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Les droits des agriculteurs et le marché mondial des gènes

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par Monia BRAHAM epse YOUSSFI
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis II - DEA en Droit de l'Environnement 2006
  

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§1- l'articulation entre la CDB et l'accord ADPIC :

Les rapports entre la CDB et l'accord ADPIC sont souvent conçus sous l'angle du conflit. Face à cette vision, l'on s'efforce de défendre l'idée de la primauté de la CDB sur l'accord ADPIC. A cet effet, l'article 8j de la CDB, les dispositions qui y sont connexes et l'article 16.5 de la CDB constituent le fondement de la thèse de la primauté (A).

Partant de l'hypothèse contraire, celle de la cohérence entre les deux textes (B), comment peut-on reformuler le concept "des droits des agriculteurs" dans les rapports commerce/environnement ?

A - la thèse de la primauté de la CDB sur l'accord ADPIC :

La primauté de CDB comme instrument de Droit international qui institue à la charge de la communauté des Etats une obligation de protection des ressources biologiques face à l'accord ADPIC qui reconnaît des droits privatifs sur la diversité biologique est appréhendée comme une hiérarchisation entre les deux textes.

L'objectif de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique devrait prévaloir sur les droits privatifs qui visent à travers la création de monopoles d'exploitation par les droits de la propriété intellectuelle507(*) à avoir le contrôle d'un patrimoine naturel et culturel dont la préservation de ses composantes est cruciale pour l'humanité toute entière. Un auteur a même écrit : «  la protection de la planète doit se substituer à la protection des brevets »508(*).

L'idée de la primauté part de l'hypothèse du conflit entre ces deux textes de Droit International, elle résulte de l'analyse de deux articles de la CDB : L'article 8j (I) et l'article 16.5 (II).

I- Une primauté sur le fondement de l'article 8j :

La lecture de l'article 8j dans le sens de la primauté s'inscrit dans le cadre d'une vision patrimoniale des RPG dont la portée est largement favorable au maintien des écosystèmes traditionnels.

Cette portée est déterminée par l'insertion de cet article dans le cadre de la CDB c'est à dire à travers la lecture de cet article à la lumière des autres dispositions de la convention portant sur les savoirs traditionnels des populations locales et autochtones (a), elle devrait être située par rapport à l'analyse du problème autochtone dans d'autres instruments de Droit International (b).

a- La portée de l'Article 8 j de la CDB à la lumière des dispositions connexes509(*):

La portée de l'article 8j peut être déterminée par rapport au préambule de la CDB « Reconnaissant qu'un grand nombre des communautés locales et de populations autochtones dépendent étroitement et traditionnellement des ressources biologiques sur lesquelles sont fondées leurs traditions et qu'il est souhaitable d'assurer le partage équitable des avantages découlant de l'utilisation des connaissances, innovations et pratiques traditionnelles intéressant la conservation de la diversité biologique et l'utilisation durable de ses éléments ».

Le rôle des connaissances traditionnelles des populations autochtones et des communautés locales en matière de conservation de la diversité biologique, du partage équitable des avantages et de la participation et l'accord de ces communautés à tout accès à leurs ST a été reprise au niveau du texte de l'article 8 j sachant que l'article 8 porte spécialement sur la conservation in situ de la diversité biologique « chaque partie contractante, dans la mesure du possible et selon qu'il conviendra : J ...sous réserve des dispositions de sa législation, respecte, préserve et maintient les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique et en favorise l'application sur une plus grande échelle, avec l'accord et la participation des dépositaires de ces connaissances, innovations et pratiques et encourage le partage équitable des avantages découlant de l'utilisation de ces connaissances, innovations et pratiques ».

Plusieurs principes découlent donc de l'application de l'article 8 j :

1. L'exigence de l'accord des communautés autochtones et locales par rapport à toute utilisation de leurs connaissances et innovations.

2. Le droit de participation dans le processus d'utilisation de ces connaissances.

3. Le partage des avantages découlant de cette utilisation.

L'intérêt de la protection des connaissances traditionnelles est appréhendée selon deux logiques: L'importance de ces connaissances, pratiques et innovations est reconnue aussi bien par rapport à la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité que pour son utilisation commerciale. La primauté vise à privilégier la fonction écologique de la biodiversité par rapport à son utilisation commerciale ?

- La fonction écologique des connaissances traditionnelles:

L'analyse du concept « droits des agriculteurs » dans le cadre du TIRPGAA a démontré que le principe de la répartition des avantages contribue à assurer la fonction écologique de l'agro-biodiversité, cette vision peut être adoptée dans le cadre d'un régime international sur la répartition des avantages.

La protection des écosystèmes et de la variabilité inter et intra-spécifique constituent dans cette vision l'objectif d'un régime juridique de répartition des avantages issus de la diversité biologique. La fonction écologique de la biodiversité qui s'insère dans le cadre des impératifs de la stimulation des pratiques soutenables des populations autochtones et locales par rapport à la gestion des ressources biologiques peut être assurée grâce à un régime de répartition des avantages à l'instar du système de la FAO.

L'adoption de la même approche pour les autres ressources biologiques, quoiqu'elle présente l'avantage d'assurer un mécanisme de financement de la conservation conformément à la logique du marché, n'est pas envisageable parce que la valeur des ressources biologiques en question est tributaire de son utilisation commerciale.

Par ailleurs, l'article 10c prévoit l'obligation pour les parties contractantes de «  protéger et encourager l'usage coutumier des ressources biologiques conformément aux pratiques culturelles traditionnelles compatibles avec les impératifs de leurs conservation et de leur utilisation durable ».

L'expression « usage coutumier » est synonyme du terme « pratique »  utilisé par l'article 8j , lorsque tous deux présentent un intérêt pour la conservation et l'utilisation durable des ressources biologiques ou qu'ils sont compatibles avec cet objectif.

Ces dispositions prévoient l'obligation pour les parties de reconnaître que la diversité biologique est maintenue et bien souvent mise en valeur, par les connaissances, les innovations et les pratiques des communautés autochtones et locales, et la préservation et le maintien de la diversité biologique vont de pair avec la préservation et le maintien de la diversité culturelle.

Pour faire en sorte que les populations autochtones et les communautés locales puissent continuer à maintenir et à développer leurs connaissances, leurs innovations et pratiques (en d'autres termes, pour qu'elles soient en mesure d'assurer leur survie culturelle), elles doivent avoir un accès assuré au fondement même de cette diversité biologique et à ses éléments, c'est à dire à leurs terres traditionnelles510(*).

La reconnaissance du rôle des connaissances traditionnelles par rapport à l'objectif de la conservation et de l'utilisation durable ne peut être dissociée de la reconnaissance de leurs droits par rapport à la terre : les droits de jouissance de la terre est une condition pour assurer la préservation et le maintien des connaissances, innovations et pratiques visées à l'article 8 j , et pour assurer la protection de l'usage coutumier des ressources biologiques conformément à l'article 10 c) qui prévoit: « A défaut de garantie de tels droits, la diversité culturelle disparaîtra et cette disparition risque d'entraîner la perte correspondante de la diversité biologique et des connaissances traditionnelles en matière d'écologie »511(*).

A cet effet, l'article 17-2 CDB fait entrer les connaissances traditionnelles et les connaissances autochtones dans la catégorie des informations à échanger entre les parties contractantes. L'article 18-4 engage les parties signataires à « encourager et à mettre au point des modalités de coopération aux fins de l'élaboration et de l'utilisation de technologie y compris les technologies autochtones et traditionnelles conformément aux objectifs de la présente convention ».

On peut en déduire que le respect des connaissances traditionnelles comprend l'exigence pour les parties contractantes à la CDB de respecter le droit des communautés locales et des populations autochtones de s'assurer l'usage et la jouissance de leurs terres traditionnelles et de leurs ressources biologiques.

Le respect, le maintien et la préservation des connaissances traditionnelles ne peuvent être appréhendés qu'en favorisant « l'application à plus grande échelle de ces connaissances, innovations et pratiques, avec l'accord et la participation de leurs dépositaires », cette application pourrait être assurée à travers une utilisation commerciale de ces connaissances.

- L'utilisation commerciale des connaissances traditionnelles :

Le respect des connaissances innovations et pratiques des communautés autochtones et locales peut être interprété comme étant l'exigence d'accorder à ces connaissances, innovations et pratiques un statut comparable à celui dont jouissent d'autres types de connaissances, innovations et pratiques , comme les connaissances scientifiques . «  Les pratiques pertinentes et les usages coutumiers devraient être reconnus comme étant comparables, sinon supérieurs, à la gestion moderne de l'utilisation des sols à l'agriculture, la pêche et la médecine moderne et aux autres activités qui utilisent des ressources biologiques »512(*).

Les parties contractantes auront donc en vertu de cette disposition à définir les connaissances, les innovations et les pratiques qui intéressent la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, elles devront également identifier et inventorier les usages coutumiers compatibles avec les besoins en matière de conservation ou d'utilisation durable. 

Une association des connaissances traditionnelles accumulées avec les capacités d'innovation des systèmes modernes ou scientifiques est de nature à offrir plus de possibilités pour la détermination des techniques améliorées pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique et pourrait résulter d'une utilisation commerciale de ces ressources.

« L'application à plus grande échelle de ces connaissances, innovations et pratiques, avec l'accord et la participation de leurs dépositaires » peut être appréhendée dans le cadre d'une utilisation commerciale, la protection et l'encouragement de l'usage coutumier des connaissances traditionnelles conformément à la CDB peuvent être conçus dans le cadre d'un régime de protection de la propriété intellectuelle traditionnelle, d'autant plus que l'article 8j conditionne la préservation des connaissances traditionnelles par le respect de la législation nationale.

Cette législation pourrait être adoptée pour la protection des droits autochtones en vertu d'autres instruments de Droit International notamment la Convention n° 169 du l'OIT  concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants.

b- la lecture de l'article 8j à la lumière de la Convention n° 169 du l'OIT : Convention concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants :

La primauté des préoccupations écologiques par rapport à une utilisation commerciale des connaissances traditionnelles peut être déduite de l'analyse de la Convention n° 169 du l'OIT : Convention concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants.

En effet, l'article 2, al2 (b) prévoit plusieurs mesures pour protéger les droits des autochtones, notamment des mesures propres pour « promouvoir l'entière application des droits sociaux, économiques et culturels de ces populations, eu égard à leur identité socio-culturelle, à leurs traditions, à leurs coutumes et à leurs institutions ».

L'article 4 précise que « des mesures spéciales devront être prises, le cas échéant, pour assurer la protection des personnes, des institutions, des propriétés, des emplois, de la culture et de l'environnement des populations visées » conformément à leur « volontés librement exprimée ».

Par ailleurs, l'article 13 fait obligation aux pays signataires de « respecter l'importance spéciale que revêt, du point de vue de la culture et des valeurs spirituelles de ces populations, leur rapport au territoire .... Qu'elles occupent ou utilisent de quelque autre manière, plus particulièrement, l'aspect collectif d'un tel rapport ».

L'article 14 prévoit la reconnaissance des droits à la propriété relatifs aux territoires qu'elles occupent traditionnellement ».

Enfin, l'article 15 précise que « leurs droits en ce qui a trait aux ressources naturelles de leurs territoires doivent être protégées d'une manière spéciale. Cela comprend le droit de participer à l'exploitation, à la gestion et à la conservation des dites ressources ». Cette protection spéciale n'inclut pas Les droits à la propriété intellectuelle dans le cadre de cette convention N° 169 de l'OIT.

Les droits des populations autochtones sont reconnus sur la base de l'interdépendance entre diversité culturelle /diversité biologique : Les droits des autochtones sont appréhendés non seulement par rapport aux ressources naturelles dont ils disposent mais également par rapport aux territoires qu'ils occupent, des droits de propriété intellectuelle traditionnelle ne sont pas expressément prévus par ces instruments de Droit International.

La primauté de la CDB sur l'ADPIC consiste à privilégier la fonction écologique sur l'utilisation commerciale des connaissances traditionnelles, l'article 16.5 pourrait éventuellement appuyer cette vision.

II- Une primauté sur le fondement de l'article 16.5 CDB :

L'article 16-5 de la convention prévoit un principe qui peut être considéré comme un argument en faveur de l'idée de primauté. Il s'agit de l'exercice des DPI dans le cadre des objectifs de la CDB et non à leur encontre513(*).

La primauté de la CDB sur l'accord ADPIC résulte de l'application de l'article 16.5 CDB qui prévoit : « Les parties contractantes, reconnaissent que les brevets et autres droits de propriété intellectuelle peuvent avoir une influence sur l'application de la convention coopèrent à cet égard sans préjudice des législations nationales et du droit international pour assurer que ces droits s'exercent à l'appui et non à l'encontre de ses objectifs ».

En vertu du principe de coopération, les parties contractantes doivent s'appuyer sur les droits de propriété intellectuelle dans l'objectif de la conservation de la diversité biologique et son utilisation durable. Dans cette optique, les DPI stimuleraient le développement de variétés uniformes et homogènes contribuant ainsi à remplacer les variétés locales diverses et adaptées. Universaliser les DPI, ce serait donc aussi universaliser un modèle agricole qui, dans ses caractéristiques agronomiques et institutionnelles, serait contraire à l'objectif de la conservation et de l'utilisation durable de la biodiversité.

Souvent jugés à l'origine d'une uniformisation génétique et de l'érosion des espèces, les droits de propriété intellectuelle peuvent jouer un rôle positif par rapport aux objectifs de la convention lorsqu'ils visent à protéger des technologies respectueuses de l'environnement et concourent à la protection de la biodiversité.

S'agissant du contexte Africain, certains auteurs soutiennent l'idée de l'inadaptation des systèmes de la propriété intellectuelle pour les pays africains, «  d'une part, ces systèmes n'accordent pas au principe de la souveraineté sur les ressources génétiques la même importance que la CDB... d'autre part, ils ne prennent en considération les intérêts des pays Africains : Les connaissances traditionnelles, les droits des agriculteurs et le partage équitable des bénéfices »514(*).

La protection des DPI en faveur et non à l'encontre de la CDB signifie que le système de protection des variétés végétales mis en place sert les intérêts de l'agriculteur et protège la biodiversité : « Dès lors qu'elle satisfait deux conditions : D'une part stimuler le développement de variétés plus rentables et passer progressivement à une agriculture plus intensive de façon à ne pas défricher davantage les forêts, ces cas de figure classiques des PED, d'autre part, mettre au point des variétés adaptées aux conditions agronomiques et climatiques locales, car l'introduction des variétés étrangères sans lien avec l'écosystème s'est souvent avérée contraire à l'objectif de conservation de la biodiversité »515(*).

En reconnaissant les difficultés de l'articulation entre les deux textes, plusieurs arguments peuvent être avancés à l'appui de l'idée de la primauté : D'une part l'accord ADPIC, « oblige les PED à se doter d'un système de protection de la propriété intellectuelle. Il fait ainsi de la propriété intellectuelle un outil désormais universel dans un monde où pourtant les besoins en propriété intellectuelle sont à priori hétérogènes », d `autre part « la fragile articulation tentée par la CDB sur la question des DPI »516(*) pourrait privilégier cette perception de rapports conflictuels entre les deux textes.

Ce point de vue nous amène à repenser l'articulation entre les deux textes selon une autre hypothèse qui privilégie plutôt l'idée de la cohérence.

B - l'hypothèse de la cohérence entre la CDB et l'accord ADPIC :

Certains auteurs soutiennent l'idée que le rattachement de la biodiversité aux droits de la propriété intellectuelle constitue « une chance, un soutien aux objectifs de la convention ». Ces droits sont « de nature à stimuler le commerce de la diversité biologique, la propriété intellectuelle est supposée, du même coup, opérer un effet, d'entraînement des politiques de conservation et d'utilisation durable par les pays du sud, les plus riches en biodiversité. », cette vision s'insère plus généralement dans les rapports entre le commerce et l'environnement.

La cohérence a un fondement dans les règles de l'OMC qui prévoit le soutien mutuel entre les règles de l'OMC et les accords environnementaux multilatéraux517(*), d'autre part, elle peut être déduite d'une certaine lecture de l'accord ADPIC qui devrait se détacher des visions très partagées par rapport aux critiques adressés à l'article 27-3 b (I), elle devrait s'appuyer également sur une interprétation de l'article 27-3 b par rapport à l'économie générale de l'accord ADPIC (II).

I- remise en cause des critiques adressées à l'article 27-3 b :

Les arguments qui sont avancés à l'appui de ces critiques sont multiples : Ils reflètent l'idée des rapports conflictuels entre commerce/environnement, « Un des arguments fort était qu'une telle protection serait incompatible avec la CDB, spécialement en ce qui concerne le principe de la souveraineté des pays sur leurs ressources biologiques. En effet, cette disposition (article 27-3-b ADPIC) permet que le secteur privé soit détenteur des droits individuels, exclusifs sur les ressources biologiques »518(*).

Cet argument peut être réfuté si l'on suppose que ces droits privatifs sont le prolongement du principe de la souveraineté sur les ressources biologiques et s'insèrent parfaitement dans le cadre de la fonction normative de l'Etat à travers l'intégration du système commercial international, tout en reconnaissant la diversité des situations qui se présentent.

Il est extrêmement important de souligner que l'article 27-3 b n'impose pas la brevetabilité et reconnaît la diversité des régimes juridiques de protection des variétés végétales : « Les membres pourront aussi exclure de la brevetabilité :

b- les végétaux et les animaux autres que les micro-organismes et les procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux, autres que les procédés non biologiques et micro-biologiques.

Toutefois, les membres prévoiront la protection des variétés végétales par des brevets, par un système sui generis efficace ou par une combinaison de ces deux moyens . Les dispositions du présent alinéa seront réexaminées quatre ans après la date d'entrée en vigueur de l'accord sur l'OMC ».

Conformément à l'article 27-3-b l'exclusion des végétaux, des animaux et des procédés essentiellement biologiques et micro-biologiques d'obtention d'animaux ou de végétaux est facultative. Un pays par contre, doit obligatoirement prévoir le brevet pour les micro-organismes et pour les procédés non biologiques et micro-biologiques de production de végétaux et animaux.

Les rapports conflictuels entre l'accord ADPIC et la CDB dans la vision très largement défendue orientent aujourd'hui les négociations internationales dans le sens de la primauté de la CDB par rapport à l'AADPIC, les partisans de cette vision soutiennent l'idée que les DPI s'exercent aussi bien à l'encontre des intérêts économiques des PED qu'à l'encontre de l'objectif de conservation et d'utilisation durable de la biodiversité.

Comment peut-on appréhender le développement des PED et la protection de la biodiversité dans le cadre d'une vision de soutien mutuel entre l'ADPIC et la CDB, une première réponse peut être apportée à travers l'analyse de l'article 27-3b par rapport à l'économie générale de ce texte.

II- interprétation de l'article 27-3 b par rapport à l'économie générale de l'accord ADPIC :

L'idée de cohérence trouve conformément à l'article 16.5 de la CDB un fondement dans le cadre de l'accord ADPIC, certains auteurs avancent l'idée que l'accord ADPIC pourrait être conforme aux intérêts des PVD et ce, par « un jeu subtil entre le recours aux DPI et leur infléchissement »519(*) ; Il s'agit du choix de la propriété industrielle d'une part et le recours aux exceptions légales à l'exercice de ces droits.

- Cohérence à travers le recours aux DPI :

La cohérence peut être appréhendée par rapport au choix des droits de la propriété intellectuelle qui conviennent à des situations diversifiées : L'enjeu ne réside pas uniquement au niveau du choix du type de la propriété industrielle à appliquer mais de son adaptation aux contextes spécifiques tels que les DOV pour les obtentions végétales et si le « brevet s'avère mal adapté.....le choix laissé par l'ADPIC en faveur de la brevetabilité des variétés se révèle sans grand contenu car dans ces pays, la plupart des variétés végétales sont obtenues par la voie de la sélection classique et ne répondent pas aux critères de la brevetabilité »520(*).

La brevetabilité des variétés végétales ne concernerait donc pas la sélection locale mais la protection « seulement les inventions végétales étrangères européennes, nord américaines etc....  ce qui constituerait une incitation à l'importation de semences transgéniques »521(*).

Le débat qui s'est cristallisé par rapport à l'idée de l'inadaptation des semences transgéniques aux intérêts des PED vu les risques potentiels dont on ne peut pas actuellement apprécier leurs impacts sur les écosystèmes et sur la santé humaine semble trouver une solution à travers l'adoption d'une approche de précaution conformément au protocole de Carthagène, il est aujourd'hui relayé par une autre controverse celle de la brevetabilité du vivant.

