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Glenn Gould et Jean-Sébastien Bach


par Sami LAB
CRR de Rouen - DEM 2019
  

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Glenn Gould et Jean-Sébastien Bach

Introduction

Ce mémoire portera sur le lien entre la musique de Jean-Sébastien Bach et le jeu du pianiste canadien Glenn Gould. Considéré par beaucoup comme le plus grand pianiste du XXe siècle, Gould a pourtant fortement divisé les critiques. Sa conception nouvelle de la musique et son attitude peu conventionnelle vont souvent déplaire aux conservateurs mais feront la plus grande joie des modernistes.

La relation entre Glenn Gould et Bach nous mène au coeur du paradoxe défini par Antoine Hennion : « le XXe siècle a fait de la musique l'objet d'une écoute et a inventé l'auditeur. Comment concevoir des termes plus éloignés du régime sous lequel Bach a produit sa musique, que ces deux exigences croisées qui fondent notre rapport à la musique : authenticité, pour les musiciens du passé; nouveauté radicale, pour ceux du présent ? »

1

Le présent travail reposera sur trois axes principaux :

Nous commencerons par la technique pianistique de Gould et notamment l'impact qu'elle peut avoir sur l'interprétation de Bach.

Dans une deuxième partie, nous étudierons un pilier majeur qui est devenu le symbole du lien entre Gould et Bach : Les variations Goldberg.

Enfin, dans une troisième et dernière partie nous étudierons l'interprétation de Gould du Clavier bien tempéré en terminant par sa façon de percevoir la fugue chez Bach.

Pour chacune des parties, j'apporterai ma contribution à l'analyse de ces questions.

1 Antoine Hennion, Liturgie du présent et culte du passé : changements de régimes musicaux, le cas de Bach en

France, Séminaire du CDMC, mardi 25 novembre 2003 (Cycle La musique au XXe siècle : l'hypothèse de la continuité, sous la direction de Martin Kaltenecker).

http://www.cdmc.asso.fr/fr/actualites/saison-cdmc/musique-xxe-siecle-hypothese-continuite-liturgie-present-culte-passe

I. La technique pianistique de Glenn Gould

« Il existe des artistes qui croient que l'originalité est fonction de
la brutalité avec laquelle ils brisent les règles. Je ne pense pas
que cela soit vrai, mais bien plutôt que l'originalité est fonction
de la subtilité avec laquelle vous adhérez à des prémices
légèrement différentes de celle qu'on attend de vous. »

Glenn Gould

Arrière-plan biographique

Glenn Herbert Gould naît le 25 septembre 1932 à Toronto au Canada et décède le 4 octobre 1982 dans la même ville. Il est pianiste, compositeur, écrivain, homme de radio et réalisateur. Il est connu particulièrement pour son interprétation pianistique des oeuvres de Bach et essentiellement pour les deux enregistrements des Variations Goldberg en 1955 et 1981. Célèbre pour son style analytique et chantant, Glenn Gould abandonne rapidement sa carrière de concertiste. À partir de 1964, il ne se produira plus jamais en public et se consacrera entièrement aux enregistrements en studio et à la production d'émissions de radio. Aujourd'hui nous disposons d'une cinquantaine d'heures d'enregistrement effectuée par Glenn Gould.

Gould baigne dans une famille de musiciens et, très jeune, il montre des prédispositions pour le piano qu'il apprend avec sa mère jusqu'à l'âge de dix ans. Il intègre par la suite le Conservatoire royal de musique de Toronto afin d'étudier le piano auprès d'Alberto Guerrero, l'orgue auprès de Frederick Silvester et la théorie musicale auprès de Léo Smith.

Il est organiste d'église à onze ans et effectuera son premier concert professionnel à l'âge de treize ans. Son engouement pour l'orgue (instrument principalement polyphonique) montre dès à présent une certaine fascination envers le contrepoint.

Gould décède le 4 octobre 1982 d'un accident vasculaire cérébral probablement lié à sa prise excessive de médicaments.

2 Les propos et citations que je vais réunir dans cette partie sont principalement tirés d'une interview de Glenn

Gould réalisée par Hans Heinz Stückenschmidt pour Keyboard Magazine en août 1980.

Technique et musicalité2

Comme dit précédemment, Glenn Gould se distingue des autres pianistes par son jeu pianistique (posture et technique) mais également par sa manière de penser et d'aborder la musique. Gould est aussi connu à travers son comportement très atypique : comportement social, habitudes spécifiques, sans oublier son célèbre chantonnement présent lorsqu'il se mettait à jouer du piano.

Il souhaitait un jeu tellement personnel et façonné à son idée qu'il a effectué avec l'aide de Franz Mohr diverses modifications sur son piano fétiche : un Steinway modèle CD 318 qu'il utilisait pour la plupart de ses enregistrements et qu'il faisait même livrer sur les lieux de ses concerts. Nous en donnerons le détail plus loin.

Commençons par sa position au piano : Glenn Gould adoptait souvent une posture peu conventionnelle. Il se penchait très en avant, le visage presque au niveau des touches. Il lui arrivait de jouer de côté avec les jambes croisées ; dans ce cas, inutile de penser à l'utilisation de la pédale ! Enfin, l'élément essentiel de la posture du pianiste reste sa « mythique » chaise pliante dont il ne se séparait jamais et dont il avait scié les pieds (celle-ci se trouvant alors bien plus basse qu'une banquette de piano classique).

« Je n'ai jamais joué la même chose trois fois de la même manière »

Malgré son éducation musicale classique, Glenn Gould se refusait à noter ses doigtés et donc à apprendre un geste préalablement défini au piano. Il considérait qu'une partition devait rester vierge de tout doigté pour favoriser la spontanéité et la personnalité de l'interprète. On retrouve cette mentalité de spontanéité à l'époque baroque, durant laquelle l'improvisation était l'un des maîtres mots de la musique.

Gould pouvait changer de doigtés d'un piano à un autre en fonction de la mécanique de

celui-ci. Une anecdote de 1979 illustre ce propos : insatisfait de la mécanique de son piano qui nécessitait une révision, Gould changea de piano le temps d'un enregistrement. Le touché de cet autre piano fut si différent pour lui qu'il ne put faire autrement que d'adopter d'autres doigtés afin d'être dans le jeu, l'interprétation et la musicalité souhaités.

Les deux dernières remarques énoncées précédemment créent un paradoxe. En effet, on constate par ses propos que Glenn Gould est un perfectionniste mais cela ne l'empêche pas de jouer de manière très intuitive.

Le pianiste ne croyait pas à tout le travail technique des gammes, tierces, sixtes, etc. Il considérait que tout cela était parfaitement inutile à la musique et que la sur-organisation s'avérait souvent dangereuse. Glenn Gould avait dit une fois au cours d'une interview : « je pourrais enseigner à n'importe quel étudiant réceptif tout ce qu'il y a à savoir du piano en une demi-heure ».

« Je me fixe donc pour règle première de résister aux tentations qu'offre le piano, à ce qu'on pourrait appeler ses ressources naturelles »

Le jeu de Glenn Gould se distingue par différents traits que nous pouvons en partie énumérer tout en expliquant leur intérêt musical. Je vais également essayer de montrer pourquoi ce jeu pianistique se prête particulièrement à la musique de Jean-Sébastien Bach.

Quand Glenn Gould rencontrait un accord, il lui arrivait très souvent de l'arpéger, c'est à dire qu'il jouait les notes de l'accord une à une de haut en bas ou de bas en haut au lieu de les jouer toutes simultanément. Dans une interview accordée à Bruno Monsaingeon, Gould s'était exprimé à ce sujet en expliquant que cela lui permettait de donner à chaque note la place qu'elle était censée occuper. Il donnait alors un poids bien précis à chaque note de l'accord. Celui-ci, au lieu d'exprimer une certaine droiture (comme cela peut être la fonction de nombreux accords) peut laisser une sensation d'envolée quand il s'agit d'un arpège ascendant, et permet de mieux poser un accord quand l'arpège est descendant. On peut d'ailleurs supposer que la couleur harmonique en est d'autant plus valorisée sur un clavecin en jouant sur une simultanéité légèrement décalée. Même si les accords sont écrits de façon strictement verticale, Bach a pu les jouer également de cette manière. Glenn Gould nous offre là une autre hypothèse du jeu contrapuntique.

Dans sa quête de perfection, Gould a effectué avec l'aide de Franz Mohr (chef d'atelier chez Steinway) grand nombre de modifications à ses pianos dans le but d'obtenir une mécanique plus légère. Pour cela, il tendait ses cordes à l'extrême de façon à obtenir une clarté du son qui puisse ensuite se prêter naturellement au contrepoint en faisant ressortir chaque voix à son avantage. Il a rapproché la mécanique des cordes, pour obtenir une attaque encore plus immédiate qui, de ce fait, lui appartient en propre. On pourrait dire qu'il utilise les qualités du clavecin dans ce jeu sec sans résonance et y gomme les défauts de l'instrument dans le travail des arpèges.

Tous les détails exposés jusqu'à présent - bien qu'ils soient au service des intentions musicales de Gould - ne sont que purement techniques et physiques. Nous allons voir maintenant la manière d'aborder la musique selon Glenn Gould.

Glenn Gould le dit lui-même, la première chose qu'il pense, c'est d'oublier qu'il joue du piano. Pour illustrer cet exemple, en enregistrant les Sonates pour piano de Beethoven, Gould s'était fixé pour but de retranscrire à travers le piano l'effet d'un quatuor à cordes. Le pianiste pense ses phrases de façon horizontale et non verticale ; manière de penser « presque contraire aux spécificités de bases que l'on admet au piano ». Pour donner cette sensation d'horizontalité, Glenn Gould va limiter différentes possibilités du piano et notamment la pédale (sans la proscrire complètement). Il va ainsi essayer de rapprocher son phrasé de celui d'un violon ou d'un violoncelle.

À propos du caractère purement musical, on observe chez Gould une grande dynamique et vivacité du jeu ; éléments essentiels pour la musique de Bach, laquelle ne peut s'interpréter sans une dynamique de jeu et d'esprit omniprésente.

L'articulation de Gould au piano est un élément technique utilisé dans la musique de Bach à retenir absolument. Son jeu est étonnamment dépourvu de legato ce qui paradoxalement donne beaucoup plus de profondeur dans les thèmes. Selon Gould, ce jeu staccato permet à chaque note d'occuper et de conserver sa place propre. Ainsi, les notes sont plus espacées entre elles et cela facilite la compréhension du texte. En matière de contrepoint, le staccato permet, dans les doigts de Gould, d'obtenir une clarté totale dans la distinction des différentes voix.

Du point de vue de la temporalité des oeuvres, Glenn Gould va limiter l'utilisation du rubato. Le pianiste partage une vision particulière de cet outil : il considère que plus l'harmonie s'éloigne de la tonalité d'origine (par rapport au cycle des quintes/quartes) plus le jeu pianistique peut se prêter au rubato. Si l'on cherche dans les interprétations de Bach par Gould les pièces dans lesquelles le rubato est le plus présent, on peut tout de suite relever les toccatas pour clavier; plus précisément les ouvertures de ces dernières. Je pense particulièrement à l'introduction de la Toccata en Ut mineur (BWV 911), où l'interprétation du pianiste canadien engage à mon sens un déséquilibre rythmique bien plus fort que dans beaucoup d'autres interprétations de cette oeuvre précise. Même si la tonalité est déjà clairement annoncée, l'harmonie fondamentale de la tonalité ne s'est pas vraiment installée, ce qui laisse au pianiste une liberté dans l'utilisation du tempo.

A l'époque baroque, Jean-Sébastien Bach avait deux instruments à clavier possibles : l'orgue, puissant et à la palette polyphonique très vaste et le clavecin, plus intime dans son registre. Le piano permet d'utiliser le double registre « puissant » et « instrument de chambre ». Nul doute que Bach aurait aimé travailler sur un instrument qui opère cette synthèse. Glenn Gould a su trouver et imaginer comment Bach aurait exploité cet instrument en cherchant à le rendre fidèle à une certaine idée du contrepoint. Bien sûr, cette supposition n'est qu'une hypothèse et nous ne saurons jamais si Bach aurait adhéré à ce jeu si particulier. Néanmoins, l'interprétation de Glenn Gould est crédible et très honnête. N'est-ce pas ce que l'on attend d'un musicien qui est aussi un interprète dans l'exécution d'une oeuvre ?

On observe dans cette partie que l'approche pianistique de Gould se distingue considérablement des autres pianistes connus à ce jour. Je vais conclure cette première partie sur deux points essentiels :

- premièrement, je pense que Gould n'avait pas -dans son interprétation de Bach- une volonté de briser les règles. Après avoir étudié le sujet, Gould s'est fait sa propre idée du style à adopter. Il a ensuite pu analyser, comprendre et appliquer les éléments qui mettent en valeur la musique de Jean-Sébastien Bach.

- deuxièmement, on trouve aussi dans la musicalité et la technique de Gould quelque chose d'inné qui facilite l'interprétation de la musique du compositeur allemand. Je pense cela car, qu'importe le compositeur interprété par le pianiste canadien, on retrouve les mêmes caractéristiques pianistiques dans le jeu de Gould. Je ne dis pas que tout cela est le fruit du hasard, bien au contraire, je pense d'ailleurs que peu de pianistes ont pu faire un travail de recherche aussi poussé que celui de Gould mais je reste convaincu que Glenn Gould a su tirer parti de ses idiosyncrasies pianistiques tout en les affinant pour les mettre au service de la musique de Jean-Sébastien Bach.

Pour conclure sur le plan technique, on observe que cette oeuvre n'a pas de réel point de départ, de point culminant et de résolution. C'est une oeuvre contemplative. Elle termine sur l'aria

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984