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L'introduction du modèle coopératif sur un marché concurrentiel: l'exemple de Railcoop sur le marché ferroviaire


par Boris Chiron
Université de Nantes - Master Science Politique de l'Europe 2022
  

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B. L'influence du modèle monopolistique de la SNCF, nationalement et localement

La SNCF n'est pas seulement un veto-player mais s'avère également être le marqueur d'un modèle monopolistique encore très présent et qui influence le secteur à de nombreux échelons, localement, nationalement, au niveau des syndicats, des consommateurs, de certaines collectivités, de l'Etat. On n'efface pas plus de quatre-vingt ans de monopole en moins de deux ans, et les autres opérateurs du réseau ferroviaire, dont Railcoop fait partie, doivent évoluer dans un environnement qui ne leur est pas toujours des plus favorables. Les politiques européennes ont permis d'altérer quelque peu le statu quo national, sans le renverser pour autant105, parce que celui-ci garde tout de même une influence historique. François Carême a bien constaté que l'on «pensait que la mise en concurrence allait mettre la pression sur les anciens monopoles mais ce n'est pas du tout comme ça que cela s'est passé»106 . Pour Frédéric Laporte, «Il n'y a pas que le monopole d'exploitation mais aussi le monopole politique, et celui-ci est lourd de conséquences [...] Le monopole politique a évolué et les équilibres politiques aussi mais pour autant il y a des bastions qui restent». Le domaine des transports en général est en effet un domaine particulièrement marqué par une certaine idée de l'action publique, très colbertiste et jacobiniste, ce qui peut expliquer que l'État, ancien actionnaire majoritaire de la SNCF, occupe encore aujourd'hui une place très importante dans la définition de la politique de construction et d'exploitation des réseaux ferrés107. Railcoop est donc parfois vue d'un mauvais oeil par certaines personnes et instances attachées à la SNCF. Marius Chevallier, sociétaire, l'a bien constaté: « il y a eu pas mal de méfiance, notamment de la part d'anciens de la SNCF qui doutaient de notre crédibilité et de nos compétences, qui nous prenaient pour des «rigolos». Sur les réseaux sociaux il y a une équipe de modérateurs très impliqués car il peut y avoir beaucoup d'attaques parfois [...] on sait que le projet ne plaît pas à tout le monde»108. Localement, la SNCF peut aussi avoir une influence forte, comme à Périgueux, ville qui accueille des ateliers de la SNCF, où la maire, Parti Socialiste, a refusé d'accorder la participation de la ville à Railcoop, alors qu'elle y était favorable à la l'origine, et que la Communauté Commune du Grand Périgueux avait voté une participation de 15 000 euros. L'argument affiché est le refus d'entrer dans un schéma de subvention à des concurrents de la SNCF. Cela se constate aussi dans certains courants

105 JUVEN, P. & LEMOINE, B., op. cit.

106 Entretien avec F.Carême

107 CAFARELLI F., Les collectivités territoriales et l'activité ferroviaire, in (sous la dir.) VIDELIN J. C., op. cit.

108 Entretien avec M.Chevallier

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politiques où l'influence de la SNCF est encore très forte. Le Parti Communiste, très marqué par la CGT Cheminots, est ainsi le seul mouvement politique à s'opposer clairement à la réalisation des projets de la SCIC. Ils sont par exemple les seuls à avoir voté contre la subvention à Railcoop à Montluçon, mais aussi à Périgueux. En effet, les syndicats de cheminots sont les plus réticents à cette initiative, eux qui sont déjà très marqués par les conséquences de l'ouverture à la concurrence sur le fret (perte de 45% de part de marché pour la SNCF depuis 2006). Les réactions nombreuses témoignent de cette frustration de voir l'argent public des collectivités aider Railcoop et non la SNCF. Pour Jérôme Jean, de la CGT cheminot Périgueux, «C'est une fumisterie et un moyen de détourner l'attention des réels enjeux. Si on arrêtait de supprimer des emplois chez les cheminots, si l'Etat jouait son rôle d'aménagement du territoire, il n'y aurait pas besoin de Railcoop»109. Gilles Tillet, secrétaire de la CGT cheminot à Capdenac affirme que «C'est un projet privé, qui sert les intérêts de quelques-uns avec l'argent public, puisque les collectivités territoriales sont sociétaires»110. Sentiment confirmé par cet extrait d'un communiqué de la CGT cheminots «Railcoop participe à l'atomisation du système, à la remise en cause de l'égalité de traitement des territoires et à l'abandon pur et simple du service public ferroviaire [...] Le développement du ferroviaire ne pourra se faire que par la SNCF»111. Le déclin de la SNCF, certes limité mais existant, est assez mal vécu par une partie de la population et les nouveaux opérateurs plus vertueux, conséquences de la libéralisation, sont alors montrés du doigt. Cette influence encore très présente peut donc, on le voit, être parfois un frein au développement de Railcoop, une initiative qui intrigue par son modèle coopératif mais aussi par la réussite de ce modèle qui se veut national. La SCIC doit alors convaincre ses détracteurs qu'elle n'est pas une cause des problèmes (dette, besoin de rentabilité, obligation de fermer des lignes) rencontrés par la SNCF mais bien une conséquence.

109 France 3 Nouvelle-Aquitaine (2021, 18 mars). Railcoop et la relance de la ligne Bordeaux-Lyon

110 CASTRO M. (2021, 17 novembre). Railcoop fait rouler son premier train. Ouest France

111 La Dépêche du Midi (2022, 5 janvier). La CGT cheminots contre la relance du fret par Railcoop.

ladepeche.fr.

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