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Boccace et son ombre : du préhumanisme à la désillusion

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par Guillaume SELLI
Institut d'Etudes Politiques d'Aix-en-Provence - Diplôme de l'IEP d'Aix-en-Provence 2006
  

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3) Dernières certitudes

Boccace n'a pas été poète toute sa vie : ayant compris qu'il n'avait pas le talent de Pétrarque, il a préféré alors les ouvrages d'érudition en langue latine. En revanche son goût pour la poésie lui ne s'est jamais démenti : il n'en créé plus, mais il traduit, il commente, recopie. L'amour de la poésie, intrinsèquement lié à l'amour des femmes dans la jeunesse de l'écrivain, va même remplacer celui-ci une fois Boccace arrivé au seuil de la vieillesse. Si Boccace ne garde pas la même conception des lettres et de la poésie du début jusqu'à la fin, il défend cependant jusqu'au bout les vertus de cet art.

Une autre constante chez Boccace est sa profonde admiration pour l'Antiquité. Là aussi le rapport qu'il entretient avec cette période change quelque peu au fil des évolutions de son esprit, mais notre écrivain demeure fondamentalement fasciné par cette époque si grande par son histoire et sa littérature et encore assez exotique pour l'époque.

Enfin un des mérites majeurs de Boccace aura été d'avoir largement contribué à certaines formes de vulgarisation de la culture. Ayant presque toujours eu le souci de partager son savoir avec le plus de personnes possibles, même lorsqu'il écrit en latin, Boccace nous manifeste par là toute la confiance et la bienveillance qu'il accorde à l'homme, qu'il soit cultivé ou non.

a) Amour permanent des lettres et de la poésie

Dans sa jeunesse, les lettres et particulièrement la poésie sont avant tout pour Boccace un moyen privilégié d'expression des sentiments amoureux, d'où le lien étroit unissant amour et littérature chez Boccace, au point que ce sentiment jugé si noble est présent dans toutes ses oeuvres de fictions. La poésie favorise l'amour mais peut aussi consoler les âmes en peine ou en mal d'amour. Il est notable que Fiammetta, le Décaméron et le Corbaccio ont été écrits pour apaiser un ou des chagrins d'amours pour les deux premiers, et se libérer de l'amour pour le troisième ouvrage. Pas seulement dans le Décaméron, poésie et littérature ont chez Boccace une fonction galehautienne : écrit à la demande de Fiammetta, le Filocolo s'adresse directement à elle et joue donc lui

aussi un rôle d'intermédiaire. Dans Fiammetta et le Corbaccio, les deux protagonistes sont tombés amoureux d'autant plus facilement qu'ils ne demandaient qu'à vivre une de ces histoires d'amour passionnel qu'ils ont lues dans les poèmes antiques ou courtois.

Suite à la visite du chartreux, Boccace change sa conception des lettres et de la poésie. Il n'y a pas renoncé mais conscient de leur caractère ambivalent, il va tout faire désormais pour leur assigner une fonction morale. Exit la fonction galehautienne : le Corbaccio se veut édifiant, mettant en garde quiconque de tomber si facilement comme le clerc dans les pièges de l'amour. Boccace avertit dès le début qu'il n'écrit que pour qu'«e utilità e consolazione delle anime di coloro li quali per avventura ciò leggeranno, e altro no1». Boccace éprouve plus que jamais le besoin de se justifier de son amour pour les lettres, et ajoute deux livres consacrés exclusivement à cette justification dans la Genealogia deorum, les livres XIV et XV. «Il me faut prendre les armes», écrit-il. A l'époque une partie de l'Eglise est déchaînée contre l'humanisme et Boccace doit multiplier les professions de foi catholique. Il y affirme que la littérature est la plus haute dignité spirituelle, de par le désintéressement qu'elle nécessite et parce qu'elle est tournée toute entière vers l'enrichissement de l'esprit. La dignité de la littérature serait en quelque sorte de ne servir à rien, à la différence de matières comme le droit : «les choses les moins utiles sont parfois précieuses2. Boccace se rappelle avec émotion les injonctions de son père qui voulait le mettre au commerce, puis au croit canon : rien n'y a fait, sa nature était toute entière vouée aux lettres.

Il est curieux de voir un poète qui n'écrit plus que quelques sonnets, un romancier qui n'écrit plus de romans défendre le droit de créer contre les censeurs de l'Eglise. Boccace n'est en ce temps-là plus qu'un écrivain qui se contente de parler de littérature : cela ne fait que montrer plus clairement que sur cette question-là il est resté le même. Et la dernière composition de sa main sera sur un des sujets des plus précieux pour lui, dotée d'une forme tout aussi précieuse : un sonnet sur la mort de Pétrarque.

1 P.205 : l'oeuvre ne doit pas avoir d'autres buts qu'à caractère moral.

2 Citations extraites de J. Luchaire, op. cit.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci