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Dualité du marché du travail, état social et sécurité économique en Tunisie


par Mokhtar ABIDI
Université Paris 13 - Master 2 Economie et Finance Internationales 2006
  

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SECTION 3 : LE SYSTÈME TUNISIEN DE PROTECTION SOCIALE

3.1- Système de protection sociale en Tunisie : les rouages

Ce système s'articule autour de deux grands volets : le premier concerne les régimes légaux de la sécurité sociale qui prend de plus en plus d'importance et qui couvre actuellement 83% de la population occupée et plus des deux tiers de la population active (Chaabane, 2003). Le second volet concerne les programmes de promotion sociale qui s`adressent à ceux qui ne bénéficient pas de la sécurité sociale.

a. Régimes légaux de sécurité sociale

Les régimes légaux de sécurité sociale couvrent actuellement la majeure partie de la population active occupée. Ils s'appliquent aux catégories socioprofessionnelles suivantes :

ü Les agents du secteur public qu'ils soient employés par l'Etat, les collectivités locales ou les établissements publics.

ü Les salariés du secteur privé non agricole régis par le code de travail : il s'agit des salariés de l'industrie, du commerce, des services, des professions libérales et des associations ainsi que les catégories assimilées aux salariés tels que les coopérateurs ou les représentants du commerce.

ü Les salariés du secteur agricole exception faite de ceux employés moins de 45 jours par trimestre chez le même employeur.

ü Les travailleurs non salariés du secteur agricole et non agricole : la notion est très large et couvre toute personne qui travaille pour son propre compte. Elle va du chef d'entreprise au petit vendeur, du médecin libéral à l'artisan.

ü Les étudiants : auxquels s'applique un régime particulier leur permettant, en contrepartie d'une cotisation symbolique, de bénéficier des prestations de soin de santé et des prestations de santé et des prestations familiales pour ceux d'entre eux qui ont des enfants.

ü Les travailleurs tunisiens à l'étranger exerçant une activité à l'étranger et qui ne sont pas couverts en matière de sécurité sociale, ni dans le cadre d'une convention de sécurité sociale ni d'un régime particulier. l'adhésion à ce régime, contrairement aux autres régimes précités reste facultative et couvre les soins de santé reçus en Tunisie ainsi que la branche assurance invalidité, vieillesse et décès.

Il faut signaler, par ailleurs, que le bénéfice des droits au titre de ces régimes est ouvert, outre à l'assuré lui-même, au conjoint et aux enfants à charge (pour ce qui est des pensions de survie, des indemnités en cas de décès et des soins de santé) ainsi qu'aux ascendants à condition qu'ils ne soient pas couverts par un autre régime de sécurité sociale et qu'ils soient à la charge effective du salarié.

La notion d'enfant à charge couvre les enfants mineurs (jusqu'à l'âge de 20 ans), les enfants qui poursuivent des études supérieures (jusqu'à 25 ans) ainsi que les enfants handicapés et les filles pour autant qu'elles n'aient pas de revenus propres ou qu'elles ne soient pas mariés indépendamment de leur âge.

· Cadre administratif

L'administration du système tunisien de sécurité sociale est essentiellement publique. Deux caisses placées sous tutelle de l'Etat assurent la gestion des régimes légaux de sécurité sociale : la Caisse Nationale de Retraite et de Prévoyance Sociale (CNRPS) pour le secteur public et la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) pour le secteur privé.

L'intervention du secteur privé (assurances et mutuelles) demeure, en dépit des encouragements fiscaux, très limitée et se traduit par une gestion, à titre complémentaire et facultatif, d'une couverture en matière de soins de santé.

· Champ matériel d'application

Il y a lieu de distinguer entre deux catégories de branches : premièrement, les branches qu'on retrouve dans tous les régimes, à savoir : la branche assurance maladie, maternité qui comporte des prestations en espèces (indemnités de maladie et de maternité) et des prestations en nature (octroi des soins de santé). Deuxièmement, la branche assurance à partie limitée, qui recouvre des prestations familiales de divers types, des prestations supplémentaires et l'allocation décès.

Il est important de noter que les prestations offertes par ces différents régimes obéissent en règle générale au principe de correspondance entre le niveau et la durée de cotisations versées et le niveau des prestations. Toutefois, ce principe connaît des exceptions liées à la volonté de préserver une solidarité entre les assurés.

b. Les programmes de promotion et d'assistance sociale

Ce sont des programmes essentiellement administrés par l'Etat ainsi que par le cadre associatif. Ils se traduisent, dans le cadre de l'action de l'Etat, notamment par :

Un programme d'aide aux familles nécessiteuses : qui vise les familles vivant au dessous du seuil de pauvreté.

Un programme analogue vise les personnes âgées et les handicapés dans le besoin.

Assistance médicale gratuite s'adressant aux groupes défavorisés de la population non couverte par un régime de sécurité sociale (personnes âgées sans soutien, chômeurs, travailleurs agricoles saisonniers ...).

Le secteur associatif, de son côté, prend de plus en plus d'importance dans la promotion et la gestion des programmes d'assistance sociale. Il intervient dans des domaines aussi divers que la distribution d'aide aux nécessiteux, la protection des personnes âgées, la prise en charge de malades à revenus modestes obligés de se déplacer pour recevoir des soins spécialisés, la formation et la rééducation des handicapés.

Plus généralement, la mise en place de régimes de sécurité sociale est certes un élément essentiel de l'extension de la protection sociale, mais peut demeurer inopérante si les personnes visées n'adhèrent pas à ces régimes (ou n'y cotisent pas) d'où l'importance d'évaluer la couverture réelle des catégories de la population concernée par les régimes de sécurité sociale.

3.2- Le degré d'affiliation aux régimes de protection sociale

Sur ce plan, les résultats enregistrés par la Tunisie restent mitigés. Si des performances ont été réalisées au niveau du secteur protégé, les résultats, dans d'autres secteurs, sont restés en deçà de ce qui est attendu.

a. Couverture sociale dans le secteur organisé

Les deux régimes de sécurité sociale régissant le secteur organisé à savoir ceux du secteur public et du secteur privé non agricole, ont enregistré les meilleurs résultats en matière de couverture sociale. En effet, la quasi-totalité des agents du secteur public, y compris les contractuels, les occasionnels et les détachés, sont réellement inscrits dans le régime qui leur est applicable. De même, d'après la CNSS, le taux de couverture dans le régime des salariés du secteur privé non agricole a atteint 97% en 1999 alors qu'il n'était que de 73% en 1989.

De telles performances sont dues à une série de facteurs, notamment l'évolution des mentalités des citoyens quant aux risques des maladies ainsi q'aux campagnes de sensibilisation dans les médias et sur le milieu de travail.

Ceci étant pour les mesures incitatives, la coercition consiste à la mise en place au sein de la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale (CNSS) de deux systèmes de contrôle : les contrôles sur place (sur le lieu de travail) et les contrôles comptables (pour les grandes entreprises) afin de déceler les sous déclarations ainsi que les fraudes. Il est d'autant plus opérant que la législation en vigueur prévoit de lourdes sanctions financières contre les employeurs en infraction.

b. La couverture dans les autres secteurs

En dépit des progrès réalisés ces dernières années, les résultats enregistrées au niveau des secteurs autres que le secteur organisé restent mitigées. En effet, seulement 51% des travailleurs indépendants dans le secteur non agricole concernés par la législation de sécurité sociale, sont réellement affiliés en 1999 après avoir été 15% en 1989. Pour les travailleurs indépendants dans le secteur agricole, le taux de couverture a passé de 14% en 1989 à 56% en 1999.

Pour les salariés agricoles, ce taux a passé de 21% en 1989 à 47% en 1999 mais avec un taux très bas pour les salariés chez les petits agriculteurs (21%) et les pêcheurs employés sur des petits bateaux (31%).

Pour améliorer le taux de couverture, des mesures ont été prises tout au long de ces dernières années avec plus ou moins de succès. Ces mesures ont permis l'octroi de pensions de retraite aux personnes dépassant un certain âge (50 ou 55 ans) au bout d'un nombre réduit d'années de cotisation (à partir de deux ans pour les plus âgés) ; ceci a généré une affiliation massive des personnes proches de l'âge de retraite sans pour autant de suivie de ce mouvement de la part des plus jeunes.

Il est important de noter que le recours aux procédures de contrôle et d'affiliation forcée trouve ses limites dans la dispersion géographique des populations concernées par les régions rendant toute opération de contrôle systématique coûteuse et aux résultats incertains. Par ailleurs, une opération de contrôle systématique peut avoir un impact négatif et renforcer, chez les intéressés, le sentiment que l'affiliation à la sécurité sociale s'apparente beaucoup plus à une collecte forcée d'impôt qu'à un mécanisme de sécurité sociale.

L'extension de la protection sociale, notamment dans le cadre de la sécurité sociale, constitue une composante déterminante de la sécurité économique des personnes car elle permet de satisfaire, dans la dignité, leurs besoins essentiels et d'éviter leur retour à la pauvreté. Certes nécessaire, la mise en place d'un cadre législatif doit être complétée par des conditions pour que la protection soit effective. Ceci exige un effort d'adaptation aux réalités de la société qui permet une avancée de la protection sociale.

Un autre aspect mérité aussi d'être mentionné, c'est celui de la viabilité financière des régimes de sécurité sociale, actuels ou à instituer. Les ressources nécessaires au financement de ces régimes, à moyen et long terme doivent être identifiées dès le début, sinon on risquerait d'avoir, au bout de quelques années, des régimes qu'il est difficile de soutenir.

Très alarmante comme réalité, surtout avec les tendances de l'évolution de la population tunisienne. En effet, la projection de la population de la Tunisie à l'horizon 2030 montre que la tranche d'âge, 60 ans et plus, va doubler entre l'an 2000 et l'an 2030 en passant de 8% à 16% de la population totale (tableau annexe 1). Ceci est dû, entre autres, à l'amélioration des conditions de vie en Tunisie qui expliquent l'augmentation de l'espérance de vie, mais aussi à la politique de limitation des naissances. En effet, la tranche d'âge [0 - 4 ans] va nettement diminuer entre 2000 et 2030 selon les projection de l'Institut National de la Statistique (INS) en passant de près de 10% à 6%.

Dans un contexte de vieillissement de la population tunisienne, comment se pose la question de soutenabilité financière du système légal de pensions basé sur le principe de répartition ?

3.3- Quel avenir du système de sécurité sociale tunisien

L'augmentation du taux de dépendance des personnes âgées, en Tunisie, dans les quelques décennies à venir pourra sérieusement mettre en péril un système de retraite fonctionnant par répartition pure. En effet, dans un tel système, la population active affiliée du moment finance, par les cotisations prélevées (et/ou par l'impôt), les prestations versées à la population pensionnée du même moment. Les générations à venir devraient à leur tour, toutes choses égales par ailleurs, financer les pensions de la population active d'aujourd'hui.

En plus de l'influence des facteurs démographiques sur système de protection social tunisien, ce dernier peut aussi être affecté par d'autres éléments tel que l'intégration de la femme au marché de travail (Houssi, 2005). Du point de vue du régime de retraite, le nombre accru de femmes mariées ayant un emploi améliore à court terme le budget du système. En effet, les femmes cotisent sur leurs revenus au lieu d'être seulement assurées par le biais de leurs maries affiliés. Ces dernières vont par conséquent bénéficier d'une pension au lieu de dépendre de celle de leurs maris en devenant veuves et en recevant uniquement une pension de survivant à laquelle elles n'ont pas contribué. Ainsi, l'emploi de plus en plus élevé des femmes observé sera certainement bénéfique actuellement pour le régime de retraite de la Tunisie. Néanmoins, il ne faut pas négliger le fait qu'à long terme, cela se traduira par une hausse de la proportion des personnes pensionnées.

Donc concernant les dépenses de pensions en corrélation positive avec le vieillissement de la population, si le nombre de pensionnés augmente plus que proportionnellement à celui des personnes actives, il va y avoir automatiquement des difficultés de financement des régimes de retraite. L'étude faite par (Houssi, 2005), en termes de rapport démographique13(*) se veut pertinente. Car, en raison du vieillissement de la population, ce rapport diminuera inévitablement, ce qui, toutes choses égales par ailleurs, entraînera soit une hausse dans les taux de cotisation pour équilibrer le système financier de pensions, soit une baisse dans les taux de remplacement, se traduisant par des systèmes moins généreux.

Mais il ne faut pas oublier que les facteurs démographiques ne sont pas les seules variables qui affectent l'équilibre des régimes de retraite. D'autres facteurs jouent également un rôle important, par exemple l'élargissement du champ de couverture du système en question (comme c'est le cas pour certaines catégories du secteur informel), l'amélioration des prestations, la formule d'indexation des pensions, etc.

Se basant sur une projection jusqu'à l'horizon 2050 de la population totale de la Tunisie afin de simuler les populations active occupée et pensionnée, l'étude de Houssi (2005) montre que les régimes de pension en Tunisie subiront une très forte hausse dans la population des personnes nécessitant le versement de pensions et plus précisément les personnes retraitées.

Le passage d'une vision absolue (chaque cohorte14(*) à part) à une vision plus relativiste (simulation du rapport démographique) éclairera beaucoup plus les choses. Ainsi, cette dernière montre qu'à la fin de la période de la projection et pour le cas de la CNRPS, il y aura moins d'une personne et demie pour financer les prestations d'une personne pensionnée. A la CNSS, la situation est à peine meilleure avec un rapport démographique de 1,66. Ce qui va se répercuter négativement sur l'équilibre financier des deux caisses.

Ce résultat confirme le risque sérieux et imminent de déséquilibre financier des régimes de retraite tunisiens qui est susceptible de menacer la viabilité même des systèmes actuels. Certaines réformes envisageables sont très largement critiquées. En effet, la proposition d'une hausse dans les taux de cotisation ou celle d'un allongement de l'âge de départ à la retraite, sont difficiles à mettre en oeuvre pour résoudre le problème du déséquilibre financier. D'une part, un accroissement des taux de cotisation pouvant équilibrer les recettes et les dépenses des caisses donnera lieu à un taux très élevé atteignant un niveau inconcevable et impossible à imposer (Houssi, 2003). D'autre part, l'allongement de l'âge de départ à la retraite entraînera la fixation d'un âge très élevé difficile à instaurer et impliquant des distorsions au niveau du marché de travail.

De plus et selon une étude faite par Vittas (1993) sur le régime des pensions dans le secteur privé et plus spécialement celui des salariés non agricoles montre que ce régime souffre d'un manque à gagner au niveau des recettes. Ceci est essentiellement dû aux trois problèmes suivants : la sous déclaration des salariés, la sous affiliation des travailleurs au régime et le sous recouvrement (problème des trois « sous »)15(*) qui forment des sources de manque à gagner au niveaux des recettes de cotisation.

Quant à la sous déclaration des salariés, elle consiste en une optimisation, de la part des salariés, du montant des prestations à percevoir avec celui des cotisation versées, ce qui amène les personnes ayant des salaires relativement élevés à ne pas les déclarer en totalité.

La sous-affiliation est induite par une adhésion insuffisante des travailleurs opérant surtout dans les secteurs informels de l'économie.

Le troisième facteur est lié au sous recouvrement au sein même du régime de sécurité sociale, dû à l'affiliation de certains assurés sociaux sans que le régime ne perçoive des cotisations de leur part ce qui se traduit par une augmentation des dépenses de la caisse sans qu'il y ait de compensation au niveau des recettes. Cette logique traduit la volonté des autorités tunisiennes d'étendre la couverture sociale à toutes les catégories de la population active de manière à les protéger contre les risques inhérents à la nature humaine susceptibles d'affecter les conditions matérielles et morales de leur existence, d'où le qualificatif des caisses tunisiennes de protection sociale de « généreuses ».

* 13 C'est-à-dire le nombre de pensionnés en pourcentage de l'effectif des personnes actives affiliées au régime.

* 14 Chaque génération découpée par âge et par sexe est appelée « cohorte ».

* 15 Houssi, C., Proposition d'une réforme de pension pour la Tunisie : Le cas de la RSNA

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo