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Le christ comme médiateur du salut, essai d'herméneutique africaine du message chrétien à  la lumière de la christologie de karl Rahner

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par Thomas RAINCHOU
Grand séminaire notre dame de l'espérance de Bertoua - Attestation de fin d'étude de théologie 2006
  

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3.3.2. Contribution de l'intelligence africaine

Plusieurs éléments anthropologiques de l'intelligence africaine peuvent permettre l'accès au Christ de la Révélation. L'on retient ici trois d'entre eux qui paraissent plus déterminants dans ce sens. Il s'agit de l'intelligence africaine de l'être de l'homme, l'intelligence africaine de la mort et l'intelligence des titres socio-anthropologiques.

a) L'intelligence africaine de l'être de l'homme

En Afrique noire l'être est pensé généralement en terme de relation et de solidarité et rarement ou jamais en terme d'essence, de substance, de nature ou même d'idée. Les peuples africains ont vécu dans un cadre déterminé et ont acquis une conscience fortement communautaire qui tend à absorber la conscience individuelle. En Afrique on ne se définit pas soi-même, on est membre d'une telle ou telle autre ethnie. Cette manière de voir s'applique aussi bien à l'Être Suprême qu'à l'être de l'homme. Efoé Julien Penoukou dans son article «Christologie au village » souligne à ce propos qu'en Afrique, « on accueille l'être non pas comme un mystère spéculatif, mais tel qu'il se dévoile dans son être-là-avec, dans une rencontre qui fait place à l'émerveillement »192(*). En tant qu'être relationnel, l'homme en Afrique est ontologiquement dépendant de l'Être Suprême de qui il tient l'être et la vie, et de son cadre de vie, il est reconnu comme un être en mouvement vers un accomplissement précis, il est un être qui naît, vit, grandit, procrée et quitte ce monde pour le monde de l'au-delà où il continue à vivre en présence des ancêtres qui l'ont précédé et proche de Dieu qui est source de vie. Efoé Julien Penoukou désigne ces diverses phases de l'être humain par « instance d'accomplissement de l'être-là-avec »193(*). Il y perçoit « une sorte de relais ou de creuset ontologique où l'homme s'épanouit, se nourrit et mûrit au sein de la relation cosmo-thé-andrique »194(*).

Cette conception de l'homme en Afrique laisse apparaître une certaine priorité de la vie sur la mort qui pourrait conduire à un langage christologique spécifique. Jésus-Christ est présenté comme cet être qui ayant préexisté à toute chose, s'est défait de sa condition divine pour devenir homme et connaître la mort pour être exalté dans une nouvelle vie (cf. Ph 2, 6ss). Ce passage de vie/mort/vie qu'a connu le Christ, ne peut pas être étranger à l'ontologie africaine ; bien au contraire, il exprime davantage « cette solidarité ontologique qui lie dans une communion de vie l'être divin et l'être humain »195(*). C'est en quelque sorte ce que Karl Rahner a désigné par possibilité a priori de l'idée d'homme-Dieu en soutenant qu'il appartient à l'être même du Christ de se solidariser avec l'homme196(*). De ce point de vue l'ontologie africaine peut constituer un lieu fertile pour comprendre la radicalité de l'Amour solidaire du Christ par lequel il donne sa vie en rançon pour la multitude. On peut facilement percevoir en Christ la prise en main par Dieu de la destinée humaine.

b) L'intelligence africaine de la mort

La compréhension de l'intelligence africaine de la mort ne peut se faire en dehors de la conception africaine de la vie car, en Afrique noire, la place centrale qu'occupe la vie donne une conception particulière à la mort.

Tout Africain est en effet attaché à la vie et à tout ce qui la constitue et la développe. La mort quelque surprenante soit-elle ne met pas un terme à la vie. C'est ici un lieu concret où l'Africain peut dégager la signification salvifique de la mort du Christ, étant entendu que par elle l'être du Christ, comme le dit Karl Rahner, « s'est ouvert à l'univers entier, a pénétré tout le cosmos et est devenu pour celui-ci une détermination réelle, ontologique permanente et radicale »197(*). En effet, si pour l'Africain la mort entraîne certes une profonde modification à la vie, mais sans l'interrompre, il faut comprendre qu' « elle la renforce sous un certain angle, au moment même où elle semble l'affaiblir à un autre niveau. Mourir c'est changer d'aspect et continuer à vivre sur un autre plan »198(*), et Karl Rahner parle d'un plan pancosmique199(*). Au-delà des divers rites funèbres et des coutumes qu'on peut rencontrer partout en Afrique, François Kabassele fait découvrir que pour les Africains, « la vie est un flux jaillissant de la mort ; le monde est la compénétration de l'au-delà et de l'ici-bas, du visible et de l'invisible, et la mort devient le lien, la transmission, le passage, l'occasion de relier les deux pôles »200(*). Sous ce rapport, la mort qui touche le défunt implique aussi les vivants et tout leur environnement socio-cosmique. Une communion réelle existe entre les défunts et les vivants terrestres. Il devient facile de comprendre comment la mort du Christ concerne tout homme et tout l'univers.

c) L'intelligence africaine des titres socio-anthropologiques

Il s'agit ici des titres qu'on utilise dans les sociétés africaines pour désigner des personnes particulières à cause de l'influence qu'elles ont dans la vie sociale ou du rôle qu'elles occupent dans le groupe. Ils sont toujours traversés par une intelligence particulière qui peut servir d'une manière ou d'une autre à l'appropriation du mystère du Christ. Le titre de Chef par exemple se retrouve dans toutes les sociétés africaines et désigne le garant de la tribu, de l'ethnie ou du village. Il est souvent attribué au fondateur de la communauté. Celui-ci en effet, a fait preuve d'héroïsme et est ainsi capable de conduire les hommes en tant que conciliateur, fort et généreux. Ce titre peu permettre une bonne compréhension du mystère de la royauté du Christ, lui qui, comme le dit Karl Rahner, sortit « de la redoutable splendeur où il demeure en maître souverain et vint à nous, entrant sans éclat dans la chaumière de notre existence humaine »201(*). François Kabassele explicite cette dimension royale du Christ en soutenant que « les prérogatives d'un chef bantu paraissent avoir été pleinement réalisées par Jésus-Christ. Le pouvoir sied bien à Jésus-Christ, parce qu'il est un héros puissant, parce qu'il est fils du chef et émissaire du chef, parce qu'il est fort, parce qu'il est généreux, sage conciliateur des hommes »202(*).

Un autre titre est celui d'ancêtre par lequel on désigne les aînés de la tribu qui ont biologiquement transmis la vie reçue du Créateur et qui continuent de la protéger en intercédant pour leurs descendants. En tant qu'êtres humains, ils ont mené une vie honnête et droite, conforme aux modèles sociaux de la morale (prônée par leur milieu de vie) et ont quitté ce monde paisiblement en laissant une progéniture203(*). Cette intelligence du titre d'ancêtre peut permettre une compréhension du Christ, chemin, vie et vérité. En effet, le Christ est venu pour donner la vie en abondance et grâce à lui, les hommes deviennent héritiers de la vie de Dieu. Et comme l'a souligné Karl Rahner, Il est le fils de Dieu et nous rend participant de cette filiation devenant ainsi notre frère aîné. Il réunit en lui toutes les médiations et devient l'unique médiateur entre Dieu et les hommes204(*) (cf. He 8). Joseph Doré témoigne par exemple qu'en nous remettant face à Jésus-Christ Grand Frère, la foi des chrétiens africains nous conduit à une donnée tout à fait primordiale de nos sources chrétiennes. « Jésus, dit-il, est premier en filiation et donc en fraternité, il l'est en dignité mais aussi en service. Fils unique du Père, il nous ouvre à nous-même un salut de filiation et de dignité »205(*). La médiation des ancêtres en Afrique peut permettre aux chrétiens Africains « d'approcher, sinon de comprendre la plénitude de celle de Jésus-Christ »206(*), chef des ancêtres207(*).

* 192 EFOE J. PENOUKOU, «Christologie au village », dans CCA, p. 70.

* 193 Ibidem, p. 77.

* 194 Ibidem, p. 77.

* 195 Ibidem, p. 94.

* 196 Cf. TFF, p 205.

* 197 CM, p. 79.

* 198 ISSIAKA P. LALEYE, « Les religions d'Afrique noire », dans Le fait religieux, sous la direction de Jean DELUMEAU, Paris Fayard, 1993, p. 697.

* 199 Cf. CM, p. 80.

* 200 F. KABASSELE, « La mort africaine au miroir de l'Evangile », dans PAA, p. 161.

* 201 UFAM, p. 31.

* 202 F. KABASSELE, « Le Christ comme chef », dans CCA, p. 112.

* 203 A. KAGAME, « La place de Dieu dans les religions bantous », dans Cahier des religions Africaines, n°4, 1968, p. 12.

* 204 PDTC, p. 278.

* 205 J. DORE, « Présentation » dans CCA, p.18.

* 206 F. KABASSELE, « Le Christ comme Ancêtre et Ainé », dans CCA, p. 141.

* 207 D'autres titres comme celui de Maître d'initiation, de guérisseur peuvent aussi suggérer un moment du mystère du Christ quand on se réfère à sa vie publique (Cf. F. KABASSELE, « Art. cit. », p. 141.).

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