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La relation maà®tre disciple dans le monachisme primitif, d'après les écrits de Jean Cassien

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par Isabelle PEREE
Strasbourg (Théologie Catholique) - Master de théologie 2009
  

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IV. Les quinze Pères des Conférences.

Nous présenterons les Pères dans l'ordre des conférences, donc en respectant celui

donné par Cassien. Il ne s'agit cependant pas de l'ordre de visite aux anciens puisque sont cités d'abord les Pères de Scété où Cassien séjourna en dernier lieu. Il ne se dégage pas, à première vue, de logique dans la présentation des récits. Cassien ne justifie nullement l'ordre de la présentation qu'il choisit. On peut juste supposer que, Scété étant considérée par lui comme supérieure aux autres communautés d'anachorètes, il ait eu hâte de présenter les discours de ceux qu'il considérait comme les moines les plus parfaits. Ces moines sont Daniel,

23 Sr MARIE-ANCILLA in « Saint Jean Cassien, sa doctrine spirituelle. » La Thune/ Marseille. 2002

Sérapion, Théodore, Sérénus, Isaac, Théonas et Abraham. Ces personnages décrits par Cassien sont apparemment mentionnés dans certains apophtegmes, pour autant qu'il s'agisse bien des mêmes. Il est cependant mal aisé d'établir un rapprochement sûr à propos de ceux que l'on pense porter le même prénom. Nous ne pouvons donc pas nous prononcer de manière certaine quant à leur historicité. Certains de ces prénoms sont également cités dans l'Histoire lausiaque, mais rien ne nous dit qu'ils correspondent à des personnages existants.

Pour Cassien, les Pères du désert incarnent la règle de vie de l'Evangile et persistent dans cet esprit, malgré un affadissement indéniable de l'Eglise à cette époque. Leur objectif est de mener une existence conforme à celle des Apôtres en fuyant l'existence relâchée du monde. Pour Cassien, les Pères réalisent la perfection de l'Eglise primitive et selon lui, la relation individuelle du maître au disciple semble supérieure à la formation collective. La soumission aux préceptes évangéliques se ramène donc essentiellement à l'observance des consignes des anciens et Cassien nous donne une leçon d'obéissance dans la tradition des Pères du désert. Il nous indique de manière éclairante, que le père spirituel, cet ancien que le disciple recherche, est indispensable à la formation de tout moine. Sans celui-ci, le jeune disciple est incapable de tenir au désert. Tout comme les Apôtres ont suivi le Christ, le jeune moine suit son ancien et se soumet entièrement à lui. Même si certaines anecdotes de la vie au désert sont parfois racontées de manière pittoresque ou énigmatique, les anciens livrent à leurs novices le mot d'ordre qui leur est demandé. Celui-ci, parfois déguisé par la métaphore, finit toujours par être trouvé par le disciple. Cassien poursuit un objectif en nous partageant ses textes : celui de glorifier l'obéissance et d'exhorter les futurs jeunes moines à la rechercher à tout prix, en s'y exerçant avec l'aide d'un ancien.

Moïse : Abbé* du désert de Scété. Il est dit de lui qu'il se distinguait par le parfum de son ascèse et de sa contemplation. Il est de nature inflexible et n'ouvre sa porte qu'à ceux qui cherchent Dieu d'un coeur contrit.

* Le titre d'abbé, c'est-à-dire de père, était plutôt réservé à ceux que de longues années de vie monastique, leur sainteté et leur expérience avaient dotés, pensait-on, d'un véritable charisme pour la formation des jeunes. Cassien, au contraire, le donne assez indifféremment24.

Moïse entretient Cassien et Germain par deux discours :

1. « Du but et de la fin du moine ». 2. « De la discrétion. » ( T1 Coll. 1 et 2)

24 J.CASSIEN in « Conférences. » T1. SC 42. Paris 1955. P.78. (Notes infrapaginales.)

Paphnuce : Abbé de Scété. Il se consacra à la solitude sur les conseils d'Antoine le Grand. Sa patience, son amour de la solitude lui valent le surnom de Bubale. Il maintient son ascèse jusqu'à quatre-vingt-six ans passés. Parfait dans la contemplation et l'action, il est aussi doué de la grâce de prophétie. Il est prêtre de l'une des quatre églises de Scété et fut le seul à recevoir les lettres de Théophile contre les anthropomorphites.

Il fait un discours que Cassien nomme : « Des trois renoncements. » (T2 Coll. 3)

Daniel : Abbé de Scété, choisi pour diacre puis promu à l'honneur de la prêtrise par Paphnuce. On dit de lui qu'il était un héros de la philosophie chrétienne et un exemple d'humilité pour ses frères. Sa conférence porte sur « la concupiscence de la chair et de l'esprit. » (T1. Coll. 4)

Sérapion : Moine anthropomorphite de Scété. Cassien le décrit comme très âgé et extrêmement discret. Il entretient les visiteurs sur « les huit principaux vices. »

(T1. Coll. 5)

Théodore : Abbé des Kellia. Cassien le décrit comme un homme d'un mérite singulier dans la vie ascétique. Il apparaît, dans son enseignement, comme un homme lettré. Théodore fait un récit sur « le meurtre des saints » car un homicide venait de s'accomplir. Des brigands sarrasins avaient massacré des frères. (T1. Coll. 6)

Sérénus : Abbé de Scété, remarquable par sa sainteté et sa parfaite chasteté, reflétant la paix, d'où son nom. L'admiration de Cassien et Germain envers lui est immense. Sérénus entretient les jeunes moines sur « la mobilité de l'âme et des esprits du mal et sur les principautés. » (T1. Coll. 7 et T2 Coll. 8)

Cassien précise que Sérénus les accueillit avec un festin de roi.

Isaac : Abbé de Scété. Sa conférence est longue, nous dit Cassien, au point qu'il a retrancher quelques-uns des développements du vieux moine. Cassien, par ce discours,

satisfait aux ordres de l'évêque Castor, l'évêque Léonce et le frère Helladius. Cet enseignement est important puisqu'il traite de la prière et qu'il est réparti par Cassien en deux conférences distinctes portant le même titre : « De la prière. » (T2. Coll. 9 et 10)

Chérémon : Solitaire du désert de Panephysis. Plus que centenaire, il marche sur les mains. D'une humilité extrême, il soupira à la requête de l'entretien en leur demandant comment il aurait la présomption d'enseigner aux autres ce qu'il ne pouvait faire lui-même. C'est pour cela, expliquera-t-il qu'il n'a jamais voulu former de disciples et il ajoute cette phrase concluante : « La parole du maître n'a force et autorité, que si la vertu de ses actions l'imprime au coeur de celui qui écoute. »

Cheremon les entretient alors à trois reprises :

1. « De la perfection. » 2. « De la chasteté. » 3. « De la protection de Dieu. » (T2. Coll. 11, 12 et 13)

Nesteros : Abbé du désert de Panephysis. Homme remarquable d'une science consommée, nous dit Cassien. Nesteros les entretient par deux discours.

1. « De la science spirituelle. » 2. « Des charismes divins. »

(T2. Coll. 14 et 15)

Joseph : Abbé d'un désert proche de Panephysis. Sa cellule était distante d'environ six milles de celle de Nesteros. Sorti d'une illustre famille et citoyen distingué de sa ville natale, il savait le grec. Cassien nous indique qu'il les entretenait en grec ce qui les empêchait d'avoir recours à un interprète. Cela laisse également supposer que la langue parlée par les Pères était donc bien l'égyptien et non le grec. Il leur fait deux discours.

1. « De l'amitié. » 2. « Des déterminations absolues. »

(T2. Coll. 16 et 17)

Piamun : Abbé et prêtre des anachorètes proches de Diolcos. Cassien le décrit comme un être joyeux et accueillant qui mit beaucoup d'intérêt à savoir d'où venaient les visiteurs et dans quel but ils avaient gagné l'Egypte. Il leur fait un discours sur « les trois espèces de moines ». (T3. Coll. 18)

Jean : Après avoir passé vingt ans au désert, il vint humblement se soumettre à la discipline cénobitique dans le monastère de l'Abbé Paul, près de Panephysis qui abritait plus de deux cents moines. Il est choisi pour présider à la diaconie. Jean est d'une humilité admirable, dit Cassien. Il entretient ses visiteurs sur « la fin du cénobite. » (T3. Coll. 19)

Pinufe : Il gouverne en qualité d'abbé et de prêtre un monastère considérable, près de Panephysis. Il est d'une grande humilité. Il les entretient sur « la fin de la pénitence. » (T3. Coll. 20)

Théonas : Abbé de Scété. Il fait le récit de sa conversion à la vie monastique. Il est élu pour présider la diaconie et deviendra un abbé illustre près de Panephysis. Théonas fait trois récits aux visiteurs :

1. « Du repos de la Pentecôte. » 2. « Des illusions de la nuit. » 3. « De l'impeccabilité. » (T3. Coll. 21, 22 et 23)

Abraham : Abbé d'un monastère près de Panphysis. Cassien clôture avec lui ses vingtquatre conférences. L'ancien dévoile plusieurs des erreurs des deux jeunes moines concernant la rupture avec la famille qui leur manque. On peut déduire par ce qu'il dit que ses origines sociales étaient plutôt élevées :

« Nous ne sommes pas tellement destitués de tout secours du côté de nos parents. Il n'en manque pas qui se feraient une joie de nous entretenir de leurs biens. » (T3. Coll. 24)

Cette présentation peut nous éclairer sur les traits communs aux différents Pères. Il apparaît que l'humilité prédomine indiscutablement. Toutefois, chaque moine a sa personnalité propre, tout comme ses charismes personnels. L'un est prêtre, l'autre diacre, le suivant simple frère. L'un est méfiant, l'autre est accueillant, un autre encore est de nature curieuse. L'un est intellectuel, l'autre contemplatif, le troisième plus actif. Cela nous indique que l'appel au désert pouvait toucher n'importe quel homme et cette présentation nous éclaire sur l'importance pour le disciple de trouver le « bon maître », celui qui correspondra le mieux, non seulement à son tempérament mais également aux attentes personnelles de sa foi. Les chercheurs C. Badilita et A. Jakab relèvent que « pour un certain nombre de moines, embrasser le monachisme représentait une promotion sociale inespérée25 », comme l'affirme Abba Abraham :

« ... Peut-être l'obscurité de leur naissance ou leur condition servile les eussent-elles rendus méprisables pour leur bassesse, même aux gens de la classe moyenne, s'ils étaient restés dans la vie séculière. Mais la milice du Christ les a anoblis (...) » (Coll. 24)

Nous pensons cette vie érémitique fortement idéalisée par Cassien qui affirme qu'elle est même apte à élever un homme de condition servile.

25 C. BADILITA et A. JAKAB in « Jean Cassien entre l'Orient et l'Occident. » Beauchesne/Polirom. 2003.

La vie au désert pour Cassien, touche donc le sommet de la perfection et ces Pères qu'il interroge sont considérés par lui comme des saints. On le verra même mettre dans la bouche de son ami Germain, l'appellation « Votre Béatitude » lorsque celui-ci s'adresse à Abba Abraham.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle