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Du rapport imagination transcendantale -temps et le problème de la finitude et la métaphysique du Dasein chez Heidegger, une lecture thématique de "Kant et le problème de la métaphysique"

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par Davy DOSSOU
Université Canisius, Buffalo - Licence de philosophie 2008
  

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1 - Du rapport imagination transcendantale et temps

1.1- Kant et l'imagination transcendantale

Kant distingue de la simple imagination empirique et reproductrice, comme faculté de se représenter un objet même en son absence et reposant sur les seules lois empiriques de l'association, l'imagination transcendantale et reproductrice dont la fonction est de s'assurer une médiation entre la réceptivité de la sensibilité et la spontanéité de l'entendement. « Encore faut-il, pour constituer l'objet, un acte composant le divers donné dans l'intuition conformément à l'unité synthétique de la conscience qu'exprime le concept. Cet acte, nous apprend le début du second livre de l' « Analytique », est celui de l'imagination, laquelle construit les images correspondant à un concept et permettant au jugement de saisir une intuition »2(*). Les deux opérations de l'imagination transcendantale sont la synthèse et le schématisme. Toute appréhension du divers dans l'intuition s'effectuant selon la forme du temps, l'imagination doit en associer la reproduction en faisant porter sa synthèse sur cette forme universelle des représentations qu'est le temps. Une telle liaison transcendantale de la forme temporelle du phénomène, en tant qu'elle est un effet de l'entendement sur la sensibilité, est également appelée synthèse figurée en tant qu'elle se rapporte simplement à l'unité originairement synthétique de l'aperception, c'est-à-dire à cette unité transcendantale par lequel l'entendement confère une unité à la synthèse de l'imagination.

L'imagination est la faculté de se représenter dans l'intuition un objet même sans sa présence. Or comme toute notre intuition est sensible, l'imagination, à cause de la condition subjective, sous laquelle seulement elle peut donner aux concepts de l'entendement une intuition correspondante, appartient à la sensibilité. Mais en tant que sa synthèse est un exercice de la spontanéité, qui est déterminante et pas simplement, comme le sens, déterminable, et qu'elle peut par suite déterminer a priori le sens selon sa forme, conformément à l'unité de l'aperception, l'imagination est à ce titre une faculté de déterminer la sensibilité a priori. Et sa synthèse des intuitions, conformément aux catégories, doit être la synthèse transcendantale de l'imagination, ce qui est un effet de l'entendement sur la sensibilité et la première application de l'entendement (principe en même temps de toutes les autres) à des objets de l'objet de l'intuition possible pour nous.3(*) Par ailleurs, la catégorie n'est applicable aux objets de l'expérience que pour autant que l'imagination la temporalise en la dotant d'un schème, qui est une détermination transcendantale du temps conférant à la catégorie une efficience. Les principes de l'entendement pur sont alors la mise en oeuvre des catégories schématisées, telles qu'elles puissent s'appliquer à des objets spatiaux.

Faculté intermédiaire entre la sensibilité et l'entendement, l'imagination porte sur ces deux cadres a priori que sont le temps et la catégorie. Synthétisant la forme des représentations, elle rend également les catégories représentables par la conscience en les temporalisant. Loin d'être une puissance trompeuse, elle devient une pièce essentielle dans la constitution de l'objectivité, à tel point que l'on pourrait voir en elle la racine de la raison. Si Hegel voit dans l'imagination kantienne l'unité originaire antérieure à la scission sujet-objet, Heidegger y voit une percée unique dans la philosophie, consistant à enraciner la rationalité dans la temporalité et la finitude et anticipant par là la question de l'Etre et du Temps.

La liaison de l'imagination à la sensation ne conduit pas à la philosophie empiriste - pour qui toute pensée a son origine dans la seconde - à faire de la première un thème primordial. Chez les empiristes, quand bien même on pourrait dire que tout l'entendement dépend de la faculté des images, l'imagination au sens propre demeure la capacité de lier des représentations indépendamment de l'ordre intrinsèque à leurs objets, voire au hasard. Elle reçoit donc, par rapport à la faculté de connaître, une évaluation négative. C'est à la philosophie critique qu'il revient d'avoir changé définitivement cette évaluation, en concevant l'imagination transcendantale comme la condition pour qu'une donnée sensible puisse être liée à une représentation intellectuelle.

L'imagination a pour rôle de lier l'intuition sensible et le concept qui la subsume, grâce au schématisme de notre entendement. Le schème n'est pas une copie-image, pâle reproduction du donné sensible ; il est « représentation d'une méthode », «  image-épure », « monogramme de l'imagination pure a priori ». Il est universel alors que l'image est singulière. Il est difficile d'aller plus loin dans sa définition : les procédures de l'imagination restent « un art caché dans les profondeurs de l'âme humaine »4(*). Dans sa fonction transcendantale, l'imagination est reproductrice, elle produit des images, non des schèmes. Les exemples des schèmes donnés par Kant sont très abstraits. L'originalité de Kant tient à ce qu'il a traité l'imagination dans le registre esthétique. Alors que la Critique de la Raison Pure expliquait l'élaboration objective du réel, la Critique de la faculté de juger montre plutôt comment l'imagination produit dans le jugement réfléchissant, le plaisir esthétique d'un sujet. Dans l'expérience du Beau, « l'imagination dans sa liberté et l'entendement dans sa légalité s'animent [ en effet] réciproquement »5(*).

1.2- Heidegger face à la conception kantienne de l'imagination transcendantale

La préoccupation de Heidegger est assez pertinente. Alors que Hegel voit dans l'imagination kantienne l'unité originaire antérieure à la scission sujet-objet, Heidegger y voit une percée unique, consistant à enraciner la rationalité dans la temporalité et la finitude et anticipant par là la question de l'être et du temps. Le commentaire de Heidegger sur le schématisme peut parler de « synthèse ontologique imaginative pure », car ajoute-t-il, « l'imagination est elle-même le temps - au sens de ce temps originaire que nous appelons la temporalité »6(*). Cette même idée est reprise également dans Kant et le problème de la métaphysique. Cette dimension temporelle de l'imagination vient de ce qu'elle reproduit dans la mémoire la sensation passée. A cet effet, notre question de départ reste posée : comment Heidegger conçoit-il l'imagination transcendantale à partir de Kant ?

Pour Heidegger, l'imagination pure est « ce pouvoir de « former » originairement des relations »7(*). Dès lors, l'aperception transcendantale possède une relation essentielle à l'imagination pure. Pour notre auteur, elle ne saurait, en tant que faculté pure, re-présenter une donnée empirique quelconque qu'elle se contenterait de reproduire. L'imagination pure est nécessairement génératrice a priori, c'est-à-dire productive pure et c'est justement cette imagination productive pure, aux dires de Heidegger, que Kant appelle « transcendantale ». Mais notre auteur soulève une équivoque : « toute imagination productrice n'est pas pure, mais l'imagination pure, au sens décrit, est nécessairement productrice. Et dans la mesure où celle-ci forme la transcendance, cette imagination est appelée à bon droit transcendantale »8(*). Chez Heidegger, l'imagination transcendantale revêt plusieurs sens ou significations selon l'angle ou la perspective où il la situe. C'est ce que nous nous permettrons de développer dans les lignes suivantes.

1.2.1 - L'imagination transcendantale comme centre de constitution de la connaissance ontologique et comme troisième faculté fondamentale

Pour Heidegger, « ce n'est pas seulement dans la doctrine du schématisme transcendantal que l'imagination transcendantale apparaît comme thème premier »9(*). Pour lui, elle occupait déjà cette situation privilégiée au stade précédent de l'instauration du fondement, c'est-à-dire dans la déduction transcendantale. Et comme elle doit assumer l'unification originelle, poursuit Heidegger, il faut que mention en soit faite dès la première esquisse de l'unité essentielle de la connaissance ontologique, c'est-à-dire dès la deuxième phase de l'instauration10(*). Cela signifie donc que l'imagination transcendantale est le fondement sur lequel se construisent la possibilité intrinsèque de la connaissance ontologique et du même coup celle de la métaphysica generalis. Alors que Kant affirme que l'imagination est une faculté d'intuitionner même sans la présence, Heidegger pour sa part, estime que l'imagination, en tant que faculté sensible, fait partie des facultés de la connaissance qui se divisent entre la sensibilité et l'entendement, la première constituant notre faculté de connaissance « inférieure ». En d'autres termes, l'imagination est une manière d'intuitionner sensiblement même sans la présence de l'objet. Elle peut intuitionner, recevoir une vue, sans que l'objet correspondant se manifeste lui-même comme étant et sans qu'il soit à l'origine de la vue qu'elle possède. Ce faisant, l'imagination jouit d'abord d'une indépendance caractéristique à l'égard de l'étant. Elle est libre dans la réception de ses vues. Elle est donc, en quelque sorte, une faculté de se donner ses vues à elle-même.

Dès lors, l'imagination peut être, aux yeux de Heidegger, nommée en deux sens caractéristiques, une faculté formatrice. En tant que faculté d'intuition, elle est formatrice, puisqu'elle procure une image (vue). Cependant, en tant que faculté non ordonnée à la présence d'un objet d'intuition, elle achève elle-même, c'est-à-dire crée et forme les images. Cette puissance imaginante et formatrice est un acte à la fois récepteur et créateur (spontané) et pour notre auteur,

« cet « à la fois » indique l'essence propre de la structure de l'imagination. Si cependant on identifie la réceptivité avec la sensibilité et la spontanéité avec l'entendement, l'imagination se place curieusement entre l'une et l'autre. C'est ce qui lui confère un caractère étrangement ambigu ; celui-ci se fait du reste jour dans la définition kantienne de cette faculté »11(*)

Eu égard à cela, Heidegger estime que la définition de l'imagination, selon laquelle celle-ci peut représenter intuitivement un objet absent, ne figure pas dans l'exposé de l'instauration du fondement que donne la Critique de la Raison Pure. Mais, poursuit Heidegger, outre que cette définition apparaît explicitement dans la déduction transcendantale, encore que seulement dans la deuxième édition, la discussion du schématisme transcendantal n'a-t-elle pas très précisément manifesté ce trait de la définition de l'imagination ? L'imagination forme d'avance, préalablement à l'expérience de l'étant, la vue de l'horizon de l'objectivité. C'est justement sa pré-formation du schème pur, par exemple de la substance, qui est donc la permanence, qui consiste à la mettre sous le regard comme constante présence12(*). Et voilà pourquoi l'essence de l'imagination qui est de pouvoir intuitionner sans une présence concrète, est saisie dans le schématisme transcendantal d'une manière principiellement plus originelle.

L'imagination transcendantale n'est pas seulement et avant tout une faculté intermédiaire entre l'intuition et la pensée pure, mais elle est, avec celles-ci, une faculté fondamentale en tant qu'elle rend possible l'unité de l'une et de l'autre et, par là, l'unité essentielle de la transcendance en sa totalité13(*).

* 2 Cette citation est l'introduction faite par Ferdinand Alquié à la Critique de la Raison pure, in OEuvres philosophiques, Gallimard, p.713.

* 3 Emmanuel KANT, Critique de la Raison Pure, in OEuvres philosophiques, op.cit, p. 867.

* 4 Emmanuel KANT, Critique de la Raison Pure, traduction Tremesaygues et Pacaud, PUF, P.153.

* 5 KANT, cf Critique de la Faculté de Juger.

* 6 HEIDEGGER Martin, Sein und Zeit, traduction Martineau, Paris, 1986, p. 302.

* 7 HEIDEGGER, Kant et le problème de la métaphysique, traduction Alphonse de Waelhens et Walter Biemel, Gallimard, 1953, p. 141.

* 8 Ibid., p.191.

* 9 Martin HEIDEGGER, Kant et le problème de la métaphysique, Introduction et traduction par Alphonse de Waelhens et Walter Biemel, Gallimard, 1953, p. 187.

* 10 Ibid.

* 11 Ibid., p. 188.

* 12 Ibid., p. 190

* 13 Ibid., p. 193

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry