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Lutte contre les discriminations et intégration des immigrés d'Afrique Subsaharienne : Approche d'analyse à  Evry

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par Brice Arsène Mankou
Université d'Evry Val d'Essonne - Master Interdisciplinaire de citoyenneté droits de l'homme et action humanitaire 2004
  

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UNIVERSITE D'EVRY VAL D'ESSONNE

UFR DES SCIENCES SOCIALES ET DE GESTION

LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS

ET INTEGRATION DES IMMIGRES

D'AFRIQUE SUBSAHARIENNE :

APPROCHE D'ANALYSE A EVRY

MEMOIRE DE 3EME CYCLE - INTERDISCIPLINAIRE DE CITOYENNETE DROITS DE L'HOMME ET ACTION HUMANITAIRE 

Sous la Direction de :

- M. Alain LE GUYADER, Responsable de la formation, Sociologue, Maître de Conférence à l'Université d'Evry Val d'Essonne

Présenté et soutenu par Brice Arsène MANKOU

Année universitaire 2004 - 2005

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier toutes les personnes qui m'ont aidé à la réalisation de ce mémoire.

A mon professeur Monsieur Alain Le Guyader pour avoir accepté de diriger mon travail

A mon professeur Monsieur Olivier Lecour Grand Maison Maître de Conférence et professeur de science politique

Aux membres du CPDE 5Centre pour la Promotion et la Défense des droits de l'enfant), qui m'ont aidé par leur soutien moral et leur appui matériel

A Monsieur le Député-Maire d'Evry, Manuel Valls qui m'a autorisé à travailler avec son équipe

A Monsieur Salliou Diallo, Maire Adjoint d'Evry, qui a eu confiance en mon projet et qui a mis tout en oeuvre pour que je puisse le finaliser

A Madame Maryse Fontaine, Chef du service de l'Intégration et de la lutte contre les discriminations, qui m'a soutenu dans mon travail

A Monsieur Papa Abdou de l'Association DISFRICA

SIGLES

MOUS Maître d'Oeuvre Urbain et Social

FASILD Fonds d'Action Sociale, Intégration et Lutte contre Les Discriminations

POPS Protocole d'Occupation du Patrimoine Social

ORU Opération de Renouvellement Urbain

ZFU Zone Franche Urbaine

GUP Gestion Urbaine de Proximité

PLA Plan Local d'Habitation

GIP Groupe d'Intérêt Public

FPCi Chambre de Commerce et d'Industrie

CEL Contrat Educatif Local

CLAS Contrat Local Accompagnement Scolaire

VVV Ville/Vie/Vacances

GPV Grand Projet de Ville

CDAS Centre Départemental d'Action Sociale

CODAC Commissions Départementales d'accès à la citoyenneté

GELD Groupe d'étude et de lutte contre les discriminations

DDASS Direction Départementale des Affaires sociales et sanitaires

I - INTRODUCTION

Considérée depuis le XIXe siècle, comme « terre d'immigration », la France est pour de nombreux étrangers francophones de l'Afrique SubSaharienne, la première destination que d'aucuns ont appelé « terre promise ». En effet, ils sont nombreux chaque année à venir en France. Les raisons évoquées par les uns et les autres sont diverses et variées : poursuite des études, exil forcé du fait des conflits armés, regroupement familial, recherche d'un mieux être... etc.

Si les premières vagues d'immigration Belges, Italiennes, Polonaises et Portugaises sont arrivées en France autour des années 1880 et 1890 lors de la Révolution Industrielle, l'immigration tout au moins celle de l'Afrique SubSaharienne n'est apparue qu'avec la deuxième guerre où la France avait besoin de ses anciennes colonies pour combattre à ses côtés d'une part et contribuer à sa reconstruction de l'autre. Ce fut donc le départ du phénomène d'une immigration plutôt choisie pour reprendre l'expression de M. Nicolas Sarkozy, Président de l'UMP (Union pour un Mouvement Populaire), que d'une immigration subie1(*) qui occupe actuellement une place de choix dans le débat public français.

Avec la période dite des trente glorieuses, plusieurs millions d'étrangers sont venus travailler en France. Cette immigration « ouvrière » connaîtra un frein en 1974 par la « crise du secteur pétrolier » aux conséquences socio-économiques importantes pour la France qui aura, pour la première fois de son histoire, un taux élevé de chômage.

Après cette période, la France continuera à accueillir les étrangers au titre du regroupement familial, du droit d'asile et de la poursuite des études pour les étudiants.

Dès lors, il se posa pour l'accueil des familles immigrées plusieurs types de problèmes liés notamment à l'accès au logement, à l'emploi, à l'école de la République pour les enfants de ces familles accueillis dans ce cadre.

Tous ces problèmes vont engendrer des discriminations. Et celles-ci sont ni plus, ni moins que des inégalités, des injustices dont sont victimes les immigrés accueillis dans notre pays. Mais qu'est-ce que la discrimination ? Quelles en sont les causes, les manifestations et les conséquences dans une ville Francilienne comme Evry ? C'est autant de questions qui sont au coeur de notre réflexion intitulée : "Lutte contre les discriminations et intégration des immigrés d'Afrique Subsaharienne : Approche d'analyse à Evry".

A l'issue d'un stage pratique effectué dans le Service de la Politique de la Ville notamment au service de l'intégration et de la lutte contre les discriminations de la Ville d'Evry, nous avons voulu analyser le modèle «Evryéen» en matière de lutte contre les discriminations par l'intégration des étrangers. Le choix d'Evry s'explique par le fait que cette ville francilienne est l'une des rares en France à consentir des efforts, tant dans sa pratique, que dans ses textes à intégrer les dispositifs nationaux et européens de lutte contre les discriminations. Le fait d'avoir dans ses services un département d'intégration et de lutte contre les discriminations témoigne bien que le modèle «Evryéen» est loin de faire des émules. C'est donc cette approche d'analyse que nous proposons à travers ce mémoire de 3ème cycle qui s'inscrit dans le cadre de la préparation du diplôme d'Etudes Universitaires Supérieures et Professionnalisées (DESUP) à l'Université d'Evry Val d'Essonne.

Ce mémoire se fonde donc sur des témoignages recueillis sur la base des entretiens que nous avons eus avec des victimes de la discrimination, rencontrées à Evry ou en dehors d'Evry.

Fruit d'une longue enquête menée grâce au concours des Elus, des Services et des Associations de la ville d'Evry, ce travail, qui couronne une année universitaire de recherche permet de cerner les questions liées à la discrimination et à l'intégration des immigrés originaires d'Afrique Subsaharienne. Parmi ces victimes, toutes ou presque ont requis l'anonymat, ce que nous avons respecté tout au long de ce mémoire.

I.1 - PROBLEMATIQUE ET DEFINITION DES CONCEPTS DISCRIMINATION, INTEGRATION ET IMMIGRATION

A) LA DISCRIMINATION

Le concept de discrimination est apparu en France avec le racisme et la xénophobie. Aujourd'hui tout le monde s'accorde à dire que le racisme est quasiment banni dans notre société et pourtant, il continue d'exister sous des formes voilées et sournoises dans toutes les sphères intellectuelles, politiques, économiques et sociales. Combien de fois n'avons-nous pas entendu parler des cas de discrimination dans nos régions, nos départements, nos villes et nos quartiers ?

Des discriminations dues simplement à la couleur de la peau, au nom patronymique, au lieu de résidence. C'est inadmissible, car ces pratiques brisent notre pacte républicain qui passe par l'égalité de tous en droits. L'absence de preuves de la discrimination rend quelque peu difficiles les poursuites judiciaires, mais nous sommes convaincus que pour lutter contre les discriminations en France, il faut briser l'impunité dont peuvent bénéficier les auteurs de ces pratiques qui se justifient souvent par des propos tels que : « je ne suis pas raciste, je ne suis pas xénophobe », « Qu'on me prouve que je suis raciste ou xénophobe ».

Les discriminations pour reprendre l'expression de Manuel Valls, Député Maire d'Evry, apparaissent finalement comme un « Apartheid social, territorial, ethnique qui est en train de s'imposer, qui est en train de devenir une réalité dans notre société »2(*)

Lorsque l'on veut définir la discrimination, il y a plusieurs esquisses de définitions parmi lesquelles celle de l'article 225-1 du code pénal en vigueur en France qui stipule :"Constitue une discrimination, toute distinction opérée entre les personnes physiques en raison de leurs origines, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs moeurs, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou non appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nationalité, une race ou une région déterminée".

Dans cette perspective, une discrimination est toujours vécue de la part de celui qui la subit comme une souffrance, une violence et une injustice. La discrimination pourrait-on dire est une violation des Droits de l'homme. Or, que d'actes discriminatoires se déroulent souvent sous nos yeux sans que cela ne nous émeuve. Les discriminations en France se banalisent et à cet effet, la Déclaration de Grenelle adoptée par consensus, le 11 mai 1999, par l'Etat Français et ses partenaires sociaux, fait ce constat clair : "... les discriminations fondées sur l'origine étrangère, réelle ou supposée des personnes vivant en France ont tendance à se banaliser..." 3(*)

Par conséquent, les discriminations poursuit cette déclaration constituent des "violations des principes élémentaires du droit". Dans une République fondée sur des valeurs de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et qui stipule notamment dans son article 1 que : "les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit".Les discriminations apparaissent comme une « honte » pour notre République.

La discrimination, comme on peut le constater est finalement l'anti-thèse de ce principe d'égalité pour tout ce qui constitue le fondement constitutionnel du droit public français. Comme le disait Martine Aubry, alors Ministre de l'Emploi et de la Solidarité aux Assises de la Citoyenneté à Paris : "... Dans notre pays, ce principe républicain est trop souvent bafoué. Alors oui des discriminations existent. Nous le savons. L'Etat ne peut pas être sourd à tous ces témoignages. Et je le dis avec force : à chaque acte discriminatoire, c'est la République tout entière qui vacille. La couleur de la peau, un nom, un prénom, parfois une simple adresse, barrent l'accès à un emploi, à un logement, à une boîte de nuit et compliquent aussi, reconnaissons-le les relations avec certains services publics. C'est inadmissible. La discrimination est une violence, le délit d'adresse est une violence. C'est cette violence qui ébranle le pacte républicain. La République ne peut admettre de tels comportements. C'est contraire à ses valeurs, à son esprit, à sa philosophie... "4(*)

B) L'INTÉGRATION

Le mot « Intégration », pour reprendre les, termes de Dominique Schnapper, dans son livre : La France de l'Intégration 5(*)contient des potentiels infinis et des malentendus.

Pour définir l'intégration, nous nous appuierons sur la définition retenue par le Haut Conseil de l'Intégration dans son rapport de 1991 intitulé : "Pour un nouveau modèle d'intégration «L'intégration consiste à susciter la participation active de la société tout entière de l'ensemble des femmes et des hommes appelés à vivre durablement sur notre sol en acceptant sans arrière pensée que subsistent des spécificités notamment culturelles, en mettant l'accent sur les ressemblances et les convergences dans l'égalité des droits et des devoirs afin d'assurer la cohésion de notre tissu social»6(*)

Dans ce sens, l'intégration est une "démarche active", car deux processus se mettent en oeuvre "le processus de s'intégrer" pour l'immigré et le "processus d'intégrer" pour la société qui accueille cet immigré. A ce propos, Maurice Duverger dans son livre : Introduction à la Politique, définit l'intégration comme "un processus d'unification d'une société qui tend à en faire une cité harmonieuse, basée sur un ordre ressenti comme tel par ses membres » 7(*)

C'est ainsi que « unifier une société, selon lui, c'est d'abord supprimer les antagonismes qui la divisent ». Et nous savons qu'en France beaucoup d'antagonismes empêchent les étrangers de s'intégrer dans notre pays.

Selon le vocabulaire philosophique de Lalande l'intégration est « l'établissement d'une interdépendance plus étroite entre les parties d'un être vivant ou entre les membres d'une société ».

Altay Manço, dans son livre : Intégration et Identité, stratégies et positions des jeunes issus de l'immigration, estime que l'intégration est « un concept à géométrie variable et qui varie selon les disciplines ».8(*)

En Biologie et en Ecologie, l'intégration correspond à « l'ajustement réciproque des éléments constitutifs d'un système vivant permettant à ce dernier de former un tout équilibré ».

En Physiologie, l'intégration est « la constitution d'organes différents à un fonctionnement global et harmonieux ».

En psychologie, l'intégration correspond "à la construction d'une cohésion entre motivations antagoniques. Tandis qu'en sociologie, elle renvoie au processus de participation à la construction d'un équilibre entre diversité et unités sociales et culturelles. »

Sur le plan historique, voici quelques dates qui montrent qu'en France l'intégration des immigrés a toujours été une préoccupation pour les autorités françaises. Voici quelques dates :

- En 1998 le Haut Conseil à l'intégration remet un rapport intitulé : « Lutte contre les discriminations pour faire respecter le principe d'égalité », et en Octobre 1998, ce rapport sera suivi des mesures en faveur de la lutte contre les discriminations et l'intégration des minorités en France. Parmi ces mesures, on retiendra, la mise en place,

- En 1999 dans tous les départements des Commissions Départementales d'accès à la Citoyenneté (CODAC) instituées par une circulaire du Ministère de l'Intérieur de janvier 1999. Toujours en 1999, on assiste à la création du Groupement d'Intérêt public et du Groupe d'étude sur les discriminations devenu entre temps, Groupe d'Etude et de lutte contre les discriminations (GELD).

- En 2000, on créa un numéro 114 pour les victimes du racisme.

- Le 16 novembre 2001, on promulgue en France une loi relative à la lutte contre les discriminations, qui est le prolongement national des directives européennes en la matière.

C) L'IMMIGRATION

L'immigré

Un immigré, rappelle l'Insee, dans son rapport sur la population « est une personne née à l'étranger, mais qui ne possède pas la nationalité française » . L'immigré est donc une personne née étrangère dans un pays étranger et qui vit hors de son pays d'origine. C'est un concept fondé sur un double critère de nationalité et du lieu de naissance. Un immigré est donc un étranger. Certaines personnes en France ont donné à ce concept une connotation plutôt négative que positive, alors que pour les démographes l'immigré est celui qui appartient "à la catégorie des personnes d'origine étrangère". Or en France, être immigré, c'est être porteur et victime de stéréotypes défavorables. Nous entendons souvent parler de "quartier d'immigrés" pour désigner un quartier sensible où vivent des familles étrangères.

Mais en France qui est immigré et qui ne l'est pas ? Une étude montre qu'un français sur trois a un de ses aïeux d'origine étrangère.

La France est une république une et indivisible, et doit par conséquent considérer tous ses citoyens comme ayant les mêmes droits. L'immigré est donc cet étranger dont parle Mustapha Bourmmani dans son article « la notion d'étranger à la variable ethnie, »  l'immigré écrit-il dans cet article, désigne «la personne qui n'est pas née dans le pays où elle est venue s'installer».

I.2 -LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS

Lutter contre les discriminations, c'est admettre que ces phénomènes existent hélas dans notre société. Pourtant la France dispose d'un important arsenal juridique antiraciste et anti discriminatoire, qui dénonce les discriminations en affirmant l'égalité pour tous en droit. Malgré tous ces textes, les discriminations n'ont pu être éradiquées.

De 1946 à 1958 :

PLAN INTERNE

Sur le plan interne, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en raison de son principe d'égalité constitue sans conteste l'un des textes juridiques qui consacrent pour la première fois en France le principe de la lutte contre les discriminations. Ce texte affirme avec force et détails, l'égalité entre les hommes en droits. Ensuite il y a la constitution française de la IVème République de 1946, qui stipule dans son préambule que : « le peuple français proclame que tout être humain, sans distinction de race, de religion, de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ». Ce préambule de la Constitution de la IVème République de 1946 est complété par celui de la Vème République de 1958 qui proclame solennellement son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789. De plus, l'article 1er de cette constitution de 1958 réaffirme le principe d'égalité à tous les citoyens devant la loi.

Ces trois textes ont donc une valeur constitutionnelle. Par ailleurs, la France a voté à l'unanimité une loi contre le racisme le 1er juillet 1972, et cette loi affirme que : « le racisme est un délit ».Ce délit se manifeste par exemple dans le refus de service dans un restaurant ou tout autre lieu de loisir, boîtes de nuit, le refus d'embauche, le refus de logement, sur des bases raciales. Toutes ces discriminations relèvent désormais de l'infraction pénale.

PLAN INTERNATIONAL

Sur le plan international, le 10 décembre 1948, les Nations-Unies adoptent la Déclaration Universelle des droits de l'homme qui dans son article 2 condamne toute discrimination fondée sur l'origine réelle ou supposée des individus.

Deux ans plus tard, en 1950, la Convention Européenne viendra confirmer cette déclaration notamment dans son article 14 qui s'oppose à la discrimination fondée sur la race, le sexe, la religion : « la jouissance des droits et libertés doit être assurée sans distinction aucune fondée sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion (...) l'appartenance à une minorité nationale ». En 1958, la Convention de l'OIT (Organisation Internationale du Travail) relative à la discrimination en matière professionnelle, sera adoptée.

Sur le plan international la France, en tant que pays membre des Nations Unies, a adopté la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et ratifié plusieurs conventions internationales dont celle sur l'élimination de toutes les formes de discriminations raciales de 1965, ainsi que celle sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes de 1979.

La France a en partie ratifié la charte sociale européenne, révisée le 3 mai 1996, le traité de Maastricht, confirmé par ceux d'Amsterdam et de Nice, qui condamnent les discriminations en plaçant la lutte contre celles-ci au coeur de l'Europe.

Mais au nom de quoi ce principe d'égalité, malgré tous ces textes juridiques est trop souvent bafoué ? Pourquoi, sommes-nous parvenus en France à cette banalisation des discriminations ? C'est autant de questions qui vont nous aider à comprendre le phénomène des discriminations à Evry, en évoquant l'histoire de l'immigration subsaharienne.

En outre, plusieurs directives européennes parmi lesquelles

- la directive relative à la mise en oeuvre du principe d'égalité et de traitement hommes femmes en 1976.

- des directives de 1996, sur la charge de la preuve dans la discrimination en raison du sexe.

- deux autres directives dont l'une sur la mise en oeuvre de l'égalité de traitement entre personne, sans distinction de race et d'origine ethnique, l'autre créant un programme d'actions communautaires de lutte contre les discriminations.

Au regard de tous ces textes juridiques sur le double plan : interne et international, il est évident que la lutte contre les discriminations porte atteinte à la cohésion sociale et constitue un véritable recul de la France, considérée souvent comme le pays des droits de l'homme.

1.3 HISTOIRE DE L'IMMIGRATION A EVRY

C'est en 1965, que le Général de Gaulle va décider de créer cinq villes nouvelles autour de Paris, du fait de l'augmentation de la population dans la capitale.

Quatre communes se réunissent, à savoir : Bondoufle, Courcouronnes, Lisses, Evry pour former la ville nouvelle d'Evry. La ville connaît son essor avec la construction d'immeubles, de routes, d'écoles, d'entreprises et de commerces. Ainsi de nombreux immigrés s'installent progressivement dans la ville pour contribuer à cette construction d'Evry.

Après les Portugais et les Mahgrebins, les originaires de l'Afrique Subsaharienne notamment les Maliens, les Sénégalais et les Congolais qui n'arriveront que plus tard dans la ville, plusieurs étrangers vont s'installer à Evry

A) L'ACCUEIL DES PRIMOS-ARRIVANTS

Evry se caractérise par la diversité de sa population. C'est une richesse dont la ville est fière, Cette mosaïque de cultures fait donc sa particularité.

C'est en 1975, avec la construction de la gare d'Evry et des logements sociaux, que va se développer dans cette ville, une immigration ouvrière qui fera appel à une main d'oeuvre étrangère. Le regroupement familial permettra aux familles de peupler des quartiers comme « les Pyramides » où vivent actuellement beaucoup d'immigrés originaires d'Afrique Subsaharienne.

L'accueil des primos-arrivants va favoriser une sorte de « métissage » au point où Evry devient à l'image de la France entière, une ville multicolore et multiethnique ouverte sur les cultures d'ailleurs. L'image que donne la ville avec l'intégration des primos-arrivants témoigne bien que le respect des autres si différents de nous n'est plus un handicap à Evry, mais plutôt une richesse.

B) REGROUPEMENTS FAMILILIAUX

Le regroupement familial a permis aux familles immigrées, notamment à celles venant de la République Démocratique du Congo (ex Zaïre), fuyant la repression de Mobutu Sesse Seko, de s'installer à Evry. Paris ne pouvant plus leur offrir de logements, Evry a accueilli ces familles qui ont obtenu pour la plupart des statuts de réfugié.

A côté de cette « immigration forcée » pour ces familles «Evryéennes », quelques unes d'entre elles se sont installées faute de trouver un logement ailleurs qu'à Evry.

C) INSTALLATION DES FAMILLES IMMIGRÉES DE L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE À EVRY (PREMIÈRE ET DEUXIÈME GÉNÉRATION)

Les familles d'Afrique Subsaharienne se sont installées d'abord autour des quartiers commes les Pyramides qui offraient plus de logements sociaux, avant de s'installer dans les autres quartiers comme les Epinettes et les Aunettes. Avec cette installation, c'est toute une génération d'enfants nés en Afrique et en France qui va émerger dans ces quartiers. Sortie de l'adolescence vers les années 80, avec des parents frappés souvent par le chômage, ces enfants ont connu des discriminations à l'école et dans l'accès aux loisirs. Les cités d'habitat social étant « malfamés », ils ont été victimes des clichés et stéréotypes négatifs sur leurs lieux de résidence et le statut de leurs parents. Malgré cela, ces jeunes ont été à l'avant-garde d'un mouvement associatif qui connaîtra son apogée entre 1983 et 1984. C'est une prise de conscience qui partira de cette génération pour demander la garantie de l'égalité des chances et leur reconnaissance comme « Evryéen » à part entière. A partir de cette période, on commençait à enregistrer les premières associations de ressortissants d'Afrique Noire. Ces associations vont avoir tout d'abord comme cheval de bataille, la solidarité vers leurs pays d'origine et ensuite, elles se proposeront d'aider les familles africaines à l'intégration. On peut dire que les premières générations d'immigrés de l'Afrique Subsaharienne se sont mobilisées pour leur survie (travail, logement) et la deuxième génération est partie d'une prise de conscience pour dénoncer les discriminations et exiger plus de droits.

Ces installations de familles ont quelque peu provoqué des tensions entre les jeunes dans les quartiers, mais aujourd'hui la multiracialité d'Evry est plutôt un facteur d'enrichissement qu'une source de conflits.

II - LES DISCRIMINATIONS : VIOLATIONS DU DROIT A L'EGALITE

Les droits de l'homme sont nos droits à tous, des droits inhérents à l'espèce humaine. Les droits de l'homme constituent donc un ensemble de normes par lesquels les hommes deviennent humains, avec leurs privilèges et leurs immunités. Devenir humain, c'est accéder à ce processus qui confère à l'homme le statut d'humain. Ce que l'anthropologie nous propose, c'est un ensemble de processus d'humanisation de l'homme qui connaît plusieurs étapes à travers lesquels émergent constamment des humains.

Dans ce processus, il y a quatre étapes selon le Pr Fabien EBOUSSI BOULAGA, dans son cours intitulé : Anthropologie des droits de l'homme

- la socialisation : est un processus par lequel l'homme obtient sa reconnaissance comme humain

- la personnalisation : est l'ensemble des processus échelonnés sur les étapes et phases de l'existence biologique qui confèrent des capacités ou facultés d'établir des rapports sociaux, d'avoir des statuts et de jouer des rôles valorisants pour l'individu en contribuant au maintien de la communauté dont il est membre.

- la sexualisation : est une spécification des processus de socialisation et de personnalisation, et une capacité de nouer un type de relation, c'est-à-dire de participer aux processus fondamentaux de l'échange de paroles, des symboles, des personnes et des biens. L'homme est androgyne, l'humain est homme et femme.

- Le processus de civilisation : c'est la reconnaissance des processus de sexualisation, de personnalisation et de socialisation au de là du principe de consanguinité.

Dans une société fondée sur des règles, le droit à l'égalité doit être respecté. Comme le souligne la Déclaration du 27 juin 1793, « le but de la société est le bonheur commun. Le gouvernement est institué pour garantir à l'homme la jouissance de ses droits naturels imprescriptibles. Ces droits sont l'égalité, la liberté, la sûreté, la propriété. Tous les hommes sont égaux par la nature et devant la loi ».Or traiter par des pratiques discriminatoires l'immigré, qui est un homme différent de moi est une négation du « droit à la l'égalité » qui a pour conséquence : les discriminations de tous genres. Et les droits de l'homme, selon Jankélévitch, dans son livre : Paradoxe de la morale « ne sont pas les privilèges qu'un groupe humain plus ou moins clos, revendique par rapport à un autre groupe humain, le droit de vivre, le droit d'exister et de respirer, le droit à la liberté sont des droits élémentaires qui n'ont ni goût, ni saveur, ils vont de soi... » 9(*)

Devant les discriminations qui se banalisent de plus en plus, dans notre société, les bonnes intentions ne suffisent plus. Il faut agir sur ceux qui prennent prétexte de la différence de la couleur de peau, du lieu de résidence, du sexe, de nationalité pour pratiquer la discrimination.

Dans ces conditions, comme l'écrivait Thomas Hobbes dans le LEVIATHAN : « Les conventions sans le glaive ne sont que des paroles ». 10(*) Autrui, même différent a droit au respect de sa personne.

Martin Heidegger définissait « Autrui » comme « un moi qui n'est pas moi ».

Le droit à l'égalité commence à devenir problématique lorsqu'on considère que l'autre, l'étranger, l'immigré n'est pas un sujet de droit. En ce moment, naissent le racisme, la xénophobie, l'exclusion et les discriminations liées à l'embauche, à l'emploi, au logement, à une vie décente et aussi à l'intégration. Car, il existe aussi des discriminations à l'intégration.

Pourtant l'article 2 de la Déclaration Universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 condamne toute discrimination.

Dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, notre attention est attirée par l'article 2 qui interdit la discrimination, mais aussi par les articles :

Article 6 qui confère à tout être humain un droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique

Article 15 qui donne à chacun le droit à la nationalité et à changer de nationalité. Or, nous savons qu'en France l'accès à la citoyenneté française n'est pas un droit, comme l'affirment certaines préfectures. Beaucoup de ressortissants d'Afrique Subsaharienne, malgré le fait qu'ils travaillent, payent leurs impôts en France se sont vus refuser l'accès à la citoyenneté. Pire, ces étrangers résidents en France, qui sont très nombreux en France, ne peuvent participer aux élections municipales.

Article 16 stipule que « chacun a droit au mariage et à la famille ». Aujourd'hui, en France, il est difficile pour un africain de se marier sans que les autorités ne suspectent un « mariage blanc », surtout lorsqu'il s'agit de couples mixtes.

Article 21 évoque le droit pour tout être humain d'accéder à des fonctions publiques et aux droits à des élections libres.

que d'immigrés, faute d'accéder à la citoyenneté française sont exclus des emplois de la fonction publique

que d'emplois dans le secteur public et privé sont réservés aux seuls français. Parmi ces emplois, voici une liste non exhaustive de professions fermées aux immigrés et réservées aux seuls français

Activités commerciales spécialisées

Débitants de boisson

Débitants de tabac

Agriculture

Collecteurs agréés de céréales

* 1 Immigration choisie plutôt qu'une immigration subie » propos de Nicolas Sarkozy, lors d'une intervention télévisée sur France 2

* 2 Apartheid social, territorial, ethnique, expression de Manuel Valls Député Maire d'Evy, lors de son discours à l'occasion du colloque intitulé : « Les jeunes diplômés issus de l'immigration et l'accès à l'emploi », que la ville d'Evry avait organisé en 2003.

* 3 Déclaration de Grenelle du 11 mai 1999

* 4 Discours de Martine Aubry, actuelle Maire de Lille aux Assises de la Citoyenneté, le 18 mars 2000 à Paris

* 5 Dominique Schnapper, - dans son livre la France de l'Intégration, sociologie de la Nation, Paris - Ed Gallimard - 1990

* 6 Rapport du Haut Conseil de l'Intégration de février 1991

* 7 Introduction à la Politique de Maurice Duverger, Ed Gallimard - 1964 page 249

* 8 Altay Manço - Intégration et identités : stratégies et positions des jeunes issus de l'immigration, Ed de Boeck - 1999

* 9 Vladimir Jankélevitch, Paradoxe de la Morale - Ed Seuil 1981 - 187 pages

* 10 Thomas Hobbes - LEVIATHAN - Ed Latine - Trad. Tricaud - Ed Sirey - 1971

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault