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Lutte contre l'excision au Burkina Faso: l'expérience du plan intégré de communication de radio Vénégré

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par Pagnidemsom Nestor BOULOU
Université de Ouagadougou - Maîtrise ès sciences de l'information et de la communication Option: Communication pour le développement 2007
  

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1.2.2 La réticence sur la négativité de l'excision

D'une manière apparente, les populations sensibilisées sur les effets néfastes de l'excision semblent quelques fois réticentes quant à l'appropriation des messages véhiculés par les organisations qui luttent contre cette pratique. L'illustration de cette réticence réside dans le fait que dans toutes les provinces du Burkina Faso, elle prévaut toujours même si elle est pratiquée en cachette. Cette situation s'explique par le fait qu'il y a un déphasage entre elles et ces organisations sur la réalité conceptuelle de l'excision dû au manque d'une approche participative imputable aux organisations de lutte.

En effet, loin d'être considérée comme une pratique néfaste, l'excision est plutôt perçue comme un symbole de la maturité de la femme. Elle exprime la propreté, la féminité de la femme dans les sociétés où elle est pratiquée. « Chez nous, on ne considère pas l'excision comme quelque chose de mauvais. Une femme non excisée est considérée comme sale, immature et incapable de tenir un foyer et c'est pourquoi, à notre époque, cette femme ne pouvait avoir un mari 89(*)». Cela est d'autant vrai que dans certaines sociétés, la femme non excisée est l'objet de la risée publique.

La réticence vient aussi du fait que la pratique de l'excision est d'une origine multi séculaire et qui a résisté au temps. « Nous sommes nés quand l'excision se pratiquait déjà, nous l'avons vécu à notre tour et jamais nous avons eu des difficultés pour accoucher à part les douleurs normales du travail. Moi qui vous parle, j'ai onze enfants 90(*)». L'argument de la mort brandi par les organisations de lutte contre la pratique de l'excision ne convainc pas ceux qui la pratiquent car pour eux, la mort est liée à la volonté de Dieu d'où l'expression populaire « c'est Dieu qui a donné, c'est Dieu qui a repris ».

Il est difficile de faire comprendre aux populations que l'excision a effectivement des effets néfastes si leur vision de cette pratique n'est pas prise en compte dans la conception des messages de sensibilisation à travers une démarche participative. « Tout le monde est unanime pour reconnaître aujourd'hui que le développement ne saurait se réaliser sans une prise de conscience vigoureuse de ceux qu'il concerne et sans leur participation en vue d'un développement endogène, c'est-à-dire conçu de l'intérieur91(*) ». Cette exigence de la communication pour le développement est capitale dans l'atteinte des objectifs d'un programme de développement ou d'une campagne de sensibilisation.

« Sauvons la vie de nos filles ; donnons leur la chance de s'épanouir dans leur foyer en bannissant à jamais l'excision », tel est le slogan de l'une des campagnes que nous avons déjà évoqué plus haut. C'est un slogan conçu pour la forme, de l'extérieur sans aucune consultation ou considération des concernés. « Nous concevons les slogans et messages que nous proposons aux agents techniques de l'UNICEF et du CNLPE chargés de suivre la mise oeuvre du PIC » témoigne monsieur SAWADOGO Jean Baptiste, directeur de la radio Vénégré. La relation pédagogique est, dans ce cas, distante et elle ne favorise pas une relation cohérente en ce sens que la partie émettrice s'enferme sur son thème, son message92(*). Elle est dans une sorte de monologue car son cadre de référence est différent de celui du groupe cible93(*).

Pourtant, la participation active des populations est désormais reconnue comme une condition essentielle au processus de développement.  Aujourd'hui, l'humain est au centre du développement qui n'est donc plus dirigé vers les bénéficiaires mais résulte plutôt de leur engagement et de leur effort.94(*)

Pour une bonne prise de conscience des populations, il aurait fallu que le message ait un lien avec leurs réalités afin qu'elles s'y retrouvent. Dès lors, la question n'est plus de concevoir et de diffuser des messages, mais bien plus de veiller à l'adéquation de leurs conditions de réceptivité, soutient Monsieur Yao AHADE95(*). Il s'agit, par exemple, de chercher à savoir au préalable, surtout du côté des femmes, si elles n'ont jamais rencontré une difficulté liée à l'excision soit pendant l'opération, soit après avoir été excisée. La réponse à cette question peut s'obtenir auprès des exciseuses, auprès des mères qui assistent les femmes pendant l'accouchement au village ou au niveau des femmes excisées tout simplement.

Si la démarche est menée avec diplomatie, il est possible qu'elles acceptent de témoigner qu'elles ont déjà été confrontées à un problème lié à l'excision. En ce moment, la conception du message de sensibilisation peut partir de là et l'avantage ici, c'est que ceux à qui le messages est destiné sont mis devant les faits car ils auraient eux-mêmes vécu un problème lié à l'excision.

Certes, ce n'est pas parce qu'il y a eu déjà un problème lié à l'excision d'une personne que ceux qui la pratiquent vont tout de suite conclure que cette pratique est dangereuse pour la femme. Cependant, la prise en compte de leurs expériences en plus de l'exposition d'autres faits vécus ailleurs peut augmenter le degré de conviction que porte le message. C'est pourquoi, formulant des recommandations pour la campagne contre l'excision en Guinée, les auteurs d'une enquête sont arrivés à la conclusion suivante : « Pour mieux comprendre comment intervenir, nous devrions faire une étude qui comprend des observations de l'excision et des rapports d'évènements malheureux qui viennent de se passer. De telles informations pourront nous aider à savoir comment nous adresser aux populations 96(*)».

* 89 Entretien réalisé le 19 Août 2005 avec le chef de village de Wavussé

* 90 Entretien réalisé 19 août 2005 avec une vieille dame à Wavussé

* 91 SAMB Moustapha, 2003, Médias, décentralisation et langues locales : les voix d'une nouvelle citoyenneté, média@ctions n°33, janvier-mars 2003, -p10 à 17

* 92 Extrait du cours de CPD de 2ème année dispensé par le professeur Serge Théophile BALIMA

* 93 Idem

* 94- Programme d'Appui aux Communications Sociales, la communication pour le développement, brochure, Ouagadougou, 2000.

* 95 Yao AHADE, Concept de persuadeur de village ou Du N'ku, informateur, éducateur clé en Afrique, 1988

* 96 P. Stanley YODER, Ousmane CAMARA, Baba SOUMAORO, L'excision et la socialisation des adolescents en Guinée, 1999, p38

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus