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L'être en devenir, considérations aristotéliciennes sur le devenir

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par Martin MBENDE
Grand séminaire philosophat Paul VI Bafoussam, Cameroun - Graduat de philosophie 2008
  

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I. Observations critiques

Le puissant génie d'Aristote qui se déploie dans l'analyse du devenir nous surprend aussi bien par sa pertinence que par son souci de clarté. La précision avec laquelle les termes sont employés et la finesse de leur développement nous offrent l'assurance d'une pensée qui a mûri sa réflexion. Cependant, la philosophie étant d'essence critique et réflexive, elle se dénaturerait dans un dogmatisme si ces qualités venaient à lui manquer. C'est pourquoi, en dépit de sa prestigieuse argumentation, nous voulons tout de même reconnaître que l'analyse aristotélicienne du devenir nous laisse insatisfait sur un certain nombre de points. Ceux-ci portent entre autre sur son analyse circulaire, sur l'étude du changement substantiel et sur la nécessité du devenir.

1. Sur la circularité du devenir

La formule l'Etre se dit de plusieurs manières, est à tout égard l'apport original d'Aristote dans l'analyse du devenir ainsi que le repère herméneutique à l'intérieur duquel le devenir prend sens. Les multiples manières d'être de l'Etre ne sont en fait que les différentes scissions que le devenir opère au sein de l'Etre. Cependant, l'explication qu'Aristote apporte au sujet du devenir, s'élabore sur fond de circularité.

Une réflexion est dite circulaire dans la mesure où elle se déploie suivant un mouvement circulaire. Pour étayer notre propos, prenons l'exemple du cercle herméneutique. Au niveau grammatical, le cercle herméneutique se dévoile dans le fait que le mot ne se comprend qu'à l'intérieur de la proposition et inversement. La proposition à son tour ne se comprend qu'à l'intérieur du texte et inversement. Le texte pour sa part ne se comprend qu'à l'intérieur de l'oeuvre et inversement. Bref, la partie ne se comprend qu'à partir du tout et le tout à partir de la partie.

Ceci étant, comment comprendre cette circularité au niveau de la pensée d'Aristote sur le devenir? Selon Aristote, le devenir opère le passage de la puissance à l'acte. Parvenu en acte, l'être en acte devient une nouvelle puissance à l'égard d'un autre acte. De même, la cause efficiente est ordonnée à la cause finale et celle-ci à son tour suppose celle-là. Nous ne nions pas le fait que le devenir est investi d'une logique dont le terme est le Premier Moteur. En effet, comme nous l'avons relevé dans l'étude du mouvement et de ses incidences sur le devenir, le Premier Moteur exerce une attraction sur l'Etre.

Cependant, notre inquiétude porte sur cette circularité qui donne à la pensée l'impression de se répéter voir de tourner en rond. Dès lors, ne pouvons-nous pas reprocher à Aristote ce recours au cercle qui loin d'enrichir la pensée l'enferme plutôt sur elle-même ? Ne fallait-il pas comme l'a fait saint Thomas d'Aquin ouvrir une brèche pour s'évader du cercle vicieux en orientant le devenir vers le Premier Moteur qui n'est plus seulement une machine à produire le mouvement mais l'Absolu véritable ?

En dehors de son aspect circulaire, la réflexion d'Aristote semble peu précise quant à l'explication du changement substantiel.

2. Sur l'insuffisance de l'analyse du changement substantiel

Pour certains présocratiques au nombre desquels Parménide, le devenir n'est qu'une illusion. Ce point de vue trouve son fondement dans l'idée selon laquelle l'Etre est totalité. En effet, si l'Etre est totalité, le devenir n'est qu'un simple dévoilement des différentes faces cachées de l'Etre sans qu'il y ait pour autant un changement véritable dans l'Etre. La conséquence de cette approche est qu'on ne peut pas devenir ce qu'on n'est pas d'où les mots de Pindare : « Puisses-tu devenir ce que tu es en apprenant. »156(*) Dans la même logique, Platon à travers la théorie de la réminiscence estime que notre vie actuelle est tributaire d'une vie antérieure.157(*) Elle est juste la remarque de Pierre Aubenque :

« Ce que les grecs ont pressentis, c'est que par un paradoxe dont les prétendues arguties de Zénon et des sophistes ne sont que la forme la plus radicale, on ne part jamais que parce qu'on est déjà parti, on n'apprend que ce que l'on sait déjà, on ne devient que ce que l'on est. Devenir ce que l'on est, conquérir ce que l'on possède, apprendre ce que l'on sait, rechercher ce qu'on a déjà trouvé, s'approprier ce qui nous est le plus propre, nous approcher de ce qui nous est toujours déjà le plus proche : la pensée grecque n'enseignera jamais d'autre sagesse que celle qui appelle l'homme à partir à la conquête de ses propres limites, à s'accroître aux dimensions de ce qui est déjà. »158(*)

Il convient dès lors d'admettre que si le devenir se contente de dévoiler ou mieux d'actualiser ce qui était déjà, il n'est pas à proprement parler devenir. En effet, tout devenir suppose un changement substantiel. Raison pour laquelle il faut se garder de voir dans le devenir une simple « actualisation d'une réalité ; ce serait tomber sous la coupe de Parménide et considérer le devenir comme un moindre d'être ; on risquerait ainsi de le transformer en un mirage ou une apparence. »159(*) La pertinence de cette réflexion de Vancourt nous interpelle quant au contenu que nous donnons au terme actualisation.

En effet, si nous entendons par actualisation une simple manifestation plénière ou un dévoilement du déjà-là, il serait un peu déplacé de parler de changement en matière de devenir. Toutefois, si du néant rien ne peut surgir, le devenir ne peut se passer d'un présupposé, d'un quelque chose qui est donné par avance. Et l'actualisation devient alors non pas un simple dévoilement de l'Etre, mais le passage de la possibilité d'être à la réalité effective. C'est donc dire que l'actualisation fait advenir quelque chose de nouveau, quelque chose qui n'était pas et qui maintenant est.

Cependant, si les catégories d'acte et de puissance lèvent l'ambiguïté sur le devenir en distinguant clairement ce qui devient de ce qui est advenu, n'est-il pas juste d'observer que l'analyse d'Aristote semble peu claire et peu précise quant à l'explication du changement substantiel qui implique l'avènement de quelque chose de radicalement nouveau dans le devenir ?

Par ailleurs, que penser du caractère nécessaire qu'Aristote prête au devenir ?

* 156 PINDARE, cité par AUBENQUE P., op. cit., p. 446.

* 157 PLATON, Menon, 80 e.

* 158 AUBENQUE P., op. cit., p. 446.

* 159 VANCOURT R., Pensée moderne et philosophie chrétienne, p. 34, cité par TREMBLAY J., Finitude et Devenir, Québec, Fides, 1992, p. 17.

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