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Les hydro-ecoregions du bassin de la pendjari au benin : analyse des déterminants socio-économiques et environnementaux de la dynamique des écosystèmes naturels

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par M'Po Edouard IDIETI
Université d'Abomey-Calavi - Doctorat 2012
  

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Conclusion partielle

Au terme de ce chapitre, il faut retenir que le bassin versant béninois de la Pendjari est composé de deux (02) hydro-écorégions de niveau 1 : l'hydro-écorégion de Gourma et l'hydro-écorégion de l'Atacora.

L'hydro-écorégion (HER) de l'Atacora repose sur un substratum géologique du Protérozoïque (ou Précambrien) avec un relief montagneux. Quant à l'hydro-écorégion (HER) de Gourma, elle est sur un substratum géologique du Quaternaire avec un relief de plaine.

Les deux HER sont de forme allongée et drainées chacune par un réseau à six (06) ordres de cours d'eau. Elles ont le même climat de type tropical chaud et humide à deux (02) saisons mais, avec une variation au niveau des champs pluviométriques (1050 - 1200 mm dans l'HER de l'Atacora et 900-1050 mm dans l'HER de Gourma). Les caractéristiques physico-chimiques des eaux révèlent que les eaux de surface sont moins troubles dans l'HER de l'Atacora que dans l'HER de Gourma. Quant aux eaux souterraines, elles sont légèrement acides dans l'HER de l'Atacora que dans l'HER de Gourma.

99

CHAPITRE 4 :

ANALYSE DES DETERMINANTS SOCIO-

ECONOMIQUES ET ENVIRONNEMENTAUX

DE LA DYNAMIQUE DES ECOSYSTEMES

NATURELS DANS LES HYDRO-ECOREGIONS

DU BASSIN VERSANT DE LA PENDJARI

100

Introduction partielle

La dynamique des écosystèmes d'un milieu dépend à la fois des caractéristiques humaines (socioéconomiques et démographiques) et des facteurs climatiques et géophysiques. En dehors des activités anthropiques, les facteurs géophysiques contribuent également à la répartition et à la dynamique des écosystèmes naturels dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari. Dans ce chapitre, il a été présenté d'abord les déterminants environnementaux développés en deux titres (déterminants hydro-climatiques et déterminants géophysiques de la dynamique des écosystèmes naturels). Ensuite les déterminants socio-économiques ont été analysés sous les titres de déterminants socio-culturels et déterminants économiques après avoir présenté l'analyse de la dynamique des écosystèmes naturels à partir de l'étude diachronique de l'occupation du sol du bassin versant de la Pendjari.

4-1- Déterminants environnementaux de la dynamiques des écosystèmes naturels 4-1-1- Déterminants hydro-climatiques

Les hydro-écorégions de Gourma et de l'Atacora du bassin de la Pendjari au Bénin sont sous l'influence du climat soudanien à une saison pluvieuse de 5 à 6 mois (mai à octobre) et une saison sèche de 6 à 7 mois (octobre à avril). Selon Totin et al. (2010), ce climat sert de transition entre le climat béninien (humide) au sud et le climat sahélien (sec) au nord et donc partage partiellement leurs caractéristiques. Natta (1999) avait signalé que les précipitations liées à la fois à l'arrivée du front de mousson et aux influences orographiques, situent cette région parmi les plus arrosées du Bénin. La saison pluvieuse qui va de mai à octobre, est très fluctuante et se réduit de nos jours de juin voire juillet à octobre (Idiéti, 2004). L'écoulement annuel a considérablement varié de 71 à 40 m3/s dans le sous-bassin de la Pendjari à Porga et de 5 à 4 m3/s dans celui de Magou à Tiélé (Totin et al., 2010). Ces changements qui interviennent dans les processus climatiques et hydrologiques aux échelles journalières, mensuelles et annuelles, regroupés sous le vocable de variabilité hydro-climatique est l'un des facteurs déterminants de la dynamique des écosystèmes naturels dans les hydro-Ecorégions du bassin versant de la Pendjari, qu'il convient d'élucider.

Cette section a pour objectif d'analyser la variabilité des paramètres climatiques et hydrologiques ainsi que les bilans climatiques et hydrologiques dans les hydro-écorégions du bassin versant béninois de la Pendjari.

101

4-1-1-1- Variabilité climatique dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari ? - Variabilité thermométrique

Il s'agit d'analyser les variations mensuelles et l'évolution interannuelle des températures dans le bassin versant de la Pendjari.

En effet, dans l'HER de Gourma comme dans celui de l'Atacora, la température moyenne mensuelle est de 27,2 °C (sur la période 1961-2006). Cette moyenne cache d'importantes disparités entre les températures extrêmes, disparités liées au gradient thermique altitudinal. La température moyenne maximale atteint 33°C et dépasse parfois 34°C en mars et la minimale est de 21°C et descend parfois en dessous de 17 °C en décembre.

Les températures les plus élevées s'observent en mars, avril et mai et les plus basses en décembre, janvier et février, période pendant laquelle souffle l'alizé du nord-est appelé harmattan. L'amplitude thermique moyenne mensuelle est de 3,1°C et celle annuelle est de 5,6°C (sur la période 1961-2006).

Quant à la variabilité inter annuelle, les tendances des températures moyennes ont été déterminées sur la période 1961 à 2006 comme le présente la figure 20.

Figure 20 : Variabilité interannuelle des températures moyennes dans le bassin versant de la Pendjari sur la période 1961-2006.

Source de données : ASECNA, 2009

La figure 20 indique que les températures minimales, moyennes et maximales annuelles connaissent des tendances à la hausse de 1961 à 2006. La comparaison des données des périodes 1961-1970, 1971-1980, 1981-1990 et 1991-2000 montre que les températures moyennes annuelles des décennies 1971-1980, 1981-1990 et 1991-2000 sont nettement supérieures à celles de la décennie 1961-1970 (figure 21).

102

Figure 21 : Variabilité de la température moyenne mensuelle sur les décennies 1961-1970,

1971-1980, 1981-1990 et 1991-2000 dans le bassin versant de la Pendjari Source de données : ASECNA, 2009

Les températures moyennes annuelles ont augmenté à partir des années 1970, ce qui confirme les tendances à la hausse que connaissent les températures minimales, moyennes et maximales annuelles de 1961 à 2006 montrées plus haut par la figure 21.

Eléments fondamentaux du climat, les températures minimales, moyennes et maximales sont des facteurs conditionnant la disponibilité de l'eau dans les HER du bassin versant de la Pendjari. Elles constituent l'un des facteurs de la variabilité pluviométrique dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari.

? - Variabilité pluviométrique dans le bassin versant de la Pendjari

Le rythme saisonnier et la variabilité interannuelle de la pluviométrie constituent les deux paramètres de la variabilité pluviométrique qu'il faut analyser dans le contexte actuel de de cette étude.

? Rythme saisonnier et régime pluviométrique dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari

Le rythme saisonnier est la fréquence à laquelle les saisons s'alternent en une année dans un milieu. Il détermine le régime pluviométrique du milieu.

Boko (1988) a déjà démontré que selon les latitudes auxquelles on se situe, les périodes pluvieuses se combinent de différentes façons pour définir des régimes pluviométriques caractéristiques. Sur la base des moyennes mensuelles, on peut distinguer trois régimes pluviométriques :

- le régime bimodal pour toutes les stations situées au sud du parallèle 7°45 ;

103

- le régime unimodal au nord du parallèle 8°30 ; - un régime de transition entre ces deux parallèles. Le bassin versant de la Pendjari étant situé au nord du parallèle 8°30, le régime pluviométrique caractéristique est donc unimodal (figure 22).

Figure 22 : Régime pluviométrique dans les HER du bassin versant béninois de la Pendjari (Moyennes 1961-2006)

Source de données : ASECNA, 2009

Les mois de juillet, août et septembre sont les plus pluvieux) avec une moyenne de 243,9 mm à Natitingou dans l'HER de l'Atacora et de 219,2 mm à Tanguiéta dans l'HER de Gourma. La moyenne mensuelle globale pour toute l'année est de 102,6 mm à Natitingou et 89,0 mm à Tanguiéta.

Les mois d'une année sont répartis entre les deux saisons de façon inégale dans les deux HER (figure 23).

Dans l'HER de l'Atacora, la saison sèche compte un (01) mois post-humide ou pré-sec (octobre) et cinq (05) mois secs (novembre, décembre, janvier, février et mars) ; et la saison pluvieuse compte deux (02) pré-humides (avril, mai) et quatre (04) mois humides (juin, juillet, août, septembre).

Quant à l'HER de Gourma, la saison sèche compte également un (01) mois post-humide ou pré-sec (octobre) et six (06) mois secs (novembre, décembre, janvier, février, mars, avril) ; et la saison pluvieuse compte un (01) pré-humide (mai) et quatre (04) mois humides (juin, juillet, août, septembre).

104

Figure 23 : Répartition des mois d'une année entre les deux saisons dans les HER du bassin

versant béninois de la Pendjari

Source de données : ASECNA, 2009

Ces rythmes saisonniers entrainent une certaine dynamique et impriment un cycle de vie aux écosystèmes naturels dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari. En effet, en saison sèche, la plupart des cours et plan d'eau s'assèchent et la végétation herbacée des forêts et savanes meurt. Ce qui entraine la migration ou la disparition de certaines espèces fauniques terrestres et aquatiques. En saison pluvieuse, les cours et plans d'eau reprennent les écoulements et les savanes et forêts deviennent verdoyantes. Cela favorise la vie des espèces fauniques selon leur milieu.

Ces phénomènes de rythme saisonnier sont connus et maîtrisés par les populations locales des hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari sur la base de leur vécu quotidien et qu'ils suivent et respectent pour leurs activités agricoles essentiellement calquées sur l'alternance des saisons.

Elles reconnaissent deux (02) variantes pour chaque saison. Pour elles, il existe des saisons intermédiaires qu'on peut nommer "intersaisons" : une intersaison pluvieuse appelée Diyînkambonkidi en ditammari, Tila? en biali et une intersaison sèche appelée Diténwaà en ditammari, Pawork? en biali. Ces intersaisons s'identifient à travers les signes de démarrage ou de fin de saison. Le tableau X présente les intersaisons et leurs signes d'identification.

105

Tableau IX: Les intersaisons et leurs signes d'identification dans les HER du bassin versant de la Pendjari

En français

En quelques principales
langues locales

Signes d'identification (perception rurale des populations locales)

Ditammari

Biali

Intersaison sèche

Diténwaà

Pawork?

- L'herbe et les cultures (mil [Pennisetum americanum] et sorgho [Sorghum bicolor])

fleurissent et portent les épis ;

- La pluie diminue ;

- Les orages isolés commencent ;

- Le vent change de direction et vient du nord ;

- Le brouillard d'harmattan apparaît ;

- Les fruits de ficus commencent à mûrir ;

- Les feuilles de Acacia albida bourgeonnent et apparaissent ;

- Les feuilles de baobab (Adansonia digitata) et Afzelia jaunissent et tombent ;

- Les hérons garde-boeufs (Bubulcus ibis) commencent par immigrer dans le milieu ;

- Les tourterelles blanches à une tâche noire au cou (Streptopelia semitorquata,
Streptopelia decipiens, Streptopelia vinacea
) commencent à chanter.

Intersaison pluvieuse

Diyînkambonkidi

Tila?

- L'harmattan cesse ;

- La chaleur devient très forte et persistante ;

- Le soleil devient brillant et très brulant ;

- Les fruits de néré (Parkia biglobosa) et de karité (Vitellaria paradoxa), mûrissent ;

- On trouve de l'humidité sous les pierres les matins et dans les rivières taries ;

- Les feuilles Acacia albida jaunissent et tombent ;

- Les mouvements des nuages sont orientés du sud vers le nord ;

- La cigale crie intempestivement (stridule) dans la journée ;

- Le chevalier guigette (Actitis hypoleucos), oiseau au chant composé de séries de trilles,

chante les louanges de labours le matin et le soir.

Source : Idiéti (2004) + Résultats d'enquêtes, 2009

106

Il est à noter que ces perceptions populaires sont identiques dans les deux HER identifiées. Ce qui justifie la non distinction des perceptions des populations locales de chaque HER dans le tableau IX.

Bien que composé des saisons intermédiaires ou intersaisons selon les populations locales, le rythme pluviométrique saisonnier des HER du bassin versant béninois de la Pendjari connait parfois des perturbations liées aux aléas climatiques, en l'occurrence les retards de pluie, les sécheresses et les excès pluviométriques. Dans le cas des sécheresses, les premières pluies arrivent parfois abondamment puis régressent avant les mois les plus pluvieux ; dans les autres cas, on enregistre soit un manque de pluies, soit une abondance de pluies, pendant longtemps.

La succession de ce rythme pluviométrique sur une série d'années donnée est perçue par les scientifiques comme la variation ou variabilité interannuelle de la pluviométrie.

? Variabilité interannuelle de la pluviométrie dans les HER du bassin versant béninois de la Pendjari

Les hauteurs de pluies dans le bassin versant de la Pendjari sont comprises entre 691,0 mm et 1508,6 mm par an dans l'HER de Gourma et entre 866,7 mm et 1768,2 mm par an dans l'HER de l'Atacora (sur la période 1961 - 2006).

Totin et al. (2010) avaient déjà démontré que l'évolution des hauteurs de pluie montre que le bassin béninois de la Volta (auquel appartient le bassin versant de la Pendjari) connaît une forte variabilité pluviométrique et une rupture de stationnarité du champ de pluie annuel entraîne une variation à la baisse des pluies mensuelles.

Dans les HER de Gourma et de l'Atacora, l'évolution interannuelle des pluviométries ont connu des ruptures intervenues en 1975 et en 1993. Des marques de changement ont été exprimées par le mode de la fonction densité de probabilité "a posteriori" de la position du point de rupture : 0,39 en 1969 à Natitingou et 0,07 en 1993 à Tanguiéta ; mode mis en évidence par la méthode bayésienne de Lee et Heghinian. La figure 24 présente les ruptures de stationnarité des pluviométries annuelles détectées dans les Hydro-écorégions du bassin de la Pendjari sur la période 1961-2006.

107

Figure 24 : Ruptures de stationnarité des pluviométries annuelles dans les Hydro-

Ecorégions du bassin de la Pendjari au Bénin sur la période 1961-2006 Source : Résultats de traitement des données avec KHRONOSTAT 1.01

L'étude de la variabilité interannuelle des indices pluviométriques montre aussi une baisse sensible dans les années 1970 et une remontée dans les années 1990 dans les deux hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari. Mais de façon générale, on observe une tendance à la baisse progressive des pluies de 1961 à 2006. La comparaison des tendances en pourcentage montre que la tendance à la baisse des pluies est plus élevée dans l'HER de l'Atacora (0,08% à Natitingou) que dans l'HER de Gourma (0,01% à Tanguiéta). Les résultats du test de significativité des tendances observées ont montré que la tendance à la baisse des pluviosités observée dans l'HER de l'Atacora est significative : la statistique de Student U = 2,58 (pour la station de Natitingou) est supérieur à 1,96 au risque de 5% suivant la loi normale ; d'où l'hypothèse H0 (la tendance dans la série n'est pas significative) est rejetée.

Quant à la tendance à la baisse des pluviosités observée dans l'HER de Gourma, elle n'est significative : la statistique de Student U = 1,73 (pour la station de Tanguieta) est inférieur à 1,96 au seuil de 5% suivant la loi normale ; d'où l'hypothèse H0 (la tendance dans la série n'est pas

108

significative) n'est pas rejetée.

L'explication à donner à cette situation n'est pas aisée par les mécanismes atmosphériques. On est tenté de la lier aux effets de versant au vent et versant sous le vent expliqués plus haut, mais lesdits effets expliquent plutôt la différence de pluviosité entre l'HER de l'Atacora et l'HER de Gourma, et non la différence ou la significativité de tendance. La seule raison probable à cette situation est que l'HER de Gourma étant en grande partie occupée par l'aire protégée (la RBP), a une couverture végétale moins dégradée que l'HER de l'Atacora. Cette couverture végétale aurait un effet atténuant les sécheresses dans le milieu et en l'occurrence sur la tendance à la baisse de la pluviosité.

La figure 25 souligne trois (03) séquences de variabilité dans chaque HER : une première séquence (S1) de 1961-1975 marquée par de pluviométries plus ou moins abondantes avec une tendance à la baisse plus ou moins faible ; une seconde séquence (S2) marquée par une baisse drastique des pluviométries de 1976-1993, avec une tendance à la bisse très prononcée ; et enfin une troisième séquence de 1993-2006 marquée par une remontée relative des pluviométries avec une tendance à la hausse plus ou moins faible.

S1

S3

S1 S2

S2 S3

Figure 25: Variabilité interannuelle et tendance pluviométrique dans les hydro-écorégions du bassin de la Pendjari

Source de données : ASECNA, 2009

109

De façon générale, on note une diminution progressive des quantités de pluies de 1961 à 2006. La sous-période 1961-1975 est marquée par les pluviométries excédentaires suivie d'une sous-période (1976-1993) à pluviométries déficitaires et une reprise de pluviométries excédentaires autant que déficitaires de 1994 à 2006. Ce qui confirme la récession pluviométrique à partir des années 1970, démontré par les études antérieures de Boko (1988), Afouda (1990) et Houndénou (1999). Ces périodes excédentaires et déficitaires sont du fait des manifestations des phénomènes exceptionnels notamment les sécheresses et les excédents de pluies.

La répartition des années déficitaires ou de sécheresse et à pluviométries excédentaires enregistrées dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari, pendant la période 19612006, a été déterminée par la méthode de classement des indices pluviométriques (Figure 26 et Annexe 1b).

Figure 26 : Répartition temporelle des années exceptionnelles enregistrées dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari de 1961 à 2006

Source de données : ASECNA, 2009

110

Il ressort de l'analyse de la figure 25 que les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari ont connu des proportions différentes d'années de sécheresse (13% pour l'HER de Gourma et 15% pour l'HER de l'Atacora) mais les mêmes proportions d'années à pluviométrie excédentaire (17%) sur la période 1961-2006.

Il faut remarquer à partir de la figure 25 que presque toutes les années de sécheresse sont dans la période de 1975-1993 aussi bien dans l'HER de Gourma que dans l'HER de l'Atacora.

Les sécheresses et les excédents de pluies sont des phénomènes qui impactent considérablement les écosystèmes naturels. En effet, les excédents pluviométriques génèrent des inondations mais favorisent le développement des écosystèmes aquatiques et forestiers. Quant aux sécheresses, elles entrainent le manque d'eau et la destruction des écosystèmes (tarissement des cours et plans d'eau, assèchement des forêts et savanes, prédation, migration ou disparition de la faune aquatique et terrestre, etc.)

Brou (2005), recherchant la relation entre climat et dynamique des écosystèmes dans le V-Baoulé (Côte d'Ivoire), conclut que l'importance des déficits pluviométriques est susceptible de fragiliser les écosystèmes de forêt et de savane, surtout à l'occasion des années «anormalement sèches». Ce serait le cas dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari, surtout dans la période 1975-1993. Quels en sont les déficits pluviométriques au niveau de chaque hydro-écorégion ?

? Déficits pluviométriques dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari

Ils résultent de la répartition comparée des pluviométries des sous-périodes 1961-1975 et 19762006. En effet, les mois de la saison pluvieuse y compris le mois post-humide (avril/mai, juin, juillet, août, septembre et octobre) fournissement en moyenne 96% et 92% de la pluviométrie moyenne annuelle de la période 1961-2006, respectivement dans les hydro-écorégions de l'Atacora et de Gourma. L'étude comparée des deux sous-périodes permet de mettre en évidence la baisse marquée des hauteurs de pluies saisonnières sur la sous-période 1976-2006. La figure 27 présente les pluviométries saisonnières des sous-périodes 1961-1975 et 1976-2006.

111

Figure 27 : Pluviométries saisonnières des sous-périodes 1961-1975 et 19762006 dans les Hydro-Ecorégions du bassin de la Pendjari

Source de données : ASECNA, 2009

La figure 26 montre que les pluviométries saisonnières de la sous-période 1976-2006 est nettement déficitaire par rapport à celle de 1961-1975 dans les deux hydro-écorégions. Le mois d'avril parait plus pluvieux dans l'HER de l'Atacora que dans celle de Gourma. La prise en compte de l'ETP (Figure 27 et 28) permet de savoir que le mois d'avril est pourtant un mois sec dans les deux HER. Il s'observe que les pluviométries mensuelles de l'HER de l'Atacora sont nettement supérieures à celles de l'HER de Gourma. Les déficits pluviométriques des mois pluvieux (mai, juin, juillet, août, septembre, octobre) ont été déterminés (Tableau X et XI).

Tableau X : Déficit de la pluviosité mensuelle dans l'HER de l'Atacora (Natitingou)

Mois

pluviosité moyenne (mm)

Ecart

Déficit

1961-2006

1961-1975

1976-2006

avril

79,4

89,6

74,4

-15,1

-16,9%

mai

121,2

119,7

122

2,2

1,8%

juin

145,4

143,8

146,1

2,3

1,6%

juil.

213,8

265

189

-76

-28,7%

aout

272

286

265,3

-20,7

-7,2%

sept.

246

273,3

232,8

-40,5

-14,8%

oct.

104,2

125,7

93,8

-31,8

-25,3%

Totaux

1102,6

1213,5

1049

-164,5

-13,8%

Source : Résultats e traitement des données

112

Tableau XI : Déficit de la pluviosité mensuelle dans l'HER de Gourma (Tanguiéta)

Mois

pluviosité moyenne (mm)

Ecart

Déficit

1961-2006

1961-1975

1976-2006

mai

103,6

106,2

102,4

-3,8

-3,7%

juin

135,6

140,3

133,3

-7,0

-5,2%

juil.

193,7

202,9

189,3

-13,6

-7,2%

août

230,2

247,2

222,0

-25,2

-11,3%

sept.

233,7

252,1

224,8

-27,4

-12,2%

oct.

90,2

85,9

92,2

6,4

6,9%

Totaux

987,0

1034,5

964,0

-70,6

-7,3%

Source : Résultats e traitement des données

Les tableaux X et XI montrent que le déficit des mois pluvieux de la sous-période 1976-2006 par rapport à la sous-période 1961-1975 est de 13,8 % dans l'hydro-écorégion de l'Atacora et 7,3% dans l'hydro-écorégion de Gourma. Tous les mois pluvieux ont connu de déficit à l'exception des mois de mai et juin dans l'HER de l'Atacora et du mois d'octobre dans l'HER de Gourma. Malgré que deux mois sur sept n'aient pas été déficitaires, l'HER de l'Atacora a connu le plus fort déficit par rapport à l'HER de Gourma. Le mois de juillet est marqué par la plus forte péjoration pluviométrique observée dans l'hydro-écorégion de l'Atacora avec un déficit de 28,7 % ; tandis que dans l'hydro-écorégion de Gourma, c'est le mois de septembre qui est marqué par la plus forte péjoration pluviométrique avec un déficit pluviométrique de 12,2 %.

Ce sont ces déficits qui expliquent les tendances à la baisse de la pluviométrie observée sur la période de 1961 à 2006 dans chacun des hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari. L'analyse de la variabilité du bilan climatique a permis de mettre en évidence les périodes saisonnières sèches ou humides et les années sèches ou humides ; et de comprendre le mécanisme et l'ampleur des déficits pluviométriques observés dans les hydro-écorégions du bassin versant béninois de la Pendjari.

? Bilans climatiques dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari

Les déficits pluviométriques analysés plus haut indiquent que les quantités d'eau tombée par an subissent des régressions. De ce fait, on peut estimer les pertes d'eau pluviale dans chaque hydro-écorégion suivant la méthode des bilans climatiques (interannuel et mensuel) indiquée pus haut.

113

? Bilan climatique mensuel

Le bilan climatique a été réalisé au pas de temps mensuel dans chaque hydro-écorégion du bassin versant béninois de la Pendjari à partir de la pluviosité et l'ETP mensuelles.

La figure 28 permet d'abord de constater que le bilan climatique est identique dans les deux hydro-écorégions et ensuite d'identifier deux périodes opposées dans une même année :

- une période de huit mois (octobre à mai) où le bilan climatique est négatif. Ce sont les mois secs où la demande évaporatoire de l'atmosphère est très importante, avec un fort amenuisement et même l'assèchement des réserves d'eau du sol et l'assèchement précoce des cours d'eau comme l'avait aussi signalé Vissin (2007) dans le bassin du fleuve Niger au Bénin.

- et une période de quatre mois (juin à septembre) où le bilan climatique est positif. Ce sont les mois humides qui fournissent de surplus d'eau aux rivières et favorisent l'alimentation des réservoirs souterrains des hydro-écorégions

Figure 28 : Bilan climatique mensuel dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari

Source de données : ASECNA, 2009

Le bilan climatique mensuel comparé entre les sous-périodes 1961-1975 et 1976-2006 permet d'évaluer les déficits observés plus haut. La figure 29 montre une baisse marquée du bilan climatique de la sous-période 1976-2006 par rapport à la sous-période 1961-1975 dans les deux Hydro-Ecorégions. Les mois humides (juin, juillet, août et septembre) connaissent des déficits climatiques sensibles dans la sous-période 1976-2006 et les mois secs sont devenus davantage secs. Dans l'hydro-écorégion de l'Atacora, le mois d'octobre est passé d'humide dans la sous-période 1961-1975 à sec dans la sous-période 1976-2006 ; parce que ayant subi `important déficit (25,3%).

114

Figure 29 : Variation du bilan climatique sur les sous-périodes 1961-1975 et 1976-2006 dans les Hydro-Ecorégions du bassin versant de la Pendjari

Source de données : ASECNA, 2009

Dans ce contexte, il convient de suivre l'évolution du bilan climatique interannuel pour pouvoir apprécier les déficits hydrique annuels.

? Bilan climatique interannuel

A l'échelle de temps annuelle, le bilan climatique est déficitaire pour toute la période 1961-2006 dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari (figure 30).

Figure 30 : Bilan climatique interannuel (1961-2006) dans les hydro-écorégions du bassin versant béninois de la Pendjari

Source de données : ASECNA, 2009

La figure 30 montre que l'évapotranspiration potentielle annuelle est supérieure à la pluie totale annuelle quelle que soit l'année considérée dans l'hydro-écorégion de Gourma. Dans l'hydro-

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écorégion de l'Atacora, seules deux années (1968 et 1978) sur toute la période, ont connu un bilan climatique annuel positif (P > ETP).

Cela peut s'expliquer par deux raisons fondammentales :

- l'ETP est permanente toute l'année alors que la pluie est saisonnière ;

- l'ETP a plusieurs sources telles que l'eau du sol, la végétion et les masses d'eau, etc. alors que la pluie n'a qu'une seule source (les nuages pluvieux).

Il y a donc plus de perte d'eau dans l'atmosphère par évapotranspiration que de disponibilité d'eau au sol par la pluie dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari. Cela explique les contraintes climatiques majeures que subissent les écosystèmes (Amoussou, 2010) des hydro-écorégions du bassin. Les conséquences immédiates de ces contraintes sont observées sur l'écoulement après l'étude sur la variabilité hydrologique.

4-1-1-2- Variabilité hydrologique dans les hydro-écorégions du bassin de la Pendjari

L'étude de la variabilité hydrologique consiste à analyser la variabilité mensuelle et interannuelle de l'écoulement, les déficits d'écoulement et les liens entre les variations de l'écoulement et celles pluviométriques. Ces analyses permettent de caractériser le bilan hydrologique dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari. Il faut signaler que chacun des hydro-écorégions ne dispose pas d'une station hydrométrique ; les stations hydrométriques disponibles (Porga et Tiélé) dans le bassin sont tous deux géographiquement situées dans l'hydro-écorégion de Gourma. Les eaux de l'hydro-écorégion de l'Atacora rejoignent la station de Porga. C'est pourquoi les données de la seule station de Porga ont été utilisées pour analyser la variabilité hydrologique des deux hydro-écorégions du bassin.

? Variation mensuelle de l'écoulement dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari

Le rythme mensuel de l'écoulement est exprimé par l'évolution saisonnière des débits. L'analyse de la répartition mensuelle des débits enregistrés à la station hydrométrique de Porga a permis de caractériser la variabilité hydrologique mensuelle dans les hydro-écorégion du bassin versant de la Pendjari.

La figure 31 présente la variation mensuelle des débits dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari sur la période de 1961 à 2006.

116

Figure 31 : Variation mensuelle des débits dans les hydro-écorégions du bassin versant béninois de la Pendjari.

Source de données : Service d'hydrologie, DG-Eau, 2010

La figure 31 indique que les mois de janvier, février, mars, avril, mai et décembre sont caractérisés par des débits presque nuls : c'est la période d'étiage. L'écoulement intervient à partir du mois de juin jusqu'en novembre : c'est la période des hautes eaux. Elle commence en juin, atteint son maximum en septembre et baisse à partir du mois d'octobre. Le mois de septembre est ainsi le mois de crue où les eaux débordent le lit de la rivière Pendjari (Photo 6). De décembre à mai, les cours d'eau s'assèchent, même la rivière Pendjari laissent des marigots par endroits et se présente sous forme de chapelet (Photo 7).

Photo 6 : Rivière Pendjari en crue à Porga pendant la saison pluvieuse

Observez de l'eau ayant atteint les feuillages des arbres de la galerie forestière. Source : Cliché IDIETI M. E., Octobre 2010

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Photo 7 : Rivière Pendjari en étiage à Porga pendant la saison sèche

Observez au premier plan une partie du lit de la rivière Pendjari asséchée et en arrière-plan, un marigot.

Source : Cliché IDIETI M. E., Janvier 2009

? Variabilité interannuelle de l'écoulement dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari

L'étude de l'évolution interannuelle des débits moyens annuels (figure 32) a permis d'analyser la variabilité interannuelle de l'écoulement des hydro-écorégions du bassin versant béninois de la Pendjari sur la période de 1961 à 2006.

Figure 32 : Variabilité interannuelle de l'écoulement dans les hydro-écorégions du bassin versant béninois de la Pendjari

Source de données : Service d'hydrologie, DG-Eau, 2010

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La figure 32 permet d'observer une démarcation de trois sous-périodes d'évolution de l'écoulement qui correspondent à celles obtenues avec les hauteurs de pluies :

- une sous-période de 1961 à 1975 marquée les plus forts débits avec des crues pendant les années 1962, 1963, 1964, 1968, 1969,1970 et 1974 ;

- une sous-période de 1976-1993 marquée par de faibles débits d'écoulement avec les années de sécheresse pendant les années 1983, 1984, 1987, 1990, 1991 et 1992 et ;

- une sous-période marquée par autant de débits forts que de débits faibles de 1994 à 2006. Cette sous-période a connu trois années de crue (1994, 1998, 1999) et une année de sécheresse (1997).

De façon générale, à l'instar de la pluviométrie, l'écoulement dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari connait une baisse de 1961 à 2006. Cette baisse s'explique par les déficits connus depuis les années 1970 malgré la reprise relative observée vers les années 1990.

Le tableau XII présente les déficits hydriques de l'écoulement enregistrés dans le bassin de la Pendjari.

Tableau XII : Déficit de l'écoulement dans le bassin de la Pendjari

Mois de crue

Débits moyens

Ecart Déficit

 
 

1961-2006

1961-1975

1976-2006

 
 

Juin

9,0

9,3

8,9

-0,5

-5%

Juillet

28,9

38,7

24,2

-14,5

-37%

Août

117,3

165,6

93,9

-71,7

-43%

Septembre

235,5

329,7

189,9

-139,8

-42%

Octobre

158,4

247,9

115,1

-132,8

-54%

Novembre

26,7

39,1

20,7

-18,4

-47%

Moy.

96,0

138,4

75,4

-62,9

-45%

Source : Résultats de traitement des données

Le tableau XII montre que les mois de hautes eaux ont connu de grands déficits d'écoulement pendant la sous-période 1976-2006 par rapport à la sous-période 1961-1975. La moyenne générale des déficits est de 45 %.

Ce sont ces déficits qui expliquent la tendance à la baisse de l'écoulement observée sur la période d'étude (1961 à 2006) dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari.

L'analyse du bilan hydrologique a permis de comprendre l'influence de la variabilité pluviométrique sur l'écoulement observé dans les hydro-écorégions du bassin versant béninois de la Pendjari.

119

? Bilans hydrologiques dans les hydro-écorégions du bassin versant béninois de la Pendjari

Il s'agit de l'évaluation de la quantité d'eau disponible dans les hydro-écorégion du bassin versant béninois de la Pendjari à travers l'analyse comparée entre les hauteurs de pluie, l'écoulement (débit), l'évapotranspiration réelle (ETR) et l'infiltration. Les déficits enregistrés au niveau de ces différents paramètres entre les sous-périodes 1961-1975 et 1976-2006 sont également évalués et comparés. Le tableau XIII présente l'évolution comparée des fluctuations des termes du bilan hydrologique dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari sur la période 1961-2006.

Tableau XIII : Bilan hydrologique dans les Hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari sur la période 1961-2006

Termes du bilan hydrologique

HER DE l'ATACORA

HER DE GOURMA

 

1961-2006 (mm)

1231,2

1068,5

 

1961-1975 (mm)

1348,1

1131,8

Pluies

1976 - 2006 (mm)

1174,7

1037,9

 

Ecart

- 173,5

- 93,9

 

Déficit

- 12,9%

- 8,3%

 

1961-2006 (mm)

1074,4

971,4

 

1961-1975 (mm)

1131,0

1006,4

Evapotranspiration

 
 
 

réelle (ETR)

1976 - 2006(mm)

1047,1

954,4

 

Ecart

- 83,9

- 51,9

 

Déficit

- 7,4%

- 5,2%

 

1961-2006 (mm)

66,0

66,0

 

1961-1975 (mm)

97,4

97,4

Ecoulement

1976 - 2006 (mm)

50,9

50,9

 

Ecart

- 46,6

- 46,6

 

Déficit

- 47,8%

- 47,8%

 

1961-2006 (mm)

90,8

31,1

 

1961-1975 (mm)

119,7

28,0

Infiltration

1976 - 2006(mm)

76,8

32,6

 

Ecart

- 43,0

+ 4,6

 

Déficit

- 35,9%

+ 16,6%

Source : Résultats de traitement des données

120

L'analyse du tableau XIII permet de dire que le déficit pluviométrique observé dans les hydro-écorégions entre les sous-périodes 1961-1975 et 1976-2006 est de 12,9 % dans l'hydro-écorégion de l'Atacora et de 8,3 % dans l'hydro-écorégion de Gourma.

Le déficit d'écoulement dans les deux hydro-écorégions entre les deux sous-périodes 47,8%, soit plus de trois fois dans l'hydro-écorégion de l'Atacora et plus de cinq fois dans l'hydro-écorégion de Gourma.

La baisse de la pluviométrie entre les deux sous-périodes a également des répercussions sur l'infiltration (ou recharge) dans les deux hydro-écorégions. Le déficit de l'infiltration est de 35,9% dans l'hydro-écorégion de l'Atacora alors la valeur obtenue dans l'hydro-écorégion de Gourma (+16,6%) indique qu'il n'y a pas de déficit d'infiltration. Cela peut s'expliquer d'une part par le fait que l'infiltration a été plus élevée dans la sous-période 1976-2006 que pendant celle 1961-1975 ; et d'autre part par la nature du substratum géologique qui a un effet considérable sur l'écoulement.

Ce qui nous amène à analyser les déterminants géophysiques de la dynamique des écosystèmes naturels pour mieux élucider la variation du coefficient d'écoulement dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari.

? Coefficients d'écoulement

Les moyennes annuelles calculées des coefficients d'écoulement sont de 5,4% l'hydro-écorégion de l'Atacora et 6,2% dans l'hydro-écorégion de Gourma sur toute la période d'étude (19612006). Ces coefficients sont apparemment faibles par rapport aux quantités moyennes de pluies tombées par an (1068,5 mm et 1231,2 mm).

La figure 32 présente la variation des coefficients annuels d'écoulement de 1961 à 2006 dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari. Le coefficient d'écoulement varie entre 0,3% et 10,0% dans l'hydro-écorégion de l'Atacora tandis que dans celle de Gourma, il varie entre 0,3% et 12,6%.

On observe sur la figure 33 une diminution des valeurs du coefficient d'écoulement annuel de 1961 à 2006, dans les deux hydro-écorégions, mais la diminution est plus marquée dans l'hydro-écorégion de Gourma que dans celle de l'Atacora.

121

Figure 33 : Variation des coefficients d'écoulement annuels de 1961 à 2006 dans les

hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari

Source : Résultats de traitement des données

Sur la base des valeurs de ces coefficients d'écoulement et de leur évolution temporelle, on peut dire que les déterminants géophysiques, notamment le substratum géologique et la couverture agro-pédologique ont une influence sur l'écoulement dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari et par ricochet sur la dynamique des écosystèmes naturels.

4-1-2- Déterminants géophysiques de la dynamique des écosystèmes naturels

4-1-2-1- Substratum géologique et écoulement des eaux

Il s'agit de l'influence du substratum géologique sur l'écoulement des eaux dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari.

En effet, la géologie de l'hydro-écorégion de l'Atacora est caractérisée par des roches métamorphiques composées de grès, de quartzites, de schistes, de micaschistes, de gneiss, etc. et une structure tectonique faite de chevauchements et de charriage (Conf. Pages 20-21). Les failles et les contacts tectoniques constituent le réseau de fracturation. On y trouve plusieurs types d'aquifères de fissures à des profondeurs variables entre moins de 40 mètres et moins de 80 mètres (DH, 2000 ; Idiéti, 2004). Ce qui démontre le caractère perméable du substratum géologique de l'hydro-écorégion de l'Atacora et confirme la faible valeur du coefficient d'écoulement (5,4%) par rapport à celui de l'hydro-écorégion de Gourma (6,2%).

122

Ces caractéristiques géologiques (la lithologie et la structure tectonique) sont les principaux facteurs du substratum qui influence l'écoulement. Cette influence se manifeste à travers la perméabilité du substratum, perméabilité qui intervient sur les débits de crue et d'étiage.

Un bassin à substratum perméable retient de l'eau plus aisément et assure plus longtemps un débit de base en période sèche (Musy et Higy, 2003). Ce qui n'est pas le cas dans l'hydro-écorégion de l'Atacora ; on assiste plutôt à un assèchement rapide des cours d'eau après les pluies. Cela s'explique par le fait que l'infiltration qui se produit contribue à alimenter les nappes aquifères souterraines qui alimentent les sources d'eau (nombreuses dans le secteur) et qui sont souvent captées lors des forages pour l'eau potable. Aussi les pentes du relief qui sont fortes dans cette hydro-écorégion constituent un facteur considérable dans l'appréciation de l'écoulement et de l'infiltration autant que de la dynamique des écosystèmes naturels.

Quant à la géologie de l'hydro-écorégion de Gourma, elle est caractérisée par les alluvions récentes argilo-sableuses, des alluvions anciennes faites d'Argilites, de silts et grès fins, et des dépôts sédimentaires argilo-sableux faiblement fissurés avec des plaquages et des blocs latéritiques. Elle a une structure tectonique fait de chevauchements (Conf. Pages 20-21). Ce qui démontre le caractère peu perméable du substratum géologique de l'hydro-écorégion de Gourma et confirme la forte valeur du coefficient d'écoulement (6,2%) par rapport à celui de l'hydro-écorégion de l'Atacora (5,4%). Un bassin à substratum imperméable présente une crue plus rapide et plus violente qu'un bassin à substratum perméable (Musy et Higy, 2003). En effet les argilites et dépôts argilo-sableux sont des roches à caractères argileux qui après absorption de l'eau, deviennent imperméables à l'infiltration de l'eau. Ce qui explique les faibles valeurs d'infiltration (31,1mm contre 90,8mm) obtenues dans le bilan hydrologique (Tableau XIII) par rapport l'hydro-écorégion de l'Atacora.

Par contre, cette capacité d'absorption et de rétention de l'eau est un facteur favorisant l'écoulement souterrain contribuant aussi faiblement soit-il à l'apport de l'écoulement souterrain dans l'écoulement général de l'hydro-écorégion.

4-1-2-2- Influence du relief sur l'écoulement et dynamique des écosystèmes naturels

Le relief et les pentes sont des facteurs déterminants qui, à l'instar du substratum géologique, influencent considérablement l'écoulement dans les bassins versants.

En effet, le relief de l'hydro-écorégion de l'Atacora est la chaîne de l'Atacora qui culmine à plus de 600 m. A la hauteur de Toukountona, la chaîne donne deux chaînons qui encadrent la haute plaine. Celle-ci (la haute plaine) s'élargit du sud-ouest au nord-est et atteint 6 km de large à Toukountouna, et s'incline de 400 m à moins de 200 m au nord-ouest du village de Séri. Les

123

marigots, très encaissés, possèdent parfois un lit majeur étroit, quelques mètres au-dessus du niveau d'étiage. Les pentes sont très fortes (de 4,3% à 77% dont la moyenne générale est de 14,5%) et sont à la base des torrents.

Quant au relief de l'hydro-écorégion de Gourma, il s'agit d'une vaste pénéplaine où l'on observe des glacis (vastes étendues planes légèrement inclinées). Elle s'incline doucement vers l'ouest de 400 mètres à moins de 160 mètres d'altitude au-delà des collines du Buem qui rompent sa continuité. Ces collines à fortes pentes provenant des grès quartzites et jaspes du Buem s'abaissent progressivement du sud-ouest au nord-est et disparaissent au-delà de Dassari, mais sur le terrain, les grès quartzites continuent d'affleurer ; elles réapparaissent dans le Parc-Pendjari avant de disparaître complètement à l'ouest de Konkombri. Les rivières ont un lit mineur large, très plat et un lit majeur à peine marqué entaillant les schistes altérés. Les berges de ces rivières sont abruptes et constituées de blocs et gravillons rocheux pauvres en argile et donc perméables ; d'où la faible rétention en eaux de surface et la non pérennité des écoulements (Agbossou et Akoundé, 2001). Les affluents des rivières ne possèdent pas en général de lit mineur. A proximité de la rivière Pendjari et au nord-est de la route Porga-Tanguiéta, le paysage est extrêmement déprimé, à peine dominé par quelques cuirasses qui, à une cote de 180 m, marquent les restes du bas glacis aujourd'hui démantelé (INRAB, 1997). Les pentes varient entre 0,2% et 4,3% et l'inclinaison générale est de 4,1% de l'est vers l'ouest. Ces pentes sont relativement faibles et susceptibles de favoriser l'infiltration et la stagnation des eaux pluviales ; ce qui contribuerait à l'écoulement hypodermique. Cela fait partie aussi des raisons de la valeur du coefficient d'écoulement (6,2%) plus élevée que celle de l'hydro-écorégion de l'Atacora (5,4%).

Facteurs de ruissellement de l'eau, les pentes constituent la cause de l'érosion du sol par les eaux pluviales. L'érosion est la principale cause de la dégradation des écosystèmes naturels (comblement ou envasement des cours d'eau, appauvrissement des sols, dégradation de la végétation, etc.). Elle se manifeste soit par dissolution et lessivage par l'eau stagnée ou infiltrée des composantes minérales du sol ou de roches (c'est l'érosion géologique), soit par détachement de fragments ou particules de sol ou de roches de leur emplacement initial (c'est l'érosion pluviale ou éolienne). Ces deux dernières formes d'érosion sont d'origine naturelle et sont le plus souvent favorisées et accentuées par les activités humaines (pratiques agricoles, exploitations forestières, pâturages, constructions de routes et de bâtiments).

Les sols influencent aussi l'écoulement et constituent également un facteur de la dynamique des écosystèmes naturels.

124

4-1-2-3- Sols et écoulement des eaux des hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari La nature du sol intervient sur la vitesse de montée des eaux des masses d'eau.

Les sols de l'hydro-écorégion de l'Atacora sont des sols ferrugineux tropicaux peu lessivés sur quartzite et micaschiste et sur gneiss à muscovite et à deux micas, des sols peu évolués sur quartzite et micaschistes, etc. sans oublier les dalles imperméables de pierres et de cuirasses. Ces sols sont très peu profonds et ont la propriété de se compacter en pellicules imperméables une fois imbibés d'eau. Ce qui ralentit l'infiltration et réduit le coefficient d'écoulement (qui serait peut-être plus élevée que les valeurs obtenues plus haut). L'infiltration y est favorisée par les fractures et les fissures des roches.

Quant aux sols de l'hydro-écorégion de Gourma, ce sont des sols ferrugineux tropicaux lessivés hydromorphes sur schistes, des sols ferrugineux tropicaux lessivés indurés sur schistes, des sols ferrugineux tropicaux lessivés avec ou sans concrétions, des sols peu évolués hydromorphes, sur matériau alluvial, etc. On y rencontre aussi parfois des dalles imperméables de cuirasses. Ces sols sont également peu profonds mais un peu plus que ceux de l'hydro-écorégion de l'Atacora. Ils ont aussi la propriété de se compacter une fois imbibés d'eau et deviennent plus ou moins imperméables en raison de la présence de l'argile et des schistes.

Les sols étant le support du couvert végétal, des plans d'eau et des activités humaines, les comportements de ces derniers, les uns envers les autres influent énormément sur l'écoulement dans les hydro-écorégions du bassin.

Ces comportements sont élucidés à travers l'étude des déterminants socio-économiques de la dynamique des écosystèmes naturels des hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari.

4-2- Déterminants socio-économiques de la dynamique des écosystèmes naturels

Les déterminants socio-économiques de la dynamique des écosystèmes naturels dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari sont d'abord analysés à partir d'une étude diachronique de l'occupation du sol du bassin. Ensuite les déterminants sociaux, culturels et économiques ont été successivement décrits.

4-2-1- Analyse de la dynamique des écosystèmes naturels dans le bassin de la Pendjari

L'étude diachronique de l'occupation spatiale des hydro-écorégions du bassin versant béninois de la Pendjari a été réalisée pour évaluer les modifications des différentes unités d'occupation du sol entre deux (02) périodes (1972-1990 et 1990-2006). Pour ce faire, l'interprétation des images satellitaires et le contrôle terrain ont permis la réalisation des cartes d'occupation du sol des années 1972,1990 et 2006 du bassin versant de la Pendjari comme l'illustrent les figures 34, 35 et 36 et le tableau XV. Les analyses ont concerné une superficie totale de 10001,76 km2 d'unités

125

d'occupation du sol regroupés en trois catégories d'utilisation des terres à savoir : les espaces naturels peu exploités, les espaces agricoles où dominent les activités rurales et les espaces urbanisés caractérisés par les habitations. Les cartes comportent les trois différentes catégories ou types d'utilisation des terres détaillées en unités d'occupation du sol. Les unités d'occupation du sol sont : les bas-fonds constitués par l'ensemble des prairies, des marécages et/ou des savanes herbeuses ; les forêts denses qui regroupent les galeries forestières et les îlots de forêts ; les savanes saxicoles qui sont en fait les savanes arborées et savanes arbustives des montagnes ; les champs et les jachères ; les affleurements rocheux ; les plans d'eau ; les plantations et les agglomérations.

L'analyse des figures 34, 35 et 36 permet de ressortir les différents types d'évolution des unités d'occupation du sol dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari entre les deux périodes.

 

Figure 34 : Occupation de l'espace du bassin versant béninois de la Pendjari en 1972

Figure 35 : Occupation de l'espace du bassin versant béninois de la Pendjari en 1990

Figure 36: Occupation de l'espace du bassin versant béninois de la Pendjari en 2006

126

127

La figure 36 montre une reconstitution da la savane boisée dans la partie nord de l'HER de l'Atacora alors que ces mêmes formations ont connu une régression dans l'HER de Gourma. Cela peut s'expliquer par le fait que l'amélioration et le renforcement de la protection de la faune dans le parc Pendjari a entrainé une augmentation des mammifères. Le tableau XIV montre l'exemple de la croissance de quelques mammifères dans le Parc Pendjari en trois ans (20042006). Ce qui a entrainé la réduction des formations boisées dans l'HER de Gourma au profit de la savane qui est un milieu favorable à la vie des mammifères.

Tableau XIV : Evolution du nombre de quelques mammifères dans le Parc Pendjari en trois ans (2004-2006)

Buffle

Années (Syncerus

caffer)

Hippotrague
(Hippopotragus
equinus)

Cobe de
Buffon
(Kobus kob)

Phacochère
(phacochoerus
africanus
)

Totaux

2004

3

7

13

8

31

2005

11

20

22

23

76

2006

17

23

25

23

88

Source : DPNP, 2009

Quant à la reconstitution des formations boisées dans la partie nord de l'HER de l'Atacora, cela pourrait s'expliquer par le fait qu'elle fait partie des zones cynégétiques du parc Pendjari et bénéficie des activités de protection. En effet, dans le but de maintenir favorables les conditions des habitats de la faune et avec l'implication réelle et effective des populations riveraine à travers les AVIGREF, les feux précoces visant à éviter les feux tardifs et améliorer les ressources fourragères, et les feux de contre saison pour préserver les pâturages, ont été appliquées ces dernières décennies. La chasse n'y est pas interdite ni contrôlée et l'accès y est difficile pour les grands mammifères en raisons des pentes fortes et des falaises de la chaîne de l'Atacora.

Le tableau XV présente la récapitulatif de l'évolution des superficies des unités d'occupation du sol de 1972 à 2006 dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari.

128

Tableau XV : Evolution des superficies des unités d'occupation du sol de 1972 à 2006 dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari

 
 
 
 

SUPERFICIES EN HECTARE (ha)

 
 
 
 
 

Agglomé
ration

Forêt claire
et Savane
boisée

Savane

Mosaïque de Savane saxicole/

Forêt marécageuse/

cultures et savane arborée

dense Savane herbeuse/

jachères et arbustive

Prairie

Aflleurem ent

rocheux

Plan
d'eau

Plantation

HER

ATACORA

1972

1990

2006

797,7

989,1

3320,9

50404,1

34084,5

36940,3

3342,0

3053,5

2649,6

552,8

552,8

684,2

51949,7

77035,7

108475,5

220515,3

211859,9

175105,1

1548,3

1534,4

1934,4

-

-

-

-

-

-

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

HER

GOURMA

1972

1990

2006

982,6

1453,2

3649,3

105790,3

103676,2

67769,2

19287,3

19322,7

17799,2

46827,9

46773,3

3703,7

65379,1

95474,4

199004,5

365288,3

336945,5

311240,4

-

-

-

194,4

104,6

503,0

21,2

21,2

101,8

 
 
 
 

SUPERFICIES EN POURCENTAGE (%)

 
 
 
 
 

Agglomé
ration

Forêt claire
et Savane
boisée

Forêt
dense

Prairie/ savane
marécageuse/
savane herbeuse

Mosaïque de
cultures et
jachères

Savane saxicole/
savane arborée
et arbustive

Aflleurem ent

rocheux

Plan
d'eau

Plantation

HER

ATACORA

1972

1990

2006

0,2

0,3

1,0

15,3

10,4

11,2

1,0

0,9

0,8

0,2

0,2

0,2

15,8

23,4

33,0

67,0

64,4

53,2

0,5

0,5

0,6

-

-

-

-

-

-

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

HER

GOURMA

1972

1990

2006

0,16

0,24

0,6

17,5

17,2

11,2

3,2

3,2

2,9

7,8

7,7

0,6

10,8

15,8

33,0

60,5

55,8

51,5

-

-

-

0,03

0,02

0,1

0,004

0,004

0,017

129

Il ressort de l'analyse du tableau XV que parmi les unités d'occupation naturelle du sol, les savanes saxicoles, arborées et arbustives sont celles qui occupent le plus d'espace des hydro-écorégion (67,0 % ; 64,4 % et 53,2 % dans l'HER de l'Atacora, et 60,5 % ; 55,8 % et 51,5 % dans l'HER de Gourma, respectivement en 1972, 1990 et 2006). Ce sont elles qui ont connu le plus de dégradation suivies des forêts claires et savanes boisées et des forêts galeries, au profit des mosaïques de cultures et jachères (15,8 % ; 23,4 % et 33,0 % dans l'HER de l'Atacora, et 10,8 % ; 15,8 % et 33,0 % dans l'HER de Gourma, en 1972, 1990 et 2006) et des agglomérations (0,2 % ; 0,3 % et 1,0 % dans l'HER de l'Atacora, et 0,2 % ; 0,2 % et 0,6 % dans l'HER de Gourma). L'augmentation de plans d'eau enregistrés de 1990 à 2006 dans l'HER de Gourma peut s'expliquer par le fait qu'un certain nombre de mares ont été réalisées dans le Parc Pendjari au cours de cette période. Les travaux de Agbossou et Akoundé (2001) ont montré que des mares été créées et aménagées dans la Réserve de Biosphère de la Pendjari.

De façon générale, il en résulte que l'occupation de l'espace des hydro-écorégions du bassin versant béninois de la Pendjari est caractérisée par une évolution régressive des espaces naturels. Cette régression est la conséquence des pressions anthropiques marquées par une évolution progressive des espaces agricoles et habités. Les populations du milieu sont conscientes de ce phénomène et l'expriment selon leur perception. Le tableau XVI présente la perception paysanne de la dynamique des écosystèmes naturels dans les hydro-écorégions du bassin versant béninois de la Pendjari.

130

Tableau XVI : Perception paysanne de la dynamique des écosystèmes naturels dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari

Dynamique observée

Non

Oui

Espèces affectées (Si oui, lesquels)

Vitesse (en combien de temps ?)

Causes/origines

Ne sait pas

1 an

5 ans

10
ans

20
ans

30
ans

Disparition d'espèces végétales

77%

23%

Iroko (Milicia excelsa ou Chlorophora excelsa), Combretum nigricans, ronier (Borassus aethiopum), Tokotodji en wama (arbre du milieu qui a donné son nom à Toukountouna).

48%

4%

12%

19%

12%

6%

Agriculture extensive ; feux de végétation ; augmentation de la population; insuffisance des terres cultivables ; surexploitation des sols (exploitation des mêmes sols toutes les saisons) ; mauvaises pratiques culturales ; appauvrissement des sols ; aléas climatiques ; insuffisance de pluies ; sécheresse.

Diminution d'espèces végétales

6%

94%

Tamarinier (Tamarindus indica), Corossol sauvage [munamutimu en ditamari, yonribu en waama, wowaru en biali] (Annona senegalensis), badamier [mukinribou en ditamari] (Terminalia catappa) , karité [Mutammu en ditamari, Tambu en waama, Tanta en biali] (Vitelaria paradoxa), néré (Parkia biglobosa), baobab (Adansonia digitata), kapokier (Bombax buonopozense et Bombax costatum), vêne [kosso en fongbé] (Pterocarpus erinaceus), caïlcédrat (Khaya senegalensis), lingué (Afzelia africana), Kigelia africana [Sototooribu en waama, butchotchombu en gurmacéma], Ebène (Diospyros mespiliformis).

21%

4%

44%

4%

17%

10%

Augmentatio

n d'espèces
végétales

50%

50%

Manguiers (Mangifera indica), anacardier (Anacardium occidentale), eucalyptus (Eucalyptus camaldulensis), teck (Tectona

54%

2%

31%

6%

6%

2%

Reboisement, recherche du bois d'oeuvre à croissance rapide ; recherche de l'argent, importation

131

 
 
 

grandis), neem (Azadirachta indica), arbre à étage (Terminalia mantaly).

 
 
 
 
 
 

; colonisation par les blancs.

Disparition d'espèces animales

44%

56%

Girafe (Giraffa camelopardalis peralta), cerf (Cervus elaphus).

42%

12%

4%

25%

8%

10%

Augmentation de la population ; mauvaises pratiques de chasse (chasse à la battue, braconnage) ; feux de végétation, déboisement ; aléas climatiques ; tarissement des eaux de surface ; manque de points d'eau ; pollution des eaux de marigot par les engrais chimiques et les intrants

agricoles ; amenuisement de la couverture végétale ; sécheresse.

Diminution d'espèces animales

21%

79%

Guépard (Acinonyx Jubatus), renard (Vulpes pallida), chacal (Canis adustus), damalisque (Damaliscus lunatus korrigum), cobes (cobus kob kob et cobus defassa), phacochères (phacochoerus africanus), lièvre (Lepus saxatilis), buffles (Syncerus caffer), lycaon (Lycaon pictus), varan (Varanus niloticus), crocodile (Crocodylus palustris), boa (Eryx conicus), francolin (Francolinus bicalcaratus), pintade sauvage (numida meleagris), Tourtelle à collier noir au cou (Streptopelia semitorquata).

23%

4%

37%

12%

12%

13%

augmentatio

n d'espèces
animales

60%

40%

Autruches (Struthio camelus), aulacodes (Thryonomys swinderianus), lapin (Oryctolagus cuniculus), canard (Anas platyrhynchos), pigeon (Columba palunmbus).

67%

6%

21%

0%

6%

0%

Elevage moderne

disparition d'espèces halieutiques

69%

31%

poisson dénommé capitaine (Lethrinidae), poisson à tête de cheval (Acantopsis choirorhynchus) [toutika en wama], debekoun (en wama), anguille (Anguilla anguilla).

37%

4%

13%

27%

10%

10%

Surexploitation des cours d'eaux, pollution des eaux par les engrais chimiques et les intrants agricoles; non-respect des normes de pêche ; mauvaises pratiques de pêche (ex : empoisonnement de l'eau de

Diminution

21%

79%

Carpes (Cyprinus carpio), grenouilles

27%

0%

27%

21%

13%

12%

132

d'espèces halieutiques

 
 

(Rana klepton esculenta), crevettes (Crangon vulgaris), silures (Silurus glanis), crabes (Cancer irroratus), sardine (Sardina pilchardus), rhinocéros (Diceros bicornis).

marigot avec les pesticides agricoles ou avec les enveloppes de fruits de néré pour enlever les poissons) ; destruction de la végétation autour des cours d'eau ; agriculture sur les berges des cours d'eau ; envasement des cours d'eau ; comblement des cours d'eau par ensablement ; tarissement des rivières et marigots.

 
 
 

Source : Résultats des enquêtes de terrain (2010)

NB : Les espèces citées dans ce tableau comme ayant disparu ou diminué, proviennet des révélations des populations enquêtées sur le terrain. Ces révélations ne sont pas prouvées par les structures et services compétentes.

133

Le tableau XVI montre que les populations des hydro-écorégions du bassin versant béninois de la Pendjari perçoivent la dynamique des écosystèmes naturels en termes de présence ou non des végétaux et des animaux. Elles identifient les espèces végétales et animales (terrestres ou aquatiques) ayant diminué ou disparu dans un laps de temps estimé entre 5 et 10 ans, et les causes de cette dynamique. Elles reconnaissent également les espèces ayant connu une augmentation. Ces espèces sont, selon elles, venues d'ailleurs soit pour satisfaire le problème d'insuffisance des ressources (le bois d'oeuvre et d'énergie, l'argent, la nutrition, etc.) soit pour l'ornement. Leurs origines remontent même jusqu'à la colonisation. L'identification des espèces ayant disparu ou diminuées et la vitesse de la dynamique par les populations, est basée uniquement sur leur mémoire et le constat de l'absence ou de la rareté de telle ou telle espèce végétale ou animale. Le tableau XVI permet de constater que les réponses ne font pas l'unanimité de tous les enquêtés, mais d'une partie de ces derniers. Les espèces listées sont celles citées par ceux qui ont répondu positivement. Il est à remarquer que la vitesse de la dynamique est pour la plupart sans réponse (Ne sait pas). Ce qui signifie que la mémoire populaire n'est toujours pas fidèle au temps en ce qui concerne la dynamique des ressources naturelles.

Par ailleurs, la plupart des espèces citées comme disparues ou diminuées selon les populations, se retrouvent dans la liste des espèces identifiées par la DPNP dans le Plan d'Aménagement Participatif et de Gestion (2004-2013) du Parc National de la Pendjari, comme espèces figurant dans les annexes I, II, III de la CITES (annexe 7). Certaines de ces espèces figurent aussi dans la liste rouge des espèces menacées de disparition de l'UICN ; c'est le cas de l'anguille (Anguilla anguilla).

Autant que les espèces animales et végétales, les populations du bassin versant de la Pendjari observent également la dynamique des masses d'eau dans le temps. Le tableau XVII présente le récapitulatif de la perception paysanne de cette dynamique.

Tableau XVII : Perception paysanne la dynamique des masses d'eau dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari

Origines / Cause de la dynamique observée

Sécheresse; aléas climatiques; érosion par le ruissellement; coupe des arbres aux bords des cours d'eau; piétinements des berges par les troupeaux des transhumants; surexploitation des sols; agriculture sur les berges des cours d'eau; ensablement.

Sécheresse, érosion du sol, coupe des arbres aux berges des cours d'eau, piétinements des berges par le bétail des transhumants, surexploitation des sols, agriculture sur les berges des cours d'eau, ensablement.

Plus de respect des pratiques traditionnelles qui permettaient de protéger les ressources naturelles : plus de respect entre les jeunes et les vieux ; incivisme développé ; plus de morale ; plus de croyance à la tradition ; utilisation des objets interdis aux lieux sacrés ; ignorance et abandon de la tradition induit par la

134

Catégorie de
ressources en eau

 

Dynamique observée

 

Oui

Non

Si oui, il y a combien de temps ?

10
ans

20
ans

30
ans

40
ans

Ne sait
pas

Cours d'eau

Disparition

8%

92%

5%

14%

20%

0%

59%

Diminution

86%

14%

8%

12%

31%

30%

19%

Augmentation

0%

100%

-

-

-

-

-

Marigots

Disparition

59%

41%

10%

7%

29%

22%

32%

Diminution

43%

57%

3%

13%

25%

24%

35%

Augmentation

14%

86%

23%

12%

21%

6%

38%

Mares

Disparition

69%

31%

6%

14%

24%

23%

33%

Diminution

21%

79%

11%

19%

24%

18%

28%

Augmentation

0%

100%

-

-

-

-

-

Sources de

surgescence d'eau

Disparition

79%

21%

11%

9%

22%

31%

27%

Diminution

41%

59%

7%

8%

14%

25%

46%

Augmentation

0%

100%

-

-

-

-

-

135

 
 
 
 
 
 
 
 
 

modernisation, mimétisme de l'occident ; interdits et coutumes bafoués ; plus de respect des fétiches ; influence d'autres cultures, etc.

Retenues d'eau / Barrages

Disparition

0%

100%

-

-

-

-

-

Augmentation de l'effectif de la population ; diminution de la durée de la saison des pluies ; Aménagements routiers ; Projets agricoles ; Interdiction d'entrer dans la Réserve protégée.

Diminution

23%

77%

9%

20%

23%

8%

40%

Augmentation / Apparition

73%

27%

7%

26%

24%

18%

25%

Etangs /

Surcreusements

Disparition

36%

64%

11%

29%

16%

11%

33%

Diminution

31%

69%

8%

22%

25%

6%

39%

Augmentation / Apparition

71%

29%

9%

27%

22%

19%

23%

Source : Résultats des enquêtes de terrain (2010).

136

A l'instar du constat fait dans le tableau XVI, le tableau XVII montre aussi que les réponses ne font pas l'unanimité de tous les enquêtés, mais d'une partie de ces derniers. Le constat est le même par rapport à la mémoire sur la vitesse de la dynamique masses d'eau.

L'analyse du tableau XVII permet de dire que les populations du bassin versant béninois de la Pendjari perçoivent la dynamique des cours et plans d'eau en termes de disponibilité ou non des points d'eau. Elles distinguent la diminution, la disparition et même l'augmentation ou apparition, puis identifient les causes de la dynamique observée. La durée est approximativement estimée en référence aux événements qui se sont produits en ces moments.

En effet, la mémoire populaire des habitants du bassin versant béninois de la Pendjari a révélé que depuis les sécheresses intervenues pendant la période où Maga a pris le pouvoir (référence aux années 1960) et après l'année où Kérékou a pris le pouvoir (référence aux années 1970), certaines sources et mares ont définitivement tari. Selon elles, les cours d'eau deviennent de moins en moins profonds et tarissent de plus en plus vite au fil des années. A la question par exemple de savoir "quelles sont les années où toutes les mares de la région ont tari ?" ; la première réponse presque commune est que "d'abord chaque année les mares tarissent, mais il y a des mares qui ne tarissent jamais sauf en cas de grande sécheresse". Il s'agit des mares Bali, Bori et Tabiga; toutes situées à l'intérieur du Parc Pendjari. Ensuite les périodes pendant lesquelles Maga et Kérékou ont pris chacun le pouvoir, ont été citées ainsi que les années 1983, 1984, 2000, 2003 et 2006 comme moments que ces mares ont tari.

Les révélations de la mémoire populaire confirment les récessions pluviométriques et les sécheresses intensives connues dans l'Atacora-Ouest, au Bénin et en Afrique de l'ouest démontrées par les recherches scientifiques antérieures (Boko, 1988 ; Afouda, 1990 ; Houndénou, 1999 ; Gnitona, 1999 ; Idiéti, 2004 et 2009 ; Ogouwalé, 2006 ; Kanohin et al, 2009 ; Amani et al, 2010 ; etc.).

4-2-2- Déterminants socio-culturels

Les déterminants d'ordre social et culturel de la dynamique des écosystèmes sont multiples et variés. Ils ont été largement développés par Ouassa Kouaro (2008) et se résument comme suit :

- Le premier facteur social est la démographie. L'augmentation de l'effectif des populations est la principale force de pression sur les écosystèmes.

137

L'hydro-écorégion de l'Atacora a connu un effectif de population évalué à 211 686 habitants en 1992. Cet effectif est passé à 303 386 habitants en 2002 et estimée à 430 963 habitants en 2012.

Quant à l'hydro-écorégion de Gourma établit sur les communes de Matéri, Cobli et Boukombé, l'effectif de la population était 155 094 habitants selon le RGPH 1992. Il est passé à 190 949 habitants d'après le RGPH 2002 et serait à 238 477 habitants en 2012 selon les résultats de projection.

La figure 36 présente la répartition et l'évolution de la démographie de 1992 à 2012 dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari.

Cette croissance démographique continue dans les deux hydro-écorégions accroit les besoins dans tous les domaines :

- augmentation des besoins de consommation (vivres, eau, énergie, lieux de loisir, etc.) d'où la surexploitation des ressources naturelles ;

- augmentation de la demande en denrées agricoles sur marché local et international ;

- augmentation de besoin en logements d'où l'extension des espaces bâtis, l'urbanisation (lotissement, infrastructures routières, électrification, etc.) ;

- augmentation du trafic de circulation et de transport ;

- insuffisance des terres cultivables, d'où l'exode rural, la conquête d'autres terres ; - etc.

Source de données : INSAE, Cotonou. Dessin Cartographique : IDIETI M. Edouard

138

Figure 34: Evolution de la démographie dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari

139

En plus de la démographie, il y a la chasse, les pratiques cultuelles, la pharmacopée et les faits historiques qui sont aussi les forces de pression exercées sur les écosystèmes naturels.

- En effet, la chasse traditionnelle/sportive a été toujours une activité sociale et culturelle saisonnière des populations dans le bassin versant béninois de la Pendjari (Ouassa Kouaro, 2008). Les personnes qui s'adonnent au braconnage le font parce qu'elles ont une certaine habitude de chasser. Les pratiques de la chasse sont transmises de génération en génération et relèvent d'une affaire de caste, de famille. Les aptitudes reconnues des chasseurs sont sollicitées lors de cérémonies festives ou toute autre fête pour lesquelles les populations ont des besoins prononcés en viande. Le caractère informel et illicite de cette activité ne permet pas d'avoir les statistiques pour évaluer la quantité ou le nombre d'espèces animales abattues. Mais il est reconnu qu'elle a des impacts négatifs sur la biodiversité.

- L'utilisation des ressources naturelles dans les pratiques cultuelles est courante dans les hydro-écorégions du bassin versant de la Pendjari. En effet, les communautés utilisent les ressources en eau, les animaux et les végétaux dans diverses pratiques rituelles et coutumières. Il n'est pas rare de voir les bosquets ou forêts sacrés ou d'entendre que telle ou telle espèce animale est sacrée, ou encore d'entendre que telle source ou telle mare ou marigot est sacré ou abrite une divinité. C'est le cas par exemple de la mare Bori dans le Parc-Pendjari et au village de Tchatingou (Commune de Tanguiéta), les trous d'eau dans la roche, sources de la cascade de Tanoungou, sont gardés par une divinité représentée par un serpent dans l'eau (Photos 8 a, b, c et d).

Serpent dans l'eau

a

b c d

140

Photo 8 : Trous d'eau sacrés et fétiche à Tchatingou, sources de la cascade de Tanoungou

Sur l'image "a" se trouve les deux trous d'eau dans la grotte (encerclés en rouge et agrandis en images "b" et "c"), d'où coule l'eau qui alimente les cascades de Tanoungou. Sur l'image "d", se trouve un serpent dans l'eau sous une grotte non loin de celle des trous d'eau. Ce serpent représente la divinité gardienne des trous d'eau.

Clichés : Clichés Idieti, 2009

« Les braconniers affirment que la brousse est sacrée et que n'importe qui ne pourrait y entrer pour s'adonner à la pratique de la chasse. Pour cela, ils effectuent des rites de préparation au cours desquels ils consomment des substances mystiques qui, selon leurs dires, sont sensées les protéger contre les éventuelles difficultés sur le terrain » (Ouassa-Kouaro, 2008). Ces substances mystiques sont faites à base de plantes et/ou d'animaux. Pendant les cérémonies, l'eau est le principal élément utilisé avant tout. On dénombre au total 152 forêts sacrées (N'Tia, 2006) dans la commune de Boukombé et dans le département de l'Atacora, les rivières sacrées font 7,3 %, les arbres sacrés 49,1 %, les sites sacrés 21,8 % et les autres éléments sacrés 21,8 % (Azonpkonon, 2001cité par N'Tia, 2006).

141

Il faut noter que les pratiques rituelles et coutumières ont très peu d'impacts négatifs sur les écosystèmes. Au contraire, elles protègent. Car la nécessité d'un animal, d'une plante ou d'un écosystème (forêt ou plan d'eau) pendant les cérémonies, oblige à conserver, cultiver ou élever cette espèce ou écosystème. Selon FAO (2005), les populations protègent leurs forêts pour diverses raisons qui sont en fait les fondements de la sacralisation de ces forêts à savoir : le fétichisme (60%), les cimetières (18%), les sociétés secrètes (21%), les raisons sociales (10%) et autres raisons (1%).

- A l'instar des pratiques cultuelles, la pharmacopée est un facteur social intervenant dans la dynamique des écosystèmes naturels. Outre l'alimentation, les ressources des écosystèmes naturels du bassin versant béninois de la Pendjari sont utilisées pour les besoins de la pharmacopée. Le pancréas de l'hippotrague sert à préparer des filtres d'amour, l'estomac du porc-épic est utilisé pour calmer les coliques ; l'utérus du Cob defassa sert à guérir les problèmes d'infertilité féminine (Ouassa Kouaro, 2008). La plante appelée crossus crossunum sert à laver le ventre d'une femme qui vient d'accoucher ; Dapenim (en langue biali) est un arbre qui sert à guérir la paralysie ; celui appelé Minika (en biali) guérit la toux, les douleurs et la fièvre ; quant à pukohotiou (en biali) il guérit les maux de ventre et la fièvre ; etc. (résultat de terrain, 2009).

- Les faits historiques (Ouassa Kouaro, 2008) sont aussi importants dans la dynamique des écosystèmes du bassin versant de la Pendjari. En effet, pendant les travaux de construction du barrage de Koumpienga au Burkina Faso dans les années 1980, une industrie artisanale de production de charbon de bois a vu le jour. Parmi les ouvriers, nombreux furent les béninois du bassin versant de la Pendjari. "Une fois la construction du barrage achevée, les migrants de retour ont reproduit ces activités de charbonniers dans leurs milieux respectifs et, pour ce faire, ont détruit presque toutes les forêts galeries. Il n'est pas rare de trouver sur le long de la route inter Etat (Bénin - Burkina-Faso), l'exposition des sacs de charbon de bois en vente. Or, cette activité n'existait pas traditionnellement. De plus, ceux qui ont émigré dans le Borgou (Parakou, Tchaourou, Nikki), la Donga (Bassila) et dans les Collines (Ouèssè, Glazoué et Savè) ont également appris ces techniques de production dans leurs lieux d'émigration et ont ramené ces pratiques destructrices du couvert végétal dans leurs milieux d'origine du fait de la pauvreté des sols et de la recherche de diversification de sources de revenus (Ouassa Kouaro, 2008).

142

4-2-3- Déterminants économiques

Il s'agit des activités régulières des communautés de la dynamique des écosystèmes naturels du bassin versant béninois de la Pendjari.

? L'agriculture est la principale activité des populations du bassin versant béninois de la Pendjari. Base de l'économie des populations, c'est elle qui assure la sécurité alimentaire des populations vivant dans le bassin. Elle utilise plus de 65% de la population active. Outre les principales cultures qui sont le sorgho, le mil, le maïs, le niébé, l'igname, le manioc, le tabac ; les cultures de rente que sont le coton, l'arachide et plus récemment le riz occupent une place de choix pour les échanges et la monétarisation. Les terres cultivables sont les seuls cibles de prédilection à ces fins. Hormis les zones bâties, les dalles rocheuses et les superficies occupées par les eaux, toutes les terres du bassin versant béninois de la Pendjari sont présumées cultivables. Elles sont évaluées à environ 993658 ha (Occupation du sol 2006). Chaque année, des terres sont défrichées aux fins agricoles au détriment des écosystèmes naturels. La figure 37 présente l'évolution des superficies cultivées en 10 ans (1997 - 2006) dans le bassin versant béninois de la Pendjari.

Figure 35 : Evolution des superficies cultivées dans le bassin versant béninois de la Pendjari de 1997-2006

Source : Annuaires statistiques agricoles de 1998 à 2007 ; MAEP, 2009

Il ressort de l'analyse de la figure 37 que les superficies emblavées augmentent chaque année. Cette augmentation est due essentiellement à un système agricole extensif avec des techniques encore archaïques. Ce système agricole est caractérisé par le brûlis, le défrichage et le labour toujours en conquête de nouvelles terres fertiles. Déjà assez dévastateurs des

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écosystèmes naturels, ils ont été renforcés par de la culture du coton, culture de rente qui nécessite l'utilisation des engrais chimiques et des pesticides. Il en résulte la dégradation accélérée du couvert végétal, l'appauvrissement des sols, l'assaut des cultures sur les berges des cours d'eau, la pollution des eaux par les engrais chimiques et les pesticides, l'ensablement et le comblement des cours d'eau, etc.

? L'élevage est la seconde activité économique qu'exercent les populations du bassin versant béninois de la Pendjari. La production animale est dominée par les petits ruminants (ovins, caprins), la volaille et les porcins.

Les espèces élevées sont des races locales adaptées au milieu. L'élevage de gros bétail est du type transhumant réservé aux peulhs tandis que les petits animaux domestiques sont l'affaire de toute ethnie. Les deux sexes pratiquent l'aviculture mais avec une prédominance des hommes.

L'élevage de case (volaille et petits ruminants) est caractérisé par la divagation libre des animaux dans la nature et la vaine pâture. Il n'y a pas une organisation de mise en enclos ou en cages permanente. Les animaux (volaille et/ou petits ruminants) sont libérés des cases de maisons tous les matins et récupérés les soirs. Quant à l'élevage de bovins, il est caractérisé par des pâturages non organisés. Les éleveurs guident leurs animaux à la recherche de l'herbe fraiche et de l'eau pour les nourrir et les abreuver. La figure 38 présente l'évolution du cheptel de 1998 à 2007 (10 ans).

Figure 36 : Evolution du cheptel dans le bassin versant de la Pendjari de 1998 à 2007 Source : Annuaires statistiques agricoles de 1998 à 2007 ; MAEP, 2009

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Ces formes d'élevage sont très néfastes aux écosystèmes naturels car la mauvaise gestion des pâturages et des transhumances entraine des graves destructions des ressources naturelles (piétinement, fragilisation du sol accentuant l'érosion, destruction des berges des cours d'eau, etc.).

L'analyse de la figure 38 permet de dire qu'il y a une tendance à l'augmentation du cheptel au fil du temps dans le bassin versant de la Pendjari. Ce qui amène à dire que la perspective de menace des écosystèmes naturels existe.

Les données sur la capacité de charge par rapport au cheptel ne sont pas disponibles. Néanmoins, la capacité de charge de l'ensemble de l'écosystème de la RBP est estimée à 2742 kg/km2 (PAPG-PNP, 2009) par rapport à la faune sauvage. Il a été estimé que les populations animales sont à moins de 50% de la capacité réelle de charge de l'écosystème.

Outre la destruction des ressources naturelles, la mauvaise gestion des pâturages et des transhumances entrainent des conflits au sein des populations (entre éleveurs et agriculteurs, entre éleveurs et pêcheurs) car les troupeaux de bétails dévastent les champs des paysans et détruisent les mares et marigots des pêcheurs.

? Outre l'agriculture et l'élevage, les produits de chasse et de pêche sont commercialisés chaque jour sur les marchés. Ces produits sont issus de l'exploitation des écosystèmes naturels du bassin versant béninois de la Pendjari.

En effet, « la chasse pratiquée aux alentours de la Zone d'Occupation Contrôlée (ZOC) située entre la Réserve de la Biosphère de la Pendjari et les villages riverains, constitue une activité saisonnière des communautés locales » (Ouassa-Kouaro, 2008). En dehors de la chasse sportive et le braconnage qui sont illicites, il y a la chasse autorisée aux chasseurs assermentés dans le Parc-Pendjari où les animaux à tuer sont sélectionnés et contrôlés après abattage (Photo 9).

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Photo 9 : Gobe tué dans le Parc-Pendjari et ramené au campement de chasse à Tanoungou pour contrôle.

En avant plan, se trouve le Cobe tué et les gardes-faune en tenue militaire qui mesurent les dimensions de l'animal. En arrière-plan à l'extrémité droite, se trouvent les cases du campement de chasse de Tanoungou. .

Source : Cliché Idiéti, 2009

La pêche quant à elle se pratique le long de la rivière Pendjari. Cette activité est en cours d'organisation par les pêcheurs eux-mêmes avec l'appui de la Direction de la RBP à travers l'AVIGREF. Selon les responsables de l'AVIGREF, une périodicité de pêche sur la rivière Pendjari est définie ; mais cette périodicité n'est pas toujours respect de par les pêcheurs du Burkina Faso. Outre cette lueur d'organisation, la pêche traditionnelle continue son cours avec les outils tels que la nasse, les filets, l'hameçon, etc. Certaines pratiques restent encore déplorables car elles sont très néfastes aux écosystèmes naturels. En effet, outre les pollutions des cours et plans d'eau par engrais et pesticides chimiques agricoles, il est déploré les pratiques d'introduction des substances toxiques dans les marigots aux fins de récolter facilement et rapidement une quantité importante de poissons.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote