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La loi spéciale de lutte contre le terrorisme du 2 novembre 2001

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par Huynh To Uyen Julie Nguyen
INALCO - Maitrise LLCE de Japonais 2004
  

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Huynh To Uyen Julie NGUYEN

La loi spéciale de lutte contre le terrorisme

du 2 novembre 2001

Mémoire pour l'obtention de la

Maîtrise de langue et civilisation japonaises

Préparé sous la direction de

Monsieur le professeur Eric SEIZELET

Et de Monsieur Pascal GRIOLET, Maître de Conférence

INALCO

Département de langue et civilisation japonaises

Septembre 2004


INTRODUCTION
Le choc des attentats du 11 septembre

L

e 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont été frappés de plein fouet par une série d'attentats suicides simultanés ciblant principalement les villes de New York et de Washington. Ces agressions terroristes ont été ressenties comme un électrochoc par toute la communauté internationale car, au-delà des milliers de victimes innocentes qui y ont perdu la vie, elles ont démontré avec brutalité que la citadelle américaine réputée inviolée était, elle aussi, vulnérable.

Il n'est pas question ici de retracer les causes et raisons qui ont conduit à ces attaques, ni de faire le compte rendu de leur mise en oeuvre. Pléthore d'ouvrages y a déjà été consacré1(*). Soulignons seulement que l'onde de choc provoquée par ces attentats marquait l'entrée dans une nouvelle ère des rapports de force entre nations. Certains auteurs, comme André Kaspi, historien et spécialiste des relations internationales, parlent même d'une nouvelle ère des relations internationales. Désormais, les plus grandes puissances, non seulement sur le plan militaire mais également dans les domaines économique et financier, doivent composer avec cette forme de menace « exogène » et incontrôlable. La répartition des forces avait déjà été ébranlée et recomposée après la fin de la guerre froide et l'effondrement de l'Union soviétique entre 1989 et 1991. Le rapport de force avait basculé de facto en faveur des Etats-Unis en tant que première puissance militaire mondiale. Ils se sont érigés en « gendarme du monde » pour lequel cette agression sur son propre sol était un défi sans équivoque. Désormais, le rôle des Etats-Unis en tant que tel prenait une autre dimension. Les Américains devaient confirmer aux yeux du monde la légitimité de leur position au sommet de la hiérarchie des grandes puissances en engageant des représailles à l'échelle mondiale. Les implications pour les alliés des Etats-Unis étaient d'importance puisque par l'effet d'un autre « jeu de dominos » ils devaient également, dans le sillage des Etats-Unis, confirmer leur position dans ce système de rapport des forces. Le Japon, moins que n'importe quel autre allié des Américains, n'échappait pas à la règle.

De prime abord, la situation du Japon pourrait sembler aisée, dans la mesure où il est un fidèle allié des Etats-Unis, lié par un traité d'alliance militaire solide. Pourtant, l'engagement des Japonais dans le nouveau conflit qui s'annonçait soulevait de nombreuses difficultés induites par un système de défense aliénant. Pour mieux appréhender ces difficultés, revenons sur les circonstances du réarmement japonais.

Les Forces d'autodéfense ont été créées en 1954 dans le cadre d'un effort de remilitarisation du Japon mené sous l'impulsion des Etats-Unis. Dans le contexte de la guerre froide, la constante de la politique américaine vis-à-vis du Japon dès le début des années 50 était de le pousser à se réarmer. La question devenait d'autant plus pressante quand en 1949 la Chine est devenue communiste et surtout quand en 1950 a éclaté la guerre de Corée. Pour les Américains, la lutte contre l'expansion du communisme sur ce nouveau front asiatique s'annonçait difficile à mener si leur poste avancé dans la zone, dont le Japon représentait l'élément fondamental, n'était pas militarisé. Aussi, le Japon a-t-il été fortement encouragé à prendre des mesures de remilitarisation afin de permettre aux Etats-Unis de faire l'économie d'une présence trop coûteuse en Asie-Pacifique.

Le Japon a été tout d'abord réticent, notamment les partis de gauche et l'opinion publique qui étaient fortement attachés au pacifisme institutionnalisé par l'article 9 de la Constitution de 1946 relatif à la renonciation de la guerre 2(*). Originellement, la mission des Forces d'autodéfense japonaises était essentiellement d'assurer la protection des bases américaines installées au Japon et la défense du territoire national. Cependant, au fur et à mesure que progressait la guerre froide en Extrême-Orient et le réarmement du Japon, leurs activités se sont étendues. Ainsi, en 1963, le plan MITSUYA élaboré en secret avait pour objectif la prise de mesures communes entre les Etats-Unis et le Japon (sous commandement américain) pour faire face à une situation de crise en Corée. Cependant, les Etats-Unis n'avaient alors pas encore formulé le souhait de mobiliser les Forces d'autodéfense directement dans les combats. Les premières études d'une réelle participation des Forces d'autodéfense dans des opérations conjointes nippo-américaines ont été mises en oeuvre à l'occasion de la définition en 1978 des directives sur la coopération nippo-américaine en matière de défense, les premières guidelines. Ainsi, les manoeuvres conjointes impliquant les forces terrestres d'autodéfense et les forces maritimes d'autodéfense prenaient de plus en plus d'importance.

Lorsqu'en 1989 la guerre froide a pris fin, le Japon aurait dû entrer dans un processus de désarmement, mais la guerre du Golfe, qui a éclaté en 1991, a ouvert une nouvelle phase dans la politique de défense des Etats-Unis. Le Japon a vu alors sa position de base arrière de l'armée américaine se confirmer. Dans ce contexte, l'Initiative Nye3(*), énoncée en 1993, précisait les modalités du maintien des forces américaines au Japon et la déclaration conjointe nippo-américaine d'avril 1996 sur les questions de sécurité réévaluait les accords de sécurité. Les nouvelles guidelines, édictées en 1997, fixaient enfin les modalités de la concrétisation de ce dispositif, dont fait partie la loi sur les situations de crise en zones périphériques votée en août 1999. En matière de politique de défense et de sécurité, le Japon a toujours dû subir le joug américain et ce depuis le traité de San Francisco. Même si à l'époque de la guerre de Corée les Etats-Unis ont regretté d'avoir imposer une constitution pacifiste au Japon lui interdisant de posséder une armée, il n'en reste pas moins que ce cadre constitutionnel contraignant a permis aux Américains de tirer à leurs profits les futures évolutions de la politique de défense japonaise. En effet, ces dispositions leur ont permis de maintenir leurs bases avancées dans le Pacifique grâce à un allié japonais fidèle et docile. Le Japon a pourtant nourri des velléités d'émancipation mais elles ont été difficiles à concrétiser.

Les Forces d'autodéfense sont néanmoins aujourd'hui une véritable armée de métier qui compte 240 000 hommes et qui dispose d'un budget comparable à celui de la France. Elles sont la septième force militaire du monde, mais ses activités sont strictement limitées à la défense.

Dans les premiers jours qui ont suivi les attentats du 11 septembre, le Japon s'est interrogé pour savoir quel genre de soutien il pourrait concrètement apporter aux Etats-Unis. Le Président Bush, dans les premières heures qui ont suivi les attentats, déclarait déjà qu'il allait engager une riposte à l'envergure de la tragédie. Or, pour le Japon, apporter son soutien et son assistance à une campagne de représailles en Afghanistan, pays où se cacherait le commanditaire des attentats, posaient de nombreux problèmes. En effet, le cas de figure d'une telle opération n'entrait pas dans le cadre de sa législation en matière de défense.

Pour saisir les enjeux que posaient les questions du soutien et de la contribution du Japon aux opérations américaines en réponse aux événements du 11 septembre, il convient tout d'abord d'analyser la réaction du Japon au lendemain de ces attaques terroristes (1ère Partie, Chap. 1) et l'état de la politique extérieure et de la politique de défense du Japon (1ère Partie, Chap. 2) avant d'aborder la situation du Japon vis-à-vis de la lutte contre le terrorisme (1ère Partie, Chap. 3).

L'analyse des conditions de l'élaboration du projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme nous permet de comprendre comment et pourquoi le Premier ministre japonais s'est dirigé vers cette solution pour consolider la politique de contribution du Japon (2ème Partie, Chap. 1). Ce projet de loi, qui met en place un double dispositif de mesures en réponse aux attentats du 11 septembre (2ème Partie, Chap. 2), a été délibéré lors de la session extraordinaire de la Diète d'octobre 2001 et soumis au vote des parlementaires qui l'ont adopté malgré de nombreuses difficultés et oppositions (2ème Partie, Chap. 3).

La loi spéciale de lutte contre le terrorisme a ainsi été promulguée le 2 novembre 2001, date à laquelle elle a été également mise en application. De prime abord, cette nouvelle loi apparaissait davantage comme la justification légale de mesures anticipées (3ème Partie, Chap. 1). Mais s'arrêter à cette analyse serait négliger les raisons profondes pour lesquelles le Premier ministre Koizumi a pris la responsabilité de faire voter cette loi dont la portée va bien au-delà de la seule lutte contre le terrorisme. Cette loi, en effet, représente un progrès essentiel dans la définition de la politique de défense et de sécurité du Japon en permettant notamment d'envoyer pour la première fois les Forces d'autodéfense à l'étranger en dehors du cadre de la participation aux opérations de maintien de la paix de l'ONU (3ème Partie, Chap. 2).

Malgré le manque de recul historique, la documentation pour analyser ce sujet n'a pas manqué. La nature des événements, au contraire, a galvanisé les commentateurs, journaux, spécialistes et hommes politiques. Dans un premier temps cependant, les commentaires et analyses se sont focalisés sur le phénomène terroriste, mais très rapidement les enjeux vis-à-vis de la politique de défense et de sécurité du Japon ont orienté les écrits vers des études plus approfondies sur la loi à proprement parler.

L'outil de recherche que représente Internet s'est également révélé très précieux pour recueillir des documents bruts comme le texte loi ou des communiqués du Premier ministre et du gouvernement. Les sites officiels des institutions japonaises sont pour cela excellemment conçus et faciles d'accès. Malheureusement les inconvénients d'un archivage trop rapide des informations sur certains sites, en particulier les sites de journaux, limitent les recherches par cet intermédiaire.

Le caractère audacieux et inédit de certaines mesures mises en place par la loi spéciale de lutte contre le terrorisme a néanmoins suscité un discours majoritairement critique inspiré par le fait que cette loi se heurtait à l'article 9 de la Constitution et à de nombreuses dispositions de la législation déjà existante sur les activités des Forces d'autodéfense. Le journal Asahi shinbun en est un excellent baromètre. En fait, mis à part les commentaires du Premier ministre et de son entourage direct et les analyses des commentateurs étrangers, rares sont les écrits qui soulignent les avancées qu'apporte la loi spéciale de lutte contre le terrorisme dans la définition de la politique de défense du Japon.

Les principales sources de ce devoir proviennent donc des articles de revues spécialisées, en particulier des revues d'analyse politique et juridique, et des articles du journal Asahi shinbun.

1ÈRE PARTIE
Le contexte avant le vote de la loi du 2 novembre 2001 :
Les questions du soutien et de la contribution du Japon

CHAPITRE 1

LA REACTION DU JAPON AU LENDEMAIN

DES ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE

D

ès que les premières images des attentats dirigés contre les Etats-Unis ont envahi les écrans de télévision et que la terrible nouvelle s'est répandue quasiment en simultané avec les événements eux-mêmes, de toutes parts dans le monde les déclarations de soutien moral et de solidarité se sont multipliées.

Le 12 septembre, au cours de la première d'une longue série de déclarations officielles en relation avec ce qu'on allait désormais connaître sous l'appellation « événements du 11 septembre », le Premier ministre japonais Koizumi Jun.ichirô \u23567\u23567è#172;êòèÉòÉàêYêY adressait au gouvernement Bush et au peuple américain ses condoléances pour les milliers de victimes et les familles touchées par le drame et leur exprimait son entière solidarité.

Les événements dramatiques survenus récemment aux Etats-Unis sont des actes de violence d'une indicible ignominie que l'on ne saurait jamais pardonner, et j'en suis moi-même fortement indigné. Au nom du peuple japonais, j'aimerais adresser au Président des Etats-Unis et au peuple américain ma sympathie la plus sincère.

Le 12 septembre 2001

Jun.ichirô Koizumi, Premier Ministre du Japon 4(*)

Cette déclaration marquait le prélude d'une vaste campagne de sensibilisation et de préparation de la classe politique mais aussi de l'opinion publique japonaise, non pas à la lutte contre le terrorisme mais à la question de la contribution du Japon dans une guerre de représailles menées par les Américains contre le commanditaire des attentats qui avait été identifié en la personne d'Oussama ben Laden, milliardaire saoudien, ancien agent de la CIA, chef d'un réseau terroriste, Al-Qaïda, qui compterait près de 18 000 membres disséminés dans le monde, et qui se cacherait en Afghanistan.

Or, si toutes les opinions étaient unanimes pour condamner le terrorisme et lutter contre cette menace, au sein de la classe politique des positions discordantes se faisaient entendre sur le contenu de la contribution japonaise à cette guerre, tandis que la position de l'opinion publique japonaise oscillait entre approbation et scepticisme.

I ) « Le Japon doit soutenir les Etats-Unis » mais comment ?

Au-delà des grands problèmes de politique de défense et de sécurité que mettaient à jour les événements du 11 septembre, la préoccupation fondamentale, sur le plan politique, pour le Premier ministre japonais et son gouvernement était de donner une dimension concrète au soutien qu'ils allaient apporter aux Américains. Dans cette perspective, des mesures japonaises en réponse aux attentats perpétrés aux Etats-Unis ont été prises relativement rapidement, mais progressivement. On peut ainsi distinguer deux grandes étapes préliminaires : l'annonce de premières mesures d'urgence, puis l'annonce d'un plan de base de « 7 mesures » immédiates.

A) La question de la « contribution » du Japon : un soutien concret

Il s'agissait en effet de donner une réponse matériellement palpable à la question de la contribution du Japon. Il était en effet aisé de soutenir, au sens moral du terme, un pays allié, à plus forte raison si ce dernier semblait être dans son bon droit, mais c'était tout autre chose que de contribuer, d'agir concrètement avec ce pays. Cependant, ce n'était pas la première fois que cette question du soutien japonais se posait, mais force était de constater que, chaque fois qu'elle surgissait, elle véhiculait de nombreuses ambiguïtés et polémiques, comme le décrit Yamamoto Takeshi \u23665\u23665éR-{{ \u21083\u21083çémm, spécialiste des relations internationales en Extrême-Orient :

[...] que ce soit au moment du début des bombardements du Nord Vietnam par les Américains lors de la guerre du Vietnam en février 1965, ou à l'occasion des bombardements de l'Irak en décembre dernier [98] par les forces armées anglo-américaines, le gouvernement japonais s'est empressé de les soutenir. Il a déclaré, à l'occasion de l'invasion du Panama par l'armée américaine en décembre 1988, invasion qui violait la loi internationale, que cette action était regrettable mais compréhensible (ce qui ne signifie pas la même chose que de « comprendre qu'une telle action était regrettable »). En août dernier, le gouvernement japonais a affirmé qu'il pouvait également comprendre les attaques de l'armée américaine contre le Soudan et l'Afghanistan5(*), sans pour autant se justifier. 6(*)

En définitive, la question du soutien du Japon est une fausse question puisque ce soutien est déjà acquis, ne serait-ce que parce que les Etats-Unis et le Japon sont deux démocraties libérales, liées en outre par des accords de sécurité. Le véritable problème était en réalité celui de la nature concrète de ce soutien. Dans le cas présent, s'il s'agissait pour le Japon d'assister des mesures de riposte, la préoccupation essentielle était avant tout de montrer l'image d'un allié fort et solide sur lequel le gouvernement Bush pourrait compter. A la suite de cette première déclaration officielle donnée le lendemain des attentats, les annonces et réactions du gouvernement et du Premier ministre à propos des attentats et des mesures en réponse se sont succédées. Elles ont été consciencieusement retranscrites sur le site officiel du Premier ministre 7(*) sous une rubrique spécialement consacrée aux évènements. La chronologie et la teneur de leurs décisions sont également minutieusement répertoriées sur le site, répondant ainsi à un souci de transparence, pour tenir la population informée.

Mais il s'agissait également pour le Premier ministre et le gouvernement de préparer l'opinion publique japonaise à la contribution du Japon, d'autant plus que l'ampleur des événements laissait présager sans l'ombre d'un doute une réaction offensive à grande échelle de la part des Américains. Le gouvernement japonais se préparait déjà à cette éventualité, qui au fil des heures devenait une certitude, car en tant qu'allié des Etats-Unis, la question de la contribution japonaise pouvait impliquer de contenir un volet militaire. La définition de cette contribution du Japon s'est réalisée en plusieurs temps : tout d'abord, des mesures d'urgence ont été mises sur pied, puis un plan de base de « 7 mesures immédiates » a été arrêté.

B) Les premières mesures d'urgence

La première initiative du gouvernement Koizumi a été de créer une cellule de crise, composée du Bureau du Premier ministre, du Ministre des Affaires étrangères et des diplomates et agents consulaires en poste aux Etats-Unis. Lors de la première conférence de presse donnée le 12 septembre 2001, après avoir notamment déclaré qu'il soutenait fermement les Etats-Unis en ne « reculant devant aucun effort pour leur apporter l'aide et l'assistance nécessaires », le Premier ministre annonçait déjà la mise en oeuvre de 6 mesures d'urgence :

[...] Le Conseil pour la Sécurité nationale a tenu une réunion avec les assistants de tous les membres du Cabinet et a établi les six mesures suivantes :

1) Tous les ministères concernés et le gouvernement feront tout leur possible pour rassembler des informations précises sur la situation, notamment sur l'assurance de la totale sécurité des ressortissants japonais concernés ;

2) Il sera étudié dans la mesure du possible la mise sur pied de mesures de sauvetage des ressortissants japonais concernés tel que l'envoi d'une équipe du dispositif JDR, de manière à permettre une action rapide si cela s'avère nécessaire ;

3) La sécurité des équipements et des établissements rattachés aux États-Unis sur le sol japonais sera renforcée, et tout le nécessaire sera fait pour répondre de manière appropriée aux circonstances ;

4) Nous nous efforcerons de fournir à la nation japonaise toutes les informations nécessaires et de la maintenir au courant de la situation ;

5) Le Japon, en coopération avec les États-Unis et les autres pays concernés, prendra des mesures pour combattre le terrorisme international ;

6) Les mesures appropriées seront prises afin d'empêcher la confusion dans le système économique du Japon autant que ceux des autres pays du monde. 8(*)

Au-delà des soucis, légitimes, de protection et d'assistance des ressortissants japonais contenus au premier point, le point numéro 2 est particulièrement intéressant. En effet, le dispositif JDR (Japan Disaster Relief Team) 9(*), le système japonais de secours d'urgence et de sécurité civile, est composé notamment de soldats des Forces d'autodéfense (Jieitai \u-32278\u-32278é(c)%oqq\u-26998àà). Certes, ce ne serait pas la première fois que les Forces d'autodéfense seraient amenées à mener ce genre de mission à l'étranger, mais le symbole est ici d'importance : il ne s'agissait pas cette fois de porter secours et assistance à un pays dont la population avait été victime d'une catastrophe naturelle, tel un tremblement de terre, mais un pays victime d'un acte terroriste. La possibilité d'envoyer des troupes japonaises pour secourir les victimes du World Trade Center pouvait alors laisser présager leur éventuel déploiement dans le cadre de missions spécifiquement militaires. Cet aspect militaire est d'ailleurs abordé dans la mesure numéro 3 qui annonce le renforcement des mesures de sécurité et de surveillance des bases et équipements américains installés sur le sol japonais.

Le souci de transparence et d'information de la population japonaise est par ailleurs confirmé au point numéro 4. Il faut cependant souligner que le gouvernement souhaite seulement tenir informés les Japonais, mais qu'il ne cherche pas obligatoirement leur approbation explicite, présupposant que cette approbation lui est acquise de façon implicite, eu égard à la gravité de la situation et pour laquelle seules les hautes autorités de l'Etat sont compétentes.

Il est enfin intéressant de constater que le terme de « terrorisme » n'est, non seulement, mentionné qu'au point numéro 5, mais en outre qu'il est associé à l'adjectif « international ». Mise à part la référence aux bases américaines au point numéro 3, à aucun moment il n'est fait allusion explicitement et spécifiquement aux actes terroristes qui se sont produits aux Etats-Unis. Cette ellipse est loin d'être anodine et montre la volonté du Premier ministre japonais de ne pas mettre en avant la seule coopération bilatérale avec l'allié américain mais de mettre l'accent sur la place du Japon au sein de la communauté internationale. Ce souci est également souligné par l'expression « autres pays du monde » mentionnée au point numéro 6 concernant la sécurisation de la stabilité économique et financière.

C) Le plan de base de « 7 mesures immédiates »

Par la suite, le 19 septembre, le Premier ministre Koizumi a confirmé l'engagement du Japon dans la lutte contre le terrorisme le considérant comme « une menace pour la propre sécurité du Japon ». Il a en outre réaffirmé vigoureusement son soutien vis-à-vis des Etats-Unis en tant que pays allié et a souligné sa volonté d'agir de concert avec la communauté internationale. A la suite de quoi, le Premier ministre a présenté un plan de base de « 7 mesures » immédiates qui constituaient une véritable politique globale, expression de la ferme détermination du Japon :

Mesures immédiates :

1) Le gouvernement japonais va prendre d'urgence les mesures nécessaires à l'envoi des Forces d'autodéfense, afin qu'elles offrent un soutien médical, logistique et de ravitaillement à l'armée des États-Unis et à celle des autres pays qui prendront des mesures en rapport avec ces attaques terroristes, reconnues par la résolution 1368 du Conseil de Sécurité de l'ONU comme une menace pour la paix et la sécurité internationale.

2) Le gouvernement japonais va prendre d'urgence des mesures pour renforcer plus encore la protection des équipements et des zones militaires américaines au Japon et celle des principaux équipements de notre pays.

3) Le gouvernement japonais va rapidement envoyer des bâtiments de guerre appartenant aux Forces d'autodéfense dans le but de rassembler des informations.

4) Le gouvernement japonais va renforcer plus encore la coopération internationale, entre autres par l'échange d'informations, dans des domaines tels que le contrôle de l'immigration.

5) Le gouvernement japonais offrira une assistance humanitaire et économique aux pays concernés et aux pays voisins. Dans ce cadre, il va accorder une aide économique d'urgence à l'Inde et au Pakistan, pays qui coopèrent avec les États-Unis dans ces circonstances critiques.

6) Le gouvernement japonais fournira une aide aux personnes amenées à fuir en fonction des besoins dans ce domaine. Cela comprend la possibilité pour les Forces d'autodéfense d'assurer une aide humanitaire.

7) Le gouvernement, en collaboration avec les autres pays, prendra les mesures adéquates pour répondre à l'évolution de la situation afin d'éviter la confusion des systèmes financiers japonais et internationaux. 10(*)

En dépit de grandes similitudes, en particulier la confirmation du renforcement du dispositif de protection et de surveillance des bases américaines installées sur le territoire japonais, le plan de base de « 7 mesures » immédiates se distinguait nettement des six premières mesures d'urgence annoncées le 12 septembre. Si les premières mesures mettaient l'accent sur le secours et l'assistance des victimes des attentats et sur la sécurité des Japonais, le plan de « 7 mesures » intégrait la volonté de représailles de l'allié américain. Le premier point annonçait en effet sans ambages l'intention du gouvernement Koizumi d'envoyer les Forces d'autodéfense soutenir l'armée américaine dans le cadre de missions de « soutien médical, de logistique et de ravitaillement », mais également dans le cadre d'opérations à caractère humanitaire comme le mentionne le point numéro 6. Le point numéro 3 annonçait en outre le prochain déploiement de « bâtiments de guerre » des Forces maritimes d'autodéfense dans le cadre de mission de renseignement. Ces deux mesures fondamentales annonçaient donc l'envoi inédit des Forces d'autodéfense japonaises à l'étranger, c'est-à-dire en dehors du territoire japonais et au-delà de ses zones périphériques, afin de soutenir et assister l'armée américaine.

Néanmoins, les autorités japonaises soulignaient aussi clairement leur volonté d'inscrire leurs actions dans le cadre d'une « coopération internationale » qu'elles souhaitaient renforcer. Cette dimension internationale était confirmée par plusieurs formules explicites : tout d'abord, la référence à la résolution 1368 du Conseil de Sécurité de l'ONU qui condamnait les attaques terroristes reconnues comme « une menace pour la paix et la sécurité internationale » ; puis par l'allusion aux « pays concernés et [aux] pays voisins » de l'Afghanistan, en particulier l'Inde et le Pakistan, à qui le Japon souhaite offrir une aide humanitaire et économique ; et surtout par l'annonce explicite que les mesures de soutien médical, de logistique et de ravitaillement n'allaient pas concerner uniquement l'armée américaine mais également les armées « des autres pays » engagées dans ces opérations de lutte contre le terrorisme. Cette dimension internationale du rôle que souhaitait jouer le Japon était fondamentale car elle dévoilait la dimension proprement diplomatique et multilatérale des mesures japonaises. Toutefois, il n'était pas encore précisé la méthode qu'allait suivre le gouvernement japonais pour concrétiser ces mesures. La question était en effet complexe car, pour mettre en oeuvre ses intentions, le Japon allait devoir surmonter les difficultés induites par les dispositions constitutionnelles et légales concernant le fonctionnement des Forces d'autodéfense.

II ) Les opinions de la classe politique sur la nature concrète de la contribution japonaise : entre unisson et discordances

Le plan de base de « 7 mesures immédiates » répondait néanmoins à la question que toute la classe politique japonaise se posait : « Dômei koku toshite Nihon ha nani wo su beki ka »\u12300\u12300u«\u30431-\u22269çÆÆuu\u12390ÄÄ\u26085«ú-{ú{ÍÍ\u20309%o½½\u12434ð·ð·××\u12365««\u12363(c)(c)\u12301vv(« En tant que pays allié, que doit faire le Japon ? »). Le Parti libéral démocrate (Jimintô \u-32278\u-32278é(c)-\u20826«}}), le parti majoritaire, réclamait une « attitude forte », mais le véritable problème était de définir la nature concrète de la contribution du Japon, ce qui était extrêmement difficile à résoudre :

Concernant le soutien à apporter aux Etats-Unis, des voix s'élèvent au sein du Parti libéral démocrate pour réclamer « une attitude forte en tant que pays allié », mais il n'est pas facile de tirer des conclusions quant au genre d'appui que demanderont les Américains si l'on réfléchit à la nature d'une « guerre » contre un réseau terroriste qui se défie des frontières. 11(*)

Le cas de figure d'une guerre (dans le sens « militaire » du terme) de représailles contre un réseau terroriste dont les exactions entraient dans le cadre du terrorisme international12(*), ne s'était en effet jamais présenté auparavant. Aussi, le thème essentiel des débats a-t-il été de savoir comment, en l'état actuel de la législation en matière de défense, le Japon pouvait-il faire pour apporter son aide aux Etats-Unis. Une chose était certaine : la classe politique japonaise était unanime pour ne pas réitérer les erreurs commises dans la gestion de la guerre du Golfe. En d'autres termes, il ne fallait pas privilégier le soutien financier contre un soutien concret, visible sur le terrain. Dans cette perspective, le gouvernement a donc décidé d'envoyer les Forces d'autodéfense japonaises soutenir l'armée américaine au Pakistan et en Afghanistan. Dès lors, le problème qui se présentait à lui était de savoir comment d'une part rendre ce déploiement possible et comment d'autre part le faire accepter par les parlementaires et par l'opinion publique ?

A) La position de la majorité

Que ce soit au sein du Parti libéral démocrate ou des autres partis qui composaient la majorité politique, les avis convergeaient vers la prise de mesures appropriées et la définition en urgence de la contribution du Japon aux mesures en réponse aux attentats du 11 septembre. En particulier, l'une des premières préoccupations a concerné la question de la surveillance et de la protection des bases américaines installées sur le territoire national, notamment à Okinawa. Sur ce sujet, le débat s'est engagé pour savoir s'il était possible de mettre en application la loi sur les situations de crise en zones périphériques (shûhen jitai hô \u21608\u21608éüïÓÓ\u20107é-Ô-Ô-@@) votée en août 1999. Très tôt, dès la réunion d'information tenue le 12 septembre et qui réunissait les membres du gouvernement et de la majorité, le Directeur de l'Agence de Défense, Nakatani \u20013\u20013'†'JJ, soulignait qu'en temps de paix cette mission de surveillance et de protection des bases américaines était du ressort des forces de police, et non des Forces d'autodéfense. Or, même si l'atrocité des événements pouvait les faire comparer à un état de guerre, le territoire japonais ne pouvait être dit en situation de guerre. Aussi Nakatani émettait-il d'ores et déjà l'idée d'une réforme de la loi d'août 1999 :

La loi en vigueur ne permet pas aux Forces d'autodéfense d'assurer la protection des bases américaines installées sur le territoire national. S'agissant principalement d'une mission confiée aux forces de police, je voudrais au plus vite modifier la loi. 13(*)

Les discussions se sont donc très vite orientées vers l'éventualité d'une modification de la législation en matière de défense. Cependant, certains hommes politiques, comme le président du Parti conservateur (Hoshutô \u20445\u20445ïÛéç«}ç}), Ôgi Chikage \u25159\u25159êî \u21315\u21315êçOEii, étaient d'avis qu'il fallait plutôt réétudier le système japonais de gestion de crise en accélérant l'examen de la législation en matière de situations d'urgence (yûjihôsei \u26377\u26377Lé--@-@ꧧ) et qui était à l'étude depuis les années 70. D'ailleurs, nombreux étaient ceux qui pensaient qu'il était nécessaire et urgent de réunir une session extraordinaire de la Diète pour en discuter. Toutefois, d'autres hommes politiques souhaitaient modérer ce caractère d'urgence, comme un cadre du Parti libéral démocrate qui soulignait : « il faut progresser par étapes », ou un membre du Kômeitô (\u20844\u20844OEö-¾¾\u20826«}}) qui déclarait : «  Je ne m'y oppose pas mais il faut être prudent ». 14(*)

Ces diverses propositions témoignaient bien de la volonté des partis de la majorité de définir une politique de contribution concrète. Certaines notes discordantes se faisaient toutefois entendre entre les partisans de mesures d'urgence immédiates, principalement le Parti libéral démocrate, et les partisans de la prudence qui s'opposaient à ce « sentiment d'exaltation » contre lequel l'éditorial de l'Asahi shinbun \u26397\u26397'(c)«úêVúVï·· du 26 septembre 2001 mettait en garde : « Kono kôyôkan ha abunai » \u12371\u12371#177;ÌÌ\u-25896çgg''\u12399ÍÍ\u21361ëcentsE (Ce sentiment d'exaltation est dangereux). Pourtant, les propositions des partis de la majorité restaient dans le cadre de la législation déjà existante. En réalité, l'idée d'une nouvelle loi allait être plus du fait du Premier ministre Koizumi que de celui du Parti libéral démocrate.

B) La position de l'opposition

Le 12 septembre, l'opposition a également tenu une réunion en rapport avec les attentats. Cette réunion informelle rassemblait les chefs du Parti démocrate (Minshutô \u27665\u27665-éå«}å}), du Parti libéral (Jiyûtô \u-32278\u-32278é(c)RR\u20826«}}), du Parti communiste (Kyôsantô \u20849\u20849éYY\u20826«}}) et du Parti social démocrate (Shamintô \u31038\u31038éÐ-\u20826«}}). Tous ont déclaré d'une voix commune que ces actes étaient impardonnables et que le monde devait adopter une politique ferme et unanime. Au sein de l'opposition, l'atmosphère était donc aussi au consensus pour condamner le terrorisme. Les prises de position ne démarquaient d'ailleurs pas de celles de la majorité et les opinions convergeaient pareillement vers l'adoption d'une politique ferme et réfléchie, comme on pouvait le lire dans l'Asahi shinbun qui rapportait le 13 septembre les déclarations du porte-parole du Parti démocrate, Hatoyama Yukio \u-25367\u-25367»uéRR \u30001\u30001RNN\u22827ïvv, à l'occasion d'une conférence de presse donnée le 12 :

« Nous collaborons aux démarches pour élucider cette affaire et pour venir au secours des Japonais en passant outre les barrières qui séparent la majorité et l'opposition. » Il a proclamé en outre qu'il fallait être ferme dans la gestion de crise.

Les propositions de l'opposition pour gérer la crise se rapprochaient en effet de celles de la majorité. Elles les rejoignaient même. L'opposition demandait notamment la constitution en urgence d'une commission de sécurité et l'ouverture d'une session extraordinaire de la Diète. Tous proclamaient qu'il était urgent et nécessaire de mettre sur pied un système de gestion de crise, notamment le secrétaire général du Parti libéral, Fujii Hirohisa \u-31260\u-31260«àä\u12539E \u-30507\u-30507Tvv qui estimait que :

Il n'y a pas, dans notre pays, de mécanisme qui corresponde à un système de gestion de crise. C'est une négligence de la part du Parti libéral démocrate qui est au pouvoir. 15(*)

Le Président du Parti communiste, Shii Kazuo \u24535\u24535éuàÊÊ \u21644\u21644aïvv, et le chef du Parti social démocrate, Doi Takako \u22303\u22303«yàä\u12539E \u12383\u12383½(c)(c)\u23376éqq, quant à eux, se sont contentés de condamner le terrorisme et de mettre l'accent sur l'importance de l'adoption d'une attitude réfléchie.

En définitive, il n'y avait pas de grande différence entre les positions de la majorité et celles de l'opposition. Elles étaient même identiques. L'heure était au consensus et tous les partis politiques faisaient front commun pour soutenir les Etats-Unis dans la résolution de cette crise.

III ) La position de l'opinion publique japonaise

Habituellement sur les questions de défense et de sécurité, l'opinion publique japonaise, qui est traditionnellement pacifiste, représente un élément d'influence très important. Pourtant, au lendemain des attentats du 11 septembre, elle a semblé être relayée au second plan. En trois mois, de septembre à novembre, l'Asahi shinbun n'a effectué que deux sondages sur les événements et le premier n'a été publié que le 16 octobre, soit plus d'un mois après les attentats. Le reste du temps, l'essentiel de l'information était monopolisé par les positions, opinions, déclarations et propositions des hommes politiques, des partis, du gouvernement et du Premier ministre. Deux raisons peuvent être avancées pour expliquer le peu d'importance accordée à l'opinion publique : d'une part, la soudaineté des événements et le caractère urgent de la réponse à définir pressaient le gouvernement et le Premier ministre à prendre des mesures sans nécessairement attendre le consentement du peuple ; d'autre part, les sentiments de condamnation des attentats et du terrorisme et la forte empathie pour les victimes ont eu pour effet de faire consentir implicitement les Japonais à toute proposition des politiques pour répondre à ces actes atroces.

Cependant, la position de l'opinion publique ne pouvait être négligée. Les résultats des sondages ont en effet mis en lumière des avis contrastés, à la fois approbateurs mais aussi sceptiques. Cette ambivalence peut s'expliquer par une condamnation traditionnellement moins forte du terrorisme que dans d'autres pays, et par un certain sentiment anti-américain.

A) Une opinion contrastée : entre approbation ...

Le phénomène terroriste, de la même façon que toute forme de violence, provoque un profond sentiment d'empathie vis-à-vis des victimes, se manifestant par une réaction de compassion et de condamnation et l'apparition d'un fort consensus contre cette violence, mais également un profond sentiment d'insécurité. C'est du moins ainsi que fonctionnent les mécanismes qui régissent les opinions publiques lorsqu'elles sont confrontées à ce genre de phénomène d'ultra violence comme le terrorisme, mais également les guerres, la torture ou encore la dictature.

Dans le cas présent aussi, l'opinion publique japonaise, relayée et amplifiée par les médias, n'est pas restée insensible et s'est même sentie profondément concernée par les événements. Elle a d'ailleurs toujours été très sensible aux questions de défense et de sécurité. Certains éléments d'analyse sont révélés par l'extrait du sondage qui suit 16(*) :

· Soutenez-vous le Cabinet Koizumi ?

Oui 71 % (70 %)

Non 13 % (14 %)

Autre, sans réponse 16 % (16 %)

[...]

· Les bons et les mauvais aspects du gouvernement Koizumi

(Choisir une réponse parmi celles proposées :

Réponses de droite : les bons aspects

Réponses de gauche : les mauvais aspects)

L'attitude politique du Premier ministre 35 % (33 %) 4 % (3 %)

La réforme de l'administration et des finances 27 % (29 %) 8 % (7 %)

La politique économique et de l'emploi 9 % (9 %) 35 % (34 %)

La politique diplomatique et de défense 6 % (6 %) 22 % (22 %)

Aucune réponse en particulier 20 % (20 %) 27 % (29 %)

Autre, sans réponse 3 % (3 %) 4 % (5 %)

[...]

· A propos des attentats terroristes aux Etats-Unis, approuvez-vous la collaboration du Japon avec Etats-Unis aux mesures de lutte contre le terrorisme ?

Oui 71 % (62 %)

Non 17 % (25 %)

Autre, sans réponse 12 % (13 %)

[...]

· Appréciez-vous les mesures du Premier ministre Koizumi concernant ces attentats terroristes ?

Oui 57 % (55 %)

Non 28 % (28 %)

Autre, sans réponse 15 % (17 %)

La tendance principale qui se dégage de ces données est que l'opinion publique japonaise était majoritairement favorable au gouvernement Koizumi (70 % en septembre, 71 % en octobre) et à la collaboration du Japon aux mesures de lutte contre le terrorisme prises par les Etats-Unis (62 % en septembre, 71 % en octobre).

Ce taux de 71 % peut cependant être interprété de deux façons différentes. Soit, d'une part, l'opinion publique japonaise, au diapason de l'opinion publique internationale, a ressenti le même sentiment de profonde empathie pour le peuple américain et se révoltait contre ce genre de crime aveugle et atroce que pouvaient engendrer des actes terroristes. A ce titre, il était donc du devoir du Japon en tant qu'allié des Etats-Unis d'être solidaire et donc de collaborer aux mesures de représailles pour punir les coupables de ces actes barbares.

Soit, d'autre part, elle estimait que la lutte contre le terrorisme devait faire partie des priorités d'une grande puissance internationale défendant les valeurs de la démocratie, de la liberté et de la paix. A ce titre, les attentats du 11 septembre ne représentaient qu'un triste exemple d'une menace grandissante contre la paix dans le monde. Il était de ce fait du devoir du Japon en tant que grande puissance mondiale de collaborer à la lutte contre le terrorisme.

B) ... et scepticisme

Ceci étant dit, les événements ont suscité une moindre émotion au Japon en comparaison, par exemple, aux réactions dans les pays d'Europe par exemple. Il est à souligner qu'en temps normal, les Japonais condamnent moins fortement le terrorisme que d'autres pays, comme l'explique Eric Seizelet, chercheur en droit et sciences politiques japonais au CNRS et au CERI :

[...] Les Japonais condamnent-ils le terrorisme ? [...] Sans rappeler nécessairement l'indulgence dont a longtemps bénéficié le meurtre politique au Japon, l'enquête internationale précitée sur les «valeurs humaines» montre que seuls 58 % des Japonais - contre 70 % de la moyenne des Occidentaux - condamnent le terrorisme quel qu'en soit le motif. Et, si on peut naturellement s'attendre à des résultats quelque peu différents en cas d'attentats aveugles dont ils seraient eux-mêmes victimes, il n'en reste pas moins vrai que les Japonais, à froid, manifestent une condamnation moins forte du terrorisme que les Occidentaux. 17(*)

La conception des Japonais du sacrifice, de l'abnégation, principes que l'on retrouve dans le terrorisme, est en effet différente de celle qu'ont les Occidentaux. Il est intéressant de voir par exemple que le premier attentat suicide de l'histoire, le « massacre de Lod » du 30 mai 1972, du nom de l'aéroport de Tel-aviv où il a été commis, a été perpétré par trois Japonais, membres du Nihon Sekigun \u26085\u26085«ú-{{\u-29340êÔÔ\u-28979OERR, et dont un seul survécut 18(*).

Il est à noter par ailleurs que, si le Premier ministre Koizumi Jun.ichirô était très populaire (70 % d'opinions favorables en septembre et 71 % en octobre), il semble que sa façon de gérer cette crise n'a pas eu d'impact significatif sur son taux de popularité. Pourtant, seulement 55 % des personnes interrogées (en septembre) puis 57 % (en octobre) appréciaient les mesures qu'il avait entreprises dans le cadre précis des attentats terroristes du 11 septembre. En outre, 22 % jugeaient que la politique diplomatique et de défense était le principal mauvais aspect de la politique gouvernementale, contre 6 % seulement qui pensaient que c'était le meilleur. La raison en est que l'opinion publique japonaise est habituellement plus encline à juger son Premier ministre en fonction de son attitude générale (35 % estimaient que c'était le principal bon aspect de la politique gouvernementale) et à l'aune de dossiers qui leur apparaissent plus préoccupants, ou du moins qui les intéressent en premier lieu comme la politique économique et de l'emploi (35 % des sondés jugeaient qu'il s'agissait du principal mauvais aspect de la politique gouvernementale).

Cependant, 62 % (en septembre) puis 71 % (en octobre) des sondés approuvaient la collaboration du Japon avec les Etats-Unis contre le terrorisme. Autrement dit, si une très large majorité des Japonais soutenait la collaboration du Japon aux mesures prises par le gouvernement Bush en représailles des attentats, ils étaient moins nombreux à apprécier les initiatives engagées en la matière par le Premier ministre Koizumi. En d'autres termes, l'opinion publique japonaise, qui est traditionnellement pacifiste, condamnait massivement les attentats terroristes survenus aux Etats-Unis mais semblait encore une fois réticente à envisager l'éventualité d'un engagement militaire du Japon aux côtés de l'armée américaine impliquant le possible déploiement des Forces d'autodéfense.

CHAPITRE 2

L'ETAT DES POLITIQUES EXTERIEURE

ET DE DEFENSE DU JAPON

AU MOMENT DES ATTENTATS

L''

'opinion publique japonaise ne s'y trompait pas : condamner le terrorisme n'était pas la même chose que d'engager une guerre contre les terroristes auteurs des attentats du 11 septembre. Le premier relevait du bon sens que possède tout être humain digne de ce nom, respectueux de son prochain et de la vie. Le second relevait d'une volonté de vengeance. Ceci étant dit, il faut aussi préciser que cette volonté de vengeance n'était pas celle du gouvernement Koizumi mais celle du gouvernement Bush et des Américains. La volonté du gouvernement japonais était d'un autre ordre : montrer qu'il était capable de prétendre à un grand rôle diplomatique au niveau mondial. Depuis la fin de la guerre froide, le Japon se trouve dans une situation nouvelle et doit définir de nouveaux objectifs au risque de connaître un déclin de sa situation internationale. Autrement dit, il ne peut plus se contenter d'être un simple pion de la politique américaine de défense en Asie-Pacifique.

La situation dans laquelle se trouvait le Japon vis-à-vis de la guerre de représailles des Américains n'a fait que mettre davantage en exergue l'inadéquation entre les ambitions internationales d'une politique extérieure et les obstacles imposés par une politique de défense trop restrictive.

I) La situation de la politique extérieure : « éviter l'isolement diplomatique »

Comme nous l'avons vu plus haut, la volonté des autorités japonaises d'inscrire leur politique de soutien et de contribution dans le cadre d'une « coopération internationale » tient une place prépondérante dans les mesures d'urgence annoncées au lendemain des attentats du 11 septembre. Il s'agissait en effet pour le gouvernement japonais d'« éviter l'isolement diplomatique », car la gestion de cette crise n'était évidemment pas sans rappeler celle de la guerre du Golfe lors de laquelle Tôkyô avait été fustigé par la communauté internationale et les pays de la coalition pour ne pas avoir engagé de troupes sur le terrain. Et les relents des sentiments d'échec et de « honte » ressentis onze ans plus tôt n'ont fait qu'encourager davantage le gouvernement japonais à faire la démonstration concrète de sa volonté de soutien et de collaboration.

Il s'agissait donc pour le gouvernement japonais d'éviter autant que possible de réitérer les erreurs commises lors de la guerre du Golfe. La coopération auprès des Etats-Unis dans ce nouveau conflit était en effet l'occasion de relever ce que Jean-Marie Bouissou appelle « le défi de la place du Japon dans le monde » 19(*), ce qui a été tenté maintes fois mais avec des résultats mitigés, du moins insuffisants pour prouver que le Japon pouvait prétendre à une place de choix au sein de la communauté internationale.

A) Eviter à tout prix une deuxième « guerre du Golfe »

Le 30 août 2001, douze jours avant les attentats terroristes dirigés contre le World Trade Center et le Pentagone, le Premier ministre Koizumi, qui était en visite aux Etats-Unis, s'interrogeait avec le ministre des Affaires étrangères, Tanaka, et le directeur de l'Agence de Défense, Nakatani : « Si un conflit tel que la guerre du Golfe éclatait, que pourrait faire le Japon ? »20(*). Certains diraient que la réflexion du Premier ministre était prémonitoire, mais ce serait sans considérer le fait que la question préoccupait profondément les hommes politiques japonais. Les sentiments d'échec et de honte éprouvés par la classe politique japonaise et le corps diplomatique étaient encore profondément ancrés dans les mémoires, comme le souligne l'éditorial de l'Asahi shinbun du 18 septembre 2001 intitulé « Wangan go ishô kara dakkyaku wo » \u28286\u28286p\u24460OEãàâãâèÇÇ\u12363(c)(c)\u12425ç'EçEpp\u12434ð\u12539E (Se délivrer du syndrome hérité de la guerre du Golfe) :

Lors de la guerre du Golfe, le Japon a fourni un soutien financier exorbitant, mais il en a été particulièrement critiqué. Il est compréhensible qu'il s'impatiente d' « apporter aux Américains un soutien visible » qui le délivrera de ce syndrome psychologique hérité de la guerre du Golfe.

La guerre du Golfe posait en effet pour la première fois depuis la fin de la Guerre froide et de façon concrète la question de la contribution internationale (kokusai kôken \u22269\u22269ççÛÛ\u-29534çvv\u29486OE££) du Japon pour la construction du nouvel ordre mondial : quelle assistance le Japon peut-il apporter à ses alliés, au premier rang desquels se trouvent les Etats-Unis ? En 1991, la contribution a été essentiellement financière : 13 milliards de dollars ont été injectés dans l'effort de guerre. Mais le Japon pouvait-il aller plus loin que la « politique du chéquier » ?

La question a fait débat au sein de la classe politique japonaise dès l'automne 1990. En novembre, le Premier ministre Kaifu Toshiki \u28023\u28023Cï»\u12539E \u20426\u20426èré÷÷ et son gouvernement avaient mis au point un premier projet de loi permettant au Japon de participer à une opération internationale sous l'égide des Nations unies et qui n'excluait pas les opérations militaires. Cette initiative a enclenché un double débat sur la nature de l'opération « tempête du désert » qui était une opération militaire autorisée par l'ONU mais qui n'était pas dirigée par l'ONU. La polémique n'a fait que soulever l'ambiguïté de la participation du Japon, aussi le projet de loi a-t-il été rejeté. Par ailleurs, l'opinion publique japonaise, de même que l'opposition de gauche, s'était majoritairement prononcée contre la participation de leur pays à ce genre d'opération. A la fin des hostilités, le Japon a envoyé des dragueurs de mines dans le Golfe, mais il n'avait apporté aucun soutien logistique ni militaire durant les opérations.

Le débat ouvert à l'automne 90 a duré deux ans. Il s'agissait avant tout pour le Japon de mettre en cohérence ses velléités de puissance internationale et ses attributs de la puissance. L'attribut économique et financier était acquis. Pourtant, le Japon a appris de la guerre du Golfe que c'était insuffisant et que l'attribut militaire était indispensable pour prétendre au rang de grande puissance mondiale. En définitive, le Japon a tenté de faire du mieux qu'il pouvait avec les « armes » dont il disposait : des dispositions constitutionnelles contraignantes, des structures légales insuffisantes, mais surtout une opinion publique hostile à tout engagement militaire. Malgré tout, les 13 milliards de dollars fournis par Tôkyô ne représentaient pas un effort suffisant aux yeux des alliés qui considéraient que le Japon avait joué la carte de la facilité. Donner de l'argent sans se compromettre sur le terrain était d'autant plus insuffisant que cela était indigne d'un Etat qui revendiquait le retour à un rôle prépondérant au sein de la société internationale.

B) Le « défi de la place du Japon dans le monde »

Pour Jean-Marie Bouissou, le « défi de la place du Japon dans le monde » est le quatrième défi que doit relever le Japon après le défi des communautés locales et du pouvoir périphérique, le défi du réveil de la société civile et le défi du leadership politique. Pour lui, « la diplomatie japonaise n'a jamais cessé de se chercher » :

Le développement très rapide de l'Asie jusqu'à la crise de 1997 a mis à la mode l'idée d'un recentrage de la diplomatie japonaise sur ce qui devrait devenir le « premier pôle de la puissance mondiale du XXIème siècle », mais sans que les moyens ni les objectifs de cette réorientation soient clairement définis. 21(*)

Reconquérir sa place au sein du concert des grandes puissances mondiales était donc le principal objectif plus ou moins avoué de la diplomatie japonaise, du moins depuis la fin de l'occupation américaine. Cette politique de reconquête n'a pas été menée sans mal et a connu de nombreux échecs.

Depuis la signature du « traité de coopération et sécurité mutuelles » en 1960, le Japon avait fait sentir sa volonté de définir une politique extérieure « à la japonaise » et autonome de la ligne diplomatique américaine. Sur le papier, le second traité de sécurité nippo-américain consacrait en effet le Japon comme « partenaire » des Etats-Unis en Extrême-Orient, faisant passer les relations nippo-américaines d'une situation de leadership à une situation de partnership (article 3), notamment par l'instauration d'une politique de défense concertée à propos des territoires sous administration japonaise (article 5) 22(*). Ainsi, le Japon fondait sa politique d'affirmation face aux Etats-Unis sur la recherche d'une plus grande autonomie politique, militaire et diplomatique, mais aussi sur cette relation de partenariat qui mettait fin à une situation en tant que pays occupé et satellisé. Mais, les limites de la politique de consultation et du partnership nippo-américain, et, en corollaire, les limites d'une politique extérieure à la japonaise étaient aussi inscrites dans l'article 5 qui stipulait que la concertation se ferait « de temps à autre » 23(*). Cela s'est confirmé dans les faits, en particulier au moment de la guerre du Vietnam. De fait, de « mutuelle » ce traité de Coopération et de Sécurité n'en avait que le nom et le gouvernement japonais n'avait pas d'autre choix que d'être un « partenaire » consentant, qu'il ait été consulté ou non par les Américains.

Par la suite, pendant la période de haute croissance, le Japon s'est forgé en tant que grande puissance économique mondiale, mais en parallèle il a été critiqué pour la ligne pacifique de sa politique étrangère car elle trahissait un manque de responsabilité vis-à-vis de la communauté internationale. Or, depuis la fin du système de 55 24(*), qui a entraîné la perte de vitesse de la ligne pacifiste, et surtout depuis la fin de la guerre froide, il semble que s'est raffermie l'affirmation d'un « Japon, grande puissance ». En particulier, le Japon s'est efforcé de jouer un rôle de plus en plus présent au sein de l'Organisation des Nations unies et souhaiterait même une réforme de la Charte afin de pouvoir faire partie du Conseil de Sécurité.

A la fin de la guerre froide, et afin de réaliser ses velléités de grande puissance, le Japon s'est investi tout particulièrement dans deux nouvelles voies : la voie humanitaire, comme l'illustre la création du dispositif JDR en 1992 pour redorer le prestige international du Japon. Ce dispositif réunissait des forces d'intervention susceptibles d'être déployées en cas de catastrophes naturelles à l'étranger, soit 150 000 hommes issus de plusieurs corps de métiers (la sécurité maritime, des services de police de 7 départements, des services de lutte contre les incendies de 40 départements, des médecins, des administratifs), et disposait de représentants basés à Narita, Mexico, Singapour, en Italie et aux Etats-Unis. Le dispositif JDR comptait également des éléments issus des Forces d'autodéfense : 270 militaires, 300 aéroportés et 140 forces du génie (pour les installations en eau potable par exemple). L'autre voie était celle de la lutte contre le terrorisme, tout particulièrement au sein de l'organisation du G8 25(*).

Cette politique de reconquête diplomatique a suivi et continue de suivre des voies diverses. Les voies économique et humanitaire sont celles qui ont certainement donné le plus de résultats positifs, ce qui n'est pas le cas de la voie sécuritaire. En matière de politique de défense, le Japon n'est toujours pas autonome et reste dans l'ombre des Etats-Unis, aussi bien sur le plan international que sur le plan régional. Concernant en particulier les activités des Forces d'autodéfense, les champs d'activités restent restreints à des tâches humanitaires et d'assistance. La politique de soutien et de contribution aux opérations américaines en représailles des attentats du 11 septembre pouvait donc être l'occasion pour le Japon de réaffirmer ses ambitions internationales.

II) La situation de la politique japonaise de défense 

Le Premier ministre Koizumi déclarait le 14 septembre lors d'une conférence devant la presse étrangère à Tôkyô : « Je déciderai de notre contribution en fonction des actions arrêtées à Washington » 26(*), car, en matière de défense, le Japon restait assujetti aux Etats-Unis. Or, le débat s'était déjà engagé pour savoir s'il fallait envoyer les Forces d'autodéfense japonaises à l'étranger. Jusqu'alors, elles n'étaient jamais intervenues en dehors du territoire japonais et des régions environnantes comme le Cambodge ou le Timor, mise à part dans le cadre d'opérations de maintien de la paix sous l'égide de l'ONU (Peace Keeping Operations, PKO).

Mais, comme le soulignait notamment le Directeur de l'Agence de Défense Nakatani, la législation en vigueur permettait difficilement l'envoi des Forces japonaises à l'étranger. Les restrictions imposées par la loi sur les situations de crise en zones périphériques et les lacunes d'un système de gestion de crise ont alors amené certains à envisager une révision de la loi sur les Forces d'autodéfense.

A) Une législation trop restrictive en matière de défense

Comme il a été mentionné plus haut, lors de la guerre du Golfe, le gouvernement de l'époque avait déjà tenté de faire passer une loi durant l'automne 1990 afin de permettre le déploiement des Forces d'autodéfense à l'étranger pour soutenir les opérations militaires de la coalition internationale. Cependant, si à l'époque la loi a été rejetée, pourquoi l'envoi des Forces japonaises serait-il réalisable aujourd'hui, en 2001 ? C'est parce que, depuis l'époque de la guerre du Golfe, l'arsenal légal de la défense japonaise s'était étoffé et surtout parce que l'opinion publique était prête à accepter l'idée que les Forces d'autodéfense pouvaient être dépêchées en dehors du territoire national et de ses zones limitrophes. Pourtant, la législation japonaise en matière de défense restait trop restrictive et rigide. Les différentes lois qui la composaient ont été adoptées pour répondre à des circonstances bien spécifiques. A ce propos, Okamoto Yukio \u23713\u23713%o-{{ \u-30644\u-30644çsïvv, critique diplomatique et responsable des questions de sécurité au Ministère des Affaires étrangères, explique dans une interview pour l'Asahi shinbun que :

Le Japon ne s'est pas encore globalement bien remis de la guerre du Golfe. Assurément, les mesures japonaises pour faire face aux situations de crise dans les zones périphériques, la participation aux opérations de maintien de la paix de l'ONU (PKO), le sauvetage des Japonais résidant à l'étranger, dans ces trois domaines le Japon a élaboré de nouvelles lois et a en a réformé d'autres. Cependant, [...] il ne peut appliquer aucune de ces législations à la situation présente. Le Japon est dans une conjoncture qui n'a pas beaucoup changé par rapport à celle de la guerre du Golfe. 27(*)

En effet, l'application de la législation existante pour mettre en oeuvre des mesures en réponse à ces attentats terroristes soulevait deux questions fondamentales : la première était de savoir si les représailles de l'armée américaine s'appliquaient aux situations de crise en zones périphériques et la seconde était de déterminer s'il n'y avait pas un risque de contrevenir à la position du Japon vis-à-vis de l'utilisation du droit à la défense collective.

Le système de gestion de crise japonais restait donc très circonscrit, même si des discussions pour mettre sur pied un système global avaient été engagées depuis les années 70 28(*). Les activités des Forces d'autodéfense sont en effet strictement encadrées, non seulement leur nature, mais aussi les circonstances dans lesquelles elles sont exécutées. La loi PKO votée en 1992 permettait certes l'envoi des Forces japonaises à l'étranger mais dans le seul cadre d'opérations de maintien de la paix menées sous l'égide de l'ONU. Autrement dit, elles ne pouvaient intervenir qu'une fois les combats terminés, dans des zones sécurisées et pour accomplir des missions à vocation logistique et humanitaire. Enfin, les règles d'utilisation des armes ne permettaient d'y avoir recours uniquement dans les seuls cas de légitime défense.

B) La législation sur les situations d'urgence et la loi sur les situations de crise en zones périphériques : divergences d'opinions sur le principe d'un aménagement

En matière de situations d'urgence, la législation en vigueur au Japon ne concernait que les situations susceptibles de survenir dans les zones périphériques telles que définies par la loi sur les situations de crise en zones périphériques mise en vigueur en août 1999. Cette loi elle-même se basait sur les directives de coopération nippo-américaine en matière de défense ou Guidelines. Selon le texte, « en cas de crise grave dans les zones périphériques du Japon ayant une grave influence sur la paix et la sécurité du Japon » (situations de crises en zones périphériques, comme les menaces d'invasion), les Forces d'autodéfense peuvent mener des opérations de soutien de l'armée américaine dans les zones arrière qui sont délimitées par une ligne de démarcation séparant ces zones de celles où se déroulent des combats. Ces opérations de soutien comprennent des activités de soutien en zones arrière (comme le transport de matériel ou le soutien logistique) et des activités de secours et d'assistance en zones arrière auprès des personnes participant aux combats et qui sont en détresse.

Comme l'indiquait l'article de l'Asahi shinbun du 13 septembre 2001 sous-titré « Yûji hôsei maetaoshi ron mo » \u26377\u26377Lé--@-@ꧧ\u21069OO\u20498«||\u12375uu\u-29994__\u12418àà (Débat anticipé sur la législation sur les situations d'urgence), dès le lendemain des attentats, le premier réflexe de la classe politique japonaise a été de demander un premier aménagement, voire une accélération des discussions sur la législation en matière de situations d'urgence. C'était le cas du Parti libéral démocrate mais également d'une partie de l'opposition, comme le par exemple Nakazuka Kazuhiro \u20013\u20013'†'ËË \u19968\u19968àêçGG, du Parti libéral, qui estimait que la loi sur les situations d'urgence devait être aménagée lors de la prochaine session extraordinaire de la Diète. A cela, le Premier ministre Koizumi répondait que le sujet n'était pas à l'ordre du jour et qu'il existait bien d'autres points qui posaient problème 29(*).

Les opinions divergeaient également en ce qui concernait la question de la surveillance des bases américaines installées sur le territoire japonais, autre élément fondamental de la législation en situations d'urgence. Au sein de la majorité, le Kômeitô n'était pas de l'avis du Parti libéral démocrate. Il pensait que, si conformément à la loi les missions de surveillance relevaient de la police, l'intervention des Forces d'autodéfense ne devait être autorisée que dans le cadre d'opérations de sécurité publique et qu'il valait mieux établir les mesures à prendre en se basant sur la législation en vigueur plutôt que d'aménager la loi 30(*). Or, comme le Directeur de l'Agence de Défense Nakatani l'indiquait, la loi sur les situations de crise en zones périphériques ne permettait pas aux Forces d'autodéfense d'assurer la surveillance des bases américaines dans la mesure où les événements terroristes du 11 septembre n'entraient pas dans le cadre d'une « situation de crise survenant dans les zones périphériques du Japon et présentant une grave influence sur la paix et la sécurité du Japon ». Les attentats avaient été perpétrés en effet aux Etats-Unis, c'est-à-dire bien loin des « zones périphériques » du Japon.

En outre, le théâtre des opérations de représailles, autrement dit l'Afghanistan et ses environs, n'entrait pas non plus dans la définition des « zones périphériques du Japon » telle que l'entendait la loi. En fait, le désir de résoudre le problème des mesures en réponse aux événements du 11 septembre par un aménagement de la loi sur les situations de crise en zones périphériques émanait essentiellement de l'Agence de Défense. Cette dernière estimait que, même si la probabilité était faible pour que le Japon, en tant qu'allié des Américains, puisse être menacé par des attentats terroristes, cette menace ne devait pas être négligée et pouvait justifier la mise en application de la loi sur les situations de crise en zones périphériques. Cependant, un soutien direct à des opérations offensives de représailles ne cadrant pas avec les dispositions de la loi, l'Agence de Défense étudiait donc les possibilités d'une application de la loi par interprétation. Selon l'organisme, une « interprétation extensive » de la définition des « zones périphériques » pouvait permettre des opérations de soutien arrière comme le transport de matériel ou le ravitaillement. Or, lorsque la loi a été votée en août 1999, Obuchi \u23567\u23567è#172;·°°, le Premier ministre de l'époque, avait expliqué officiellement que sa portée ne concernait pas les zones du Moyen-orient, de l'océan Indien et ni des régions au-delà. Cependant, la loi elle-même ne donnait pas de définition claire des « zones périphériques ». C'est ce qu'explique Yamamoto Takeshi 31(*) :

Les zones visées par le traité de sécurité nippo-américain sont le Japon étendu à l'Extrême-Orient. L'Extrême-Orient désigne une zone qui peut s'étendre des zones limitrophes au nord des Philippines, Taiwan, la Corée du Sud, ainsi que la Corée du Nord. En outre, de l'opinion du gouvernement, ce terme vise également les « zones périphériques » extérieures à ces zones pour les cas de situations de crise engendrant une menace pour l' « Extrême-Orient » (février 1960). Autrement dit, il s'agit d'une structure à trois composantes selon laquelle la sécurité du Japon (les frontières japonaises) est assurée par le maintien de la sécurité et de la paix en Extrême-Orient (Extrême-Orient) contre les menaces dirigées vers l'Extrême-Orient (les zones périphériques).

A cet égard, la loi sur les situations de crise dans les zones périphériques considère les zones périphériques et l'Extrême-Orient comme les zones visées dans le cas de situations de crise ayant une grave influence sur la paix et la sécurité du Japon. Cette loi est ambiguë car elle ne spécifie pas clairement les zones en question.

Les Guidelines en outre ne faisaient qu'ajouter à l'ambiguïté en stipulant que cette définition n'était pas d'ordre géographique mais qu'elle s'appréciait selon la teneur de la situation, ce que précise également Yamamoto Takeshi : «  Le gouvernement japonais détermine de façon autonome les situations de crise dans les zones limitrophes » 32(*).

Or, le Ministère des Affaires étrangères et les partis de la majorité n'étaient pas du même avis que l'Agence de Défense et estimaient que :

Si le site des opérations de combat se trouve être en Afghanistan, il sera difficile d'intervenir même en interprétant la loi de façon extensive ». 33(*)

Ils seraient par contre plus favorables à une révision de la loi sur les Forces d'autodéfense.

C) La proposition d'une réforme de la loi sur les Forces d'autodéfense

Comme il a déjà été mentionné plus haut, le Directeur de l'Agence de Défense Nakatani proposait dès le lendemain des attentats de réformer la loi réglementant les activités des Forces d'autodéfense pour qu'elles puissent, en temps de paix sur le territoire japonais et dans ses zones périphériques, assurer la protection et la surveillance des bases nippo-américaines et américaines. Cette loi permettait aux Forces d'autodéfense d'utiliser leurs armes pour assurer la protection des équipements et armements et de mener des opérations de surveillance des bases conjointement utilisées avec l'armée américaine. Mais ces dispositions ne pouvaient être appliquées en ce qui concernait les bases à l'usage exclusif de l'armée américaine, à moins que le Premier ministre ne donne l'ordre de mener des opérations de sécurité publique.

Le Premier ministre Koizumi, ainsi que le Parti libéral démocrate, approuvaient la nécessité de réformer la loi afin d'étendre le champ d'application des activités des Forces d'autodéfense. Le 13 septembre en effet, lors d'une réunion rassemblant les secrétaires généraux des trois partis de la majorité, le secrétaire général du PLD, Yamazaki \u23665\u23665éRçèè, a formulé des propositions en ce sens. Toutefois, le Kômeitô et le Parti conservateur n'ont pas souhaité se prononcer avant d'avoir pris connaissance du projet final.

Pour le directeur de l'Agence de Défense, qui a élaboré le nouveau concept de « situation de tension », le but de la réforme était de faire en sorte que les Forces d'autodéfense puissent intervenir dans les cas d'exposition à un danger terroriste34(*). Cependant, il pensait également qu' « il ne s'agit pas de réformer la loi mais de surmonter le débat sur son interprétation » 35(*).

CHAPITRE 3

LE JAPON ET LA LUTTE

CONTRE LE TERRORISME

P

our les dirigeants des pays touchés par des actes terroristes, la première nécessité qui s'impose de façon naturelle et impérieuse est de lutter contre cette menace. Il s'agit dès lors de définir la forme que doit prendre cette lutte. Dans un pays démocratique, elle fait généralement l'objet d'une politique publique, c'est-à-dire élaborée par les hautes instances de l'appareil d'Etat, et se caractérise par l'application d'un programme d'action et d'une mise en oeuvre sur le terrain susceptible d'être réaménagée en fonction des résultats et de son efficacité. Il s'agit de défendre le droit naturel et imprescriptible de l'homme à la sécurité.

Or, jusqu'à présent, la plupart des initiatives en matière de politique de lutte contre le terrorisme n'ont trouvé de véritable concrétisation qu'à un niveau national. Bien sûr il existe des mesures communes mises en oeuvre à une échelle régionale, au niveau européen par exemple, mais elles sont encore balbutiantes. Elles le sont davantage au niveau mondial36(*). Des mesures telles que la guerre de représailles annoncée par les Etats-Unis n'ont jusqu'alors jamais été engagées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. L'extrémisme d'une telle démarche ne tient d'ailleurs pas tant dans les énormes moyens militaires mis en oeuvre, mais surtout dans le fait que le gouvernement Bush cherche à engager dans son sillage ses alliés, dont le Japon qui se trouve alors confronter à la difficile question de savoir quel rôle il doit jouer dans cette guerre contre le terrorisme.

I) « La guerre contre le terrorisme »

La mise en oeuvre d'une politique de lutte contre le terrorisme se caractérise en premier lieu par l'existence d'un très fort consensus, non seulement entre les autorités politiques et les citoyens, qui réclament la justice pour les victimes et des mesures pour assurer leur sécurité, mais aussi au sein de la classe politique elle-même qui adopte alors un discours unitaire. Comme nous l'avons vu plus haut, la classe politique japonaise n'échappe pas à cette règle.

Dans le cas des événements du 11 septembre, la question de la nature du soutien japonais était directement liée à celle de la nature de la riposte américaine. Or celle-ci allait être, sans équivoque, d'un caractère offensif et militaire. Les déclarations du Président Bush ne laissaient d'ailleurs aucun doute là-dessus : une « nouvelle forme de guerre » s'annonçait imminente. Toutefois, avant d'analyser les significations et les implications de cette expression, qui sont par ailleurs directement liées à la nature particulière des événements du 11 septembre, il convient tout d'abord de définir ce qu'est le terrorisme.

A) Qu'est-ce que le terrorisme ?

Comme le mot l'indique, le terrorisme vise à susciter la terreur au sein de l'opinion publique et des dirigeants d'un Etat afin de les ébranler, de faire passer un message, ou pour faire valoir certaines revendications. Sado Ryûki, chercheur à l'Institut de gestion des risques (risuku kanri kenkyû \u12522\u12522ÉÉXX\u12463ÉNN\u31649ÇÇ\u29702ùOEù††) écrit à ce propos dans l'Asahi shinbun que « le terrorisme est une guerre qui a recours à la « menace » comme action de coercition morale » 37(*). Le terrorisme relève donc de la menace psychologique comme l'explique également Gérard Chaliand, théoricien des conflits :

L'objectif premier du terrorisme est de répandre la terreur. Celle-ci peut être exemplaire (« tuer un, être vu de mille ») ou massive. [...]

[Le nombre de victimes est] de peu de conséquence. Le véritable impact est d'ordre psychologique : ce qui est d'abord visé, ce sont les esprits et les volontés. 38(*)

Les causes du terrorisme sont multiples et fonction de chaque forme qu'il revêt. Leur dénominateur commun semble cependant être la volonté de faire valoir telle ou telle revendication. Toutefois, le terrorisme reste un phénomène d'une nature imprévisible, multiforme et hétérogène qui appelle des contre-mesures adaptées. Pourtant, le phénomène terroriste étant très complexe, du fait de la variété des ses acteurs et de la multiplicité de leurs motivations et de leurs modes d'action, il est difficile de donner une définition précise du terrorisme. La typologie des terrorismes cependant permet de faire la distinction entre deux grands types de terrorisme : le terrorisme interne et le terrorisme international ou transnational. Ce dernier se caractérise par une menace terroriste exogène, pouvant prendre pour cible ou terrain d'action n'importe quel pays, quelles que soient l'origine et les revendications de ses auteurs. C'est ce qui lui confère sa nature diffuse et explique le caractère unanime et solidaire de la volonté de la communauté internationale pour lutter contre cette menace car n'importe quel pays est susceptible d'être concerné par ce problème.

De très nombreux événements empreints de terrorisme jalonnent l'histoire du monde. Le premier d'entre eux daterait du premier siècle de notre ère 39(*). Le terrorisme n'est donc pas un phénomène nouveau ou caractéristique de l'époque contemporaine, contrairement à ce que certains observateurs ou auteurs laisseraient entendre. Le « terrorisme contemporain », quant à cette forme spécifique du phénomène, n'est pas né avec les attentats du 11 septembre mais en 1968 :

Le terrorisme contemporain a bientôt trois décennies d'existence. Il est en effet convenu de situer sa double naissance à la date de 1968.

D'une part, la matrice proche-orientale qui voir le jour lorsque le Front populaire de libération de la Palestine de Georges Habache détourne deux avions de la compagnie israélienne El Al (été 1968). [...]

D'autre part, la matrice latino-américaine, qui, après l'échec du Che en Bolivie, préconise la guérilla urbaine. 40(*)

Le Japon également a été le théâtre de séries d'attentats, à la fin des années 60 et dans les années 70, organisés par des mouvements gauchistes étudiants qui ont donné naissance au Nihon Sekigun 41(*). Le Nihon Sekigun était un groupe de terroristes japonais qui sévissait essentiellement à l'étranger, notamment en Europe et au Moyen-orient. Ses membres s'entraînaient dans des camps du Moyen-orient et ont souvent mené des opérations en collaboration avec des terroristes d'autres nationalités. De nombreux observateurs se sont pourtant accordés pour parler des attentats du 11 septembre comme d'événements annonçant l'ère du terrorisme international, alors que, selon Gérard Chaliand, c'est le FPLP qui a inauguré le phénomène :

Le FPLP inaugurait la vague contemporaine du terrorisme transnational, c'est-à-dire celui qui frappe ailleurs que sur le théâtre même où se situe le conflit. Les émules ne manqueront pas et le Moyen-Orient se distingue comme la source la plus fertile en terrorisme transnational. 42(*)

Le Nihon Sekigun a fortement contribué à élaborer les modalités du terrorisme international, en particulier par l'apport de techniques terroristes radicales comme le détournement d'avion ou l'attentat suicide.

On peut donc définir le terrorisme comme l'ensemble des formes de violences utilisées à l'égard de cibles non combattantes, de populations civiles, choisies pour leur impact symbolique ou médiatique afin de provoquer un effet de terreur, de vulnérabilité et d'impuissance dans le but d'obtenir un résultat politique déterminé. Toutefois, comme le souligne André Kaspi, historien et spécialiste des relations internationales, le terrorisme, plus qu'un ensemble de formes de violences, est surtout une méthode fondée sur la violence :

Le terrorisme n'est pas une doctrine que l'on pourrait placer sur le même plan que le communisme, le nazisme ou le tiers-mondisme. Il est avant tout un moyen, une méthode pour faire peur, pour imposer une volonté, des objectifs rationnels ou irrationnels. Il ne s'embarrasse pas de considérations morales : il exécute des innocents, au prétexte qu'aucun d'entre nous n'est vraiment innocent. 43(*)

Il s'agit en effet d'une méthode de guerre dont les moyens obéissent à des règles fondées sur des principes extrémistes afin de provoquer l'impact le plus retentissant possible. Or, c'est précisément parce que le terrorisme est une méthode de guerre que la rhétorique de guerre va presque naturellement trouver sa place dans les discours des chefs d'Etat, au premier rang desquels se place le président Bush, et dans les commentaires des médias.

B) « Une nouvelle forme de guerre » ou la rhétorique de guerre

Marie-Hélène Gozzi souligne dans son ouvrage, Le terrorisme, que le terrorisme est à la fois une idéologie et une méthode. Le terrorisme n'est pas en soi une guerre, mais plutôt une méthode de guerre :

D'aucun parlent à propos des actes de terrorisme, d'actes de guerre. Les attentats du 11 septembre sont particulièrement nommés ainsi car « même si on appelle cela du terrorisme, c'est aussi une agression » [Article 2 de la Convention de Strasbourg]. Doit-on alors comprendre que toute agression est une guerre. Nous ne le croyions pas. Il est des différences fondamentales entre la guerre et le terrorisme. 44(*)

Déclarer la guerre au terrorisme revient alors à déclarer la guerre à une certaine forme de guerre. « Pur jeu de mots » diraient certains, mais la nuance est ici essentielle car il semble que cette rhétorique de guerre soit la première, et seule, légitimation officielle qui ait été avancée pour justifier des représailles et la mise en action des systèmes d'alliances de sécurité, en particulier ceux institués par l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et le traité de sécurité nippo-américain. L'essentiel, en effet, était d'établir la pertinence d'une déclaration de guerre et dans le cas présent il importait peu que l'ennemi ne soit pas un Etat hostile. Le terrorisme et, par extension, les individus qui en usent représentaient une menace suffisamment grave et dangereuse pour que se justifie la mise en oeuvre de mesures contre-offensives.

Dans son ouvrage «Tero to no sensô» to ha nani ka ? - 9.11 igo no sekai \u12300\u12300uÉee\u12525ÉçÆçÆÌÌ\u25126êíàúvv\u12392ÆÆ\u12399ÍÍ\u20309%o½½\u12363(c)(c) - 9.11\u20197\u20197àÈOEãÌãÌêcentscents\u30028EE (Qu'est-ce que «la guerre contre le terrorisme» - Le monde depuis le 11 septembre), Nishitani Osamu \u-30337\u-30337ê¼'JJ \u20462\u20462èC analyse la rhétorique de guerre développée par le président George W. Bush, rhétorique relayée par les média américains, au premier rang desquels la chaîne de télévision CNN. Nishitani Osamu note en effet que :

Le président Bush, s'arrangeant pour éluder les questions demandant « pourquoi ? » qui devaient naturellement surgir, présumait qu'il s'agissait d'une « guerre », la qualifiant d'« agression ignoble » contre « la liberté » et «  la démocratie » et annonçait des « représailles » globales.

[...] Depuis, la rhétorique de « guerre » abonde. Ce qui est stupéfiant c'est la surprenante « unanimité » qui s'est propagée dans les pays occidentaux (bien sûr, la position diffère selon chaque pays mais cette position s'unifie autour du soutien à la « guerre de représailles » des Etats-Unis et d'une assistance active). 45(*)

Cette rhétorique de guerre était ainsi symbolisée par la loi du talion, « oeil pour oeil, dent pour dent », qui dans la volonté de riposte que nourrissaient les Américains devenait synonyme du « God bless America » dont le président Bush ponctuait immanquablement ses interventions. Les Etats-Unis voulaient se venger.

La question qui se posait dès lors pour les traditionnels alliés des Etats-Unis était de savoir s'ils devaient leur apporter leur soutien. La réponse pouvait paraître évidente au regard de la gravité et de la barbarie des crimes commis. Pourtant l'équation était bien plus compliquée. En effet, les Américains entendaient mener le combat dans une « nouvelle forme de guerre » contre la menace que représente le terrorisme international. En elle-même, la formule légitimait la possibilité de mener des représailles militaires et présupposait donc l'éventuelle mise en action des alliances de sécurité.

Cependant, l'expression « guerre contre le terrorisme » désigne un ennemi informel, sans identité ni patrie ou territorialité. Les systèmes d'alliances militaires conventionnels visent traditionnellement à réagir contre des Etats belligérants, en réponse à un acte de guerre. Or, le terrorisme n'est pas un Etat. Le terrorisme n'est pas non plus une guerre. C'est une forme d'action violente.

La querelle terminologique n'a pour le moment trouvé aucune issue, du moins tant que sur le plan du droit international ces concepts n'auront pas été clairement et définitivement définis. L'essentiel, pour ce qui nous intéresse, est de constater que le président Bush a nourri son discours de cette rhétorique de guerre afin de légitimer des représailles militaires. D'autres commentateurs vont même plus loin en évoquant des raisons moins avouables que la seule défense des valeurs de la liberté et de la démocratie, raison telle que la volonté de consolider la présence américaine au Moyen-orient afin d'avoir un meilleur contrôle sur les ressources pétrolières de la région.

Quoi qu'il en soit, bonne raison ou mauvais prétexte, Washington était décidé à envoyer des troupes au Pakistan et en Afghanistan. Pour le Japon, seul ce fait importait ; et malgré la crainte qu'un cercle vicieux des représailles ne s'engage, Tôkyô ne pouvait se dérober à son rôle d'allié militaire des Etats-Unis.

C) Le cas particulier des attentats du 11 septembre

Le cas des événements du 11 septembre sont en effet particulier car dans ces attentats contre les Etats-Unis, l'identité de la cible a été certainement l'élément déterminant qui a permis de mettre en branle toutes ces initiatives pour cimenter une riposte d'envergure mondiale. Cependant, ce n'était pas la première fois que les Etats-Unis étaient victime d'attentats terroristes. Sur leur propre sol, le gouvernement américain a déjà vécu des attentats dirigés contre des symboles de l'Etat fédéral, notamment orchestrés par des groupuscules d'extrême droite. Les ambassades américaines ont déjà aussi été la cible d'attentats dirigés ou commandités par des islamistes.

Mais dans le cas présent, c'est la première fois que le sol américain est touché par des terroristes extérieurs. C'est la première puissance économique et militaire mondiale, le « gendarme du monde », qui a été attaquée et ce sont les symboles de sa puissance qui ont été visés. Tous les commentateurs du monde entier, comme Gérard Chaliand notamment, se sont accordés sur ce point : le 11 septembre marque un tournant de l'histoire du terrorisme :

Les attentats du 11 septembre 2001 marquent une date dans l'histoire du terrorisme international. Bien qu'ils se situent dans le fil du terrorisme classique, ils se distinguent par le nombre des victimes et parce qu'ils ont, par le recours aux commandos suicides, frappés les Etats-Unis de façon spectaculaire au coeur même de ses symboles.

Ils ne marquaient pas le début d'une ère nouvelle, celle d'un terrorisme dévastateur pouvant contribuer à mettre à genoux un puissant Etat mais ils parvenaient à produire un effet de choc en montrant la vulnérabilité du sanctuaire américain. [...]

Le retentissement des attentats tient d'abord au fait qu'ils ont eu lieu aux Etats-Unis et qu'ils ont provoqué un nombre de victimes encore jamais atteint par le terrorisme non étatique. Ils démontraient, en passant, l'importance prise par la privatisation de la violence organisée et son caractère transnational. L'impact psychologique en était sans précédent. Le 11 septembre était bien le jour qui ébranla l'Amérique. Et l'onde de choc, puisqu'elle concernait les Etats-Unis de façon aussi fortement symbolique, était mondiale. 46(*)

Toutefois, le triste record qu'a représenté le nombre de victimes n'a été qu'une circonstance aggravante. En effet, pour mettre sur pied une politique de lutte contre le terrorisme, le nombre de victimes qu'engendrent les attentats terroristes n'est pas la première donnée prise en compte, celui-ci étant plutôt faible comparé à d'autres formes de violence. Malgré cela, la symbolique que ces attentats véhiculent et les cibles (bâtiments officiels, institutions de l'Etat, lieux de grande fréquentation) que choisissent les terroristes nécessitent des mesures adaptées. En premier lieu, c'est avant tout l'Etat démocratique lui-même qui est visé au travers de ses institutions et de ses citoyens. Les habitants d'un pays ne sont pas visés en tant que personnes mais en tant que citoyens d'un Etat. Cela se vérifie d'ailleurs avec les attentats perpétrés contre les communautés expatriées ou les touristes. L'Etat reste toujours la première cible à atteindre, quels que soient les moyens employés : prises d'otages, destructions de bâtiments publics, attentats à la bombe dans les transports en commun ou autres. Bien sûr, et contrairement à d'autres formes de terrorisme, comme le terrorisme nationaliste, pour lesquels les victimes humaines ne sont souvent qu'un « dommage collatéral » et les dégâts généralement d'ordre matériel, dans le cas présent l'intention des terroristes était clairement de tuer le plus de personnes possible afin de conférer à leur action un impact aussi grand que possible.

Cela étant dit, il n'en restait pas moins qu'il s'agissait surtout pour le gouvernement Bush de laver l'honneur américain bafoué par des terroristes qui pour la première fois de l'histoire des Etats-Unis sont parvenus à violer cette citadelle réputée inviolable, et accessoirement de venger les quelque 3 000 victimes du World Trade Center. C'est parce que ce sont les Etats-Unis qui ont été visés, et touchés de plein fouet, que l'ampleur des représailles s'annonçait à l'échelle mondiale. D'autres pays, qui avaient également connu des attentats très meurtriers, n'avaient simplement pas le poids politique et diplomatique des Etats-Unis pour mettre sur pied une riposte de grande ampleur. Ils pouvaient seulement espérer que leurs services de police, avec le soutien d'Interpol, collaborent avec leurs homologues des pays dont étaient originaires les auteurs des attentats, ou avec ceux des pays les abritant, afin de les rechercher et de les traduire en justice.

II) Quel rôle pour le Japon dans cette guerre contre le terrorisme ?

Les attentats du 11 septembre sont certes inédits par leur impact, leur mode opératoire, le nombre de victimes et le théâtre d'action, mais ils ne sont pas les premiers actes de terrorisme international. A cet égard, certaines initiatives, quoique encore insuffisantes, ont déjà été mises en oeuvre pour organiser un système de lutte contre cette menace, à l'échelle européenne par exemple. Le Japon n'est pas non plus en reste dans ce domaine et participe déjà activement à l'élaboration de politiques de lutte contre le terrorisme international, notamment au sein de l'organisation du G8.

Le rôle des Forces d'autodéfense est tout particulièrement actif dans la lutte contre le terrorisme et l'impulsion donnée par le Premier ministre Koizumi à la suite des événements du 11 septembre n'a fait que le renforcer. Cependant, quelles que soient les compétences des Forces japonaises, il n'en reste pas moins que la nature des opérations lancées par les Etats-Unis font craindre par l'opinion publique et une certaine partie de la classe politique japonaises l'engrenage dans un cercle vicieux des représailles.

A) Le Japon, les Forces d'autodéfense japonaises et la lutte contre le terrorisme

Les Forces d'autodéfense japonaises ne sont pas novices en matière de lutte contre le terrorisme. Bien au contraire, au temps déjà de la menace soviétique et chinoise dans le contexte de la guerre froide, les Forces japonaises avaient déjà commencé à s'entraîner aux techniques de lutte anti-terroriste. Et depuis l'attentat au gaz sarin perpétré par la secte Aum (Aumu Shinrikyô \u12450\u12450ÉAÉEE\u12512É€€\u30495ê^^\u29702ùù) dans le métro de Tôkyô en août 1995 47(*), attentat qui fait partie des événements marquants de l'histoire du terrorisme, ces techniques de lutte anti-terroriste et les mesures de prévention ont été renforcées et ne cessent de l'être.

La nature de la menace contre laquelle il fallait alors faire face avait davantage orienté les Forces japonaises vers la maîtrise et le développement de mesures de lutte contre le terrorisme en zone urbaine et contre le terrorisme chimique et bactériologique. Konishi Makoto \u23567\u23567è#172;ê¼¼ \u-30048\u-30048ê½ rapporte d'ailleurs dans son ouvrage Jieitai no tai tero sakusen \u-32278\u-32278é(c)%oqq\u-26998àÌàÌÎÎ\u12486Éee\u12525Éççìçìêíí (Les Stratégies de lutte contre le terrorisme des Forces d'autodéfense) à ce propos qu'en juin 1999, autrement dit avant la révision de la législation en matière de sécurité et de défense, des exercices d'entraînement aux techniques de lutte contre le terrorisme en milieu urbain avaient été menés. Il souligne également le fait que les mesures de lutte et de prévention contre les menaces NBC, c'est-à-dire nucléaires, bactériologiques et chimiques, ont été renforcées à la suite de l'attentat au gaz sarin de 1995.

Ces différentes initiatives indiquent que les Forces d'autodéfense japonaises savent maîtriser les techniques de guérilla urbaine et qu'elles sont à la pointe des méthodes de lutte contre les menaces NBC, probablement mieux que l'armée américaine. La gestion de l'attentat au gaz sarin a en effet démontrer la grande maîtrise des Forces japonaises en la matière, même si certains détracteurs ont pointé du doigt la lenteur de la mise en place de ces mesures, lenteur inhérente à la lourdeur de l'appareil administratif japonais en matière de sécurité. Il n'en reste pas moins que les Forces d'autodéfense sont rompues aux techniques de lutte dans le cadre des conflits LCI (Light Conflict Intensity), c'est-à-dire les conflits de faible intensité, dont font partie les actes terroristes.

Cette partie des activités des Forces d'autodéfense japonaises montre d'ailleurs de façon flagrante la volonté, et la concrétisation avant même l'inscription dans les textes, de diversifier ses compétences au-delà des simples opérations de surveillance ou de soutien arrière. Or, les techniques de lutte contre la guérilla urbaine sont d'une nature bien plus offensive que passive. Ce ne sont pas de simples techniques d'autodéfense mais bien des techniques de défense active. Ce qui indique qu'au-delà de la seule volonté de diversifier ses activités, les Forces japonaises cherchent également à se légitimer en tant que véritable armée professionnelle rompue aux toutes dernières techniques de pointe et prête à affronter n'importe quel type de conflit, en particulier les conflits LCI qui, vraisemblablement, sont le type majeur des conflits à venir. Le temps des grandes guerres conventionnelles est en effet désormais révolu. Les conflits et les crises qui ont marqué la dernière décennie sont d'un genre nouveau, caractérisés par le contraste entre la haute technologie et les techniques de la guérilla (réseaux de partisans, snipers, actes terroristes).

B) La crainte d'un cercle vicieux des représailles

Malgré tout, les Japonais se sentaient fortement menacés, comme l'indique l'extrait de ce sondage réalisé par l'Asahi shinbun 48(*) :

· Etes-vous inquiet que des attentats terroristes tels que ceux qui se sont produits aux Etats-Unis puissent se produire également au Japon ?

Oui 81 %

Non 15 %

Autre, sans réponse 4 %

· Pensez-vous que le risque que se produisent au Japon des attentats terroristes augmente si le Japon participe aux opérations de représailles ?

Oui 77 %

Non 15 %

Autre, sans réponse 8 %

81 % des sondés affirment en effet qu'ils sont inquiets que le Japon soit victime d'un attentat similaire à celui qui a frappé les Etats-Unis. Et 77 % en seraient d'autant plus inquiets si le Japon décidait de participer aux opérations américaines de représailles. Cette inquiétude peut certes s'expliquer par le fait que le Japon a déjà vu se perpétrer un attentat meurtrier en plein coeur de Tôkyô, inquiétude d'autant plus compréhensible si l'on considère que les Etats-Unis ont dû faire face à plusieurs alertes contre des actes de terrorisme chimique à l'anthrax juste après les attentats du 11 septembre. Ces menaces de terrorisme chimique n'étaient en effet pas sans rappeler l'attentat au gaz sarin de 1995 dans l'esprit des Japonais.

Mais ce sentiment d'inquiétude peut également s'expliquer par une certaine remise en cause de l'alliance de défense nippo-américaine. Cette alliance est en effet de nature inégalitaire et fait du Japon moins un partenaire militaire qu'un pion des Américains, pion exposé malgré lui à des dangers et des menaces qui ne le concernent que secondairement. Ce thème du risque de l'engrenage est une des préoccupations essentielles des politiques de sécurité et de défense du Japon, comme le rappelle Hokkiri Kazumasa \u22528\u22528-xêØØ \u21644\u21644a%oëë, rédacteur de la revue Sekai :

La thèse de l'engrenage est l'un des points centraux de l'opposition aux accords de sécurité qui s'est développée dès lors. Il y a le danger que le Japon, base arrière américaine, soit attaqué au regard de la guerre menée par les Etats-Unis qui ont approfondi leur engagement au Vietnam et qui cherchent à encercler l'Union soviétique. Autrement dit, il y a l'idée que le Japon peut être une victime du système de sécurité. 49(*)

Cette thèse a de nouveau été mise en avant par l'opposition de gauche qui voyait dans la volonté de représailles des Etats-Unis la mise en action d'un cercle vicieux dans lequel le Japon risquait de s'enliser si le gouvernement nippon persistait dans sa politique de soutien militaire.  C'est cette crainte qu'exprimait notamment Doi Takako du Parti social démocrate lors d'une conférence de presse donnée le 17 septembre 2001 :

Il est absolument certain que des représailles appellent d'autres représailles et si une guerre éclate notre pays doit pouvoir indiquer fermement qu'il n'y collaborera pas, ni y participera. 50(*)

Fuwa Tetsuzô \u19981\u19981ïs»jj \u21746\u21746«NéOO, président du Parti communiste, abondait dans ce sens et soutenait que le concours des Nations unies était indispensable et que le règlement de la situation devait intervenir sous l'égide de la loi :

(...) le fait que les Etats-Unis poursuivent les préparatifs d'attaques en représailles des attentats terroristes risque de provoquer un cercle vicieux de la menace terroriste et des représailles militaires et conduire à ce que la situation s'enlise. Il faut que les Nations unies soit au centre des opérations, arrêter les individus suspects et les personnes qui soutiennent et constituent une menace criminelle et les sanctionner selon la loi. 51(*) 

Cette crainte d'un cercle vicieux des représailles est certes forte mais à aucun moment n'est remis en question la participation du Japon au règlement de la crise, sauf bien sûr dans le cadre d'une « guerre », ou plus précisément d'opérations militaires. Le Japon peut soutenir les Etats-Unis mais il doit surtout éviter d'outrepasser les règles de droit et la légalité pour apporter cette aide. Il en va bien sûr de la bonne marche de la politique gouvernementale mais également de son rang de grande puissance internationale respectueuse de la loi.

2EME PARTIE

Le projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme

CHAPITRE 1

LES CONDITIONS DE L'ELABORATION

DU PROJET DE LOI

P

lusieurs facteurs ont ainsi présidé à ce qu'un projet de loi spéciale répondant directement à la question de la contribution du Japon aux opérations de représailles américaines soit élaboré et adopté. La recherche d'une application de la législation déjà existante en matière de défense et de sécurité a dominé les débats et le constat d'échec qui en a découlé a bien sûr été essentiel. Toutefois, cet élément du processus qui a conduit à l'élaboration du projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme n'a pas été le seul. D'autres éléments du débat ont par contre été minorés, voire négligés. Ainsi, les voix s'élevant pour mettre en garde contre un risque d'engrenage dans un cercle vicieux des représailles n'ont pu infléchir la volonté gouvernementale de s'investir sur le terrain.

D'autres facteurs sont en effet à prendre en compte, comme le facteur de l'urgence qui a été un élément déterminant. La volonté du gouvernement japonais et de son Premier ministre d'inscrire ce projet de loi dans le cadre d'une politique globale tournée vers la communauté internationale a été également un autre élément essentiel des conditions entourant son élaboration.

I) La pression de l'urgence

L'élément certainement le plus frappant qui a dominé le processus conduisant à l'élaboration d'un projet de loi spéciale pour faire intervenir les Forces d'autodéfense japonaises aux mesures de représailles des Etats-Unis a été la pression exercée par l'urgence. Il s'agissait d'agir rapidement non seulement afin de montrer le plus de fermeté possible vis-à-vis du terrorisme, mais également pour montrer que le Japon était capable de tenir son rang dans le concert des grandes nations.

La première manifestation de cette pression de l'urgence s'est d'abord cristallisée dans une sorte de course aux déclarations de soutien qu'ont semblé se livrer les principaux alliés des Etats-Unis. L'annonce rapide de mesures spéciales par le gouvernement japonais devait ainsi prouver, notamment vis-à-vis des autres pays partenaires de la coalition américaine comme l'Angleterre ou l'Allemagne, que le soutien du Japon ne risquait pas de s'essouffler à cause de contraintes légales. La pression américaine a enfin été déterminante, pression qui s'est manifestée par la hâte avec laquelle le gouvernement Bush a mis sur pied les opérations de représailles, mais surtout par l'exhortation explicite faite au Japon d'y participer.

A) La course aux déclarations de soutien

Dès le lendemain des attentats, le 12 septembre, le Premier ministre Koizumi annonçait à l'occasion d'une conférence de presse que le Japon soutenait les Etats-Unis :

Le Japon soutient fermement les États-Unis et est déterminé à ne reculer devant aucun effort pour fournir toute l'assistance et la coopération nécessaires. Nous devons nous montrer fortement solidaires avec les autres nations du monde concernées afin de nous assurer que de tels actes ne se reproduisent jamais. 52(*)

Pourtant, le Premier ministre japonais avait fait son annonce déjà un jour trop tard. Il n'a pas été en effet le premier à déclarer son soutien aux Etats-Unis, devancé en cela par l'Allemagne et l'Angleterre. Sasato Masahiko \u31545\u31545çù' \u-26939\u-26939%oëïFF, journaliste au quotidien Yomiuri \u-30035\u-30035«Ç» 53(*), remarquait ainsi que la première intervention avait été celle du Premier ministre anglais, Tony Blair, une heure et quinze minutes après les événements, lors d'une conférence de presse donnée à Brighton, une ville du sud de l'Angleterre :

Ce terrorisme de grande envergure est le nouveau mal de notre monde. Nous devons de concert combattre et arracher ce mal jusqu'à ce qu'il soit complètement éradiqué. 54(*)

Le Premier ministre japonais quant à lui n'a fait sa première intervention que douze heures après les attentats, à 10 heures 15 le lendemain du 11 septembre. Il est en outre intéressant de noter les termes employés par le Premier ministre anglais, en particulier le terme « éradiquer » qui a été repris par les autorités japonaises, notamment dans le texte de loi, pour qualifier la lutte contre la menace terroriste.

Cette « lenteur » du Premier ministre Koizumi à annoncer la position du Japon a déçu la communauté internationale et les Japonais, comme le soulignait Okamoto Yukio dans un article de l'Asahi shinbun :

Les amis des Japonais aux Etats-Unis ont les uns après les autres dit qu'ils « [n'ont pas] vu le Japon se montrer ». Tout le monde a dit avec déception que « le Japon n'a pas du tout annoncé sa position, alors que Blair (le Premier ministre anglais), Poutine (le Président russe), Jiang Zemin (le chef de l'Etat chinois) sont tous apparus sur les écrans de télévision ». Au Japon aussi, ce jour-là, tout le monde a regardé la télévision de trois à quatre heures de l'après midi. Sur ce, le Premier ministre Koizumi est apparu sur les écrans. En outre, si ce-dernier avait lancé un message fort, il aurait communiqué la gravité de la situation au peuple et la réaction des Etats-Unis aurait été différente. 55(*)

L'expression des condoléances par les Japonais a également été l'objet de manifestations non seulement quelque peu tardives mais aussi moins « expressives » en comparaison avec celles des pays occidentaux. Sasato Masahiko constatait que la reine Elisabeth d'Angleterre avait présenté ses condoléances lors d'une cérémonie dans son palais de Buckingham Palace et qu'en Allemagne environ 200 000 personnes s'étaient rassemblées à Berlin. Le 20 septembre, le Président Bush a exprimé sa reconnaissance envers les élans de compassion des peuples anglais, français, allemands, sud-coréen, australien. Le Japon n'a pas été cité dans cette liste. Ce n'est que le 23 septembre qu'une cérémonie du souvenir en hommage aux victimes a été organisée à Tôkyô. Pourtant un communiqué du gouvernement en date du 13 septembre 2001 intitulé « Le Japon en deuil pour les victimes » déclarait que :

Le Japon est en deuil pour ceux qui ont subi des pertes lors des attaques. Le Japon est fermement en faveur de la proposition du Président Bush de déclarer le 14 septembre un jour de "prière et du souvenir" pour rendre honneur aux victimes des terribles attaques. La Chambre des Représentants a observé ce jour-là [le jour des attentats] un moment de prière silencieuse pour les victimes lors d'une réunion spéciale de la commission budgétaire, à laquelle participaient le Premier ministre Koizumi et d'autres ministres. Le même jour, Makiko Tanaka, ministre japonaise des Affaires étrangères, s'est rendue à l'ambassade des États-Unis à Tokyo pour y présenter ses condoléances. Elle a écrit "Puisse dieu sauver et aimer l'Amérique" dans un registre de condoléances. Des Japonais ont aussi été touchés. Des ressortissants japonais font partie de ceux portés disparus à la suite des attaques terroristes du 11 septembre. Le Japon rend hommage à ceux qui participent aux activités de sauvetage et apprécie hautement leur dévouement héroïque pour venir en aide aux victimes au risque de leur propre vie. 56(*)

Seulement, le peuple japonais n'avait, semble-t-il, pas exprimé ses condoléances aussi spontanément et massivement que cela a été le cas dans d'autres pays. Toutefois, la cérémonie présidée par le Premier ministre Koizumi et donnée le 23 septembre à Tôkyô en hommage aux victimes des attentats a tout de même rassemblé 3 200 personnes. Comme nous l'avons vu plus haut, le peuple japonais condamne moins fortement le terrorisme que les opinions occidentales, mais cela explique-t-il vraiment cette prise de position plus tardive comparée à celles des peuples européens ? Il semble surtout qu'ici la tension de la situation était telle que le moindre élément pouvait servir de prétexte aux détracteurs du Japon pour lui faire sentir qu'il devait absolument affermir sa position.

B) L' annonce de l'élaboration d'un projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme

Au terme de l'évaluation de la situation au lendemain des attentats, l'idée de créer une nouvelle loi est, semble-t-il, apparue avec le constat de l'impossibilité d'appliquer, même par le biais d'une interprétation extensive, la loi sur les situations d'urgence en zones périphériques. Cette alternative s'est imposée comme le « seul choix » possible, comme l'écrit l'éditorial de l'Asahi shinbun du 18 septembre :

Le Premier ministre Koizumi Jun.ichirô a engagé l'examen d'une nouvelle loi pour que les Forces d'autodéfense apportent un soutien arrière à l'armée américaine comme le transport de matériels. Peut-être est-ce le seul choix, d'autant que la loi sur les situations de crise en zones périphériques ne suppose pas ce cas de figure.

Le Premier ministre Koizumi n'en a fait cependant l'annonce officielle que le 8 octobre, soit près d'un mois après les événements, à l'occasion d'une déclaration exposant un troisième plan de mesures d'urgence élaboré par le Centre pour les mesures anti-terroristes d'urgence en rapport avec les attentats et les représailles américaines :

Troisièmement, nous allons élaborer le plus rapidement possible un projet de loi de mesures spéciales pour lutter contre le terrorisme, dans le but de contribuer activement aux efforts entrepris par la communauté internationale pour prévenir et éradiquer le terrorisme. 57(*)

Pourquoi une annonce officielle si tardive alors que l'idée avait germé dans l'esprit du Premier ministre près de trois semaines auparavant ? En réalité, le fameux projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme avait déjà été fini d'être rédigé et avait été soumis à l'approbation du gouvernement le 3 octobre comme l'annonçait ce communiqué de l'Ambassade du Japon :

Le Gouvernement japonais a approuvé aujourd'hui un nouveau projet de loi pour combattre le terrorisme. Il constitue un nouveau volet des importantes mesures prises par le gouvernement du Japon en réaction aux attaques terroristes qui ont eu lieu le 11 septembre aux États-Unis. Cette nouvelle législation permettra aux Forces de défense du Japon de fournir un appui en matière de logistique et autres soutiens non-combattants aux forces américaines et d'autres pays qui prennent des mesures suite aux attaques terroristes. Cet appui non-combattant comprendra l'approvisionnement en vivres, des moyens de transport, des services de réparations et d'entretien, des services médicaux, des moyens de communication, l'exploitation de ports marins et d'aéroports, ainsi que de bases. Cette législation a été soumise ce soir à la Diète pour qu'elle en délibère. Le Premier ministre Koizumi a exhorté les membres de gouvernement à oeuvrer pour que cette législation soit adoptée le plus rapidement possible étant donné son importance et son caractère urgent. 58(*)

En vérité, il ne s'agissait pas d'une erreur de calendrier. En habile stratège de la communication média, le Premier ministre Koizumi a su ménager ses effets. Cela dénotait davantage d'une démarche extrêmement pragmatique et prudente du Premier ministre. Il s'agissait bien entendu de ménager l'opinion publique et une partie de la classe politique, surtout l'opposition de gauche, qui craignaient l'engrenage dans un cercle vicieux des représailles et de la violence. Mais cette considération n'était pas la seule. Il s'agissait surtout de faire en sorte que ce projet de loi aurait le soutien suffisant pour passer. En effet, Koizumi ne pouvait se permettre d'être désavoué, ce qui aurait été le cas si son projet n'était pas accepté. Un tel échec n'aurait évidemment pas été sans rappeler celui du Premier ministre Kaifu et de son projet de loi sur la participation des Forces d'autodéfense à la guerre du Golfe.

L'élaboration d'en tel projet de loi répondait bien sûr à la nécessité de contourner les obstacles légaux, mais également à la volonté du gouvernement et du Premier ministre de marquer d'une pierre blanche la participation du Japon. A événements exceptionnels, loi exceptionnelle. Pour le moins, cela ne pouvait que faire taire certaines voix, aussi bien au Japon que parmi les alliés, accusant le Premier ministre de trop tergiverser. En définitive, le gouvernement japonais a réagi moins sous le coup de l'émotion et de l'indignation que sous celui de la prudence et du pragmatisme. La position du Japon était en effet délicate : proclamer trop tôt un soutien inconditionnel, en d'autres termes une participation militaire, aurait équivalu à prendre des engagements que le gouvernement et le peuple japonais n'auraient peut-être pas pu honorer. L'enjeu pour le Premier ministre Koizumi était de s'assurer qu'il avait une marge de manoeuvre suffisante pour que le Japon ne risque pas de revenir sur la promesse d'une contribution militaire.

C) La pression américaine : « Show the flag »

Le troisième élément de pression, et certainement le plus fort, a été la pression exercée par l'administration Bush. Les Etats-Unis ont averti en effet par la voix du secrétaire d'Etat Colin Powell qu'ils jugeront les pays en fonction du soutien qu'ils leur apporteront pour lutter contre le terrorisme. Cette pression, exprimée sans prendre de gants, a été symbolisée par l'expression « show the flag », autrement dit : « le drapeau japonais doit flotter à nos côtés ». Telles étaient les paroles du secrétaire d'Etat adjoint Richard Armitage qui rencontrait le 15 septembre à Washington l'ambassadeur japonais aux Etats-Unis, Yanagii Shunji \u26611\u26611-öàä\u12539E \u20426\u20426èr«ññ. Pour ce dernier, cette phrase signifiait que :

Il ne s'agissait pas seulement d'une action symbolique de l'alliance nippo-américaine mais de la « nécessité de rapidement ordonnancer la possibilité de mener des opérations aux cours desquelles on pourrait voir le visage des Japonais » 59(*).

Pour Yoshida Yasuhiko \u21513\u21513g«cc \u24247\u24247çNïFF, spécialiste de la coopération internationale, le Premier ministre Koizumi a cédé sous la pression américaine et a dû élaborer dans la hâte la réponse japonaise :

Je comprends le sentiment né de l'expérience de la guerre du Golfe ressenti par Koizumi qui se préoccupe d'une « contribution visible à l'oeil nu », mais il a agi hâtivement sous la pression extérieure. Il n'est pas nécessaire d'envoyer les forces maritimes d'autodéfense jusque dans l'océan Indien pour fournir un soutien arrière aux « représailles » de l'armée américaine. 60(*)

Le plan de base de « 7 mesures immédiates » a été élaboré en huit jours et le projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme a été rédigé en seulement deux semaines environ. Pour les standards en matière de rédaction d'un projet de loi, c'était extrêmement rapide. Evidemment, si l'on compare avec les autres pays, notamment les pays de l'OTAN comme l'Angleterre ou l'Allemagne, le temps de réaction du Japon a été relativement moins rapide, car contrairement à ces pays, le Japon ne disposait pas de dispositif lui permettant d'exercer son droit à l'autodéfense collective. L'OTAN offre en effet un cadre organisationnel fondamental de défense collective et est capable d'entrer en action immédiatement sans qu'il soit nécessaire de passer par le débat politique et l'élaboration de mesures spécifiques. Contraint de chercher des moyens de rechange tels que l'interprétation d'une législation existante ou la création d'une loi spécifique, le Japon partait donc avec un lourd handicap, celui d'une grave lacune de structures et de cadres légaux en matière de politique de défense globale capable de répondre à n'importe quels cas de figure.

II) Un projet de loi faisant partie d'une politique globale

Le Blue Book 61(*), le rapport annuel du Ministère japonais des Affaires étrangères, de l'année 2002, explique au début de la section consacrée au « Soutien envers les Etats-Unis et autres forces », que la loi spéciale de lutte contre le terrorisme s'inscrit spécifiquement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme en tant que menace contre la sécurité du Japon :

Le Japon considère la lutte contre le terrorisme comme un problème concernant sa propre sécurité et de ce fait croit qu'il doit agir de concert avec les autres nations du monde afin d'éradiquer le terrorisme. A cette fin, la Loi spéciale de lutte contre le terrorisme a été votée le 29 octobre et promulguée et mise en action le 2 novembre afin de fournir toute l'assistance et la coopération nécessaire aux opérations militaires entreprises par les Etats-Unis et les autres forces combattant contre les Talibans dans les limites permises par la Constitution du Japon. 62(*)

Si l'on considère la place consacrée à la loi du 2 novembre 2001 dans le chapitre du Blue Book 2002 traitant des attaques terroristes dirigées contre les Etats-Unis et la lutte contre le terrorisme, cette nouvelle loi apparaît comme le volet militaire d'une vaste politique comprenant également des mesures diplomatiques, financières et humanitaires. Les mesures engagées par le Japon en réponse aux événements du 11 septembre et pour lutter contre le terrorisme s'inscrivaient en effet dans le cadre d'une politique globale. Cette politique pouvait être décomposée en deux grands volets : d'une part, le soutien aux Etats-Unis, mais surtout la volonté de renforcer la place du Japon et son rôle au sein de la communauté internationale fédérée autour de la lutte contre le terrorisme ; d'autre part, une ouverture diplomatique non seulement vers la Chine et la Corée du Sud mais aussi vers les pays du Moyen-Orient, région où le Japon est encore peu présent. Toutefois, avant d'examiner dans le détail ces deux volets, il convient tout d'abord de faire le point sur les objectifs du projet de loi présenté par le gouvernement Koizumi.

A) Les objectifs du projet de loi : participation aux opérations américaines ou lutte contre le terrorisme ?

Il est en effet nécessaire de clarifier la question car à en lire le texte proposé par le gouvernement Koizumi la définition des objectifs visés n'est pas aussi simple qu'elle y paraît. En premier lieu, le titre du projet de loi spéciale anti-terroriste place les mesures japonaises dans le cadre des représailles contre les attentats du 11 septembre, ce qui répond bien au point numéro 1 du plan de « 7 mesures immédiates » annoncées par le Premier ministre le 19 septembre 2001. Dès les premières lignes, ce projet de loi est donc un ensemble de mesures d'exception dont le champ d'application est clairement délimité :

1. Titre

Loi sur les mesures spéciales concernant les mesures prises par le Japon pour appuyer les activités des pays étrangers dans le but d'accomplir les objectifs de la Charte des Nations unies en réponse aux attaques terroristes qui ont eu lieu le 11 septembre 2001 aux Etats-Unis d'Amérique et aux menaces en résultant ainsi que les mesures humanitaires fondées sur les résolutions pertinentes des Nations unies ou sur les demandes faites par les Nations unies et autres organisations internationales. 63(*)

Pourtant, l'article premier, qui est consacré explicitement et spécifiquement aux objectifs visés par le projet de loi, stipule clairement que le but de la loi est la lutte contre le terrorisme international, ce qui est en cohérence avec les précédentes déclarations du Premier ministre, en particulier le point numéro 3 des mesures d'urgence annoncées le 8 octobre 2001 :

2. Objectifs (relatifs à l'article 1)

[...]

l'objectif de la Loi est de spécifier les mesures suivantes afin de permettre au Japon de contribuer activement et positivement aux efforts de la communauté internationale pour prévenir et éradiquer le terrorisme international, et assurer ainsi la paix et la sécurité de la communauté internationale, dont le Japon.

Est-ce à dire qu'aux yeux du gouvernement Koizumi contribuer aux opérations américaines en représailles des attentats du 11 septembre revient à lutter contre le terrorisme international ? Nous avons auparavant vu que pour l'opinion publique japonaise les deux se distinguaient, mais il semble que les rédacteurs du projet de loi jouent ici l'amalgame. La raison peut résider dans le fait que le Premier ministre ne souhaitait pas limiter la politique de contribution du Japon à la seule participation aux mesures américaines mais l'élargir au problème global de la lutte anti-terroriste. Il est en effet remarquable que la référence explicite aux événements du 11 septembre n'est faite que dans le titre du projet de loi, tandis que l'article 1er ne s'y rapporte que par le biais du rappel de la résolution 1368 du Conseil de Sécurité de l'ONU qui considère les attaques terroristes du 11 septembre 2001 perpétrés aux Etats-Unis comme une « menace contre la paix et la sécurité internationale » (article 1er, alinéa 1). Or, il est évident que dans un texte de loi, un article pèse d'un poids plus important que son titre.

Cette volonté d'élargissement de la participation japonaise à un cadre international est d'ailleurs confirmée par la double référence aux résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU, non seulement dans le titre lui-même mais aussi dans l'article 1er. Elle est également affirmée par le rappel régulier à la « communauté internationale », expression qui est répétée à deux reprises dans la définition de l'objectif de la loi.

B) La lutte contre le terrorisme international : le « renforcement de la solidarité internationale »

Les événements du 11 septembre ont en effet brutalement révélé à la face du monde entier le réel danger que représentait le terrorisme international. La nature de cette menace nécessite des contre-mesures adaptées, autant à un niveau national qu'international. En réponse aux attentats américains, le Japon a donc pris un ensemble de mesures répondant à cette double exigence, comme il est décrit au début de la section consacrée aux « Efforts du Japon » du Blue Book 2002 :

A la suite des attentats terroristes, le Japon a fait de son mieux pour protéger les citoyens japonais. Le Japon a également étendu une forte assistance aux Etats-Unis et a fait un effort commun avec la société internationale pour faire face activement à ce problème, reconnaissant que la lutte contre le terrorisme est un défi personnel. En particulier, le Japon a travaillé dans le sens du renforcement de la solidarité internationale pour prévenir et éradiquer le terrorisme au moyen d'efforts diplomatiques dirigés vers les pays environnant l'Afghanistan, les Etats islamiques et les pays d'Asie, ainsi que les Etats-Unis, la première cible des attentats. Les sous-sections suivantes donnent une vue d'ensemble des mesures du Japon pour faire face aux attentats et les efforts intensifs qui ont été fournis dans divers domaines. L'attention a aussi été accordée aux efforts diplomatiques pour renforcer la solidarité internationale. 64(*)

Naturellement, la sécurité des Japonais est mentionnée en premier, mais très vite l'accent est mis sur les efforts diplomatiques et les efforts dirigés vers la communauté internationale. Le Ministère japonais des Affaires étrangères insiste en effet beaucoup sur le fait que les dispositions prises par le Japon ne sont pas uniquement tournées vers les Etats-Unis mais vers la communauté internationale. En d'autres termes, ces mesures ne concernaient pas uniquement les attentats du 11 septembre, mais la lutte contre le terrorisme en général. La politique japonaise se voulait globale. Ce faisant, le Japon souhaitait montrer qu'il n'agissait pas uniquement en tant qu'allié militaire des Etats-Unis mais en tant que membre de la communauté internationale. Ce point est d'ailleurs reconnu par l'ensemble de la classe politique japonaise, y compris le principal parti de l'opposition, le Parti démocrate dont le leader Hatoyama déclarait :

Si le Japon ne s'en tient qu'aux seules possibilités laissées par l'actuelle législation, même s'il est lui-même confronté au terrorisme, il ne pourra prétendre faire partie de la communauté internationale. 65(*)

Pour le Japon, en effet, la participation active à ce genre d'initiative était la démonstration d'une ferme volonté de jouer un rôle dans le maintien de la paix et de la sécurité aux niveaux régional et mondial, comme le soulignait le Premier ministre Koizumi lors d'une conférence de presse donnée le 17 septembre 2001 :

La paix du monde libre et la liberté sont menacées. En n'adoptant pas une attitude responsable vis-à-vis de ce genre de terrorisme, nous risquons de nous isoler de la communauté internationale. 66(*)

La lutte contre le terrorisme international était pourtant déjà inscrite parmi les objectifs des accords de sécurité nippo-américains révisés en 1997. Cependant, la lutte contre le phénomène terroriste ne pouvait raisonnablement faire uniquement l'objet d'accords bilatéraux de sécurité. La nature hétérogène de cette menace désigne en effet des cibles potentielles parmi tous les Etats démocratiques. Le thème de la lutte contre le terrorisme international représente donc une opportunité pour le Japon d'élaborer et de mettre en oeuvre une politique de défense et de sécurité indépendante des directives américaines, du moins dans le cadre d'accords autres que ceux passés avec les Etats-Unis. Ce gage d'autonomie était d'autant plus précieux que la nature de la menace à combattre a amené le Japon à négocier au plus au niveau régional et mondial et donc de renforcer sa position sur la scène internationale.

Comparés aux nombreux autres attentats qui composent l'histoire du terrorisme les événements du 11 septembre se démarquaient non seulement par leur caractère inédit mais également par la mobilisation sans précédent de toute la communauté internationale autour de la lutte contre le terrorisme international. La première initiative significative en la matière revient au Conseil de Sécurité de l'Organisation des Nations unies qui dès le 12 septembre a voté la Résolution 1368 qui reconnaît le droit à l'autodéfense individuelle et collective (article 1), considère ces attaques terroristes comme une menace contre la paix et la sécurité internationales (article 2) et appelle la communauté internationale à fournir tous les efforts possibles afin d'empêcher et d'éradiquer de tels actes terroristes (article 3). Cette résolution a d'ailleurs été reprise dans le texte du projet de loi anti-terroriste élaboré par le gouvernement Koizumi à l'article 1 relatif aux objectifs (alinéa 1), article qui fait également référence à d'autres résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité (alinéa 2) :

2. Objectifs (relatifs à l'article 1)

(1) Rappelant que la résolution 1368 du Conseil de Sécurité de l'ONU considère les attaques terroristes qui ont eu lieu aux États-Unis le 11 septembre 2001 comme une menace à la paix et à la sécurité internationale,

(2) et prenant aussi note que les résolutions 1267, 1269 et 1333 du Conseil de Sécurité de l'ONU et d'autres résolutions pertinentes condamnent les actes de terrorisme international, et demandent à tous les États de prendre des mesures appropriées pour empêcher de tels actes,

Par la suite, le Conseil de Sécurité a aussi adopté le 28 septembre la Résolution 1373 qui contient des mesures spécifiques contre le financement du terrorisme.

L'organisation du G8 67(*), au sein de laquelle le Japon est particulièrement actif, a aussi apporté une importante contribution à la lutte contre le terrorisme international. Le 19 septembre, les leaders des pays du G8 ont tenu une réunion au sommet afin de mettre sur pied une politique commune de réponse à ces attentats et au terrorisme international. Chaque pays membre a condamné d'une voix unanime et ferme ces actes barbares et se sont engagés à ratifier aussi tôt que possible les douze conventions internationales de mesures anti-terroristes qui ont d'ailleurs été élaborées avant que les événements du 11 septembre ne se soient produits.

Pour le Japon, toutes ces actions au sein des plus grandes instances internationales contribuent à affermir sa position sur la scène internationale. Le « renforcement de la solidarité internationale » et la lutte contre le terrorisme international ne sont-ils que des moyens, certes légitimes, pour atteindre cet objectif ? Pour le moins, le Premier ministre Koizumi et le Ministère japonais des Affaires étrangères creusent efficacement ce filon.

C) Une politique de promotion et de transparence auprès des pays d'Asie

Ainsi que nous l'avons vu plus haut, le soutien et la contribution du Japon aux opérations de représailles des Etats-Unis étaient acquis, malgré une opinion publique réticente et une certaine partie de la classe politique plus encline à la prudence. Les initiatives du gouvernement Koizumi se heurtaient également à une autre difficulté non négligeable : les craintes des pays voisins, en particulier la République Populaire de Chine et la Corée du Sud, qui pouvaient voir dans la politique japonaise un regain de militarisme suspect. A ce propos, Philippe Pons, correspondant permanent du journal Le Monde écrivait en effet que :

Un dernier élément pèse sur les initiatives du Japon en matière de contribution internationale : la méfiance qu'elles suscitent chez ses voisins (la Chine et la Corée). Le Premier ministre Koizumi vient de se rendre successivement à Pékin puis à Séoul afin de remédier à la tension provoquée par sa visite, en août, au sanctuaire Yasukuni (où sont honorées les âmes de criminels de guerre), mais surtout pour rassurer ses interlocuteurs sur les intentions japonaises en étendant son rôle militaire. 68(*)

Les tensions existant entre Tôkyô et les gouvernements voisins, principalement Pékin et Séoul, perdurent depuis des décennies. Une fois encore, la perspective d'un engagement militaire japonais dans ce nouveau conflit ne pouvait que raviver certaines inquiétudes nées de l'époque où le Japon nourrissaient des desseins militaristes et expansionnistes. Les efforts dirigés vers la communauté internationale devaient donc prendre en compte cette donnée. Dans cette perspective, le Premier ministre et son équipe ont mené une vaste campagne de promotion et de transparence auprès des gouvernements des pays d'Asie pour en appeler à leur solidarité. Même s'ils condamnaient fermement les attentats du 11 septembre et le terrorisme, les pays d'Asie orientale étaient en effet réticents à s'engager aux côtés des Américains. Une vaste tournée diplomatique a donc été menée, ce dont rend compte le Blue Book 69(*) : le Premier ministre Koizumi s'est ainsi rendu en Chine le 8 octobre et en Corée du Sud le 15 octobre afin d'expliquer les mesures engagées par le Japon. Le Japon a profité aussi de la réunion des pays membre de l'APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation) qui a eu lieu les 20 et 21 octobre à Shanghai, du sommet des pays de l'ASEAN (Association des nations du Sud-Est asiatique) + 3 (Japon, Chine et Corée du Sud) du 5 novembre pour affirmer sa solidarité et sa coopération dans la lutte contre le terrorisme.

Les efforts diplomatiques japonais ont également été renforcés vis-à-vis des pays voisins de l'Afghanistan. Le Premier ministre Koizumi a ainsi adressé des lettres aux Etats islamiques leur demandant de se joindre à la lutte contre le terrorisme tout en soulignant qu'il ne s'agissait pas d'une lutte contre l'Islam. Une série de visites officielles a été également programmée, notamment la visite du vice-Ministre des Affaires étrangères Sugiura Seiken au Pakistan entre le 25 et 28 septembre, les visites de l'ancien Ministre des Affaires étrangères Kômura Masahiko en Arabie Saoudite et en Iran entre le 30 septembre et le 5 octobre et les visites de l'ancien Directeur général de l'Agence de Développement de Hokkaidô et Okinawa, Suzuki Muneo, au Tadjikistan et en Ouzbékistan les 7 et 8 octobre. L'ancien Premier ministre Hashimoto Ryûtarô s'est rendu en Egypte et aux Emirats arabes unis entre le 7 et le 12 octobre tandis que l'ancien Premier ministre Mori Yoshirô et Sugiura Seiken se sont rendus en Inde entre le 28 et 30 octobre. La Ministre des Affaires étrangères Tanaka Makiko quant à elle est allée au Pakistan entre les 22 et 27 octobre.

Il serait facile mais réducteur de ne voir dans cette série de visites en Asie et au Moyen-Orient qu'un simple marathon diplomatique. Il est certain que le Ministère japonais des Affaires étrangères les présente dans son Blue Book de 2002 comme une tournée de promotion pour la lutte contre le terrorisme et d'appel au renforcement de la solidarité internationale. Toutefois, il apparaît évident qu'il s'agissait également d'une occasion non seulement de montrer une diplomatie japonaise active et engagée, mais aussi d'apaiser les inquiétudes vis-à-vis de la politique de contribution du Japon.

Un dernier aspect enfin ne doit pas être négligé : de façon intentionnelle ou non, cette tournée diplomatique donnait une définition extensive de la zone Asie. Or, nous avons vu plus haut que le Premier ministre Obuchi avait exclu les zones du Moyen-orient, de l'océan Indien et des régions au-delà de la définition des zones périphériques visées par loi d'août 1999 sur les situations de crise en zones périphériques. Tout laisse donc croire que le Premier ministre Koizumi remettait en cause cette définition, ce qui ne pouvait qu'apporter du poids à la légitimation de l'envoi des Forces japonaises en soutien aux Américains.

CHAPITRE 2

UN PROJET DE LOI ELEMENT D'UN DOUBLE DISPOSITIF DE MESURES EN REPONSE AUX ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE

D

ans les grandes lignes, la volonté du gouvernement Koizumi était de mettre en place un dispositif s'organisant autour de deux axes : d'une part, le déploiement à l'étranger de militaires japonais pour apporter une assistance logistique et sanitaire aux forces américaines ; et, d'autre part, la mobilisation des Forces d'autodéfense pour la protection des bases militaires installées sur le territoire japonais. Ces dispositions impliquaient donc un élargissement non seulement du rôle des Forces d'autodéfense mais également de leur champ d'action. Le premier objectif est concrétisé par le projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme, tandis que le second a fait l'objet d'une réforme partielle de la loi sur les Forces d'autodéfense.

Dans le détail, les mesures prévues par le projet de loi anti-terroriste pouvaient être réparties selon deux grands thèmes : d'une part, la participation des Forces japonaises aux opérations en réponse aux attentats du 11 septembre 2001 et, d'autre part, les mesures encadrant cette participation. Cependant, le dispositif mis en place ne serait pas complet, et cohérent, sans la mise en oeuvre de mesures spécifiques de renforcement des contrôles.

I) La participation des Forces japonaises aux opérations en réponse aux attentats du 11 septembre

Bien que le gouvernement Koizumi, à travers son projet de loi anti-terroriste, semblait présenter la participation des Forces d'autodéfense japonaises aux opérations menées par les Etats-Unis en représailles des attentats du 11 septembre comme un des aspects d'une politique plus globale de lutte contre le terrorisme international, cette participation n'en était pas moins un des piliers principaux de la politique de contribution du Japon. D'ailleurs, à bien lire le projet de loi, il apparaît que la grande majorité des dispositions proposées concernent ce déploiement des Forces japonaises.

Deux de ces dispositions étaient particulièrement importantes et fondamentales. Il s'agissait tout d'abord de définir le champ d'application de la loi, autrement dit où précisément les Forces d'autodéfense pouvaient intervenir. Il s'agissait ensuite de préciser leurs domaines d'activité, c'est-à-dire ce qu'elles pouvaient faire.

A) La définition du champ d'application de la loi : « hors des zones combattantes »

Tout d'abord, l'article 2 alinéa 3 du projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme définit les zones où les mesures prévues seront appliquées. Deux types de zones sont distingués : d'une part le territoire japonais, et d'autre part les zones ainsi définies :

3. Principes fondamentaux (relatifs à l'article 2)

[...]

ii) zone où n'ont pas lieu des opérations de combat et où de telles opérations ne sont pas prévues pendant la mise en oeuvre des activités japonaises, en haute mer et dans l'espace aérien situé au-dessus, territoires étrangers.

Il est précisé en outre que l'assentiment des pays concernés sera nécessaire pour que les Forces japonaises puissent agir sur leur territoire.

Cette définition des zones d'application de la loi ne donne cependant aucune précision explicite sur la situation géographique des ces zones. A aucun moment l'océan Indien ou le Pakistan n'est mentionné. La dénomination utilisée est en effet très floue et laisse donc une marge assez large pour une interprétation extensive. Le terme même de « territoire étranger », mis en opposition avec celui de « territoire du Japon », entérine le fait que, pour la première fois, les Forces d'autodéfense sont destinées à être déployées hors du territoire national, mais l'imprécision des termes employés est probablement intentionnelle. La seule restriction mentionnée, avec la réserve concernant l'assentiment des pays concernés, est la limitation aux zones non combattantes, ce qui est en cohérence avec les restrictions qui entourent encore les activités des Forces d'autodéfense.

La condition sine qua non qui préside avant toute chose à l'élaboration de ce projet de loi est en effet la non-participation des Forces japonaises aux opérations de combat, comme le stipule explicitement l'article 2 alinéa 2 : « Ces mesures ne sauront recommander l'usage de la force », et comme le réaffirme la deuxième section de l'article 2 alinéa 3 concernant les zones d'application des mesures prises : « zone où n'ont pas lieu des opérations de combat ». Cette condition est à la base même de l'existence des Forces d'autodéfense, conformément aux dispositions de l'article 9 de la Constitution de 1946. Ici encore, de même que pour toutes les activités des Forces d'autodéfense, ces dernières ne seront pas autorisées à participer aux opérations de combat, ni à mener des opérations d'aucune sorte dans les zones combattantes.

B) Des opérations de soutien, d'assistance et de logistique

Les principes fondamentaux décrits à l'article 2 stipulent en outre que le gouvernement japonais exécutera des « activités de coopération et de soutien, des opérations de recherche et sauvetage, une aide aux personnes touchées et d'autres mesures nécessaires » afin de contribuer efficacement aux mesures et efforts de lutte contre le terrorisme (alinéa 2). Ces principes fondamentaux sont détaillés à l'article 3.

Ainsi, les activités de coopération et de soutien concerneront essentiellement des opérations de ravitaillement et des services qui seront exécutés par les « agences gouvernementales concernées dont les Forces de défense ». Concrètement, ces agences gouvernementales fourniront notamment le ravitaillement, les réparations et l'entretien, les services médicaux, les communications et l'exploitation de ports maritimes, d'aéroports et de bases. Les activités de recherche et de sauvetage seront dirigées vers les « combattants en situation de détresse suite à des opérations de combat », ainsi que vers les « non-combattants en détresse ». L'assistance aux personnes touchées concernera « le transport des éléments nécessaires à la vie », ce qui implique en particulier l'approvisionnement de nourriture, de vêtements, de médicaments et de services médicaux. Enfin, parmi les autres « mesures nécessaires », le texte de loi cite en particulier la mise en place de « moyens de transport à des ressortissants étrangers ou à des ressortissants japonais ». Toutes ces mesures seront exécutées par « les agences gouvernementales concernées dont les Forces de défense ».

Le rôle principal et essentiel des Forces d'autodéfense sera donc de mener des opérations de « soutien arrière » et de soutien logistique, ainsi que des actions d'assistance humanitaire et de secours. Ainsi, les Forces japonaises pourront ravitailler les bases américaines, comme celle de Diego Garcia dans l'océan Indien, en armements mais également en munitions. Elles pourront aussi fournir une aide médicale au Pakistan aux réfugiés et toutes personnes victimes des combats. Plusieurs centaines de soldats japonais seront ainsi déployés dans le cadre d'opérations d'appui logistique, mais aussi de surveillance et de renseignement.

II) Le cadre de la participation des Forces japonaises

Le champ d'application et les domaines d'activité étant ainsi définis, il restait à préciser le cadre de cette participation des Forces d'autodéfense. Autrement dit, il s'agissait de définir comment la coopération militaire japonaise pouvait être réalisable sans qu'elle ne risque de devenir illégale vis-à-vis de la législation déjà existante.

Cette préoccupation a fait l'objet d'une série de trois grands ensembles de dispositions. Elles concernaient tout d'abord les questions de l'approbation par la Diète et du rapport à la Diète, puis l'épineux problème de l'usage des armes, et enfin le principe de limitation de la durée de la loi.

A) L'approbation par la Diète et le rapport à la Diète

Selon le texte du projet de loi présenté par le gouvernement Koizumi, l'intervention de la Diète allait s'opérer en deux temps. Tout d'abord, les parlementaires devaient donner leur approbation aux activités et opérations des Forces d'autodéfense définies dans le plan de base d'exécution. Dans le cas d'un avis défavorable, elles devaient cesser dès que possible. Ces dispositions sont ainsi présentées à l'article 5 :

L'approbation par la Diète (relatif à l'article 5)

(1) Le Premier ministre soumettra les activités de coopération et de soutien, les opérations de recherche et sauvetage ou d'aide aux personnes touchées exécutées par les Forces d'autodéfense spécifiées dans le plan de base à l'ordre du jour de la Diète pour approbation dans les vingt jours après leur déclenchement.

(2) Si la Diète désapprouve, les activités de coopération et de soutien, les opérations de recherche et sauvetage ou d'aide aux personnes touchées devront promptement prendre fin.

Cette phase d'approbation par la Diète pouvait apparaître comme un élément essentiel dans le processus de mise en application des mesures proposées par le projet de loi. Toutefois, trois points doivent être soulignés. En premier lieu, le Premier ministre Koizumi disposait d'une solide majorité au sein de la Diète 7(*)1, ce qui laissait à penser que l'agrément des députés lui serait facilement acquis. En second lieu, il est à noter que la mise à l'ordre du jour pour approbation des activités et opérations des Forces d'autodéfense ne se fera qu'après leur mise à exécution, au maximum dans les vingt jours. Or, dans le cas où la Diète les désapprouverait, chacun sait qu'il ne sera pas aussi aisé de démobiliser les forces engagées comme le veut l'alinéa 2 de l'article 5. Les conséquences au niveau international seraient considérables, pires que si le Japon n'avait pas du tout participé aux opérations américaines, car un retrait des soldats japonais serait très probablement ressenti comme un recul du Japon sur ses engagements auprès de leur allié américain et de la communauté internationale. Enfin, il est essentiel d'observer que l'approbation de la Diète n'est requise que pour « les activités de coopération et de soutien » et « les opérations de recherche et sauvetage » et d'assistance. Autrement dit, l'approbation ne concerne pas l'intégralité du plan de base. En effet, selon l'article 4 alinéa 1 relatif au « Plan de base », c'est le gouvernement, réuni en Conseil des ministres, qui doit donner son approbation au plan de base. En d'autres termes, la Diète ne sera qu'informée des autres dispositions, comme notamment la définition des zones d'intervention ou les mesures d'assistance financière.

L'article 11 stipule en outre que le Premier ministre informera la Diète du contenu de toute décision ou modification du plan de base et de ses résultats :

6. Rapport à la Diète (relatif à l'article 11)

Le Premier ministre informera la Diète du contenu de toute décision prise ou de toute modification du Plan de base. De plus, lorsque des mesures spécifiées par le Plan de base prendront fin, le Premier ministre informera sans délai la Diète de leurs résultats.

De la même façon que l'article 5, ce très court article 11 semblait montrer la volonté du gouvernement d'inclure le pouvoir législatif dans le processus d'exécution des mesures établies par le plan de base, mais il est aussi évident que cette mesure n'était que symbolique. En effet, il n'est aucunement précisé que le rapport à la Diète des décisions ou modifications du plan de base doit être une obligation, ce qui laisse à penser que cette démarche pourrait se faire à la discrétion du Premier ministre. Par ailleurs, s'il est indiqué que l'information des résultats se fera « sans délai », l'article 11 indique aussi que le Premier ministre le fera « lorsque les mesures [...] prendront fin ». Autrement dit, la Diète ne disposera pas nécessairement d'un suivi en temps réel des résultats des mesures du plan de base.

Cette distinction entre « approbation »  des « mesures d'exécution » et « information » du « plan de base », dissociation qui rappelle celle introduite dans la loi de 1999 sur les situations de crise en zones limitrophes, est essentielle car elle permet au gouvernement de garder la maîtrise totale du projet de loi. Elle bride considérablement le pouvoir civil en cantonnant son contrôle à des mesures uniquement techniques. Malgré la volonté du pouvoir législatif de jouer un rôle politique actif dans la définition des politiques de défense et de relations extérieures, le gouvernement indiquait encore une fois, implicitement, que la lutte contre le terrorisme concernait le pouvoir exécutif et qu'il devait le rester. En d'autres termes, la politique de défense et les relations extérieures relèvent de la compétence du gouvernement et du Premier ministre.

B) L'usage des armes

Une des éléments les plus délicats à préciser a été l'utilisation des armes. Selon les dispositions légales en vigueur régissant les activités des Forces japonaises, en particulier l'article 95 de la loi sur les Forces d'autodéfense relatif à l'usage des armes pour la protection de leurs installations et matériels, l'utilisation de l'armement est strictement réglementée et ne doit se faire qu'en cas de légitime défense. De la même façon, dans le cadre de la participation aux représailles américaines, les soldats japonais pourront faire usage de leurs armes pour assurer leur propre défense et la protection des blessés ou des réfugiés. L'article 12 du projet stipule en effet que :

Les membres des unités des Forces de défense pourront user de leurs armes de manière proportionnelle lorsqu'il existe une cause inévitable et justifiée pour l'usage d'armes, pour protéger leur vie et leur intégrité corporelle, ainsi que la vie et l'intégrité corporelle de ceux effectuant ces activités à leurs côtés ou de ceux dont ils ont pris le contrôle dans l'exécution de ces mesures.

L'usage des armes par les Forces d'autodéfense japonaises est un sujet extrêmement sensible, essentiellement au regard des principes pacifistes inscrits dans la Constitution et du passé militariste du Japon. Aussi leur utilisation est-elle fortement encadrée, ce que ne manque pas de spécifier le projet de loi anti-terroriste : non seulement les Forces japonaises ne pourront, en principe, faire usage de leurs armes que sous l'autorité d'un officier supérieur (alinéa 2), mais en outre elles ne devront le faire ou bien dans les cas très spécifiques de légitime défense (conformément à l'article 36 du Code pénal relatif à l'autodéfense) ou d'absolue nécessité (conformément à l'article 37 du Code pénal relatif à l'absolue nécessité), ou bien « sans [que ne soit occasionné] de mal aux personnes » (alinéa 3), par exemple en tirant en l'air pour dissuader l'ennemi ou pour faire des coups de semonce.

L'article 12 semble donc n'être qu'un rappel des principes de légitime défense et d'absolue nécessité réglementant l'usage des armes par les militaires japonais. Toutefois, comme il est interdit aux Forces japonaises de pénétrer dans les zones de combat, elles ne pourront pas, en principe, être confrontées à des situations de riposte, encore moins d'attaque.

C) Une loi limitée dans le temps

Une dernière mesure caractérise l'originalité de ce projet de loi. Mentionnée dans les dispositions supplémentaires, elle stipule que la loi ne prendra effet que pour une durée de deux ans, avec cependant la possibilité de la prolonger :

Cette loi expirera deux ans après son entrée en vigueur. Si cela est jugé nécessaire, l'effet de la loi pourra être prolongé pour une période inférieure à deux ans comme stipulé par une loi distincte. (Cela s'appliquera aussi à toute prolongation supplémentaire de la loi.)

Cette dernière disposition est particulièrement intéressante dans la mesure où elle apporte une autre légitimation à la volonté du Japon de soutenir les Etats-Unis dans des opérations de représailles. Comme nous l'avons déjà abordé plus haut, le problème des objectifs visés par le projet de loi donne un premier élément de réponse à l'introduction de cette clause de limitation dans le temps. En effet, la nature polémique de ces opérations et les difficultés inhérentes à la marge de manoeuvre japonaise en matière de défense et de sécurité ne pouvaient justifier la prise de mesures permanentes. Ainsi, l'objectif, ou la justification, tel que présenté dans le titre du projet de loi imposait que le soutien japonais soit limité à la seule période que dureraient les opérations de représailles des Américains, ce qui a été estimé à deux ans.

En revanche, l'objectif clairement défini à l'article 1er inscrivant les mesures japonaises dans le cadre beaucoup plus large de la lutte contre le terrorisme international justifiait que cette loi spéciale puisse être prorogée car il était évident que la lutte contre le terrorisme mondial ne pouvait ne limiter aux seules opérations menées en Afghanistan. Ainsi, la possibilité de prolonger la loi, afin d'assurer la continuité du soutien japonais dans le cas où les opérations américaines en Afghanistan dureraient plus longtemps que prévu, apporte un bémol au principe d'une loi votée à titre exceptionnel. En outre, il n'est à aucun moment précisé combien de fois la loi pourra être prolongée, seulement qu'elle le serait d'une durée inférieure à deux ans.

Bien sûr, même si cette disposition exclut toute possibilité de pérenniser les dispositions de cette loi, il n'en reste pas moins que ce projet de loi ouvre une nouvelle perspective dans la marge de manoeuvre des Forces japonaises et constitue une jurisprudence essentielle en la matière.

III) Le renforcement des mesures anti-terroristes sur le territoire national

Comme l'indique la définition des zones où se dérouleront les mesures établies par la loi spéciale de lutte contre le terrorisme (article 2, alinéa 3), ces mesures seront exécutées en premier lieu sur le territoire du Japon, ce qui répond à la préoccupation qui avait transparu des premières déclarations du Premier ministre Koizumi d'assurer la protection de la population japonaise. Cette définition des zones d'application de la loi présuppose en outre que le Japon est une cible potentielle du terrorisme international.

Au lendemain des événements du 11 septembre, la nécessité s'est donc imposée de consolider les dispositions en matière de contrôle et de surveillance afin de prévenir tout danger terroriste. A cet effet, toute une batterie des mesures a été prise, les plus importantes concernant la surveillance des bases américaines installées sur le sol japonais et le renforcement du dispositif de veille anti-terroriste déjà existant.

A) La surveillance des bases américaines

La principale mesure en réponse aux attentats du 11 septembre prise sur le territoire national a été le renforcement de la surveillance et de la protection des bases et des équipements américains installés au Japon. Comme nous l'avons déjà vu plus haut, cette tâche incombait habituellement à la fois aux Forces d'autodéfense et aux forces de police civile. Mais, compte tenu du caractère particulier de la menace, en particulier le risque que d'autres attentats kamikazes pouvaient viser ces installations américaines, la première volonté des politiques a été de renforcer cette mission de surveillance. Dans une interview réalisée par l'Asahi shinbun, à la question : « Pourquoi est-il préférable que les Forces d'autodéfense participent à la surveillance des bases américaines ? », Nishimoto Tetsuya \u-30337\u-30337ê¼OE \u24505\u24505«O-çç, ancien Président du Conseil des Etats-majors unifiés (Tôgô bakuryô kaigi \u32113\u32113«ùç‡-‡»»\u20250%oïcE), répond :

En temps de paix, je pense que la police peut être suffisante pour protéger les bases américaines. Mais en période de crise, il est curieux du point de vue de l'armée américaine et du point de vue international que ce soit la police qui protège l'armée. 70(*)

Toutefois, cette mesure n'est pas inscrite explicitement dans le projet de loi anti-terroriste. Pourquoi cela n'a-t-il pas été le cas ? La première réponse qui semble évidente si l'on prend en considération la nature et l'objectif non avoué de ce texte était de mettre l'accent sur la projection vers l'extérieur et non sur le territoire intérieur. Toutefois, la définition des zones d'application de la loi mentionne bien le territoire japonais, et à vrai dire cela pouvait sembler suffisant pour justifier le renforcement de cette mission de surveillance, d'autant plus qu'elle a déjà fait l'objet d'une législation (les Guidelines). Mais personne ne pouvait décemment envisager que le terrorisme soit éradiqué par les seules opérations de représailles menées par les Etats-Unis. Par conséquent, le renforcement de la protection par les Forces d'autodéfense des bases américaines installées sur le sol japonais contre la menace terroriste ne pouvait logiquement pas faire l'objet d'un projet de loi limité dans le temps. Une telle mesure devait donc faire l'objet de dispositions particulières. Celles-ci ont vu le jour sous la forme d'une réforme partielle de la loi sur les Forces d'autodéfense, ce qu'annonçait un communiqué du gouvernement en date du 3 octobre :

Le gouvernement a aussi approuvé ce jour un projet de loi qui renforce la protection des installations et des zones des forces américaines ainsi que des équipements importants au Japon. Cette nouvelle législation constitue un amendement à la loi sur les Forces de défense. 71(*)

Cette initiative a été confirmée par le Premier ministre Koizumi à l'occasion de l'annonce du plan de mesures d'urgence du 8 octobre :

Nous allons renforcer la surveillance tout d'abord des principaux équipements de notre pays mais aussi des installations liées aux États-Unis et autres. Par de telles mesures, nous allons empêcher les actions terroristes, et nous ferons tout pour garantir à la nation un cadre de vie où chacun se sent en sécurité.

Cette réforme partielle de la loi sur les Forces d'autodéfense a été enfin notifiée dans le texte du projet de loi anti-terroriste au deuxième point des dispositions supplémentaires 72(*).

B) Les mesures de renforcement des contrôles

D'autres mesures sont également prises sur le territoire national. Ce sont essentiellement des mesures de renforcement des contrôles aux frontières, ce qui concerne en particulier les contrôles douaniers et les contrôles d'immigration. Ce renforcement des mesures de sécurité s'applique tout particulièrement dans les lieux sensibles tels que les avions et les aéroports. Dans les avions par exemple, les couverts des plateaux repas ne sont plus en métal mais en plastique, afin de prévenir toute utilisation criminelle.

Il apparaît cependant que, pour un pays tel que le Japon où l'immigration d'origine moyen-orientale est extrêmement faible, de telles mesures peuvent sembler ridicules, répondant plus au principe de précaution qu'à un réel danger. Néanmoins, lorsqu'on sait que des terroristes du Nihon Sekigun ont pu à plusieurs reprises entrer sur le territoire japonais sans être inquiéter par les autorités, on peut légitimement se dire que le renforcement des contrôles aux frontières et dans les aéroports n'est pas une mesure superflue.

L'intention de renforcer le dispositif en matière de contrôles a notamment été proclamée par le Premier ministre Koizumi dans sa déclaration du 8 octobre 2001, dans laquelle d'ailleurs elle tient la première place des mesures annoncées :

Premièrement, nous allons renforcer les systèmes de surveillance et de protection pour garantir la sécurité de la nation.- Les activités de collecte d'information liées au terrorisme seront renforcées pour surveiller les mouvements des terroristes. - Afin d'empêcher l'entrée de terroristes au Japon, nous allons mettre en place une surveillance renforcée du contrôle des frontières.- Nous allons renforcer le système de sécurité des aéroports, entre autres par une inspection plus rigoureuse des bagages à main, afin de prévenir les détournements d'avion. 73(*)

Plus précisément, les dispositions, qui allaient être mises en place « pour protéger la sécurité de la nation », sont détaillées dans le plan de mesures d'urgence délivré le jour même de la déclaration du Premier ministre :

1. Afin de garantir la sécurité du peuple japonais, le système de surveillance à l'intérieur du pays est renforcé comme suit :

- Renforcement du contrôle des frontières et surveillance exhaustive des clandestins

- Renforcement de la collecte des informations liées au terrorisme et de la collaboration internationale dans ce domaine

- Afin d'empêcher les détournements d'avions et autres incidents de ce type, application stricte du renforcement maximal des mesures de sécurités et de surveillance des aéroports

- Renforcement des mesures contre le terrorisme nucléaire, bactériologique et chimique

- Renforcement des dispositifs de garde et de surveillance des principaux équipements japonais et des installations liées aux États-Unis et autres au Japon

- Strict respect du contrôle au moment de la réception des plans de vol des avions légers etc. et de l'interdiction de survol des installations de l'armée américaine

- Surveillance volontaire par les entreprises de fret maritime et strict respect de la surveillance des marchandises suspectes

- Strict respect du renforcement du système d'inspection douanière 74(*)

Outre la volonté de renforcer la protection et la surveillance des bases américaines (point numéro 5), deux grands ensembles ressortaient de plan de mesures d'urgence. Tout d'abord, l'accent est mis sur le renforcement des mesures de contrôle des frontières et douanières afin d'empêcher toute entrée sur le territoire national de marchandises suspectes et de clandestins. Il est cependant remarquable que l'intention de prévenir l'intrusion d'éventuels terroristes n'a pas été explicitement mentionnée. Le terme « terrorisme » n'est d'ailleurs cité que deux fois, aux points numéro 2 (relatif à la collecte des informations) et 4 (relatif au renforcement des mesures contre le terrorisme NBC). Cette imprécision pourrait pourtant laisser dire qu'il serait facile de faire l'amalgame entre clandestins et terroristes. Quoi qu'il en soit, il apparaît que le renforcement des mesures de surveillance des clandestins a vocation à dépasser le seul cadre de la lutte contre le terrorisme.

Le second ensemble de mesures concernait quant à lui le renforcement des mesures de sécurité dans les aéroports et les avions. Les attentats du 11 septembre ayant été perpétrés au moyen de détournements d'avions, ces dispositions apparaissaient non seulement nécessaires mais aussi indispensables. La psychose d'un nouvel acte terroriste aérien était en effet profonde. Ici, il ne s'agissait plus uniquement du seul principe de précaution mais réellement de prendre des mesures pour empêcher qu'une telle chose ne se reproduise.

CHAPITRE 3

L'EXAMEN ET LE VOTE

DE LA LOI ANTI-TERRORISTE

L

e 27 septembre 2001, une session extraordinaire de la Diète a été convoquée afin notamment de débattre d'un ensemble de trois textes composé par un projet de réforme de la loi relative à l'Agence de sécurité maritime, un projet de réforme de la loi sur les Forces d'autodéfense et le « fameux » projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme. Ce dispositif a surtout fait l'objet d'un examen devant la Commission du Budget de la Chambre des Représentants et d'un examen conjoint mené par un ensemble de trois commissions directement concernées par le projet de loi : la Commission des relations diplomatiques et de la défense (Gaikô Bôei Iinkai \u22806\u22806OOEð-hðh%oqq\u22996àÏÏ\u21729àõ%oïõï), la Commission du Cabinet (Naikaku Iinkai \u20869\u20869«àtt\u22996àÏÏ\u21729àõ%oïõï) et la Commission du Territoire et des Transports (Kokudo Kôtsû Iinkai \u22269\u22269ç«yy\u20132OEð'ÊðÊàÏÏ\u21729àõ%oïõï). Le 5 octobre, le gouvernement présentait à la Diète son projet de loi anti-terroriste et son examen en séance plénière devant la Chambre des Représentants débutait le 10 octobre.

L'enjeu essentiel des débats était de légitimer la participation du Japon à des opérations de représailles qui ne s'appliquaient pas à la législation existante. Il s'agissait en effet d'organiser et de mettre en cohérence les principes de soutien et d'assistance fondés sur l'alliance nippo-américaine avec le rôle du Japon dans l'organisation de la lutte internationale contre le terrorisme.

Sans être particulièrement houleux, les débats n'en ont été pas moins âpres et tendus. Malgré l'existence d'un fort consensus sur le principe d'une contribution du Japon, plusieurs des propositions du gouvernement y donnant corps étaient loin d'être approuvées par l'ensemble de la classe politique. Bien sûr, les contestations venaient de l'opposition, mais également du Parti libéral démocrate lui-même. L'opinion publique aussi se montrait peu favorable à certaines mesures prises par le gouvernement. Malgré tout, la loi spéciale de lutte contre le terrorisme a été adoptée à une large majorité.

I) Divergences d'opinions sur plusieurs aspects du projet de loi anti-terroriste

La nature même du projet de loi présenté par le gouvernement Koizumi laissait présager des divergences d'opinions. Les questions de défense et de sécurité sont en effet des points ultra-sensibles de la vie politique japonaise. Ainsi, les trois partis de la majorité n'ont donné leur accord sur le texte que le 2 octobre alors que la session extraordinaire de la Diète avait été convoquée le 27 septembre. Ce délai était symptomatique d'importants désaccords sur le contenu du projet de loi, non seulement entre les partis et le gouvernement mais aussi au sein même du Parti libéral démocrate.

Le Kômeitô par exemple soulignait la nécessité de mettre en place des mesures restrictives claires, en particulier la nécessité de limiter l'application de la loi à une durée de deux ans. Dans la nuit du 1er octobre, les trois partis composant la majorité se sont donc mis d'accord pour proposer une loi de deux ans.

Si ce point a été facilement réglé, cela n'a pas été le cas pour de nombreux autres aspects du projet de loi. Dans le détail, les débats à la Diète ont porté sur des points traditionnels d'achoppement concernant les activités des Forces d'autodéfense, notamment le principe de conformité à l'article 9 de la Constitution, l'usage des armes et le problème du droit à l'autodéfense collective, lui-même lié au problème de la légalité des opérations de représailles.

A) Le problème de la conformité à l'article 9 de la Constitution

Le problème de la conformité à l'article 9 de la Constitution de 1946 est la question centrale, le fil rouge de toute la problématique développée autour des questions de sécurité et de défense du Japon depuis l'instauration de cette Constitution. L'esprit pacifiste, mais également les hésitations d'une classe politique se complaisant dans le statu quo et l'accord de principe d'une réforme nécessaire de la Constitution ont fait que la question de l'article 9 est devenue aujourd'hui une question rhétorique. Ainsi, comme l'explique Jean-Marie Bouissou, le Japon a pendant longtemps brandi l'article 9 pour éviter de trop s'investir et donc se compromettre en participant à des opérations de combat, mais en même temps le Japon a cherché à « aller au-delà de la défense du territoire national, seule mission légitime indiscutable au regard de l'article 9 » 75(*).

Toutefois, même si les diverses avancées réalisées dans les domaines de la sécurité et de la défense, ont fortement affaibli le sacro-saint principe pacifiste, il n'en reste pas moins que le problème de la conformité à l'article 9 est un point incontournable lorsqu'il s'agit de questions militaires. Aussi est-il de nouveau soulevé à propos de la participation du Japon aux opérations de représailles engagées par les Etats-Unis en Afghanistan. Malgré les infinis précautions inscrites dans le projet de loi par le gouvernement Koizumi pour encadrer la participation des Forces d'autodéfense (déploiement en dehors des zones combattantes, usage des armes uniquement en cas de légitime défense), les réticences, voire les oppositions à leur envoi à l'étranger dans le cadre d'opérations qui ne sont pas reconnues comme étant des opérations défensives sont très fortes et nombreuses. Certaines opinions très tranchées comme celle de Shii Kazuo, président du Parti communiste, demandaient un strict respect de la législation en vigueur et de l'esprit de l'article 9 :

Les opérations de logistique que le gouvernement appelle « soutien arrière » entrent dans le cadre de l'utilisation de la force armée selon le droit international. Il n'est pas permis d'avoir pour but de participer à une guerre de représailles qui n'a pas de fondement du point de vue du droit international, ni de bafouer l'article 9 de la Constitution. 76(*)

Cependant, pour le Premier ministre Koizumi et Tsuno Osamu \u27941\u27941'-ì\u12539E \u20462\u20462èC, chef du Bureau législatif du Cabinet, le projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme comble un vide législatif existant entre le préambule de la Constitution 77(*) et l'article 9 :

La Constitution fixe le cadre fondamental de l'exercice du pouvoir. Nous devons répondre aux situations nouvelles pour lesquelles il ne correspond pas de principe général du droit et dans les cas où il n'y a pas de norme juridique il est nécessaire d'établir de nouvelles lois. Nous avons présenté le projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme pour combler le vide juridique qu'il y a entre le préambule de la Constitution et l'article 9. 78(*)

En effet, le préambule de la Constitution de 1946 exprime clairement la volonté d'un Japon désireux de jouer un rôle prépondérant au sein de la société internationale et de participer au maintien de la paix et à la préservation des valeurs démocratiques dans le monde. Or, à l'heure où le monde est menacé par le terrorisme, le principe de renonciation à la guerre défini à l'article 9 est un obstacle à la réalisation des objectifs inscrits dans le préambule. Toutefois, certains spécialistes du droit comme Narisawa Takato \u25104\u25104ê#172;àVV \u23389\u23389çFêll, professeur non titulaire à l'Université d'Utsunomiya, considéraient que légitimer la participation des Forces d'autodéfense aux opérations américaines par un tel raccourci juridique était plus que douteux :

Il est tout-à-fait impossible selon la logique du droit d'accepter l'explication du Premier ministre Koizumi disant que, selon le « bon sens », les Forces d'autodéfense sont une force militaire et que par « bon sens » il a été établi un « vide » entre le préambule de la Constitution et l'article 9 à propos de l'utilisation des armes. Pourtant, cette intervention « politique » devant la Diète est passée. 79(*)

Ce qui est le plus remarquable concernant ce point, c'est que le gouvernement Koizumi a de la sorte érigé le préambule de la Constitution de 1946 au sommet de la hiérarchie des normes juridiques en conférant à son contenu une importance plus grande que l'article 9. Tout en s'en défendant pourtant, le Premier ministre mettait ainsi en avant une nouvelle interprétation de la Constitution, celle du « vide juridique », pour justifier son projet de loi.

Le problème de la conformité à l'article 9 de la Constitution était donc particulièrement délicat, d'autant plus qu'il combinait par définition un faisceau de nombreux autres problèmes dont les plus importants étaient l'usage des armes et la définition des zones d'intervention et le problème du droit à l'autodéfense collective.

B) L'usage des armes et la définition des zones d'intervention

Selon la réglementation fixée par la loi relative aux Forces d'autodéfense, les soldats japonais ont la possibilité d'utiliser leurs armes pour protéger les installations et les armements dans le cadre de situations d'attaques et de légitime défense. Le projet gouvernemental assouplit ces règles d'utilisation des armes et confirme que les soldats japonais pourront en faire usage pour assurer leur propre défense et pour assurer la protection des personnes en détresse, blessés ou réfugiés, ce qui était déjà prévu par la loi PKO. En effet, comme nous l'avons vu plus haut, l'article 12 du projet de loi anti-terroriste rappelait les principes de légitime défense et d'absolue nécessité réglementant l'usage des armes par les militaires japonais. Par ailleurs, les zones d'intervention étant strictement limitées aux zones non combattantes, les Forces d'autodéfense ne devraient, en principe, pas avoir à utiliser leurs armes pour notamment riposter à des situations d'attaques.

Pourquoi alors assouplir les règles d'utilisation des armes ? Il s'agissait en fait pour le gouvernement de donner la possibilité aux forces japonaises de répondre à toutes les éventualités. En effet, selon son interprétation, l'article 9 de la Constitution interdit l'exercice de la force armée mais pas l'usage des armes, par exemple pour les cas d'autodéfense ou de protection des individus placés sous la responsabilité des soldats japonais. De plus, les difficultés inhérentes au phénomène terroriste et à la définition des zones d'intervention des Forces d'autodéfense supposaient des règles d'utilisation des armes plus souples :

Le projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme limite les zones d'exécution des opérations aux zones non combattantes et aux zones où des combats ne risquent pas d'éclater. La même idée était développée par la loi sur les situations de crise en zones périphériques, mais cette fois elle inclut les frontières de pays étrangers. Dans la situation actuelle, il est prévu d'envoyer des forces japonaises au Pakistan.

Seulement, contrairement à une guerre entre des nations, le terrorisme est difficilement prévisible. Le Premier ministre Koizumi a expliqué le 5 [octobre] devant la Commission du budget de la Chambre des Représentants que « nous ne savons pas où les combats vont éclater. (Les zones d'opérations) sont sans limites », reconnaissant la difficulté de les délimiter.

Pour le gouvernement (c'est-à-dire le cabinet), « les éventuels actes de terrorisme qui ne sont ni prémédités ou organisés ne sont pas des combats. Les zones où éclatent de tels actes de terrorisme ne sont pas des zones de combat. » 80(*)

De nombreuses oppositions se sont élevées contre cette conception gouvernementale. Le Parti démocrate notamment retournait l'argument basé sur les difficultés de délimitation des zones d'intervention pour demander le non-déploiement des Forces d'autodéfense dans des pays qui ne sont pas totalement sécurisés.

Par ailleurs, le Parti démocrate, mais aussi le Kômeitô, souhaitaient que le transport d'armes et de munitions par les Forces d'autodéfense ne soit pas autorisé. Hatoyama Yukio déclarait ainsi que les règles d'utilisation des armes telles que définies par la législation existante étaient suffisantes et qu'elles impliquaient l'impossibilité d'envoyer les Forces d'autodéfense au Pakistan et de transporter des armes et des munitions :

Nous abordons la question en nous fondant sur les arguments issus de la loi sur les situations de crise en zones périphériques et dans le cadre de la Constitution. Les activités des Forces terrestres d'autodéfense au Pakistan, même si elles ont pour objectif d'aider les réfugiés et d'apporter une assistance médicale, sont fondamentalement difficiles. Les règles d'utilisation des armes, puisqu'elles dessinent une ligne de démarcation délimitant les zones de combats, sont jusqu'à aujourd'hui suffisantes. Le transport des armes et des munitions ne doit pas être autorisé. 81(*)

D'autres positions sont encore plus virulentes, comme celle d'Ozawa Ichirô \u23567\u23567è#172;ò\u12539E \u19968\u19968àêYY, chef du Parti libéral, qui est allé jusqu'à dire que l'intervention des forces japonaises, même si elle s'inscrit dans un cadre humanitaire, sera forcément de nature militaire. Mais jusqu'à la fin des débats, le gouvernement Koizumi est resté inébranlable sur ses positions, d'autant plus que ces points, en particulier celui concernant la définition des zones d'intervention, constituaient le pilier essentiel sur lequel reposait la viabilité et l'intérêt du projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme qu'il présentait.

C) Les problèmes du droit à l'autodéfense collective et de la légalité des représailles

Nishitani Osamu \u-30337\u-30337ê¼'JJ \u20462\u20462èC développe dans son ouvrage «Tero to no sensô» to ha nani ka ? - 9.11 igo no sekai \u12300\u12300uÉee\u12525ÉçÆçÆÌÌ\u25126êíàúvv\u12392ÆÆ\u12399ÍÍ\u20309%o½½\u12363(c)(c) - 9.11\u20197\u20197àÈOEãÌãÌ \u19990\u19990êcentsEE (Qu'est-ce que «la guerre contre le terrorisme» - Le monde depuis le 11 septembre), l'idée que la rhétorique de guerre développée par le président George W. Bush, relayée par les média américains, comme la chaîne de télévision CNN, ne servait qu'à justifier une « justice illégale ». En effet, les spécialistes du droit ont soulevé l'illégalité vis-à-vis du droit international des opérations de représailles, comme l'expliquait l'avocat Arai Seiichirô \u-31918\u-31918çràä\u12539E \u-30048\u-30048ê½àêYêY dans un article de la revue Hô to Minshu shugi \u27861\u27861-@ÆÆ\u27665-\u20027éåéååå`` :

[...] Après les sommets d'horreur atteint par la Seconde guerre mondiale, outre la guerre, la Charte des Nations unies interdit de façon générale la menace par la force armée, y compris l'exercice de la force militaire. Rassemblant les intelligences, l'humanité, pour empêcher les horreurs de l'usage de la force armée et de la guerre, a progressivement élargi les infractions à la loi internationale, comme la guerre et l'emploi de la force militaire. La « guerre de représailles » des Etats-Unis constitue une méconnaissance de ces lois internationales. 82(*)

Pour de nombreux commentateurs et juristes, la guerre de représailles des Américains était un acte d'agression contre le régime des Talibans, d'autant plus qu'il n'était pas responsable des attentats du 11 septembre. Mais les Etats-Unis ont mis en avant le principe du droit à l'autodéfense collective pour justifier les bombardements sur l'Afghanistan et entraîner dans leur combat leurs alliés. Or, selon l'interprétation officielle du gouvernement japonais, qui émane du bureau législatif du Cabinet, le Japon possède le droit à l'autodéfense collective au regard du droit international, notamment l'article 51 de la Charte des Nations unies, mais il ne peut pas y recourir à cause de l'article 9 de sa Constitution. De nombreux hommes politiques japonais, notamment au sein du Parti démocrate, du Parti social démocrate et du Parti libéral, n'ont pas manqué de soulever ce problème lors des débats sur la participation du Japon aux opérations de représailles des Etats-Unis. Ainsi, Doi Takako déclarait :

Tout d'abord, il ne faut pas envoyer les Forces d'autodéfense à l'étranger. Je crains une application du droit à l'autodéfense collective et je soupçonne fortement une violation de la Constitution. Le terrorisme n'est pas une guerre mais un crime atroce. Il doit être jugé selon les règles internationales. 83(*)

Yamaoka Kenji \u23665\u23665éR%o \u-29470\u-29470OE«é··, du Parti libéral, est même allé jusqu'à suggérer qu'il ne relevait pas de la responsabilité du Premier ministre de reconnaître la possibilité de recourir au droit à l'autodéfense collective. Pour ces opposants à la politique gouvernementale, le projet de loi anti-terroriste était donc contraire à l'article 9 de la Constitution car il était une application implicite du droit à l'autodéfense collective. Mais, sur ce point, le gouvernement Koizumi a opposé le même argument que celui avancé pour la question de la compatibilité entre l'article 9 et le projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme. Selon le Premier ministre, le vide juridique existant entre le préambule de la Constitution et l'article 9 permet d'envisager le recours au droit à l'autodéfense collective.

II) Une opinion publique peu convaincue

Lorsqu'il s'agit des questions de défense et de sécurité, la position de l'opinion publique japonaise a toujours pesé d'un lourd poids sur les décisions politiques prises dans ces domaines. Longtemps traumatisés par les deux bombes nucléaires lâchées sur Hiroshima et Nagasaki en août 1945 et profondément marquée par le pacifisme de la Constitution de 1946, les Japonais se sont toujours montrés réticents à l'idée d'un réarmement du Japon, probablement autant que les pays alliés et les voisins asiatiques.

Il était donc ainsi établi, de façon quasi coutumière, que l'avis favorable de cette opinion publique était nécessaire pour mettre en oeuvre des mesures tendant vers un renforcement du dispositif militaire japonais. Cependant, la gestion des questions de défense et de sécurité par les gouvernements successifs a démontré que, bien souvent, les mesures ont été quand même prises, malgré la désapprobation des Japonais. Par la suite, l'état de fait était progressivement accepté. Le renouvellement des générations en est certainement une des raisons principales. Mais l'opinion japonaise reste difficile à convaincre, ce qui a été une nouvelle fois le cas pour ce qui est du projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme.

A) L'évolution de la position de l'opinion publique sur les questions de défense

Philippe Pons écrivait dans le Monde le 25 octobre 2001 que :

Le nouveau type de guerre qu'est le terrorisme pourrait changer la donne. Il y a assurément de la part du gouvernement Koizumi un souci de visibilité et de percée politique. Mais les mentalités ont aussi évolué. Le débat à la Diète ainsi que les éditoriaux des journaux montrent que les Japonais sont à la fois conscients qu'ils ne peuvent pas rester les bras croisés mais qu'ils sont toujours très réticents au recours à la force.

La position de l'opinion publique japonaise a en effet évolué et le pacifisme a perdu du terrain, notamment depuis la fin du système de 55. Concernant notamment l'image des Forces d'autodéfense, l'accueil par la population japonaise s'est nettement améliorée, surtout à la suite des opérations menées dans le cadre des opérations de maintien de la paix et des interventions de sécurité civile, comme les opérations de secours menées lors de l'attentat au gaz sarin dans le métro de Tôkyô perpétré par la secte Aum. Ces opérations ont familiarisé la population japonaise avec les Forces d'autodéfense. Elle a pu en effet voir que leurs activités principales étaient des activités de secours et d'assistance, ce qui a d'une certaine façon l'a rassurée.

Cependant, les gouvernements successifs n'ont eu de cesse d'élargir le champ d'action des Forces d'autodéfense, en particulier en adoptant une interprétation souvent très extensive des dispositions constitutionnelles et légales. Or, il semble que cette politique d'élargissement progressif des activités de défense soit passée relativement bien auprès de l'opinion publique comme l'indiquent l'évolution des sondages 84(*). L'habilité du gouvernement japonais a été en effet de progresser par étapes sans bousculer la population, tout en respectant autant que possible l'esprit pacifiste qui anime toujours une large majorité des Japonais.

Aujourd'hui pourtant, les circonstances exceptionnelles qui entourent les mesures prises en représailles des attentats du 11 septembre, la nature même des événements et la pression de l'urgence ont contraint le gouvernement japonais à adopter des mesures qui devaient obligatoirement aller à l'encontre de la sensibilité pacifiste de l'opinion publique. L'envoi des Forces d'autodéfense à l'étranger, la question de l'usage des armes, la question d'une participation, aussi éloignée soit-elle, à des opérations de représailles étaient autant de points sensibles auxquels les Japonais se sont immédiatement montrés défavorables.

L'opinion publique japonaise a donc été bousculée, elle n'a pas eu le temps de se familiariser aux questions imposées par la situation. Il est ainsi à noter que les sondages d'opinion ont été moins nombreux que lors par exemple de la guerre du Golfe et plus récemment lors de la guerre contre l'Irak en 2003. Or les sondages, par le biais des organes de presse, sont le baromètre l'opinion d'une population. Entre septembre et novembre 2001 l'Asahi shinbun n'en a réalisé et publié que deux qui soient en relation directe avec les événements du 11 septembre. Peut-être cela s'explique-t-il par le manque de temps et la rapidité avec laquelle se sont enchaînés les événements. Mais cela pourrait également s'expliquer par le fait qu'en matière de sécurité nationale et de défense, et à plus forte raison dans une situation de crise et d'urgence, l'opinion publique doit s'en remettre à ses élus pour prendre les décisions qui s'imposent. Dans le cas du terrorisme, comme l'explique Nathalie Cettina, le consensus pour lutter contre cette menace est à un tel point fort, solide et unanime que le soutien de la population ne peut se démentir et est pris pour acquis par les gouvernants. Il ne s'agit pas non plus d'oublier que, même s'il est légitime que dans une démocratie la nation souveraine ait son mot à dire sur une politique concernant directement le cadre de l'Etat-Nation, la défense et la direction de l'armée font partie des fonctions régaliennes de l'Etat et qu'à ce titre la nation est incompétente en la matière. La position de l'opinion est certes importante, mais il n'est pas condamnable que le gouvernement prenne des mesures impopulaires si elles relèvent d'un cas de force majeure.

B) Entre intérêt et désapprobation

Quelle est alors la position de l'opinion publique vis-à-vis du projet de loi anti-terroriste ? Examinons l'extrait des deux sondages qui suivent et qui ont été réalisés par l'Asahi shinbun 85(*) :

· En rapport avec la collaboration avec les Etats-Unis, le Premier ministre Koizumi, afin d'apporter un soutien arrière à l'armée américaine, élabore un nouveau projet de loi et a lancé des directives pour déployer les Forces d'autodéfense. Si elles sont mises à exécution, exception faite des activités sous l'égide des Nations unies, ce sera la première fois que les Forces d'autodéfense seront envoyées à l'étranger. Approuvez-vous le déploiement à l'étranger des Forces d'autodéfense ?

Oui 42 %

Non 46 %

Autre, sans réponse 12 %

· Les trois partis de la majorité pensent introduire dans ce nouveau projet de loi des mesures d'assouplissement des règles d'utilisation des armes par les Forces d'autodéfense. Approuvez-vous l'assouplissement des règles d'utilisation des armes ?

Oui 39 %

Non 51 %

Autre, sans réponse 10 %

[...]

· A propos des attentats terroristes aux Etats-Unis, approuvez-vous la collaboration du Japon avec les Etats-Unis aux mesures de lutte contre le terrorisme ?

Oui 71 % (62 %)

Non 17 % (25 %)

Autre, sans réponse 12 % (13 %)

· Le 8 [octobre] les Etats-Unis ont engagé l'offensive militaire en Afghanistan pour anéantir les organisations terroristes. Soutenez-vous l'offensive militaire en Afghanistan ?

Oui 46 %

Non 43 %

Autre, sans réponse 11 %

· Pensez-vous que l'offensive militaire américaine soit efficace pour résoudre l'affaire des attentats terroristes ?

Oui 36 %

Non 49 %

Autre, sans réponse 15 %

· Dans le cadre des contre-mesures relatives à l'affaire des attentats terroristes, un projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme est discuté à la Diète pour que les Forces d'autodéfense apportent leur soutien aux armées engagées dont celle des Etats-Unis. Vous intéressez-vous au contenu de cette loi ?

Oui 79 %

Non 16 %

Autre, sans réponse 5 %

· Approuvez-vous le projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme ?

Oui 51 %

Non 29 %

Autre, sans réponse 20 %

· Ce projet de loi, avec l'accord des pays étrangers, permettra aux Forces d'autodéfense d'aller agir dans des zones de ces pays où ne se déroulent pas de combats. Approuvez-vous l'élargissement des activités à l'étranger des Forces d'autodéfense ?

Oui 49 %

Non 40 %

Autre, sans réponse 11 %

· Ce projet de loi introduit des mesures d'assouplissement des règles d'utilisation des armes par les Forces d'autodéfense. Approuvez-vous l'assouplissement des règles d'utilisation des armes ?

Oui 48 %

Non 42 %

Autre, sans réponse 10 %

Comme nous l'avons déjà vu plus haut, la majorité des personnes sondées n'approuvent pas l'envoi des Forces d'autodéfense à l'étranger, pourtant elle est favorable à la prise de mesures pour lutter contre le terrorisme. En effet, 42 % seulement approuvent le déploiement à l'étranger des Forces d'autodéfense contre 46 %, tandis que 71 % approuvent la collaboration du Japon avec les Etats-Unis aux mesures de lutte contre le terrorisme.

Cependant, une faible majorité, seulement 46 %, soutient l'offensive militaire américaine en Afghanistan. Ce chiffre peut être la démonstration d'un certain antiaméricanisme, mais il est surtout la manifestation du traditionnel pacifisme qui anime l'opinion publique japonaise. En effet, 49 % des sondés estiment que l'offensive américaine n'est pas efficace pour résoudre l'affaire des attentats terroristes du 11 septembre, contre seulement 36 %. En d'autres termes, les Japonais condamnent les attentats du 11 septembre et le terrorisme de façon générale, mais ils sont moins enclins à employer la force pour contrer cette menace.

Pourtant, 79 % déclarent s'intéresser au contenu du projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme, mais seulement 51 % des sondés approuvent ce projet de loi. Ces chiffres indiquent que l'opinion publique japonaise se sent concernée par les problèmes de sécurité et de défense de leur pays, en particulier lorsqu'il s'agit de lutter contre une menace aussi sérieuse que le terrorisme, mais elle reste cohérente avec son esprit pacifiste et désapprouve la prise de mesures offensives. Cette tendance est confirmée par les réponses données aux questions concernant l'usage des armes. En effet, selon le sondage publié le 16 septembre, 51 % des sondés désapprouvent l'assouplissement des règles d'utilisation des armes contre seulement 39 %. Cependant, la tendance s'inverse en octobre et 48 % se prononcent en faveur de ces mesures contre 42 %. Ces résultats indiquent clairement une meilleure connaissance de l'opinion des mesures proposées et certainement une bonne politique de promotion et d'explication de la part du gouvernement, ce qui apparaît dans les résultats à la question concernant l'élargissement des activités à l'étranger des Forces d'autodéfense. En effet 49 % des personnes interrogées, quasiment la majorité, approuvent cette disposition, contre 40 % qui la désapprouvent.

Ces chiffres confirment par ailleurs la tendance générale de l'opinion publique japonaise à bien accepter l'existence et la légitimité des Forces d'autodéfense. Il apparaît pourtant que le gouvernement japonais s'engageait sur un terrain glissant vis-à-vis de l'opinion publique qui a exprimé sa préférence pour un règlement pacifique à l'occasion de plusieurs manifestations contre la participation des Forces d'autodéfense aux opérations américaines.

III) L'adoption par la Diète 

Le 18 octobre devant la Chambre des Représentants et le 29 octobre 2001 devant la Chambre des Conseillers, un ensemble de trois projets de loi a donc été soumis au vote de la Diète : le projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme, un projet de révision de la loi sur les Forces d'autodéfense et un projet de réforme de la loi relative à l'Agence de sécurité maritime.

Les commentateurs ont tout d'abord retenu la rapidité avec laquelle le projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme a été adopté par la Diète. Les résultats du vote par les Sénateurs pourtant ont montré que l'issue des discussions n'a pas convaincu les plus réticents, en particulier au sein du Parti libéral démocrate dont de nombreux membres ont profité de cette session extraordinaire de la Diète pour exprimer leurs oppositions à d'autres aspects de la politique du Premier ministre Koizumi.

A) Un record de rapidité

L'adoption de la loi spéciale de lutte contre le terrorisme est d'une « exceptionnelle rapidité », seulement deux semaines après sa présentation devant la Diète pour le vote par la Chambre des Représentants et un peu plus de trois semaines pour le vote par la Chambre des Conseillers. Tous les commentateurs se sont en effet accordés pour souligner la promptitude, voire la hâte, du gouvernement Koizumi à faire passer son projet de loi. L'Asahi shinbun écrivait ainsi à ce propos que :

Plus de trois semaines se sont écoulées entre la présentation du projet de loi devant la Diète et l'adoption le 29 [octobre] de la loi spéciale de lutte contre le terrorisme. On peut dire que la « rapidité des délibérations » a été exceptionnelle pour un projet de loi important dans la politique de sécurité.

Les délibérations devant les commissions à l'intérieur des deux Chambres ont duré environ 62 heures. Parmi les anciens grands projets de loi, les délibérations de la loi PKO ont duré 179 heures et celles de la loi sur les situations de crise en zones périphériques 154 heures.

Les débats de la loi elle-même ont tiré parti des anciennes délibérations devant la Diète de la loi PKO et de la loi sur les situations de crise en zones périphériques et on peut penser que le Parti démocrate les a fait traîner en renchérissant sur certains points des discussions. 86(*)

La rédaction du texte lui-même a été extrêmement rapide, environ deux semaines. Mais ce qui a le plus marqué les esprits a été la rapidité des délibérations. Bien sûr, la pression de l'urgence a ici aussi joué un rôle essentiel. Cela signifie-t-il pour autant que les débats ont été bâclés ? De nombreux observateurs ont en effet parlé de précipitation de la part du Premier ministre, et, à vrai dire, le fait-même que l'on souligne autant la courte durée des délibérations devant la Diète montre qu'elles n'ont certainement pas été suffisantes pour être efficaces, même si du temps a été gagné grâce aux renvois aux débats tenus pour la loi PKO et la loi sur les situations de crise en zones périphériques.

On peut penser cependant que, dans une certaine mesure, l'unanimité des opinions pour lutter contre le terrorisme et la forte empathie suscitée par les événements du 11 septembre ont contribué à ce que ce projet de loi ait été adopté aussi rapidement. Il n'en est pas moins certain que la ferme volonté du Premier ministre Koizumi d'« organiser le plus tôt possible un cadre légal permettant de soutenir l'allié américain par le déploiement d'une force d'action » 87(*) a été déterminante.

B) Entre adhésion et contestations

Le 18 octobre 2001, la loi spéciale de lutte contre le terrorisme a été votée par la Chambre basse réunie en séance plénière. Elle a été approuvée à une large majorité des voix, notamment grâce à la coalition des trois partis de la majorité, le Parti libéral démocrate, le Kômeitô et le Parti conservateur qui ont soutenu le projet gouvernemental. Ce résultat a été confirmé le 29 octobre 2001 par la Chambre haute qui a adopté la loi par 140 voix contre 100. Les deux autres projets de réforme présentés en même temps que la loi anti-terroriste ont été adoptés à une plus large majorité encore.

La politique de Koizumi était donc appuyée non seulement par l'ensemble de la majorité mais aussi par une partie de l'opposition. Les députés du Parti démocrate contestant le projet de loi sont en effet restés réduits au minimum et, en réalité, de nombreux membres du parti soutenaient l'action du gouvernement, comme l'écrivait l'Asahi shinbun le 19 octobre :

Tandis que les bombardements sur l'Afghanistan par l'armée américaine ont commencé, le souhait du gouvernement d'« organiser aussi tôt que possible un cadre légal permettant de soutenir l'allié américain par le déploiement d'une force d'action » n'est pas seulement partagé par les partis de la majorité, mais il est aussi soutenu par une grande partie du Parti démocrate qui appartient à l'opposition.

Pourtant, au sein des partis eux-mêmes, des discordances se faisaient entendre, au gré des oppositions entre les factions. C'était le cas du Parti démocrate, poussant un de ses députés à parler de « querelle interne au parti » :

Un député démocrate déclarait le 20 septembre que « c'est une querelle interne au parti ». Au sein du Parti démocrate, les opinions pour et contre le soutien à l'armée américaine s'affrontent. Nombreux sont les députés séduits par la nouvelle loi de soutien portée par le gouvernement et la majorité, tranchant de ce fait avec les députés sympathisants de l'ancien Parti socialiste qui est opposé à la nouvelle loi. 88(*)

Mais surtout, la procédure d'adoption de la loi anti-terroriste devant la Chambre des Représentants a été marquée par la fronde d'une partie des parlementaires du Parti libéral démocrate, vingt-cinq d'entre eux précisément. En effet, certaines grandes figures, Nonaka Hiromu \u-28210\u-28210-ì'†\u12539E \u24195\u24195çL-#177;#177; ou Koga Makoto \u21476\u21476OE%oê\u12539E \u-30048\u-30048ê½, tous deux ancien secrétaire général du parti, ont quitté ostensiblement la Chambre au moment du vote pour protester contre les directives du parti, ce qu'explique l'Asahi shinbun :

L'opposition de M. Nonaka ne se dirige pas contre le projet de loi en lui-même, mais contre les modalités du vote. Le Kômeitô et le Parti conservateur ont demandé à ce que le vote soit nominatif arguant qu'il s'agissait d'un « projet de loi essentiel », mais c'est un vote debout qui a été décidé. M. Nonaka ainsi que la faction Hashimoto demandaient un vote nominatif. 89(*)

Le Parti libéral démocrate a considéré que ce n'était pas contraire à la discipline du parti car ces contestations n'étaient pas dirigées contre le projet de loi. Pourtant, ces parlementaires ont bien refusé de voter la loi anti-terroriste pour protester contre la politique contradictoire de leur parti. Ainsi, bien que certains députés du parti avaient accepté l'envoi de porte-avions dans l'océan Indien, ils n'ont pas voté la loi à cause des problèmes liés au droit de regard de la Diète sur les opérations japonaises, c'est-à-dire les problèmes liés au contrôle du militaire par le civil.

Pour le gouvernement et le Premier ministre Koizumi, l'épreuve était d'autant plus difficile que la moindre erreur pouvait être retournée contre eux par leurs adversaires politiques. Pour le Parti libéral démocrate, six mois après l'entrée en fonction de Koizumi Jun.ichirô au poste de Premier ministre, cette crise était l'occasion de mettre à l'épreuve ses compétences à la tête de l'Etat. C'était également l'occasion d'évaluer les capacités du gouvernement à gérer une crise d'envergure internationale, surtout en ce qui concernait la Ministre des Affaires étrangères, Tanaka Makiko \u30000\u30000«c'†\u12539E \u30495\u30495ê^II\u23376éqq, dont la nomination avait fait couler beaucoup d'encre.

Comme pour le Parti démocrate, le Parti libéral démocrate était aussi la proie de querelles internes, non seulement à propos de la loi spéciale de lutte contre le terrorisme mais également à propos de la politique de réformes du Premier ministre Koizumi. C'est ce qu'explique le journaliste politique Kobayashi Kazuhiro \u23567\u23567è#172;ÑÑ \u19968\u19968àê»éé dans un article de la revue Kankai \u23448\u23448EE :

Le 27 septembre a été convoquée une session extraordinaire de la Diète et le Premier ministre Koizumi prononça sa déclaration de politique générale. Les principaux thèmes en étaient la politique vis-à-vis du terrorisme et la politique de réformes.

[...]

Au cours du discours du Premier ministre, la coutume veut que la majorité le ponctue par ses applaudissements, mais lors du discours du Premier ministre Koizumi il s'est produit un renversement de situation de telle sorte que les applaudissements d'encouragement de l'opposition étaient plus nombreux.

[...]

Lors d'une conférence donnée à la fin du mois de septembre sur les attentats terroristes aux Etats-Unis, le secrétaire général du Parti libéral démocrate Nonaka Hiromu s'est clairement prononcé contre la position du gouvernement qui se dirigeait vers l'envoi des Forces d'autodéfense.

Nonaka, en tant que personnalité importante de la faction Hashimoto, se présentait comme le chef de la force contestataire. Il voulait non seulement déclarer son hostilité contre la politique anti-terroriste mais aussi contre les réformes de Koizumi. 90(*)

Tout portait en effet à croire que l'explication, à propos des modalités du vote, de Nonaka Hiromu pour justifier son refus de participer au scrutin n'était qu'un prétexte pour montrer son opposition à la politique du Premier ministre Koizumi sans aller à l'encontre des indications de la commission sur la discipline du parti (tôki iinkai \u20826\u20826«}II\u22996àÏÏ\u21729àõ%oïõï). De plus, lorsqu'on sait que Nonaka Hiromu est l'une des grandes figures de la faction Hashimoto (Hashimoto Ryûtarô \u27211\u27211'-{{ \u-24691\u-24691'¾¾\u-28466YY était arrivé deuxième derrière Koizumi aux élections pour la présidence du Parti libéral démocrate en avril 2001 ; Nonaka Hiromu avait été également pressenti pour être candidat à ces élections), première faction du parti, rivale de Koizumi Jun.ichirô et de la faction Tanaka qui le soutient, il apparaît que ses intentions en quittant la Chambre des Représentants étaient claires.

Malgré tout, la loi spéciale de lutte contre le terrorisme a été votée à une confortable majorité et a été promulguée le 2 novembre 2001, date à laquelle elle a pris effet.

3EME PARTIE

La mise en application de la loi du 2 novembre 2001

CHAPITRE 1

ENTRE ANTICIPATION ET

JUSTIFICATION LEGALE

C

omme nous l'avons vu plus haut, la loi spéciale de lutte contre le terrorisme n'a pas été la seule mesure qui ait été prise à la suite des événements du 11 septembre 2001. Le 29 octobre, la Diète avait ainsi voté un ensemble de trois projets de loi dont la loi anti-terroriste et une loi de réforme partielle de la loi relative aux Forces d'autodéfense.

D'autres dispositions ont également été mises en oeuvre. En effet, si l'urgence a contribué à ce que la loi spéciale de lutte contre le terrorisme a été élaborée et adoptée en un temps record, elle a aussi fait prendre des mesures anticipées, sans attendre le vote par la Diète. Le gouvernement Koizumi a-t-il pêché par excès de confiance dans la légitimité de son action ? Il n'en reste pas moins que les autorités japonaises ont d'abord agi par anticipation sur une justification légale qui aurait forcément suivi.

Concrètement, cela s'est traduit par des mesures « visibles à l'oeil nu » engagées « sans délai » dès la mi-septembre. La conduite des mesures japonaises dépassait donc en réalité largement le seul cadre d'une loi anti-terroriste dont les limites étaient déjà en germe entre ses propres lignes.

I) Des mesures « visibles à l'oeil nu » et « sans délai »

Le gouvernement Koizumi souhaitait donner « sans délai » un aspect concret « visible à l'oeil nu » à la politique de contribution du Japon aux mesures prises en réponse aux attentats du 11 septembre. En d'autres termes, il fallait que la présence japonaise soit manifeste, ce qui devait passer par l'envoi des Forces maritimes d'autodéfense, seule initiative possible avant le vote d'une loi permettant le déploiement des Forces d'autodéfense au Pakistan. De ce fait, la première mesure marquante a été l'envoi de trois porte-avions dans l'océan Indien. Cet aspect concret s'est également manifesté par l'envoi sur le terrain de matériels et d'équipements dans le cadre d'un important soutien humanitaire.

A) L'envoi des Forces maritimes d'autodéfense

L'éditorial de l'Asahi shinbun du 21 septembre 2001 intitulé « Beigun shien no jôken wo kangaeru » \u31859\u31859ïÄOERR\u25903éxx\u25588%o‡ÌEèðOEèðèðçlðl\u12427éé (Réfléchir aux conditions du soutien apporté à l'armée américaine) écrivait que :

Le Premier ministre Koizumi a pris la responsabilité politique de donner l'ordre à des unités de la marine d'appareiller pour l'océan Indien sans attendre le vote de la Diète.

Une telle décision n'était en effet pas évidente à prendre étant donné les difficultés qu'opposait la législation sur les activités des Forces d'autodéfense. Le Premier ministre Koizumi a cependant « pris la responsabilité » de montrer la bonne volonté du Japon à apporter son soutien aux forces américaines en décidant le 19 septembre d'envoyer « sans délai », donc sans attendre le vote de la loi anti-terroriste par la Diète, un bâtiment des forces maritimes d'autodéfense dans l'océan Indien pour « escorter » le Kitty Hawk, un porte-avions de la septième flotte américaine qui a quitté son port de Yokozuka le 21 septembre. Une telle manoeuvre avait déjà été réalisée dans le cadre d'exercices, mais c'était la première fois que le gouvernement japonais autorisait une telle opération en dehors de ce cadre. La marine comptait aussi envoyer quatre ou cinq unités en escorte au Kitty Hawk.

Afin de justifier l'envoi de ce bâtiment des Forces maritimes d'autodéfense, le gouvernement japonais et l'Agence de Défense se sont fondés sur une interprétation extensive des dispositions constitutionnelles et de la loi sur les situations de crise en zones limitrophes qui limitent la participation du Japon à des opérations militaires. En effet, aux termes des dispositions du traité de sécurité nippo-américain révisé en 1999, les nouvelles guidelines, le Japon ne peut apporter de soutien logistique aux Américains que lorsque le territoire japonais lui-même ou ses « zones limitrophes » sont menacés.

Du point de vue de l'Agence de Défense, il s'agissait également de légitimer cette opération par une interprétation élargie de la loi portant création de l'Agence de Défense, comme le souligne le journal Asahi shinbun :

Dans l'actuelle législation, les Forces maritimes d'autodéfense ne peuvent pas escorter un porte-avions américain dans le cadre de manoeuvres. Il s'agit d'une opération de surveillance qui se fonde sur l'article 5 alinéa 18 de la loi portant création de l'Agence de Défense et stipulant que cette dernière est habilitée à mener les enquêtes et études nécessaires à l'exercice des ses compétences. 91(*)

D'ailleurs, sur la base de cette interprétation et du vote de la loi spéciale de lutte contre le terrorisme qui est entrée en vigueur le 2 novembre, deux destroyers des Forces maritimes d'autodéfense, le Kirisame et le Kurama, accompagnés du navire ravitailleur Hamana, quittaient le matin du 9 novembre la base navale de Sasebo dans le département de Nagasaki pour la base américaine de Diego Garcia dans l'océan Indien. Par la suite, même si l'envoi du destroyer Isis, qui est équipé du radar de combat Aegis, a posé problème et soulevé la désapprobation de l'opposition, et même si l'opinion publique japonaise restait hostile au déploiement des Forces maritimes d'autodéfense dans l'océan Indien (en effet, dans le cadre d'un sondage effectué par l'Asahi shinbun et publié le 27 novembre, à la question concernant ce sujet, 48 % des personnes interrogées déclaraient y être défavorables, contre 44 % d'opinions favorables et 8 % d'abstention), ces dispositions ont été organisées dans le plan de base relatif aux mesures d'exécution adopté le 16 novembre et validées par les parlementaires le 30 novembre dans le cadre de la procédure d'approbation par la Diète prévue par la loi du 2 novembre 2001.

B) Le soutien humanitaire et financier

Les efforts du Japon se sont également manifestés par un important soutien humanitaire et financier qui allait être d'autant plus conséquent que l'aspect militaire de la contribution japonaise n'allait être réduit qu'à des opérations de soutien arrière et de logistique. D'ailleurs, l'aide humanitaire occupait déjà une place importante dans la politique extérieure du Japon qui en est le premier fournisseur en Asie.

Dès le 19 septembre, le gouvernement japonais a débloqué 10 millions de dollars pour financer les activités de recherche et de secours sur le terrain :

Le 19 septembre au soir, Jun.ichirô Koizumi, Premier ministre du Japon, a informé Howard Baker, Ambassadeur des États-Unis au Japon, que le gouvernement japonais allait fournir dix millions de dollars aux fonds appropriés établis aux États-Unis afin de soutenir les efforts de recherche et de sauvetage en cours, et lui a transmis l'expression de ses condoléances les plus sincères pour les pompiers, les policiers, les personnels médicaux d'urgence et toutes les autres personnes qui moururent en accomplissant leur devoir alors qu'ils tentaient de sauver des vies humaines après les attaques terroristes multiples. 92(*)

Cet « esprit humanitaire » des mesures prises par le Japon, qui les voulait étroitement liées aux mesures de coopération avec la communauté internationale organisée autour du Conseil de Sécurité des Nations unies, a été confirmé et renforcé dans la loi spéciale de lutte contre le terrorisme comme le souligne la deuxième section de l'article 1 alinéa 2 :

Les mesures japonaises dans un esprit humanitaire fondé sur les résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité des Nations unies ou sur des demandes faites par les Nations unies et par d'autres organisations internationales.

Ainsi, malgré la volonté du gouvernement japonais de ne pas rééditer les erreurs de la politique du chéquier comme au moment de la guerre du Golfe, le soutien financier a occupé une place importante de la politique de contribution du Japon. Certes, il a été bien moins important du fait de la mauvaise conjoncture économique que connaît le Japon depuis le début des années 90. Cette aide s'est néanmoins élevée à plusieurs millions de dollars, essentiellement destinés aux réfugiés et à la reconstruction de l'Afghanistan. L'assistance et l'aide humanitaire japonaises ont été également tournées vers les pays voisins de l'Afghanistan. Ainsi, le 21 septembre le Japon a annoncé une aide d'urgence bilatérale de 4,7 billions de yens pour le Pakistan.

Dès la fin du mois de septembre, les conséquences humanitaires de l'intervention américaine en Afghanistan s'annonçaient en effet être très graves :

D'après l'UNHCR, avant les événements terroristes, le nombre de réfugiés afghans s'élevait à 50 000 personnes. Si des représailles militaires s'engagent, les prévisions annoncent une augmentation du nombre de ces réfugiés de plus de 10 000 personnes. Si la riposte se concrétise, les réfugiés qui se tourneront vers le Pakistan où sont centralisés les camps de réfugiés vont certainement augmenter.

Au Japon, parviennent des demandes de l'UNHCR demandant notamment de l'eau et des tentes. A moins que le Pakistan ne connaisse des situations de conflit, il est possible que soit transporté du matériel par des éléments des Forces d'autodéfense sur le fondement des requêtes de l'ONU et de la loi de participation aux opérations de maintien de la paix. 93(*)

D'après le Blue Book de 2002, environ 3,5 millions de réfugiés ont quitté l'Afghanistan, beaucoup bien avant les attaques terroristes. Deux millions sont partis vers le Pakistan et 1,5 millions en Iran. Après les attentats, 200 000 autres réfugiés ont également rejoint le Pakistan. Tandis que les Nations unis ont débloqué 580 millions de dollars pour leur venir en aide, le Japon a annoncé le 4 octobre 2001 qu'il fournirait un maximum de 120 millions de dollars, soit 20 % des fonds de l'ONU. Les fonds japonais ont ainsi été répartis notamment vers l'UNHCR, le Programme alimentaire mondial, le Comité international de la Croix rouge, l'UNICEF et l'Organisation mondiale pour les Migrations. Plus tard, 59,5 millions de dollars supplémentaires ont été débloqués le 18 janvier 2002.

Par ailleurs, pour répondre aux demandes de l'UNHCR, le Japon a fourni des tentes, des couvertures et autres produits de première nécessité transportés au Pakistan le 9 octobre par des avions cargo C-130 des Forces aériennes des Forces d'autodéfense. L'assistance humanitaire a été également prise en charge par les ONG japonaises dans le cadre du programme Japon Platform Force (JPF) soutenu par le gouvernement japonais à hauteur de 580 millions de yens.

Après le vote de la loi spéciale de lutte contre le terrorisme, d'autres fournitures de ce genre ont été fournies par les Forces d'autodéfense dans le cadre des mesures arrêtées par le plan de base de mise en application du 16 novembre et ont été transportées jusqu'au Pakistan par les navires des Forces d'autodéfense le 12 décembre. Au total, les trois navires dépêchés ont fourni 1 840 tentes de 10 personnes, 18 800 couvertures, 20 000 matelas, 20 000 containers d'eau et 8 000 draps plastifiés.

II) Les limites de la loi du 2 novembre 2001 : une loi symbole

Le déploiement des Forces d'autodéfense et l'ensemble de ces dispositions humanitaires ont été inscrits dans la loi spéciale de lutte contre le terrorisme du 2 novembre 2001. Pourtant, malgré l'aspect concret que le Premier ministre Koizumi voulait donner à la contribution japonaise, il apparaît que les mesures prévues par cette loi anti-terroriste avaient surtout une portée symbolique. C'était là sa principale limite. Bien sûr, le déploiement des Forces d'autodéfense ne pouvait être que fortement limité et réglementé étant donné les difficultés constitutionnelles et légales liées à leur existence et leurs activités. La participation militaire japonaise sur le terrain ne pouvait donc être que réduite au minimum, dans le strict respect de ces restrictions. Ainsi, environ 1 200 hommes ont été mobilisés à bord des navires des Forces maritimes d'autodéfense et 180 hommes à bord des avions des Forces aériennes d'autodéfense.

De fait, la nature restrictive des dispositions de la loi spéciale de lutte contre le terrorisme, comme la définition des zones d'activité, la définition de la mission des Forces japonaises, ou encore, de façon plus emblématique, la durée de validité limitée à deux ans, en faisait fondamentalement une loi symbole. Cette dimension symbolique a d'ailleurs été confirmée par le plan de base relatif aux mesures d'exécution adopté le 16 novembre 2001. En définitive, cette loi symbole ne trouvait sa raison d'être que dans le fait qu'elle était avant tout une loi à projection diplomatique.

A) Le plan de base relatif aux mesures d'exécution du 16 novembre 2001 : des « mesures concrètes » symboliques

L'article 4 de la loi spéciale de lutte contre le terrorisme projetait, pour définir la mise en application des mesures prévues, l'élaboration d'un plan de base qui a été accepté par le gouvernement réuni en Conseil des ministres le 16 novembre 2001. Ce plan de base décrivait avec précision le cadre, géographique et temporel, ainsi que le contenu des activités de coopération et de soutien, des activités de recherche et d'assistance et des activités de secours des populations en détresse 94(*). Cependant, lors de la déclaration du secrétaire général du gouvernement annonçant l'adoption du plan de base, les opérations de coopération et de soutien sont passées sous silence et ne sont mentionnées que les deux autres catégories d'activités. L'exposé du dispositif intitulé « mesures concrètes » (gutai tekina sochi \u20855\u20855ïÌÌ\u30340«II\u12394ÈÈ\u25514[[\u32622'uu) 95(*), et dont voici un résumé, confirme d'ailleurs cette absence :

1. Assistance aux réfugiés et aux personnes déplacées

(1) 36,875 millions de dollars (2) rôle important des ONG japonaises ("Japan Platform".)

2. Vis-à-vis de l'Afghanistan : réunion le 20 novembre présidée conjointement par le Japon et les Etats-Unis.

3. Dispositifs pour garantir la sécurité du peuple japonais

Renforcement et intensification des dispositifs de contrôle de l'immigration, les mesures pour la sécurité des transports aériens y compris celles pour empêcher les détournements d'avions, les mesures contre le terrorisme NBC, la surveillance des principaux équipements au Japon, le contrôle douanier, et enfin les mesures pour garantir la sécurité des transports maritimes.

4. Coopération internationale pour lutter contre le terrorisme

(1) Renforcement des mesures pour lutter contre le financement du terrorisme, conclusion de la Convention Internationale pour la Répression du Financement du Terrorisme,

(2) Accord rapide sur la convention générale sur le terrorisme international et sur la convention pour la répression des actes de terrorisme nucléaire en cours de discussion aux Nations Unies.

5. Assistance supplémentaire au Pakistan

(1) Assistance financière : don de 300 millions de dollars

(2) Aide à la dette : rééchelonnement de la dette au sein du Club de Paris et d'autres instances.

(3) Soutien par l'intermédiaire des organismes financiers internationaux : FMI, la Banque Mondiale et la Banque Asiatique de Développement. Financement approprié de la Facilitation pour la Réduction de la Pauvreté et de la Croissance (FRPC) de l'IMF.

6. Efforts diplomatiques pour renforcer la solidarité internationale : prochain séminaire d'intellectuels.

Ces « mesures concrètes » ne représentent pas l'intégralité du plan de base mais ce sont elles que le gouvernement a choisi de mettre en avant dans sa déclaration. La raison en est peut-être que la description des activités de coopération et de soutien dans le plan de base est très technique et qu'elle est donc moins parlante pour l'opinion publique que celle des autres activités, surtout celles qui sont de nature humanitaire.

En effet, le dispositif de « mesures concrètes » mettait l'accent sur les efforts humanitaires et financiers dont le Japon allait faire bénéficier l'Afghanistan et le Pakistan (points numéro 1, 2 et 5) en annonçant très clairement le montant des aides allouées, leur nature et leurs destinataires institutionnels. Concernant la lutte contre le terrorisme, la question est bien mentionnée, aux points numéro 3 et 4, mais rien de vraiment concret ni nouveau n'est annoncé. En fait, les « dispositifs pour garantir la sécurité du peuple japonais » n'étaient qu'un rappel du plan de mesures d'urgence annoncé par le Premier ministre le 8 octobre. Quant aux dispositions relatives à la « coopération internationale pour lutter contre le terrorisme », il est seulement annoncé la conclusion de plusieurs accords internationaux, sans que l'on sache réellement quelles en seront les concrétisations.

Ces « mesures concrètes » avaient surtout une portée symbolique. Le montant de l'aide humanitaire et financière annoncée pouvait paraître important, mais il ne l'était pas tant que cela si on le compare avec par exemple le montant de l'Aide Publique au Développement que fournit le Japon (en 1993, il occupait le premier rang, devant les Etats-Unis, avec 11,2 milliards de dollars soit 20,1 % de l'aide mondiale totale). En outre, l'annonce d'un prochain séminaire d'intellectuels pour marquer les « efforts diplomatiques pour renforcer la solidarité internationale » ne pouvait apparaître qu'accessoire par rapport l'ampleur de la tâche. En définitive, il semble que ces mesures devaient avant tout donner le change vis-à-vis d'une opinion publique encore majoritairement hostile au déploiement à l'étranger des Forces d'autodéfense.

B) Une loi à projection diplomatique 

Malgré la « faiblesse » des dispositions du plan fondamental concernant les « efforts diplomatiques », la loi spéciale de lutte contre le terrorisme était fondamentalement une loi à projection diplomatique dont la collaboration symbolique des Forces d'autodéfense était le pilier principal. Cette dimension diplomatique, comme nous l'avons déjà vu plus haut, illustrait la volonté du Japon d'« éviter l'isolement diplomatique » vis-à-vis de la communauté internationale. D'ailleurs, de ce fait, peu importait que la contribution japonaise soit restreinte du moment qu'il y avait bien une contribution japonaise. Autrement dit, l'honneur était sauf sur un plan diplomatique, même si les détracteurs du Japon peuvent toujours le critiquer pour ne pas avoir fait davantage.

Il est en outre intéressant de constater que les rédacteurs du projet de loi ont insisté à plusieurs reprises sur le fait que les Forces d'autodéfense n'étaient pas les seules structures à être mobilisées. Dès le début de la description des principes fondamentaux visés par l'article 2, c'est le « gouvernement japonais » qui est mis en avant et non pas les Forces d'autodéfense. Par la suite, ces-dernières ne sont jamais mentionnées seules mais associées à l'ensemble des « agences gouvernementales concernées ». Le gouvernement japonais souhaitait ainsi montrer qu'il ne s'agissait pas uniquement d'un projet de loi à visée militaire mais politique et diplomatique.

Cette dimension diplomatique limitait pourtant la portée de la loi car elle contribuait à renforcer son caractère symbolique. En effet, en élaborant et faisant voter cette loi spéciale de lutte contre le terrorisme, le gouvernement japonais prétendait contribuer activement à la lutte contre le terrorisme international. Or, il apparaît très vite que les dispositions, en particulier humanitaires et financières, visaient des objectifs très éloignés de la lutte anti-terroriste. En fait, sans l'avouer, le Japon a probablement cherché à compenser la faiblesse de la participation des Forces d'autodéfense par un soutien financier important. En outre, le fait que cette aide ait été distribuée non seulement à l'Afghanistan (sous forme d'aide à la reconstruction notamment), mais aussi au Pakistan et à l'Inde, montre que le Japon avait une politique qui dépassait la seule coopération aux mesures de représailles américaines en Afghanistan.

CHAPITRE 2

POURQUOI ADOPTER UNE NOUVELLE LOI ?

P

ourquoi adopter une nouvelle loi ? La législation relative au déploiement des Forces d'autodéfense était trop restrictive et ne s'appliquait qu'au cas d'espèce : les PKO, les situations de crise en zones périphériques, les menaces dirigées contre le Japon. Or, le cas des représailles en réponse aux attentats du 11 septembre ne cadre avec aucune de ces législations. Il ne s'agit en effet ni une opération de maintien de la paix dirigée sous l'égide de l'ONU, ni d'une situation de crise en zone périphérique, ni d'une opération d'autodéfense contre une agression du territoire national. Cette impossibilité d'avoir recours à la législation déjà existante a conduit le Premier ministre Koizumi et son gouvernement à envisager l'adoption d'une nouvelle loi.

I) Les événements du 11 septembre : une fenêtre d'opportunité

Quel était donc l'intérêt du Japon à collaborer à une opération de contre-offensive décidée unilatéralement par les Etats-Unis et dont le théâtre se situait en Afghanistan et dans les régions environnantes (Pakistan, Arabie Saoudite et océan Indien essentiellement) ? C'est que les événements offraient au gouvernement japonais une fenêtre d'opportunité qui pouvait se révéler très profitable. La force du Premier ministre Koizumi a ainsi été d'avoir su saisir cette opportunité pour étoffer un peu plus la législation en matière de défense.

A) La force du Premier ministre Koizumi : saisir l'opportunité ...

La personnalité du Premier ministre a été déterminante dans la gestion de cette crise des événements du 11 septembre. Koizumi Jun.ichirô a été populaire avant même d'être élu. Son profil et son parcours atypiques en font un chef de gouvernement majeur, à l'instar d'un Nakasone pour la politique étrangère ou d'un Suzuki pour la volonté de réforme et les événements du 11 septembre ont été pour lui l'occasion de montrer ses compétences d'homme d'Etat

En tant que pays allié lié par un pacte de sécurité aux Etats-Unis, le Japon pouvait craindre d'être la cible de prochains attentats. Selon certains observateurs, il était fort peu probable que les terroristes s'en prennent de nouveau aux Etats-Unis, d'autant que désormais les mesures de sécurité et de surveillance étaient maximales. Il était par contre plus probable qu'ils s'attaquent aux postes avancés et aux bases américaines établies dans les pays alliés, comme le Japon qui possède le plus large contingent américain d'outre-mer (48 000 hommes et femmes) dont 75 % est basé à Okinawa, soit 25 000 soldats. Depuis le 11 septembre, ces-derniers étaient en état d'alerte pour répondre à d'éventuels nouveaux attentats. L'Agence de Défense déclarait d'ailleurs que :

Les pays alliés des Etats-Unis, dont le Japon fait partie, et qui ont exprimé leur soutien aux opérations de l'armée américaine après les attaques terroristes dirigées contre les Etats-Unis, sont exposés à la menace de représailles terroristes. 96(*)

Dans l'atmosphère d'urgence et de crise qui régnait alors, la prudence était de rigueur et soutenir les Américains c'était aussi s'assurer de la protection américaine. Pourtant, tout cela ne restait que spéculatif et il apparaît clairement que, sous couvert de prudence, le gouvernement Koizumi a su profiter de la situation pour s'engouffrer dans une certaine fenêtre d'opportunité pour faire évoluer la politique de défense du Japon. L'intention principale du Premier ministre Koizumi était en effet sans équivoque :

[Je vais] profiter de l'occasion pour pouvoir régler le problème resté en suspens de la contribution internationale du Japon. 97(*)

Ce regain de tension au niveau mondial offrait donc au Japon l'opportunité d'avancer ses pions sur l'échiquier international et faire la démonstration de ses nouvelles capacités en matière de défense acquises notamment depuis la guerre du Golfe. Ces événements terroristes offraient en outre l'opportunité au Premier ministre Koizumi de faire accepter par l'opinion publique japonaise, traditionnellement pacifiste, de nouvelles avancées en matière de politique de défense et de sécurité. En effet, le fort sentiment de consensus pour lutter contre le terrorisme ne pouvait qu'endormir les réticences pacifistes (d'autant plus que les Japonais se sentaient menacés par d'éventuels attentats terroristes98(*)) et donc permettre de soumettre plus aisément l'idée de déployer les Forces d'autodéfense à l'étranger.

B) ... d'étoffer la législation en matière de défense : la politique des « petits pas » 99(*)

Les événements du 11 septembre offraient donc l'opportunité au gouvernement Koizumi de consolider la place du Japon sur la scène internationale et de prouver qu'il pouvait prétendre au rang de grande puissance mondiale. Pour y parvenir, le Japon doit se doter des capacités de puissance nécessaires et, en l'occurrence, seule une politique autonome de défense lui fait défaut. Même si depuis la guerre du Golfe les activités des Forces d'autodéfense et leurs champs d'application se sont progressivement élargis en dehors de la seule coopération militaire avec les Etats-Unis, il reste encore beaucoup à faire pour construire une politique de défense globale et autonome. Or, les événements du 11 septembre ouvraient une formidable fenêtre d'opportunité pour que le Japon progresse encore dans ce sens. Non seulement il allait pouvoir montrer au monde entier et en particulier aux Etats-Unis qu'il était capable de s'investir efficacement dans un conflit d'envergure international, mais également, en prenant part activement à la lutte contre le terrorisme international, il allait prouver à la communauté internationale qu'il était capable d'être le garant de la sécurité et des valeurs de cette communauté internationale.

Il s'agissait donc bien pour le gouvernement japonais d'étoffer encore un peu plus sa législation en matière de défense. Cette « politique des petits pas » ne pouvait en effet être que le seul moyen de procéder sans risquer de se heurter de plein fouet aux obstacles que représentent les dispositions de l'article 9 de la Constitution et une opinion publique traditionnellement pacifiste. Les pays voisins, tels que la Chine ou les deux Corée, pouvaient en outre s'effrayer d'un Japon complètement remilitarisé et agiter le spectre du militarisme. Les Etats-Unis pouvaient aussi prétendre avoir leur mot à dire dans l'éventualité d'une revendication ouverte du Japon à une politique de défense totalement indépendante, mais ce serait négliger le rééquilibrage qui s'est produit au sein de ce partenariat depuis la fin de la guerre froide. Toutefois, ce serait placé l'épicentre du problème au mauvais endroit : il ne s'agit en définitive pas d'un problème de politique extérieure mais intérieure. Si le Japon parvenait à réviser la Constitution afin de supprimer ses dispositions pacifistes contraignantes, le chemin vers l'indépendance de sa politique de défense lui serait grand ouvert. Et cela quoique puissent en dire les Etats-Unis car le véritable débat doit avoir lieu au niveau national et non bilatéral.

Pour l'instant, la situation de la politique de défense du Japon est loin d'en être à ce stade et c'est une progression pas à pas qui prévaut. Ainsi, depuis leur création en 1954, lentement mais sûrement, les Forces d'autodéfense japonaises ont vu leurs champs d'action s'étendre. Le système de sécurité du Japon a suivi les évolutions de la stratégie américaine, mais, depuis la guerre du Golfe, le Japon n'est plus un allié passif mais un partenaire stratégique des Etats-Unis et aspire parallèlement à plus d'autonomie, comme l'illustre le développement des activités des Forces d'autodéfense dans le cadre de la loi PKO votée en juin 1992, ou encore dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. C'est dans cette même logique de progression pas à pas que le Premier ministre Koizumi, à l'occasion de la politique de contribution japonaise vis-à-vis des attentats du 11 septembre, a étoffé de façon significative la politique de défense et de sécurité du Japon, notamment en faisant voter la loi spéciale de lutte contre le terrorisme.

II) Les apports de la loi anti-terroriste

Les apports de la loi spéciale de lutte contre le terrorisme sont en effet d'une grande importance, non seulement d'un point de vue qualitatif mais également d'un point de vue quantitatif. Nous avons vu plus haut que la nature symbolique de cette loi en limitait la portée, mais il n'en reste pas moins que les dispositions qu'elle met en oeuvre sont d'une grande portée du fait de leur caractère inédit. Pour la première fois, les Forces d'autodéfense seront dépêchées à l'étranger et pourront fournir une assistance aux Etats-Unis en dehors de du territoire japonais. D'ailleurs, le fait que ces dispositions aient fait l'objet d'une loi adoptée par la Diète en fait un précédent sur lequel il sera difficile de revenir.

Cette avancée, par ailleurs, est d'autant plus grande qu'elle combine plusieurs progrès bien spécifiques. Tout d'abord, la loi du 2 novembre 2001 élargit le champ géographique d'action des Forces d'autodéfense. Elle permet ensuite d'étendre le cadre et les moyens d'intervention des Forces d'autodéfense. Enfin, elle ouvre une nouvelle brèche dans l'interprétation de la Constitution vis-à-vis du débat sur le droit à l'autodéfense collective.

A) L'extension du champ géographique d'action des Forces d'autodéfense

L'extension du champ géographique d'action des Forces d'autodéfense est la première avancée importante qu'apporte la loi spéciale de lutte contre le terrorisme comme l'explique Mizushima Asaho \u27700\u27700ê...«‡\u12539E \u26397\u26397'(c)ïää, professeur à l'Université de Waseda :

Or, quels sont les apports de la loi spéciale de lutte contre le terrorisme ? En premier lieu, le champ géographique du soutien et de la coopération des opérations de combat de l'armée américaine a été considérablement élargi. Cette loi étend les zones d'application des activités de soutien et de coopération avec l'armée américaine au (1) territoire japonais, (2) aux zones de haute mer et l'espace aérien, (3) et aux territoires étrangers (article 2, alinéa 3). Les points (2) et (3) nécessitent qu'il soit manifeste que des actes de combat ne se déroulent ni présentement, ni pendant l'exécution des opérations. Reste le gros problème de la définition par le gouvernement de Tôkyô de ce critère. Or, il est clairement écrit pour la première fois que les opérations de soutien à l'armée américaine se dérouleront aussi sur le « territoire de pays étrangers » (sous la condition de l'assentiment des pays concernés). Cela ne nécessite ni le parapluie onusien comme dans la loi PKO, ni la notion de « zones périphériques » comme dans la loi sur les situations de crise en zones périphériques. 100(*)

En effet, pour la première fois des soldats japonais seront envoyés dans des pays étrangers dans un autre cadre que ceux prévus par la loi de participation aux opérations de maintien de la paix de l'ONU. Cet élargissement géographique du déploiement des Forces d'autodéfense constitue une avancée considérable, même s'il est sous à conditions. Ces conditions, qui sont au nombre de deux, concernent le niveau de risque de combat armé et le consentement des pays concernés.

Au sujet de la seconde condition d'une part, si elle est nécessaire, il semble qu'elle ne soit pas très difficile à satisfaire. Il est évident en effet que les Forces japonaises seront envoyées dans des pays qui sont déjà alliés des Etats-Unis ou qui auront déjà accepté la présence de l'armée américaine. Le Japon étant un allié des Etats-Unis, il est logique que ces pays accepteront également la présence de ses soldats.

Concernant le niveau de risque de combat armé d'autre part, Mizushima Asaho fait remarquer le flou de la définition de ce critère (« zones non combattantes », c'est-à-dire où ne se déroulent pas des combats ni présentement, ni pendant l'exécution des opérations), le caractère imprévisible du terrorisme impliquant qu'un niveau de risque nul peut difficilement être garanti. Même si la présence japonaise est cantonnée à l'océan Indien et au Pakistan, la proximité avec l'Afghanistan où se déroule la campagne militaire implique obligatoirement que le niveau de risque n'est pas nul.

Ceci étant dit, le principal n'était-il pas en réalité de faire mettre aux Forces d'autodéfense japonaises un pied à l'étranger pour soutenir l'armée américaine, quelles que soient les difficultés de leurs conditions de déploiement ? En effet, peu importait finalement pourquoi, en quel nombre et pour combien de temps elles seraient là-bas, pourvu qu'elles y étaient et pourvu qu'un texte de loi l'approuve. En fait, cette définition des « zones non combattantes » est la même employée dans la loi sur les situations de crise en zones périphériques pour expliquer la notion de « zones arrière ». Cela implique, sans que ce soit explicite dans le texte, un considérable élargissement de cette notion au « territoire de pays étrangers ». En définitive, c'est cette avancée implicite qui est la plus remarquable qu'apporte la nouvelle loi.

B) L'extension du cadre et des moyens d'intervention des Forces d'autodéfense

La loi spéciale de lutte contre le terrorisme permet par ailleurs d'étendre le cadre et les moyens d'intervention des Forces d'autodéfense. Cette avancée comporte trois aspects : les critères définissant les opérations des Forces d'autodéfense, la définition d'une nouvelle mission, la lutte contre le terrorisme international, et les critères d'utilisation des armes.

Au sujet des critères définissant les opérations des Forces d'autodéfense, il est important de souligner qu'à aucun moment le texte de la loi du 2 novembre 2001 n'utilise l'expression « soutien arrière » pour décrire les opérations de soutien à l'armée américaine, mais n'emploie que les termes de « soutien », « assistance », « logistique », ou encore « ravitaillement ». C'est ce que remarque Mizushima Asaho en comparant la loi du 11 novembre 2001 avec celle relative aux situations de crise en zones périphériques :

La loi sur les situations de crise en zones périphériques, qui prévoyait des activités de soutien à l'armée américaine dans les « zones périphériques du Japon », définissait les « zones arrière » comme étant les « zones où ne se déroulent pas des actions de combat », ainsi que les « zones où ne sont pas prévues des actions de combat pendant la mise en oeuvre des opérations de soutien» et expliquait par le concept de « soutien en zones arrière » le soutien arrière intervenant des ces zones. Ce concept de « soutien en zones arrière » n'est pas utilisé dans la loi spéciale de lutte contre le terrorisme. On trouve aussi dans la loi anti-terroriste la référence à des « activités d'assistance et de recherche » qui est une simplification de l'expression « activités d'assistance et de recherche en zones arrières » de la loi sur les situations de crise en zones périphériques. D'un point de vue lexical, nombreux sont les passages qui semblent reformuler des expressions de la loi de participation aux PKO ou de la loi sur les situations de crise en zones périphériques mais il faut souligner que leurs significations diffèrent sensiblement. A l'origine, l'expression « soutien arrière » ne désigne pas un soutien par des troupes de renfort physiquement à distance. Les capacités de ravitaillement sont réglementées selon trois éléments qui sont la quantité, la qualité et la rapidité du ravitaillement. 101(*)

L'absence de l'expression « soutien en zones arrière » et les différences de définition des opérations dans le cadre de la nouvelle loi avec celle des lois antérieures sont précisément la marque de la volonté des autorités japonaises d'élargir les domaines d'intervention des Forces d'autodéfense. Même si la loi du 2 novembre 2001 met en place un dispositif qui ressemble beaucoup à du « soutien en zones arrière », le fait de ne pas reprendre cette expression permet d'échapper à son caractère restrictif. Ainsi, les activités des Forces japonaises sont qualifiées d'« activités de soutien » comportant de multiples des activités d'assistance, de logistique et de ravitaillement. La nuance est faible mais elle est importante car elle implique que le Japon est un véritable partenaire des Etats-Unis et non plus un simple appui militaire.

L'élargissement du domaine d'intervention des Forces japonaises se manifeste également par la définition d'une nouvelle mission qui est la lutte contre le terrorisme international. Cette mission était bien sûr déjà inscrite dans les nouvelles guidelines mais c'est la première fois qu'elle se concrétise par un ensemble de dispositions spécifiques. Ceci dit, la nouvelle loi ne contient pas de mesures particulières, qu'il faut surtout aller chercher dans le plan de base relatif aux mesures d'exécution du 16 novembre 2001. Toutefois, la définition de cette nouvelle mission permet non seulement d'allonger la liste des activités des Forces d'autodéfense, mais aussi d'éviter la référence aux opérations en temps de crise de la loi sur les situations de crise en zones périphériques.

Enfin, les moyens d'intervention des Forces d'autodéfense sont également élargis par l'assouplissement des critères d'utilisation des armes. Dans le cadre de la loi spéciale de lutte contre le terrorisme, les Forces japonaises pourront faire usage de leurs armes pour assurer la protection des « personnes placées sous leur contrôle », ce qui implique un très grand nombre de personnes, notamment les réfugiés abrités dans les camps ou les personnes dans les hôpitaux. Malgré les fortes restrictions conditionnant l'emploi des armes, l'élargissement considérable de cette notion de « personnes placées sous leur contrôle » a été très critiqué car il est évident que plus le nombre de personnes à protéger est grand, plus le risque de contrevenir aux règles d'utilisation des armes est grand.

C) Une nouvelle brèche dans l'interprétation de la Constitution : le débat sur le droit à l'autodéfense collective

Nous avons vu plus haut que le Premier ministre Koizumi a utilisé une nouvelle interprétation de la Constitution, celle du « vide juridique », selon laquelle il existerait une « ambiguïté » entre le préambule de la Constitution et l'article 9, pour justifier plusieurs dispositions de la loi anti-terroriste, mais aussi pour expliquer que cela permettait d'envisager le recours au droit à l'autodéfense collective. Beaucoup d'hommes politiques avaient d'ailleurs profité des débats sur la nouvelle loi pour relancer la polémique sur l'interprétation de la Constitution. La polémique touchait aussi le Parti libéral démocrate qui a entamé dès la mi-septembre un débat sur la question :

Yamazaki, secrétaire général du Parti libéral démocrate, a déclaré le 14 [...] que « certains reconnaissent le droit à l'autodéfense collective sans modifier la Constitution mais la Constitution ne peut être modifiée par interprétation. On doit ouvertement réviser la Constitution ». 102(*)

La loi spéciale de lutte contre le terrorisme permettait en effet d'ouvrir une nouvelle brèche dans l'interprétation de la Constitution vis-à-vis du débat sur le droit à l'autodéfense collective. Mizushima Asaho remarque d'ailleurs que la nouvelle loi y fait implicitement référence :

Dans la première moitié [de la loi spéciale de lutte contre le terrorisme], il est mentionné l'expression « les activités des divers pays étrangers pour accomplir les objectifs de la Charte des Nations Unies », ce qui implique aussi les activités se fondant sur l'article 51 de la Charte relatif au droit à l'autodéfense individuelle et collective. 103(*)

Cependant, pour Okamoto Yukio, critique diplomatique et responsable des questions de sécurité au Ministère des Affaires étrangères, les opérations qui ne font pas appel à l'« usage de la force militaire » ne sont pas une application du droit à l'autodéfense collective :

[...] Il y a le problème de l'interprétation de la disposition constitutionnelle stipulant que « le Japon possède le droit à la défense collective mais au regard de la Constitution il ne peut pas en faire l'usage ». Quelque difficile qu'il soit de la changer, il existe une large gamme d'interprétations pour établir si une action tombe sous le coup de l'utilisation du droit à la défense collective. L'interprétation de l'actuel corps législatif est extrêmement stricte. Le soutien arrière, qui ne fait pas appel à « l'usage de la force militaire », comme le transport de matériels ou la coopération en matière de soins médicaux, n'est pas une utilisation du droit à la défense collective. Ce n'est pas un problème constitutionnel. 104(*)

Tout dépendrait donc de la nature des opérations pour lesquelles les Forces d'autodéfense sont déployées. Or, la politique de contribution du Japon aux mesures américaines reconnaît implicitement la légitimité d'une action militaire de représailles, ce qui n'entre pas dans le cadre de la définition de l'autodéfense. Autrement dit, tant que les opérations ne relèvent pas de l'autodéfense, les Forces japonaises peuvent intervenir quel que soit le nombre de pays engagés. Cela implique aussi qu'elles pourront agir alors que le Japon est en temps de paix. Cette interprétation répondait notamment aux critiques de certains détracteurs de la politique du Premier ministre Koizumi qui accusait la nouvelle loi de mettre en place un dispositif imitant l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord. Elle permettait également de donner le change aux Américains qui avaient sévèrement critiqué le Japon pour son refus de la légitime défense collective à l'occasion de la publication du rapport Armitage-Nye 105(*) en octobre 2000. Quoi qu'il en soit, cette nouvelle brèche dans l'interprétation de la Constitution a été entérinée par le vote de la Diète de la loi spéciale de lutte contre le terrorisme.

CONCLUSION

E

n définitive, quelle est la part d'opportunisme dans la manière qu'a eu le Premier ministre Koizumi Jun.ichirô de gérer la « crise » du 11 septembre ? Il est évident que les événements offraient au Japon de nombreuses opportunités. En premier lieu, ils offraient l'opportunité de se délivrer de ce « syndrome » de la guerre du Golfe et de montrer aux Etats-Unis et à l'ensemble de la communauté internationale que le Japon en était un membre à part entière. La situation offrait également l'opportunité de faire progresser la législation en matière de défense. Le Premier ministre Koizumi a saisi toutes ses opportunités et a fait tout ce qui était possible pour que le Japon participe aux opérations, mais était-ce vraiment le seul choix possible ? Toujours est-il que l'occasion était trop belle pour la laisser passer.

Le constat d'échec d'une application de la législation déjà en vigueur peut en effet apparaître davantage comme un prétexte qu'une véritable justification. Le Japon, par sa position aux Nations unies, aurait très bien pu soumettre l'idée d'une résolution sur le principe d'une intervention de maintien de la paix et à caractère humanitaire au Pakistan. Ce pays s'était désolidarisé du régime des Talibans mais sa position limitrophe avec l'Afghanistan pouvait justifier une présence des casques bleus pour sécuriser la zone. Les Forces japonaises auraient pu intervenir dans un tel contexte. En outre, cela serait allé dans le sens de la fameuse volonté du gouvernement japonais et du Ministère des Affaires étrangères d'une plus forte implication et collaboration avec la communauté internationale. Cela aurait également servi ses ambitions concernant sa position au sein de l'Organisation des Nations unies.

Pourtant, le Premier ministre Koizumi a choisi de suivre son allié américain. Il a choisi non seulement de le suivre, mais surtout de tout mettre en oeuvre, quitte à être aux marges de légalité, pour répondre à ses attentes. La question qui se pose alors est de savoir si c'était par pur loyalisme envers le traditionnel allié ou si c'était pour servir d'autres desseins. Un élément de réponse est révélé par l'étude de l'évolution de la politique de sécurité et de défense du Japon. Il s'avère en effet que l'une des grandes ambitions du Japon en la matière est d'acquérir davantage d'autonomie vis-à-vis des Etats-Unis, ou du moins une plus grande marge de manoeuvre. Les progrès réalisés dans la gestion des Forces d'autodéfense japonaises en sont emblématiques. Aujourd'hui il ne serait d'ailleurs pas exagéré de dire qu'il ne manque à cette armée que le titre officiel d'« armée ».

Quoi qu'il en soit, les enjeux étaient tels que le gouvernement japonais ne pouvait se payer le luxe d'être taxer de pleutre, une seconde fois, par toute la communauté internationale. La réaction des autorités japonaises en a été d'autant plus rapide, ce qui était inhabituel. Dès le lendemain des attentats du 11 septembre, le gouvernement Koizumi a annoncé qu'il soutiendrait les initiatives de Washington. Et un peu plus d'un mois après, le Japon s'est doté des dispositions légales lui permettant de rompre avec son traditionnel refus d'apporter un soutien à une opération militaire en vertu de l'article 9 de la Constitution. La loi spéciale de lutte contre le terrorisme a ainsi été votée. D'ailleurs, le titre relativement ronflant de cette nouvelle loi est symptomatique de son caractère opportuniste. En effet, on peut se demander où se situe la frontière entre coopération avec les Etats-Unis et la communauté internationale et défense du territoire national dans la mesure où la menace terroriste est à la fois si diffuse, si éloignée et si localisée, en Afghanistan. Il peut apparaître que cette précision ne soit que de pure forme car l'essentiel reste bien de soutenir l'effort de guerre américain et de contribuer aux efforts de la communauté internationale pour lutter contre le terrorisme, même si la lutte contre le terrorisme n'est pas l'objectif essentiel de cette loi malgré son titre pourtant sans équivoque, tout cela dans le but de justifier la légitimité d'un déploiement des Forces d'autodéfense à l'étranger.

Puis, très vite, les progrès de la politique de défense et de sécurité se sont succédés au rythme des soubresauts de la situation internationale. Les multiples avancées permises par la loi spéciale de lutte contre le terrorisme ont déjà sans conteste fait progresser la législation relative aux Forces d'autodéfense. Certains commentateurs ont même qualifié d'historique le vote de la loi du 2 novembre 2001. Cette nouvelle loi constituait en effet un précédent essentiel. Une série de lois a suivi pour répondre au contexte international, toujours tendu, et contribuant par la même occasion à élargir davantage la législation en matière de défense et de participation militaire. La loi spéciale de lutte contre le terrorisme a d'ailleurs été prorogée afin de faire face aux mêmes nécessités. Elle a été une première fois prolongée de six mois le 19 novembre 2002, c'est-à-dire jusqu'au 19 mai 2003. Mais le 13 juin 2003, le gouvernement a décidé de la proroger de deux ans à compter du 2 novembre 2003, date anniversaire de sa promulgation, afin de permettre aux Forces d'autodéfense de poursuivre leur mission.

La volonté du Japon d'élargir sa politique de défense et de sécurité a été constante, surtout depuis la fin de la guerre froide. Elle s'est manifestée par le développement continu des moyens matériels dont disposent les Forces d'autodéfense, en capacités de détection et de projection (satellite d'observation, transports aérien et naval lourds, ravitaillement en vol) pour aller au-delà de la défense du territoire national, seule mission légitime indiscutable au regard de l'article 9.

Cette volonté s'est aussi concrétisée par l'adoption d'un arsenal législatif que les suites des attentats du 11 septembre 2001 ont permis d'étoffer non seulement par le vote le 29 octobre 2001 de la loi anti-terroriste, mais aussi par l'adoption le jour même d'un projet de réforme partielle de la loi sur les Forces d'autodéfense pour permettre aux Forces d'autodéfense d'assurer la protection et la surveillance des bases américaines même en temps de paix. Le 7 décembre 2001 une révision de la loi PKO a été également votée levant le gel de la participation à des opérations risquées. Les Forces d'autodéfense peuvent désormais participer à toutes les activités des opérations de maintien de la paix et utiliser leurs armes pour se protéger ou protéger les autres contingents des Nations unies.

Ces événements de la fin 2001 ont permis d'accélérer le débat relatif à la législation sur les situations d'urgence et de faire aboutir les efforts qui avaient débuté en 1977 sous l'égide du Premier ministre Fukuda pour doter le Japon d'une législation dans ce domaine. Ainsi, la loi sur les situations d'urgence a été votée par la Diète le 15 mai 2003 et complétée par un dispositif, voté le 6 juin 2003, de trois lois d'urgence dont la loi révisée sur les Forces de défenses qui avait pour but de faciliter, en cas d'urgence, les activités des Forces d'autodéfense en créant des dispositifs spéciaux concernant une vingtaine de lois, notamment en matière de transports et de mouvements de troupes. Ces dispositions ont été adoptées à une écrasante majorité, plus de 90 % des voix à la Chambre des Représentants, que ce soit pour la loi du 15 mai que celles du 6 juin, ce qui marque un tournant dans l'histoire politique du Japon. En effet, même si les questions de défense sont un motif de débat au sein de la classe politique japonaise, la preuve est faite qu'elles ne sont plus un clivage politique.

Peu après, alors que les événements en Irak étaient marqués par le début de l'occupation américaine, le Japon s'est doté d'une loi de participation le 26 juillet 2003 adoptée dans une atmosphère particulièrement houleuse. Cette loi spéciale pour soutenir la reconstruction de l'Irak rendait possible l'envoi dans ce pays des Forces d'autodéfense qui devaient accomplir des activités d'assistance humanitaire, en distribuant des produits de première nécessité aux populations affectées, ainsi que des activités d'assistance pour garantir la sécurité en aidant l'armée américaine à maintenir l'ordre public. C'est la première fois que les Forces japonaises seront envoyées dans un pays occupé. Plus de mille soldats ont été déployés, ce qui est un acte sans précédent et en fait la plus importante opération japonaise jamais menée à l'étranger. Cette nouvelle loi se fondait sur les résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU relatives à l'intervention en Irak et permettait l'intervention des Forces de défense hors des zones de combat et l'usage des armes selon les critères déjà existant. Cette loi est limitée dans le temps, puisqu'elle ne durera que quatre ans, et stipule que l'approbation du Parlement doit être obtenue dans les vingt jours qui suivent l'envoi de troupes.

Ces dispositions ne sont pas sans rappeler celles de la loi spéciale de lutte contre le terrorisme, comme si cette-dernière avait servi de modèle pour élaborer cette loi spéciale de soutien à la reconstruction de l'Irak, ce qui confirme le caractère inaugural de la loi du 2 novembre 2001. Il est envisageable en effet que dès qu'un foyer de tension éclatera et si le Japon est amené à participer aux mesures pour y remédier, il le fera en faisant voter ce même genre de loi spéciale fixant un objectif de mission bien précis et limité dans le temps.

Encore une fois, comme dans bien d'autres domaines, le Japon fait preuve d'une originalité toute particulière. Au lieu de faire en sorte de se doter officiellement d'une armée, il choisit de ménager le pacifisme de sa Constitution et d'aménager par interprétations extensives successives une législation en matière de défense et de sécurité de plus en plus étoffée. Et c'est peut-être là la force du Japon qui invente ainsi un autre genre d'instrument de puissance, un instrument pacifique de puissance.

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Centre d'études et de recherches du Journal Yomiuri (ouvrage collectif) \u-30035\u-30035«Ç»êVVï··\u-30017'²²\u26619ç\u30740OE\u31350†-{Eï»\u12539E \u32232\u32232ïÒ', Tai terorizumu sensô \u23550\u23550ÎÉee\u12525ÉçÉçÉYY\u12512É€€\u25126êíàú (La guerre contre le terrorisme), Tôkyô, Chûô kôron shinsha \u20013\u20013'†%oOEöö__\u26032êVV\u31038éÐÐ, coll. « Chûkô shinsho La Clef » \u20013\u20013'†OEöêVöVèÉ%o%oÉNN\u12524ÉOEOE, n° 24, 2001, 266 p.

Articles de journaux (par ordre chronologique) :

Asahi shinbun \u26397\u26397'(c)«úêVúVï··, 12 septembre 2001 - décembre 2001

« Dômei Nihon mazu «shien» » \u21516\u21516«-\u26085«ú-{ú{ \u12414\u12414Ü\u12300uu\u25903éxx\u25588%o‡vE(L'alliance japonaise : d'abord soutenir), Asahi shinbun \u26397\u26397'(c)«úêVúVï··, 13 septembre 2001

« Kiki kanri taisei ni hamon » \u21361\u21361ë@@\u31649ÇÇ\u29702ùÌùÌꧧ\u12395ÉÉ\u27874»gg\u32011-ää (Remous dans le système de gestion de crise), Asahi shinbun \u26397\u26397'(c)«úêVúVï··, 13 septembre 2001

NISHIMURA Yôichi \u-30337\u-30337ê¼°° \u-27011\u-27011zàêê, « Nihon no tachiba sadameru toki » \u26085\u26085«ú-{{\u12398ÌÌ\u31435§§\u22580èê'èEßß\u12427ééúéú (Au moment de fixer la position du Japon), Asahi shinbun \u26397\u26397'(c)«úêVúVï··, 16 septembre 2001

SADO Ryûki \u20304\u20304粫nn \u-24691\u-24691'OEÈÈ, « Kajô hôfuku no yûhatsu ga nerai » \u-28594\u-28594%oßèèïñèñïoeÌoeÌUU\u30330»\u12364\u29401__\u12356centscents (L'engendrement de représailles excessives dans la ligne de mire), Asahi shinbun \u26397\u26397'(c)«úêVúVï··, 16 septembre 2001

« Wangan go ishô kara dakkyaku wo » \u28286\u28286p\u24460OEãàâãâèÇÇ\u12363(c)(c)\u12425ç'EçEpp\u12434ð\u12539E (Se délivrer du syndrome hérité de la guerre du Golf ), Asahi shinbun \u26397\u26397'(c)«úêVúVï··, éditorial du 18 septembre 2001

OKAMOTO Yukio \u23713\u23713%o-{{ \u-30644\u-30644çsïvv, Shushô shudô de koritsu kaihi wo \u-26218\u-26218éñéåå«#177;#177;\u12391ÅÅ\u23396OEÇÇ\u31435§§\u22238%oñ»ðñðð\u12539E (Eviter de s'enfermer dans les initiatives du Premier ministre), Asahi shinbun \u26397\u26397'(c)«úêVúVï··, 18 septembre 2001

« Beigun shien no jôken wo kangaeru » \u31859\u31859ïÄOERR\u25903éxx\u25588%o‡ÌEèðOEèðèðçlðl\u12427éé (Réfléchir aux conditions du soutien apporté à l'armée américaine), Asahi shinbun \u26397\u26397'(c)«úêVúVï··, éditorial du 21 septembre 2001

TONOOKA Hidetoshi \u22806\u22806O%o \u31168\u31168èGèrr, « Kenpôjô no konkyo doko ni » \u25010\u25010OE-@@\u19978èãÌãÌç\u25312'\u12539E \u12393\u12393Ç#177;#177;\u12395ÉÉ (Qu'en est-il des fondements constitutionnels ?), Asahi shinbun \u26397\u26397'(c)«úêVúVï··, 6 octobre 2001

« Naze shinhô nano ka ? » \u12394\u12394È°°\u26032êVV\u27861-@@\u12394ÈÈ\u12398ÌÌ\u12363(c)(c)? (Pourquoi une nouvelle loi ?), Asahi shinbun \u26397\u26397'(c)«úêVúVï··, 11 octobre 2001

« Kogeru na, nigeru na, takaburu na - Tero taisaku tokubetsu sochi hô seiritsu » \u28966\u28966èÅéÈéÈAA\u-28669«\u12370°°\u12427éÈéÈAA\u-25896çÔÔéÈéÈ - \u12486\u12486ÉeÉçÎçÎçô«ÁôÁïÊÊ\u25514[[\u32622'uu\u27861-@@\u25104ê#172;#172;\u31435§§ (Pas d'impatience, pas de fuite, pas d'énervement - l'adoption de la loi spéciale de lutte contre le terrorisme), Asahi shinbun \u26397\u26397'(c)«úêVúVï··, éditorial du 30 octobre 2001

« Wahei gaikô, shikinseki ni » \u21644\u21644aï½½\u22806OO\u20132OEðAðAééàéàêÎÎ\u12395ÉÉ ([Une loi] pierre de touche de la diplomatie de la paix), Asahi shinbun \u26397\u26397'(c)«úêVúVï··, 30 octobre 2001

« Sôki haken kodawaru » \u26089\u26089ú»húhOE\u12371#177;#177;\u12384¾¾\u12431íéûH (Ergotage sur un envoi précoce [des Forces d'autodéfense]), Asahi shinbun \u26397\u26397'(c)«úêVúVï··, 9 novembre 2001

« Kihon keikaku, konyû ni kettei ; jisshi yôkô ha 22 nichi ni sakutei » \u22522\u22522î-{{\u-30200OEvv\u30011%oæAæAç\u22805[[\u12395ÉÉ\u27770OEà'èàè - \u23455\u23455éÀé{{\u-30335vv\u-26619瀀\u12399ÍÍ22\u26085\u26085«úÉÉ\u31574çô'èôè (Le plan de base fixé ce soir ; des principes d'exécution élaborés en 22 jours), Asahi shinbun \u26397\u26397'(c)«úêVúVï··, 16 novembre 2001

Articles de revues :

AIKYÔ Kôji \u24859\u24859àOEhh \u28009\u28009ç_«ññ, « Beigun shien ha «kenpô no wakunai» de ha nai » \u31859\u31859ïÄOERR\u25903éxx\u25588%o‡ÍEuu\u25010OE-@@ÌÌ\u26528gg\u20869«àvàvÅÅ\u12399ÍÍ\u12394ÈÈ\u12356centscents (Le soutien à l'armée américaine n'entre pas dans le «cadre de la Constitution»), Sekai \u19990\u19990êcentsEE, n° 695, déc., 2001, pp. 48-55

ARAI Seiichirô \u-31918\u-31918çràä\u12539E \u-30048\u-30048ê½àêYêY, « «Hôfuku sensô» no ihôsei » \u12300\u12300uïñïoeñoeêíàúvv\u12398ÌÌ\u-28587àá-@á@ê«« (L'illégalité de la «guerre de représailles»), Hô to Minshu shugi \u27861\u27861-@ÆÆ\u27665-\u20027éåéååå``, n° 364, déc., 2001, pp. 21-24

ASAI Motofumi \u27973\u27973êóàä\u12539E \u22522\u22522îï, « «9/11 jiken» - Amerika no gunji hôfuku to Nihon no kaigai hahei » \u12300\u12300u9\u12539\u12539E11\u20107\u20107é-OEèvèv- \u12450\u12450ÉAÉÉÉJJ\u12398ÌÌ\u-28979OERR\u20107é-ïñ-ñïoeÆoeÆ«ú-{ú{ÌÌ\u28023CC\u22806OO\u27966»hh\u20853ï°° (»Les événements du 11 septembre» - Les représailles militaires américaines et le déploiement japonais de troupes à l'étranger), Hô to Minshu shugi \u27861\u27861-@ÆÆ\u27665-\u20027éåéååå``, n° 364, déc., 2001, pp. 37-43

ASAKAWA Kôki \u27973\u27973êóêì\u12539E \u20844\u20844OEöII, « Bei-dôji tahatsu tero to iu «shin-sensô» » \u31859\u31859ïÄEE\u21516«\u26178éú½ú½»\u12486Éee\u12525ÉçÆçÆcentscents\u12358\u12300uu\u26032êVV\u12539EE\u25126êíàúvv (La série d'attentats simultanés aux Etats-Unis ou la «nouvelle guerre»), Kankai \u23448\u23448EE, n° 11-nov., 2001, pp. 142-149

FON Sonku \u-24892\u-24892%o(c) \u24615\u24615ê«·½½, « Nihon ha kyû jô no seishin wo wasurete ha naranai » \u26085\u26085«ú-{{\u12399ÍÍ\u20061ãèðãðÌÌ\u31934ê\u31070ê__\u12434ð-YðYêÄEÍÍ\u12394ÈÈ\u12425çÈçÈcentscents (Le Japon ne doit pas oublier l'esprit de l'article 9), Hô to Minshu shugi \u27861\u27861-@ÆÆ\u27665-\u20027éåéååå``, n° 364, déc., 2001, pp. 16-17

HANDA Shigeru \u21322\u21322»¼«cc \u28363\u28363é , « Naze jieikan ha Indo yô he itta ka » \u12394\u12394È°°\u-32278é(c)(c)\u-30629%oqq\u-32154ÍÍ\u12399ÍÍ\u12452ÉCC\u12531É«Éh«hmm\u12408ÖÖ\u-30644çss\u12387ÁÁ\u12383½½\u12363(c)(c) (Pourquoi les navires des Forces d'autodéfense sont-ils allés dans l'océan Indien ?), Sekai \u19990\u19990êcentsEE, n° 697, janv., 2002, pp. 25-28

HOKKIRI Kazumasa \u22528\u22528-xêØØ \u21644\u21644a%oëë, « Shûhen jitai hô wo meguru kii gainen » \u21608\u21608éüïÓÓ\u20107é-Ô-Ô-@@\u12434ðßðß®®\u12427éÉLéL[[\u27010TT\u24565»OO(Concept clef relatif aux lois sur les situations d'urgence dans les zones limitrophes), Sekai \u19990\u19990êcentsEE, avril 1999, pp. 73-74

INOUE Noriyuki \u20117\u20117àäèã\u12539E \u20856\u20856«T»VV, « Tero taisaku tokubetsu sochi hô to Nihon koku kenpô » \u12486\u12486ÉeÉçÎçÎçô«ÁôÁïÊÊ\u25514[[\u32622'uu\u27861-@@\u12392ÆÆ\u26085«ú-{ú{çOE-@@ (La loi spéciale de lutte contre le terrorisme et la Constitution du Japon), Hôgaku kyôshitsu \u27861\u27861-@ww\u25945\u23460é°°, n° 257, fév., 2002, pp. 46-51

KANO Tadao \u20206\u20206%o¼-ì\u12539E \u24544\u24544'%o'jj, « Kokusai tero konzetsu ni Nihon no yakuwari sekinin » \u22269\u22269ççÛÛ\u12486Éee\u12525ÉçççêâÉâÉ«ú-{ú{ÌÌ\u24441-ððêÓÓ\u20219»CC (Le Japon doit jouer un rôle dans l'extermination du terrorisme international), Kankai \u23448\u23448EE, n° 11-nov., 2001, pp. 36-43

KOBAYASHI Kazuhiro \u23567\u23567è#172;ÑÑ \u19968\u19968àê»éé, « Koizumi kaikaku - Asiki seiji fûdo to no tatakai » \u23567\u23567è#172;êò%oüòüvv - \u24746\u24746à«uu\u12365««\u25919ê\u27835é\u-26456ï«yyÆÆ\u12398ÌÌ\u-27176«#172;#172;\u12356centscents (Les réformes de Koizumi - Son combat contre un climat politique malsain), Kankai \u23448\u23448EE, n° 11-nov., 2001, pp. 20-26

LEE Jonwon \u23395\u23395G \u-27778\u-27778èßOE, « Amerika no kokueki jûshi senryaku to Nihon gaikô » \u12450\u12450ÉAÉÉÉJJ\u12398ÌÌ\u22269ç%ovvèdd\u-30314éêíí\u12392ÆÆ\u26085«ú-{ú{OO\u20132OEðð (La stratégie appuyant l'intérêt national américain et la diplomatie japonaise), Hôritsu jihô \u27861\u27861-@\u26178éúïñúñ, n° 918, mai, 2002, pp. 27-31

MIZUSHIMA Asaho \u27700\u27700ê...«‡\u12539E \u26397\u26397'(c)ïää, « «Tero taisaku tokubetsu sochi hô» ga motarasu mono » \u12300\u12300uÉee\u12525ÉçÎçÎçô«ÁôÁïÊÊ\u25514[[\u32622'uu\u27861-@@\u12301vv\u12364\u12418à½à½ç·ç·àÌàÌ (Les apports de la «loi spéciale de lutte contre le terrorisme»), Hôritsu jihô \u27861\u27861-@\u26178éúïñúñ, n° 913, janv., 2002, pp. 1-3

MORI Hideki \u26862\u26862êX \u-32015\u-32015%opé÷÷, « «Anzen hoshô» shisutemu no «kôzô kaikaku» » \u12300\u12300uàÀÀ\u20840SS\u20445ïÛÛ\u-26980èávávÉVV\u12473ÉXX\u12486Éee\u12512É€€\u12398ÌÌ\u12300uu\u27083ç\\\u-28640centscents\u25913%oüvEvv (La «réforme structurelle» du système de «sécurité»), Hôritsu jihô \u27861\u27861-@\u26178éúïñúñ, n° 918, mai, 2002, pp. 64-71

NAITÔ Isao \u20869\u20869«à« \u21151\u21151OE÷, « Sansen hô-kihon keikaku-jisshi yôkô » \u21442\u21442éQêí-@ú\EE\u22522î-{ûOEvv\u30011%oæEæEéÀÀ\u26045é{{\u-30335vv\u-26619瀀 (La loi de participation à la guerre, le plan de base et les points essentiels de son exécution), Hô to Minshu shugi \u27861\u27861-@ÆÆ\u27665-\u20027éåéååå``, n° 364, déc., 2001, pp. 25-29

NARISAWA Takato \u25104\u25104ê#172;àVV \u23389\u23389çFêll, « Tero taisaku tokubetsu sochi hô, kaisei PKO nado kyôryoku hô to kenpô » \u12486\u12486ÉeÉçÎçÎçô«ÁôÁïÊÊ\u25514[[\u32622'uu\u27861-@@\u12289AA\u25913%oüêEPKO\u31561\u31561«™\u21147ÍÍ\u27861-@@\u12392ÆÆ\u25010OE-@@ (La Constitution et les lois en matière de coopération telles que la loi spéciale de lutte contre le terrorisme et l'amendement à la loi PKO), Hôgaku seminaa \u27861\u27861-@ww\u12475ÉZZ\u12511É~~\u12490Éii\u12540[[, n° 567, mars, 2002, pp. 44-47

OGURA Hidetaka \u23567\u23567è#172;qq \u-32015\u-32015%opOEhh, « 21 seiki no kokusai shisutemu to Nihon no gaikô » \u20108\u20108«ñàêêcentsêcentsII\u12398ÌÌ\u22269ççÛÛÉVV\u12473ÉXX\u12486Éee\u12512É€€\u12392ÆÆ\u26085«ú-{ú{ÌÌ\u22806OO\u20132OEðð (Le système international du 21ème siècle et la diplomatie japonaise), Hôgaku seminaa \u27861\u27861-@ww\u12475ÉZZ\u12511É~~\u12490Éii\u12540[[, n° 567, mars, 2002, pp. 48-51

SUGIHARA Yasuo \u26441\u26441ê™OE'' \u27888\u27888×YY, « Kenpô kyû jô no konnichi teki igi » \u25010\u25010OE-@@\u20061ãèðãðÌÌ\u20170ç\u26085«ú«IúIàÓÓ\u32681`` (Les significations actuelles de l'article 9 de la Constitution), Hô to Minshu shugi \u27861\u27861-@ÆÆ\u27665-\u20027éåéååå``, n° 364, déc., 2001, pp. 4-13

TANAKA Shûsei \u30000\u30000«c'†\u12539E \u31168\u31168èGê et YAMAGUCHI Jirô \u23665\u23665éROEû\u12539E \u20108\u20108«ñYY, « Nihon ha Amerika no «sekai seisaku» to ittaika suru na » \u26085\u26085«ú-{{\u12399ÍÍ\u12450ÉAA\u12513ÉÉÉJJ\u12398ÌÌ\u12300uu\u19990êcentscents\u30028EE\u25919ê\u31574çôvôvÆÆ\u19968àêÌE%o»»\u12377··\u12427éé

\u12394\u12394È (Il ne faut pas que le Japon s'unisse à la «politique mondiale» américaine), Sekai \u19990\u19990êcentsEE, n° 698, fév., 2002, pp. 48

WATANABE Osamu \u28193\u28193«nïÓÓ \u27835\u27835é, « Nihon ha doko he iku no ka - Gurôbaru taikoku no kansei ka, heiwa kokka no michi ka ? » \u26085\u26085«ú-{{\u12399ÍÍ\u12393ÇÇ\u12371#177;#177;\u12408ÖÖ\u-30644çss\u12367\u12398ÌÌ\u12363(c)(c) - \u12464\u12464ÉOÉç[ç[Éoo\u12523ÉååçÌÌ®®\u25104ê#172;#172;\u12363(c)(c)\u12289AA\u24179ï½½\u21644aa\u22269ç%oÆÆÌÌ\u-28589«\u12363(c)(c)? (Où se dirige le Japon ? - Vers l'accomplissement d'une grande puissance globale ou sur le chemin d'un Etat pacifique ?), Hôritsu jihô \u27861\u27861-@\u26178éúïñúñ, n° 918, mai, 2002, pp. 56-63

YAMAMOTO Takeshi \u23665\u23665éR-{{ \u21083\u21083çémm, « »Shûhen» no han'i » \u12300\u12300uéüïÓEvv\u12398ÌÌ\u31684»ÍÍ\u22258àÍÍ (Le champ d'application des « zones périphériques »), Sekai \u19990\u19990êcentsEE, avril 1999, p. 75

Sites Internet :

Le site officiel du Premier ministre japonais - les pages sur le terrorisme : http://www.kantei.go.jp/jp/saigai/terojiken/

Le site du Ministère des Affaires étrangères :

http://www.mofa.go.jp

Le site de l'Agence de Défense :

http://www.jda.go.jp

Le site de l'Agence nationale de police :

http://www.npa.go.jp

ANNEXES

Loi spéciale de lutte contre le terrorisme *(*)

1. Titre

Loi sur les mesures spéciales concernant les mesures prises par le Japon pour appuyer les activités des pays étrangers dans le but d'accomplir les objectifs de la Charte des Nations unies en réponse aux attaques terroristes qui ont eu lieu le 11 septembre 2001 aux Etats-Unis d'Amérique et aux menaces en résultant ainsi que les mesures humanitaires fondées sur les résolutions pertinentes des Nations unies ou sur les demandes faites par les Nations unies et autres organisations internationales.

2 Novembre 2001

Loi numéro 113

2. Objectifs (relatifs à l'article 1)

(1) Rappelant que la résolution 1368 du Conseil de Sécurité de l'ONU considère les attaques terroristes qui ont eu lieu aux États-Unis le 11 septembre 2001 comme une menace à la paix et à la sécurité internationale,

(2) et prenant aussi note que les résolutions 1267, 1269 et 1333 du Conseil de Sécurité de l'ONU et d'autres résolutions pertinentes condamnent les actes de terrorisme international, et demandent à tous les États de prendre des mesures appropriées pour empêcher de tels actes,

l'objectif de la Loi est de spécifier les mesures suivantes afin de permettre au Japon de contribuer activement et positivement aux efforts de la communauté internationale pour prévenir et éradiquer le terrorisme international, et assurer ainsi la paix et la sécurité de la communauté internationale, dont le Japon.

i) Les mesures japonaises prises pour appuyer les activités des forces américaines et autres (ci-après "les forces étrangères et autres") qui visent à éradiquer la menace d'attaques terroristes, contribuant ainsi à accomplir les objectifs de la Charte des Nations unies

ii) Les mesures japonaises dans un esprit humanitaire fondé sur les résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité des Nations unies ou sur des demandes faites par les Nations unies et par d'autres organisations internationales

3. Principes fondamentaux (relatifs à l'article 2)

(1) Le gouvernement du Japon exécutera de manière appropriée et rapide des activités de coopération et de soutien, des opérations de recherche et sauvetage, une aide aux personnes touchées et d'autres mesures nécessaires, contribuant ainsi activement et positivement aux efforts de la communauté internationale pour prévenir et éradiquer le terrorisme international, assurant ainsi la paix et la sécurité de la communauté internationale, dont le Japon.

(2) Ces mesures ne sauront recommander l'usage de la menace ou de la force

(3) Ces mesures seront exécutées dans les zones suivantes :

i) le territoire du Japon

ii) zone où n'ont pas lieu des opérations de combat et où de telles opérations ne sont pas prévues pendant la mise en oeuvre des activités japonaises.- En haute mer et dans l'espace aérien situé au-dessus- Territoire étrangers (L'exécution en sera limitée aux cas où l'assentiment des pays concernés a été obtenu.)

4. Mesures qui seront prises (relatives à l'article 3 et aux tableaux 1 et 2)

(1) Activités de coopération et de soutien

i) Ravitaillement et services, commodités et autres mesures de soutien seront fournis aux forces étrangères et aux autres internationales.

ii) Ces activités seront exécutées par les agences gouvernementales concernées dont les Forces de défense.

iii) Le contenu du matériel et des services que les Forces de défense fourniront sera le ravitaillement, le transport, les réparations et l'entretien, les services médicaux, les communications, l'exploitation de ports marins et d'aéroports et de bases. (Cependant ni armes ni munitions ne seront fournies. Il ne sera procédé ni au ravitaillement en combustible ni à des réparations d'avions américains préparant leur départ pour des opérations de combat.)

(2) Activités de recherche et de sauvetage

i) Seront conduites des activités de recherche et de sauvetage des combattants en situation de détresse suite à des opérations de combat (y compris pour des non-combattants en détresse).

ii) Ces activités seront effectuées par les Forces de défense et autres.

iii) Le contenu des matériels et des services qui pourront être fournis dans l'exécution des activités de recherche et sauvetage sont le ravitaillement, les transports, les réparations et l'entretien, les services médicaux, le cantonnement et la décontamination. (Cependant ni armes ni munitions ne seront fournies. Il ne sera procédé ni au ravitaillement en combustible ni à des réparations d'avions américains préparant leur départ pour des opérations de combat.)

(3) Assistance aux personnes touchées

i) Il sera procédé, en se fondant sur les résolutions pertinentes des Nations unies portant sur les attaques terroristes ou les demandes faites par les Nations unies et d'autres organisations internationales, au transport des éléments nécessaires à la vie, comme la nourriture, les vêtements, les médicaments, les services médicaux, ainsi qu'à d'autres activités humanitaires.

ii) Ces activités seront exécutées par les agences gouvernementales concernées dont les Forces de défense.

(4) Autres mesures nécessaires

i) Il s'agira par exemple de fournir des moyens de transport à des ressortissants étrangers ou à des ressortissants japonais vivant ou séjournant à l'étranger notamment à bord d'avions des Forces de défense.

ii) Ces activités seront exécutées par les agences gouvernementales concernées dont les Forces de défense.

5. Plan de base (relatif à l'article 4)

(1) Le plan de base, qui sera approuvé par une décision du gouvernement, définira une politique fondamentale, et les types, contenus et domaines en ce qui concerne chaque activité stipulée dans le paragraphe 4 ci-dessus.

(2) Lorsque ces mesures seront exécutées hors du territoire national, le gouvernement du Japon consultera les gouvernements concernés afin de spécifier les domaines de mise en oeuvre des mesures.

L'approbation par la Diète (relatif à l'article 5) *(*)

(1) Le Premier ministre soumettra les activités de coopération et de soutien, les opérations de recherche et sauvetage ou d'aide aux personnes touchées exécutées par les Forces d'autodéfense spécifiées dans le plan de base à l'ordre du jour de la Diète pour approbation dans les vingt jours après leur déclenchement.

(2) Si la Diète désapprouve, les activités de coopération et de soutien, les opérations de recherche et sauvetage ou d'aide aux personnes touchées devront promptement prendre fin.

6. Rapport à la Diète (relatif à l'article 11)

Le Premier ministre informera la Diète du contenu de toute décision prise ou de toute modification du Plan de base. De plus, lorsque des mesures spécifiées par le Plan de base prendront fin, le Premier ministre informera sans délai la Diète de leurs résultats.

7. Usage des armes (relatif à l'article 12)

(1) Les membres des unités des Forces de défense pourront user de leurs armes de manière proportionnelle lorsqu'il existe une cause inévitable et justifiée pour l'usage d'armes, pour protéger leur vie et leur corps, ainsi que la vie et le corps de ceux effectuant ces activités à leurs côtés ou de ceux dont ils ont pris le contrôle dans l'exécution de ces mesures.

(2) En principe les armes ne seront utilisées que sous les ordres d'un officier supérieur présent sur les lieux.

(3) L'usage des armes ne devra pas occasionner de mal aux personnes, sauf dans les cas de légitime défense ou d'absolue nécessité

8. Autres (relatifs aux dispositions supplémentaires)

Une partie de la loi sur les Forces d'autodéfense sera amendée. *(*)*

Cette loi expirera deux ans après son entrée en vigueur. Si cela est jugé nécessaire, l'effet de la loi pourra être prolongé pour une période inférieure à deux ans comme stipulé par une loi distincte. (Cela s'appliquera aussi à toute prolongation supplémentaire de la loi.)

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION ........................................................................

1ERE PARTIE :

LE CONTEXTE AVANT LE VOTE DE LA LOI DU 2/11/2001 : LES QUESTIONS DU SOUTIEN ET DE LA CONTRIBUTION DU JAPON

CHAPITRE 1 : La réaction du Japon au lendemain des attentats du 11 septembre ..............................................................

I) « Le Japon doit soutenir les Etats-Unis », mais comment ? ............

A) La question de la « contribution » du Japon : un soutien concret ...

B) Les premières mesures d'urgence ........................................

C) Le plan fondamental de « 7 mesures » immédiates ....................

II) Les opinions de la classe politique sur la nature concrète de la contribution japonaise : entre unisson et discordances ......................

A) La position de la majorité ...............................................

B) La position de l'opposition ..............................................

III) La position de l'opinion publique japonaise .............................

A) Une opinion contrastée : entre approbation ... .....................

B) ... et scepticisme... ......................................................

CHAPITRE 2 : L'état des politiques extérieure et de défense du Japon au moment des attentats ................................................

I) La situation de la politique extérieure  : « éviter l'isolement diplomatique » ..........................................................................

A) Eviter à tout prix une deuxième « guerre du Golfe » .................

B) Le « défi de la place du Japon dans le monde » ........................

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II) La situation de la politique japonaise de défense .........................

A) Une législation trop restrictive en matière de défense ................

B) La législation sur les situations d'urgence et la loi sur les situations de crise en zones périphériques : divergences d'opinions sur le principe d'un aménagement .............................................

C) La proposition d'une réforme de la loi sur les Forces d'autodéfense

CHAPITRE 3 : Le Japon et la lutte contre le terrorisme ...........................

I) « La guerre contre le terrorisme ».............................................

A) Qu'est-ce que le terrorisme ? ............................................

B) « Une nouvelle forme de guerre » ou la rhétorique de la guerre ......

C) Le cas particulier des attentats du 11 septembre .....................

II) Quel rôle pour le Japon dans cette guerre contre le terrorisme ? ......

A) Le Japon, les Forces d'autodéfense japonaises et la lutte contre le terrorisme ..................................................................

B) La crainte d'un cercle vicieux des représailles ........................

2EME PARTIE :

LE PROJET DE LOI SPECIALE DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME ............................................................................

CHAPITRE 1 : Les conditions de l'élaboration du projet de loi ..................

I) La pression de l'urgence .......................................................

A) La course aux déclarations de soutien .................................

B) L'annonce de l'élaboration d'un projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme ......................................................

C) La pression américaine : « Show the flag » .............................

II) Un projet de loi faisant partie d'une politique globale ..................

A) Les objectifs du projet de loi : participation aux opérations américaines ou lutte contre le terrorisme ? .............................

B) La lutte contre le terrorisme international : le « renforcement de la solidarité internationale » ................................................

C) Une politique de promotion et de transparence auprès des pays d'Asie ......................................................................

CHAPITRE 2 : Un projet de loi élément d'un double dispositif de mesures en réponse aux attentats du 11 septembre  ......................

I) La participation des Forces japonaises aux opérations en réponse aux attentats du 11 septembre .....................................................

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A) La définition du champs d'application de la loi : « hors des zones combattantes » ............................................................

B) Des opérations de soutien, d'assistance et de logistique .............

II) Le cadre de la participation des Forces japonaises ......................

A) L'approbation par la Diète et le rapport à la Diète ....................

B) L'usage des armes .........................................................

C) Une loi limitée dans le temps .............................................

III) Le renforcement des mesures anti-terroristes sur le territoire national ................................................................................

A) La surveillance des bases américaines ..................................

B) Les mesures de renforcement des contrôles ............................

CHAPITRE 3 : L'examen et le vote de la loi anti-terroriste........................

I) Divergences d'opinions sur plusieurs aspects du projet de loi anti-terroriste ..............................................................................

A) Le problème de la conformité à l'article 9 de la Constitution ........

B) L'usage des armes et la définition des zones d'intervention .........

C) Les problèmes du droit à l'autodéfense collective et de la légalité des représailles ............................................................

II) Une opinion publique peu convaincue ....................................

A) L'évolution de l'opinion publique sur les questions de défense ......

B) Entre intérêt et désapprobation .........................................

III) L'adoption par la Diète.......................................................

A) Un record de rapidité ....................................................

B) Entre adhésion et contestations ........................................

3EME PARTIE :

LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI DU 2 NOVEMBRE 2001 .........

CHAPITRE 1 : Entre anticipation et justification légale ..........................

I) Des mesures « visibles à l'oeil nu » et « sans délai » .......................

A) L'envoi des Forces maritimes d'autodéfense ..........................

B) Le soutien humanitaire et financier .....................................

II) Les limites de la loi du 2 novembre 2001 : une loi symbole ............

A) Le plan de base relatif aux mesures d'exécution du 16 novembre 2001 : des « mesures concrètes » symboliques.........................

B) Une loi à projection diplomatique ......................................

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CHAPITRE 2 : Pourquoi adopter une nouvelle loi ? ...............................

I) Les événements du 11 septembre : une fenêtre d'opportunité ..........

A) La force du Premier ministre Koizumi : saisir l'opportunité .........

B) ... d'étoffer la législation en matière de défense : la politique des « petits pas » ......................................................................

II) Les apports de la loi anti-terroriste ..........................................

A) L'extension du champ géographique d'action des Forces d'autodéfense .............................................................

B) L'extension du cadre et des moyens d'intervention des Forces d'autodéfense .............................................................

C) Une nouvelle brèche dans l'interprétation de la Constitution : le débat sur le droit à l'autodéfense collective ............................

CONCLUSION ............................................................................

Bibliographie ...............................................................................

Annexes ......................................................................................

La loi spéciale de lutte contre le terrorisme - texte intégral, en japonais .........

La loi spéciale de lutte contre le terrorisme - extraits, traduction en français ....

Tables des matières ...........................................................................

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* 1 Citons notamment l'ouvrage de Gérard Chaliand qui dans sa nouvelle édition augmentée consacre l'introduction aux attentats du 11 septembre 2001 : CHALIAND Gérard, Les Stratégies du terrorisme, Paris, Desclée de Brouwer, 1999 (Nouvelle édition augmentée, 2002), pp. I-XI.

* 2 « Le peuple japonais, aspirant sincèrement à une paix internationale fondée sur la justice et l'ordre, renonce à jamais à la guerre en tant qu'exercice de la puissance de l'Etat, et à la menace ou à l'usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux.

« Pour atteindre le but fixé à l'alinéa précédent, il ne sera jamais maintenu d'armées terrestres, navales, aériennes ou autres forces militaires. Le droit de belligérance de l'Etat ne sera pas reconnu. », dans Etude du droit japonais, Paris, Société de législation comparée, 1989, pp. 362-370. Traduction de MINAMINO Shigeru sur la base de la « Traduction française recommandée par le Ministère des Affaires étrangères du Japon »

* 3 Accord de coopération stratégique nippo-américaine dans le cadre de la guerre de Formose (94-95) et portant sur l'évolution de l'état des relations entre les Etats-Unis et le Japon.

* 4 Site de l'Ambassade du Japon en France : http://www.fr.emb-japan.go.jp (ci-après « Ambassade du Japon »). Traduction française de la déclaration du Premier Ministre japonais concernant les attaques terroristes aux Etats-Unis (12/09/2001) - adresse : http://www.fr.emb-japan.go.jp/politique_e/2001/01-0069-att-koizumi-us.html

* 5 Il s'agissait d'attaques de représailles contre l'Afghanistan et le Soudan qui auraient abrité les terroristes responsables d'une série d'attentats en Afrique (Kenya, Yémen) contre les ambassades américaines.

* 6 YAMAMOTO Takeshi \u23665\u23665éR-{{ \u21083\u21083çémm, « »Shûhen» no han'i » \u12300\u12300uéüïÓEvv\u12398ÌÌ\u31684»ÍÍ\u22258àÍÍ (Le champ d'application des « zones périphériques »), Sekai \u19990\u19990êcentsEE, avril 1999, p. 75

* 7 http://www.kantei.go.jp

* 8 Kantei, op. cit., lien : « \u32207\u32207çùLùLéÒÒ\u20250%oïOE(c)E (01/09/12 10:20) » (Sôri kisha kaiken Conférence de presse du Premier ministre, 12/09/01 10h20), http://www.kantei.go.jp/jp/koizumispeech/2001/0912sourikaiken.html

* 9 Voir 1ère Partie, Chap. 2, I), B)

* 10 Ambassade du Japon, op. cit. Traduction française - adresse : http://www.fr.emb-japan.go.jp/politique_e/2001/01-0070-terro.html

* 11 Asahi shinbun, 13 septembre 2001

* 12 ou transfrontalier, ou encore transnational

* 13 Asahi shinbun, 13 septembre 2001

* 14 Ibidem

* 15 Ibidem

* 16 Asahi shinbun, 16 octobre 2001 - Extrait du sondage réalisé par téléphone les 13 et 14 octobre 2001 sur 2000 personnes. Les données entre parenthèses ont été recueillies les 28 et 29 septembre 2001. Cependant, ce sondage posant également des questions concernant spécifiquement la loi spéciale de lutte contre le terrorisme, nous y reviendrons plus tard (Voir 2ème Partie, chapitre 3, II), B)

* 17 SEIZELET Eric, « La société japonaise et la mutation du système des valeurs », Les Etudes du CERI, n° 2-juin, 1995, p. 24

* 18 PRAZAN Michaël, Les Fanatiques, histoire de l'armée rouge japonaise, Paris, Editions du Seuil, 2002, pp. 75-105

* 19 BOUISSOU Jean-Marie, « Changement ou immobilisme politique ? », Notes et études documentaires, La Documentation Française, n° 5147-février, 2002, pp.176-177

* 20 Asahi shinbun, 16 septembre 2001

* 21 BOUISSOU Jean-Marie, op. cit., pp.176-177

* 22 « Traité de coopération et de sécurité mutuelles entre les Etats-Unis d'Amérique et le Japon (19 janvier 1960), dans JOYAUX François, La nouvelle question d'Extrême-Orient 2, l'ère du conflit sino-soviétique, 1959-1978, Paris, Editions Payot, 1988, pp. 412-414

* 23 Ibidem

* 24 Système de domination du Parti libéral démocrate

* 25 Voir 2ème Partie, Chap. 1, II), B)

* 26 Asahi shinbun, 15 septembre 2001

* 27 OKAMOTO Yukio \u23713\u23713%o-{{ \u-30644\u-30644çsïvv, Shushô shudô de koritsu kaihi wo \u-26218\u-26218éñéåå«#177;#177;\u12391ÅÅ\u23396OEÇÇ\u31435§§\u22238%oñ»ðñðð\u12539E (Eviter de s'enfermer dans les initiatives du Premier ministre), Asahi shinbun, 18 septembre 2001

* 28 La loi sur les situations d'urgence ne sera votée que le 15 mai 2003

* 29 Asahi shinbun, 15 septembre 2001

* 30 Ibidem

* 31 YAMAMOTO Takeshi \u23665\u23665éR-{{ \u21083\u21083çémm, op. cit., p. 75

* 32 Ibidem

* 33 Asahi shinbun, 16 septembre 2001

* 34 Asahi shinbun, 15 septembre 2001

* 35 Asahi shinbun, 16 septembre 2001

* 36 Voir GOZZI Marie-Hélène, op. cit, Chapitre III : « La lutte contre le phénomène terroriste : les moyens de la riposte », pp. 96-150

* 37 Asahi shinbun, 16 septembre 2001

* 38 CHALIAND Gérard, « La mesure du terrorisme », dans CHALIAND Gérard, op. cit., pp. 10-11

* 39 Voir GOZZI Marie-Hélène, Le terrorisme, Paris, Ellipses, 2003, p. 20

* 40 CHALIAND Gérard, op. cit., p. 7

* 41 Sur l'armée rouge japonaise (Nihon Sekigun), consulter le livre de PRAZAN Michaël précédemment cité. Michaël Prazan est journaliste et enseignant. Son livre se lit comme un documentaire qui retrace l'histoire du Nihon Sekigun.

* 42 CHALIAND Gérard, op. cit., p. 7

* 43 DUROSELLE Jean-Baptiste et KASPI André, Histoire des relations internationales de 1945 à nos jours, Tome II, Paris, Armand Colin, 2002, p. 612

* 44 GOZZI Marie-Hélène, op. cit., pp. 53-54

* 45 NISHITANI Osamu, «Tero to no sensô» to ha nani ka ? - 9.11 igo no sekai \u12300\u12300uÉee\u12525ÉçÆçÆÌÌ\u25126êíàúvv\u12392ÆÆ\u12399ÍÍ\u20309%o½½\u12363(c)(c) - 9.11\u20197\u20197àÈOEãÌãÌêcentscents\u30028EE (Qu'est-ce que «la guerre contre le terrorisme» - Le monde depuis le 11 septembre), Tôkyô, Ibunsha \u20197\u20197àÈï\u31038éÐÐ, 2002, pp. 8-9

* 46 CHALIAND Gérard, op. cit., pp. I-II

* 47 De nombreux ouvrages ont été consacrés à la secte Aum. Citons entre autres CAMPBELL James « Ken », « La Secte japonaise Aum Shinrikyô », dans CHALIAND Gérard, op. cit., pp. 163-193

* 48 Asahi shinbun, 1er octobre 2001 - Extrait du sondage réalisé par téléphone les 28 et 29 septembre 2001 sur 2000 personnes.

* 49 HOKKIRI Kazumasa \u22528\u22528-xêØØ \u21644\u21644a%oëë, « Shûhen jitai hô wo meguru kii gainen » \u21608\u21608éüïÓÓ\u20107é-Ô-Ô-@@\u12434ðßðß®®\u12427éÉLéL[[\u27010TT\u24565»OO(Concept clef relatif aux lois sur les situations d'urgence dans les zones limitrophes), Sekai \u19990\u19990êcentsEE, avril 1999, pp. 73-74

* 50 Asahi shinbun, 18 septembre 2001

* 51 Ibidem

* 52 Site officiel du Premier ministre japonais, pages sur le terrorisme, op. cit., lien : « \u32207\u32207çùLùLéÒÒ\u20250%oïOE(c)E (01/09/12 10:20) » (Sôri kisha kaiken Conférence de presse du Premier ministre, 12/09/01 10h20), http://www.kantei.go.jp/jp/koizumispeech/2001/0912sourikaiken.html

* 53 SASATO Masahiko \u31545\u31545çù' \u-26939\u-26939%oëïFF,\u12300\u12300u«ú-{ú{ÌÌ\u23550ÎÎ\u24540%oúvúv, Nihon no taiô (La position du Japon), dans Centre d'études et de recherches du Journal Yomiuri (ouvrage collectif) \u-30035\u-30035«Ç»êVVï··\u-30017'²²\u26619ç\u30740OE\u31350†-{Eï»\u12539E \u32232\u32232ïÒ', Tai terorizumu sensô \u23550\u23550ÎÉee\u12525ÉçÉçÉYY\u12512É€€\u25126êíàú (La guerre contre le terrorisme), Tôkyô, Chûô kôron shinsha \u20013\u20013'†%oOEöö__\u26032êVV\u31038éÐÐ, coll. « Chûkô shinsho La Clef » \u20013\u20013'†OEöêVöVèÉ%o%oÉNN\u12524ÉOEOE, n° 24, 2001, pp. 143-145

* 54 Ibidem

* 55 OKAMOTO Yukio \u23713\u23713%o-{{ \u-30644\u-30644çsïvv, op. cit., Asahi shinbun, 18 septembre 2001

* 56 Ambassade du Japon, op. cit. Traduction française - adresse : http:// www.fr.emb-japan.go.jp/politique_e/2001/01-0068-us.html

* 57 Ambassade du Japon, op. cit. Traduction française - adresse : http:// www.fr.emb-japan.go.jp/politique_e/2001/01-0078-terrorisme.html

* 58 Ambassade du Japon, op. cit. Traduction française - adresse : http:// www.fr.emb-japan.go.jp/politique_e/

2001/01-0079-projet.html

* 59 SASATO Masahiko \u31545\u31545çù' \u-26939\u-26939%oëïFF,op. cit., p. 140

* 60 Asahi shinbun, 21 septembre 2001

* 61 Site du Ministère japonais des Affaires étrangères, http://www.mofa.go.jp/policy/other/bluebook/2002/

chap1-b.pdf

* 62 Blue Book 2002, p. 18

* 63 Voir Annexes pour le texte du projet de loi (texte intégral en japonais et traduction en français des points essentiels).

* 64 Blue Book 2002, p. 15

* 65 Asahi shinbun, 20 septembre 2001

* 66 Asahi shinbun, 18 septembre 2001

* 67 L'organisation du G8 est à l'origine un instrument créé en 1975 par la France qui a réuni ainsi un club de nations « occidentales » en intégrant des nations vaincues de la seconde guerre mondiale disposant d'un poids sur la scène internationale, en particulier économique et financier. Le G8 rassemble lors de sommets les ministres des Finances, des Affaires étrangères et les chefs d'Etat des huit pays les plus développés du monde. Il est d'une grande importance pour le Japon car en tant que pays vaincu de la seconde guerre mondiale, il n'a pas été membre fondateur de l'ONU, encore moins membre permanent du Conseil de Sécurité. Or le Japon est membre fondateur du G8.

* 68 Le Monde, 25 octobre 2001

* 69 Blue Book 2002, pp. 17-18

* 71 Les élections à la Chambre haute de juillet 2001 avait vu le retour en force du Parti libéral démocrate qui a obtenu 65 des 121 sièges en lice. Cette victoire était due principalement à la très forte popularité de Koizumi, nouveau chef du PLD élu depuis le 26 avril, non seulement auprès des partisans du PLD mais aussi auprès d'une grande partie des partisans du Parti démocrate (un quart environ) - Voir KABASHIMA Ikuo, « Le gouvernement Koizumi et les élections de juillet 2001 », Cahiers du Japon, n° 91 - printemps, 2002, pp. 24-31

* 70 Asahi shinbun, 21 septembre 2001

* 71 Ambassade du Japon, op. cit. Traduction française - adresse : http:// www.fr.emb-japan.go.jp/politique_e/

2001/01-0079-projet.html

* 72 Voir Annexes p. 134

* 73 Ambassade du Japon, op. cit. Traduction française - adresse : http:// www.fr.emb-japan.go.jp/politique_e/

2001/01-0078-terrorisme.html

* 74 Ibidem

* 75 BOUISSOU Jean-Marie, op. cit., pp. 176-177

* 76 Ibidem

* 77 « Nous, le peuple japonais, agissant par l'intermédiaire de nos représentants dûment élus à la Diète, résolus à nous assurer, à nous et à nos descendants, les bienfaits de la coopération pacifique avec toutes les nations et les fruits de la liberté dans tout ce pays, décidés à ne jamais plus être témoins des horreurs de la guerre du fait de l'action du gouvernement, proclamons que la souveraineté appartient au peuple et établissons fermement cette Constitution. Le gouvernement est le mandat sacré du peuple, dont l'autorité dérive du peuple, dont les pouvoirs sont exercés par les représentants du peuple et dont les bénéfices sont à la jouissance du peuple. Tel est le principe universel de l'espèce humaine, et cette Constitution se base à tel principe. Nous rejetons toutes les constitutions, lois, ordonnances et rescrits impériaux y contrevenant.

Nous, le peuple japonais, désirons la paix éternelle et sommes profondément conscients des idéaux élevés présidant aux relations humaines et nous avons décidé de préserver notre sécurité et notre existence, en nous confiant à la justice et à la foi des peuples du monde épris de paix. Nous désirons occuper une place d'honneur dans une société internationale luttant pour le maintien de la paix et l'élimination perpétuelle de la face de la terre, de la tyrannie et de l'esclavage, de l'oppression et de l'intolérance. Nous reconnaissons que tous les peuples du monde ont également le droit de vivre en paix, à l'abri de la peur et du besoin.

Nous croyons qu'aucune nation ne doit s'occuper uniquement d'elle-même et ignorer d'autres nations, que les lois de la moralité politique sont universelles et que l'obéissance à ces lois incombe à toutes les nations essayant de maintenir leur propre souveraineté et d'établir une relation égale avec les autres nations.

Nous, le peuple japonais, nous engageons, sur notre honneur de nation, à accomplir ces idéaux élevés et nobles desseins par tous nos moyens. »

Dans Etude du droit japonais, Paris, Société de législation comparée, 1989, pp. 362-370. Traduction de MINAMINO Shigeru sur la base de la « Traduction française recommandée par le ministère des Affaires étrangères du Japon »

* 78 Asahi shinbun, 24 octobre 2001

* 79 NARISAWA Takato \u25104\u25104ê#172;àVV \u23389\u23389çFêll, « Tero taisaku tokubetsu sochi hô, kaisei PKO nado kyôryoku hô to kenpô » \u12486\u12486ÉeÉçÎçÎçô«ÁôÁïÊÊ\u25514[[\u32622'uu\u27861-@@\u12289AA\u25913%oüêEPKO\u31561\u31561«™\u21147ÍÍ\u27861-@@\u12392ÆÆ\u25010OE-@@ (La Constitution et les lois en matière de coopération telles que la loi spéciale de lutte contre le terrorisme et l'amendement à la loi PKO), Hôgaku seminaa \u27861\u27861-@ww\u12475ÉZZ\u12511É~~\u12490Éii\u12540[[, n° 567, mars, 2002, p. 45

* 80 Asahi shinbun, 6 octobre 2001

* 81 Asahi shinbun, 3 octobre 2001

* 82 ARAI Seiichirô \u-31918\u-31918çràä\u12539E \u-30048\u-30048ê½àêYêY, « «Hôfuku sensô» no ihôsei » \u12300\u12300uïñïoeñoeêíàúvv\u12398ÌÌ\u-28587àá-@á@ê«« (L'illégalité de la «guerre de représailles»), Hô to Minshu shugi \u27861\u27861-@ÆÆ\u27665-\u20027éåéååå``, n° 364, déc., 2001, p. 21

* 83 Asahi shinbun, 3 octobre 2001

* 84 Voir en particulier les sondages réalisés par le Ministère des Affaires étrangères

* 85 (1er extrait) Asahi shinbun, 16 octobre 2001 - Extrait du sondage réalisé par téléphone les 13 et 14 octobre 2001 sur 2000 personnes. Les données entre parenthèses ont été recueillies en septembre 2001. Nous en avons auparavant déjà étudié un extrait : voir Chap. 1, I), C).

(2ème extrait) Asahi Shinbun, 1er octobre 2001 - Extrait du sondage réalisé par téléphone les 28 et 29 septembre 2001 sur 2000 personnes. Les données entre parenthèses ont été recueillies en août 2001.

* 86 Asahi shinbun, 30 octobre 2001

* 87 Asahi shinbun, 19 octobre 2001

* 88 Asahi shinbun, 1er octobre 2001

* 89 Asahi shinbun, 19 octobre 2001

* 90 KOBAYASHI Kazuhiro \u23567\u23567è#172;ÑÑ \u19968\u19968àê»éé, « Koizumi kaikaku - Asiki seiji fûdo to no tatakai » \u23567\u23567è#172;êò%oüòüvv - \u24746\u24746à«uu\u12365««\u25919ê\u27835é\u-26456ï«yyÆÆ\u12398ÌÌ\u-27176«#172;#172;\u12356centscents (Les réformes de Koizumi - Son combat contre un climat politique malsain), Kankai \u23448\u23448EE, n° 11-nov., 2001, p. 23

* 91 Asahi shinbun, 21 septembre 2001

* 92 Ambassade du Japon, op. cit. Traduction française - adresse : http://www.fr.emb-japan.go.jp/politique_e/

2001/01-0071-terro.html

* 93 Asahi shinbun, 26 septembre 2001

* 94 Pour l'intégralité du dispositif, voir Kantei, op. cit., lien : « \u12486\u12486ÉeÉçÎçÎçô«ÁôÁ[[\u27861-@@\u12395ÉÉ\u22522îûß\u23550ÎÎ\u24540%oú[ú['uu\u12395ÉÉ\u-27230ÖÖ\u12377··\u12427éé

\u22522\u22522î-{{\u-30200OEvv\u30011%oæiæi-{{\u25991ï\u-247jj(01/11/16\u-247\u-247j» (Tero taisaku tokuso hô ni motoduku taiô sochi ni kansuru kihon keikaku (honbun) (01/11/16), Plan de base relatif aux mesures s'appuyant sur la loi spéciale de lutte contre le terrorisme (texte) (16/11/01)), http://www.kantei.go.jp/jp/kakugikettei/2001/1116keikaku.html

* 95 Ambassade du Japon, op. cit. Traduction française - adresse : http:// www.fr.emb-japan.go.jp/politique_e/

2001/01-0085-declaration.html ;

* 96 Asahi shinbun, 16 septembre 2001

* 97 Asahi shinbun, 16 septembre 2001

* 98 Voir 1ère Partie, Chapitre 1, II), B)

* 99 La théorie de la politique des « petits pas » ou spill over a été élaborée par l'école néo-fonctionnaliste pour analyser la dynamique d'intégration de la construction européenne : « Fidèles à la théorie du ruissellement, les néo-fonctionnalistes mettent l'accent sur la réalisation de l'intégration par étapes successives, le passage d'une étape à l'autre s'appuyant sur le phénomène de spill over (débordement), tout progrès dans l'intégration appelant nécessairement d'autres progrès. » Dans J. RIDEAU, Droit institutionnel de l'Union européenne, Paris, L.G.D.J., coll. Manuels, 2002, p. 25

* 100 MIZUSHIMA Asaho \u27700\u27700ê...«‡\u12539E \u26397\u26397'(c)ïä\u12539E, « «Tero taisaku tokubetsu sochi hô» ga motarasu mono » \u12300\u12300uÉee\u12525ÉçÎçÎçô«ÁôÁïÊÊ\u25514[[\u32622'uu\u27861-@@\u12301vv\u12364\u12418à½à½ç·ç·àÌàÌ (Les apports de la «loi spéciale de lutte contre le terrorisme»), Hôritsu jihô \u27861\u27861-@\u26178éúïñúñ, n° 913, janv., 2002, p. 2

* 101 MIZUSHIMA Asaho \u27700\u27700ê...«‡\u12539E \u26397\u26397'(c)ïä\u12539E, op. cit., p. 2

* 102 Asahi shinbun, 15 septembre 2001

* 103 MIZUSHIMA Asaho \u27700\u27700ê...«‡\u12539E \u26397\u26397'(c)ïä\u12539E, op. cit., p. 1

* 104 OKAMOTO Yukio \u23713\u23713%o-{{ \u-30644\u-30644çsïvv, op. cit. , Asahi shinbun, 18 septembre 2001

* 105 Rapport rédigé par Richard Armitage et Joseph Nye et publié par l'Institut d'études stratégiques nationales de l'Université de défense nationale

* * Site de l'Ambassade du Japon en France : http:// www.fr.emb-japan.go.jp. - Traduction française des points essentiels de la Loi spéciale de lutte contre le terrorisme - adresse : http:// www.fr.emb-japan.go.jp/politique_e/2001/01-0079-projet.html

* * Cet article n'a pas été traduit dans la version délivrée par l'Ambassade du Japon sur son site.

* ** Cette disposition n'a pas été traduite dans la version délivrée par l'Ambassade du Japon sur son site.






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