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La relation maà®tre disciple dans le monachisme primitif, d'après les écrits de Jean Cassien

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par Isabelle PEREE
Strasbourg (Théologie Catholique) - Master de théologie 2009
  

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V. L'acédie.

L'acédie est l'ennemi du moine qui la fuit comme la peste. A notre sens, sa définition la plus exacte est « l'absence d'espérance. » Le péché n'est pas l'acédie elle-même, mais le fait de ne rien vouloir entreprendre pour en sortir. Cet éloignement de Dieu par l'absence d'espérance, plonge le moine dans une sorte de torpeur constante. L'acédie guette l'ancien qui, las d'une vie parfois sans relief, finit par se décourager de prier, de veiller, de travailler et s'enferme dans une négligence qui le coupe de la relation avec Dieu. Abba Sérapion considère l'acédie comme le cinquième vice, il l'appelle « tristesse ». Il s'agit pour lui « d'un péché qui naît de mouvements intérieurs. » (Coll. 5)

En cas d'acédie, véritable fléau spirituel dans le monachisme, les Pères envisagent deux solutions : celle de persévérer dans le combat sans se préoccuper du mal qui les atteint et aussi de prendre conseil chez un autre moine plus expérimenté. Abba Abraham recommande au moine de fixer son attention vers Dieu seul.

« ... fixer toute son attention vers un but unique auquel il fera activement converger toutes les pensées qui se lèvent ou s'agitent dans son esprit, et c'est le souvenir de Dieu. » (Coll. 24)

Si ce conseil est issu de la conférence sur la mortification, ce n'est pas pour rien. Le Père du désert ne doit jamais relâcher son ascèse s'il ne veut sombrer dans l'acédie qui, au contraire de l'apatheia, excite le moine en éveillant en lui une série de désirs et de passions que les mortifications ont le don d'empêcher. Evagre parle de « lâcheté » quand il peint le portrait du Père en proie à ce démon62.

Selon sa définition,

« l'acédie est liée à l'état de vie anachorétique et s'oppose à la permanence dans la cellule et à la vie en solitude 63. »

Il s'agit bien de désintérêt et de découragement qui mettent en danger l'exercice de la vie spirituelle. Cassien nous donne, dans les Institutions64, la définition suivante de l'acédie :

62 EVAGRE le PONTIQUE in « Traité pratique ou Le moine. » (P.521) SC. 170. Cerf. 1989.

63 Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien. T.1 article: « acédie. » Cerf 1983.

64 J.CASSIEN in « Institutions cénobitiques. » SC 109. Cerf 1965.

« Voisin de la tristesse, cet adversaire éprouve surtout les solitaires, attaque plus souvent et plus durement ceux qui demeurent dans le désert. C'est surtout aux environs de la sixième heure qu'il les trouble, excitant à heures fixes, comme une fièvre qui revient périodiquement, leur âme malade par les ardeurs violentes qu'il y allume. Enfin, quelques uns parmi les anciens déclarent que c'est là le démon de midi dont parle le Psaume 90. »

L'acédie, précise Cassien, empêche même le moine de demeurer dans sa cellule et de s'appliquer à la lecture. C'est un mal qui ronge et qui fait que le moine se verrait bien mieux ailleurs. Cependant, ce mal rattrape le frère où qu'il se rende puisque c'est en lui qu'il se trouve et non à l'extérieur. Il s'attaque davantage aux anachorètes qu'aux cénobites, nous fait entendre Cassien, car ces derniers ont davantage d'échappatoires dans la vie communautaire apparemment moins austère, selon lui, que la vie en cellule. Le seul remède apparent à l'acédie est le travail, la prière et la fidélité à l'Evangile. Germain et Cassien décrivent à Abba Daniel un état qui ressemble à celui de l'acédie:

« Comment se fait-il que, retirés dans nos cellules, nous sentions parfois notre coeur se remplir de tant d'allégresse (...) mais il arrive aussi que nous soyons remplis d'une angoisse subite et sans cause, nous nous sentons accablés d'une tristesse à laquelle il ne se trouve point de motif (...)La cellule devient insupportable, la lecture est à dégoût, la prière s'égare, inconstante et capricieuse, comme des gens pris d'ivresse (...)plus nous faisons d'efforts pour le (notre esprit) rappeler à la contemplation de Dieu, plus il glisse et s'échappe en courses vagabondes... » (Coll.4)

Abba Daniel donnera deux réponses à la question : ou bien il s'agit d'une négligence générée par la paresse, qui fait que l'on donne le pas à la tiédeur, ou bien il s'agit d'une mise à l'épreuve de Dieu qui vérifie si l'empressement des débutants était bien le fruit de sa grâce divine ou simplement celui du zèle du jeune commençant.

B.Olivera65 brosse un portrait de l'acédie assez précis :

« Les principales manifestations de l'acédie sont :

- l'instabilité intérieure et le besoin de changement ;

- les soins excessifs apportés à sa propre santé ;

- l'aversion pour le travail manuel ;

- la négligence envers les pratiques monastiques ;

- le zèle indiscret pour quelques exercices ascétiques.

L'acédie activant tous les autres vices, elle ne peut donc pas être soignée par une vertu contraire. Une thérapie variée et multiforme s'impose :

- larmes de componction ;

- recours à la Parole de Dieu ;

- méditation sur la mort ;

- patience, résistance et persévérance.

65 Dom B. OLIVERA in « Lettre circulaire de 2007 aux moines et moniales » www.ocso.org

Il est facile de se rendre compte que tous ces remèdes ou armes nous entraînent vers la rencontre avec Dieu. En définitive, l'acédie est la fuite de Dieu et on ne la soigne que par la recherche concrète et patiente du visage de Dieu. »

Cassien provoque l'explication par une question à l'allure d'état d'esprit. Son enquête est poursuivie à fond, il veut absolument transmettre une école, un mode opératoire pour la vie monastique. Il veut exprimer que les Pères, pourtant si parfaits à ses yeux, sont passés par tous les stades de l'aridité spirituelle eux aussi. Le but est bien d'un jour transmettre à des novices que l'acédie existe mais qu'elle peut être combattue par la prière et la persévérance dans l'ascèse. Les discours sur l'acédie ont un but didactique et exhortatique, il s'agit pour Cassien de prévenir le disciple que tôt ou tard, il sera surpris par cet état, mais que celui-ci peut être passager, si le frère veut bien s'appliquer à suivre les conseils qui lui sont prodigués.

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