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La strategie du Niger dans la lutte contre la radicalisation et l'extremisme violent: cas de la region de Tillaberi


par Moussa Hassabal kerim ABDEL-HADI
ENA-Niger - Maîtrise  2022
Dans la categorie: Droit et Sciences Politiques > Sciences Politiques
   
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CHAPITRE I : CADRE THÉORIQUE ET APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE

Ce chapitre, qui s'articule autour de deux points, aborde d'abord le cadre théorique, puis l'approche méthodologique.

1.1 Cadre théorique

Cette partie est constituée de six (6) points qui seront successivement abordés à travers la justification du choix du sujet, la revue de la littérature, la problématique, les hypothèses de la recherche, la définition des concepts et les objectifs de la recherche.

1.1.1 Justification du choix du sujet

Notre choix pour ce thème intitulé « la stratégie du Niger dans la lutte contre la radicalisation et l'extrémisme violent : cas de la région de Tillabéri », se justifie par des raisons multiples que nous annonçons de manière suivante :

Premièrement, ce sujet nous permet d'élargir nos connaissances sur le processus de la radicalisation et de l'extrémisme violent qui sévit dans les pays du Sahel et plus particulièrement au Niger.

Il s'en suit que le Niger est l'un des pays du Sahel qui est affecté dans ses parties Nord-ouest et Sud-est par le phénomène de la radicalisation et de l'extrémisme violent. Toute chose qui met à rude épreuve la paix, la quiétude sociale, la cohésion sociale, la sécurité et les conditions de développement socioculturelles du pays. À cet effet, il est important de mettre l'accent sur cette thématique pour trouver, comprendre et mieux endiguer le mal à la racine.

Enfin, l'insuffisance de travail de recherche nous a inspiré l'idée d'apporter un début de solution à la question de lutte contre la radicalisation et l'extrémisme violent. Nous avons relevé que la thématique est devenue une préoccupation majeure pour le gouvernement nigérien depuis au moins une décennie, en ce sens qu'elle perturbe la cohésion sociale et le vivre-ensemble. C'est pourquoi nous avons pensé d'une part, d'apporter une contribution peu

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qu'elle soit dans ce domaine et d'autre part, adopter une approche pondérée des problèmes liés à la radicalisation et à l'extrémisme violent.

1.1.2 Revue de la littérature

Dès le début de cette recherche, nous avons consulté quelques documents en vue de permettre de voir clair et de comprendre facilement le sujet de mémoire d'étude. À cet effet, quelques auteurs et chercheurs ont donné leur point de vue à travers leurs écrits sur la question de la radicalisation et de l'extrémisme violent. Parmi ces auteurs, nous avons entre autres :

KHOSROKHAVAR, Farhad (2014), a évoqué les phénomènes de la radicalisation qui suscite aujourd'hui tant la curiosité que la crainte. La partie introductive de l'ouvrage s'intéresse au sens et aux enjeux entourant la notion de la radicalisation et s'interroge sur deux aspects éminemment contemporains liés aux questions de la radicalisation. En premier lieu, les défis en matière de gestion de déradicalisation ou de sortie des trajectoires djihadistes. Alors que le modèle républicain de la laïcité soulève une série des frictions quant à la mise en place de structures de prises en charge où se côtoieraient autorités, membres de la société civile et figures religieuses, seules à même de déconstruire les systèmes de croyances endossés par les individus radicalisés. Dans un second temps, l'auteur s'interroge avec raison, quant à la montée de ce que certains nomment aujourd'hui un extrémisme réactionnaire, illustré par les actions violentes d'acteurs isolés comme les terroristes.

DAVID PUAUD (2018) dans «LE SPECTRE DE LA RADICALISATION» tente quant à lui de saisir plusieurs problématiques : il met l'accent sur l'analyse des dispositifs et discours liés à l'administration sociale en temps de menace terroriste avec l'hypothèse d'un développement d'une administration socio-sécuritaire qui réagit à la peur, mais paradoxalement la produit également (P.14). Dans les faits, deux axes sont privilégiés par l'auteur : le premier, c'est l'étude du dispositif de mobilisation institutionnelle et le second, c'est la focalisation politique, médiatique et sécuritaire sur la notion de radicalisation.

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Ensuite, Mathieu Pellerin (2017) dans son analyse sur «Les trajectoires de la radicalisation religieuses au Sahel» a évoqué le poids des facteurs extérieurs dans le processus de la radicalisation. Selon lui, les contextes locaux ne sont pas les seuls à prédisposer à la radicalisation religieuse. Ce sont les influences extérieures qui nourrissent quotidiennement l'amertume des populations sahéliennes. Il souligne ensuite que tous les pays du Sahel ont pour l'heure échoué à concevoir et à mettre en oeuvre des politiques de lutte contre l'extrémisme violent et le radicalisme, qui sont l'objet d'un consensus entre les différentes tendances représentatives de l'Islam. Cet auteur démontre dans son étude que les facteurs de radicalisation au Sahel sont très nombreux, qu'aucune trajectoire privilégiée ne se dessine, mais qu'elles se construisent autour d'un dénominateur commun qui est le sentiment de l'injustice. Il peut s'agir, selon l'auteur, d'une injustice sociale, d'une injustice étatique, d'une injustice économique, d'une injustice religieuse, etc. qui nourrissent des frustrations productrices de radicalisation.

Pour cet auteur, une analyse détaillée de trajectoire de la radicalisation au Sahel donne à voir l'engagement d'individus majoritairement jeunes qui se trouve dans l'Islam, et parfois dans les groupes djihadistes, une voie d'expression de leurs frustrations sociales, communautaires, économiques ou politiques. Dans son étude, l'auteur observe sur le cas du Niger, les conséquences des prêches inadaptés au type de gouvernance laïque, du fait qu'elle n'apporte qu'injustice et pauvreté. Cette situation a eu plus d'échos dans la région de Diffa, qui a toujours été laissée pour compte dans les politiques publiques en matière de développement.

Dans un Rapport du PNUD (2016), les participants ont souligné la précarité économique et sociale qui prédispose les personnes vivant à la frontière à des comportements radicaux et violents. Aussi, ils ont souligné le manque de régulation de l'expression religieuse, notamment dans les médias et l'utilisation de la religion à des fins économiques et politiques qui favorisent le développement de comportements radicaux. C'est ainsi que les populations

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ressentent une augmentation de l'insécurité et de la violence aux frontières, mais ne l'associent quasiment jamais à la présence de discours des groupes religieux radicaux.

Marc-Antoine Pérouse de Montclos (2020) a souligné la question de fanatisme et de l'endoctrinement religieux, qui seraient à l'origine des insurrections qui ravagent aujourd'hui le Sahel. Selon lui, les leaders religieux les plus radicaux n'auraient rencontré aucune difficulté pour embrigader de jeunes chômeurs dans la guerre sainte, en leur promettant le paradis après la mort. Leurs messages sont diffusés dans les mosquées et dans les écoles coraniques. Ces discours constituent le début d'un extrémisme, et ont gagné la bataille idéologique sans que les États interagissent.

Paul-Henri Sandaogo DAMIBA, (2021), a évoqué les actions violentes s'inscrivant dans l'idée de déstabiliser la société et de faire péricliter l'ordre ou le système établi de gouvernance. Dans la poursuite de son programme, un dialogue de circonstance est très souvent observé entre les extrémistes radicaux et les groupes de toute tendance déjà opposés aux dépositaires de l'ordre établi (en particulier les groupes idéologiques ou politiques et les groupes criminels ou hors-la-loi). Pour être effective, la relation entre criminels et extrémistes religieux passe par le biais d'éléments de liaisons, de finances, de refuges sécurisés, de soutien en combattant, de laissez-passer et bien d'autres types de services offerts (par exemple santé, école, hydraulique, etc.). Dans ces zones où ne s'exerce plus l'autorité politique légale, la cohabitation entre pouvoirs tribaux, criminels, mafieux, groupes indépendantistes et cellules islamistes radicales se sont fortement consolidés.

Selon Theophilus Ekpon (2017), les groupes extrémistes violents ont profité d'une gouvernance inefficace et d'une mauvaise prestation de services, de niveaux élevés de divisions sociétales basées sur des critères ethniques ou religieux, exacerbés par les élites et combinés avec de faibles niveaux de confiance. Le sentiment de marginalisation politique et économique, les niveaux élevés de pauvreté, le sentiment d'injustice et d'inégalité à l'échelle mondiale

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sont perçus comme les causes des conflits (PNUD, rapport 2016). C'est dans ce contexte que les groupes extrémistes radicalisent et recrutent des jeunes, hommes et femmes, pour terroriser les populations dans la région du lac Tchad3.

Selon Guilaine DENOEUX et Lynn CARTER (2009) qui ont distingué deux types de facteurs ou niveaux d'explications sur les phénomènes de l'extrémisme violent : premièrement, les causes profondes, d'ordre structurel qui, dans un environnement social donné, pousse des individus vulnérables sur le chemin de la radicalisation et de la violence extrémiste. En effet, la pauvreté généralisée, le chômage des jeunes, le manque d'opportunités économiques, la mauvaise gouvernance, les violations des droits humains par un régime répressif, l'inaccessibilité ou la mauvaise qualité des services publics de base, et la corruption sont les facteurs dits incitatifs. Cependant, ces facteurs à eux seuls ne suffirent pas, comme l'ont montré Guilaine Denoeux et Lynn Carter, à expliquer pourquoi certaines personnes vivant dans les mêmes conditions structurelles s'engagent sur le chemin de l'extrémisme violent et d'autres pas. D'où le besoin de faire à un deuxième niveau d'explication.

Deuxièmement, les facteurs attractifs, ce sont des éléments qui jouent un rôle critique pour attirer certains individus vers des groupes extrémistes : par exemple le charme d'un leader charismatique, la satisfaction psychologique ou spirituelle qu'une personne a ressenti d'appartenir à un certain groupe ou de participer à certaines activités, le besoin de reconnaissance, ou encore un certain idéal de réussite sociale.

Selon BODE Sambo et al. (2016) deux grandes catégories de facteurs sont à distinguer : ceux qui poussent vers l'extrémisme violent (la situation

3 Une recherche faite par Théophilus Ekpon sur `»Le rôle des jeunes dans la Prévention de l'Extrémisme Violent dans le Bassin du Lac Tchad» dans le cadre de contribution à l'étude des Progrès réalisés sur La Jeunesse, la Paix et la Sécurité mandatée par la résolution 2250 (2015) du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

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structurelle et conjoncturelle dans laquelle la radicalisation se produit) et ceux qui attirent (le parcours individuel et les motivations personnelles) tous jouant un rôle déterminant dans le passage des idées abstraites et du mécontentement à l'action violente. Dans cette optique, aucun pays n'est épargné avec une diversité de facteurs conduisant à l'extrémisme violent. Néanmoins, lorsqu'un pays connait la précarité du fait de la rareté de ses ressources comme la région sahélienne par exemple, et qu'un seul groupe, ou une communauté détient le pouvoir politique et économique au détriment d'autres groupes, le risque de tensions intercommunautaires, de stigmatisation, d'inégalités entre les sexes, de marginalisation, d'exclusion et de discrimination s'accroissent. Cela se traduit par des problèmes d'accès aux services publics et à l'emploi, mais au sentiment d'être écarté du développement, ou celui d'être privé de sa liberté de religion ou voulant propager une idéologie (Grégoire Emmanuel, 2015). Dans ces situations, les individus, en particulier les jeunes qui se sentent exclus, peuvent alors céder à la tentation de l'extrémisme violent, dans lequel ils voient un moyen d'atteindre leurs buts.

Dans certains cas, poursuivent BODE et al. (2016) l'extrémisme violent a aussi tendance à prospérer en cas de déficit démocratique où règnent la mauvaise gouvernance, la corruption et une culture de l'impunité pour l'État ou de certains agents qui se livrent à des actes illicites. Il a d'autant plus d'attrait que la mauvaise conduite des affaires publiques va de pair avec des politiques répressives et des pratiques contraires aux droits de l'homme et à l'État de droit.

Dans les pays sahéliens, les conflits prolongés et non réglés sont un terreau fertile pour l'extrémisme violent, non seulement à cause de la détresse occasionnée par l'état de guerre et des problèmes de gouvernance qui s'ensuivent, mais aussi par le ressentiment qu'ils créent peut-être exploités par les groupes étrangers extrémistes violents en vue de mettre la main sur des territoires, des populations et des ressources. Dans ce cas, il faut d'urgence prendre des mesures de prévention visant à régler les conflits prolongés, car c'est ainsi qu'on limitera les effets du discours insidieux des groupes extrémistes

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violents. Lorsque la prévention échoue, la meilleure stratégie à adopter pour assurer une paix durable et lutter contre l'extrémisme violent doit inclure des solutions politiques (actions de développement) qui ne fassent pas de laissés-pour-compte et donnent toute sa place au principe de responsabilité.

Les experts en la matière pensent que le risque général de conflit va augmenter avec ses corollaires comme les frustrations sociales, économiques et politiques de la population et notamment la jeunesse ainsi que les conflits concernant l'accès aux ressources naturelles, dans un environnement en mutation (Bonnecase, 2014). Dans la zone d'étude, les constats font apparaitre que l'origine ethnique et religion ont une profonde influence sur les relations sociales (Choplin, 2008).

Les groupes extrémistes violents dénaturent la foi, exagèrent les différences ethniques et pervertissent les idées politiques ; ils se servent de fausses vérités pour légitimer leurs actes, justifier leurs revendications et recruter dans les camps des frustrés comme cela se passe actuellement au nord Mali avec une répercussion dans les pays voisins comme le Niger et le Burkina Faso.

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