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Contribution de l'oralité à  l'étude des relations entre les pygmées Baka et les Bantous au sud-est du Cameroun ,des origines à  1960

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par Joseph Jules SINANG
université de yaoundé1, Cameroun - maà®trise 2004
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE YAOUNDE I

UNIVERSITY OF YAOUNDE I

FACULTE DES LETTRES DES ARTS, DES LETTRES

ET SCIENCES HUMAINES

FACULTY OF ARTS, LETTERS

AND SOCIAL SCIENCES

DEPARTEMENT D'HISTOIRE

HISTORY DEPARTEMENT

CONTRIBUTION DE L'ORALITE A L'ETUDE DES RELATIONS ENTRE LES PYGMMEES BAKA ET LES BANTOU AU SUD-EST CAMEROUN, DES ORIGINES A 1960.

Mémoire présenté et soutenu en vue de l'obtention du diplôme de maîtrise en histoire

Par


Joseph Jules SINANG

Licencié en Histoire

Sous la direction de :

Thierno Mouctar Bah

Professeur

Année académique 2004-2005.

INTRODUCTION GENERALE

Les sources orales ont depuis fort longtemps, acquis leur droit de cité dans l'historiographie. En Afrique, elles sont devenues un outil méthodologique privilégié de la production historienne depuis que le mythe du document écrit tant brandi par les tenants de l'histoire comme «connaissance du passé basé sur les écrits» s'est effondré .

Qu'il s'agisse du passé récent où les acteurs de plus en plus livrent leurs témoignages sous forme de «oral history»1(*), ou du passé lointain appréhendé sur la base des traditions ancestrales, la contribution de l'une ou l'autre catégorie de sources reste fort appréciable2(*).

Ainsi au Cameroun, la «oral history» a permis de reconstituer plusieurs épisodes de l'histoire politique, comblant ainsi la lacune due au difficile accès aux sources écrites3(*). Cette approche a permis de recueillir des témoignages dignes d'intérêt auprès de certaines personnalités soucieuses du devoir de mémoire4(*). C'est le cas de Sadou Daoudou5(*) qui, pendant près d'un quart de siècle, a présidé aux destinées des forces armées nationales, gérant des épisodes tumultueux comme celui de la rébellion armée ayant suivi l'indépendance ; où de Pierre Semengue6(*), officier militaire de la première heure, associé à toutes les opérations de maintien de la paix et de la sécurité ou encore de Woungly Massaga , l'une des figures du mouvement nationaliste camerounais 7(*).

Pour ce qui est des traditions orales, leur contribution dans l'historiographie camerounaise reste assez remarquable. Elles nous édifient de façon particulière sur la période précoloniale tant il est vrai que, la civilisation africaine est essentiellement une civilisation de parole, et l'histoire de ses sociétés se perçoit mieux de l'intérieur.

Plusieurs chercheurs au Cameroun, ont senti l'urgente nécessité de procéder à une collecte systématique des traditions historiques auprès des rares détenteurs que sont les vieillards. A cet égard, l'on peut se réjouir de l'oeuvre monumentale laissée par Eldrige Mohamadou qui, par une collecte méticuleuse des traditions historiques, nous a livré l'essentiel de la connaissance sur les lamidat du Nord-Cameroun , puisée sans répit à la bonne source . Il aura poussé sa perspicacité dans la partie méridionale ; ce qui nous a valu la publication d'un corpus sur les peuples du Centre et de l'Ouest8(*).

Dans la même mouvance, il est utile de mentionner l'opération de collecte des traditions orales du Mbam9(*), menée sous la houlette d'Emmanuel Ghomsi et de Thierno Mouctar Bah sous l'instigation de l'ex-ISH d'une part. D'autre part, les travaux de Martin Samuel Eno Belinga consacrés à la zone forestière à travers le genre épique du Mvet chez les Pahouin10(*), et des enquêtes d'un grand intérêt effectuées dans la partie littorale par Dika Akwa Nya Bonambela sur les peuples Sawa et apparentés.

Des efforts allant dans le même sens ont été entrepris au département d'histoire de l'université de Yaoundé I, où l'on note un réel essor avec la production de nombreuses thèses et mémoires sur la base des traditions orales. Cependant, le récit historique a été privilégié au détriment des autres formes d'expression. Or dans les sociétés africaines, il existe un éventail assez large de sources orales, dont la typologie varie d'une société à une autre en fonction des modes d'organisation socio-politique11(*).

Mieux encore, le récit historique présente d'énormes faiblesses que les «féticheurs de l'écriture»exploitent pour vilipender les sources orales qui , malgré leur place dans l'historiographie, demeurent néanmoins un sujet controversé12(*).

D'abord en tant qu'ensemble de données organisées, coordonnées et transmises par delà les générations, ce mode d'expression présente des versions stéréotypées, figées reflétant l'idéologie de sa société d'origine. A cet effet, l'histoire est mutilée ; les victoires et les qualités des héros sont glorifiées, leurs défauts passés sous silence, et les faibles oubliés , par l'effet d'une censure méthodiquement élaborée.

Ensuite, le récit historique ne permet pas de remonter aussi loin que possible dans le temps du fait de l'amnésie, surtout en Afrique centrale, caractérisée par l'absence de professionnels de l'oralité contrairement à l'Afrique occidentale, où le griot joue le rôle d'historiographe. D'où la nécessité de recourir à d'autres formes d'expression dont l'usage très courant et quelques fois mécanique, qui pourtant sont porteuses d'informations historiques.

Entre autres, les symboles tels les mythes, les rites et les masques tiennent une large place dans l'approche africaine de la société. Par leur atemporalité et leur dimension sociale, ils sont les moments de communion de la vie collective, et une manifestation de la conscience historique. Aussi permettent-ils de mieux saisir la pensée des peuples dans la mesure où l'une des réalités de la société négro-africaine reste l'imbrication du spirituel et du temporel.

A leurs côtés, nous avons des proverbes qui, sous une forme imagée et concise présentent le résumé de la vie. Plusieurs d'entre eux, ont trait à des situations historiques. Ils fournissent des indications sur les noms des héros, des notables ou des villages qui sont désormais connus des générations futures. Véhicule par excellence des systèmes de valeurs de la société, les proverbes sont riches d'enseignements. A cet égard, ils représentent la culture et font office d'école. Un homme cultivé est donc celui là qui maîtrise le plus de proverbes et qui lors d'une palabre, est capable d'opposer le proverbe le mieux approprié pour renforcer son opinion et obtenir l'adhésion de la communauté.

Les chansons restent l'une des formes d'expression couramment utilisées dans la société. Des cérémonies rituelles, aux réjouissances populaires en passant par l'invocation du courage ou la gestion du temps mort, le chant intervient toujours. Transmis entre les générations, il évoque des situations vécues qui sont dignes de mémoire ; un accent étant mis sur les qualités et les défauts. Ainsi le message magnifie les vertus et dénonce les vices . Le héros qui peut être un grand chasseur ou un guerrier courageux est glorifié, tandis que le paria tel l'épouse infidèle ou le paresseux est hué dans les mélodies 13(*).

De même, la toponymie au delà de ses attributs géographiques, constitue une source d'information historique de grande utilité. A cet effet, il est opportun d'évoquer particulièrement le rôle des lieux sacrés tels les forêt, les montagnes, et les cours d'eaux... à l'endroit desquels les hommes vouent déférence et humilité.

Dans le même registre, nous avons les ethnonymes et les patronymes. Les premiers désignent généralement des entités quelques fois formées par scissiparité ou par reconstitution d'ensembles, à la suite d'une situation singulière ayant en arrière plan un conflit, une alliance ou un malheur.

Les seconds sont également porteurs d'une grande charge historique. En tant que partie intégrante de l'homme, et non une simple étiquette, le nom définit l'essence même de l'individu. Certains patronymes ont trait aux circonstances particulières. A défaut de refléter la psychologie des parents au moment de la naissance de l'enfant, ils rendent compte de l'environnement social ou politique de cette époque. D'autres par contre sont donnés à la mémoire des héros dont on veut perpétuer le souvenir , ou des événements que l'on souhaite immortaliser .

Dans la même perspective, les noms de raillerie, les blagues entre groupes sont révélateurs de la nature des relations intercommunautaires ; il en est de même des rires ou des pleurs qui échappent à toute censure, ou encore des interdits alimentaires. L'historien à travers une bonne exploitation de ces données, peut filtrer les faits car, comme nous l'enseigne Joseph Ki-Zerbo,  «Tout est histoire pour l'historien avisé»14(*).

En tout état de cause, la tradition orale apparaît comme une grande école de vie. Elle recouvre divers aspects dont une utilisation croisée constitue un appareil critique efficace permettant de confirmer ou d'infirmer certains faits relatés par le récit. Elle donne aux sources orales toute leur crédibilité dans l'historiographie et constitue par conséquent une voie privilégiée dans la compréhension des relations inter et intra communautaires.

Aussi voulons-nous dans le cadre de la présente étude, et surtout dans une perspective diachronique, mettre la tradition orale à contribution dans l'analyse des rapports entre les Pygmées-Baka et les Bantou du Sud-Est qui, tous deux peuples de l'oralité, cohabitent depuis des siècles dans la grande forêt équatoriale du Sud-Cameroun, nonobstant le fait qu'ils appartiennent à des aires culturelles différentes.

I. Délimitation du sujet

Le sujet, tel que libellé, porte en lui ses propres repères. Le cadre géographique est le Sud-Est Cameroun. Il couvre une superficie d'environ 30.389 km² situé à l'extrême Sud de la province de l'Est aux confins des

Carte N°1: localisation de la zone d'étude

frontières du Cameroun, de la RCA, du Congo et du Gabon. Le déterminisme géographique a une emprise réelle ici sur l'histoire des populations. Cette zone basse altitude, fait partie d'un vaste espace de forêt dense humide à climat équatorial guinéen. Elle sert de cadre de vie à une faune abondante et variée qui

y a trouvé une retraite sûre. Ce climat est propice au développement des activités agricoles15(*).

Quant à la forêt, elle joue un rôle pluriel dans la vie des populations riveraines aussi bien dans les domaines de la pharmacopée, de l'alimentation, de la cosmogonie que du ravitaillement en matières-premières destinées à l'élaboration des cultures matérielles. En outre, elle constitue un refuge par excellence en période de guerre16(*).

Du point vue hydrographique, le Sud-Est appartient au basin du Congo. Il est drainé par un ensemble de cours d'eaux, dont la Ngoko, le Dja et la Boumba sont les plus importants. Avec son bassin versant de 76000 km², la Ngoko formée de la jonction du Dja et de la Boumba est une voie navigable qui par la Sangha, relie Moloundou à Brazzaville. Ces fleuves ont une incidence certaine sur la vie des populations en tant que source d' approvisionnement en produits halieutiques destinés à des usages divers. Dans la géopolitique de la région, ils sont apparus à la fois comme voie de communication et obstacle naturel.

Ici, ont essaimé diverses populations que l'on peut présenter en deux groupes distincts à savoir les Pygmées Baka et les Bantous (Grands Noirs) appartenant chacun à une aire culturelle bien précise.

Nos investigations, pour des raisons pratiques et en fonction de nos modestes moyens, ont porté essentiellement sur les Arrondissements de Yokadouma et Moloundou dans le Département de la Boumba et Ngoko. Cependant, ces limites ne sont pas rigides tant il est vrai que les populations concernées par la présente étude, occupent un site qui va au-delà des frontières administratives et nationales17(*).

Pour ce qui est des limites chronologiques, l'étude couvre les époques précoloniale et coloniale18(*); le choix de cette période charnière de l'histoire africaine, nous permet d'envisager l'analyse du phénomène d'après une dynamique interne et sous l'action des forces exogènes.

II. Orientation de la problématique

L'analyse de l'évolution des rapports entre les Pygmées Baka et les Bantou du Sud-Est sur la base des sources orales reste le principal centre d'intérêt de notre étude. Ces rapports peuvent être conflictuels ou pacifiques, donnant ainsi lieu à des processus de structuration ou de restructuration sous l'action des forces de plusieurs natures.

Dès lors, notre préoccupation est de savoir si nous pouvons examiner et appréhender la nature des rapports entre ces deux populations à partir d'une exploitation variée des données de l'oralité. Autrement dit, est-il possible de comprendre l'évolution des rapports entre les Baka et Bantou tout en prenant appui sur les expressions et les cérémonies culturelles courantes ? Mieux encore, quelles sont les expressions et les pratiques habituelles qui rappellent le passé commun de ces deux populations ? Pour trouver des éléments de réponse, il nous semble important d'examiner le passé conjoint de ces deux peuples, depuis leur rencontre, jusqu'à la fin de la colonisation française. Cette épreuve nous impose l'examen de la rencontre de leurs deux cultures. Il importe à cet effet de savoir si le contact entre les cultures Baka et Bantou a donné lieu à une interpénétration, à une assimilation ou à une absorption de la culture de l'un par l'autre. On en vient alors à se demander si l'insertion des Baka dans l'univers Bantou les a aliénés ou enrichis ?

Ce questionnement nous plonge dans l'étude de la dynamique du changement social dans une perspective diachronique tout en mettant en exergue, le rôle des outils de collecte et d'analyse que sont les sources orales.

III. Méthodologie et présentation critique des sources

Bien que notre travail soit essentiellement axé sur la tradition orale, il n'élude pour autant pas les autres types de sources.

Ainsi, dans le cadre de l'exploitation des documents écrits, notre souci dans un premier temps, a été de nous imprégner de la littérature à caractère ethnographique et historique consacrée aux populations concernées .

Outre les ouvrages classiques traitant des Pygmées, l'Inventaire ethnique du Sud-Cameroun de Dugast19(*) et l'Atlas régional du Sud-Est20(*) de Barall et Franqueville consacrent plusieurs pages aux Bantou. Ces travaux issus de la collecte des traditions orales, contiennent plusieurs affirmations erronées sur le processus migratoire . Ces erreurs, ont malheureusement été reproduites par Samson Ango Mengue dans sa thèse de Doctorat21(*) . De plus, l'aspect des relations entre populations fait figure de parent pauvre.

Toutefois cette lacune est en partie comblée par des monographies consacrées respectivement aux Mpyemo,22(*) Bangando23(*), Mpo'oh24(*) et Mpouomam25(*). Ces études ethno-historiques réalisées elles aussi, sur la base des traditions orales, nous livrent d'utiles informations sur l'organisation socio-politique des populations étudiées ; elles abordent de façon superficielle la question des rapports entre groupes ethniques. Malheureusement, la faible place accordée aux Baka fait de leur histoire une appendice de celle de leurs voisins. Ceci se traduit par le fait que ces travaux sont l'oeuvre des fils du terroir qui s'activent chacun à faire connaître son ethnie d'origine ; d'où la propension chez ces derniers à vouloir sublimer le passé des leurs, et la tendance à mutiler l'histoire des autres groupes26(*).

Avec le dessein de rendre plus objectivement compte de la nature de l'évolution des rapports entre les différents groupes, nous utilisons les sources orales dans leur diversité en vue de confronter les données. Ces traditions que nous exploitons, ont été recueillies aussi bien dans les villages mixtes, dans les campements de lisière que dans ceux de forêt.

Nous avons procédé au préalable à une pré-enquête à base d'un questionnaire guide. Nous avons pour ce faire bénéficié de la collaboration des élèves des lycées de Yokadouma et Moloundou en vue de déterminer des villages cibles. Par la suite, nous avons organisé des opérations de collecte des traditions dans les villages retenus , en cinq séjours de dix jours chacun, en plus des descentes inopinées dans les villages périphériques de Yokadouma.

Nos enquêtes ont porté sur les mythes d'origine, les migrations, les guerres d'antan, la diplomatie, l'organisation socio-culturelle, les activités économiques de l'époque précoloniale. Ensuite, nous nous sommes intéressés aux modalités de la pénétration européenne, aux résistances, à l'exploitation et la mise en valeur du territoire, aux relations avec les administrations coloniales, au contact avec les religions judéo-chrétiennes, aux deux guerres mondiales et à la décolonisation. Nous avons bénéficié de l'appui de Rita Rossi, une volontaire italienne vivant auprès des Baka depuis trente- huit ans , de Mossadikou Eugène Raphaël un instituteur retraité et ancien parlementaire, et de Mediké John Albert, agent de l'Etat en retraite qui, depuis des années ont entrepris de collecter les traditions historiques des populations de la région.

Au terme de l'analyse et du traitement des données, le matériel recueilli s'est ordonné autour de deux parties correspondant chacune à un aspect de la question. La première a trait à la dimension humaine. Elle traite de l'origine des peuples, et aborde la question de la spécificité culturelle de chaque groupe en vue de mieux cerner l'identité des forces en présence. La deuxième quant à elle analyse les relations entre les deux communautés d'abord pendant la période précoloniale qui, le mieux, rend compte de l'identité et de la personnalité de l'Afrique ; nous avons par la suite embrayé sur l'époque de l'occupation européenne, eu égard au poids de la colonisation sur les structures socio-politiques africaines.

Bien des difficultés et d'écueils ont jalonné la présente étude ; d'où la survivance de quelques zones d'ombre. D'abord le problème de communication aura constitué un handicap sérieux ; la traduction de nos interprètes altérant l'authenticité des informations. Ensuite notre qualité d'étranger dans le milieu, a créé beaucoup de confusions de la part des populations qui, nous prenant pour un agent de développement, étaient plus prompts à nous exposer leurs doléances qu'à répondre à nos questions. Enfin, nos moyens financiers et matériels très limités, ne nous ont pas permis de couvrir toute la zone.

IV. Précisions terminologiques

L'une des difficultés dans l'étude de l'histoire africaine réside dans la terminologie. Plusieurs noms de personnes ou de lieux ont été déformés par les Colons. Comme conséquence, nous avons la variation de l'orthographe d'un même nom d'un document à l'autre. Ainsi, Les Mpouompo'oh sont appelés Mvong Vong ou Bonbon , le terme Gounabembé ou Kounabembé utilisé en lieu et place de Kounabeemb , Dzimu pour Zimé ; les appellations Mbimou ou Mbimo pour désigner les Mpyémo , Bomam pour Mpouomam , Bakwélé à la place de Bekwel et Yokadouma pour Zokadouma. Le but de l'histoire étant de restituer le passé dans son authenticité, nous avons tenu à utiliser les termes dans leur version originale afin de mieux saisir leur signification réelle eu égard à la place des toponymes, des patronymes et des ethnonymes dans l'historiographie africaine.

PREMIERE PARTIE : DIMENSION HUMAINE

L'examen des données humaines du Sud-Est Cameroun vise à présenter les différents groupes ethniques de cette région. Pour ce faire, l'étude des migrations et la mise en place du peuplement fait l'objet du premier chapitre. Par la suite, nous abordons la question de la spécificité culturelle de chaque entité afin de pouvoir identifier des différentes caractéristiques de chaque groupe.

CHAPITRE I : MIGRATIONS ET PEUPLEMENT DU SUD-EST

L'étude des migrations du Sud-Est nous permet d'aborder la question des origines des différents peuples. Les origines, comme le souligne Marc Bloch, sont dignes d'étude avant toute chose1(*). Ainsi, de par les particularités linguistique, anthropologique et anthropomorphique, nous distinguons les Pygmées et les« Grands Noirs» qui pour les commodités d'étude2(*), sont désignés par le terme Bantou.

I. Les Bantou

Les études traitant de la genèse et de la dispersion des peuples Bantou ont donné lieu à une littérature abondante traduisant ainsi la complexité de la question. Cette complexité est surtout liée à la prolifération des cas. La tâche n'est pas moins ardue en ce qui concerne le Sud-Est camerounais, région peuplée par une mosaïque d'ethnies aux traditions contradictoires, se rattachant toutes à cette famille linguistique. L'exercice devient par la suite une véritable gageure lorsqu'il s'agit de trouver un nom générique à cet ensemble. Néanmoins, des données concordantes issues des traditions orales et appuyées par la linguistique permettent de distinguer les Mpo'oh et leurs apparentées, des Ngombé.

A. Les Mpo'oh

En dépit des lacunes dues à l'absence d'études systématiques et approfondies consacrées à ces populations, le point de vue élaboré ici résulte de la synthèse des traditions orales allant dans le même sens que certains documents écrits qui, de façon insidieuse, ont abordé les groupes concernés3(*). Commençons par identifier les Mpo'oh.

1. Qui sont les Mpo'oh ?

Le terme Mpo'oh désigne un ensemble de populations aux origines historiques communes et présentant une certaine parenté linguistique . Dugast, dans son ouvrage Inventaire ethnique duSud-Cameroun, fait remarquer que «la carte linguistique de Tessmann rapproche les dialectes Mezime, Essel, Kounabeemb et Mpouomam de la langue commune à tout le groupe Kozime [...] l'administrateur Leger en rapproche aussi la langue des Mpoumpo'oh»4(*).

Il s'agit à cet effet d'un ensemble de populations localisées aux confins du Cameroun, du Congo, de la R.C.A. et du Gabon , dont voici l'inventaire dressé par Robineau .

Sur le haut Djah, les Ndjem, les Zimé, les Badjoué qui forment les Kozimé ; à l'Est à la frontière Cameroun-R.C.A., les Mpiémo, les Bidjouki, les Nkounabeemb, les Mpoumpo'oh, les Mezimé, les Bangantou et les Mpoukol ; au Sud, sur le Djah-Ngoko, les Dja-ako, les Essel et les Bekwel5(*).

De ce qui précède, il ressort que les Mpo'oh sont constitués de toutes les ethnies formant le groupe souvent désigné incorrectement par le terme Djem-Kozime . Cette appellation, reste parcellaire si l'on s'en tient à la filiation que les traditions anciennes établissent entre ces populations. Aussi peut-on lire chez Innocent Edjondj Mempouth ce qui suit :

Au niveau des origines historiques, toutes les traditions Mpo'oh affirment la fraternité de ces différentes tribus. Elles descendent en effet d'un même ancêtre reconnu sous le nom de Mpo'oh. Cet homme a engendré trois fils : Ebemb, Zime et Mpo'oh II. Ils seront respectivement fondateurs de trois principales branches Mpo'oh. Plus précisément, Ebemb sera le fondateur de la branche Nkounabeemb,Zimé le fondateur de la branche Kozime alors que Mpo'oh sera l'ancêtre de la branche Mpoumpo'oh6(*).

Nous avons pu nous convaincre de ces propos au cours de nos investigations dans les cantons Mpoumpo'oh et Nkounabeemb7(*). Les mêmes traditions leur attribuent une origine géographique commune qu'elles situent d'ailleurs dans la cuvette du Congo présentée comme le point de départ de leur migration.

2. La migration du groupe Mpo'oh

Les Mpo'oh fixent leur berceau dans la cuvette congolaise plus précisément dans la zone comprise entre le môle Batéké et celui des marécages forestiers de la Sangha8(*). Ces données remettent au goût du jour l'hypothèse des origines congolaises des Bantou que notre intention ici n'est pas de remuer. Toutefois, il est judicieux de considérer cette région comme un centre de dispersion de certains Bantous, du moins en ce qui concerne les Mpo'oh dont la migration fait partie du grand ébranlement que Hubert Deschamps considère comme l'arrière- garde de la migration des Douala vers la mer9(*).

Carte 2 :carte migratoire du sud Est

C'est précisément au XVIIe siècle qu'ils quittent la cuvette congolaise. Ils choisissent la direction Nord-Ouest en remontant le cours des fleuves qui drainent la région les uns suivant l'axe Ngoko-Djah-Boumba, et la Sangha pour les autres. L'orientation adoptée correspond à la région forestière du Sud-Est Cameroun.

L'axe de l'Ouest les a conduits jusqu'au plateau sud-camerounais, aux environs de Mbalmayo où ils ont rencontré la migration Beti de direction Nord-Sud. Les Pahouin dans leur exode fuyaient les tribus islamisées du Nord qui, montées sur les chevaux, avaient amorcé une descente vers l'Ouest1(*)0. Les Mpo'oh contraints de rebrousser chemin, rencontrèrent leurs frères Mpyémo et Bidjouki qui avaient choisi de remonter le cours de la Sangha. Ceux-ci à leur tour s'étaient butés à la migration Gombe (Baya, Bangando, Yanghéré) en provenance de l'Oubangui. Ensemble, ils décidèrent de se fixer sur les bords de la Bangué. A la suite de ces pérégrinations, les Mpo'oh ont connu de profondes dislocations suite à des querelles internes au point où chaque branche s'est trouvée un espace1(*)1.

a. La branche Mpoumpo'oh

Les Mpoumpo'oh communément appelés Mvonvong sont les descendants de Mpo'oh II, l'un des trois fils de l'ancêtre fondateur Mpo'oh. Leur légende enseigne qu'ils viennent de la région congolaise qu'ils ont quittée suite à un malheur.

A en croire Moussa Mouagound1(*)2, un énorme serpent plongé dans l'eau avait l'habitude de sortir sa tête et de laisser sa bouche grandement ouverte. Les enfants du village qui, dans le cadre de leurs jeux venaient s'y jeter, étaient consommés sans autre forme de procès. Les anciens ayant consulté les oracles au sujet de cette mystérieuse disparition de leur progéniture en furent édifiés. Aussi décidèrent-ils d'en découdre avec le reptile anthropophage. Pour ce faire, d'énormes pierres furent chauffées et introduites dans la bouche de leur ravisseur lors de sa suivante apparition,  jusqu'à ce que mort s'en suivît. Ne pouvant par la suite supporter les odeurs nauséabondes du reptile en putréfaction, ils décidèrent de traverser la Sangha. Une migration de direction Nord fut engagée. Ayant choisi de remonter le cours de la Ngoko, ils se retrouvèrent aux environs de Lomié où ils furent refoulés par leurs cousins Zimé. Contraints de replier, ils décidèrent de s'installer dans la forêt au Sud-Est. De nos jours, leurs villages s'échelonnent sur deux directions au départ de Yokadouma. D'une part, sur quatre vingt kilomètres de direction Est-Ouest sur la piste qui relie Yokadouma à Lomié et d'autre part sur trente kilomètres de direction Nord-Sud sur l'axe Yokadouma-Moloundou.

Les Mpoumpo'oh ont connu des leaders charismatiques réputés dans l'art de la guerre au rang desquels Zokadouma dont le chef -lieu du département de la Boumba et Ngoko porte le nom1(*)3. Ils ont pour voisins dans la partie Sud, les Kozime.

b. La branche Kozime

D'après les traditions, les Kozime sont les cousins des Mpoumpo'oh ; Zime le frère de Mpo'oh aurait engendré trois fils à savoir Ndjem, Ndjue et Zime qui sont les fondateurs des tribus Njem, Badjue et Zime. Ces derniers fixent également leurs origines dans la cuvette congolaise, dans la région occupée par les Bangala dans le Likouala1(*)4.

Leur migration, sans doute en direction de la mer, les a conduits au plateau sud-camerounais où ils ont été refoulés par les Pahouins, notamment les Bulu qui les ont tenu en captivité pendant longtemps. De ce contact, ils ont acquis l'utilisation de l'arme à feu qui fut le principal atout de leur suprématie faisant d'eux de redoutables guerriers inquiétant tous les autres groupes parmi lesquels les Nkounabeemb1(*)5.

c. La branche Nkounabeemb

La tribu Nkoubabemb constitue la troisième principale branche du groupe Mpo'oh. Elle aussi tire son nom de celui de son ancêtre fondateur Ebem fils de Mpo'oh. Les traditions orales unanimes font état de liens de parentés très étroits entre Kounabeemb et Mpoumpo'oh. De toutes les campagnes guerrières, ils ont toujours combattu en coalition en raison des alliances militaires contractées. La séparation entre les deux groupes serait intervenue au terme d'une bataille contre les Zime .Les Kounabemb, sous la conduite de leur chef Nkath auraient choisi de se fixer sur les rives de la Boumba où ils ont fondé le village Daa Nkath (village de Nkath) aujourd'hui appelé Ngato Ancien1(*)6.

Les villages Kounabeemb se situent à la suite des villages Mpoumpo'oh. Ils s'égrènent sur deux routes à partir de Ngato Nouveau. D'une part sur cinquante kilomètres de direction Nord-Sud sur la route de Moloundou et sur cent dix kilomètres de direction Est-Ouest d'autre part.

Certains Nkounabeemb, de guerre lasses, s'étaient détachés du noyau central. Ayant franchi la Boumba, ils sont allés s'installer dans l'extrême Sud, dans l'île de Ndongo, dans l'arrondissement de Moloundou. De la même façon, plusieurs autres clans Mpo'oh détachés du noyau central ont adopté un ethnonyme différent de celui de leur branche d'origine. C'est le cas des tribus Bangatou et Mezime qui sont deux clans Mpoumpo'oh séparés de l'ensemble à la suite d'une dispute inter-clanique. Ils sont basés à Mbang, localité située dans le département de la Kadey. Ils continuent malgré tout à rattacher leurs traditions au groupe Mpoumpo'oh.

Les Mpouomam et les Mpoukol sont également issus de la branche Mpoumpo'oh. Les Mpouomam encore appelés Bomam sont les descendants de Mam soeur de Mpo'oh II, gardienne de tous les pouvoirs et fétiches. C'était une véritable «grande royale» dont le point de vue était indiscutable. Elle pouvait décider de la guerre ou de la paix. Elle était si influente que tout le clan s'identifiait à elle1(*)7. Les Mpouomam se trouvent sur la route de Moloundou dans les villages Mikel et Ngola Cent Vingt ainsi que dans le village Mbol douze sur la route de Lomié. C'est un groupe qui a perdu sa langue d'origine1(*)8. Quant aux Mpoukol, ils sont les proches cousins du groupe Mpoumpo'oh restés dans les savanes centrafricaines.

Aux côtés de ces populations, vivent d'autres ethnies qui n'ont aucune filiation directe avec les Mpo'oh. Cependant, elles situent leurs origines dans la cuvette congolaise et parlent des langues apparentées à celles de l'ensemble du groupe. Il s'agit des Mpyemo, des Bidjouki, des Essel, des Bekwel et des Djako'o qui sont considérés comme des apparentés au groupe Mpo'oh.

B. Les apparentés

1. Les Mpyemo et les Bidjouki

Les ethnonymes Mpyemo et Bidjouki désignent deux tribus issues d'un ancêtre commun Mpyemo. D'après les traditions orales, celui-ci serait le géniteur de cinq fils à savoir Bidjouki, Mpiakombo, Ndontsalng, Mpyemo II et Bikouna. Partis du Congo pour des raisons jusqu'ici mal connues, ils ont entrepris de remonter la Sangha dont la traversée s'est effectuée au moyen d'une grosse liane reliant les deux berges1(*)9.  Mbo alo'o, tel fut le nom de ce pont surnaturel dont la traversée a tourné au cauchemar suite à une mauvaise manoeuvre d'un inconsciant Le mouvement de panique qui s'en suivit fut à l'origine à l'origine de la dislocation du groupe. Ainsi plusieurs d'entre eux restés de part et d'autre du fleuve se sont fixés sur les rives. Ils sont désignés dans la région de Moloundou par l'expression Sanga Sanga  qui signifie, «les gens de l'eau», car ils habitent les bancs de sable2(*)0.

Le gros de l'effectif qui avait déjà traversé s'est retrouvé dans les forêts centrafricaines, plus précisément dans la région de Nola où il s'est buté à la migration Ngombe d'Est-Ouest. La route de progression étant barrée, ils avaient décidé de se fixer sur les rives de la haute Sangha où fut fondé leur premier grand village, Bibambo2(*)1.

Cependant, une partie des Mpyémo avait été entraînée par la vague Baya de la migration Ngombe. Ceux-là vivent intercalés entre les Baya et les Bobilis sur la route Belabo-Bertoua, et sont connus sous le nom Pol. Les Mpyemo que nous avons rencontrés reconnaissent que les Pol sont leurs frères qui les ont quittés pendant la migration2(*)2. Ils ont conservé leur langue qui offre des rapprochements avec celle des Mpyemo et des Bidjouki. Voilà qui apporte un faisceau de lumière au sujet de l'incertitude de leurs origines , tel que relevée par Barral et Franquevilles qui, dans l'Atlas régional du Sud-Est, s'interrogeaient sur la présence des Pol au côté des Baya et des Bobilis qui leur sont étrangers2(*)3.

Le groupe a connu par la suite une autre scission au niveau de Bibambo. Les clans Mpyemo et Bidjouki se sont rabattus vers l'Est. A la suite de la délimitation coloniale, une partie des Mpyemo et des Bidjouki appartient au Cameroun tandis que la majorité associée au Mpiakombo, Bikoua et Ndjont se retrouvent sur les territoires centrafricain et congolais . D'où le caractère transnational de ces populations que d'aucuns qualifient à tort de centrafricains2(*)4.

De nos jours, les villages Mpyemo et Bidjouki s'échelonnent sur deux routes principales correspondant à ces deux clans. Le canton Mpyemo est constitué des villages qui s'égrènent dans la direction sud-nord sur l'axe Yokadouma-Gari Gombo sur une distance de trente six kilomètres. Ils sont pour cela appelés Ndjassoua c'est-à-dire ceux qui vivent en amont, par opposition à leurs frères Bidjouki du Sud2(*)5, dont les villages sur une cinquantaine de kilomètres, se situent sur l'itinéraire Yokadouma-Mboy débouchent sur Nola en R.C.A.

A l'époque pré-coloniale, les clans Mpyemo et Bidjouki étaient organisés en principautés dont Gribi et Mparo étaient respectivement les capitales2(*)6.

Une minorité des Mpyemo est aussi présente dans l'arrondissement de Moloundou dans les villages Tembe, Mompi et Metegoma Tsinomorent distants de quelques kilomètres les uns des autres. Il s'agirait des hordes de chasseurs qui auraient bénéficié des largesses des autochtones. Ceux ci auraient perdu un des leurs au cours d'une battue. Il fut inhumé sur place par les soins des autochtones. Par reconnaissance à cette sollicitude, ils décidèrent de s'y installer définitivement. Le toponyme Metegoma Tsinomorent qui signifie «la terre ne renie personne», illustre à merveille cette situation.

Outre ces populations transfrontalières, nous avons comme autres apparentés, les Bekwel et les Essel.

2. Les Bekwel et les Essel

Les Bekwel couramment appelés Bakwele sont localisés dans l'arrondissement de Moloundou. Le vocable est un terme commun qui désigne un ensemble de populations disséminées de part et d'autre de la Ngoko dont les Essel constituent le groupe le plus important ; le terme même signifie «les abatteurs».

Les traditions orales situent leurs origines dans la cuvette congolaise à partir de laquelle ils ont entrepris une migration qui les a conduits au Sud, dans les environs de Sangmelima. Repoussés par les Fang, ils ont remonté le cours du Dja. Une scission intervenue à ce niveau a vu une partie du clan Essel être absorbée par l'ethnie Bulu ; ceux là sont appelés Esselé. L'autre frange, sous la conduite des Pygmées Baka, a pénétré les forêts du Sud-Est en fondant au passage, le village Mintom sur la route de Moloundou2(*)7.

Les Bekwel occupent le territoire à cheval entre le Cameroun, le Congo et le Gabon limité par les rivières Dja, Ngoko, Mambele et Djouah . Dans le Sud-Est, on les retrouve uniquement dans la région de Moloundou en cohabitation avec les Bangando, l'une des composantes du groupe Ngombe.

C. Les Ngombe

Le vocable Ngombe est un nom général désignant un ensemble de populations de la province de l'Est qui, au au-delà de la parenté linguistique qu'elles présentent, situent leurs origines communes dans la région du Haut Nil. Il s'agit des Baya, Yanguere, Kako et surtout des Bangando qui sont concernés par la présente étude.

1. L'origine Bangando 

Les Bagando, d'après leur légende, situent leur origine dans la région du Haut Nil, au bord de l'océan indien qu'ils appellent Bâle A Punju2(*)8. Ils habiteraient une contrée appelée Manu, terme qui signifie, la «terre rouge»2(*)9. Cette expression, de nos jours, apparaît encore dans les chansons utilisées par les vieux lors des cérémonies d'initiation à l'instar de la circoncision3(*)0. D'après nos informateurs, les Bangando faisaient partie d'un vaste ensemble appelé Ngombe. Les sources écrites étayent de façon suffisante cette origine nilotique et établissent la filiation entre les groupes sus-mentionnés. Hubert Deschamps, africaniste de renom, écrit à cet effet qu'  «au XIVe siècle le cours supérieur du Bahr El Gazal nilotique était peuplé d'une ethnie encore plus nombreuse et prospère à laquelle les arabes avaient donné le nom de Kreih mais les appelaient tantôt Kpalla tantôt Gbaya »3(*)1. Or les traditions orales rattachent les Gbaya et les Bangando au même noyau. On ne peut donc pas être surpris par les similitudes relevées entre ces groupes des points de vue onomastique, linguistique, toponymique et culturel.

Ainsi, les noms Yele (buffle), Follo (éléphant) deviennent respectivement Yere, Foro chez les Gbaya et Yangere. De même, les clans Boyelle, Bofollo dont les totems sont les animaux sus-cités existent chez les Bangando et les Gbaya. L'eau est appelée Li ou Ri et la terre Nu3(*)2.

Burham dans une étude ethnolinguistique réalisée en 1981, relève 15 % du vocabulaire commun aux Bangando (Moloundou) et les Gbaya Yaoayouwe (Meiganga), 48 % de mots apparentés et 25 % du vocabulaire différent3(*)3.

Sur le plan culturel, le rite Dio que l'on retrouve chez les Bangando se pratique de la même façon que l'Edio des Bokare3(*)4. Autant d'éléments qui donnent raison au vieux Doka Joseph resté attaché à la tradition. Aussi aime t-il seriner: «Mon grand-père me disait que les Bokare, les Ngombe et les Bangando formaient une même famille. Ces ethnies se sont séparées des autres au cours de la migration»3(*)5

2. La migration des Bangando

Nous venons de situer le berceau des Bangando dans la vallée du Nil. D'après leurs traditions orales, ils auraient quitté cette région suite à des invasions arabes. En effet, les guerriers arabes montés sur les chevaux «Yenga»et fortement armés de flèches et de lances capturaient des esclaves devant servir de main-d'oeuvre, pour la construction de leur pays, en honneur au Pharaon3(*)6. Ces invasions arabes sont connues sous l'appellation «Bilo-Pegne» ; ce qui signifie «guerre des albinos»3(*)7.

Les Ngombe incapables de résister à leurs assauts, ont pris la route de l'Ouest et se sont installés au bord du désert du Sahara où ils ont fondé le village Mpaka ngonda, ce qui signifie : «à l'orée du désert». Ils ont à nouveau été délogés ici par les mêmes arabes qui poursuivaient leur rapt. Leur fuite les a conduits en Afrique centrale jusqu'aux forêts oubanguiennes au XVIIe siècle où ils ont fait la connaissance des Pygmées. Ceux-ci leur ont servi de guides, et les ont ravitaillés en pitance constituée de miel, d'ignames, de viande, de fruits et termites comestibles3(*)8. Leur nombre ne cessait de diminuer au fur et à mesure qu'ils avançaient. Ils inventèrent donc les totems (nga) pour conjurer le malheur3(*)9.

Arrivés à la confluence Bumbé I - Kadey, ils furent confrontés à ce double obstacle. Alors s'exclamèrent-ils «te toa kagde, te toa mbumbe » ce qui signifie «on ne peut passer, car nous sommes bloqués». Les incrédules optèrent pour la résignation et décidèrent de se fixer dans la région de Gamboula en R.C.A. quelques-uns, un peu plus téméraires, se dirigèrent vers le Sud et décidèrent de s'installer dans la région de Kentzou ; il s'agit des Gbaya et des Yangere. La troisième frange, pour invoquer le courage et probablement une action salvatrice des ancêtres, entonna la chanson suivante : «a msouba mbumbe mbassomo mba mba» dont voici la traduction «plongeons dans l'eau et nageons». Le geste fut joint à la parole. Etant donné qu'ils avaient franchi le fleuve par la nage, ils décidèrent dès lors d'être des «Bengando», c'est-à-dire «les caïmans». Telle est l'origine de l'ethnonyme Bangando qui est une métaphore adoptée dans les savanes centrafricaines en souvenir de la traversée miraculeuse des fleuves Bumbe I et Kadey. Ainsi est intervenue la désintégration des Ngombe. De nos jours, on les retrouve à Berberati, Carno et Bouar en R.C.A. et au Cameroun à Meiganga, Bétaré Oya, Bertoua (Gbaya), à Batouri (Yanguere), à Moloundou (Bangando)4(*)0. Comment sont-ils arrivés dans cette dernière localité ?

3. Implantation dans la région de Moloundou

Une fois la Kadey traversée, les Bangando se sont retrouvés dans la forêt du Sud-Est heurtant au passage les tribus Mpo'oh. Ils prirent le dessus sur ces dernières tout en se frayant un passage. Les traditions en pays Mpo'oh font encore état de ces différents affrontements. A ce sujet, voici le témoignage d'un patriarche Mpouompo'oh : «mon père me disait souvent que les Bangando sont passés par la Boumba. Lors de leur passage, ils se sont heurtés à nous et aux Zime»4(*)1. Ce souvenir est resté indélébile dans la région de Mbang par la présence de l'ethnie Bangantou . A partir de la région de Kentzou , les Bangando avaient pénétré la forêt de Mbang au Sud-Ouest de Batouri où ils sont entrés en conflit avec les Djie Kouola Djock4(*)2, un clan Mpoumpo'oh s'étant détaché de la branche principale4(*)3. La région, au terme de cette bataille, fut appelée Bangantou en mémoire de la victoire des Bangando. C'est cet ethnonyme que les Allemands ont donné à l'ensemble des populations de la région qui elle, a été rebaptisée Djepel4(*)4.

Cet ethnonyme est source de confusion entre les Bangantou de Mbang et les Bangando de Moloundou qui sont deux ethnies aux origines géographiques et historiques différentes. Les premiers originaires de la cuvette du Congo, se rattachent à l'ancêtre Mpo'oh ; les seconds, sont issus de l'ensemble Ngombe de source nilotique. Sur le plan linguistique, la langue bangando appartient au groupe oubanguien de la famille Adamaoua-Oubangui et la langue bangantou est bantoïde de la famille Bénoué-Congo selon la classification de Greenberg et Guthrie. Barral et Franqueville ont eu à confondre les mouvements migratoires de ces deux ethnies, induisant ainsi plusieurs auteurs tels Samsom Ango Mengue en erreur4(*)5.

La randonnée des Bangando s'est par la suite poursuivie au large du fleuve Boumba sous la conduite des Pygmées ; la traversée s'est effectuée dans des circonstances une fois de plus mystérieuses4(*)6. L'épisode de cette traversée est souvent évoquée dans une chanson populaire exécutée lors des grandes cérémonies en ces termes : «Mo shuba Mbumbé mo shubaka» ce qui signifie «on avait traversé la Boumba à pied». On se rend compte que chaque traversée du fleuve par les Bangando est toujours entourée du merveilleux et du mystère comme chez la plupart des tribus de la zone forestière. Ce qui pose le problème du mythe dans la dynamique historique étant donné que celui-ci n'intervient que dans les situations troubles.

Une fois le fleuve franchi, les Bangando ont fait face aux Bongali, aux Linou et aux Bakoto qu'ils ont repoussés au-delà de la Ngoko, en territoire congolais4(*)7. C'est ici qu'ils ont fondé leurs premiers villages dont la toponymie est révélatrice du climat social délétère qui prévalait. Ils avaient pour noms : Kongongo qui signifie le calme, certainement ce dont ils avaient le plus besoin ; Djokot, le bout de la branche pour témoigner le danger qu'ils encouraient ; Ngokot, sur la branche vraisemblablement pour traduire l'insécurité à laquelle ils étaient exposée ; Mossanga-Nu, dans la vallée, sûrement qu'il s'agissait d'un site refuge ; Nyamana qui signifie errer, à coup sûr pour exprimer qu'ils étaient à la recherche d'une terre d'accueil,   et enfin Salapoumbé la cité fortifiée, qui tenait lieu de capitale.

Salapoumbé dont l'appellation exacte est Salaboumbé signifie la traversée de la Boumba. C'est un toponyme qui a été retenu en souvenir de la mythique traversée de ce cours d'eau. Le village en question était un remarquable ouvrage à caractère défensif, témoin par excellence de la poliorcétique en pays Bangando. Il était bâti au sommet d'une colline de 505 mètres d'altitude environ4(*)8. On y accédait à travers des haies constamment gardées par des sentinelles. Les voies étaient piégées par des lianes épineuses sur lesquelles étaient suspendues des cloches qui sonnaient l'alerte dès lors qu'elles étaient touchées. C'est du sommet que les guerriers faisaient dévaler de grosses pierres suspendues à une ficelle

Carte 3 : répartition ethnique de la Boumba et Ngoko

lâchée dès qu'on était informé de la présence des ennemis à travers le système d'alerte.

Cette configuration avait joué à leur faveur au cours de la guerre de Salaboumbé dite «guerre de polopoto» intervenue à la fin du XIXe siècle. Les Zimé, animés par des velléités expansionnistes, n'avaient pas vu d'un bon oeil la présence des Bangando au bord de la Boumba4(*)9. Aussi décidèrent-ils de les réduire. Ils entreprirent de grimper la colline munis de leurs armes à feu afin de les retrouver au sommet. Une fois le système d'alerte déclenché, les Bangando firent dévaler les pierres sous forme de gouttes de pluie d'où l'expression «guerre de polopoto». Les femmes ravitaillèrent les guerriers en pierres. Dans le camp Zimé, ce fut la débandade, les morts se comptant par centaines. Les Bangando crièrent victoire en entonnant la chanson suivante, demeurée populaire jusqu'à nos jours : «O Ndji mo, mokolongo, Ndjimo dango gbolekide», ce qui signifie «Les Zimé ont été incapables d'atteindre les sommets de la colline, ils ont été vaincus». Cette victoire avait amené la sérénité dans leur rang. Ils pouvaient envisager une cohabitation sereine avec plusieurs autres populations dont les Pygmées Baka avec lesquels la rencontre s'est déroulée depuis les forêts centrafricaines.

I. L'ethnogenèse des Pygmées

L'existence des Pygmées a été attestée au XIXe siècle grâce à l'explorateur allemand Georg Schweinfurth qui en 1870, apporta de précieuses informations les concernant5(*)0. Dès lors, ils ont été l'objet d'une controverse au sujet de leur identité humaine. Ils sont restés tout un mystère qui s'est éclairci par la suite, non sans avoir donné lieu à des spéculations diverses.

A. Le mythe Pygmée

Une ironie de l'histoire a voulu que les Pygmées soient célébrés comme une curiosité du fait de leur caractère extraordinaire et de leur apparence physique. Ce qui justifie l'intérêt prononcé de plusieurs chercheurs qui voulaient savoir si les Pygmées sont des hommes. A cet effet, le point de vue de leurs voisins Bantou, rapporté par les pygmologues de la première heure, leur dénie de façon formelle la plénitude de l'humanité. Le R.P. Trilles le rapporte en ces termes :

Les Noirs qui entourent les Pygmées les refoulent et les traquent sans pitié [...] pour les Bantous, le Pygmée est à peine supérieur au singe. C'est une bête puante que chacun a le droit de prendre, d'asservir, de tuer selon son bon plaisir. C'est un enfant de singe, ce n'est pas un homme5(*)1.

Bien qu' étant exagérés, ces propos illustrent fort bien le complexe de supériorité entretenu par les Bantou à l'endroit de leurs voisins Pygmées.

Pour ce qui est des chercheurs européens, les Pygmées constituaient un champ de prédilection de leur science. Le R.P. Schebesta, pygmologue de renom écrit à cet effet que : «les Pygmées font aujourd'hui partie des populations de la terre à propos desquels on a fait le plus des recherches»5(*)2. Aussi poursuit t-il:

si la science de l'homme s'est tant intéressée au problème des Pygmées, surtout au début de ce siècle, c'est que l'on croyait trouver en eux, dans l'histoire de l'évolution humaine, la strate originelle, l'humanité primitive5(*)3.

Le Pygmée était ainsi au centre des débats sur l'évolution humaine tant sur le plan racial que culturel. Désormais, le problème Pygmée était né, problème que Seitz a présenté en ces termes : «Les Pygmées sont-ils les représentants d'une `race primitive' ou l'exemple de la  `dégénérescence' d'une race ? Sont-ils les représentants d'une  `protoculture' ou la preuve de  `l' appauvrissement'  d'une culture ? »5(*)4. Plusieurs postulats furent avancés.

Pour les uns, le Pygmée était l'ancêtre de l'homme actuel, les reliques préhistoriques. D'autres par contre n' y voyaient qu'une variété de l'espèce humaine bloquée à un stade de développement inférieur en raison des conditions difficiles de son milieu de vie.

Le Pygmée, écrit Philipppart de Foh, étaient de tous les mythes, de toutes les modes scientifiques5(*)5. A présent, cherchons à comprendre l'idée que le Pygmée se fait de sa personne.

Un jour, rapporte le Père Trilles, un Blanc s'adressait à un Pygmée en ces termes :

Tu es le frère d'un gorille, un de ses descendants [...] comme lui, tu grimpes sur des arbres, tu y fais ta maison, tu portes ton petit sur le dos, tu manges les fruits de la forêt, tu couches au besoin par terre, tu es noir, nu, et velu comme lui. Où est la différence ? Tu n'es qu'un singe qui parle5(*)6.

Le Pygmée se tut un moment puis se contenta d'allumer le feu en frottant deux bâtonnets l'un contre l'autre. «Voilà pourquoi, dit-il au Blanc, je ne suis pas un singe. Le singe n'allume pas le feu, ne prie pas, ne le fera jamais»5(*)7. Le Pygmée, à travers cette anecdote, avait ainsi affirmé son humanité en faisant prévaloir ses capacités intellectuelles et son ethos ; deux dimensions qui, selon lui, sont liées à son ontologie humaine. Le Pygmée a conscience de son humanité comme le suggère si bien l'étymologie de son nom.

B. L'ethnonyme Pygmée Baka

Le terme pygmée est un pseudonyme universel que les Grecs ont donné aux hommes de petite taille. Il signifie nabot ou nain. Homère fut le premier à l'utiliser au IVe siècle avant J.C. dans les récits de la guerre de Troie5(*)8. Toutefois, il convient de relever que les anciens Grecs ne connaissaient les Pygmées d'Afrique que des traits légendaires. Ce sont les Egyptiens anciens qui les premiers firent leur connaissance. C'est ce qui ressort des aventures d'Irkhouf, chef de guerre du Pharaon Pepi II qui ramena au souverain les captifs de guerre parmi lesquels un nain du «pays des esprits» et des «arbres» qui fut un grand danseur de la cour5(*)9. D'après le nom qu'ils se donnaient, les Egyptiens les nommaient Aka ; c'est cette inscription que l'on retrouve en hiéroglyphe sur une pyramide en dessous d'un nain agenouillé devant le Pharaon, figure de sa nation vaincue6(*)0.

Ce nom revient dans les écrits du chercheur allemand Schweifuth, auteur de leur redécouverte au XIXe siècle. Dans son ouvrage intitulé Au coeur de l'Afrique, il les présente au chapitre VII sous le nom Aka qu'ils portent dans cette région6(*)1. C'est également par ce même nom qu'ils se désignent dans leurs légendes les plus anciennes, leurs chants, leurs incantations6(*)2. Les Pygmées depuis les origines se désignaient eux-mêmes par le nom d'Aka qui signifie en égyptien «les hommes» ; ils se reconnaissent donc comme tels. Ainsi, dans toutes les tribus, le nom originel est «Hommes». Il en est ainsi du terme Bantou qui selon E. Mveng, est le pluriel de Ntu et signifie «les hommes»6(*)3. L'expression «les pygmées Aka» utilisée pour désigner les Pygmées d'Afrique centrale veut dire «les hommes nains». Ceci restitue leur humanité aux Pygmées de façon décisive.

Pour ce qui est des Pygmées du Sud-Est Cameroun, ils ont été présentés par le père Schebesta comme étant les Babinga ; terme qui signifie les «hommes de la sagaie»6(*)4. A la question du père Dellemmes de savoir pourquoi ils se nomment eux-mêmes Baka, ils répondent qu'ils ressemblent aux oiseaux qui ne tiennent pas en place ; qui se posent un instant sur la branche (Bakama) avant de s'envoler6(*)5. Ce nom symbolise donc la liberté et la grande mobilité qui les caractérisent. Examinons à présent le problème de leurs origines.

C. L'ancienneté des Pygmées

La question de l'ancienneté ou de l'antériorité des Pygmées dans la forêt reste l'une des préoccupations majeures des études relatives à ce peuple. Bon nombre de mythes du Cameroun méridional font intervenir les Baka comme une population autochtone préétablie et subissant l'invasion des Bantou.

Les légendes recueillies dans les cantons Mpoum-po'oh et Kounabeemb relatent que les Pygmées habitaient les troncs et les souches d'arbres d'où les Bantou sont venus les déloger6(*)6. Les Bangando et les Essel affirment que leur rencontre avec les Pygmées s'est déroulée lors de leurs migrations et que ces derniers leur ont servi de guide dans leur progression et parfois d'éclaireurs lors des différentes campagnes guerrières6(*)7. Ces traditions affirment de façon unanime l'antériorité des Pygmées dans l'univers sylvestre du Sud-Est malgré l'absence des données archéologiques.

Par contre, Nda Ywell E Ziem, à partir des faits de l'histoire du Congo, estime que l'antériorité des Pygmées sur les Bantou est contestable. Pour cela, il

Photo :une population au caractéristiques physiques prononcées

s'appuie sur les similitudes dans le domaine de l'autosubsistance. Aussi écrit-il  que «la population archaïque de la région aurait été de deux sortes : les `grands hommes' et les `petits hommes' à l'instar de la situation actuelle»6(*)8. Ce point de vue remet sur la sellette la thèse de l'origine des Bantou en Afrique centrale où ils ont toujours vécu aux côtés des Pygmées.

Au demeurant, cette thèse établit l'ancienneté de deux communautés dans la région tout en infirmant l'antériorité des Pygmées sur les Bantou , antériorité attestée par les traditions orales qui ont désormais droit de cité dans l'historiographie africaine depuis que le mythe du document écrit s'est effondré. Ainsi, nous préférons nous en tenir aux propos du Père Trilles qui estime que «les Pygmées constituent la race la plus ancienne vivant actuellement sur la terre»6(*)9. A observer leur mode de vie dans cet environnement, ils se comportent en véritables maîtres des lieux. Ils auraient tout simplement changé d'emplacement. Pour être complet dans cette présentation, il serait utile d'esquisser le portrait physique du Pygmée, qui tout au moins, reste sa principale caractéristique.

D. Caractères anthropomorphiques des Pygmées

Il est rare de voir un peuple aux traits physiques aussi prononcés que les Pygmées au point où il est difficile de les confondre avec les Bantou (voir photo 1et 2). L'aspect disproportionnel du faciès du Baka constitue le principal critère d'identification et de différenciation. C'est sans doute ce qui a fait dire au R.P. Trilles  qu'«il ne viendrait à l'idée de personne de présenter un Pygmée et encore moins une femme ou une fille à un prix de beauté»7(*)0. Ce point de vue atteste la laideur du Baka. Celle-ci est due à un manque d'harmonie dans ses proportions corporelles. Aussi présente t-il un tronc allongé, des bras longs, une tête énorme et massive, un cou court, un front droit ou bombé, un nez retroussé, une bouche large, des lèvres minces, un menton fuyant, une pilosité corporelle développée, une couleur de la peau brun clair ou jaunâtre et des odeurs corporelles nauséabondes7(*)1.

Tel se présente le paysage humain de notre zone d'étude. L'analyse du processus migratoire, nous aura édifié sur les origines et le peuplement. Il en ressort que les migrations des populations du Sud-Est s'appréhendent dans une perspective diachronique intégrant les deux principales thèses relatives aux migrations bantoues en général. La vallée du Nil apparaissant comme le berceau originel des Ngombé et l'Afrique centrale celui des Mpo'oh et apparentés. Des faits qui sont soutenus par les données toponymique, onomastique et linguistique. Pour ce qui est des Pygmée Baka, leur nature humaine ne fait plus l'ombre d'un doute. Seulement, il serait erroné de voir dans la morphologie, le seul trait de différenciation avec le Bantou. Il devient donc judicieux d'explorer l'aspect anthropologique qui, du reste, paraît être la voie indiquée pour une meilleure identification des peuples.

CHAPITRE II : ELEMENTS D' ETHNOGRAPHIE

La nature des relations entre les peuples reste fortement tributaire des influences culturelles de chaque groupe. Ainsi en est-il des rapports entre les Baka et les Bantous dans la Boumba et Ngoko qui, bien qu'appartenant tous au sérail des êtres humains, ont développé chacun des traits culturels spécifiques dont il convient de mieux cerner les contours.

I. L'identité culturelle des Pygmées Baka

De façon générale, la culture renvoie au mode de vie d'un peuple au sein d'un environnement donné. Elle est le produit des efforts déployés par l'homme en vue de tirer le meilleur parti de son milieu ambiant. Pour Kange Ewane, «la culture est un tout intégrant les différentes institutions sociales en vue de satisfaire les besoins humains»1(*).Creuset des différences entre les peuples, la culture est le gardien des traditions immémorables. Chaque peuple reste l'objet d'une autonomie culturelle qui fait son identité . Pour ce qui est des Pygmées en général et des Baka en particulier, l'abondante littérature à caractère ethnographique qui leur a été consacrée, malgré d'innombrables préjugés qui l'entourent, nous livrent d'utiles informations sur leur mode de vie2(*). Nous nous proposons de l'appréhender à travers l'étude de leur organisation socio- économique.

A. La société Baka

Longtemps présentée comme une société figée et paléo-négritique, la communauté Baka reste à plusieurs égards bien organisée, assez dynamique et parfaitement intégrée dans son milieu de vie.

1. Le cadre de vie

Les Baka depuis les lustres, habitent la grande forêt équatoriale où ils y tirent l'essentiel de leur subsistance ainsi que la matière première de tous les objets qu'ils fabriquent. Cette forêt sert également de demeure à leurs divinités tutélaires3(*). Les Baka dans cet univers se considèrent comme un élément au même titre que les autres composantes à savoir les bêtes et les plantes contre qui ils doivent se battre sans armes, sans outils en acier. Leur extraordinaire adaptation à cet environnement qui d'emblée paraît hostile à toute forme d'humanisation, conforte l'idée selon laquelle les Baka dans ce milieu ne sont pas un «peuple refoulé» et que la forêt n'est non plus une « aire de repli»4(*). Mieux que tout autre peuple dans son cadre de vie, les Baka sont profondément attachés à la forêt (voir photo 3) ; c'est pourquoi ils se définissent comme un peuple de forêt5(*). Ils s'y épanouissent à travers toute une série d'activités ludiques qu'ils développent dans le but de se procurer du plaisir.

Photo : 2

La foret, cadre d'épanouissement par excellence.

Par nous

Pygmées 2

2. Jeux, danses et musiques

La vie des Baka en forêt est marquée par plusieurs jeux qui, variant en fonction de l'âge et du sexe, ne manquent pas de portée pédagogique. Les enfants passent le clair de leur temps à imiter les activités des adultes ; les petits garçons s' activent à simuler des parties de chasse où l'un d'eux représente une bête que les autres cherchent à attraper. Le petit matériel de chasse mobilisé à cet effet en illustre le caractère sérieux6(*).

Les filles aiment jouer à l'épouse mère. Elles développent les activités se rattachant aux tâches ménagères. Tous éprouvent du plaisir à grimper sur les arbres minces et à se balancer, tout en faisant du vacarme, sur les cimes ou des lianes attachées, quand ils ne gambadent pas tout simplement le long du campement en tenue d'Adam à défaut de patauger dans la boue.

Les adultes quant à eux se plaisent dans la danse. Ils s' y adonnent avec une ardeur et une énergie remarquables. La musique se joue au moyen d'instruments qui marquent le rythme des chansons scandées, qu'accompagne le battement des mains. Ceci confère aux Baka la renommée de grands danseurs (photo 6). Ils ont plusieurs corps de ballets, entre autres l'ebuma pratiquée dans la région de Moloundou, dont le scénario décrit la vie en forêt.

En somme, le pygmée, dans la forêt, est tout à fait différent de cet être craintif et timide que nous avons au villages. Le campement reste son milieu d'épanouissement par excellence (voir photo 3).

3. Le campement

Le campement est un ensemble de huttes composé d'une cinquantaine de personnes issues des lignages et clans différents où l'harmonie, la paix et la concorde restent les maîtres mots. Ces valeurs sont préservées par quatre personnalités dont le rôle est d'assurer la cohésion du groupe. Il s'agit du Kobo qui fait office de sage ; du grand guérisseur Nganga, du chasseur d'éléphants et d'une vieille femme de la lignée du kobo, grande prêtresse dans la société secrète féminine7(*). Ces personnages n'ont aucun pouvoir politique encore moins une quelconque autorité sur les autres membres du groupe. Ce qui a fait dire à Rita Rossi que «c'est un peuple sans leader»8(*). Toutes les décisions sont prises de façon collégiale , l'avis de la femme étant déterminant.

4. La place de la femme

L'homme et la femme, dans la société Baka, sont égaux en droits comme le souligne E. Mveng9(*). Rien de sérieux ne peut se décider sans l'avis de cette dernière même si elle ne prend pas part aux débats publics1(*)0. Elle est le plus souvent à l'origine de la mobilité enregistrée1(*)1. Outre les fonctions de procréation et de production des biens, il lui revient de conserver le feu, cet élément dont la maîtrise est à la base de l'humanité du Pygmée1(*)2. En effet, le mythe du feu présente le Pygmée comme son premier possesseur, ses voisins ne l'ayant reçu que par la suite1(*)3. Etant un don divin, le Baka est tenu de le préserver et de le conserver ; car le feu allumé, est symbole de vie. On comprend dès lors pourquoi le Baka n'aime pas l'éteindre mais préfère le transporter d'un campement à un autre. C'est à la femme qu'il revient d'assurer le transport des braises

Photo3 et 4 :la chasse et la danse, deux activités favorites.

Pygmée 4

et de les conserver. Le feu a une triple fonction à savoir la cuisson des aliments, l'éclairage et le chauffage.

L'autre domaine social dans lequel la femme excelle est celui de la transmission de la chance. Celle-ci reste un capital précieux dans la vie du Baka. Elle est le corollaire de l'équilibre entre l'individu, ses proches et les esprits. Elle   s'acquiert surtout auprès de la femme qui l'a reçue de Komba comme don. La chance est beaucoup plus requise pour les activités de chasse. Et c'est l'épouse qui la produit. D'où la nécessité de préserver l'harmonie et la concorde conjugales1(*)4. Les femmes initiées au yeli, principale société secrète féminine, jouent un rôle de premier plan dans la réalisation du rituel de la grande chasse. C'est à elles qu'il revient d'appeler les animaux et d'appliquer les «remèdes de la chance» aux chasseurs1(*)5. Cependant, la femme enceinte répand la malchance. Toute sa chance est concentrée pour être transmise à l'enfant lors de la naissance1(*)6. Aussi comprend-on pourquoi entre autres la femme Baka est très sollicitée dans les mariages mixtes en raison de sa réputation de pourvoyeuse de chance1(*)7.

5. Cosmogonie et mythologie

Le Baka a développé plusieurs croyances en rapport avec sa cosmogonie et sa mythologie. Ainsi, à travers le mythe de la création, on comprend pourquoi le Baka vénère la nature. Car il se considère lui-même comme un élément au même titre que toutes les autres créatures de Komba, le Dieu infiniment bon, qui offre tout en don. Ces dons qui sont bien souvent transmis par les esprits incarnés par les masques1(*)8.

Parmi ces esprits, on peut citer Bokela qui entraîne le chasseur sur la piste du gros gibier ; Mouguela apparaît lors des décès, et Koze préside à la danse de la divination du Ngangan et des soins lors de «la danse de feu». Nyabulo quant à lui, intervient lorsque l'éléphant a été tué1(*)9. De tous ces esprits, Jengi reste le plus grand et le plus fort2(*)0. Il est au centre de la religion Baka qui marque son enracinement dans son univers. Cette religion est à la base de certaines pratiques rituelles visant à protéger la vie de toutes les agressions extérieures.

1. Rites et thérapie

Il est généralement admis que les Baka sont les grands féticheurs2(*)1. Ils ont une connaissance approfondie des plantes sylvestres dont ils se servent aussi bien à des fins thérapeutiques que pour modifier le cours des événements. Cette médecine se pratique à base de feuilles, d'écorces et de racines des plantes.

L'infusion des remèdes s'effectue à travers les orifices naturels quand elle ne procède pas par scarification. Des traitements locaux s'opèrent également par application cutanée. Cette médecine n'a pas que des vertus curatives, l'aspect préventif fait recours à l'usage des fétiches. Ce sont des objets consacrés dotés de certaines vertus. Leur double rôle est d'attirer la chance, et d'écarter les mannes malveillantes. Pour le R.P. Trilles, «ce sont des moyens de salut pour le but qu'ils poursuivent »2(*)2.

Le Baka organise régulièrement des cultes à l'endroit des esprits. C'est au cours de ces célébrations que les miracles sont opérés. L'une des cérémonies les plus en vue et déterminantes dans la société reste la célébration du jengui. Il s'agit d'un rite multidimensionnel. Il est avant tout un rite d'initiation qui confère certains droits dans la société et ouvre les portes de la vie adulte. Le jengui, c'est aussi l'instance judiciaire suprême à laquelle les Baka font recours quand les anciens s'avouent incompétents dans la résolution d'un conflit. En outre, le jengui a pour rôle de maintenir la paix. Du reste , les décisions qui sont prises à l'occasion sont inviolables car il est garant des pactes sociaux et tous les actes contractés en son nom sont sacrés et respectés comme tels.

7. Le temps et l'espace

Le temps et l'espace sont des repères qui rythment la vie du Baka. L'espace Baka reste la grande forêt équatoriale. Cette forêt ancestrale qui le nourrit, le protège et de laquelle il espère tout. Elle est le lieu d'expression de sa gaieté et de son action, le lieu d'épanouissement de ses rites et de ses légendes. En elle, fleurissent la liberté et la paix. D'où tout le sens de ce proverbe Baka lourd de signification : «a to bele ngue wé» c'est à dire qu' «en forêt, il n'y a pas de palabre».

L'intimité du Baka envers cette forêt est profonde, étroite, secrète, si bien qu'elle constitue son patrimoine. Voilà pourquoi, Séverin Cécile Abega pense que «l'arbre n'est pas un morceau de bois qu'on coupe pour se faire l'argent. C'est un être vivant [...] car le Baka a été fait pour la forêt et la forêt pour le Baka»2(*)3. Le vieux Moke Mboti du Zaïre ne dit pas le contraire, lorsqu'il déclare à Colin Turbull que : «si nous quittons la forêt ou que la forêt meurt, nous mourons aussi»2(*)4.

Cette conception de l'espace par le Baka détermine ses formes d'appropriation particulières. Aussi cet espace est géré en fonction de la disponibilité de ses ressources. Lorsque celles-ci sont épuisées, le Baka préfère déménager pour un autre site. D'où la grande mobilité qui le caractérise. Tout ceci façonne sa temporalité.

La gestion du temps est fonction des activités dictées par la nature. Il devient donc abstrait d'établir un quelconque calendrier, encore moins de faire les prévisions. Tel est le fondement de son système économique .

B. La vie économique

Le système économique des Baka reste fortement dominé par l'impératif de nutrition. Ainsi que le soulignent Laburthe Tolra et Warnier , «nous sommes ce que nous mangeons. D'une certaine manière, nous sommes ce que nous consommons »2(*)5. Autrement dit, l'homme se détermine à travers les techniques d'acquisition des biens, et leurs circuits d'échange, varient en fonction de son régime alimentaire. Le Baka dans son cas a développé des activités de production et d'échange susceptibles de lui fournir de la nourriture chaque jour. Cette nourriture, il la trouve dans son écosystème que Bahuchet nous présente comme riche en animaux et végétaux2(*)6. Cette abondance le dispense de toute forme d'accumulation. C'est la raison pour laquelle il est désigné de prédateur. ce terme pouvant paraître péjoratif, si nous n'examinons pas son mode de production avec diligence.

1. La production

Le régime alimentaire du Baka, centre névralgique de son économie, est constitué en majorité des animaux et des végétaux dont la prise exige une dépense de temps et d'énergie considérables2(*)7. Le temps consacré aux activités liées à cette production montre à quel point il s'agit d'un véritable travail qui obéit à une répartition des tâches entre les sexes.

La femme,  en plus d'aller à la pêche, est essentiellement chargée de glaner la nourriture végétale : igname sauvage, escargots, termites, larves, serpents et fruits sauvages2(*)8. Sa corbeille reste sa compagne fidèle dans ses allées et venues (Voir photo 7). C'est à elle que revient aussi la construction des huttes et l'artisanat.

L'homme se réserve la chasse et la collecte du miel car le Baka est avant tout un chasseur (voir photo 6). Il reste un piégeur chevronné qui, par son flair, reconnaît la présence des animaux, détermine les empreintes de chaque espèce et utilise des techniques et des outils adaptés à chaque type de gibier. L'activité de chasse apparaît comme un facteur de valorisation et détermine une certaine reconnaissance sociale2(*)9.

Le miel des abeilles est récolté sur les arbres et celui du mylopène dans les souches. Son extraction nécessite beaucoup de tact et de courage. D'où cette invite à la responsabilité contenue dans cet autre proverbe Baka : «wa sia poki ngue wadoo» c'est-à-dire « celui qui extrait le miel, doit supporter les piqûres des abeilles». Autrement dit, qui cherche les problèmes doit supporter les conséquences. Le miel est un produit d'une haute valeur . Il est utilisé comme appoint nutritif lors du sevrage des enfants et comme cadeau à un hôte.

Le Baka ne s'intéresse pas assez à l'élevage. Cette activité ne s'accommode pas de sa grande mobilité. En plus, la viande des animaux domestiques n'est pas appréciée dans la mesure où ces derniers la considèrent comme des hommes. Toute consommation s'assimilerait donc à une forme d'anthropophagie, en raison de leur cohabitation3(*)0. Seul le chien est admis en sa qualité d'auxiliaire de chasse.

L'agriculture reste le parent pauvre de l'économie des Baka et pour cause les plantes sont un don de Komba qui les a dotées de toute la puissance3(*)1. L'homme ne peut en aucun cas se substituer au créateur. Mais encore, la durée du cycle végétatif est un facteur de découragement étant donné que la vie du Baka est directement portée vers l'immédiateté. Il n'existe pas de frontières étanches entre la production et la consommation car le Baka ne thésaurise pas. Il produit essentiellement pour consommer et c'est le surplus qui est directement engagé dans les échanges.

2. L'échange des biens et services

Le communautarisme a eu raison de l'individualisme au sein de la société Baka. Ainsi, tous les produits issus de la chasse, de la pêche ou de la cueillette sont répartis au sein du groupe. Seuls les excédents sont remis à l'épouse pour la consommation. Un réseau d'échanges s'est ainsi établi entre les campements. La majeure partie des ressources des Baka est utilisée pour satisfaire les besoins immédiats, notamment ceux relatifs à l'habitat et à l'alimentation. Ces ressources, les Baka les prélèvent dans la forêt, de façon rationnelle. A présent que l'exploitation anarchique de la forêt limite les capacités productives du Baka, celui-ci se trouve déstabilisé. Bien plus, son arrimage à l'économie monétaire qui lui permet d'avoir du sel, du tabac, du chanvre, de l'alcool, des vêtements, des postes radio pour lesquels il a un goût très prononcé le met en difficulté. Plus que par le passé, il doit s'attacher au Bantou, son compagnon de toujours, dont la culture semble mieux adaptée au contexte ambiant.

II. De La culture chez les Bantou

Il nous a semblé complexe de parler de culture bantou étant donné qu'il n'existe pas de peuple encore moins de civilisation bantou comme l'ont avancé certains auteurs. Le terme Bantou a été forgé par Immanuel Wilhen Bleek en 1862 pour désigner un ensemble de populations aux langues apparentées que l'on retrouve en Afrique subsaharienne. Bien que chacune de ces populations dispose des caractères culturels spécifiques marquant son identité, celles-ci présentent néanmoins un faisceau de traits communs dans les domaines de la structure linguistique, la métallurgie du fer, les techniques économiques, l'organisation sociale et les mentalités religieuses.

A. La parenté linguistique

Les traditions orales des populations du Sud-Est ont situé leurs origines historique et géographique respectivement dans la vallée du Nil pour les Ngombe et la cuvette congolaise pour les Mpo'oh et les apparentés. Des données qui ont été entérinées par la linguistique. Celle-ci aura permis d'affirmer l'appartenance de ces groupes au complexe ethno-linguistique Bantou. Ipando Jean-Jacques dit à ce sujet que, «dans la Boumba et Ngoko, en dehors des Bangando et des Yanghéré, toutes les autres langues sont inter-compréhensibles »3(*)2.

Innocent Edjondj Mempouth relevant la parenté linguistique des langues Mpo'oh et apparentés écrit qu' «on n'a pas besoin d'un quelconque apprentissage pour comprendre les langues voisines»3(*)3. Cette même similitude est aussi constatée au niveau des structures politiques.

B. L'organisation socio-politique

La structure socio-politique des Bantous du Sud-Est reste conforme au modèle des sociétés lignagères, principale caractéristique des locuteurs bantous. Le lignage constitue à cet effet l'unité résidentielle, le cadre de référence de la vie sociale. La succession est patrilinéaire. Les individus s'identifient à leur clan d'origine dont ils portent le nom de l'ancêtre fondateur. Certains clans sont formés au cours des situations troubles comme les migrations et les guerres où les hommes, pour se tirer d'affaire, scellent des alliances avec des animaux ou des plantes qui deviennent ainsi leurs totems et constituent par conséquent leurs interdits alimentaires. Les clans ainsi formés prennent leurs noms. Tel a été le cas chez les Bangando dont voici la liste des clans.

Clans

Totems

Bodawa - Ndedi

- Kanga

- Malike

- Duse

- Ma

Singe

Bowe - Bowe

- Dolo

Feu

Bogo - Ngandja

- Tinge

Panthère

Bonue

Oiseau

Bongwea

Sanglier

Bofolo

Eléphant

Boyele

Buffle

Bo Mbela

Aigle

Bo Mbo'o

Antilope noire

Bo Go'o

Serpent

Bo Mbissa

Arbuste

Bo mbiko

Banane

Source : Jacques Wilhelm, Mwaabakumu, Le réconciliateur chez les Bangando du Sud-Est, p.8.

Le terme bo signifie, «ceux de», « les descendants de » ou encore « du lignage de».

Chez les Mpo'oh et apparentés, la famille qui est l'unité clanique de base est désignée par l'expression Ndjaw bot. Placée sous la direction d'un homme âgé appartenant à la dernière génération des parents, elle rassemble tous les individus issus d'un même ancêtre génétique. Le ndjwa bot s'identifie toujours par le nom de son ancêtre qui lui est attaché.

Un ensemble de Ndjawbot forment un beng bot, famille large qui est une unité plus large comme son nom l'indique. A la tête, on trouve un meneur d'hommes ; un rassembleur entouré d'un conseil d'anciens qui siège au hangar (mpanj), élevant indifféremment leurs enfants et mangeant ensemble conformément à la solidarité africaine. C'est en ce lieu que se décide la guerre ou la paix avec les autres unités sociales3(*)4.

Plusieurs beng bot forment à leur tour un koul bot ou clan. Il s'agit d'une unité large avec relâchement des liens de parenté.

La structure sociale des Mpo'oh peut ainsi être schématisée.

Ndjaw bot
(Famille )

Beng bot (lignage)

koul bot (clan)

Mpyémo, Mpoumpo'oh, Kounabem....(tribu)

Pyramide de la structure de la société Mpo'oh et apparentés

Source : I.A. Edjondj Mempouth, «Etude ethno-historique des Mpo'oh et apparentés», p.46.

Les clans étaient autonomes les uns vis-à-vis des autres. Seule la conscience collective renforçait l'unité des groupes. Celle-ci se manifestait plus en temps de guerre où un chef militaire était désigné pour conduire les opérations. Son rôle ne durait que le temps des hostilités. Choisi parmi les chefs de beng bot composant le clan, le chef militaire était un homme à l'ardeur guerrière établie. Il était entouré dans le cadre de sa mission, d'un conseil des anciens, d'une congrégation de vieilles femmes, et des sociétés secrètes. Le conseil des anciens avait pour rôle de prendre des décisions politiques. Les vieilles femmes conservaient les fétiches et les attributs du pouvoir tandis que les sociétés secrètes veillaient au maintien de l'harmonie sociale. On distinguait trois types de sociétés secrètes : «nji» spécialisée dans la préparation occulte des guerriers pour leur invulnérabilité et leur disparition dans les champs de combats. La société «Mgbowa» active dans le domaine de la voyance et la guérison occulte des maladies et enfin la société «Mpkess» qui assurait la justice sociale par des sanctions occultes pouvant tendre jusqu'à la mort du coupable et de toute sa famille3(*)5.

C. L'organisation de la défense

Chaque tribu du Sud-Est disposait d'un système de défense qui mettait en relief le rôle de l'armée, en rapport avec l'activité guerrière qui avait cours dans cette région. Bien qu'il n'existât pas une armée permanente comme dans les sociétés centralisées, tous les hommes valides étaient de potentiels guerriers. Toutefois, on distinguait un corps spécial de combattants, une sorte d'unité d'élite qui se caractérisait par ses grades acquis sur le champ de bataille, et en fonction du rôle joué lors des opérations.

Dès le bas âge, les jeunes s'initiaient au métier de guerrier. Cette initiation rentrait dans le cadre général de leur éducation. Ils recevaient l'enseignement théorique relatif à la guerre au sein du hangar. L'instruction portait sur les coutumes, l'histoire des croyances du groupe, la bravoure, les ennemis du clan3(*)6. La phase pratique se déroulait au cours des parties de chasse et de lutte traditionnelle, où les jeunes devaient faire preuve de bravoure, de courage, de témérité et d'intelligence3(*)7. C'est ce qui a fait dire à Lucien Ngombe que : «tout bon chasseur était automatiquement un bon guerrier»3(*)8. Certaines séances d'entraînements prenaient des allures d'activités ludiques. Les Bangando, par les jeux d'adresse, préparaient les jeunes au tir à l'arc (djoto). C'était un exercice fréquent. Il mettait en compétition des jeunes gens. A l'aide de flèches, ceux-ci devaient transpercer un tronc de bananier ou une tranche de macabo située à une distance de dix mètres3(*)9. Cet exercice visait la perfection dans le tir.

Un autre jeu relatif à l'art de la guerre était le ngo'o. Il mettait en scène des jeunes gens répartis en deux camps. Ceux-ci devaient transpercer à l'aide de leurs bâtons pointus «kegna», les fruits sauvages à vive allure, jetés par le camp adverse. Chaque fruit percé était considéré comme butin de guerre et retiré du jeu. Le groupe ayant engrangé le plus grand nombre de fruits était déclaré vainqueur4(*)0. La rapidité et la vigilance étaient des qualités recherchées par cet exercice.

Ces jeunes, une fois cette éducation reçue, pouvaient accompagner leurs parents au champ de bataille d'abord comme porteurs et par la suite comme combattants. Ils pouvaient prétendre aux grades en fonction de leur prestation sur le terrain de combat car une bonne campagne guerrière nécessite l'encadrement des troupes et par conséquent une hiérarchisation de l'armée.

Il faut souligner que le déclenchement de la guerre ou sa cessation se décidait au hangar par le conseil des notables qui tenait lieu de conseil de guerre. Nous remarquons avec Thierno Mouctar Bah que : «l'organisation militaire se confond avec l'organisation sociale»4(*)1. Ceci d'autant que le chef politique devient le chef de guerre en période de conflit. Pour ce qui est de la structure des armées, celle était hiérarchisée. Au sommet, se trouvaient des chefs de guerre comparables aux maréchaux des armées modernes. Ces derniers étaient des hommes pétris d'expérience dont le rôle principal consistait à élaborer les plans et stratégies de combat. Les Bangando les appelaient Nganga Bilo. Ils étaient respectés et vénérés même après leur décès. Sur leurs tombeaux, étaient suspendus des lances, des couteaux, des boucliers fabriqués en bois ou en moelle de bambou ; rappel de leur passé glorieux4(*)2. Ces objets qui étaient inséparables de leurs propriétaires pouvaient être considérés comme des décorations à titre posthume. Du reste, la structuration de l'armée Bangando qui est à l'image de l'ensemble des armées de la région, se présentait de manière suivante :

Nganga Bilo (maréchaux)

Mbendo

(généraux)

Assi-Mbendo

(officiers)

Dika

(sous officiers)

Bibilo

(hommes de troupe)

Structure pyramidale de l'armée Bangando à l'époque précoloniale

Certains de ces grades constituaient des castes dont les membres étaient détenteurs d'un pouvoir mystique acquis auprès des femmes qui s'occupaient spécialement de la préparation psychologique des guerriers. Une femme qui s'est particulièrement illustrée dans les campagnes guerrières chez les Bangando fut Sogou. Les traditions orales l'associent à tous les combats. C'était une mastodonte au physique impressionnant. L'on dit d'elle que ses seins étaient volumineux et pendants et que son abdomen était proéminent4(*)3. Elle n'avait nullement besoin de quoi que soit pour cacher sa nudité. Par ses prières, elle avait donné la force de vaincre à son peuple plus d'une fois. Il lui arrivait de préparer des potions magiques et des armes pour les combattants.

L'armement même était le produit du développement de la métallurgie du fer. Cependant, les Zime avaient introduit dans la région des armes de traite acquises auprès de leurs anciens maîtres, les Bulu4(*)4. Dans l'ensemble, cet armement varié était l'oeuvre des forgerons dont les activités avaient une portée économique considérable.

D. Organisation économique

Bien que diverses et variées, les activités économiques des Bantou du Sud-Est ainsi que les techniques d'acquisition des biens s'articulaient autour de la subsistance. En dépit de la mobilité due à l'insécurité qui a naguère prévalu, la chasse, la pêche et la cueillette prirent le dessus sur l'agriculture qui était reléguée au rang d'activité secondaire. Toute une gamme de techniques de chasse émergèrent dans le Sud-Est au point où Koch, émerveillé, signale que :

(Les Badjoué et les Bikelé, voisins Bantou des Baka) connaissent les trappes, les fosses, filets, les nasses, les collets, les trébuchets, les traquenards, les arbalètes, les assommoirs, les gluaux, les appeaux, les leurres, les hameçons, les poisons. Leur panoplie est si riche que l'on pourrait croire que toutes les techniques du piégeage se sont données rendez-vous dans ce pays4(*)5.

L'homme, à la faveur de la division du travail, s'est vu affecter des activités viriles : chasse, défrichage, abattage des arbres, récolte du miel et des noix de palme , travail du fer et du lithique étaient de son ressort4(*)6.

La femme est restée le principal agent de l'agriculture et de la poterie en raison de l'analogie que l'on peut établir entre la fertilité du sol et sa fécondité4(*)7. A cet effet, il lui revenait de semer, d'entretenir et de récolter tout ce que l'on met sous terre. Une terre du reste prélevée pour la fabrique des canaris et marmites indispensables à la conservation et à la cuisson des aliments. Elle pratiquait aussi la vannerie et le tissage. L'élevage étaient relativement pratiqué et le troc réglementait les échanges inter et intra-communautaires.

Loin d'avoir fait une présentation exhaustive des données culturelles des deux sociétés en présence, nous venons, à la lumière des éléments ethnographiques susceptibles d'éclairer les interactions entre ces deux groupes, de réaliser que les Bantou et les Baka du Sud-Est sont deux sociétés qui ont développé des activités spécifiques répondant aux exigences de leurs écosystèmes respectifs. Ceci d'autant que la culture est enracinée dans son milieu, et son infrastructure, la subordonnée de l'environnement naturel. Ces deux sociétés ne sont pas radicalement opposées mais mènent plutôt des activités complémentaires. Tel est le fondement de l'interdépendance fût à la base de leurs rapports.

DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES RAPPORTS INTERCOMMUNAUTAIRES

L'enracinement du Baka dans son environnement n'a jamais fait de lui un être vivant en autarcie. L'histoire de ses rapports avec son voisin Bantou laisse apparaître une longue tradition de vie commune variant en fonction des époques. Pendant la période précoloniale, la relation est essentiellement équilibrée ; une rupture intervient à l'ère coloniale.

CHAPITRE III : DES RAPPORTS DE COLLABORATION A L'EPOQUE PRECOLONIALE

La géopolitique du Sud Est, à l'instar de toute l'Afrique Noire précoloniale, est marquée par la permanence des conflits et le déroulement intensif des échanges. Aucun peuple ne pouvant vivre en vase clos, toutes les populations étaient engagées dans une logique de coopération, d'alliances et de rivalités faisant intervenir des pratiques magico-religieuses.

I. Une coopération variée

Bien des traditions du Sud-Est présentent les Baka comme un peuple pacifique dont les rapports avec leurs voisins Bantou ont généralement été harmonieux. En effet, depuis fort longtemps, s'est établie entre les deux communautés, une collaboration sur plusieurs plans . Certains auteurs relèvent l'ancienneté des rapports entre les deux communautés. Bahuchet par exemple écrit que les Pygmées sont en contact avec les populations d'agriculteurs depuis au moins cinq cents ans»1(*). David quant à lui remonte plus loin dans le temps et nous apprend que cette coopération date de 2400-500 avant J-C, et qu'elle a un fondement économique2(*).

A. L'interdépendance économique

Baka et Bantou, en raison de leurs modes de vie respectifs, ont été qualifiés les uns d'agro-chasseurs et les autres de chasseurs-collecteurs. Ce qui suppose d'énormes lacunes et le besoin de complémentarité dans leurs différents systèmes de production. Aussi la demande en ressources naturelles était-elle élevée chez le Bantou dont la structure sociale est très large. Sa production en viande ne pouvant rivaliser celle du Baka, véritable maître de la forêt. A cet effet, ses espoirs ne reposaient principalement que sur l'agriculture, activité secondaire qui, bien que fournissant des denrées limitées, a l'avantage de faire stocker les réserves toute l'année durant.

Le Baka quant à lui se trouve dans une position d'infériorité technologique. En effet, il ne travaille ni argile ni fer dont les produits revêtent pour lui un caractère nécessaire. Le recours aux échanges s'avérait impérieux pour chacun dans le but de combler, ses manques. Il s'était ainsi installé entre les deux communautés, une symbiose qui se traduisait par le principe du «troc équilibré». Bahuchet écrit à ce propos :

Dans la période précoloniale récente, la relation est principalement un échange économique, association qui permet aux deux partenaires d'exploiter mieux deux écosystèmes différents et juxtaposés, la forêt et les champs. Les groupes sont complémentaires3(*).

Dans une perspective plus proche, Séverin Cécile Abega indique que :

ces rapports étaient empreints de spontanéité, et les deux partenaires engagés dans le cycle de prestation et de contre prestation savaient ce qui était bon pour l'autre, n'hésitant pas à le lui offrir même si le besoin n'avait pas été exprimé4(*).

Aussi le Baka troquait-il le produit de sa venaison composée d'excédents de chasse, d'amande de mangue sauvage, de miel et de plusieurs variétés de feuilles comestibles contre les féculents, les céréales, du sel, du tabac, des noix de kola, des ustensiles en argile ainsi que des objets métallurgiques5(*). Les biens ainsi échangés parvenaient au coeur de chaque société à travers des nombreux réseaux d'amitié établis entre les membres des deux communautés. Des amitiés qui, pour se consolider davantage, ont eu recours à la sacralité6(*).

B. Alliances et pactes sociaux

Le déroulement des échanges entre les deux communautés était entouré d'un mystère en raison des préjugés que les uns se faisaient des autres7(*). Les traditions orales rapportent que le Baka venait déposer dans le sous bois situé non loin de la concession de son partenaire les produits qu'il proposait ; tout en l'invitant à les découvrir à travers les signes. Plus tard, il repassait au même endroit récupérer ce qui lui était destiné car chacun connaissait les besoins de l'autre. La transaction étant devenue spontanée, il s'était établi une amitié (lothi) qui s'étendait aux membres de leurs familles respectives. Le Baka avait choisi par la suite, de s'installer derrière la concession du Bantou, au travers de la piste de ses champs (voir photo 2). Cette décision était motivée à la fois par un souci commercial et la recherche de la sécurité.

En effet, le Baka, en se rapprochant de son associé, était mu par la fuite du Limassa8(*) ; une sorte de croque mitaine qui sévissait dans la forêt 9(*) ; d'où sa propension à se cacher dans le sous bois, au moindre contact avec un étranger. Il n'avait non plus choisi de s'installer au village car redoutant le Kaka ; un autre personnage avec qui il eut maille à partir dès les premiers contacts. Tout étranger pour le Baka est un Kaka envers qui il éprouve la peur et la méfiance. Aujourd'hui encore, son attitude trahit cette peur. Au moindre contact avec un inconnu, il penche sa tête, détourne son regard, à la manière d'une bête traquée qui cherche à s'enfuir. Dans ces conditions, il n'avait confiance qu'à son partenaire devenu son ami.

Dans le souci de rendre ces liens inviolables, des pactes de sang (Mponi) furent scellés entre eux. Les parentés artificielles s'établissaient entre les membres des deux communautés. A Mbangoye I, village situé à dix-sept kilomètres de Moloundou, les traditions orales rapportent que Sakanda est l'ancêtre qui aurait établi le pacte avec les Pygmées qui s'y trouvent de nos jours1(*)0. Ainsi, des Baka étaient liés à des familles bantoues. Massa du village Mbatéké par Moloundou possède encore dans sa concession des Pygmées dont le pacte a été scellé entre les grand-parents1(*)1.

Ces pactes ont servi de levier à une véritable fraternité entre les deux communautés allant jusqu'à la participation commune aux activités religieuses de chaque société. A cet effet, les Baka ont été les premiers à admettre les Bantou au sein du jengui, rite au cours duquel Komba le créateur manifeste sa bonté1(*)2. Dans un premier temps, les Bantou y assistaient par simple curiosité. Abasourdis par des miracles réalisés au cours de cette cérémonie dont les retombées du passage jengui s'appliquaient à la fois aux communautés Baka et Bantou, ils avaient décidé de l'intégrer véritablement1(*)3. Ces derniers voyaient leur récolte augmenter et les parties de chasse devenaient fructueuses1(*)4. Jengui indiquait aussi de nouvelles plantes médicinales dont les soins étaient destinés à tous1(*)5. Enfin, tous les initiés étaient désormais placés sous la protection de jengui et pouvaient par conséquent chasser dans la forêt sans se faire dévorer par un animal féroce représentant un esprit malveillant1(*)6.

Par cet acte, les Baka avaient ouvert la porte de leur culture aux Bantou. Mieux encore, ils les introduisaient dans les profondeurs de la forêt dont ils maîtrisent les secrets. A ce propos, Guillaume dit des Baka qu'ils «contrôlent la mise en relation avec les puissances surnaturelles dont dépendent les possibilités d'évolution et d'action de l'homme dans l'univers forestier»1(*)7.

Les enfants des deux communautés, tout en grandissant ensemble, étaient soumis aux mêmes rites d'initiation1(*)8. C'est le cas du Beka qui est une circoncision publique d'origine Essel. Cérémonie de grande envergure, elle mobilise l'ensemble de la communauté et nécessite beaucoup de dépenses de la part des aspirants. C'est à un Bantou qu'il revient d'exécuter l'opération. Les petits Baka et Bantou initiés au même moment deviennent des frères de sang et de classe d'âge. Ils partageront à jamais ce souvenir commun.

Un brassage linguistique s'était établi entre les deux communautés. Cependant, le Baka était plus prompt à parler la langue du Bantou, nécessaire dans les échanges. Chaque Baka se trouvait ainsi annexé à une famille Bantou dont il devenait le membre sans pour autant devenir Bantou d'autant qu'«un morceau de bois, à force de séjourner longtemps dans l'eau, ne se sera jamais caïman». Les distances observées entre les deux communautés donnaient toute la mesure de cet adage. Jamais elles ne partageaient en commun leur repas. Pire encore, les interdits sexuels étaient formels entre les deux groupes qui tenaient chacun à sa pureté. Un Baka n'osait même pas regarder une femme bantoue avec convoitise ; et même s'il lui arrivait de le faire, sa demande n'aurait pas été agréée, en raison du complexe de supériorité qui animait les femmes bantoues. En revanche, le Bantou qui venait à transgresser cet interdit était déclaré impur et dénoncé tout de suite. Cela se révélait lors de la réduction du fer où la présence de celui qui avait touché à une femme Baka faisait échouer l'opération jusqu'à ce qu'il passe aux aveux et se purifie1(*)9.

Cette distance n'était nullement une ségrégation entre les deux peuples plutôt une mesure visant à préserver la paix et l'harmonie entre les membres des deux sociétés qui vivaient dans la cordialité, les uns se mettant à l'école des autres.

C. La transmission des techniques

Du fait de la non -maîtrise de la technologie du fer, le Baka se trouvait dans une position de faiblesse vis à vis du Bantou. En effet, cette technologie produit une gamme d'objets qui sont d'une grande utilité dans la vie courante : sagaies, haches, couteaux... qui accentuent et systématisent l'exploitation des ressources naturelles. Guillaume explique à cet effet que «c'est l'acquisition d'objets forgés qui constitue la base matérielle du rapport d'association et lui donne son caractère contraignant»2(*)0.

Cette lacune ne constitue nullement un handicap dans sa relation avec le Bantou. Bien au contraire, le Baka est crédité d'une grande science dont il mettait les applications et les savoirs à la disposition du Bantou. A cet effet, on assistait à un véritable «rendez-vous du donner et du recevoir». On est même tenté de se demander si ce n'est pas le Baka qui donnait plus qu'il ne recevait étant entendu qu'il ne recevait de son associé que des objets usuels alors qu'en retour, il lui apprenait des techniques et des savoirs à perpétue un peu dans l'esprit de cet adage chinois qui dit : «Il vaut mieux apprendre à quelqu'un à pêcher que de lui donner du poisson».

Tout d'abord, le Baka apprenait au Bantou les différentes techniques de chasse. Aussi une meilleure exploitation des richesses naturelles, exige-t-elle de remarquables capacités d'observation et d'analyse de l'environnement. Elle fait appel à une grande acuité visuelle et auditive. Le Baka, maître absolu de la forêt, trouve du gibier là où les autres trouvent inutile de chasser. Il prévoit même l'arrivée des animaux qu'il peut appeler2(*)1. Le Baka, à partir de cette haute éthologie, conditionnait l'accès du Bantou dans l'univers forestier en vue d'une exploitation optimale des ressources. Il lui apprenait à repérer les traces des animaux , à tuer les singes à l'aide des flèches empoisonnées et lui indiquait le procédé même de fabrication de cette substance dont les effets nocifs n'ont aucune répercussion sur le consommateur2(*)2.

En outre, le Baka indiquait au Bantou comment se soigner des morsures des serpents et autres scorpions qui peuvent survenir dans la forêt. Koch a fort bien montré la présence des techniques de chasse des Baka dans l'univers des Bantou, marqué par la présence des campements de chasse dont l'architecture n'est pas moins un trait de la culture pygmée. Moussa Alphonse, un patriarche Mpouomam fait un témoignage élogieux de cette pédagogie quand il nous confie que «c'est grâce à eux que nous avons appris à chasser les éléphants»2(*)3.

L'éléphant est un pachyderme qui fait partie des animaux les plus féroces de la forêt. Avec sa masse de chair estimée à plus de deux tonnes2(*)4, il peut à lui seul nourrir des villages entiers. Son ivoire a été de tout temps l'objet d'un commerce florissant entre les Bantou et les Européens. Aussi était-il vivement recherché. Cependant, les Bantou redoutaient cet animal car l'épreuve de sa chasse présente plusieurs risques. Pour avoir l'ivoire, il fallait faire recours aux Baka doués en la matière ; ils ont appris aux Bantou qu'ils pouvaient détecter sa présence, par le bourdonnement des mouches ; ainsi que la façon de l'aborder sans être perçu, et comment se défendre en cas d'attaque2(*)5. Toutes ces épreuves nécessitaient beaucoup de tact et de subtilité, d'où cette invite à la prudence contenue dans cet autre proverbe Baka qui dit : «Mo olo a la ya a» c'est-à-dire «on ne grimpe pas en face de l'éléphant».

C'est pour cette raison que le chasseur d'éléphant était un homme vénéré. C'était l'échelon le plus élevé de la cynégétique. Il était suivi par le chasseur du gorille, car ces deux animaux réputés dangereux sont difficiles à abattre2(*)6; y parvenir relevait de l'exploit célébré par toute la communauté. Le chasseur était porté en triomphe. En guise de récompense, les autres membres de la communauté devaient lui offrir un autre gibier à consommer tout seul. Les Baka, en permettant aux Bantou d'accéder à cette gloire, s'étaient ouverts sans réserve à leurs voisins.

En dehors de la chasse, les Baka initiaient également les Bantou à connaître les noms des plantes ainsi qu'à maîtriser leurs différentes vertus. Ces plantes servaient aussi bien dans le domaine médical que dans l'alimentation. C'est le cas de l'«ayous» dont la chair pilée permettait d'obtenir la salinité nécessaire à la cuisson des repas. En outre, ils leur enseignaient différentes thérapies à base d'écorce d'arbres. Ils leur ont appris par exemple qu'ils pouvaient faire usage des écorces de sapelli pour soigner les blessures. De même que les hémorroïdes pouvaient se traiter à partir de la tisane à base des écorces d'acajou ou encore, comment guérir les céphalées aiguës par les soins de la peau du singe magistrat2(*)7. Ceci fait dire à Guillaume que :

C'est sur la base de cet ensemble diversifié de connaissances, de techniques et des capacités différentes de mise en valeur du milieu naturel que les Pygmées et les grands noirs se sont associés. Chaque partie bénéficie des potentialités originales de l'autre dans le cadre d'un vaste complexe régional de réseaux sociaux et de modes d'insertion dans l'environnement forestier et péri-forestier2(*)8.

II. Les relations diplomatiques au Sud-Est précolonial

La guerre et le commerce étaient au centre de la vie communautaire au Sud-Est.

A. Le poids des Pygmées Baka dans le commerce précolonial

La région du Sud-Est, à l'image de tout le Cameroun méridional forestier, a connu le développement des échanges malgré l'absence des marchés, des routes commerciales, d'une classe de marchands et surtout de la monnaie2(*)9. Le troc suppléait à la monnaie dont le rôle est de déterminer la valeur marchande des biens. Les populations procédaient aux échanges en soupesant les objets et les biens qui étaient estimés à vue d'oeil. Les opérations se déroulaient à travers les nombreux réseaux d'amitié existant entre les peuples ; les intermédiaires facilitant les transactions dans le cadre du commerce à longue distance, devenu intensif avec l'ouverture aux commerces transatlantique et transsaharien.

Du lieu de provenance ou de destination dépendait la nature des produits échangés. Ainsi, vers la côte étaient convoyés le caoutchouc, l'huile de palme, les peaux et dents de panthère, l'ivoire et les captifs. En retour, ils recevaient, des fusils, du sel, de la poudre et de la pacotille. Du Nord, partaient les chevaux et les vêtements qui étaient échangés contre la kola et les captifs3(*)0. Le Sud-Est constituaient un pôle commercial de grande importance en raison des multiples richesses naturelles dont il regorge, de sa position stratégique dans le bassin conventionnel du Congo, et de son ouverture sur la côte atlantique où Français, Allemands, Portugais et Belges avaient ouvert des factoreries.

Les échanges se déroulaient à travers une chaîne commerciale organisée entre les Baka, les Bantou et les Européens. C'est à travers le Bantou que l'Européen entrait en possession des produits dont le Baka était la source. Le Baka était donc à la base de la production et le Bantou au centre de la transaction. Il s'établissait ainsi une prééminence de ce dernier sur son associé par qui les objets européens transitaient avant de lui parvenir, celui-ci ayant la latitude de choisir quel objet lui donner.

Pour ce qui est de la traite négrière, les populations n'en gardent pas un souvenir dans la région. Cependant, la mémoire évoque avec amertume les incursions suivies d'enlèvements de certaines tribus islamisées du Nord désignés ici Simagalis3(*)1. Ces derniers faisaient irruption dans les villages, prenaient des enfants en otage jusqu'à ce que les parents se présentent aux fins de les embarquer3(*)2. Leur passage avait causé une psychose qui a profondément marqué les esprits au point où leur triste souvenir est évoqué avec émotion. Les Baka aidaient les Bantous à se réfugier dans la forêt, leur indiquant les points d'eau où s'abreuver tout en leur procurant de la nourriture. Cette collaboration dans la recherche de la sécurité s'est également poursuivie lors des guerres interethniques.

B. Le rôle des Pygmées Baka dans les guerres interethniques

La vie intercommunautaire dans le Sud-Est à l'époque précoloniale était aussi et surtout marquée par une intense activité guerrière. Les peuples depuis les migrations, se bousculaient à la recherche des espaces vitaux. Ainsi une cause aussi anodine fut-elle, était une source de violence pouvant dégénérer à tout moment en conflit armé. Edjondj Mempouth relève que  «la multiplication des guerres était la conséquence de la maîtrise de l'arme à feu»3(*)3. Celle- ci avait été introduite dans la région par les Zimé qui l'ont acquise auprès des Bulu lors de leur captivité. Ils s'en servaient en organisant des incursions en territoire étranger dans le but d'asseoir leur hégémonie sur les autres peuples. Il s'agissait des expéditions punitives à l'endroit des populations Mpo'oh auxquels ils reprochaient de les avoir abandonnés en esclavage chez les Bulu. Pour cela, ils étaient déterminés à faire travailler les Mpoum-Mpo'oh et Kounabeemb dans leurs champs, ne se privant pas à les envoyer chasser comme ils l'avaient fait eux mêmes pour le compte des Bulu3(*)4.

C'est au cours de leur détention que les Mpoum-Mpo'oh sont parvenus à voler les armes dont ils se sont servis plus tard dans leurs campagnes guerrières3(*)5. Les traditions orales des Mpo'oh confirment leur réclusion chez les Zimés à qui ils ont rendu d'innombrables services. Le souvenir de cette douloureuse époque se décrypte mieux dans cet adage répandu chez les Mpo'oh : «Kou ou - Kouam, Zimé dai» qui veut dire «à force de conserver la bonne nourriture, le maître Zimé viendra l'arracher et la consommer»3(*)6.

Les Mpo'oh s'étaient libérés grâce à la ruse que leur avait conseillée les vieillards. Les Zimé avaient commis la bévue d'avoir parmi leurs captifs des vieillards; ils avaient en outre péché en prenant femme parmi les esclaves Mpo'oh. Les vieillards avaient recommandé aux jeunes de faire preuve de beaucoup de soumission3(*)7. Les femmes, tout en adoucissant le traitement de leurs frères, s'étaient mises à voler des armes et à les leur remettre. Celles-ci étaient associées à la quantité qu'ils détournaient eux-mêmes lors des parties de chasse ; car ils étaient devenues des gestionnaires de l'armurerie au plus profond de la confiance à eux faite par le maître, en raison de la soumission, de la docilité, et de la serviabilité dont ils avaient fait montre. Les zimé ont appris à leur dépens ce proverbe kounabeemb qui dit : «l'esclave ne rase pas le maître». Autrement dit, on ne fait pas confiance à quelqu'un qu'on opprime.

Ce matériel avait servi à organiser la libération. Plus tard, ils ont décidé de dicter à leur tour, leur loi aux Mpyémo et aux Yanguéré. Les guerres contre les Yanguéré avaient pour but de repousser ces derniers au-delà de la Kadey afin d'être les seuls à contrôler le territoire. Contre les Mpyemo, les expéditions visaient à capturer la main-d'oeuvre pour leurs travaux et surtout les femmes en âge de procréer afin de combler le déficit démographique qu'ils connaissaient. Leur tactique consistait à tirer en l'air provoquant ainsi la panique propice à la capture des femmes et des jeunes. La tradition rapporte que les femmes Mpyemo ne sachant où mettre la tête pour fuir, préféraient se faire capturer par les guerriers Mpoum-Mpo'oh, d'où l'adage moqueur qui persiste jusqu'à nos jours : «O goua me, me ne meke m'abia», ce qui signifie «Ne me tue pas, je suis féconde»3(*)8.

Dans cette mouvance, les uns et les autres bénéficiaient de la collaboration des Baka. Chaque groupe ne pouvant que compter sur l'appui de «ses Pygmées». Les Essel affirment leur devoir en partie leur victoire sur les Bangando lors de la guerre de Ndjenga intervenue à la fin du XIXe siècle. Les Bangando, sous la conduite de Bousse, avaient lancé des représailles sur les Essel dans le but de venger la mort d'un des leurs, Makoléa, tombé dans une embuscade. Les Essel avaient été informés de leur arrivée par «leurs Baka» qui s'étaient particulièrement illustrés dans le rôle d'éclaireurs. Les Essel déclarent que les Baka étaient leurs meilleurs agents de renseignements, qu'ils se liaient souvent l'amitié avec les guerriers du camp opposé et revenaient leur rendre compte par la suite, tout en les dirigeant vers les ennemis3(*)9.

Fort de ce rôle, leur amitié était constamment recherchée car ils pouvaient renverser les alliances à tout moment. Ils se rendaient également utiles dans les pratiques magico-religieuses qui faisaient partie de la stratégie guerrière .Ils pouvaient par exemple permettre aux combattants de se dédoubler ou de devenir invisibles sur le champ de combat4(*)0.

Malgré toutes ces guerres, les peuples du Sud-Est étaient soudés les uns aux autres grâce aux systèmes d'alliance. Les guerres concouraient à les rapprocher davantage tout en créant des solidarités nouvelles. Les femmes épousées dans ces conditions avaient particulièrement joué un rôle important dans la mesure où elles rapprochent les belligérants. Les enfants nés de ces unions s'imposaient en véritables médiateurs selon une sagesse proverbiale Mpyemo qui dit : «nkuala ya banlo a kondi mbo» c'est-à-dire «la machette ne peut pas blesser la paume de la main». Ainsi, la guerre empêchait la guerre. Ces mêmes femmes reproduisaient leurs habitudes alimentaires dans leur famille d'accueil tout en y infiltrant les influences de la langue d'origine.

Tel était le double visage du Sud-Est sur le plan géopolitique, oscillant entre les impératifs de guerre et la nécessité de la paix entre les peuples . Les Baka ont joué un rôle important dans cette dynamique jusqu'à l'avènement de la colonisation.

CHAPITRE IV : LES BOULEVERSEMENTS DE

L'EPOQUE COLONIALE

La seconde moitié du XIXe siècle en Afrique est marquée par l'avènement d'un nouvel ordre socio-politique et économique, suite à l'intrusion des puissances occidentales. La région du Sud-Est, à la faveur de la doctrine des «sphères d'influences» de laquelle découle le concept d'hinterland, passe sous le contrôle de l'Allemagne. Cette dernière organise et exploite le territoire à sa guise jusqu'en 1916 où, contre toute attente, elle est obligée de passer le témoin à la France qui y est restée jusqu'en 1960. Pendant un demi-siècle de domination, les Européens, grâce à leurs administrations, leurs militaires, leurs marchands, leurs missionnaires et leur monnaie ont mis sur pied des institutions politiques et socio-économiques qui ont profondément bouleversé les structures existantes entraînant par le fait même des modifications remarquables dans la nature des relations entre les Baka et les Bantou.

I. La politique coloniale au Sud-Est Cameroun.

La colonisation du Sud-Est se déroule sur fond de rivalités entre puissances européennes1(*). En effet, Français, Belges et Allemands avaient chacun exploré la région par l'entremise des multiples cours d'eau riverains. Les Allemands n'ont eu leur salut qu'à la faveur de la clause de l'hinterland adoptée à la conférence de Berlin. Ils avaient la latitude de contrôler la parcelle de territoire comprise entre la côte atlantique et le bassin du Congo, à la limite des fleuves Ngoko et Sangha situés au Sud-Est jouant le rôle d'obstacle et partant, celui de frontière naturelle2(*). Ainsi avait commencé l'aventure coloniale de la région du Sud-Est qui a connu deux maîtres ayant chacun marqué son époque.

A. La création des unités administratives

Bien que la région du Sud-Est ait été placée sous l'autorité coloniale allemande, l'influence française était aussi grande notamment dans le domaine économique où la compagnie concessionnaire de la Sangha basée à Ouesso rivalisait avec la Sud Kamerun Gesellschaft. Force est de relever que l'exploitation de la région n'avait pas commencé de sitôt à cause des difficultés financières dues aux réticences du Reicht à engager des dépenses coloniales. A l'instar de l'ensemble de la colonie, l'exploitation du Sud-Est avait été confiée aux compagnies privées. La Gesellschaft Sud Kamerun recevait le 28 novembre 1898, une concession de 9.000.000 d'hectares dans le bassin de la Sangha sans contre-partie et à perpétuité3(*). Elle avait le monopole de l'achat du caoutchouc, des palmistes et de l'ivoire.

De la même manière, la compagnie concessionnaire de la Sangha couvrait une superficie de 3.200.000 hectares dans la zone frontalière des possessions françaises et allemandes4(*). En dehors de ces deux compagnies, des traitants clandestins belges ayant des factoreries au Sud-Est infiltraient la région et réalisaient des opérations avec les populations locales. Le rapport Carnaquerrnheimb datant de 1898 relève que les richesses de la région étaient exploitées de façon anarchique par les marchands belges, français et allemands5(*). Les produits étaient écoulés vers l'Atlantique par la Sangha et le Congo, les taxes collectées par les Français. Devant cette situation préoccupante, le Docteur Plehn fut dépêché par Jesco Von Puttkamer en décembre 1898 pour ériger un poste administratif sur la Ngoko. Ce dernier fonda le poste de Moloundou le 1er avril 1899. Il avait en charge l'administration du Sud-Est6(*). En 1915, la subdivision de Moloundou était créée . Elle fut rattachée un an plus tard, à la subdivision de Doumé puis à celle de Lomié et de Lom-Kadey. En 1932, la région était créée avec pour capitale Yokadouma avant de disparaître en 1941 pour finalement revoir le jour en 1950.

Durant toute cette période, Baka et Bantou étaient soumis au même maître. Ensemble, ils ont subi les affres des différents systèmes qui leur étaient imposés de l'extérieur.

B. La configuration des villages

Les Allemands, pour mieux avoir de l'emprise sur leurs sujets, ont sommé les populations de quitter la forêt pour s'installer le long des pistes de ramassage. Ce fut l'apparition des villages-rues. Les Baka attachés à leurs partenaires s'installèrent à leurs côtés mais vivant en retrait car, la distance entre eux était plus qu'une loi sociale, un véritable tabou7(*).

Des chefferies furent organisées afin d'avoir la mainmise sur le maximum d'individus. Nombreux sont les vieillards qui se souviennent encore des rencontres permanentes entre le chef de subdivision Hockmann et les différents chefs Bantou qu'il installait8(*). Les Baka ne furent pas associés à l'administration coloniale comme auxiliaires à l'instar de leurs voisins Bantou. Le système colonial avait ainsi fait prendre un grand coup à la relation équilibrée qui existait naguère entre les deux peuples. Les Bantou avaient désormais une autorité établie sur les Baka.

Les différentes administrations coloniales avaient, de façon insidieuse, établi la supériorité des Bantou sur les Baka. Cette hiérarchie sociale connut son point culminant durant la période française. Les autorités coloniales de cette époque, dans le cadre de la «mise au pas» des populations, avaient fait du regroupement sur la voie publique une contrainte. Cette disposition était réglementée par la lettre circulaire N° 685 C du 10/12/19209(*).

Les noms des villages, à partir de cette mesure, étaient adjoints des qualificatifs «anciens» et «nouveaux». C'est le cas des villages Ngatto Ancien, Ngatto Nouveau, Malea Ancien et Malea Nouveau,Zoulabot ancien et nouveau... en pays Kounabeemb. Certains villages ont préféré conservé leur dénomination. Il arrivait que les colons changent systématiquement d'appellation. A cet effet, Salaboumbé était devenu Kinshasa et Kouméla, Brazzaville. Au lendemain de l'accession à l'indépendance, les populations sont revenues à leur ancienne appellation marquant par ce fait leur attachement à leur passé. Le brassage entre les deux populations était toujours respecté. Les chefs Bantou avaient la charge d'organiser les populations dans le cadre des travaux de la colonie1(*)0.

C. Les travaux d'utilité publique

La décision des autorités coloniales de regrouper les populations le long des routes avait pour but de faciliter les réquisitions de la main-d'oeuvre pour ravitailler les chantiers publics et assurer le portage. Bien que ce travail ait eu un caractère contraignant, il n'était pas moins régi par une réglementation qui prévoyait une rémunération aux chefs de village. Selon le commandant Marabail, le droit de recrutement était d'un mark par tête pour un contrat de dix jours. Par ailleurs, chaque chef de village recevait un mark par homme de son village enrôlé1(*)1. Les chefs Bantou se mirent à livrer les Baka comme main d'oeuvre. Plusieurs Baka se réfugièrent dans la forêt emportant avec eux quelques Bantou qui avaient opté pour le refus1(*)2. Ils étaient recherchés ardemment par certains Bantou qui, pour le compte des administrations coloniales, se livraient à une véritable chasse à l'homme dans les villages et campements. Aujourd'hui encore, l'arrivée d'un inconnu dans un campement Baka est suivie de la fuite des habitants dans les buissons environnants.

Les Baka s'occupaient principalement du tracé des pistes dans les chantiers de construction des voies de communication. Les Bantou étaient chargés de faire le terrassement1(*)3. plusieurs vieillards des deux communautés évoquent de façon pathétique, leur participation au chantier de construction de la route Yokadouma-Moloundou débutée en 1938.

La récolte du caoutchouc avaient aussi mobilisé les deux communautés. Les Baka étaient chargés de repérer les arbres et les lianes à caoutchouc tandis que les Bantou s'occupaient de la cueillette. L'évacuation des produits se faisait par portage jusqu'à Eséka, gare terminus de la voie ferrée du centre. Les Bantou concernés par le portage et les Baka étaient impliqués dans la production. Ils assuraient aussi le ravitaillement des travailleurs en viande. Les chantiers d'extraction des minerais et d'exploitation forestière avaient également mobilisé l'ensemble des populations du Sud-Est.

Les administrations coloniales avaient créé des structures qui utilisaient les deux communautés à la fois tout en faisant des Baka les subalternes des Bantou. Ceci était beaucoup plus perceptible sur le plan économique.

II. L'économie coloniale

L'exploitation des nombreuses ressources naturelles dont regorge la région du Sud-Est marque une étape cruciale dans les relations entre les Baka et les Bantou. Celle-ci a considérablement modifié le rythme de vie de ces deux populations. A ce sujet, Bahuchet écrit ce qui suit :

Ce sont les modifications du mode de vie des villageois qui influent sur le mode de vie des Pygmées [...] Les modifications s'effectuent toujours par rapport à ces relations, soit que l'évolution de l'économie des villageois influence le mode de vie des Pygmées, soit que les Pygmées évoluent en réaction à leur liaison avec les villageois1(*)4.

A. Le commerce extérieur

Le commerce occupait une place de choix dans l'économie coloniale. Les compagnies concessionnaires s'activaient dans le Sud-Est à acheter le caoutchouc, l'ivoire et les palmistes. Or, ces objets dont les colons avaient besoin étaient produits en majorité par les Baka. Les alliances contractées autrefois entre les deux peuples étaient mises à contribution dans le déroulement de ces échanges. Cependant, la donne avait changé. Ce n'était plus l'excédent de production qui était échangé, il s'agissait plutôt d'un véritable travail destiné à ravitailler le Bantou en produits commerciaux. Ce dernier envoyait le Baka chasser dans la forêt. Il mettait à sa disposition des armes (machettes, flèches, lances, arbalètes) contre une rétribution qui était largement inférieure au service rendu1(*)5.

L'ivoire, le principal produit échangé, était produit en majorité par les Baka. Les Noirs ne se contentant que de ramasser des produits qui traînaient dans la forêt. En 1889, le docteur Plehn observe que «dans la région de la Ngoko, les cinq sixième de l'ivoire exporté proviennent des éléphants abattus par les chasseurs Pygmées»1(*)6. Dans le même sens, Gaillard fait savoir que «Tous les chefs ont une ou plusieurs familles de nains, appelées Babinga, qui chassent l'éléphant pour leur compte»1(*)7. La symbiose initiale tournait ainsi en vassalité où, le Baka se mettait au service de son ancien associé.

Il en était de même concernant la production du caoutchouc où chaque village était tenu de fournir sous peine d'emprisonnement dix à cinquante kilogrammes par jour1(*)8. La forêt du Sud-Est, riche en essences et lianes de caoutchouc, livrait avant la première guerre mondiale deux cent à trois cent tonnes par mois1(*)9. La région de Moloundou servait de base d'exploitation où la Sud-Kamerun Gesellschaft disposait en 1910 de dix factoreries, seize postes, quarante trois employés européens2(*)0.Les Baka. étaient confinés aux tâches de producteurs primaires pour le compte des Bantou qui s'étaient interposés en écran ne permettant aucun contact entre les Baka et les Européens. Les produits européens issus des échanges avec les produits des Baka transitaient absolument par les Bantou. Ces derniers décidaient de la nature et de la quantité à leur donner comme rétribution. Crampem en 1890 fait savoir que :

Pour causer un peu librement avec les Bayaga, j'étais obligé de chasser les Mfang des environs de ma tente : ceux-ci ne voulaient pas en effet de conversation particulière, car ils avaient grand peur que je n'apprisse aux chasseurs le prix réel de l'ivoire2(*)1.

On comprend dès lors la duperie utilisée par les Bantou qui s'étaient livrés à une véritable exploitation des Baka, ceux-ci s'étant résolument mis à leur service.

B. La Prolétarisation des Baka

L'introduction de la monnaie dans le circuit économique fut un facteur qui a également pesé sur la nature des relations entre les Baka et les Bantou. Elle conditionnait l'accès aux produits importés dont l'usage était devenu courant dans la société africaine. L'organisation sociale des Bantou même n'en fut pas moins affectée. Désormais, ils intègrent la monnaie dans la dot2(*)2.

L'introduction des cultures de rente, source de devises avait apporté des habitudes nouvelles. La pratique de la cacao culture avait fait abandonner en partie aux Bantou des activités de chasse. Ils avaient adopté une agriculture diversifiée. Cependant la primauté revenait à la culture du cacao, source de devises. Les cultures vivrières relevaient désormais de la seule compétence de la femme.

Cette situation a accentué la dépendance des Baka vis-à- vis des Bantou qui avaient grand besoin de la main d'oeuvre afin d'augmenter leurs capacités productives. Les Bantou avaient recours aux Baka qui travaillaient dans leurs plantations , chassaient du gibier à leur compte, moyennant quelques tubercules, des céréales et des vieux vêtements2(*)3. Les Baka passaient donc du statut de chasseurs-collecteurs à celui d'ouvriers agricoles. Représentant une main d'oeuvre gratuite et servile, chaque Bantou voulait en avoir autant que possible. Wandjore René, Chef du village Mbateka nous a expliqué de quelle façon ils apprivoisaien les Baka : « nous sommes allés les chercher, on les attirait en leur donnant des choses, dès lors ils sont devenus nos pygmées. Mon homonyme Awouma a même perdu sa vie en allant chercher les Pygmées»2(*)4.

Photo 4 et 5

Les patrons Bantous, regard serein et confiants

Famille baka au service d'une femme bantou

Pygmée4

milieux de vie, les Baka étaient dépersonnalisés. Ils adoptaient les noms de leur tribu d'accueil et tous les enfants venant au monde étaient rangés dans la progéniture du Bantou duquel ils relevaient2(*)5. Ainsi, les pourparlers de mariage entre deux Baka engageaient leurs tuteurs respectifs2(*)6. La compensation matrimoniale limitée aux travaux champêtres et aux parties de chasse pour la belle-famille pendant trois ans profitait au Bantou tuteur de la fille.

La communauté Baka du village Massiang située à un kilomètre sur la route de Moloundou est issue d'une transaction opérée entre Dey Paul du village Moampack sur la route de Lomié, grand propriétaire des Pygmées, et son ami Djembé qui lui avait exprimé le voeu d'en avoir quelques-uns2(*)7. Tous les Pygmées de Massiang se présentent comme les enfants de Dey Paul . C'est d'ailleurs ce nom qui figure comme nom de leur père sur leur carte nationale d'identité. Ce cas n'est pas unique, un vieillard Bangando nous a confié que : «mon père avait un village de pygmées, on les appelait par le son du tam-tam»2(*)8.

La présence des Baka auprès des Bantou était d'autant plus nécessaire que la plupart des villages connaissaient l'exode rural. Les jeunes Bantous étaient attirés par les chantiers d'exploitation forestière et par les opportunités d'emploi qu'offrait l'urbanisation naissante. Les Baka étaient amenés à combler leur départ auprès de leurs parents. Les hommes se faisaient utiliser dans les cacaoyères et les femmes aidaient celles des Bantou dans le ramassage et la culture vivrière. A cette occasion, les Baka s'initiaient à la pratique de l'agriculture ; ils exploitaient quelques lopins de terre à proximité de la plantation du Bantou qui malgré tout avait l'initiative de vente . Le régime alimentaire des Baka avait subi de ce fait quelques légères modifications. A l'igname sauvage, leur principale nourriture s'était ajoutée la consommation des tubercules ainsi que la connaissance de quelques arbres fruitiers2(*)9. La langue Baka était aussi altérée car elle subissait les influences des langues bantoues. Les Baka étaient assimilés à leurs ethnies d'adoption. Dès lors, on parlait de Pygmées-Bangando, Pygmées-Mpyémo...etc. pour ceux de l'Est , et de Pygmées-Tikar ou Pygmées-Ngumba pour leurs semblables des provinces du Centre et du Sud.

De même les termes patron, maître, tuteur empruntés au jargon colonial faisaient leur apparition dans le langage courant. Bahuchet note à cet effet que :

Le système ancien d'alliance fondé sur le besoin réciproque se transforme en conséquence en un système autoritaire. La brutalité coloniale provoquant par résonance un durcissement des relations entre Grands Noirs et Pygmées3(*)0.

Il arrivait même que le Bantou inflige des châtiments corporels au Baka qui, dans sa révolte, changeait de tuteur. Ce changement d'allégeance était à l'origine des conflits entre les Grands Noirs qui finissaient par s'entendre. Des noms dévalorisants étaient attribués aux Baka qui étaient désormais appelés des «ebayaga» c'est-à-dire rabougri, dur à cuire... Le Pygmée cristallisait tous les maux : voleur, paresseux, sauvage, menteur. En retour, il prenait le Bantou pour un méchant, un usurpateur et malgré tout pour un maître. Le Pygmée jouissait néanmoins d'une reconnaissance de la part des Bantou à cause de sa grande maîtrise des secrets de la forêt ; d'où le caractère ambivalent de son statut auprès du Bantou qui malgré cette reconnaissance, le plaçait néanmoins au bas de l'échelle sociale3(*)1.

Il existait désormais entre les Baka et les Bantou un fossé que la religion chrétienne allait tenter de combler, ceci au grand dam de leurs cultures respectives.

III. L'influence du christianisme

A l'instar des autres régions du Cameroun, le Sud-Est a connu l'agression de deux forces en provenance du continent européen. Il s'agit de l'action coloniale et de l'action missionnaire. L'une comme l'autre, elles étaient décidées à s'immiscer dans la vie des peuples, chacune avec ses méthodes propres et en fonction de ses objectifs. La colonisation dont le but était de se procurer les biens introuvables en Europe procédait par la brutalité tandis que la religion qui venait convertir les âmes proposait aux populations une vie future meilleure. Ces deux actions connaissaient des fortunes diverses auprès du peuple. Pendant que l'action coloniale était refusée, eu égard aux nombreuses résistances, les populations adhéraient de façon spectaculaire à l'évangile de Jésus-Christ , qui a considérablement influencé leur manière de vivre.

A. Le rapprochement entre les peuples

Le missionnaire dans sa quête d'âmes était porteur d'un message spirituel qui, au plan humain, trouvait sa formulation dans la convention des droits de l'homme. Ce faisant, il ajoutait un élément divin à savoir la «tendresse de Dieu»envers l'homme. Il prônait des valeurs d'égalité, de justice et d'amour entre les peuples. Ces enseignements trouvaient un écho favorable auprès des Bantou qui laissaient s'effondrer les vieux mythes et clichés qu'ils avaient conçu vis -à- vis des Baka. Massa Ernest nous a confié à ce sujet que «les missionnaires nous ont demandé de collaborer avec eux, qu'ils étaient des Hommes comme nous ; nous l'avons compris et accepté comme tel»3(*)2.

Il faut dire que les Bantou ont eu à revoir leur attitude vis à vis des Baka parce qu'ils étaient animés par la recherche du salut au dernier jour car, les missionnaires leur enseignaient que, le chemin pour aller à Dieu passe par l'amour du prochain3(*)3.

Le Bantou se croyait à cet effet investi d'une mission de civiliser le Baka. Un notable Bangando nous a t-il confié : «Nous avons décidé de les sortir de la forêt ». Ce qui renforçait davantage l'attitude paternaliste exercée à l'endroit du Baka. Il nous est arrivé de nous rendre à l'évidence de ce complexe de supériorité au cours de notre enquête. Un jour , nous demandions à un Baka de nous dire pourquoi il préférait vivre en forêt ; un Bantou se targuant de leur mission civilisatrice s'empressa de répondre : «Mon fils c'est le combat que nous menons depuis des années»3(*)4. Le R.P. Trilles abondant dans le même sens, parle d'intérêt naturel de tout chrétien de se pencher sur ses frères déshérités pour les relever3(*)5. Cependant, l'on peut s'interroger sur le silence des religions occidentales au sujet des brimades perpétrées sur les populations et sur l'exploitation à outrance des richesses dont regorgeait la région. On en vient à se demander si cette évangélisation n'avait pas d'autres motivations .

B. L'acculturation

L'une des actions des missions chrétiennes occidentales en Afrique pendant la colonisation a consisté à saper les fondements de la vie religieuse africaine. La culture des Africains était la principale cible de l'oeuvre missionnaire qui y avait repéré une barrière qu'il fallait absolument briser en vue de mieux asseoir sa domination. Toutefois, il convient de relever que les Baka contrairement aux Bantou, n'avaient pas adhéré au message évangélique de façon massive en raison de la solidité de leur système religieux contre lequel les missionnaires avaient engagé une croisade3(*)6. Tant il est vrai que tout système religieux negro-africain repose sur les valeurs de théocentrisme et d' anthropocentrisme3(*)7. Des rites tels le jengui , centre de la vie religieuse chez les Baka, furent déconseillés et taxés de pratiques diaboliques. «Je ne peux plus participer au jengui depuis que je vais à l'église... C'est Satan», nous a confié un Baka converti au christianisme3(*)8.

Cette guerre lancée contre la culture Baka n'avait point connu de succès étant donné que l'édifice était solidement implanté. Les Missionnaires furent contraints de changer d'approche. Pour ce faire, ils se mirent à étudier la culture Baka en vue de mieux la connaître et la pénétrer. Plusieurs d'entre eux se firent initiés dans le jengui. D'où leur l'engouement à mener des études sur les Pygmées. Le père Trilles soutenant cette initiative est exaspéré par l'attitude du pasteur Livingstone qui ne s'adonne pas à la tâche. Aussi s'étonne- t-il qu' : «un missionnaire aussi ardent que l'illustre Livingstone consacre quelques lignes, encore en passant, aux croyances des populations qu'il évangélise»3(*)9.

Les missionnaires ont par la suite procédé à la création de structures d'encadrement en vue de favoriser l'insertion des Baka dans la communauté chrétienne. Ceux-ci étaient admis gratuitement dans les écoles des missionnaires ; ils recevaient des formations en menuiserie, et plus tard étaient utilisés par des scieries et entreprises forestières comme pisteurs ou abatteurs. Les Bantou quant à eux se formaient comme catéchiste dans le but de répandre la bonne nouvelle auprès des deux communautés.

Ainsi, ont évolué les relations entre les Baka et les bantou à cette période charnière de l'histoire africaine. L'équilibre initial marqué par une symbiose socioéconomique due à un impératif de complémentarité, s'est effondré à la faveur des bouleversements de l'époque coloniale, cédant le pas à une relation de dépendance au détriment du Baka. Le fondement économique qui naguère était à la base de la relation avait disparu au profit d'un nouveau rapport d'asservissement. Cette situation perdure jusqu'aujourd'hui ; elle s'est même intensifiée au point de devenir une institution où le Baka est engagé dans un processus de reconversion culturelle.

CONCLUSION GENERALE

L'analyse des rapports entre les Pygmées Baka et les Bantou du Sud-Est Camerounais à la lumière des sources orales, visait à saisir l'évolution des relations entre ces deux sociétés dans une perspective diachronique à partir d'une gamme variée des données de l'oralité.

Au bout du compte, Il ressort que l'éventail des sources orales à même de révéler des informations sur le passé commun des populations ainsi étudiées reste assez large et d'une contribution remarquable.

De toutes les formes explorées, la toponymie est celle qui nous a le plus fourni des informations. Des toponymes, nombreux au Sud- Est, illustrent à merveille la dynamique historique des populations. Ils rappellent des situations allant des migrations à la mise en place du peuplement. Ils situent les lieux de départ, indiquent les sites de bataille et précisent les différents itinéraires, tout en mettant en relief les divers soubresauts que les peuples ont connus.

A cet égard, leur contribution dans la reconstitution de l'histoire des Bangando est appréciable. Ils auront permis d'établir les origines orientales de ce peuple, à partir de la présence dans leurs rites et mythes, du vocabulaire spécifique aux attributs géographiques de cette région: désert, cheval, terre rouge, arabes...se manient avec dextérité dans les traditions ancestrales. Le village Salaboumbé la cité fortifiée, rappelle les circonstances mythiques de la traversée de la Boumba ; les noms de leurs premières habitations, font état du climat social ambiant où ils sont partagés entre angoisse et insécurité.

Il en est de même des Essel qui ont conservé par devers eux, le nom de leur localité d'origine, Mintom. Le cas des villages mixtes créés par force en période coloniale reste palpable par la présence des adjectifs nouveaux et anciens, dans la terminologie des agglomérations. L'attachement des populations à leur passé se manifeste à travers la ré-appropriation au lendemain de l'accession à l'indépendance, de leur nom d'origine.

Plus édifiants encore apparaissent les ethnonymes qui, pour la plupart, voient le jour à la suite des procédures de dislocation ou de structuration des grands ensembles intervenant dans des contextes précis. Ces noms qui indiquent les circonstances de leur baptême, possèdent une lourde charge historique. Ainsi, dans le Sud-Est, nombreuses sont les ethnies dont le nom fait référence à l'ancêtre fondateur. Grâce à ces noms, il est ainsi possible d'établir la filiation entre les différents groupes. C'est le cas des tribus Mpo'oh et apparentés, dont le nom se rattache directement aux ancêtres fondateurs : Mpoumpo'oh, Kozime, Kounabeemb, Mpouomam, Zimé, Mpyémo, Bidjouki ...

Plusieurs clans à la suite de la désagrégation de leur ethnie, à  défaut d'adopter le nom de l' ancêtre dissident, se désignent par les circonstances de cette séparation ; ils répondent par des noms tout à fait différents de ceux de leur groupe d'origine.  L'ethnonyme Bangantou en est une parfaite illustration. D'autres, tout en suggérant leur idéologie de la vie, sont le reflet de la psychologie des peuples. L'exemple des Baka reste patent ; peuple de liberté, leur nom magnifie cet idéal (Bakama). Il en est de même des Bola ne netock dont l'appellation illustre leur caractère belliqueux , élément de dissuasion des voisins.

Bien nombreuses sont les ethnies fondées à la suite des dislocations intervenues à des moments difficiles. Les ethnonymes Bangando et Sanga Sanga qui pour l'un rappelle la traversée du fleuve par la nage à la manière des caïmans (Bengando), et pour l'autre désigne les riverains de la Ngoko, illustrent clairement cette situation.

Grâce aux noms de raillerie que les peuples se donnent, l'on saisit les perceptions réciproques et les idées que les uns se font des autres. Il s'agit là d'un signe patent traduisant la nature des relations entre les différents groupes. Aussi le terme «ebayaga» utilisé par les Bantou pour désigner les Baka et qui signifie rabougri, dur à cuire, nain ou dégénéré montre - t-il bien la perception d'animal mitoyen que les Bantou ont de leurs voisins. On comprend dès lors le mépris dont ils sont l'objet . En revanche, la soumission des Baka aux Bantou se manifeste par le respect aveugle qu'ils leur vouent ; c'est à coeur joyeux qu'ils utilisent les expressions telle « patron», «maître» ou «tuteur» pour designer ceux- ci .

On peut difficilement aborder la question des rapports entre les peuples sans faire référence aux proverbes qui non seulement sont des règles de vie, mais aussi traduisent à bon escient l'état des relations entre les groupes. Ainsi, les Baka appellent à la prudence à travers des proverbes relatifs à la chasse ; ils présentent l'idéal de paix en comparaison avec le bien-être qui prévaut dans l'univers sylvestre , et invitent à plus de responsabilité à travers la métaphore de la collecte du miel.

A la seule évocation de l'adage narguant les Mpyémo, on est assimilé à un Mpoumpo'oh s'attirant ainsi l'animosité rattachée à ce groupe. De la même manière, le dicton relatif à la détention des Mpoumpo'oh chez les Zimé suscite l'amertume de la part de ces derniers.

L'apport de la linguistique reste déterminant en tant que facteur de rapprochement des peuples et élément de différenciation ; elle nous aura rendu facile la distinction entre Mpo'h, apparentés et Ngombé , ainsi que la reconstitution des différents ensembles ethniques.

Les chants ne sont pas moins porteurs d'informations historiques. Suscitant l'allégresse par-ci et l'irritation par-là, ils illustrent de façon éloquente, les victoires des différents peuples. Les Bangando multiplient les adaptations de la chanson composée à l'occasion de leur victoire sur les Zimé lors de la guerre de Salapoumbé pendant les évènements joyeux1(*). Des chansons qui accompagnent leurs rituels nous relatent les épisodes de leurs migrations où le surnaturel intervient sans cesse. C'est ici qu'apparaît la place des totems et des tabous.

Présentés sous forme d'interdits alimentaires, les totems sont les signes visibles des alliances contractées entre l'homme et les forces de la nature. Par leur présence, ils rappellent ce que les hommes leur doivent ; ils les mettent en confiance au même titre que la croix dans les églises, ou encore les saintes images dans les temples2(*).

Pour ce qui est des mythes, ils sont apparus comme des facteurs d'unité entre les peuples. Ils sont tout aussi importants du point de vue historique. Dans le présent travail, ils ont été déterminants dans la compréhension des mouvements migratoires. Tout en précisant l'origine des peuples, ils indiquent les itinéraires empruntés. Ils se sont illustrés notamment dans la traversée des différents cours d'eau : Sangha, Kadey, Boumba...

Plus utile encore a été leur contribution dans l'analyse de la culture de chaque peuple. En tant que véhicule idéologique, les mythes nous auront permis de comprendre les raisons de l'enracinement et de l'épanouissement des Baka dans la forêt. Celle-ci , à travers le mythe de la création chez les Baka , n'est plus un air de repli tel que le laissent entendre plusieurs récits historiques.

Les rites jouent également un rôle similaire . Ils permettent de maintenir les souvenirs en éveil, et sont les points de rapprochements entre les peuples. L'Edio des Bokaré et le Dio des Bangando attestent de l'origine commune de ces groupes telle que présentée par la mémoire collective3(*). Il en est de même du Béka commun à tous les Bakwelé. Aussi intéressant est le cas du jengui dont les Pygmées Aka, Baka et Babinga ont en commun. A travers ce rite, on peut comprendre que ces populations auraient d'abord vécu ensemble avant de se disloquer. C'est à cette occasion qu'ils ont perdu leurs langues originelles au point où chacune est allée adopter la langue du groupe auquel il a été incorporé4(*). Le rite apparaît donc comme un élément d'unité et de rapprochement entre les

PHOTO5

Le mythe de l'éléphant reste très présent dans l'histoire des populations du sud est

peuples dans la mesure où sa pratique reste ouverte à tous ; la participation des Baka et des Bantou au jengui ou au Beka témoigne de façon éloquente de la collaboration entre les deux groupes.

En plus de l'aspect rituel, le jengui fait partie des masques qui, au même titre que d'autres éléments, sont sources d'histoire. Il est à considéré au rang des acteurs de l'histoire , car il est garant des pactes sociaux ; il est la porte d'entrée de la culture Baka, et joue le rôle de justicier suprême.

A la lumière de tous ces éléments, on se rend compte que les rapports entre les Baka et les Bantou remontent depuis les mouvements migratoires. Ces rapports sont tributaires des facteurs historiques inhérents à chaque période.

A l'époque précoloniale, la relation était équilibrée. Entre les deux peuples existait une coopération multiforme dont le partage, l'échange et l'assistance mutuelle étaient les maîtres-mots, dans un souci de complémentarité. L'avènement de la colonisation a créé une rupture. Une nouvelle définition des rapports du fait du contre coup de l'économie coloniale a vu le jour. Le Baka est passé du statut d'associé à celui de prolétaire. Son mode de vie ne fut pas moins affecté. Contraint de s'arrimer à l'économie monétaire, il est passé du statut de chasseur-collecteur habitant la forêt, à celui d' ouvrier agricole contraint de cohabiter avec le Bantou devenu le maître, le patron, le tuteur, dont il adopte la culture. Son alimentation, son model d'habitat et la pratique de l'agriculture sont les premières manifestations de ce processus d'acculturation et d'asservissement qui se poursuit jusqu'à nos jours et dont l'analyse constitue une nouvelle piste de recherche.

Dans cette perspective, il faudra prendre en compte d'autres acteurs tels que l'Etat, l'Eglise, les organisations non gouvernementales qui interviennent dans la chaîne des relations entre ces deux peuples en vue d'assurer leur intégration. Une tâche qui ne manque pas d'enjeux dans un environnement de globalisation où paradoxalement, la résurgence des replis identitaires comme principe de vie , reste pressante. Ceci suggère en filigrane , le problème de choc culturel. Nous ne l'abordons pas dans la classique opposition entre tradition et modernité. Il s'agit plutôt pour nous, d'examiner le frottement de deux cultures africaines, et d'analyser la cohabitation qui en résulte. Une telle ambition insistera donc sur les conflits, les échanges, les alliances, les jeux de structuration où de restructuration.

Le sujet paraît intéressant et nécessite une investigation poussée et une oeuvre de longue haleine. L'étude devra s'étendre au-delà des frontières nationales eu égard au caractère transnational des populations étudiées, et de l'unité géographique que le milieu présente avec les pays voisins. Ce qui place la question au coeur de la problématique de l'intégration régionale. Telles sont les perspectives nouvelles que pourraient interpeller la recherche.

ANNEXES

Annexe I

Université de Yaoundé I

Faculté des arts, lettres et sciences humaines

Département d'histoire

Projet de mémoire

Sujet : «Contribution de l'oralité à l'étude des rapports entre Pygmées Baka et lesBantou dans le Sud-Est camerounais des origines à 1960».

Guide d'entretien
I. Présentation du village
A. La géographie du village

1. Nom du village 

2. Canton 

3. Arrondissement 

4. Département 

5. Situation sur l'axe 

6. Quels sont les villages voisins ?

7. Quelles sont les ethnies voisines ?

8. Le village est situé : sur une colline, plaine, plateau, sur un bas fond, au bord de la route ? En forêt ?

B. Histoire du village

1. Que signifie le nom du village ?

2. Quelle personne ou famille a fondé le village ?

3. Parlez-nous de l'origine de la population.

4. Quels sont les événements importants qui ont marqué la vie du village ? Guerre , famine, épidémie, ... ?

5. Pouvez-vous situer cet événement dans le temps ?

II. Population du village

1. Nombre d'habitants ..................... Hommes, femmes, enfants.

2. Quelles sont les différentes ethnies du village ?

3. Quelles sont les langues parlées dans le village ?

4. Y'a t-il un animateur dans le village ?

5. Si oui par quelle structure ?

6. En quoi consiste son travail ?

7. Est-il payé ?

8. Quel est le nombre de personnes qui savent lire et écrire.

9. La population est-elle stable pendant toute l'année ?

10. A quel moment les populations sont-elles absentes ?

11. Y a t-il des étrangers ?

12. Si oui depuis quand ? Pourquoi sont-ils là ?

SOURCES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
I. Sources écrites
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Ngombe L., «L'évolution des Bangando du Sud-Est Cameroun : des origines à 1894», mémoire de DIPES II en histoire, ENS, Yaoundé, 1995.

II. Sources orales

Noms et prénoms

Age

Fonction

Ethnie

Date et lieu d'entretien

Alamba Samuel

62 ans

Agro-chasseur

Baka

26/02/2005 à Mbol XII

Allo Daniel

60 ans

Agro-chasseur

Baka

12 /04/2005

Nguilili

Ambatta Philippe

45 ans

Animateur AAPEC

Bangando

13 Avril 2005 à Moloundou

Diro Jean Denis

41 ans

Enseignant

Mpyemo

10 /06/2005 à Yokadouma

Djasso Baoue Thimothée

49 ans

Cultivateur

Bangando

10/04/2005 à Mbangoye I

Ekwas Sébastien

62 ans

Cultivateur

Mpouomam

26/02/2005 à Mbol XII

Epack Daniel

75 ans

Cultivateur

Mpoumpo'oh

07/11/2004 à Massiang

Ipando Jean-Jacques

51 ans

Maire commune rurale de Moloundou

Sanga-Sanga

11/04/2005 à Moloundou

Jemba Jean

71 ans

Cultivateur

Bangando

08/04/2005 à Mbangoye I

Lessie Patrice

62 Ans

Chef traditionnel

Essel

11/04/2005 à Nguilili

Mambe Eugène

56 Ans

Animateur AAPEC

Bangando

08/04/2005 à Mbangoye I

Massa Ernest

52 Ans

Cultivateur

Bangando

10/04/2005 à Mbangoye II

Mbita Léon

46 Ans

Agent communal

Bangando

11/04/2005 à Nguilili

Mboloko Emile

79 Ans

Ancien

combattant

Mpyemo

10 /06/2005 à

Yokadouma

Mediké John Albert

59 Ans

Agent de l'Etat retraité

Bangando

12/04/2005 à

Banana

Mekoulagna Basile

68 Ans

Cultivateur

Mpoumpo'oh

26/02/2005 à Mbol XII

Mikpok Jasimin

41 Ans

Chasseur-collecteur

Baka

18/02/2005 à

Madoungué

Mgbeni Benoît

62 Ans

Chasseur- collecteur

Baka

05/02/2005 à Massiang

Moampi Romain

39 Ans

Agro-chasseur

Baka

08/04/2005 à Mbangoye I

Mongonando Gilbert

63Ans

Chef traditionnel

Bangando

10/04/2005 à Moloundou

Mossadikou Eugène Raphaël

81 Ans

Ancien parlementaire

Bangando

10/04/2005 à Moloundou

Moussa Alphonse

91 Ans

Cultivateur

Mpouomam

26/02/2005 à Mbol XII

Moustaka Jeannot

39 Ans

Chasseur-collecteur

Baka

18/02/2005 à Madoungué

Mossus Bertin

36 Ans

Animateur rural

Koumabeemb

05/02/2005 à Ngato

Mvogo Suzanne

59 Ans

Cultivatrice

Baka

11/04/2005 à Nguilili

Ndongo Pascal

58 Ans

Chasseur-collecteur

Baka

18/02/2005 à Madoungué

Ngama Balamba Simon

58 Ans

 

Baka

11/04/2005 à Nguilili

Ndzengue Bien Aimée

28 Ans

Agent communal

Sanga-Sanga

11/04/2004 à Moloundou

Ngbengue Samuel

58 Ans

Chasseur-collecteur

Baka

05/02/2005 à Massiang

Tong Joseph

52 Ans

Agriculteur

Essel

11/04/2005 à Nguilili

Wandjore René

70 Ans

Chef de village

Bangando

09/04/2005 à Mbangoye II

Woneye Marie Thérèse

62 Ans

Cultivatrice

Koumabeemb

05/02/2005 à Ngato

Zila Emile

75 Ans

Ancien cuisinier colonial

Mpoumpo'oh

07/11/2004 à Massiang

* 1 La «oral history» est apparue aux Etats-Unis au lendemain de la première guerre mondiale, puis en Scandinavie, en Angleterre et plus tard en France. Son approche a permis non seulement d'apporter d'utiles compléments aux sources écrites mais aussi de donner la parole aux oubliés de l'histoire, aux vaincus.

* 2 Les sources orales recouvrent deux domaines distincts :  des témoignages oraux et les traditions historiques.

* 3D. Abwa, «Plaidoyer pour l'écriture de l'histoire contemporaine du Cameroun», Ngaoundéré Anthropos, vol.VII, 2002, p.26.

* 4 Plusieurs acteurs refusent de parler au nom du « droit de réserve».

* 5 D. Abwa, Sadou Daoudou parle, Yaoundé, Presses de l'UCAC, 2002.

* 6 C. Ateba Eyéné, Pierre Semengue, Toute une vie dans les armées, Yaoundé, Editions Saint Paul, 2003.

* 7 D. Abwa, Woungly Massaga, ma part de vérité, Yaoundé, Presses de l'UCAC, 2005.

* 8 E. Mohammadou, Traditions historiques des peuples du Cameroun central, 2 vol., Tokyo, ILCAA, 1990 et 1991.

* 9 E. Ghomsi et T. M. Bah, Collecte des traditions orales historiques des populations du Mbam. Les Vouté, Yaoundé, MERES-CREA, 1987.

* 10 S.M. Eno Belinga, Mvet : Monoblum ou l'homme bleu, Yaoundé, CEPER, 1978.

* 11 C. H. Perrot (eds), «Sources orales et histoire un débat permanent», Sources orales de l'histoire de l'Afrique, Paris, CNRS, 1993, p.15.

* 12Le débat entre les sources orales et l'histoire reste permanent.

* 13 A. Njiassé Njoya, «Chants dynastiques et chants populaires bamum : sources d'informations historiques», Sources orales de l'histoire..., pp.65-74.

* 14 J. Ki-zerbo, Histoire de l'Afrique Noire d'hier à demain, Paris, Hatier, 1972, p.4.

* 15 Calendrier agricole publié par le service de vulgarisation agricole de la Délégation Provinciale de l'Agriculture de l'Est, octobre 1987, p.7.

* 16 T. M. Bah, «Guerre, pouvoir et société dans l'Afrique précoloniale, entre le lac Tchad et la côte camerounaise», thèse de Doctorat d'Etat, volume I, université de Paris I Panthéon-Sorbonne, 1985, pp.468-469.

* 17 Outre la Boumba et Ngoko, on retrouve les mêmes populations dans le département de la Kadey et du Haut Nyong au Cameroun, dans celui de la Sangha Mbaéré en R.C.A. et celui de la Sangha en République du Congo.

* 18 Infra, p.60.

* 19 I. Dugast, Inventaire ethnique du Sud-Cameroun, Paris, IFAN, 1949.

* 20 H. Barral et A. Franqueville, Atlas régional du Sud Est Cameroun, Yaoundé, ORSTOM, 1970.

* 21 S. Ango Mengue, «L'Est-Cameroun : une géographie de sous-peuplement et de marginalisation», thèse de Doctorat 3e cycle en géographie, université de Bordeaux III, 1982.

* 22 E. Metindé, «Les S Mpyémo de l'Est-Cameroun précolonial», mémoire de maîtrise en histoire, université de Yaoundé I, 2002.

* 23 Ngombé, «Evolution historique des Bangando des origines à 1894», mémoire de DIPES II, ENS de Yaoundé, 1995.

* 24 A. Edjondj Mempouth, «Etude ethno-historique des Mpo'oh et apparentés du Sud-Est des origines à 1916», mémoire de DIPES II, ENS, Yaoundé, 1994.

* 25 J. R. Gouesseboth, «Une migration dans le Cameroun précolonial : le groupe Mpouomam de l'Est», mémoire de DIPES II, ENS, Yaoundé, 1993.

* 26 Dans la justification du sujet, ces auteurs disent vouloir combler un vide sur l'histoire mal connue de leur région d'origine.

* 1 M. Bloch, Apologie pour l'histoire ou métier d'historien, Paris, Armand Colin, 1964, p.53

* 2 Ensemble des populations en Afrique subsaharienne aux langues apparentées dont les structures socio-politiques et économiques présentent des rapprochements. Dans les zones forestières du Cameroun, ce terme désigne de façon générique les voisins des Pygmées.

* 3 Supra pp10-11.

* 4 I. Dugast, Inventaire ethnique..., p.109.

* 5 Robineau, L'évolution économique et sociale de l'Afrique centrale : le cas de Souanké, Paris, ORSTOM, 1970, P.23.

* 6 I. A. Edjondj Mempouth, «Etude ethno-historique des Mpo'oh...», p.10

* 7 Le canton Zimé appartient au département du Haut-Nyong qui ne rentre pas dans notre champ d'investigation.

* 8 I. A. Edjondj Mempouth, «Etude ethno-historique des Mpo'oh...», p.12.

* 9 H. Deschamps, Histoire générale de l'Afrique Noire de Madagascar et des Archipels tome 1,Paris, PUF 1972, p.362

* 10 Il s'agit de la migration des Tchamba qui a eu lieu au XVIIe siècle que plusieurs auteurs tels I. Edjondj Mempouth confondent aux invasions peules de l'Adamaoua survenues au XIXe siècle.

* 11 Les populations du Sud-Est sont regroupées en cantons sur la base ethnique.

* 12 Moussa Mouagound est un notable Mpouomam qui nous a accordé un entretien au village Mbol XII le 27 janvier 2005.

* 13 Yokadouma est l'appellation déformée de Zokadouma qui signifie l'éléphant ne tombe jamais. C'est un pseudonyme que portait Mikoues, à cause sa bravoure dans les campagnes guerrières.

* 14 I. A. Edjondj Mempouth, «Etude ethno-historique des Mpo'oh...», p.19.

* 15 Infra, p.70.

* 16 Mossus Bertin, entretien du 6 mars 2005 à Ngato.

* 17 Moussa Mouagound Alphonse, entretien du 27 janvier 2005 à Mbol XII.

* 18 Les anciens affirment que les Mpouomam ont toujours vécu sous la vassalité des autres tribus qui les ont maintenu dans cette condition.

* 19 Pour certains, ce pont était un gros serpent.

* 20 Ndzengue Bien Aimé d'origine Sanga-Sanga, entretien du 8 avril 2005 à Molundou.

* 21 Mboliko Emile, ancien combattant d'origine Mpyémo, entretien du 10 juin 2005 à Yokadouma.

* 22 Ibid.

* 23 H. Barral et A. Franqueville, Atlas régional du Sud Est ... , p.9.

* 24 Dans les intrigues entre populations, les Mpyémo sont identifiés aux Centrafricains et les Bekwel aux Congolais.

* 25 S. E. Metindé, «Les Mpyémo de l'Est-Cameroun ...», p.46.

* 26 Diro Jean Denis, entretien du 17 juin 2005 à Yokadouma.

* 27 Mintom est également le chef-lieu de l'arrondissement qui porte le même nom au Sud où l'on retrouve les Esselé.

* 28 Mossadikou Eugène Raphaël, entretien du 20 Avril 2005 à Moloundou.

* 29 Dans le cours d'égyptologie, cette région est désignée par l'expression Daresh qui signifie terre rouge.

* 30 Mossadikou Eugène Raphaël, entretien du 20 Avril 2005 à Moloundou.

* 31 H. Deschamps, Histoire générale de l'Afrique de 1800 à nos jours, Paris, PUF, 1971, p.193.

* 32 Mediké Albert, entretien du 13Avril2005 à Banana.

* 33 P. Buham et al., «Gbaya et Mbako contribution ethnolinguistique à l'histoire de l'Est-Cameroun», Contribution de la recherche ethnologique à l'histoire des civilisations du Cameroun, vol. 2, Paris, CNRS, 1981, p.89.

* 34 Mediké Albert, entretien du 13Avril2005 à Banana.

* 35 Ndoka Joseph, propos recueillis par Lucien Ngombé le 9Décembre 1994 à Lom.

* 36 Mossadikou Eugène Raphaël, entretien du 10Avril2005 à Moloundou.

* 37 Le terme albinos désigne les Arabes, pour marquer la différence avec les Blancs.

* 38 Mossadikou Eugène Raphaël, entretien du 20 mars 2005 à Moloundou.

* 39 Mediké Albert , entretien du 21 mars 2005 à Banana.

* 40 Ibid.

* 41 Epack Daniel, ancien cuisinier colonial allemand d'origine Mpoumpo'oh, entretien du 10 décembre 2004 à Massiang.

* 42 Cet ethnonyme signifie répondre aux provocations par l'affrontement.

* 43 Supra p.19.

* 44 Les Allemands avaient l'habitude de donner aux régions et aux ethnies les noms des personnes.

* 45 S. Ango Mengue dans sa thèse parle de Bangantou de Moloundou et Bangantou de Mbang.

* 46 Le moyen de la traversée varie d'une tradition à une autre.

* 47 Jemba Jean, entretien du 9 avril 2005 à Mbangoye I.

* 48 S. Ango Mengue, «L'Est-Cameroun...», p.52.

* 49 Mediké Albert, entretien du 11 avril 2005 à Banana.

* 50 G. Schweinfurth avait fait la rencontre des Pygmées sur les rives du Népoko nélo dans l'actuelle République Démocratique du Congo.

* 51 Trilles (R.P.), L'âme du Pygmée d'Afrique, Paris, CERF, 1945, p.14.

* 52 S. Seitz, Pygmées d'Afrique centrale, Paris, Peeters Salaf, 1993, p16.

* 53 P. Schebesta (R.P.), Les Pygmées du Congo Belge, Bruxelles, IRSAC,1952, p.14.

* 54 S. Seitz, Pygmées..., p.22.

* 55 G. Phillipart de Foh, Les Pygmées..., p.50.

* 56 Trilles (R.P.), L'âme du Pygmée ..., p.26.

* 57 Ibid.

* 58 E. Endamena Atem, Evolution des Pygmées Baka de Mintom, Yaoundé, MINREST, 1992, p.5.

* 59 E. Mveng (R.P.), Histoire du Cameroun, tome I, Yaoundé, CEPER, 1984, p.

* 60 Ibid.

* 61 Trilles(R.P.), l'âme du Pygmée...P.46.

* 62 Ibid..

* 63 E. Mveng (R.P.), Histoire du Cameroun, tome I, Yaoundé, CEPER, 1984, p.23.

* 64 Il les identifiait à leur mode de vie où la chasse est la principale activité.

* 65 Dellemmes (R.P.), Le père des Pygmées, Paris, Flammarion, 1985, p.55.

* 66 Zila Emile, entretien du 7 novembre 2004 à Massiang.

* 67 Les Baka que nous avons rencontrés ont confirmé ces informations.

* 68 Ndaywel Enziem, «L'Afrique centrale ancienne : les hommes et les structures», T. Obenga (éds.), Le peuple Bantou migrations, expansion et identité culturelle, tome I, Paris, L'Harmattan, 1989, p.256.

* 69 Trilles (R.P.), L'âme du Pygmée ..., p.31.

* 70 Ibid., p.56.

* 71 Cette odeur est favorable aux activités de chasse.

* 1 F. Kange Ewané, Semence et moisson coloniales, Yaoundé, CLE, 1985, p.58.

* 2 Supra, p.33.

* 3 Infra, p.47.

* 4 Supra, p.38.

* 5 Supra, p.48.

* 6 Il arrive souvent que l'enfant représentant le gorille morde ses petits compagnons en se défendant.

* 7 S.C. Abéga, Pygmées Baka..., p.28.

* 8 Rita Rossi, entretien du 2 novembre 2004 à Parny.

* 9 E. Mveng, Histoire du ...., p.29.

* 10 Lors de nos entretiens, toutes les femmes du campement y prenaient part sans intervenir.

* 11 c'est la femme qui choisit le point de chute du déplacement et l'emplacement du campement.

* 12 Le singe n'allume pas le feu et ne le fera jamais disent les Baka.

* 13 Moussa Mouagound, un notable Mpouomam nous a présenté le dispositif d'allumage du feu qu'ils ont emprunté auprès des Baka.

* 14 Mvogo Suzanne, Baka, entretien du 5 février 2005 à Nguilili.

* 15 Benoît Mbeni, Baka, entretien du 5 février 2004 à Massiang.

* 16 Ibid.

* 17 Tous les Bantou qui ont épousé les femmes Baka ont confirmé la grande capacité de celles-ci à répandre la chance.

* 18 Ngbengue Samuel, Baka, entretien du 5 février 2005 à Masiang.

* 19 S.C. Abéga, Pygmées Baka..., p.43.

* 20 Ngbengue Samuel, Baka, entretien du 5 février 2005 à Masiang.

* 21 Donny Elwood, un chansonnier camerounais dans l'un de ses tubes présente la gamme de services extraordinaires que les Pygmées rendent aux Bantou.

* 22 Trilles, L'âme du Pygmée..., p.215.

* 23 S.C. Abéga, Pygmées Baka..., p.84.

* 24 Ibid

* 25 P. L. Tolra et J-P. Warnier cité par O. C. Ossanga, «Pygmées Bédzang...» , p.6.

* 26 S. Bahuchet, «Les Pygmées Aka de la forêt centrafricaine», Se nourrir en forêt équatoriale, anthropologie alimentaire des populations des régions forestières humides d'Afrique, UNESCO, Paris, 1990, p.14.

* 27 Les femmes Baka nous ont appris qu'elles mettent près de trois heures pour déterrer les tubercules d'ignames.

* 28 Mvogo Suzanne, Baka, entretien du 9 avril 2005 à Nguilili.

* 29 G. Phillipart de Foh, Les Pygmées..., p.32.

* 30 S.C. Abéga, Pygmées Baka..., p.56.

* 31 Ndongo Pascal, entretien du 11 avril 2005 à Mbangoye I.

* 32 Ipando Jean-Jacques, Maire de Moloundou, entretien du 10 mars 2005 à Moloundou.

* 33 I.A. Edjondj Mempouth, «Etude ethno-historique des Mpo'oh... », p.46.

* 34 Ekwas, Sébastien entretien du 26 février 2005 à Mbol XII.

* 35 Ibid., p.39.

* 36 Mboliko Emile, ancien combattant, entretien du 5 novembre 2004 à Yokadouma.

* 37 Ibid.

* 38 L. Ngombé,«Evolution des Bangando...», p.29.

* 39 Mediké Albert, entretien du 21 mars 2005 à Banana.

* 40 Ibid.

* 41 T.M. Bah, «Guerre, pouvoir et société...», p.370.

* 42 Mediké Albert, entretien du 21 mars 2005 à Banana.

* 43 Ibid.

* 44 Zila Emile, entretien du 12 novembre 2004 à Massiang.

* 45 Koch, Magie et chasse dans la forêt camerounaise, Paris, Berger-Levrault, 1968, p.24.

* 46 Synthèse des traditions orales recueillies dans les différents cantons.

* 47 P. Laburthe Tolra, Les Seigneurs de la forêt, Paris, Sorbonne, 1981, p.

* 1 S. Bahuchet, «Les Pygmées aujourd'hui en Afrique centrale», Africa, Londres, 1996, p.98.

* 2 H. Guillaume et al., Encyclopédie des Pygmées Aka, techniques, langues et société des chasseurs-cueilleurs de la forêt centrafricaine, 1991, p.176.

* 3 S. Bahuchet, «Les Pygmées d'aujourd'hui...», p.9.

* 4 S.C. Abega, Pygmées Baka..., p.58.

* 5 Moussa Moagound Alphonse, entretien du 26 février 2005 à Mbol XII.

* 6 Mbita Léon, entretien du 13 mars 2005 à Nguilili.

* 7 Ambata Philippe, entretien du 13 avril 2005 à Moloundou.

* 8 L'évocation de ce nom continue à provoquer des frissons au sein de la communauté Baka.

* 9 Moampi Romain, Baka, entretien du 19 novembre 2005 à Madoungué.

* 10 Mambé Eugène, entretien du 13 mars 2005 à Mbangoye.

* 11 Massa Ernest, entretien du 12 mars 2005 à Mbatéka.

* 12 Mgbeni Bénoît, entretien du 5 février 2005 à Massiang.

* 13 Mambé Eugène, entretien du 13 mars 2005 à Mbangoye.

* 14 Ibid.

* 15 Massa Ernest, entretien du 12 mars 2005 à Mbatéka.

* 16 Infra, p.72.

* 17 H. Guillaume et al., Encyclopédie des Pygmées Aka...p181.

* 18 Mbita Léon, entretien du 13 mars 2005 à Nguilili.

* 19 Jema Jean, entretien du 14 mars 2005 à Mbangoye.

* 20 H. Guillaume et al., Encyclopédie des Pygmées Aka...p184.

* 21 Dellemmmes, Le père des Pygmées..., p.64.

* 22 Djiasso Timothée, entretien du 10 avril 2005 à Mbatéka.

* 23 Moussa Mouagound Alphonse, entretien du 27 janvier 2005 à Mbol XII.

* 24 Dellemmes, Le père des Pygmées..., p.79.

* 25 Djiasso Timothée, entretien du 10 avril 2005 à Mbatéka.

* 26 Un vieux Baka, Alamba, cloué par la maladie sur son lit pour magnifier ses exploits me disait «je fus un homme, j'ai eu à tuer le gorille et non l'éléphant».

* 27 Ngbeni Benoît, entretien du 24 novembre 2004 à Massiang.

* 28 H. Guillaume et al., Encyclopédie des Pygmées Aka...,p182.

* 29 M. Mveng Ayi, «Echanges commerciaux au Cameroun méridional«, Contribution de la recherche..., p.

* 30 Ibid.

* 31 Il s'agirait d'une appellation déformée du terme sénégalais qui désigne un peuple de l'Afrique de l'Ouest à qui les populations du Nord-Cameroun étaient assimilées.

* 32 Mekoulagna Basile, entretien du 26 février 2005 à Mbol XII.

* 33 I.A. Edjondj Mempouth, «Etude ethno-historique des Mpo'oh... », p.57.

* 34 S.E. Metindé, «Les Mpyémo de l'Est ...», p.100.

* 35 Zila Emile, entretien du 4 novembre 2004 à Massiang.

* 36 Mossadikou Eugène Raphaël, entretien du 20 mars 2005 à Moloundou.

* 37 Epack Daniel, entretien du 4 novembre 2004 à Massiang.

* 38 Les Mpoumpo'oh continuent à narguer les Mpyémo avec cet adage qui rétorquent que cres derniers mangent la bouche dans la fosse sceptique.

* 39 Lessie Patrice, entretien du 14 mars 2005 à Nguilili.

* 40 Tong Joseph nous a confié que son Grand père avait l'habitude de se dédoubler en Lion sur les terrains de combat à partir de l'initiation reçue auprès des Pygmées.

* 1 Ces oppositions s'inscrivent dans le cadre des rivalités dans le bassin du Congo.

* 2 La clause de l'hinterland stipulait qu'une puissance devait occuper le territoire à partir de la côte jusqu'à rencontrer un obstacle naturel (montagnes, cours d'eau) ou une puissance tierce.

* 3 G. Bwele et al., Encyclopédie de la République unie du Cameroun, tome 2, Yaoundé, 1981, p.51.

* 4 F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement, Yaoundé, CEPER, 1971, p.

* 5 Rudin Harry, Germans in the Cameroons 1884-1914, London, University Press, 1938, p.12.

* 6 Ibid.

* 7 S.C. Abéga, Pygmées Baka le droit..., p.16.

* 8 Plusieurs enfants portent le nom de Hockmann, ce colon allemand qui a profondément marqué leur esprit.

* 9 S. Ango Mengue, «L'Est-Cameroun...», p.110.

* 10 Epakwa Sébastien, entretien du 12 novembre 2004 à Massiang.

* 11 Marabail (le commandant), Etudes sur les territoires du Cameroun occupé par les troupes françaises, Paris, Larousse, 1919, p.57.

* 12 Mokoulagna Basile, entretien du 26 février 2005 à Mbol XII.

* 13 Mossus David, entretien du 12 novembre 2005 à Massiang.

* 14 S. Bahuchet, «Les Pygmées aujourd'hui ...», p.32.

* 15 Ambatta Philippe, entretien du 10 avril 2005 à Moloundou.

* 16 H. Guillaume et al., Encyclopédie des Pygmées Aka...p196.

* 17 Ibid.

* 18 S. Ango Mengue, «L'Est-Cameroun...», p.110.

* 19 Rudin Henry, Germans in the Cameroons, London, Yale University Press, 1938, p.250.

* 20 Ibid.

* 21 H. Guillaume et al., Encyclopédie des Pygmées Aka...p197.

* 22 Assé Martin, entretien du 5 janvier 2005 à Yokadouma.

* 23 Ambatta Philippe, entretien du 10 mars 2005 à Moloundou.

* 24 Wandjoré René, entretien du 12 avril 2005 à Mbangoye I.

* 25 Mambé Eugène, entretien du 11 avril 2005 à Nguilili.

* 26 Brisson, «Les Pygmées sont-ils voués à l'extinction ? », Développement, 1979, p.18.

* 27 Informations recueillies à Massiang le 5 novembre 2004 auprès des Baka et des Mpouopo'oh fils de Djembé.

* 28 Gilbert Mongonado Baou, entretien du 14 avril 2005 à Mbangoye.

* 29 Moampi Romain, entretien du 13 avril 2005 à Mbangoye I.

* 30 S. Bahuchet, «Les Pygmées aujourd'hui ...», p.14.

* 31 Le Pygmée est à la fois craint et méprisé par le Bantou.

* 32 Djasso, entretien du 10 mars à Mbangoye.

* 33 Enseignements du catéchisme de l'Eglise Catholique.

* 34 Basile Mekoulagna, entretien du 27 janvier 2005 à Mbol XII.

* 35 Trilles, L'âme du Pygmée..., p.1.

* 36 Mosssus David dans l'entretien qu'il nous a accordé à Massiang le 5 février 2004 nous a dit que les Baka refusaient la religion car Jengui pourvoyaient à leur besoin.

* 37 F. Kange Ewane, Semence et moisson..., p. 61.

* 38 Samuel Ngbenge, entretien du 5 novembre 2004 à Massiang.

* 39 Trilles, L'âme du Pygmée..., p.1.

* 1 Tout en conservant la mélodie, les paroles sont adaptées à la circonstance.

* 2 Les totems sont les symboles qui rappellent la présence salvatrice des forces surnaturelles.

* 3 Ces populations sont de part et d'autre de la Ngoko.

* 4 Le problème de l'existence d'une langue propre aux Pygmées se pose.






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