans des barres résidentielles. Les secteurs de l'habitat et du travail sont désormais largement sectorisés et on le constate aisément dans le quartier.

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Partie 2 : Lecture d'un projet de réaménagement

I- Informations sur le projet

Le quartier Grandclément de Villeurbanne fait aujourd'hui l'objet d'un large projet d'aménagement. Plus précisément c'est le secteur « GrandClément gare »18 qui devrait connaitre à l'horizon 2030 de profondes modifications. La municipalité villeurbannaise et la métropole de Lyon se sont accordés pour redonner un nouveau souffle à ce territoire. Suite à un appel d'offre c'est un cabinet d'architectes et d'urbanistes de la région parisienne l'agence ANMA qui s'est saisie du dossier et a tracé les grandes orientations du projet. Un premier projet urbain a été défini sous la forme d'un plan guide sur un secteur de 45 hectares. Afin de mieux comprendre les rouages de cette opération de renouvellement urbain il est alors apparu pertinent d'analyser à la fois le plan guide en lui-même et d'interroger son réalisateur Mr Nicolas Michelin. Cette partie sera donc consacrée à l'étude approfondie du plan guide.

1. Aux origines du projet

Au début des années 2000 une étude du secteur Grandclément et de ses alentours a été réalisées par une agence d'urbanisme. Le nom de l'agence ne m'a pas été communiquée. L'objectif de cette étude était à la fois de comprendre quelles étaient les particularités urbaines du secteur mais surtout de saisir qu'elles pourraient être les différentes évolutions du quartier. Le diagnostic est posé et ce n'est qu'en 2013 que le projet « GrandClément gare » émerge.

D'après les informations obtenues par le cabinet ANMA et les représentants de la métropole de Lyon, il apparaît que ce projet de réaménagement fait l'objet d'une concertation commune depuis 2013et c'est en juillet de la même année que la phase de planification se met en place. Il est alors question de repenser une partie du périmètre opérationnel du territoire de Grandclément. Ce périmètre d'environ 120 hectares (7,4% du territoire villeurbannais) est inscrit majoritairement en zone UI du plan local d'urbanisme. Il accueille environ 6000 habitants (4% de la population villeurbannaise) et 4000 emplois (8% de l'emploi à Villeurbanne). Au sein de ce large périmètre, a été défini un périmètre opérationnel plus restreint de 45 hectares, dénommé « Grandclément gare ». Ce quartier connait des pressions foncières importantes, du fait de la mise en service de la ligne T3 du tramway, du projet de

18 Extrait du registre des délibérations du conseil, conseil du 2 novembre 2015

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mise en site propre de la ligne de bus C3, d'une activité industrielle déclinante sur certains tènements. Il se trouve ainsi en tension entre le secteur de la Part-Dieu à l'ouest et le secteur du Carré de Soie à l'est.

La métropole de Lyon et la ville de Villeurbanne ont travaillé conjointement a l'élaboration d'un diagnostic partagé afin de définir avec précision les objectifs urbains à atteindre pour ce quartier.

2. Les orientations du projet

Les orientations retenues en matière d'aménagement peuvent se regrouper en quatre thématiques. On retrouve d'une part la volonté d'introduire une trame verte, améliorer l'accessibilité du quartier, conserver les spécificités du tissu urbain et introduire une mixité économique-habitat en coeur de quartier.19C'est donc à partir de ces directives que la métropole de Lyon a mis en place un appel d'offres destiné aux agences d'urbanisme pour la réalisation d'un plan guide du territoire en question. En 2014 le cabinet ANMA est sélectionné et commence à se saisir du dossier. En parallèle, afin d'enrichir ces études la ville de Villeurbanne a choisi d'associer les habitants à cette réflexion par le biais d'une concertation citoyenne, sur laquelle nous reviendrons un peu plus tard. Aujourd'hui le plan guide a été remis aux collectivités et la concertation habitante s'est terminée avec la restitution auprès de la municipalité et de l'agence ANMA, des propositions des habitants à la mi-janvier 2016.

D'après les documents qui me sont parvenus, je pense notamment à une présentation réalisée l'agence ANMA on y trouve à la fois une étude approfondie sur le secteur de Grandclément mais aussi sur les grandes orientations du plan guide. C'est principalement à l'aide de ce document que mon étude se base. Les quatre thématiques du plan guide en parfaite adéquation avec les objectifs de la métropole sont ici approfondies avec précision.

2.1 La nature en ville :

Suite à une demande insistante de la municipalité pour introduire « la nature en ville » ANMA se lance ainsi dans la réflexion d'une continuité écologique au sein du quartier Grandclément. Le constat actuel indique des espaces isolés et un projet à compléter au niveau de la ligne de tramway T3. Il est vrai que si l'on porte notre attention sur les espaces verts c'est à dire ces espaces urbains plantés d'arbres, de pelouses, ou d'autres arrangements végétaux pour

19 Ibid

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l'agrément des riverains ou des visiteurs20on constate la présence de quelques arbres à l'alignement, « le parc de la gare » au centre et un peu plus au sud le parc Dormoy de taille peu conséquente en comparaison avec la superficie du quartier.21 L'idée retenue a donc été de créer un nouveau parc au coeur du quartier accompagnée d'une promenade nord-sud afin d'ancrer la trame verte. La volonté apparente d'introduire de la végétation en ville s'inscrit dans la tendance urbaine actuelle. En effet des dernières obligations suite à la signature d'accords environnementaux jusqu'aux revendications riveraines l'introduction de végétation en ville est désormais au coeur des débats. Longtemps considérée comme un élément du décor, la nature est devenue un élément central des territoires urbains. Comme nous pouvons le constater à travers cet exemple, élus urbanistes et aménageurs admettent l'urgence de stopper l'artificialisation des sols. Ce constat marquant de la fascination des collectivités et des praticiens de l'urbain pour de nouvelles formes de nature dans la ville interroge. Effet de mode, alibi, tendance lourde et durable, la question reste posée.

Autre point intéressant, l'intérêt croissant pour l'environnement végétal dans l'aménagement du territoire est l'occasion d'approcher la conception occidentale de la ville. Ville et nature seraient d'une part deux entités ne pouvant cohabiter. A ce titre l'aménagement du territoire a pendant longtemps fait la dissociation de l'objet nature et de l'objet ville. Tout comme dans le cas présent la création d'un objectif nommé « introduire la nature en ville » souligne le caractère dissociatif de ces deux entités. La ville serait donc par essence un espace dépossédé de toute caractéristique naturelle symbole de l'artificialisation totale d'un territoire.

Toutefois, on assiste en parallèle à la volonté croissante de penser la ville dans une approche plus large où la nature y trouve complètement sa place. Bien que mise en évidence pour des raisons de santé publique et de bien-être la nature tente de se réconcilier (peut-être maladroitement) avec le paysage urbain devenant ainsi un élément à part entière dans toute opération d'aménagement. Les espaces verts et la végétation en général s'intègrent progressivement dans le paysage urbain d'aujourd'hui devenant un des paramètres des opérations urbaines et c'est bien là le problème. En la pensant comme un élément à part entière on revient toujours à cette logique de séparation ville/nature.

Quoi qu'il en soit l'objectif de la métropole de Lyon est donc de mettre en place « un poumon vert » afin d'augmenter le bien-être des riverains et requalifier l'image du quartier. La présence d'une étendue végétale nord-sud est l'occasion de créer une certaine connectivité au sein du quartier.

20 Lexique de la ville, p 66

21 Annexe 12

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2.2 L'accessibilité

Une étude des lieux a été réalisé afin de mieux saisir les particularités du réseau viaire. En définitive il apparaît un réseau viaire peu structuré avec de grands îlots imperméables, une ligne de tramway infranchissable. Les voies majoritairement routières devraient faire l'objet de requalifications et l'accessibilité en transport en commun est renforcée à l'aide de la mise en site propre du bus C3. Toutefois un déficit en transport est à noter pour la partie ouest du secteur. A partir de ce premier constat les propositions avancées sont au nombre de quatre. D'une part la mise en place de deux mails plantés nord-sud sur des axes pacifiés, une trame viaire renforcée par le prolongement des voies existantes, une trame piétonne secondaire à travers un réseau de cours et de passages mais aussi de nouvelles dessertes de transport en commun pour le pôle pixel ou la requalification d'une ligne de bus sur la partie Est du quartier.

Finalement, la modification des tracés des transports en commun dans la ville impacte durablement l'accessibilité du quartier. La réduction du trafic automobile sur les axes importants comme la rue Léon Blum impacte de manière conséquente les déplacements dans le quartier. La mobilité via les transports en commun semble donc une approche privilégiée pour ce secteur. Pour l'instant les changements ne sont pas encore effectifs mais ne sauraient tarder, la rue Léon Blum commence à peine ses travaux. Le report de circulation sur d'autres axes routiers du secteur est actuellement en cours, interrogeant les nouveaux modes de déplacement dans le secteur. Le renforcement d'une mobilité « douce » via l'usage du vélo, et de la marche à pied permet également de s'interroger sur l'acceptation d'un tel projet par l'ensemble des riverains. La proximité évidente avec le périphérique et la facilité d'accès de rejoindre le quartier en automobile peut éventuellement impacter la composition sociale du quartier.

2.3 La mixité habitat-économique

Une autre thématique importante dans ce projet est celle de la mixité habitat et activité économique. En effet en se basant sur l'état des lieux réalisé par l'agence ANMA on remarque plusieurs secteurs définis dans différentes zones géographiques du quartier. En effet, fort est de constater un secteur habitat tourné vers l'ouest et les axes historiques (Rue Léon Blum et route de Genas), une dominante d'activités située d'avantage à l'est du quartier

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sur des secteurs spécifiques. On remarque également deux secteurs identifiables en cours de constitution dans le tertiaire avec les grands comptes monofonctionnels ainsi que des pôles de formation. Enfin une zone intermédiaire instable se dessine. Cette dernière est constituée d'habitat et d'activités mais aussi en grande part de locaux vacants et/ou dégradés et de terrains en friche. En partant de ce constat et suite aux objectifs retenus par la métropole de Lyon l'idée est d'introduire une mixité mêlant activité économique et logement. L'idée de sectoriser le quartier est délaissé au profit d'une véritable complémentarité. Pour l'heure les recommandations seraient de conforter les activités sur les secteurs spécifiques. Pour se faire l'extension du pôle Pixel par la spécialisation des parcs d'activités est mise en avant tout comme le maintien du pôle Artisans. En ce qui concerne le secteur intermédiaire, l'idée est de favoriser les polarités à dominante économique composant avec l'habitat en développant une offre de petits locaux tertiaires (unités inférieures à 3000m2), artisanaux, de lieux de formation. L'étude la répartition programmatique donne également à voir la dynamique économique future du quartier.

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Extrait d'un document de l'agence ANMA

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II - Comment l'équipe ANMA appréhende-t-elle l'identité industrielle du secteur ?

1. La construction d'un patrimoine

Enfin le dernier élément essentiel de cette opération est la réflexion autour des éléments industriels du quartier. En effet, la métropole avait envisagé une étude sur la conservation du patrimoine industriel et de faubourg du quartier dans la conception du projet. Ce dernier point s'inscrit finalement dans une démarche de marketing territorial. La volonté apparente est en fait de promouvoir un territoire riche d'une histoire singulière afin d'attirer des entreprises tout comme de nouveaux habitants. Pour ce dernier point nous allons à la fois porter notre attention sur l'image du projet véhiculée au public par les acteurs du projet, tout comme nous allons essayer de comprendre sous quel(s) angle(s) le patrimoine industriel a été appréhendé.

1.1 L'image véhiculée dans les médias

En parcourant les différents articles disponibles sur le quartier « Grandclément gare » on constate aisément cette volonté de mettre en évidence un quartier riche d'une identité singulière. La première publication, faisant référence à l'opération urbaine va parfaitement en ce sens en rappelant les objectifs de cette opération « à la clé le respect de l'esprit du quartier ».22 Les extraits de citations de l'architecte en chef viennent également appuyer cette notion d'identité, on retiendra des propos tels que « l'enjeu préserver l'esprit du lieu » ou encore « une richesse du patrimoine à mettre en valeur ». Cette première présentation du projet s'inscrit donc parfaitement dans cette dynamique de mise en valeur d'un territoire. Le choix de présenter le quartier avec une histoire et une identité peut largement influencer les représentations des nouveaux habitants par exemple. Dans chacune des publications attenantes à l'avancement du projet, c'est-à-dire entre septembre 2015 jusqu'en février 2016 il est toujours question du passé industriel du quartier et de sa mise en valeur. Par exemple le maxi viva qui expose l'ensemble des opérations urbaines à venir dans l'ensemble de la ville interpelle ses lecteurs lorsqu'il affirme pour l'opération Grandclément « qu'il ne s'agit pas de renier le passé : une partie des anciens bâtiments industriels sera rénovée et l'écriture architecturale du quartier des futurs immeubles cherchera à rappeler l'histoire du quartier ». C'est donc à travers l'information aux habitants via le magazine de la ville que la singularité du secteur est mise en avant. Un accent est porté sur le passé industriel de ce quartier

22 Viva septembre 2015

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principalement au regard des éléments bâtis du quartier. Hangars, bâtiments industriels sont mentionnés avec très peu de détails. Les notions « d'esprit du lieu » ou « d'esprit du quartier » sont donc employés afin d'asseoir ce patrimoine.

Dans le même registre il n'existe aucune représentation visuelle de ce patrimoine industrielle dans les différentes publications. En effet il est intéressant de remarquer que pour le premier article la photo qui illustre le projet urbain représente une photo de la place Grandclément alors qu'elle ne pas du tout incluse dans le secteur de rénovation. Pour un autre article c'est la gare de Villeurbanne vue de haut qui est choisi pour rappeler le projet en cours. On est cette fois-ci bien plus dans le secteur dans la mesure où la gare est l'épicentre du quartier. On observe également en arrière-plan les nouvelles constructions du quartier. Des immeubles de logement répondant aux critères de standardisation urbaine du logement actuel, aucune trace de bâtiments industriels à valoriser. On peut nuancer un peu ces propos si on part du fait que la gare a fait l'objet d'une rénovation dans les années 2000 dans le cadre de la mise en place de la ligne de tramway T3. Enfin dans le dernier article concernant l'opération urbaine à venir on retrouve une photo de l'actuelle promenade de la gare et la même image commentée précédemment. Une fois encore un décalage entre l'image et l'écrit est à noter. Comment interpréter ces photos ? Celles-ci interrogent sur le regard porté au territoire, on a l'impression que les choses ne sont pas claires, le projet Grandclément concerne-t-il la place Grandclément ? La gare ? Jusqu'où s'étend-t-il ? Certes des indications sont précisées dans le texte mais aucun élément visuel ne penche véritablement en ce sens.

Il en va de même en ce qui concerne l'identité du quartier. Les photographies utilisées ne viennent pas en appui de la soit disant unité du quartier.

En définitive, c'est l'image d'un quartier industriel, avec sa richesse de bâtiments qui est mise en évidence. A la lecture de ces articles le lecteur peut facilement se représenter un quartier avec une forte identité industrielle à l'image du quartier de Croix Rousse dans la ville de Lyon. La stratégie de marketing territoriale commence donc ici et joue son rôle de manière plutôt efficace.

1.2 Le recensement des pépites

La question de la spécificité urbaine du quartier soulevée par la métropole de Lyon a été approfondie par la société ANMA. A l'origine il s'agissait principalement de faire le point sur le bâti général du quartier avec à terme une réflexion sur le réaménagement de cette zone. C'est avec une analyse fine du territoire que le renouveau du quartier pouvait être envisagé.

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C'est donc le cabinet de l'architecte Michelin qui s'est emparé du sujet et qui a analysé avec précision les spécificités du tissu urbain.

A l'aide d'une présentation du plan guide, on observe comment le quartier a été appréhendé. Un point sur les formes urbaines du quartier a été mis en évidence. L'équipe d'architecte a procédé à un état des lieux en se rendant sur le quartier Grandclément gare. Ce qui est intéressant dans la restitution de leurs observations c'est la manière dont est perçu ce territoire. En effet les architectes remarquent les nombreux éléments à consonances industrielles présents dans les rues du quartier tel que les hangars, les tissus de faubourgs typiques mais ce qui interpelle c'est surtout la représentation qu'ils en ont. La singularité de ces différents bâtis est d'une part mise en avant mais surtout elle est valorisée. L'état des lieux réalisé va en ce sens dans la mesure où chaque catégorie de bâtiment est soit « à valoriser, à sauvegarder ou encore à préserver. »23 La singularité du bâti du quartier est donc une priorité pour l'équipe d'architectes. Le responsable Mr Michelin me confiait à ce sujet que pour lui il était important qu'une opération de réaménagement s'inscrive dans l'histoire d'un site Reconstruire pour lui ce n'est pas éliminer toutes traces du passé, mais construire avec lui. 24. Pour cette raison il s'appuie essentiellement sur les particularités architecturales du territoire en question. Il pousse même son engouement pour la préservation en définissant une dizaine de sites qu'il estime comme « éléments marquants de l'identité du quartier Grandclément » qu'il appelle pépites. Cette appellation interpelle et c'est le but. Ces pépites sont pour lui des éléments représentatifs du quartier qu'il ne faut pas faire disparaître. Il est surprenant de remarquer que contrairement au PLU qui ne contient que deux éléments à conserver Michelin souhaite lui en conserver une dizaine de plus.

J'ai souhaité dans ce deuxième temps m'attarder sur les bâtiments sélectionnés par l'agence ANMA afin de mettre à jour les spécificités de ces bâtis.

L'inventaire patrimoine réalisé par l'agence ANMA nous aide beaucoup pour comprendre l'intérêt porté à ces bâtiments. Dans ce dernier « a été recensé les éléments bâtis et paysagers incarnant le génie du lieu et méritant une certaine forme de préservation ou d'accompagnement dans leur évolution. »25 Nous comprenons ainsi que l'identité industrielle du quartier est ici pensée uniquement d'un point de vue du bâti et du paysage. A chaque

23 Extrait plan guide

24 Extrait d'entretien Mr Nicolas Michelin

25 Extrait inventaire

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bâtiment sélectionné une description est faite et accompagnée d'une description et de renseignements sur les enjeux de ces bâtiments26. Les pépites sont séparées en plusieurs catégories, on en compte quatre : Les ensembles identitaires à valeurs patrimoniale à préserver, les ensembles bâtis inscrits au PLU opposable, les ensembles porteurs de qualités à préserver au PLU-H et pour finir un repérage d'éléments à préserver exclusivement des usines.

Après étude de cet inventaire on note une grande diversité de bâtiments, on y retrouve des tissus de faubourgs, des locaux d'activités, des usines, des immeubles de faubourgs, des maisons bourgeoises, des sites industriels et des hangars industriels. Les particularités architecturales sont attestées pour certains bâtiments mais pour d'autres en revanche l'intérêt ne repose pas sur cet aspect.

On compte au final 11 « pépites » se rattachant au logement qu'il soit caractéristique de l'immeuble ouvrier ou de la maison bourgeoise, et 13 bâtiments à caractère industriel de par leur fonction comme les hangars, les sites industriels et les usines. Le choix de ces pépites s'inscrit en adéquation avec le caractère industriel du quartier. On retrouve un ensemble de bâtiments représentatifs de cette période qui permettent de saisir l'identité passée du quartier. Par ailleurs, j'ai souhaité obtenir des informations complémentaires sur chacun des bâtiments à l'aide de recherches auprès des archives de la ville et du département. Cependant, je n'ai pas pu mener de recherches complètes sur les bâtiments en raison de la réception tardive du document d'inventaire de l'agence. De plus, les informations disponibles n'apportaient pas de précisions véritablement pertinentes à l'étude.

1.3 La réutilisation du patrimoine industriel pour le renouveau du quartier

La réalisation d'un plan guide par une équipe intéressée par les spécificités d'un quartier est un atout pour les questions de conservation ou de réhabilitation d'éléments urbains. Le plan guide est un document dont vont se saisir les promoteurs et les bureaux d'études spécialisés pour réaliser leurs plans d'exécution. Ainsi, chaque élément du plan guide permet d'orienter durablement les constructions, réhabilitation et conservation de bâtiments. Il impose des directives et permet véritablement d'influencer l'évolution urbaine d'un site. Pour le quartier Grandclément c'est une agence d'urbanistes et d'architectes sensibles aux particularités de chaque quartier qui s'est imposé pour la réalisation du plan guide. Préoccupé par « l'âme de chaque quartier » qu'ils sont amenés à étudier, ils ont cherché à saisir les particularités du

26 Annexe 13

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quartier Grandclément. Pour l'agence ANMA, la singularité du quartier se lit dans les nombreux toits d'usines en sheds rappelant la dimension industrielle du quartier. A partir de leurs observations ils ont donc voulu mettre en valeur ce territoire et leurs impacts sur le PLU est une véritable force. Le plan guide a ainsi le pouvoir de modifier le PLU. Les différentes propositions pour rajouter des éléments observés dans le quartier dans certaines catégories du PLU est alors l'assurance d'une prise en compte de bâtiments industriels dans le renouveau du quartier. Le plan guide est ainsi un document important permettant de dessiner l'avenir urbain du quartier. Toute proposition en terme de patrimoine pour pouvoir être reconnue à l'avenir se doit donc de figurer dans le plan guide si elle espère être prise en considération.

Intéressons-nous à présent au devenir des éléments du patrimoine industriel relevés par l'agence ANMA.

Une partie des pépites n'est pas soumise à des transformations particulières, on est davantage dans une conservation telle quelle des bâtiments. Il s'agit principalement de logements de type immeuble et des maisons individuelles qui sont touchés par ce phénomène. Les bâtiments d'activités industrielles comme les hangars et sites industriels n'ont en revanche pas tout à fait la même finalité. Mr Michelin me disait à ce sujet que l'ensemble du bâtiment n'était pas essentiel ce ne sont que certaines parties qui sont intéressantes parfois pour des raisons architecturales, comme le rappelle la structure métallique d'une ancienne usine rue Poizat27 ou parfois en raison de leur superficie. L'agence a également développé une approche sur la réhabilitation des bâtiments pour le moins intéressante. Afin de rappeler le passé industriel du lieu, les urbanistes imaginent une démolition partielle des hangars afin de proposer par exemple « un hangar de grande dimension et construire perpendiculairement des immeubles de 11 mètres de larges destiné à du logement et le hangar serait divisé en 3 parties rattachée chacune à un promoteur différent avec chacun un hall d'entrée qui passe par un grand hangar » (Michelin). L'exemple ci-dessous est particulièrement représentatif de cette idée.

27 Annexe 14

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La conservation des toitures est également un objectif qui revient très souvent. L'idée est celle de reconstruire ou de construire des immeubles d'habitation avec ce type de toiture afin de donner l'impression qu'ils ont toujours été là. On renouvelle le quartier tout en gardant sa singularité.

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C'est une vraie prise en compte du territoire industriel qui est à l'oeuvre renforcée également par l'approche historique qui a été menée par l'agence ANMA. La conservation et la réhabilitation de certains bâtis de cette ancienne zone industrielle devient un véritable levier pour créer une ambiance centre-ville nécessaire à la fabrication d'un morceau de ville et à la modernisation de l'espace urbain.

III- Remise en question de la concertation habitante

En plus de la réalisation du plan guide pour le quartier en devenir « Grandclément gare » une concertation avec les riverains a été envisagée et mise en place dès novembre 2015. La mairie de Villeurbanne a en effet souhaité mettre en place une concertation avec les riverains sur le projet de réaménagement « Grandclément gare ». Pour se faire elle est passé par le service de démocratie locale du quartier qui n'est autre que le conseil de quartier Grand Clément/ la Perralière.

Né en 2013 le conseil de quartier est associé aux deux quartiers frontaliers celui de Grandclément et celui de la Perralière d'où son nom. Composé d'un adjoint de quartier Alain Brissard, de référents de conseil de quartier Jocelyne Maubert-Michaud et Alain Bassier le conseil il dispose de locaux au 74 rue Léon Blum en plein coeur du quartier Grandclément. Le conseil s'occupe à la fois des préoccupations quotidiennes des riverains en mettant en place différentes commissions mais il est également en charge de la diffusion de l'information de la ville. Son influence dans la création d'évènements festifs, de rencontres est aussi à souligner. C'est à sa commission « urbanisme - cadre de vie » que nous allons nous intéresser. C'est par le biais de cette commission bimensuelle qu'a été mobilisé la concertation habitante pour le projet de réaménagement en question. En effet c'est suite à une volonté de la mairie d'impliquer ses habitants dans ses projets que le conseil de quartier a organisé un temps fort autour du réaménagement futur de son quartier.

Au terme d'un accord en septembre 2015 avec l'adjoint au développement urbain et métropole de la Ville, Richard Llung la perspective d'une mobilisation habitante sur le plan guide du projet de renouvellement urbain est lancée. L'objectif recherché est alors de construire et fournir à l'aide des usagers de la ville un avis sur les orientations du plan guide afin de le remettre à la ville en janvier 2016. Pour mener à bien ce projet le conseil est accompagné par l'agence elc2. Agence de communication crée en 1998 siégeant à Lyon celle-ci est spécialisée « dans l'accompagnement des politiques publiques et les stratégies de

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participation citoyenne » (site elc2.coop). Son activité ici aura été la conception et l'animation d'une démarche participative. Ainsi accompagné le conseil de quartier a mis en place plusieurs réunions d'échanges et ballades urbaines dans le quartier pour mieux saisir la réalité à venir.

Annoncée à l'aide du magazine de la ville Viva, cette concertation apparait comme une invitation afin de « participer à la mise en oeuvre progressive de la transformation »28 du quartier. En y ayant assisté à plusieurs reprises tout d'abord pour observer comment la question du patrimoine était appréhendée je me suis rapidement rendue compte que le dispositif en lui-même méritait un approfondissement. La concertation habitante dans cette opération d'urbanisme est une démarche qui interroge. Qui est à l'origine de cette initiative ? Pour quelles raisons a-t-elle été mise en place ? Était-ce un choix ou une obligation ? Quelles sont les thématiques abordées ? Mais surtout comment est-elle intégrée au projet urbain ? C'est à l'ensemble de ces questions que cette partie tente de répondre.

1. Pourquoi mettre en place cette concertation ?

A l'origine, ce projet de concertation est à l'initiative de la municipalité villeurbannaise. Richard Llung adjoint au maire de Villeurbanne et vice-président de la métropole de Lyon chargé de l'urbanisme réglementaire et de la planification est l'investigateur de cette concertation. D'après les retours que j'ai eu de la part de la Métropole de Lyon Mr Lllung était très engagé pour la mise en place de ce dispositif et c'est encore une fois avec la revue mensuelle de la ville que son implication et plus largement le souhait de la municipalité d'oeuvrer pour des actions participatives est mis en avant. En décembre une double page se consacre à la concertation en cours à Grandclément. L'article intitulé Grandclément : la grande concertation s'attache à la fois à rappeler les grandes lignes du projet urbain mais insiste sur le caractère participatif du projet. L'adjoint au développement, Mr Llung s'exprime à ce sujet et rappelle que « la ville du 21ème siècle doit se construire avec les habitants qui se saisissent des projets, en partagent les grandes orientations et les enrichissent de leurs propositions ». Son engagement pour la mise en place de dispositifs participatifs s'inscrit ainsi dans l'une des tendances actuelles de l'urbanisme, la participation citoyenne. En effet depuis l'émergence dans les années 60 de mouvements urbains qui se développent dans différentes parties du monde porteurs d'une critique sociale (Castells) l'implication du public en matière

28 Viva, novembre 2015 p5

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de planification spatiale et d'urbanisme n'a cessé de se développer. En passant par les ateliers publics mobilisant habitants et professionnels pour la l'élaboration de contre-projets29, l'élaboration de diagnostic partagés, jusqu'à la naissance de système de co-gestion, les approches collaboratives investissent pleinement le champs de l'urbanisme. En parallèle la question de la durabilité des villes et des métropoles est de plus en plus étroitement associées à l'intervention urbaine. Les concepts du nouvel urbanisme et de croissance intelligente sont présentés comme des réponses à cet impératif du développement urbain durable qui impose de nouvelles formes de pensée et d'action (Bacqué Marie-Hélène, Gauthier Mario ) Ainsi, selon Berke 30 le concept de développement urbain durable offre une opportunité de renouvellement des pratiques participatives en matière d'urbanisme, dans la mesure où le concept de durabilité pourrait être un cadre capable de dépasser les intérêts particuliers afin d'adopter une perspective inclusive et globale. Dans ce contexte, la participation publique est aussi envisagée comme un instrument de mise en oeuvre du développement urbain durable (Gariépy

M., Gauthier M.) en opposition au modèle de planification rationnelle global. Les approches collaboratives conçoivent ainsi la planification comme un processus interactif et politique.

Les différents retours d'expériences en matière de planification poussent également les professionnels de l'urbanisme à reconnaître eux-mêmes les limites du modèle de la planification rationnelle globale et cherchent de nouvelles voies pour intégrer les préoccupations des citoyens dans leurs pratiques planificatrices (Bacqué Marie-Hélène, Gauthier Mario ) Les échecs d'opérations urbaines suite à l'inadéquation des travaux réalisés avec la réalité sociale et économique de certains territoires a conduit les experts techniques de l'urbain à reconsidérer leurs pratiques. L'implication des riverains dans les opérations urbaines voir même dans la réalisation de documents urbains (PLU, PLU-H par exemple) tend à se répandre sur l'ensemble du territoire.

La création d'une concertation sur un projet de rénovation est également l'occasion d'engager les habitants à réfléchir et à s'impliquer dans la gestion de leur quartier. Par l'intermédiaire du conseil de quartier, les riverains sont ici invités à échanger et se mobiliser pour s'approprier le projet, se projeter mais surtout ont l'occasion de questionner le projet et de faire des propositions pour le devenir de leur quartier. A ce titre l'adjoint en charge des quartiers

29 Exemple la rénovation du quartier de Kruzberg à Berlin

30 Berke P.-R., « Does sustainaibale development offer a new direction for planning ? Challenges for the twenty-first century », Journal of Planning Literature, 17 (1), 2002, p. 21-36

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Ferrandière/Maisons neuves et Perralière/Grandclément s'exprime « Ce temps long de la concertation est essentiel : les habitants s'impliquent de manière très constructive »31

Aussi ne faut-il pas oublier que ce type de démarche peut cacher des motivations politiques. La participation peut être mobilisée pour répondre à la distance politique plus ou moins importante entre élus et citoyens. Les riverains appelés à réfléchir et à s'exprimer directement auprès des élus ont alors le sentiment d'être écouté et donc d'être valorisé. La mise en place d'un dispositif à destination des citoyens est alors perçu comme la preuve d'une sincère volonté de s'impliquer dans les préoccupations des habitants. Ce n'est pas les riverains qui viennent à la mairie mais la maire qui vient à eux. Ainsi, le département aménagement urbain de la ville est difficilement attaquable. La ville s'inscrit comme partenaire des habitants, redore son blason et en profite pour mener une opération communication réussie.

Il est intéressant de mettre en parallèle le caractère non conflictuel du projet Grandclément gare. En effet, il n'existe aucun élément du projet faisant l'objet d'un désaccord profond entre les riverains et la collectivité. Le seul point enclin au conflit est le marché forain et alimentaire de Grandclément. Toutefois comme ces deux marchés n'appartiennent pas directement au projet et qu'ils feront l'objet d'une concertation spécifique ultérieurement, très peu de situations conflictuelles ont été relevés. Ainsi aucune opposition n'a été capable d'entacher le bon déroulement de la concertation. On peut alors rapprocher ce constat avec les réflexions de Bernard Jouve pour qui « les pratiques participatives dans les métropoles ne permettent pas une réelle transformation de l'ordre politique, mais tendent plutôt à renforcer les traits préexistants des différents systèmes politiques en consacrant le rôle central des élus ».32

Ou alors, on peut se laisser à imaginer que cette mobilisation des riverains était l'occasion de mettre en place une stratégie politique d'anticipation et de régulation. En passant par une institutionnalisation de la négociation (Duran et Thoening) avec la recherche d'une conciliation par la mise en oeuvre des outils de la concertation citoyenne la mairie se prémunit contre toutes situations conflictuelles à venir. En ce sens, on peut supposer que le choix de mettre en place une concertation avec le conseil de quartier n'était pas anodin.

31 Viva, décembre 2015-janvier 2016

32 Jouve B., « La démocratie en métropole. Gouvernance, participation et démocratie », Revue française de science politique, 55 (2), 2005, P 336

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La stratégie de marketing territorial à l'oeuvre pour le quartier et mentionnée auparavant trouve avec la réalisation d'une concertation l'occasion de s'affirmer une nouvelle fois. On pourrait presque aller jusqu'à imaginer le nouveau titre de l'opération urbaine : Grandclément gare un projet respectueux de l'identité industrielle et à l'écoute de ses habitants. Fort déjà d'un premier objet de valorisation avec la reconnaissance de vestiges de l'époque industrielle le dispositif de concertation est alors le deuxième élément de valorisation du territoire. L'apparente volonté de construire ensemble aide à la création d'une image positive du quartier en devenir. Le quartier profite donc d'une belle promotion avec en toile de fond l'idée qu'il est le résultat d'une implication de riverains forte. C'est un argument qui peut tout à fait jouer en la faveur du quartier.

2. Quel jeu d'acteurs ?

Dans cette concertation on remarque l'implication de plusieurs acteurs, la métropole de Lyon, l'agence ANMA, la municipalité Villeurbannaise, les membres du conseil de quartier et les habitants du quartier. Le projet urbain de GrandClément est à l'origine d'une certaine forme de proximité entre les acteurs. Les échanges favorisés par les différentes étapes de la concertation sont à l'origine d'une relation assez étroite entre les acteurs. La concertation a permis de rapprocher différentes catégories de personnes qui n'ont pas l'habitude de se côtoyer et encore moins de travailler ensemble. Toutefois, ce dispositif a été également l'opportunité pour chacune des parties de réaffirmer son pouvoir. Intéressons-nous par exemple au conseil de quartier.

Les membres constitutifs du conseil de quartier de La perallière/ Grandclément ont été contacté par la mairie afin qu'ils puissent construire une réflexion participative suite à la découverte du plan guide. Accompagnée par une agence de communication spécialisée dans la démocratie participative l'agence ECL2, les membres constitutifs se sont largement investi dans ce projet toutefois ils ont facilement évincé les propositions extérieures. En effet, la plupart des propositions concernant le plan guide provenant de personnes non impliquées dans le conseil de quartier ont été mises de côté. Une petite rivalité entre le conseil de quartier et l'association patrimoine et cadre de vie de Villeurbanne est attestée, les propositions mises en avant par le représentant de l'association qui est également le représentant des

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commerçants ont été quelques peu étouffés.33Cet exemple nous montre que le conseil de quartier valorisé par la municipalité dans cette opération est l'occasion pour lui (dans une moindre mesure) de réaffirmer sa position de leader en matière de démocratie citoyenne. Ce paramètre est d'autant plus renforcé quand on remarque qu'aucune autre association de la ville, n'a été contacté par la mairie pour se saisir de la question.

La municipalité à l'issue de cette concertation a également pu réaffirmer son pouvoir auprès des riverains. En effet, cela était particulièrement visible lors de la dernière séance de concertation, où les habitants et le conseil de quartier ont remis leurs recommandations à l'élu Mr Richard Llung. Cette ultime séance normalement dédiée aux habitants et à l'équipe du conseil de quartier a été largement mené par l'élu. Bien que son intervention paraissait légitime pour cadrer à certains moments la séance notamment lors de l'irruption de quelques conflits autour de la question du marché par exemple il a largement dominé la séance faisant passer l'équipe du conseil de quartier pour des invités dans leurs propres locaux.

Par ailleurs, Mr Llung a donné à voir le renouveau du quartier Grandclément comme un élément d'un projet urbain bien plus large. Les remarques ou questions des habitants se sont habilement retrouvées plonger dans un discours politique sans aucun lien direct avec les questionnements initiaux. La réflexion entreprise sur le renouveau du quartier prenait ainsi une toute autre dimension, qui a été par moment bien difficile à comprendre pour les habitants présents à cette réunion. Le charisme de l'élu et ses propos ont largement contribué au peu d'échanges entre les différents protagonistes présents.

3. La concertation en est-elle bien une ?

La mise en place de cette concertation interroge également sur un dernier point, celui de sa véritable vocation à la participation. J'aborderai ce point sous deux angles, d'une part au regard des différents participants et d'autre part en essayant de replacer dans un cadre plus théorique le principe de cette concertation.

La concertation s'est déroulée en plusieurs temps depuis la mi-septembre jusqu'à la mi-janvier. Un premier appel à la participation des citoyens a eu lieu en novembre 2015 via le magazine de la ville. L'article interpelle ne serait-ce que par son vocabulaire employé, il n'est précisé nulle part qu'il s'agit d'une concertation en partenariat avec la métropole de Lyon et

33 Extrait d'entretien Mr Pellerin

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de la municipalité. Il est seulement mentionné que « le conseil de quartier de Grandclément invite les habitants [...] à une réunion dans leurs locaux. » Pour tout habitant non habitué aux conseils de quartiers il est difficile de comprendre quel sont les enjeux de cette réunion. Ce qui est surprenant également, le projet de concertation est annoncé et présenté en décembre une fois que l'ensemble des réunions ont été effectué...

Aucune parole d'habitants n'est retranscrite seule quelques propos de l'un des représentants du conseil de quartier sont repris. La communication autour de la concertation interpelle et interroge.

Par ailleurs, les habitants présents ne sont pas véritablement représentatifs de la population villeurbannaise et encore moins du quartier GrandClément d'un point de vue socioprofessionnel et d'âges. Ayant assisté à de nombreuses réunions j'ai remarqué que les participants véritablement impliqués étaient en majorité des retraités34 vivant dans le quartier depuis de nombreuses années. Des personnes d'une quarantaine d'années étaient également présentes souvent commerçants ou récents propriétaires. Je n'ai pas de chiffres qui me permettraient de confirmer mes propos puisque le conseil de quartier n'a lui-même pas ces informations à disposition et je n'ai pas réalisé de questionnaires à transmettre aux participants. En effet, j'ai assisté à ces réunions avant même d'avoir un axe de réflexion bien défini, j'y ai assisté essentiellement pour obtenir des renseignements sur l'avancement du projet GrandClément.

Afin d'évaluer également le principe de concertation habitante il me semblait alors pertinent de le mettre en résonnance avec l'échelle de participation citoyenne de Sherry R. Arnstein.35Le dispositif de concertation mis en place pour le devenir du quartier Grandclément gare pourrait éventuellement se rapprocher du stade 4 de la catégorie du tokenisme. Arnstein appelle le stade 4 le stade de consultation puisque des enquêtes ou des « réunions publiques permettent aux habitants d'exprimer leur opinion sur les changements prévus toutefois on ne tient aucunement compte de leurs avis ». Comment pouvons-nous rapprocher ce stade de consultation de la concertation actuelle ? La réalisation du plan guide est notre premier élément de réponse. Nous pouvons confirmer le caractère consultatif de la concertation puisque les habitants étaient invités à réagir sur un document déjà définitif. Les

34 Annexe 15

35 The Ladder of Citizen Participation, Sherry R. Arnstein », Journal of the American Planning Association, Vol. 35, No. 4, July 1969, pp. 216-224

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riverains ont en effet commenté le plan guide et non aucunement participé à sa réalisation ce qui est intriguant dans la mesure où la suite des opérations s'appuiera sur le plan guide en lui-même. On peut alors largement s'interroger sur la prise en compte des avis émis par les habitants.

Finalement, les éléments constitutifs de cette concertation sont donc à remettre en question tant d'un point de vue des participants, de la communication autour du dispositif que sur le principe même de la concertation. Le plan guide réalisé par l'agence ANMA est terminé, la première étape du projet urbain également, et il n'existe à l'heure actuelle aucune certitude quant à l'implication de l'agence pour la suite du projet ce qui interroge d'autant plus la prise en compte des avis et réflexions des habitants par les équipes qui reprendront le dossier à l'avenir.

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Partie 3 : Quel patrimoine industriel pour les habitants du quartier ?

Dans ce volet de ma recherche il me semblait important d'interroger les habitants du quartier Grandclément sur le patrimoine bâti de leur quartier. La question de la gestion du patrimoine d'une ville est une question qui n'est presque jamais soumises aux habitants ce qui peut paraitre paradoxale au moins en partie dans la mesure où les riverains peuvent se prétendre d'une certaine manière experts de leur ville car il la côtoie au quotidien et la connaissent presque dans ses moindre recoins. Ils développent avec le temps de nombreuses connaissances à son sujet et sont capables de nous livrer des anecdotes insoupçonnées que les professionnels de l'urbanisme sont loin de disposer. En partant de cette idée il me paraissait alors nécessaire d'aller interroger ces habitants pour essayer de définir avec eux et de comprendre quels pouvaient être les éléments du paysage urbain qui avaient du sens pour eux et qu'ils aimeraient voir conserver, réhabiliter, ou voir même démolis. Je voulais en les interrogeant sur ce sujet les faire réagir sur leur potentiel d'implication dans les projets de réaménagement urbain.

I- Retour sur la notion de patrimoine

1. Le « gros mot » patrimoine

Pour mettre à bien cette partie de mon étude, la première question que je me suis posée a été : Comment parler de patrimoine ?

Lors des premiers contacts avec les habitants je me suis rapidement rendue compte de la difficulté pour les interrogés à se représenter et à définir le mot patrimoine. Il apparaît finalement comme une notion mal connue, qui impressionne et qui ne permet pas d'engager une conversation facilement. J'ai souvent été dans des situations où lorsque j'abordais le terme patrimoine voire même d'héritage industriel s'en suivait un blocage j'étais de fait confronté à une profonde incompréhension de la part de mes interlocuteurs. Bien qu'essayant de débloquer la situation en tentant de remanier le mot patrimoine avec le plus d'habileté possible dans l'espoir de faire comprendre mon intention de discuter sur les représentations personnelles du quartier en questionnant les souvenirs de chacun, cette tentative restait vaine. Peu de choses ressortaient et l'échange prenait fin très rapidement.

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A d'autres moments, les personnes interrogés m'ont fait part de leur difficulté à répondre à cette question puisqu'ils m'expliquent ne pas se sentir spécialiste en la matière. Le patrimoine est en fait très souvent rattaché à la notion de conservation de bâtiment et dans l'imaginaire collectif des personnes avec qui j'ai pu m'entretenir ce qui se conserve c'est ce qui a une valeur architecturale importante, que de fait des « non experts » comme eux sont incapables à détecter, d'où la difficulté pour eux d'investir cette question de patrimoine.

De ces exemples il ressorts plusieurs éléments importants. Tout d'abord le questionnement autour du patrimoine apparait d'une part comme un thème difficile à appréhender pour les habitants non connaisseurs en matière de patrimoine de manière générale. Une sphère d'experts du patrimoine (principalement architectural) se devrait de se consacrer entièrement à cette question. Les habitants s'excluent instinctivement de cette question. Un autre exemple peut renforcer cette hypothèse. Une démarche d'inventaire participatif est actuellement en cours au Rize et celle-ci concerne en grande partie le quartier Grandclément. Cet atelier invite l'ensemble des habitants de la ville à participer à la « connaissance et à l'appropriation du territoire par des habitants » pour reprendre les mots du directeur du Rize Vincent Veschambre. Malgré une communication du projet par l'intermédiaire du magazine de la ville très peu de personnes se sont investies dans cet atelier. La plupart des présents étaient soient des passionnés d'histoire, des curieux ou des personnes largement impliquées dans la vie de quartier et ayant des relations avec le Rize36. Ce faible investissement de la part des riverains pourrait donc être interprété comme un désintérêt pour les questions patrimoniales ce qui est tout à fait probable. Toutefois on peut encore aller plus loin dans le raisonnement en rapprochant cette attitude d'une certaine forme d'autocensure. Les riverains s'interdisent de se prononcer sur le sujet et renvois la responsabilité de cette question à des professionnels.

Je pense que ce phénomène est à mettre en relation avec le fait qu'il n'existe aucun enjeu conflictuel pour le renouveau du quartier du point de vue patrimonial. Il n'y a pas de lutte ou de revendication sur les constructions au sein du quartier du moins à l'heure actuelle. Auquel cas les habitants se seraient certainement d'avantage saisie de la question patrimoniale comme ça a été le cas dans d'autres villes (Zanetti)

D'autre part, cette autocensure rappelle la volonté du monde de l'aménagement de créer deux mondes distincts, avec d'un côté les professionnels de l'aménagement et de l'autre les riverains. Bien que cette démarche tende à disparaitre avec le renouveau de l'urbanisme, ces

36 Informations obtenues lors d'une participation à cette réunion

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réponses rappellent quand même la force de ce dispositif dans la mesure où les habitants l'ont pleinement intégré. Même si on peut nuancer ce propos quand on remarque l'implication de certaines associations en charge de la question patrimoniale de la ville qui sont très engagées dans ce que les bâtiments de la ville peuvent raconter, on remarque rapidement que lorsque leur implication dans un projet urbain est suggérée ils ne s'en saisissent pas. En effet, lors des différentes réunions de concertation, étaient présents Mr Patrick Pellerin président de l'association patrimoine et cadre de vie ainsi que quelques-uns de ses membres. Lors des discussions autour des pépites du quartier aucun des propos des membres de l'association ne s'est distingués du discours d'autres habitants. La question de la valeur patrimoniale des pépites mais aussi de tout autre élément bâti du quartier n'a suscité aucune réaction particulière. Cette association pourtant très impliquée dans la récolte de souvenirs propres aux différents quartiers de Villeurbanne avait ici l'occasion de s'exprimer et de mettre en avant les informations dont elle disposait ou qu'elle pouvait éventuellement obtenir, il n'en fut rien.

J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec Mr Pellerin sur les différentes activités de l'association et son impact dans les processus d'aménagement urbain. Autant sa participation active dans l'histoire de la ville est effective autant le constat n'est pas le même lorsqu'on évoque sa potentielle contribution dans les projets de renouvellement urbain. Le président de l'association m'a très clairement fait comprendre que son association avait pour unique rôle de récolter et transmettre à l'occasion, des informations sur le passé de la ville mais qu'elle n'était aucunement impliquée dans les décisions d'aménagements37. La volonté ou non de s'engager dans cette démarche n'est pas ici la raison retenue, en fait il s'avère que cette démarche ne fait absolument pas sens pour cette association. Les différents témoignages récoltés sur bâtiments concernant leurs richesses sociales et leur intérêt en termes de traces de vie n'a pas vocation à perdurer dans l'espace urbain de demain par l'intermédiaire de conservations ou de réhabilitations. Le récit de vie est une donnée à conserver dans des cartons, à ressortir lors de petites expositions pour faire ressortir les données cumulées avec le temps mais pas à réutiliser lors d'un projet urbain. Le matériel patrimonial à exploiter dans les projets d'aménagement apparaît être l'exclusivité des professionnels de l'urbanisme.

Le terme patrimoine en plus de lier les témoignages entre le bâtiment et son aspect social, renvoi également à la question de l'intime. Il m'a été donné quelques fois lors de

37 Extrait entretien : « Ce n'est pas à nous de dire ce qu'il faut faire ou pas on est là juste pour raconter l'histoire et se rappeler des bâtiments qui étaient là avant »

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conversations bien engagées avec des habitants de découvrir quelques morceaux de leur vie. Les souvenirs évoqués, la manière de raconter, les différentes émotions qui émergent de leurs récits interpellent. Raconter sa ville, son quartier et ses bâtis c'est aussi se raconter, c'est donc une entrée dans l'intime. Parler patrimoine n'est pas toujours un acte anodin qui nécessite la création d'une relation de confiance.

2. Qu'est-ce que le patrimoine ?

Ces quelques cas de figure ont permis d'interroger le principe même de patrimoine. D'après les cas que j'ai rencontré le patrimoine reste quelque chose d'assez vague, tantôt utilisé pour parler des spécificités architecturales, tantôt pour appréhender une richesse sociale, et parfois employé pour justifier une conservation de bâti. Le patrimoine revêt de toute évidence des aspects pluriels mais pour plus de précision revenons à présent sur sa définition.

Trouver une définition simple du mot patrimoine n'est pas chose aisée. Si on s'en tient à celle fournit par le dictionnaire Larousse on apprend que le patrimoine c'est « ce qui est considéré comme l'héritage commun d'un groupe » cette première définition permet une première approche en la matière mais manque encore de précisions. Pour mieux comprendre le terme de patrimoine il est en fait nécessaire de se replonger dans l'histoire de ce mot.

Le mot patrimoine fait une entrée remarquée dès le 18ème siècle dans l'histoire des nations. Les autorités locales souvent par soucis patriotique commence à créer des inventaires patrimoniaux censés représenter les spécificités de leur pays. Les singularités paysagères sont ainsi mises en avant, et les sites bâtis témoignages d'une puissance révolue commence à constituer les premiers éléments patrimoniaux.

C'est au début des années 80 que le mot patrimoine a commencé à se détacher progressivement du monde de l'Histoire. Il s'élargit et semble avoir vocation à désigner l'ensemble des formes culturelles produite par les sociétés, au fur et à mesure de leur déconnexion de la sphère productive (Veschambre). Il apparaît clairement que le « patrimoine n'existe pas a priori » (Leniaud) et que cette reconnaissance est initiée et portée par certains groupes sociaux, qui expriment des normes, des intérêts, développent des stratégies, voire provoquent des conflits (Gravari-Barbas, Veschambre). Les objets du patrimoine sont le reflet d'une parfaite construction sociale, ils sont immatériels comme matériel, de supports variés et

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ils constituent « ce qui est censé mériter d'être transmis du passé, pour trouver une valeur dans les présent » (Jacques Lévy et Michel Lussault)38

Bien que, le patrimoine semble pouvoir être l'apanage de tous la réalité est quelque peu différente. L'article L 110 du code de l'urbanisme affirme que Le territoire français est le patrimoine commun de la Nation intégrant ainsi dans le droit la notion élargie de patrimoine. Malgré, cet article de loi seuls quelques autorités sont légitimes à statuer de manière durables sur le caractère patrimonial d'un objet. Statuer sur ce qui fait patrimoine s'inscrit presque toujours dans une approche top down. Les quelques exemples bottom up sont toujours le fruit d'une situation conflictuelle autour d'enjeux identitaires. Ce rappel sur les singularités du terme patrimoine rappelle qu'il reste encore un outil largement dominé par les institutions classiques et que toute personne non impliquée dans une de ces institutions ne peut que difficilement imposer ses idées sur ce qui doit faire patrimoine ou non.

II- Interroger les habitants sur leur patrimoine

Parmi les orientations préconisées pour le renouveau du quartier, un point est largement accordé à la conservation d'éléments du paysage urbain. L'équipe d'architectes et d'aménageurs se sont largement penchés sur la question et ont cherchés à déterminer des bâtiments remarquables qu'ils ont appelés des pépites. En partant de ce constat je me suis alors demandée si la préoccupation pour la conservation d'un patrimoine industriel faisait également partie des préoccupations des habitants. Existe-t-il pour les riverains un quelconque enjeu patrimonial autour du renouveau du quartier ?

1. Observations pendant les réunions de concertation

En cherchant à comprendre comment le patrimoine pouvait être perçu par les habitants j'ai tout d'abord porté mon attention sur les propos qui avaient pu être tenus lors des différentes réunions de la concertation. Cette invitation à la concertation destinée à l'ensemble des riverains du quartier a été mon premier terrain d'investigation. En effet, en y ayant assisté d'abord par curiosité pour essayer de cadrer un peu plus mon sujet ces réunions ont constitué le point de départ de mes questionnements sur le patrimoine des habitants.

38 Lévy, J, et Lussault, M. (2013) Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés.

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Parmi les réunions mises en place l'une d'entre elle prenait la forme d'une ballade urbaine. Les habitants étaient alors invités à suivre les membres du conseil de quartier à travers la partie Nord du quartier afin de prendre connaissances des transformations à venir mais aussi afin d'exprimer leur point de vue. Pour l'occasion l'agence de communication EL spécialisé dans les projets de concertation citoyenne accompagnait les habitants afin de retranscrire leurs paroles et de proposer une synthèse finale.

Le parcours de cette visite en ville était centré sur une partie intéressante du quartier où toutes les composantes du tissu industriel s'y trouvaient : du logement ouvrier, aux usines en activité, aux friches industrielles, jusqu'aux rares commerces survivants. Lors de cette ballade je n'avais alors pas encore commencé mon stage au Rize, et n'en était qu'au prémisses de ma réflexion, je n'avais donc pas particulièrement préparée mon intervention, je cherchais surtout à observer qui étaient les personnes présentes et les réactions des habitants en fonction des thématiques abordées. Cette visite du quartier été donc l'occasion d'observer comment le quartier était perçu et ressenti à l'aube de ses futures transformations. Avec un peu de recul j'ai réexaminé cette excursion urbaine et cherché à mettre en évidence le traitement de la question du patrimoine. C'est en allant au contact des « pépites » et de tous les éléments bâtis du quartier que les participants étaient invités à s'exprimer. Cette action en elle-même est particulièrement intéressante puisqu'elle permet à tout un chacun de faire émerger les souvenirs et les commentaires très facilement, c'est une forme d'immersion où tous les sens son éveil. En terme d'éléments constitutifs du patrimoine les habitants ont cherché à retrouver les pépites mentionnées par l'agence ANMA et ont aussi fait quelques propositions.

Qu'en ressort-il finalement ?

Tout d'abord l'apparente identité industrielle du quartier, le « génie du lieu » que constatait l'agence ANMA n'est de toute évidence perçu que par elle seule. Les rappels de l'époque industrielle ont presque été inexistants et lorsqu'ils l'étaient c'était surtout pour pointer du doigt l'aspect délabré des usines. Les friches industrielles totales ou partielles sont perçues négativement. Ces espaces délaissés et non productifs apparaissent comme des vecteurs de mauvaise image du quartier. Les logements représentatifs de cette période industrielle notamment les petits immeubles de 2 à 3 niveaux n'intéressent pas, seules les petites maisons bourgeoises attirent l'oeil et les remarques. Leurs conservations paraient essentielle, la beauté générale de la bâtisse suffit pour les classer au rang de pépites. Les commentaires sur les pépites découvertes par Mr Michelin n'ont pas fait l'objet de remarques particulières, parfois

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quelques incompréhensions émergeaient mais aucune réaction particulière. Les perspectives de démolitions sont très bien accueillies, les réhabilitations proposées piquent la curiosité des riverains plus qu'autre chose et l'intérêt se positionne surtout sur les hauteurs des constructions d'immeubles à venir39.

En définitive la question patrimoniale est complètement délaissée d'une part parce que le quartier n'offre pas de matière à la réflexion (selon les habitants) et d'autre part parce que les habitants ne sont pas du tout sensibles à ce paramètre, où alors quand ils le sont, c'est pour mettre en avant des bâtiments de types riches ou bourgeois. Cette spontanéité apparente de vouloir conserver ce type de bâtis rappelle que « la conservation du passé n'est pas innocente et impartiale, mais bien sélective et essentiellement idéologique » (Bougarel) et on peut y rajouter parfaitement intégrée. En effet spontanément les riverains ont décidé que ce qui devait faire partie des pépites c'était des bâtiments à connotation bourgeoise. Cet exemple rentre parfaitement dans le schéma de « domination idéologique » du traitement du patrimoine dressé par Brian Graham dans Geography of heritage. En empruntant le concept de « domination idéologique » à Pierre Bourdieu il met en évidence que seul le patrimoine de quelques-uns - des plus riches la plupart du temps - s'impose comme point de vue dominant. Pour le quartier Grandclément, les rares traces de la bourgeoisie sont ainsi mises en avant et se positionnent rapidement comme seules traces du passé méritant d'être élevés au grade de patrimoine. Toutefois, ce constat est à prendre avec précaution dans la mesure où il représente la façon de penser d'un type de personnes en particulier, à savoir les habitants du quartier participants à la concertation par l'intermédiaire du conseil de quartier. Il s'agit donc de personnes particulièrement impliquée dans la vie du quartier de manière générale. En partant de ce constat il m'est alors apparu nécessaire d'aller à la rencontre d'autres habitants, ceux qui ne viennent pas donner leurs avis spontanément et qu'on ne retrouve jamais dans ce type de dispositif afin d'avoir une vision plus large de ce qui peut être perçu comme patrimoine du quartier.

2. Les dispositifs mis en place

Ainsi pour aborder cette question j'ai cherché à mettre en place différents dispositifs pour interroger le rapport au patrimoine que pouvait entretenir les habitants avec leur quartier.

39 Extrait doc conseil de quartier

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Toutefois avant de réfléchir aux dispositifs que j'allais mettre en place il m'a d'abord fallu réinterroger le mot habitant. Avec quel type de personnes allais-je m'entretenir ? Pour cela, les paramètres que je pouvais prendre en compte étaient nombreux, l'âge, le sexe, la catégorie socio-professionnelle, l'appartenance religieuse ... L'âge est le seul critère sur lequel je me suis attardée. Ce paramètre me semblait intéressant puisqu'il permettait à travers le recueil de points de vue allant des plus anciens habitants du quartier aux plus jeunes générations de faire le lien avec l'évolution du caractère industriel du quartier. A travers les propos des personnes j'avais l'occasion d'interroger le lien entre l'identité perçue du quartier et les éléments constitutifs de son patrimoine. L'idée principale était surtout d'aller à la rencontre des habitants et de comprendre quelles étaient leur(s) représentation(s) du quartier pour ainsi comprendre ce qui pouvaient faire sens pour eux en terme de patrimoine bâti.

2.1 : Les cartes mentales

Après avoir défini le type d'habitants que je souhaitais interroger il me fallait alors réfléchir à comment aller à leur rencontre. En explorant le quartier, j'ai remarqué qu'il y avait plusieurs zones de rencontres et une fréquence de passage très différentes selon les rues du quartier. En partant de ce constat j'ai alors cherché à me rapprocher des zones des rencontres délaissant dans un premier temps les zones de forts passages.

J'ai ainsi porté mon attention sur le café Le st Romain de la Rue Poizat. Ce café situé dans un lieu à la fois excentré et proche de la place principale du quartier, la place Grandclément était particulièrement intéressant puisqu'ici se réunissent très souvent des habitués vivants dans le quartier ou y travaillant depuis plus ou moins longtemps. Aller dans les lieux que fréquentent les habitants est un moyen pertinent pour déclencher la parole. En effet, le café est le lieu où on a ses repères, où l'on se détend, où on se retrouve où l'on discute de sujet plus ou moins importants donc un lieu propice à la conversation sur ce qui touche au quartier.

Ainsi aider d'une habitante pleinement impliquée dans la vie du quartier Rachel Echinger nous avons mis en place un atelier de représentations urbaines où les riverains étaient conviés à s'exprimer mais surtout à imaginer le quartier selon leurs envies. Nous avions imaginé le dispositif suivant : sur une carte où seuls les tracés des rues étaient indiqués les habitants devaient répondre à la question suivante : Vous êtes en charge du réaménagement du quartier, vous avez carte blanche, comment réaménageriez-vous le quartier ? Pour aider les participants dans cette tâche nous avions mis à disposition des accessoires en mousse censés représenter les bâtiments, les espaces verts, les zones aquatiques... Pour accompagner ces petits

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accessoires nous avions également réalisé des petites étiquettes avec l'ensemble des thématiques qui pouvaient être abordés telles que : l'éducation, la santé, les transports...Le choix a été de ne pas introduire directement la thématique du patrimoine, nous voulions observer si cette notion émergeait d'elle-même.

Dans les faits, suite à l'énoncé du sujet les habitants devaient alors utiliser les accessoires et les stylos à leur disposition afin de compléter la carte à leur guise.

L'intérêt de cette démarche est double, d'une part elle permet d'observer la capacité des habitants à construire la ville, et d'autre part elle permet d'observer l'intérêt des habitants pour les éléments bâtis du quartier et donc d'aborder la question du patrimoine. Nous avions avec la gérante du café convenu d'une date et avions laissé un flyer qui expliquait notre activité et en donnait l'heure et la date. La gérante de son côté à fait de la communication sur notre événement auprès de ses clients afin qu'ils viennent y prendre part.

Cette première tentative inspirée du système de carte mentale ne s'est pas avéré aussi réussie que je l'avais imaginé. En effet, deux personnes se sont déplacées spécialement pour l'activité et les 5 autres personnes présentes étaient présentes purement par hasard puisqu'elles se trouvaient là pour commander une collation. Une fois notre matériel installé nous avons été face à une personne particulièrement remontée par notre présence nous prenant pour responsable de « la mort » du quartier. Cette personne a trouvé à travers cette activité l'occasion d'exprimer son point de vue en ne craignant pas de créer une situation conflictuelle. Cette dernière n'a absolument pas voulu tenir compte des consignes et des informations sur notre statut que nous avions pourtant bien précisées. Il ne s'agissait aucunement d'une conversation encore moins d'un échange c'était l'expression parfaite d'un monologue emplit de frustrations. La véhémence de ses propos a également fait partir les personnes plus discrètes présentes et qui paraissaient très intéressé par notre activité. Face à ce phénomène assez inattendu nous avons dû revoir notre activité et nous adapter rapidement. Nous avons alors choisi de poursuivre cette conversation en posant des questions à l'intéressé dans l'espoir de développer certaines thématiques ce qui ne fut pas chose aisée. Par la suite l'individu s'est calmé et nous a laissé poursuivre avec les 4 participants restants.

La dynamique du début n'y était plus et les réactions attendues sur les cartes mentales n'ont pas progressé il a alors fallu guider les habitants et poser de nombreuses questions pour

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susciter leurs réactions et essayer d'aboutir à des informations concrètes sur la question du renouveau du quartier et de son patrimoine.

Pour faire un point sur les 5 personnes présentes, on pouvait noter la présence de personnes d'un âge compris entre 50 et 60 ans, de 4 hommes et d'une femme, de milieu apparemment ouvrier des informations quant à leur profession ont été mentionnées pendant la discussion.

En résumé, les habitants présents ont eu beaucoup de mal à se saisir de cette question de renouvellement urbain. Créer un projet de toute pièce s'est avéré être une activité particulièrement complexe, lorsque nous les avons questionnés sur les éléments participants à l'identité industrielle du quartier les réponses sont restées très évasives et le patrimoine bâti a été abordé de manière indirecte. En effet, la personne très remontée a été la seule à nous livrer des informations plus exploitables à ce sujet. Pour elle, la question de patrimoine se posait surtout en terme de patrimoine social. Les constructions actuelles d'immeubles en hauteurs avec de nombreux logements les « blockhaus » comme il les appelaient ont eu raison de la vie de quartier d'autrefois. Les contacts et la convivialité qui façonnait le quartier ont disparu à cause de ces constructions dépourvues de toute humanité. Pour lui réfléchir à la question de ce qu'il faut conserver ou non n'avait pas de sens et venait bien trop tard puisque « le mal était déjà fait et que de toute manière c'est pas près de s'arranger ».

Forte de cette première expérience plutôt mitigé nous avons retenté l'expérience cette fois-ci dans les locaux du Rize. Un soir de semaine nous avions proposé le même dispositif, une communication avait été diffusé via la liste de diffusion du Rize et de la pose d'affiches au sein de l'établissement bien en amont. Cette fois-ci deux personnes se sont présentées pensant obtenir de l'information sur la transformation de la place Grandclément. Il me semblait pourtant que ma communication était claire, qu'il n'était aucunement question de transmettre des informations et encore moins sur la place Grandclément pourtant le message est passé autrement. Une fois que j'ai eu réexpliqué le principe de l'atelier les personnes ne voulaient plus vraiment s'investir alors que quelques instants auparavant elles avaient énormément de questions et de propositions... Cet événement nous raconte plusieurs choses. Premièrement que ce genre de dispositif où on invite les habitants à s'exprimer librement et à construire une réflexion commune n'est pas du tout courant, les personnes sont quelque peu déroutées par ce dispositif et ne savent pas vraiment comment se positionner. D'autre part, au moment où j'ai fait la communication de l'évènement à venir en allant à la rencontre d'habitants sur la place

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du marché par exemple ou aux arrêts de bus ils semblaient très intéressés par la démarche en revanche lorsqu'il a fallu se mobiliser et de se déplacer dans un lieu propice à cette réflexion leur implication est largement remise en question.

Un dernier atelier a été mené avec un groupe d'assistantes maternelles dans le relais d'assistantes maternelle40 situé en plein coeur du quartier près de la gare de Villeurbanne. Ce sont 7 femmes de 30 à 45 ans travaillant dans l'ensemble du quartier de rénovation qui se sont tout à fait « prises au jeu » et qui ont fourni nombres d'informations pertinentes. Il ne leur a pas fallu beaucoup d'aide pour comprendre les consignes et s'investir pleinement dans l'activité. De nombreuses thématiques ont été abordé, la sécurité, les aires de jeux, la nature en ville...

Les habitants cette fois-ci très à l'aise s'expriment massivement. Beaucoup d'informations sur les disfonctionnements du quartier émergent, mais aussi sur leurs attentes pour le quartier de demain. Toutefois la question du patrimoine via une approche par la conservation ou la réhabilitation ne sont toujours pas des thématiques qui viennent spontanément. J'ai tout de même introduit cette thématique en

proposant plusieurs photos de bâtiments du quartier, des petites maisons bourgeoises, des

petits immeubles de types ouvrier et leur ai demandé si elles aimeraient les voir dans leur

paysage urbain de demain. Les réponses étaient mitigées mais certaines des participantes

m'ont affirmées qu'il était important de ne pas toutes les démolir puisqu'elles contribuaient à

créer l'ambiance du quartier. Pour la première fois le caractère industriel a été mentionné et

s'est imposé comme vecteur de la création d'une identité propre au quartier.

2.2 l'Arbre à idées

Suite à l'atelier de carte mentale mené dans le café le St Romain, j'ai souhaité compléter cette approche avec la mise en place d'un petit arbre en bois à compléter à l'aide de deux questions. Le concept est proche de l'arbre à souhaits. Des photos de diverses constructions étaient présentées, des friches industrielles, des maisons individuelles, des logements collectifs, des

40 Annexe 16

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aires de repos, soit un ensemble d'éléments visibles dans le quartier. En plus des photos nous avions mis à disposition des petites feuilles blanches destinées à recueillir des informations complémentaires.41 Les questions posées étaient les suivantes :

- Qu'est-ce que ces lieux vous évoquent ?

- Quels sont les bâtiments ou zones du quartier qui

vous interpellent ?

Le choix a été de ne pas mentionner le mot patrimoine

mais de le suggérer. L'idée était de susciter la parole, de

laisser les clients s'exprimer anonymement et quand ils

le souhaitaient. L'idée de base était de laisser les gens prendre des photos et de me les transmettre accompagné de leurs commentaires mais c'était une tâche beaucoup trop compliquée étant donné la difficulté à mobiliser des personnes sur le court terme. Pour en revenir au dispositif de l'arbre à idées cette fois-ci je n'avais pas d'informations quant à l'âge des personnes mais suite aux différentes visites que j'ai pu faire dans le café il s'agit globalement de personnes d'un âge compris entre 40 et 60 ans.

La première question a remporté beaucoup plus de succès que la deuxième, les photos que j'avais proposé ont presque toutes fait l'objet de commentaires plus ou moins sérieux. Les thèmes que j'ai pu dégager sont les suivants : l'aspect délabré du quartier, les maisons bourgeoises liées à l'âme du quartier, des nouvelles constructions dépourvues d'humanité, la mixité culturelle, le manque de valorisation de la nature. La deuxième question en revanche n'a pas du tout était traité. Encore une fois il a fallu guider les habitants pour qu'ils s'expriment sur les particularités de leur quartier et quand bien même la question du patrimoine est suggérée elle n'est pas développée ou de façon minimaliste.

2.3 : Les entretiens

Afin de comprendre quelle était la dynamique de ce quartier industriel s'entretenir avec les personnes ayant vécu à cette période me semblait être une démarche essentielle. En récoltant leur mémoire, leurs souvenirs je pouvais ainsi établir un lien avec les bâtiments encore présents. Lier ces témoignages constitue un élément majeur dans la construction patrimoniale,

41 Annexe 17

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même si certains lieux n'ont pas d'intérêts architecturaux il n'en reste pas moins un intérêt de vie évident symbole d'une richesse sociale. J'ai ainsi eu l'occasion de m'entretenir avec 3 femmes de 85 ans à 99 ans ayant vécu ou vivant encore dans le quartier ce qui m'a permis de retracer l'histoire du quartier depuis 1917. Lorsque j'ai interrogé ces personnes sur les particularités industrielles du quartier ma question restait toujours en suspens. Décrire le quartier industriel n'avait pas de sens, pour ces dames raconter leur quartier ce n'était pas raconter la période industrielle alors que pourtant nombreuses de petites usines ou d'activités artisanales fleurissaient dans le quartier. Une d'entre-elle m'a même dit en ces mots « c'était pas un quartier industriel, non bon bien sûr la clientèle du café c'était quasiment tous des ouvriers mais non ce n'était pas un quartier industriel ». Dans l'entretien avec Mme Agnès Violette j'ai très clairement pu identifier les zones du quartier qui avaient du sens pour elle pendant son enfance : le parc de la pouponnière, les rails du chemin de fer, la rue Paul Krüger emblème par excellence des activités industrielles de l'époque, les cafés. Ce sont ces lieux bien précis qui restent dans la mémoire de cette personne et leur disparition partielle ou complètes semblent lui être difficile. Les bâtiments de manière plus générale ne l'intéressent pas spécialement et ne sont que très peu mentionnés, il en va de même pour les usines ou tout autre atelier.

Une autre personne Mme Roux née dans le quartier en 1917 et y vivant toujours aujourd'hui me racontait avec beaucoup d'aisance les souvenirs qu'elle avait de cette époque révolue. Les souvenirs spécifiques qui ressortent s'articulent essentiellement autour de la vie de quartier. Les chaises que les femmes sortaient sur les trottoirs pour s'asseoir, discuter et tricoter en fin de journée, les cafés où les familles se retrouvaient le dimanche, l'amabilité des habitants, le climat de confiance et de convivialité qui régnait dans le quartier dominent. Lorsque je l'ai interrogé sur la conservation de certaines parties du quartier, pour elle une fois encore cela n'a pas de sens, j'ai essayé de retourner la question dans tous les sens possibles mais rien n'y faisait cette question reste sans réponse. Pour Mme Roux, le seul patrimoine du quartier industriel est un patrimoine social.

Enfin, l'entretien mené avec Mme Excler en partie chez elle42 et en partie en extérieur43 au-delà de me faire découvrir l'historique des commerces du quartier n'a pas permis de faire ressortir la thématique du patrimoine.

42 Annexe 18

43 Annexe 19

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2.4 Explorations urbaine avec une école primaire

Enfin pour interroger les plus jeunes sur les particularités du quartier, j'ai travaillé avec l'école primaire Jules Guesde plus précisément avec la classe de CE2 - CM1 -CM2 de Mme Alexandra Letellier. En travaillant avec les plus jeunes je souhaitais découvrir comment ils se représentaient le quartier, quels étaient les éléments du paysage urbain qui attiraient leur attention et comment à partir de leurs points de vue on pouvait tracer des pistes de réflexion pour repenser le terme patrimoine. Pour se faire j'ai procédé en plusieurs étapes : 2 visites dans le quartier, un temps en classe et un autre temps aux archives de la ville. Les enfants bien que très proches géographiquement du quartier Grandclément ne connaissaient pas forcement tous les recoins du secteur pour cela j'ai procédé à une première exploration du quartier. J'avais alors divisé la classe en groupes de 5 avec pour chaque groupe une partie du quartier délimitée à explorer. Pour cette exploration j'avais constitué un carnet de l'explorateur afin de guider les élèves dans la découverte de leur zone attribuée44 L'idée était de les inciter à observer leur environnement en développant également une approche sensible du territoire. Les enfants étaient invités à examiner les modes de transports, les particularités des bâtiments, l'atmosphère présentes dans les rues. Après ce premier temps une séance a eu lieu en salle informatique où ils avaient pour objectif de répertorier sur une carte tous les éléments marquant qu'ils avaient pu observer. Pour cette tâche ils se sont aidé de l'outil Google maps qui leur permettait de voyager à nouveau dans les rues de leur quartier. L'objectif de cette activité était de pouvoir recenser les éléments marquants et les comparer avec les propos des autres habitants avec lesquels j'avais pu m'entretenir.

Par la suite une deuxième visite dans le quartier a eu lieu cette fois-ci, l'objectif était de photographier le quartier. Les élèves devaient aller dans la zone qui leur était attribuée et photographier pour chaque rue l'élément urbain qui permettait de définir la rue et l'élément qu'ils préféraient. Je voulais ainsi voir si les choses prises en photos étaient en lien avec des vestiges de l'époque industrielle. Est-ce que l'identité industrielle du quartier est-elle perçue, qu'est-ce que les jeunes générations sont capables de saisir d'eux-mêmes de cette période.

44 Annexe 20

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En définitive, les éléments retenus sont très divers selon les groupes, on retrouve toute la diversité du quartier en terme de bâtiments et de végétation. Les espaces de loisirs sont aussi largement retenus. Les nouvelles constructions leurs plaisent aussi énormément mais les bâtiments plus anciens ne les interpellent que par leur vétusté. Les toits en sheds, les terrains vagues, les usines à l'abandon passent apparemment inaperçus et ne sont jamais mentionnés. L'activité industrielle même si elle a laissé des traces n'est plus perceptible, l'atmosphère si chaleureuse du quartier a elle aussi complètement disparue. A travers les écrits, les paroles et les photos des enfants c'est un tout autre quartier qui se dessine. Un quartier sale, bruyant, sans la moindre connotation industrielle.

La dernière séance s'est déroulée aux archives où j'ai pu présenter l'ensemble des documents que j'avais pu trouver sur le quartier. Plans, photos cartes postales, extrait d'entretiens couvrant une période compris entre 1890 et aux environs des 1950 étaient exposés. Les élèves très intéressés par l'histoire du quartier se sont posés de nombreuses questions sur les modes de vie de l'époque, les activités qu'on y trouvaient ... Autant ils n'ont eu aucun mal à constater les différences visibles dans le quartier en comparant les les photos qu'ils avaient prises et les clichés proposés autant élaborer une réflexion sur le devenir de ces bâtiments a été une tâche bien plus difficile. Après les avoir aider à mettre en forme leurs idées ils trouvent tout de même intéressant de garder des bâtiments en guise de témoignage du passé. Ils m'ont également rappelé la nécessité de mettre une explication sur le bâtiment en question « parce que sinon on ne sait pas ce que c'est et on s'en rend même pas compte ».

3. Quels résultats ?

3.1 Le patrimoine une thématique délaissée

Quelque que soit le dispositif mis en place pour interroger le rapport à l'espace des Villeurbannais j'ai la plupart du temps était confronté à l'absence quasi-totale d'une volonté de conservation de bâtiment ou de réhabilitation que ce soit par exemple pour des raisons architecturales ou pour des raisons plus personnelles, la démolition n'est pas non plus mal vécue. Parler de la transformation du quartier c'est surtout quelque chose qui interroge puisqu'elle implique le renouveau et donc l'inconnu. Toutefois s'intéresser à ce qui va disparaître ne fait pas partie des préoccupations des habitants interrogés et ce constat est valable même pour les plus anciens. Ces personnes sont heureuses de pouvoir raconter leur

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quartier leurs souvenirs mais de là à les mobiliser pour reconstruire le quartier c'est bien plus difficile.

Par ailleurs, parler de patrimoine n'apparait absolument pas comme quelque chose de « naturel », comme quelque chose de spontané. Il est toujours nécessaire que ce soit une personne extérieure, une personne préoccupée par ce paramètre pour qu'il puisse faire l'objet d'une discussion. Dans chacune des activités que j'ai proposé la question le patrimoine était suggérée, proposée ou tout à fait annoncé mais elle n'aboutissait pas à des prises de position fermes. La perspective de créer un projet patrimonial avec les habitants est une tâche assez difficile.

3.2 Le patrimoine social valorisé

Le mot patrimoine social me paraissait le plus approprié pour parler des résultats obtenus. Très souvent les interrogés m'ont fait part des moments agréables vécus dans le quartier d'autrefois. La convivialité et l'ambiance agréable de la rue et du quartier en général ressort très fréquemment. En revanche ces mêmes souvenirs sont très rarement rattachés à des éléments bâtis, à des logements, à des usines ou toute autre construction du quartier alors que leur lien est attesté. En effet, l'une des marques de l'industrialisation de la ville réside dans les différentes constructions de cette époque, les lieux de vie et les lieux de travail étaient étroitement liés, on travaillait là où on vivait, les connexions entre les habitants étaient donc facilitées. Même s'il est parfois mentionné le lien entre l'aménagement et la potentielle richesse sociale qu'il peut apporter n'est que rarement mis en évidence et aucunement mis en avant pour la reconstruction du quartier.

Interroger les habitants sur le patrimoine de leur quartier dans le cadre d'un processus de rénovation urbaine est une activité délicate, qui nécessite une approche diversifiée, et un vocabulaire adapté. Le caractère industriel du quartier Grandclément n'est plus, à la fois dans les activités économiques du secteur ni dans les représentations de ses habitants. Réinvestir, réutiliser ce caractère industriel apparait ici non pas comme un non-sens mais disons comme une nouveauté. Les habitants ne se sentent globalement pas intéressés spontanément par ce paramètre-là, il faut une fois encore que cette question soit soulevée par des « experts » du patrimoine du moins pour ce quartier-là et avec cet échantillon de personnes.

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Finalement, le projet de rénovation urbaine à l'oeuvre dans le quartier « GrandClément gare » aura été l'occasion de saisir les multiples enjeux que peut revêtir une telle opération. Construire ou reconstruire sur une ville avec un passé marqué, dans le cas présent un passé industriel implique une nécessaire réflexion autour de son héritage. Les experts en aménagement du territoire en charge d'un tel projet ont alors plusieurs possibilités pour traiter la question. Leur action n'est pas neutre et impacte durablement ce que nous pourrions qualifier comme l'identité du territoire. Selon les personnes en charge du projet les orientations peuvent varier considérablement, pour le quartier GrandClément c'est une agence d'urbanistes et d'architectes préoccupée par la spécificité du quartier qui s'est chargée de questionner son renouveau. Un véritable travail de recherche sur les spécificités de ce quartier a été mené par l'équipe et le patrimoine industriel est alors apparu sous ses formes matérielles et architecturales. Les orientations qu'ils vont tracer vont s'avérer être les seules décisives dans la restructuration du quartier. Cependant, aujourd'hui on s'interroge sur la légitimité de ces acteurs pour réaliser les différentes étapes des opérations d'urbanisme. La place des habitants est de plus en plus mise en avant et la concertation habitante mise en place pour ce projet en est la preuve. La concertation avec les habitants reste néanmoins superficielle et ne trouve pour l'instant pas de véritables finalité. Elle intervient trop tard et ne s'adresse pas encore dans les faits à l'ensemble des riverains. La concertation offre malgré tout un bon terrain d'enquête pour observer comment les habitants se saisissent de certaines thématiques du projet urbain, dans le cas présent c'est la question du patrimoine industriel qui a été soulevé.

Il apparait en définitive que cette thématique ne fait pas sens pour les habitants, certes une fois qu'elle est mentionnée mise en forme et définit par des experts en la matière le sujet apparait beaucoup plus simple mais élaborer une réflexion poussée sur le patrimoine du quartier et plus précisément sur son patrimoine industriel s'avère être une tâche bien plus complexe. Les riverains ont beaucoup de mal à faire le lien entre le patrimoine social fruit des interactions entre les individus et le patrimoine bâti. Finalement, la mémoire ouvrière ne passe pas nécessairement par le biais de traces ou par leur réinvestissement. Malgré les démolitions et les friches industrielles la mémoire individuelle reste prégnante et peut être réactivée par de simples conversations informelles voire même par la consultation de photos (Veschambre). Toutefois, ce constat n'est valable que pour les derniers survivants

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de cette époque industrielle qu'en sera-t-il une fois qu'ils ne seront plus là ? On pose ici la question de la transmission de cet héritage.

Les aménageurs apparaissent dans ce cas de figure comme les seuls en mesure d'interroger l'héritage d'un quartier et à pouvoir véritablement impacter leur devenir dans les projets de renouvellements urbains. Tant que le site ne fait pas l'objet de revendications particulières, il peut voir son identité complètement remodelée. Ce constat interpelle, la question de l'héritage d'un quartier n'est vraiment discuté qu'en cas de situations conflictuelle, comment la potentielle disparition des sites industriels doit-elle abordée ? Mais plus largement, les institutions et professionnels de la mémoire doivent-ils transmettre leurs connaissances aux habitants ? Si c'était le cas quels seraient les apports de cette démarche et quelles seraient ses conséquences sur les propositions d'aménagement du territoire ?

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Annexes

Tous les clichés ont été réalisés par Camille Jean-Baptiste et/ou Steeve Saxemard à Villeurbanne entre mars 2016 et juin 2016.

Annexe 1 : 1697 : Lyon et ses abords peints par Henri Verdier archives municipales, Ouvrage Alain Belmont

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Annexe 2 : Recensement de la population Villeurbannaise de 1881 à 1936, archive de la ville

Annexe 3 : Plan de Villeurbanne en 1843, archives de la ville

70

Annexe 4 : Plan de Villeurbanne en 1902 et 1910, archives de la ville

71

Annexe 5 : Plan de Villeurbanne en 1702, archives municipales

Annexe 6 : Plan cadastral 1931-1934, archives de la ville

Annexe 7: La carte industrielle de

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Annexe 8 : Extrait de recensement de 1891, archives de la ville

Annexe 9 : Plan de l'immeuble 34 rue Poizat, Casier sanitaire, archives de la ville

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Annexe 10 : photo de l'immeuble rue Poizat, Villeurbanne

Annexe 11 : Superficie des espaces en friches

Annexe 12 : Superficie du Parc Marx Dormoy

Annexe 13 : Extrait inventaire des sites répertoriés (Michelin)

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Annexe 14 : Structure Eiffel rue Poizat, Villeurbanne

Annexe 15 : Photos des concertations, Villeurbanne

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Annexe 16 : Carte mentale avec les assistantes maternelles

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Annexe 18 : Photos d'entretien avec Mme Excler

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Annexe 17: Arbre à idées

80

Annexe 19 : Photos d'entretien avec Mme Excler

Annexe 20 : Extrait du guide de l'explorateur

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82

Bibliographie

Histoire de la ville de Villeurbanne

Ouvrages

BELMONT, A. (2015). Villeurbanne : 2000 ans d'esprit d'indépendance. Glénat. Grenoble. BONNEVILLE, M. (1981). Croissance urbaine et changement social, 2 : Le cas de Villeurbanne dans l'agglomération Lyonnaise. Université Lyon II. Lyon.

BONNEVILLE, M. (1978). Naissance et métamorphose d'une banlieue ouvrière : Villeurbanne processus et formes d'urbanisation. P.U.L. Lyon.

BONNEVILLE, M. (1975). Désindustrialisation et rénovation immobilière dans l'agglomération Lyonnaise : le cas de Villeurbanne. L'Hermès. Lyon

MEURET, B. (1982). Le socialisme municipal de Villeurbanne 1880 - 1982. P.U.L. Lyon.

Témoignages

Archives municipales de Villeurbanne. Le Rize. (date inconnue). Quand les VILLEURBANNAIS racontent leur ville : recueil de SOUVENIRS de VILLEURBANNE EXTRAITS de la mémoire VIVANTE. Le rize. Villeurbanne.

Non classé, Souvenirs souvenirs, Mme Agnès Violette, le 15 Mai 2016

Casiers sanitaires

Casier sanitaire 5J311, archives Villeurbanne

Entretiens

Mme ROUX, Réalisée par Camille Jean-Baptiste, le 25 mai 2016 à Villeurbanne

Mme Agnès Violette, réalisée par Camille Jean-Baptiste par téléphone 24 mai 2016 à

Villeurbanne

Mme Simone Excler, réalisée par Camille Jean-Baptiste, le 1er mars 2016 à Villeurbanne

Cartes postales et photographies

Archives numérisées [en ligne]. Le Rize. Date de publication inconnue [consulté le 10/12/2015]. Disponible sur http://lerizeplus.villeurbanne.fr

Photos données par Mme Violette Agnès

83

Cartes et plans

6 Fi 1 : Plan de 1702

6 Fi 5 : Plan de 1843

F Fi13 : Plan de 1902

6 Fi 14 Nouveaux plans topographiques de la commune de Villeurbanne, Monin, 1910

Carte municipale de 2016

Les orientations en matière d'aménagement à Villeurbanne

Sitographie

Comprendre le plan local d'urbanisme et de l'habitat de Villeurbanne [en ligne]. Ville de Villeurbanne, date de publication inconnue [consulté le 30/10/2015]. Disponible sur http://www.villeurbanne.fr/2013-02-05-plu_h_Villeurbanne.pdf

Le Plan Local d'Urbanisme de la communauté urbaine du grand Lyon [en ligne]. Métropole de Lyon, Mis à jour le 2 juillet 2015 [consulté le 30/10/2015]. Disponible sur http://plu.grandlyon.com/

:

Plan local d'urbanisme, modification N°11 année 2015 [en ligne]. Agence d'urbanisme pour le développement de l'agglomération lyonnaise, date de publication inconnue

[consulté le 10/11/2015] . Disponible sur

http://plu.grandlyon.com/data/communes/VILLEURBANNE/pdf/VILLEURBANNE-CAH_COMM.pdf

Programmation pluriannuelle des investissements (PPI) 2015-2020 [en ligne]. Conseil de la métropole de Lyon, date de publication 6 juillet 2015 [consulté le 27/01/16]. Disponible sur http://www.grandlyon.com/delibs/pdf/Conseil/2015/07/06/ANNEXE/2015-0475.pdf

Géographie urbaine et aménagement

Ouvrages

ANTONI, JP. (2009). Lexique de la ville. Ellipses. Paris

84

ARNAUD, JL. (2008). Analyse spatiale, cartographie et histoire urbaine. Parenthèses.

Marseille/MMSH.

BEAUJEU-GARNIER, J. (1997). Géographie urbaine. A. Colin. Paris.

BURGEL, G et GRONDEAU, A. (2015). Géographie urbaine. Hachette. Paris.

DE CONINCK, F et DEROUBAIX JF. (2012). Transformations des horizons urbains :

savoirs, imaginaires, usages et conflits. Darantière. Paris.

VILMIN, T. (2015). L'aménagement urbain : acteurs et système. Parenthèses. Marseille

L'implication des habitants dans les projets urbains

Ouvrages

CASTELLS, M. (1972) Luttes urbaines et pouvoir politique. Maspero. Paris.

Articles

ARNOULD, P et LE LAY, Y-F., « La ville et ses doubles », Questions de communication 1/2014 (n° 25) , p. 103-124

ARNSTEIN, R. «The Ladder of Citizen Participation », Journal of the American Planning Association, Vol. 35, No. 4, July 1969, pp. 216-224

BACQUE, MH. Et GAUTHIER, M. « Participation, urbanisme et études urbaines. Quatre décennies de débats et d'expériences depuis « A ladder of citizen participation » de S. R. Arnstein», Participations 1/2011 (N° 1) , p. 36-66

BERKE, P.-R., « Does sustainaibale development offer a new direction for planning ? Challenges for the twenty-first century », Journal of Planning Literature, 17 (1), 2002, p. 2136

GARIEPY M., et GAUTHUER, M. « Le débat public en urbanisme à Montréal. Un instrument de développement urbain durable ? », Canadian Journal of Urban Research, 18 (I), 2009, p. 48-73

JOUVE, B. (2005) La démocratie en métropole. Gouvernance, participation et démocratie », Revue française de science politique, 55 (2), 2005, P 336

Amélie Nicolas and Thomas Zanetti, « Usages de la mémoire dans les projets de renouvellement urbain. Le cas des espaces hérités de l'industrie française »,Articulo - Journal of Urban Research [En ligne], Special issue 5 | 2014,

Entretiens

Mr Patrick Pellerin, réalisé par Camille JEAN-BAPTISTE, le

85

Renouvellement urbain

Ouvrages :

DONZELOT, J. (dir), (2012). A quoi sert la rénovation urbaine ? P.U.F. Paris

EPSTEIN, R. (2013). La rénovation urbaine : démolition-reconstruction de l'État. Presses de

Sciences Po. Paris.

Luxembourg, C. (2014). Métamorphoses des villes industrielles : vivre la ville

désindustrialisée. L'Harmattan. Paris.

Articles :

BOURBONNAIS, A. (2014) « A la recherche d'un équilibre entre le neuf et la réhabilitation ». La revue urbanisme, HS no 48, p 68.

GAUTHIEZ, B. (2015) « La rénovation urbaine au centre de Lyon au XIXe siècle, une histoire en trois phases ». Peurs dans la ville., p13. Comby, J(dir.). Romanet-Da Fonseca, E (collab.) .P.U.R. Rennes.

Formes urbaines

Ouvrages :

ALLAIN, R. (2004). Morphologie urbaine, géographie, aménagement et architecture de la ville. Armand-Collin. Paris.

BUTLER, R. et NOISETTE, P. (1977). De la cité ouvrière au grand ensemble, la politique capitaliste de logement social 1815-1975. Maspero. Paris.

DIRECTION REGIONALE DES AFFAIRES CULTURELLES DE RHONE-ALPLES. (2004). Agir sur la ville : habitants et transformations urbaines en Rhône-Alpes. Des Deux-Ponts. Eybens.

GAUTHIEZ, B. (2003). Espace urbain, vocabulaire et morphologie. Monum/editions du patrimoine. Paris.

PANERAI, P. (1997). Formes urbaines de l'îlot à la barre. Parenthèses. Marseille.

Revues :

« Modèles urbains » (mars-avril 2012). Revue urbanisme, no 383

86

Période industrielle

Ouvrages

COLLET, A. (2015). Rester bourgeois : les quartiers populaires, nouveaux chantiers de la

distinction. La découverte. Paris.

COUPAUD, C. (2006). Villeurbanne : promenade en ville. A,Sutton. Saint-Cyr-sur-Loire.

LEQUIN, Y. (1977). Les ouvriers de la région lyonnaise (1848-1914).P.U.L .Lyon.

VERRET, M. (1995). L'espace ouvrier. L'Harmattan. Paris.

Sitographie

Les ouvriers à Villeurbanne, de 1850 à nos jours. [en ligne]. DURET Manon. Date de publication inconnue. [consulté le 27/01/2016]. Disponible sur http://lerizeplus.villeurbanne.fr/article.php larub=12&titre=archives-numerisees

Articles

RAGGI, P., « Industrialisation, désindustrialisation, ré-industrialisation en Europe. Le cas de la sidérurgie lorraine (1966-2006)», Rives méditerranéennes 3/2013 (n°46),p. 11-28

Le patrimoine

Ouvrages :

LENIAUD, JM. (1992), L'utopie française, essai sur le patrimoine. Mengès. Paris.

LEVY, J, et LUSSAULT, M. (2013) Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés.

Belin. Paris.

VESCHAMBRE, V. (2008) Traces et mémoires urbaines, enjeux sociaux de la

patrimonialisation et de la démolition. Presses Universitaire de Rennes. Rennes.

Films

CABRERA, Dominique. Rêves de ville, 1993 LUIS GUERION, José. En construccion, 2008.

Articles

HERTZOG, A. « Les géographes et le patrimoine », EchoGéo [En ligne], 18 | 2011, mis en ligne le 05 décembre 2011, consulté le 26 juin 2016.

LE COUEDIC, D. (2014) « Le tourment des villes reconstruites ». La revue urbanisme, HS no 48, p 68.

VAESKEN, P. (2014) « Défense et illustration d'un patrimoine du XXe siècle ». La revue urbanisme, HS no 48, p 68.BETTE, A. (2014) « Un héritage identitaire en centre-ville ». La revue urbanisme, HS no 48, p 68.

Revues

« Le patrimoine industriel, entre mémoire des lieux et marketing de la mémoire» (Février 2014). L'homme et la société, no 192

Le projet GrandClément Gare

Présentations du cabinet Michelin

Inventaire patrimoine.pdf

Présentation inventaire des sites répertoriés : Pres ANMA COPIL Gcl avec annexe.pdf

Présentation plan guide : Ppcopil 16 03 15.pdf

Articles

« Grandclément et la grande concertation » p 3 Viva magazine décembre-janvier 2016 « Grandclément gare : un nouveau quartier à vivre » p 10 Maxi viva, Février 2016

« Grandclément : le conseil de quartier invite les habitants » p 3 Viva magazine octobre 2015 « Grandclément le projet urbain dans ses grandes lignes » p 5. Viva le magazine de Villeurbanne, Septembre 2015.

Entretiens

Mr Nicolas Michelin, réalisé par Camille Jean-Baptiste le 15 avril 2016

Mme Alice Comte Jansen, par téléphone, réalisé par Camille Jean-Baptiste le 6 juin 2016

Sitographie :

Extrait du registre des délibérations du conseil, conseil du 2 novembre 2015 [en ligne], publié

le 4 novembre. [consulté le 27/05/2016]. Disponible sur
http://www.grandlyon.com/delibs/pdf/Conseil/2015/11/02/DELIBERATION/2015-0665.pdf

Méthodologie

87

BARBILLON, E. et LE ROY, J. (2012). Petit manuel méthodologique de l'entretien de

88

recherche : de la problématique à l'analyse. Enrick B Edition. Paris.

BEAUS, S ; et WEBER, F. (2003). Guide de l'enquête de terrain. La découverte. Paris. BLANCHET, A. (1991). Dire et faire dire : l'entretien. A, Collin. Paris.

BLANCHET, A. (2013). Les techniques d'enquête en sciences sociales. Psycho sup, Dunod. Paris.

SAUVAYRE, R. (2013). Les méthodes de l'entretien en sciences sociales. Psycho sup, Dunod. Paris






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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard