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Enjeux de la Grande Distribution Helvétique : « Analyse socio-économique et stratégique de l'évolution des acteurs de la grande distribution alimentaire en Suisse »

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par Nicolas Mueller & Dominique Tinguely
Université de Genève, faculté des Sciences Economiques et Sociales - Baccalauréat Universitaire en Gestion d?Entreprise 2007
  

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La stratégie anglaise de Migros et de Coop

Comme nous venons de l'expliquer, Migros et Coop ont su anticiper l'arrivée des hard discounters en créant leur propre ligne de bas prix permanents. Migros a de plus réussi un grand coup en rachetant le seul discounter suisse existant, Denner. Avec sa ligne M-Budget et ses succursales Denner, Migros a de beaux atouts à jouer pour lutter contre l'arrivée des discounters allemands. En effet, rien n'empêche Migros de « hard-discountiser » les succursales Denner d'après les conditions requises par la Comco35(*). En faisant ainsi passer Denner du soft-discount au hard-discount, ils auraient un concurrent direct d'Aldi et Lidl, de plus bien positionné, car bon nombre de Denner sont actuellement situés dans ou à proximité de centres commerciaux Migros, tandis que les emplacements acquis par Aldi et Lidl seront la plupart du temps nettement moins favorables.

Cette stratégie d'anticipation n'a d'ailleurs pas été inventée par Migros ou par Coop. Les deux distributeurs ne font en fait que suivre le modèle anglais. Car le marché anglais est le marché européen qui a le mieux résisté à l'arrivée de Lidl et d'Aldi. Et ce, justement en créant des lignes bas prix avant l'arrivée des deux allemands et en lançant leurs propres chaînes hard discount. Cette stratégie a été couronnée de succès, car Aldi et Lidl ont bien pu s'implanter sur le marché anglais, mais ils n'ont cependant pas plus de 5% de part de marché36(*). Migros et Coop essayent donc d'adapter cette stratégie à la Suisse, une stratégie qui pourrait bien porter ses fruits.

Trouver des emplacements

Il faut aussi prendre en compte le fait qu'il existe un autre obstacle à franchir pour les discounters allemands : il s'agit de la difficulté pour trouver un emplacement en Suisse.

Il s'avère en effet que la recherche d'emplacements pose quelques problèmes à Aldi et Lidl. Les plans ambitieux qu'Aldi affichait en 2005 encore37(*) n'ont pas pu être tenus. L'entrée s'est bien faite, mais nettement plus lente qu'espérée. De son côté, Lidl a fermé il y a peu son bureau d'expansion de Lausanne ; ceci semble être un signe négatif quant à l'implantation rapide de Lidl en Suisse Romande. Aldi n'est pas le seul détaillant étranger à avoir été surpris par les spécificités helvétiques. Carrefour, qui pensait également s'installer et se développer facilement sur le territoire suisse a vu ses espoirs déçus et constaté qu'il devait abandonner ses plans initiaux. La faute revient donc à une grande difficulté pour trouver des emplacements. Ces difficultés résultent de plusieurs facteurs :

Les premiers facteurs sont les nombreuses possibilités juridiques pour empêcher ou du moins ralentir la construction de supermarchés38(*). La construction prévue d'un centre Ikea à Meyrin39(*) dans la banlieue genevoise montre à quel point l'opposition de la part de la population (ou du moins d'une certaine frange de la population) peut retarder une construction. Allant presque jusqu'à dissuader l'entreprise de s'installer et la faire opter plutôt pour la construction facilitée de l'autre coté de la frontière en France. Est-ce que Lidl aura les nerfs assez solides pour supporter ces contraintes ?

Car aux ralentissements juridiques s'ajoute un manque évident de volonté politique dans certaines communes dans lesquelles Lidl et Aldi désireraient s'installer. Ainsi l'installation sur leur sol des hard discounters allemands semble avant tout poser des problèmes aux communes gouvernées par un conseil administratif à majorité de gauche, comme le montre l'exemple de la commune bernoise de Bolligen. L'accusation des syndicats allemands, portée contre Lidl, lui reprochant d'exercer une « pression impitoyable » sur ses employés est parvenue aux oreilles des élus municipaux de gauche et en a refroidi d'aucuns40(*). D'autres communes craignent une augmentation trop forte du trafic routier et exigent une diminution du nombre de parkings de la part des hard discounters pour éviter d'attirer trop d'automobilistes, à l'image de la commune de Pfäffikon ZH41(*). Enfin, il paraît, que la pression qui serait éventuellement exercée par les deux hard discounters sur le commerce de détail local ne les rend pas attractifs aux yeux de certaines municipalités42(*).

En outre, il faut aussi tenir compte du fait que les nouveaux arrivés doivent faire face à un réseau déjà bien établi et très dense de supermarchés qui est en grande partie dans la main des deux grands que sont Migros et Coop. Il sera très difficile pour Aldi et Lidl de trouver des bons emplacements. Or, le choix de l'emplacement est bien entendu primordial dans la grande distribution, le supermarché devant être facilement atteignable par les clients. Migros et Coop sont remarquablement bien positionnés en matière de réseau, d'abord parce qu'ils ont un réseau historiquement construit et après parce qu'ils ont pu considérablement l'enrichir grâce aux rachats de ces dernières années. Les deux leaders ont donc par conséquent déjà occupé tous les bons emplacements. Si l'on observe d'ailleurs les emplacements des filiales Aldi déjà existantes en Suisse allemande, il n'y en a qu'une seule qui soit située au centre ville, il s'agit de celle de Bâle. En ce qui concerne les autres grandes villes suisses, les magasins Aldi se sont établis en banlieue et sont par conséquent avant tout accessibles en voiture. Cela montre bien la difficulté pour Aldi et Lidl de trouver des emplacements au centre ville où tout est déjà occupé par Migros, Coop et Denner. De plus, les exigences en terme d'uniformisation de la taille des magasins, est en autre obstacle important pour trouver des emplacements en ville43(*). Il faut tout de même un peu nuancer cela, car la tâche sera relativement plus facile pour les succursales se situant dans les petites villes du pays, où les emplacements sont plus près du centre, les distances moins grandes et où les gens acceptent plus facilement de se déplacer en voiture pour effectuer leurs achats. L'exemple type d'une telle succursale est celle d'Aldi à Viège en Valais.

Ce problème de localisation auquel sont confrontés les discounters allemands laisse planer un doute sur leur capacité à attirer les gens, du moins en ce qui concerne les grands centres urbains. Les distributeurs qui entrent sur un nouveau marché doivent en effet faire face à une certaine culture d'achats propre à chaque pays. Cette culture d'achats requiert en Suisse la proximité des magasins par rapport aux habitations, car les consommateurs ont une forte propension à faire leurs achats à pied ou par le moyen des transports publics (ceci surtout en Suisse alémanique)44(*). L'enjeu pour Aldi et Lidl sera par conséquent de convaincre les clients potentiels de prendre leur voiture pour faire leurs achats dans leurs succursales qui seront situées en banlieue. Avec leurs grands et vastes parkings, les discounters allemands offrent, il est vrai, une approche assez facile pour les voitures ; cependant, il reste incertain si cela suffira à faire changer les habitudes des habitants des villes. Toutefois, le fait que Denner ait déjà testé le concept, originalement créé par Aldi et Lidl, de magasins « sur le pré », avec l'ouverture de quelques succursales, démontre que les distributeurs suisses ont prévu une possible acceptation de ce type d'emplacement de la part de la clientèle45(*).

46(*)

* 35 WEKO. (3 septembre 2007). « Auflagen zum Zusammenschluss Migros/Denner. » Consulté le 5 octobre 2007 sur le site http://www.weko.admin.ch/publikationen/pressemitteilungen/00294/index.html?lang=de&PHPSESSID=130168dd4cd205a38bc01060d852910d

* 36 AWBI, A. (3 avril 2006). « UK supermarkets chase discount pound. » Consulté le 29 septembre 2007 sur le site http://www.foodanddrinkeurope.com/news/ng.asp?n=66812-lidl-asda-netto

* 37 Entretien du 13 septembre 2007 avec Nadia Thiongane, économiste à la Fédération Romande des Consommateurs (FRC)

* 38 HEER, G. (18 août 2004). « Deutsche bewegen Schweizer Markt. » HandelsZeitung du 18 août 2004

* 39 POYETTON, V. (20 février 2004). « Le PDC veut sauver les meubles... d'IKEA. » Le Courrier du 20 février 2004. Consulté le 7 octobre 2007 sur le site http://www.lecourrier.ch/index.php?name=NewsPaper&file=article&sid=3551

* 40 KOWALSKY, M. et GUENTERT, A. (12 octobre 2006). « Aldi lockt Schweiz aus der Konserve. » Facts du 12 octobre 2006

* 41 SCHLETTI, B. (28 janvier 2005). « In der Schweiz rollt Aldi das Feld von der Provinz her auf. » Tages-Anzeiger du 28 janvier 2005

* 42 KAEGI, M. (4 octobre 2006). « Aldis langer Atem. » SDA - Basisdienst Deutsch du 4 octobre 2006

* 43 SCHLETTI, B. (28 janvier 2005). « In der Schweiz rollt Aldi das Feld von der Provinz her auf. » Tages-Anzeiger du 28 janvier 2005

* 44 UVEK. (6 mars 2003). « Zu Fuss einkaufen: Das Gute liegt so nah. » Consulté le 7 octobre 2007 sur le site http://www.uvek.admin.ch/dokumentation/00474/00492/index.html?lang=de&msg-id=1467

* 45 HEER, G. (18 août 2004). « Deutsche bewegen Schweizer Markt. » HandelsZeitung du 18 août 2004

* 46 Extérieur d'un magasin Denner « sur le pré ». Téléchargé sur le site www.denner.ch

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