Dans ce débat, certains soutiennent l'idée que les besoins des PED résident moins dans les OGM que dans l'intensification sur place des méthodes classiques de sélection végétale, d'autres retracent comme stratégie l'instauration d'un système de protection des variétés végétales des agriculteurs comme un système sui generis de protection en soutenant la possibilité de la coexistence des trois systèmes de l'amélioration variétale et à la nécessité de leur protection.

Contrairement aux réfractaires des OGM et du brevet du vivant, l'accord ADPIC pourrait être interprété au delà de tout dogme à travers une lecture combinée des articles 27-3-b et de l'article 27-2. Ce dernier prévoit ce qui suit : «  les membres pourront exclure de la brevetabilité les inventions dont il est nécessaire d'empêcher l'exploitation commerciale sur leur territoire pour protéger l'ordre public ou la moralité , y compris pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux , ou pour éviter de graves atteintes à l'environnement, à condition que cette exclusion ne tienne pas uniquement au fait que l'exploitation est interdite par leur législation ». Il s'agit là plutôt d'une exclusion de la brevetabilité.

-cohérence à travers l'infléchissement des DPI :

Les exclusions de la brevetabilité et les exceptions prévues par l'accord ADPIC au DPI sont des arguments à l'appui de l'idée de la cohérence :

Les exceptions prévues par l'accord ADPIC au niveau des articles 6 et 7 peuvent être interprétées à l'appui de cette idée: En effet, l'article 6 ADPIC prévoit la théorie de l'épuisement des droits, en laissant aux Etats le soin de choisir d'intégrer ce principe à leur droit national. Le principe de l'épuisement des droits du breveté repose sur l'idée que la récompense octroyée à l'inventeur l'est une fois et une seule, au moment où celui-ci met son produit sur le marché. Après avoir choisi librement le prix de ce dernier, le breveté a épuisé son droit et ne peut plus contrôler les courants des échanges et des importations.

Le produit peut alors être acheté par tous et circuler librement au prix choisi par les revendeurs, qui vont donc pouvoir en importer le produit des pays les moins chers. En maintenant en dehors du monopole du breveté la question de la circulation du produit, la théorie de l'épuisement des droits permet donc les importations parallèles par des négociants indépendants et permet aussi, du même coup, de tirer les prix du produit breveté vers le bas522(*).

Par ailleurs, l'article 7 de l'accord ADPIC fixe comme objectif de l'accord « la protection et le respect des droits de propriété intellectuelle devraient contribuer à la promotion de l'innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie, à l'avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des connaissances techniques et d'une manière propice au bien être social et économique, et à assurer un équilibre de droits et d'obligations ». Ces objectifs semblent « s'imbriquer avec les objectifs d'accès aux ressources génétiques et de partage des avantages de l'article 15 de la CDB »523(*)

Par ailleurs, les problématiques soulevées par les technologies GURT peuvent être analysées à la lumière de l'article 7. Ces technologies constituent , comme on l'a démontré auparavant un verrouillage technologique de l'innovation non conforme à l'esprit de l'accord ADPIC qui présente l'avantage de défendre le bien être social et économique 

C'est précisément, ce bien être social et économique qui est invoqué à l'appui de l'infléchissement des DPI à travers les exclusions à la brevetabilité prévue par ce texte.

Conformément à l'article 27-2 une exclusion de la brevetabilité est prévue sur la base d'une approche nationale sans interdire légalement l'exploitation de l'invention: On peut penser que cet article est favorable à la conciliation entre les exigences de la liberté du commerce et de l'industrie et de la protection de l'environnement et de l'homme à l'échelle internationale avec la possibilité d'adopter une approche nationale qui exclut la brevetabilité sans interdire l'exploitation.

On peut penser à travers la dissociation entre la brevetabilité et l'exploitation pour les inventions qui présentent une menace pour l'homme et pour l'environnement à la possibilité d'exploiter l'invention sans la protéger par brevet et à la possibilité d'empêcher cette exploitation sur le territoire national par l'exclusion de la brevetabilité.

Toutefois, l'exclusion ne devrait pas être en vertu d'une législation nationale, elle pourrait découler d'un instrument international en matière de protection de l'homme et de la biodiversité. Les technologies GURT qui peuvent être exclues de la brevetabilité en vue d'empêcher leur exploitation commerciale par une décision des parties contractantes à la CDB constituent une application de l'art 27-2 qui pourrait être le fondement d'un ordre publique écologique dont le noyau dur est l'ordre biologique (le texte parle indifféremment de l'homme, des animaux, des végétaux).

L'article 27-2 peut être rapproché de l'article 8 de l'accord ADPIC qui prévoit «  les membres pourront , lorsqu'ils élaborent ou modifient leurs lois et réglementations, adopter les mesures nécessaires pour protéger la santé publique et la nutrition et pour promouvoir l'intérêt public dans des secteurs d'une importance vitale pour leur développement socio-économique et technologiques, à condition que ces mesures soient compatibles avec les dispositions du présent accord », et pourrait être appréhendé dans le sens d'une certaine dialectique entre le Droit International et le Droit national en faveur de la cohérence.

La compatibilité de la loi nationale à l'accord ADPIC peut être également conçue par rapport aux exclusions de la brevetabilité au sens de l'article 27-2 et adoptée en vertu d'un instrument international consacrant une vision de l'ordre public écologique pour des questions cruciales telles que la nutrition et la santé publique. Peut-on sur la base de cette analyse penser à une articulation directe entre l'accord ADPIC et les conventions internationales portant sur ces matières ? L'étude du concept  « droits des agriculteurs » dans le cadre de l'articulation entre la CDB et le TIRPGAA est un préalable nécessaire pour conclure à la cohérence entre l'AADPIC et le TIRPGAA.

* 507 Voir à ce propos l'analyse de TEIXEIRA NACSCIMENTO (Ana Rachal) Protection juridiques des savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques , mémoire précité P 33 et suivants.

* 508 Swaminathan Monkombu, « Agriculture, six défis pour l'avenir » in Ouvrage collectif : Terre patrimoine commun, la science au service de l'environnement et du développement, Editions La Découverte/Association Descartes, Paris, 1992, P 118.

* 509 Application de l'article 8j et des dispositions connexes. Note du directeur exécutif en préparation à la quatrième réunion de Bratislava 4-15 mai, 1998. Document de la CDB : UNEP/CBD/COP/4/10

* 510 Connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales : application de l'article 8 j , Note du secrétaire Administratif Document UNEP/CDB convention sur la diversité biologique COP 3ème réunion Buenos Aires Argentine 4 -15 Novembre 1996, P 12

* 511 Idem P 12

* 512 Ibidem P 13.

* 513 Grain et Fondation Gaia «  l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce contre la convention sur la diversité biologique «  Commerce Mondial et Biodiversité en conflit n° 1, Avril 1998 sur le site Web www.grain.org/fr/ puplications/num 1 - fr -cfm.

* 514 Abou Abass «  la position des pays africains sur la brevetabilité du vivant », article précité, PP 311-312.

* 515 Noivelle (Christine), « La mise en oeuvre de la convention de Rio sur la conservation de la diversité biologique et ses relations avec l'accord de l'OMC sur l'ADPIC », article précité, P 340.

* 516 Idem.

* 517 Rapport de la deuxième réunion du groupe de travail spécial à composition non limitée sur l'accès et le partage des avantages. Document pour la préparation de la COP 7, Kuala Lampur, 9-20 février 2004. Document de la CDB : UNEP/CBD/COP/7/6. P 3.

* 518 TEIXEIRA NASCIMENTO (Ana Rachel), mémoire précité, P 41.

* 519 Noivelle (Christine), article précité. P 284.

* 520 Idem. P 294 .

* 521 C'est le point vue de Mme Hermitte (M.A) rapporté par Noiville (Christine) dans son article précité, P 295.

* 522 Analyse de Graham. Dutfield dans son ouvrage « IPR, Trade and biodiversity » sur la base d'un constat: les producteurs de fraises d'Argentine ne pourraient se voir interdire d'exporter en Europe, même si le titulaire américain du brevet et ses licenciés européens redoutent que ces fraises à bas prix ne viennent concurrencer celles qui sont produites par les licenciés européens.

* 523 Recommandation de l'UICN à la 5ème réunion de la conférence des parties à la CDB (Nairobi 15-26- mai -2000) point 23 de l'ordre du jour « accès aux ressources et partage des Avantages », mai, 2000, P10.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore