WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Heidegger et le problème anthropologique: le statut du "dasein" dans l'ontologie fondamentale

( Télécharger le fichier original )
par Aimé MBAINDIGUIM GUEMDJE
Université Catholique d'Afrique Centrale - Institut Catholique de Yaoundé (UCAC-ICY) - maitrise en philosophie 2005
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

VI.4. Perspective hétérologique lévinassienne

La pensée de Martin Heidegger, comme nous l'avions montré, est essentiellement ontologique. C'est la raison pour laquelle son anthropologie est abordée sur le plan ontologique, en ce sens que le Dasein est pensé dans son rapport avec l'être. Cette ontologie dont il est question n'est pas pour autant restée statique. C'est ainsi qu'elle aboutira avec Emmanuel Levinas à l' « hétérologie ». Ce terme qui vient de deux mots grecs « heteros », (l'autre) et « logos », (science ou discours) du point de vue philosophique de Lévinas signifie donc pensée qui prend pour objet de réflexion l'autre ou l'altérité. Dès lors, dans son discours dit hétérologique, ce n'est plus l'ontologie qui occupe la place centrale, mais c'est l'éthique.

VI.4.1. L'éthique comme philosophie première

E. Lévinas, dans son hétérologie, cherche à donner un contenu qui l'affranchira de la subordination à l'être. C'est pourquoi il développe une critique sévère contre l'ontologie heideggérienne. Les ouvrages dans lesquels il expose sa critique sont Totalité et Infini171, Autrement qu'être ou au-delà de l'essence172. Pour lui, la totalité est une catégorie où l'autoposition du moi caractérisée par la conscience du soi tend à prendre et comprendre l'Autre en le ramenant à soi-même en vue de la parfaite coïncidence de soi avec soi. C'est ainsi que l'ontologie, essence de la métaphysique, nie le sens de l'Autre. La philosophie qui pense l' Etre aboutit à forger un système intellectuel que Lévinas remet en cause, puis qu'il nie l'Autre théoriquement avant de le

171 E. Levina, Totalité et Infini. Essai sur l'extériorité, éd. Martinus Nijhoff, la Haye, Paris, 1971.

172 E. Lévinas, Autrement qu'être ou au-delà de l'essence, La Haye Nijhoff, Paris, 1974.

Expanded Features

cuments

Unlimited Pages

lete

CompDo

PDF

faire concrètement173. Par sa critique, Lévinas donne congé à l'Etre afin de prévaloir l'Autre. Il aboutit à un véritable renversement de perspective posant l'éthique au commencement de tout. La philosophie occidentale dominée par l'ontologie réduit et annule la distance objective qui sépare l'Autre du même, du sujet à l'objet. En effet, l'Autre n'apparaît en ontologie que grâce à un troisième terme qui se trouve dans le sujet connaissant. C'est la raison humaine qui neutralise l'Autre et l'englobe. La neutralisation de l'Autre tel qu'il s'établit en vue de le connaître est déjà une réduction. C'est surtout contre l'ontologie dite fondamentale élaborée par Heidegger que Levinas confronte sa pensée hétérologique afin de redonner un regain d'intérêt à l'éthique.

En effet, Heidegger distingue l'être de l'étant, ce qu'il appelle la << différence ontologique » et que l'ontologie classique n'a pas su mettre en lumière. L'étant désigne pour lui tout ce qui est en tant qu'il a une réalité ; c'est ce qui est représentable, objectivable ; c'est ce qu'il nomme << seiendes ». Mais de tous les étants, il existe un qui possède la primauté ontico-ontologique, en ce sens qu'il est capable de s'interroger sur lui-même et sur son être, cet étant Heidegger le baptise sous le terme de Dasein. L'être, par contre, est le << Sein », c'est-à-dire le fondement ou la vérité de l'étant. Lévinas voit dans cette conception heideggérienne où << le sujet est absorbé par l'être » une domination de l'ontologie qui exige que l'éthique lui soit subordonnée.

« Le primat de l'ontologie heideggérienne ne repose pas sur le truisme : "pour connaître l'étant, il faut avoir compris l'être de 1'étant ', affirmer la priorité de l'être par rapport à l'étant, c'est déjà se prononcer sur l'essence de la philosophie, subordonner la relation avec quelqu'un qui est étant, à la relation avec l'être de l'être de l'étant qui, impersonnel, ne permet de saisir la domination de l'étant »174.

En affirmant le primat de l'être sur l'étant, Heidegger couronne l'impérialisme de l'ontologie sur l'hétérologie et surtout sur l'éthique qui englobe celle-ci et, partant toute la philosophie occidentale. Or cette transcendance heideggérienne, celle de l'être par rapport à l'étant et au Dasein ne convainc pas, car la lumière de l'être chez

173 Le problème des relations de Heidegger avec le nazisme ne réside pas tant dans l'établissement des faits que dans leur interprétation et leurs liens avec l'euvre du philosophe. C'est une difficulté qui est entretenue par le silence même de Heidegger. Pour preuves de cette négation de l'Autre, bien vouloir consulter les documents les plus troublants qui sont certainement ceux qui touchent à l'antisémitisme : Cf. D. Rabouin << Heidegger et le nazisme : quelle affaire ? », in Magazine littéraire, op. cit., pp. 46-48.

174 E. Levinas, cité par B. Vergely, Textes essentiels de la philosophie, Larousse, Paris, 1994, p. 116.

Expanded Features

cuments

Unlimited Pages

lete

CompDo

PDF

Heidegger n'est finalement lumière de personne si bien que la dimension éthique est véritablement absente de la pensée. L'ontologie de Heidegger, nous dit Lévinas,

« était une ontologie sans éthique. Et le problème était de sortir de cette ontologie et faire de l'éthique la philosophie première. Et pour cela, il fallait toujours être en état de déconstruction de la prétention hégémonique de l'ontologie heideggérienne. [...J Au fond, Heidegger ne pouvait pas produire une éthique. Son ontologie est donc une sorte d'a-moralisme fondamental »175.

Sortir de l'impérialisme de l'ontologie et restaurer l'hétérologie grâce à une pensée éthique, telle sera la tâche à laquelle s'attelle Lévinas. Si l'ontologie comme philosophie première est source d'injustice, si l'ontologie heideggérienne qui subordonne le rapport avec Autrui à la relation de l'être en général demeure dans l'obédience de l'anonyme176, alors, il faut désormais replacer l'éthique au devant de la scène philosophique, sinon il faut appeler éthique philosophie première au sein de laquelle le visage de l'autre retrouvera sa notion ontologique.

VI.4.2. Le visage de l'autre comme une notion ontologique

Lorsque Lévinas opte pour une interversion des termes de l'ontologie, il souligne en même temps les termes qui diront la déformation ou la concrétisation de cette autre ontologie et de la notion d'infini qu'elle promeut. Cette nouvelle ontologie promeut la notion de l'infini dans le fini, le plus dans le moins, le parfait dans l'imparfait... Un infini qui se vit comme désir, non pas comme un désir qu'apaise la possession de ce qui est désiré, mais comme le désir que ce qui est désiré suscite au lieu de le satisfaire177. Un désir parfaitement désintéressé, il est bonté. La bonté devrait naître dès lors qu'on est en face d'un visage qui appelle à notre indulgence et nous assigne à une attitude de bienveillance et de sollicitation. Ce visage qui est la transcendance d'un infini est une expression. Comme le dit Lévinas, « le visage apporte une notion de vérité qui n'est pas le dévoilement d'un Neutre impersonnel, mais expression »178. La notion de visage propre chez Lévinas ouvre ainsi de nouvelles perspectives vers une notion de sens antérieur à ma Sinngebung, c'est-à-dire mon

175 E. Lévinas, cité par S. Malka, Emmanuel Lévinas. La vie et la trace, éd. J.-C. Latès, Paris, 2002, p. 206.

176 Vergely, op. cit., p. 113.

177 E. Lévinas, Totalité et Infini, op. cit., p. 42.

178Ibidem, p. 43.

Expanded Features

cuments

Unlimited Pages

lete

CompDo

PDF

interprétation. Elle signifie l'antériorité de la philosophie de l'étant sur l'être, et une antériorité qui n'en appelle pas au pouvoir, ni à la domination, mais qui concourt à l'accueil et à la sauvegarde du moi179.

Lévinas restaure ici la notion de l'immédiat qui est proche de l'interpellation ; l'immédiat qui est le face-à-face. Ainsi, entre une philosophie de transcendance qui situe ailleurs la vie à laquelle l'homme accèderait, et une philosophie de l'immanence où l'on se saisirait de l'être, il y a lieu d'établir avec l'autre une relation non totalitaire qui donne lieu à l'idée de l'infini. Une telle relation, selon Lévinas, n'est rien d'autre que la métaphysique180. De ce fait, l'histoire ne serait plus le plan privilégié où se manifeste l'être dégagé des particularismes des points de vue dont la réflexion porterait encore des tares. Pourtant il existe cette autre possibilité de l'être d'être autrement audelà de l'essence. Il s'agit pour l'homme non pas d'être le << berger de l'être >>, ni d'être un << être-pour-la-mort >>, mais essentiellement un <<être-pour-autrui >>181 ; à l'être ou à la mort, il y a substitution de l'homme (altérité) sur lequel l'homme est appelé à veiller, à devenir en quelque sorte << le gardien de son semblable >>. La conséquence majeure des élaborations philosophiques n'ayant pu se départir de cette logique d'enfermement, de pouvoir, de domination et de totalitarisme est qu'elles ont élaboré de mauvaises ontologies. Lévinas parle à cet effet de << méontologie >>182. Et pour sortir de cette méontologie, le << penseur de l'autre >>, pour nommer ainsi Lévinas par analogie à Heidegger qui fut appelé << penseur de l'être >>, envisage de poser une éthique au-devant de l'ontologie afin d'opérer un retournement radical de l'ordre des choses et de la philosophie elle-même. Celle-ci ne sera plus perçue comme << amour de la sagesse >>, mais << sagesse de l'amour au service de l'autre >>183 homme. Cette sagesse au service de l'autre homme n'est rien d'autre que ce que Lévinas nomme la responsabilité << asymétrique >>.

179 E. Lévinas, Totalité et Infini, op. cit., p. 44

180 J. Debès, Lévinas, l'approche de l'autre, éd. De l' Atelier/éd. Ouvrières, Paris, 2000, p. 46.

181 J. Rolland, Emmanuel Lévinas. L'éthique comme philosophie première, Actes du Colloque de Cerisyla-Salle, 23 août-2eptembre 1986, Cerf, Paris, 1993, p. 52.

182 Ibidem, p. 54.

183 E. Lévinas, Autrement qu'être ou au-delà de l'essence, op.cit., p. 20.

Expanded Features

cuments

Unlimited Pages

lete

CompDo

PDF

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault