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Contribution de l'oralité à  l'étude des relations entre les pygmées Baka et les Bantous au sud-est du Cameroun ,des origines à  1960

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par Joseph Jules SINANG
université de yaoundé1, Cameroun - maà®trise 2004
  

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I. L'identité culturelle des Pygmées Baka

De façon générale, la culture renvoie au mode de vie d'un peuple au sein d'un environnement donné. Elle est le produit des efforts déployés par l'homme en vue de tirer le meilleur parti de son milieu ambiant. Pour Kange Ewane, «la culture est un tout intégrant les différentes institutions sociales en vue de satisfaire les besoins humains»1(*).Creuset des différences entre les peuples, la culture est le gardien des traditions immémorables. Chaque peuple reste l'objet d'une autonomie culturelle qui fait son identité . Pour ce qui est des Pygmées en général et des Baka en particulier, l'abondante littérature à caractère ethnographique qui leur a été consacrée, malgré d'innombrables préjugés qui l'entourent, nous livrent d'utiles informations sur leur mode de vie2(*). Nous nous proposons de l'appréhender à travers l'étude de leur organisation socio- économique.

A. La société Baka

Longtemps présentée comme une société figée et paléo-négritique, la communauté Baka reste à plusieurs égards bien organisée, assez dynamique et parfaitement intégrée dans son milieu de vie.

1. Le cadre de vie

Les Baka depuis les lustres, habitent la grande forêt équatoriale où ils y tirent l'essentiel de leur subsistance ainsi que la matière première de tous les objets qu'ils fabriquent. Cette forêt sert également de demeure à leurs divinités tutélaires3(*). Les Baka dans cet univers se considèrent comme un élément au même titre que les autres composantes à savoir les bêtes et les plantes contre qui ils doivent se battre sans armes, sans outils en acier. Leur extraordinaire adaptation à cet environnement qui d'emblée paraît hostile à toute forme d'humanisation, conforte l'idée selon laquelle les Baka dans ce milieu ne sont pas un «peuple refoulé» et que la forêt n'est non plus une « aire de repli»4(*). Mieux que tout autre peuple dans son cadre de vie, les Baka sont profondément attachés à la forêt (voir photo 3) ; c'est pourquoi ils se définissent comme un peuple de forêt5(*). Ils s'y épanouissent à travers toute une série d'activités ludiques qu'ils développent dans le but de se procurer du plaisir.

Photo : 2

La foret, cadre d'épanouissement par excellence.

Par nous

Pygmées 2

2. Jeux, danses et musiques

La vie des Baka en forêt est marquée par plusieurs jeux qui, variant en fonction de l'âge et du sexe, ne manquent pas de portée pédagogique. Les enfants passent le clair de leur temps à imiter les activités des adultes ; les petits garçons s' activent à simuler des parties de chasse où l'un d'eux représente une bête que les autres cherchent à attraper. Le petit matériel de chasse mobilisé à cet effet en illustre le caractère sérieux6(*).

Les filles aiment jouer à l'épouse mère. Elles développent les activités se rattachant aux tâches ménagères. Tous éprouvent du plaisir à grimper sur les arbres minces et à se balancer, tout en faisant du vacarme, sur les cimes ou des lianes attachées, quand ils ne gambadent pas tout simplement le long du campement en tenue d'Adam à défaut de patauger dans la boue.

Les adultes quant à eux se plaisent dans la danse. Ils s' y adonnent avec une ardeur et une énergie remarquables. La musique se joue au moyen d'instruments qui marquent le rythme des chansons scandées, qu'accompagne le battement des mains. Ceci confère aux Baka la renommée de grands danseurs (photo 6). Ils ont plusieurs corps de ballets, entre autres l'ebuma pratiquée dans la région de Moloundou, dont le scénario décrit la vie en forêt.

En somme, le pygmée, dans la forêt, est tout à fait différent de cet être craintif et timide que nous avons au villages. Le campement reste son milieu d'épanouissement par excellence (voir photo 3).

3. Le campement

Le campement est un ensemble de huttes composé d'une cinquantaine de personnes issues des lignages et clans différents où l'harmonie, la paix et la concorde restent les maîtres mots. Ces valeurs sont préservées par quatre personnalités dont le rôle est d'assurer la cohésion du groupe. Il s'agit du Kobo qui fait office de sage ; du grand guérisseur Nganga, du chasseur d'éléphants et d'une vieille femme de la lignée du kobo, grande prêtresse dans la société secrète féminine7(*). Ces personnages n'ont aucun pouvoir politique encore moins une quelconque autorité sur les autres membres du groupe. Ce qui a fait dire à Rita Rossi que «c'est un peuple sans leader»8(*). Toutes les décisions sont prises de façon collégiale , l'avis de la femme étant déterminant.

4. La place de la femme

L'homme et la femme, dans la société Baka, sont égaux en droits comme le souligne E. Mveng9(*). Rien de sérieux ne peut se décider sans l'avis de cette dernière même si elle ne prend pas part aux débats publics1(*)0. Elle est le plus souvent à l'origine de la mobilité enregistrée1(*)1. Outre les fonctions de procréation et de production des biens, il lui revient de conserver le feu, cet élément dont la maîtrise est à la base de l'humanité du Pygmée1(*)2. En effet, le mythe du feu présente le Pygmée comme son premier possesseur, ses voisins ne l'ayant reçu que par la suite1(*)3. Etant un don divin, le Baka est tenu de le préserver et de le conserver ; car le feu allumé, est symbole de vie. On comprend dès lors pourquoi le Baka n'aime pas l'éteindre mais préfère le transporter d'un campement à un autre. C'est à la femme qu'il revient d'assurer le transport des braises

Photo3 et 4 :la chasse et la danse, deux activités favorites.

Pygmée 4

et de les conserver. Le feu a une triple fonction à savoir la cuisson des aliments, l'éclairage et le chauffage.

L'autre domaine social dans lequel la femme excelle est celui de la transmission de la chance. Celle-ci reste un capital précieux dans la vie du Baka. Elle est le corollaire de l'équilibre entre l'individu, ses proches et les esprits. Elle   s'acquiert surtout auprès de la femme qui l'a reçue de Komba comme don. La chance est beaucoup plus requise pour les activités de chasse. Et c'est l'épouse qui la produit. D'où la nécessité de préserver l'harmonie et la concorde conjugales1(*)4. Les femmes initiées au yeli, principale société secrète féminine, jouent un rôle de premier plan dans la réalisation du rituel de la grande chasse. C'est à elles qu'il revient d'appeler les animaux et d'appliquer les «remèdes de la chance» aux chasseurs1(*)5. Cependant, la femme enceinte répand la malchance. Toute sa chance est concentrée pour être transmise à l'enfant lors de la naissance1(*)6. Aussi comprend-on pourquoi entre autres la femme Baka est très sollicitée dans les mariages mixtes en raison de sa réputation de pourvoyeuse de chance1(*)7.

* 1 F. Kange Ewané, Semence et moisson coloniales, Yaoundé, CLE, 1985, p.58.

* 2 Supra, p.33.

* 3 Infra, p.47.

* 4 Supra, p.38.

* 5 Supra, p.48.

* 6 Il arrive souvent que l'enfant représentant le gorille morde ses petits compagnons en se défendant.

* 7 S.C. Abéga, Pygmées Baka..., p.28.

* 8 Rita Rossi, entretien du 2 novembre 2004 à Parny.

* 9 E. Mveng, Histoire du ...., p.29.

* 10 Lors de nos entretiens, toutes les femmes du campement y prenaient part sans intervenir.

* 11 c'est la femme qui choisit le point de chute du déplacement et l'emplacement du campement.

* 12 Le singe n'allume pas le feu et ne le fera jamais disent les Baka.

* 13 Moussa Mouagound, un notable Mpouomam nous a présenté le dispositif d'allumage du feu qu'ils ont emprunté auprès des Baka.

* 14 Mvogo Suzanne, Baka, entretien du 5 février 2005 à Nguilili.

* 15 Benoît Mbeni, Baka, entretien du 5 février 2004 à Massiang.

* 16 Ibid.

* 17 Tous les Bantou qui ont épousé les femmes Baka ont confirmé la grande capacité de celles-ci à répandre la chance.

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