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Sagesse et pouvoir. une herméneutique du pouvoir

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par Antoine BASUNGA Nzinga
ITCJ - Baccalauréat canonique en théologie 2010
  

Disponible en mode multipage

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0. Problématique

Dans son livre Israël et la Sagesse, G. Von Rad commence par dire que « nul ne vivrait un seul jour sans de sensibles désagréments, s'il ne pouvait se laisser diriger par une vaste connaissance empirique. Ce savoir tiré de l'expérience lui enseigne à comprendre ce qui se passe dans son entourage, à prévoir les réactions des proches, à engranger ses propres forces au bon moment, à distinguer l'événement exceptionnel de l'habitude, et bien d'autres choses encore »1(*). L'homme en tant qu'être social est de facto appelé à une quête de vie relationnelle harmonieuse. Cette quête de vie, qui se forge au milieu des aléas d'une expérience finie, peut acquérir un caractère obligatoire, dès lors qu'elle est favorable à tout le peuple ou encore à une grande partie de la communauté. Le savoir sur lequel se fonde l'harmonie de la vie commune d'un peuple peut, dans la suite, non seulement être élevé au rang du patrimoine langagier collectif à ce peuple, mais aussi se matérialiser dans une culture littéraire toujours susceptible d'être réinterprétée à nouveau frais pour une vie sociale plus dynamique. Ainsi, ce patrimoine est parfois désigné du nom de culture, de tradition ou encore de sagesse commune. En ce sens, nous pensons que tous les peuples sont parvenus à une synthèse de la « sagesse ». Notre choix de la Sagesse de Salomon, trouve sa justification dans le contexte d'un travail de théologie : il manifeste le besoin de partir de la « tradition biblique »2(*) pour retrouver l'expérience fondamentale du salut offert par Dieu en Jésus-Christ. De même que la Sagesse commence, progresse et finit avec la crainte (entendons par là l'amour) de Dieu, de même le Livre de la Sagesse s'ouvre sur une invitation à l'amour de la justice en Dieu (Sg 1,1), la source de toute Sagesse. La Sagesse est un don de Dieu. Elle est la meilleure compagne que l'homme puisse apprivoiser. Avec un ton quelque peu philosophique, celui d'un homme qui a su se mettre à l'école du Seigneur, l'auteur nous présente l'expérience d'un homme apaisé, conscient des responsabilités qu'il a envers ses semblables. L'auteur convie ses lecteurs à reconnaître ce que représente concrètement la Sagesse. Après plusieurs reprises mentions (Sg 1, 4-6 ; 3, 11), dans les premières pages de l'ouvrage qui porte son nom, la Sagesse va faire l'objet d'une longue présentation à partir du chapitre 6, notamment dans ses caractéristiques, sa source de provenance et les fruits qu'elle est à même de procurer à l'expérience humaine. Sg 6,22 pose clairement la question à laquelle l'auteur s'engage, avec toute audace, à donner une réponse: « Mais qu'est-ce que la Sagesse et quelle est son origine ? Je vais l'annoncer sans vous cacher les mystères » (6,22). Dans l'exposé qui nous est proposé, un élément surprend : la conception du pouvoir qui intervient à plusieurs reprises sous la plume de l'auteur. L'usage réguler du concept du pouvoir défit assez celui des politiques du monde actuel où le pouvoir a perdu sa juste valeur d'être un don de Dieu. Il est plus utilisé comme un moyen efficace pour dominer les multitudes. L'enseignement de la Sagesse dévoilé ici, ne peut, en aucun cas, laisser insensible celui qui vit sous le regard du Dieu-vivant, d'autant plus que nous sommes dans une époque où le pouvoir conduit souvent le peuple dans l'obscurantisme et la mort. Or, dit saint Irénée de Lyon, « La gloire de Dieu c'est l'homme vivant ; la vie de l'homme, c'est de contempler Dieu ». Pourtant, se servir, être servi sont les nouveaux paradigmes qui règlent la conduite des nos politiques3(*). Aujourd'hui, le pouvoir est le plus souvent utilisé comme un instrument d'oppression, au détriment de la tâche idéale et éminente tâche qui lui revient en propre, à savoir oeuvrer au plus grand bien du peuple. L'exercice du pouvoir semble fausser des perspectives. Telle est la réalité du drame politique, tendon d'Achille d'une Afrique appelée à se restructurer. Le problème qui nous préoccupe est en réalité le problème de la société africaine dont nous voulons être le porte-parole en tant que jeune théologien Africain. Lorsqu'on vit sur la terre africaine et que l'on partage le vécu quotidien de ce peuple, on n'a plus besoin d'être un visionnaire ou de fournir un effort exceptionnel pour se rendre compte du dysfonctionnement de l'appareil politique. Ce dysfonctionnement perpétue l'injustice, la pauvreté et le non respect de la dignité de la personne humaine en tant qu'elle est « imago Dei ». Dans un continent où la vie est reconnue comme valeur primordiale, l'on ne peut pas ne pas s'étonner du clivage qui sépare les différentes couches sociales. Les pauvres sont à la merci des puissants (6,6). Ceux-ci jouissent du pouvoir et des biens de la création, tandis que ceux-là croupissent dans une misère dévitalisante. Un clivage radical qui s'étend des plus petites organisations sociales aux plus grandes instances étatiques. L'abus de pouvoir érigé en système de gouvernement ouvre la porte à des pratiques qui font fi de tout ce qu'il y a d'honorable en l'Homme.

Pourtant, qu'on le veuille ou non, la personne humaine est et reste la finalité ultime de toute organisation sociale. Le livre de la Sagesse nous permet de rencontrer un homme dont la vision politique nous interpelle. Le Roi Salomon, tel qu'il est décrit dans la deuxième partie du Livre de la Sagesse, notamment en Sg 6,1- 7, 21, aiguise notre conscience critique, face à la mauvaise gouvernance dont l'Afrique actuelle est victime. L'exercice du pouvoir tel qu'il le présente dans le Livre de la Sagesse, doit libérer la conscience. Il nous fait découvrir que la situation politique actuelle est loin d'être une fatalité, mais tout simplement la conséquence d'un manque. Voilà pourquoi la démarche que nous entreprenons doit être un effort assidu  de retour vers les vrais fondamentaux du pouvoir, qui invitent au service et à la promotion de l'humain par la bonne gouvernance.

· 1. Question et méthodologie de la recherche

Le point de départ de notre investigation est un constat, celui de la contradiction entre la pratique et les principes fondamentaux concernant l'origine et la signification du pouvoir, tels qu'ils sont esquissés en Sg 6,1- 7,1-21. L'écart va bien au-delà de celui qui peut exister entre « ce qui est et ce qui devrait être ». La discordance est peut-être la conséquence d'un monde qui a perdu le sens de l'écoute et veut tracer lui-même la ligne de son devenir au lieu de se laisser instruire par la Sagesse créatrice de Dieu. De fait, il y a une tentation de vouloir verser dans l'idolâtrie du pouvoir. Devant la réalité des abus du pouvoir dans la gestion politique du monde actuel, en particulier en Afrique, une question se pose avec acuité : « Comment l'exercice du pouvoir peut-il, de manière consciente et réfléchie, rendre une juste espérance au peuple d'Afrique qui fait confiance à ses dirigeants politiques » ? Autrement dit, comment le pouvoir venant de Dieu (6,3), exercé par différents chefs temporels, peut-il concourir à la ré-confection du tissu politique africain qui doit sauvegarder la primauté de la valeur essentielle qu'est la vie ? Telle est la question sous-jacente à ce travail, qui se veut avant tout une herméneutique du sens du « pouvoir » dont l'intuition « s'origine » dans Sg 6,1 - 7,1-21. La méthode herméneutique est avant tout « un art d'interpréter », selon Fr. Schleiermacher4(*). C. Geffré précise : « des tâches de l'herméneutique [sera ici] de discerner les éléments fondamentaux de l'expérience [biblique] et de les dissocier des langages dans lesquels cette expérience s'est traduite. Ce travail risqué d'interprétation n'est possible qu'à partir de notre situation historique et de notre expérience actuelle de l'existence humaine »5(*). Il nous semble en effet que l'on ne peut pas lire cette péricope de la Sagesse de Salomon (6, 1 - 7, 21) et insensible à la situation existentielle de l'Africain qui est non seulement image divine, mais aussi « une image politique », appelé à vivre dans la société.

· 1.1. La Thèse 

Les souverains des peuples aiment trônes, sceptres, richesses, santé, beauté, que seul la Sagesse tient dans ses mains, dans une mesure incalculable (7, 11-12). L'origine de tout pouvoir est en Dieu (6,3), et seul le désir de la Sagesse conduit à la royauté et fait régner à jamais (6,17-21). Une multitude de sages est le salut du monde, un roi sensé fait la stabilité du peuple (6,24). Tous les rois sont nés parmi les soucis, aucun roi ne connut d'autre début d'existence (7,4). Voilà pourquoi, dit le roi Salomon, j'ai prié et l'intelligence m'a été donnée (7,7). Au vrai, Dieu est le seul dirigeant de son peuple, qu'il confie aux différents rois (6,4), auxquels il demandera des comptes (6,5).

La Sagesse place l'Homme au centre de son interpellation. Au vu des défaillences dans l'exercice du pouvoir dans l'Afrique actuelle, une prise de conscience du sens profond (originaire) du pouvoir est requise. On doit mettre en place une éducation qui restaure à l'exercice du pouvoir son sens de service et de la promotion de la dignité humaine. Sg 6,1- 7,21 peut en constituer un texte de base. Seule l'écoute de la Sagesse (6,1) qui est la mère de tous les biens (7,12), et le fruit d'une passion peut donner à l'Afrique le respect de l'homme, en tant qu'image de Dieu, et lui rendre, par le biais de ses dirigeants, la joie de vivre conformément à ses valeurs fondamentales.

On peut affirmer que le pouvoir que Dieu donne aux différents rois répond à une aspiration noble : outre la bonne gouvernance (priorité à laquelle convoque l'exercice du pouvoir), l'exercice du pouvoir veut être le chemin qui conduit à la sanctification des rois temporels oeuvrant au nom du Roi éternel. La quête de la Sagesse révèle et régénère des valeurs humaines qui contribuent à la construction d'une communauté pacifique. Il s'agit pour nous, de retrouver les vrais repères et la signification du pouvoir, pour rebâtir cette Afrique et lui donner une attitude et des dispositions « anthropo-christiques ». Il faut donc repartir de la Sagesse, pour laisser éclore une Afrique heureuse.

· 1.2. Notion préliminaire à la lecture du Livre de la Sagesse

Une première approche adoptera la perspective diachronique de la critique historique. Autrement dit, le livre sera soumis au crible d'une critique succincte des sources, des formes et de la rédaction. Il s'agira de traiter de l'originalité du titre du livre, de sa date de rédaction, de l'auteur, du milieu culturel dans lequel le livre a été écrit, de son unité littéraire et de sa canonicité. Ces différentes informations nécessaires pour introduire la démarche épistémologique que nous nous proposons ici. Une herméneutique qui tient compte des fondamentaux existentiels du pouvoir à l'heure actuelle ne peut se passer de « l'enveloppement » historique de cette tradition. Autrement dit, l'herméneute actuel a besoin de s'enraciner dans la tradition, afin d'en rendre compte d'une manière plausible et dynamique. Ainsi, comme un serpent se rajeunissant par sa mue, l'interprète actuel apprend à revivifier sa tradition dans ses éléments positifs. Un effort d'actualisation créatrice de ce qui est actualisable est nécessaire, tout en restant fidèle aux fondamentaux de la révélation.

Rappelons d'abord que le titre Le livre de la sagesse vient de la Vulgate (Liber Sapientiae)6(*). Le titre original est sophia salomonos. L'on a cru Longtemps que l'original avait été écrit en grec, jusqu'à ce que l'on ait retrouvé quelques fragments en hébreu7(*). Mais il est commode de continuer à dire que le livre nous a été « transmis » en grec. Le texte complet de l'original hébreu ne nous est pas accessible8(*). Toutefois, les  caractéristiques et la structure littéraire du livre donnent à penser que l'original était bien en grec. La Sagesse de Salomon a été écrite peu avant ou pendant le premier siècle avant notre ère9(*). Cette hypothèse se base sur le fait que le livre manifeste une connaissance de la traduction grecque des prophètes dans la Septante. En outre, on a constaté que le livre a les mêmes visées que l'oeuvre de Philon d'Alexandrie (-20 +54): elle se présente comme une apologie de la tradition juive dans le milieu égyptien. Cette communauté de points de vue fait dire à certains que ces ouvrages auraient été écrits pendant la même période, vers 30 Av JC. Concrètement, le livre veut défendre  la tradition juive contre la séduction de la culture étrangère, en l'occurrence, de la culture grecque10(*). En raison de son évocation répétée de la Sagesse, le fait penser à Salomon. L'auteur s'adresse à un auditoire juif : il connaît l'histoire et la tradition d'Israël.  (2, 1-10). Pour lui, on peut accéder à la sagesse du monde à partir de la culture juive, sans passer par la culture grecque (7, 17-20). Toutefois, à la lecture du livre, un constat s'impose : l'auteur témoigne d'une grande maîtrise de la philosophie et de la rhétorique grecques. Ce constant a conduit à mettre en doute que Salomon serait réellement l'auteur d'un tel livre qui évoque si étrangement certains thèmes de la pensée grecque et ses procédés d'argumentation. Les chercheurs font alors une distinction entre l'auteur fictif et l'auteur réel du livre. En ce sens Salomon ne serait qu'un auteur fictif. Au sujet de l'auteur réel : M. Gilbert admet qu'il est inconnu11(*), C. Larcher donne expose hypothèses, qui renvoient toutes à la littérature du judaïsme hellénisé12(*). M. Gilbert soutient que le milieu culturel du Livre de la sagesse est celui de la diaspora juive d'Alexandrie. En effet, même s'il n'est cité et transmis que par les chrétiens, précise-t-il, ce livre est certainement issu du judaïsme. Ses nombreuses allusions à l'Egypte, en particulier dans l'évocation de l'Exode (Sg 10, 15 - 19,21), incitent à penser qu'il fut rédigé dans la métropole portuaire du delta du Nil.13(*) Le livre de la sagesse n'est pas une collection de maximes sur tous les sujets, assemblées sans souci de continuité logique. Il s'agit d'une composition ordonnée autour d'un thème essentiel : les justes rétributions de la providence divine selon les mérites des hommes14(*). L'unité est établie par la réflexion théologique15(*), contrairement au livre de Job, où la discussion aborde plusieurs points de vue, qui sont exposés tour à tour, et sont tous partiels ; aucun ne semble satisfaire pleinement. C. Larcher va plus loin. Il démontre cette unité littéraire à travers différentes particularités linguistiques et procédés stylistiques qui caractérisent la manière de composer de l'auteur16(*). Certains chercheurs mettent l'accent sur quelques différences littéraires présentes dans le livre et le considèrent comme un livre composite. Ils estiment la première (1-5) et la deuxième partie (11-19) n'ont pas le même style. De toute évidence, l'oeuvre a été rédigée en grec et n'est en rein la traduction d'un original sémitique : la fréquence des mots composés, ainsi que des procédés littéraires tels que la paronomase (14, 11 bcd) l'allitération ou l'assonance (6, 10a) renforcent cette affirmation17(*). Le genre littéraire du livre est celui de l'éloge ou du discours protreptique, exhortatif. Le Livre de la sagesse n'est pas reconnu par les Juifs et les Protestants. Il appartient plutôt au canon deutérocanonique, reconnu au Concile de Trente (en 1546). Trois manuscrits différents, à savoir le codex A : Alexandrie (cinquième siècle)18(*) ; le codex B : Vaticanus  (quatrième siècle) et  le codex C : Sinaïticus (quatrième siècle) sont les plus anciens témoins de son ancienneté.

· 2. Délimitation du travail

Les différentes opinions concernant la subdivision du Livre de la Sagesse s'accordent pour y trouver trois grandes parties, à savoir (1) la condition humaine éclairée par la destinée différente des justes et des impies. Autrement dit, le sort final des justes et des impies montrera la sagesse des uns, la folie des autres (Sg 1-5) ; (2) La Sagesse divine vient au secours de l'homme pour l'aider à atteindre sa fin. Salomon exhorte les rois à la Sagesse (Sg 6-9) ; et (3) l'histoire privilégiée d'un peuple saint, aux prises avec des adversaires idolâtres, illustre le sort différent réservé aux justes et aux impies, et éclaire divers aspects de la Providence divine. (Sg 10-19)19(*). Selon cette organisation du livre, Sg 6, 1 - 7, 21 fait partie de la deuxième partie du Livre de la Sagesse : Salomon y exhorte les rois à la Sagesse. Mais, la Sagesse est accessible à tous. L'auteur s'engage à en révéler au grand jour les mystères, et en quoi ces mystères s'opposent au secret des mystères grecs. La multitude des sages assure le salut du monde (Sg6, 24). La Sagesse présentée sous les traits de Salomon vient souligner le fait que, par sa naissance et même par sa mort, il est exactement comme tous les humains20(*) ; il n'est pas un être divin. Seule la Sagesse l'emporte sur tous les biens, la richesse, le pouvoir, la culture et même la vertu, qui font une grande personnalité. Sa supériorité lui vient de ce que la Sagesse est à la de tous les biens.

Notre travail sera développé en trois chapitres, à savoir : quelques fondamentaux de l'expérience du pouvoir en Sg 6, 1 - 7,21; de la conscience anthropologique selon Sg 7, 1-6 à l'examen africain de la dignité de l'homme et une approche de la Sagesse pour la promotion de la culture du bien commun.

CHAP. I.

QUELQUES FONDAMENTAUX

DE L'EXPÉRIENCE DU POUVOIR EN Sg 6, 1 - 7, 21

Au principe de la Sagesse, il y a bien sûr la crainte du Seigneur (Pr. 9,10). Il s'agit en réalité, d'un profond amour de Dieu qui me meut et maintient dans la fidélité à la volonté divine. Une fidélité qui me vient par l'écoute que je garde de l'instruction que le Sagesse enseigne. L'amour de l'instruction de la volonté par l'écoute est une disposition nécessaire que nous voulons considérer comme préalable au discernement des fondamentaux de l'expérience du pouvoir que nous entreprenons ici. Par les fondamentaux de l'expérience du pouvoir, nous entendons faire ressortir, à travers la péricope bien précise de Sg 6, 1- 7, 21, les éléments originels, mieux existentiels qui nous disent : quelles sont les bonnes attitudes à tenir en ce qui concerne le pouvoir21(*). Les fondamentaux du pouvoir dont il est question ici font partie du grand héritage culturel de la tradition judéo-chrétienne. L'interprétation dynamique qui en est faite n'est possible qu'à partir de notre situation historique et de notre expérience actuelle de l'existence humaine et surtout chrétienne.

Deux grands points seront développés à ce propos : de l'écoute à la Sagesse du pouvoir(1). L'écoute attentive de la volonté de Dieu qui présuppose fidélité à sa parole conduit le roi à régner de manière sage, c'est-à-dire en un homme dont la prise des positions reflète le jugement divin (6, 4) ; et Sagesse, un mystère Dévoilé(2). Le concept de « mystère » renvoyant généralement à quelque chose de voilé, voire d'énigmatique, ou encore à quelque chose dont l'intelligibilité est placée de « l'autre côté » de l'entendement humain. Parler de la Sagesse comme d'un « mystère dévoilé » renvoie tout de même au fait qu'il subsiste toujours des traces sapientiales dans le dynamisme du vécu concret. C'est pourquoi le sage appelle à se laisser envelopper par le mystère même de la Sagesse, qui est élucidé à travers l'expérience d'un homme fondamentalement semblable à nous.

Notre approche biblique tiendra compte de l'Homme. Nous veillerons constamment à conjuguer dimension qui est nécessaire à notre compréhension. Plus simplement, notre approche présente le pouvoir comme un don de Dieu. Selon le Livre de la Sagesse de Salomon, toute autorité digne de ce nom, trouve sa source première en Dieu.

· 1. De l'écoute à la Sagesse du pouvoir

· 1.1. Les rois doivent prêter l'oreille à la Sagesse (Sg 6, 1-11)

Au début de cette deuxième partie du livre, l'auteur reprend avec plus de solennité, l'apostrophe initiale (1, 1- 15). En même temps, il introduit le thème premier, celui de l'écoute : il s'agit d'un acte essentiel de gouvernement. L'auteur s'adresse aux rois d'égal à égal et les invite à « écouter », à prêter l'oreille. L'écrivain se situe résolument en maître de sagesse. Avec une remarquable audace, il remet les rois à leur place : le pouvoir n'est pas sans conséquences pour eux, et n'est pas le fruit d'une génération spontanée : c'est une allégation de la souveraineté divine. Les rois doivent se mettre à l'écoute de Dieu de qui vient toute la puissance qu'ils incarnent sur la terre22(*). Dieu a le souci continuel de veiller à l'ordre établi par les grands de ce monde. S'il est vrai que Dieu a placé des rois en tête de son peuple, il est tout aussi vrai que c'est Dieu lui-même qui gouverne à travers les différents rois. Voilà pourquoi l'on devait gouverner le peuple de Dieu avec crainte et tremblement.

Les rois doivent avoir le regard tourné vers le Seigneur. Se laissant ainsi instruire, ils peuvent, à leur tour, guider les peuples selon les voies du Seigneur. Il sied aussi de savoir que viendra le temps où des rois devront rendre des comptes à Dieu23(*). De même que le Seigneur fait confiance aux rois avec une grande magnanimité, les plaçant en tête de son peuple, avec tous les honneurs possibles, de même leur jugement sera sévère si ces derniers se moquaient du peuple. Tout pouvoir vient de Dieu24(*) (para kuriou), le seul Seigneur de l'univers (6, 3). Et le jugement divin s'exercera avec rigueur25(*) à l'égard des grands (6,5). Son jugement sera sévère. « Le souverain de tous ne reculera devant personne (...), sa providence est la même pour tous » (6, 7). Dieu a fait l'humble et le puissant et il veille pareillement sur tous (Pr 22,2 ; 29,13). Conscient de ce qui attend les gouvernants, l'auteur offre ses services, non seulement à ceux qui ont de lourdes responsabilités, mais aussi à chacun de nous: l'auteur veut nous apporter son aide pour que nous apprenions la Sagesse, et atteignons la rectitude morale et religieuse sans trébucher (6, 9).

Les commentateurs qui situent le Livre de la Sagesse dans les premières décennies de l'occupation romaine en Égypte signalent que les précisions Sg 6,1-2 pourrait viser cette « grande puissance » du moment26(*). Il est vrai que Sg 6,1-11 manifeste une certaine admiration pour la puissance avec laquelle les rois imposent leur autorité sur toutes les terres conquises. Mais il ajoute d'emblée qu'un tel pouvoir peut avilir l'humain. Et quand on se souvient que c'est Dieu qui accorde le pouvoir, on ne peut qu'admirer la confiance que Dieu accorde à ses créatures. La tentation qui guette toujours les hommes est de « s'auto-diviniser » et d'instituer un culte idolâtrique dont il serait l'objet. Néanmoins, un roi choisi en toute légitimité selon les règles, n'est plus un homme ordinaire à proprement parler ; il est l'instrument privilégié, au regard des humains, par lequel leur est communiquée la volonté divine.

Par son ascension au trône, le roi occupe une position sociale très complexe et même paradoxale : il n'est ni sur terre ni placé dans les hauteurs. Les ovations et éloges du peuple l'élèvent en dignité et le font assoir dans une sphère dont il maîtrise mal les règles. Cette situation a conduit, à différents moments de l'histoire politique du monde27(*), beaucoup de rois et de gouvernants à leur propre ruine. C'est pourquoi disposition à l'écoute de la volonté divine est essentielle dans tout exercice de gouvernement. Il s'agit, en fait, d'un discernement continuel, en toute ouverture, pour juger selon le droit et dans le respect de la loi selon la volonté de Dieu pour son peuple (Sg 6,4).

· 1.2. La Sagesse brille et ne se flétrit pas (Sg 6, 12-21)

L'homme doit être en mesure de la recevoir, car non seulement elle se donne en libation à qui veut la boire, mais aussi se fait hôte de qui veut rester auprès d'elle. La soif de désirer la Sagesse doit accompagner chacun de nos pas, dans nos activités quotidiennes sous le regard du Seigneur. La Sagesse apparait enfin comme la voie véritable que doit suivre l'homme égaré. Elle est un « ange gardien » et restaure la vie en surabondance là où la mort menace. La Sagesse est ce à quoi l'homme aspire profondément sans peut-être la connaître. L'auteur invite à l'ouverture du coeur, pour accueillir ces valeurs supérieures que patronne la Sagesse : cette disposition d'âme crée déjà une certaine affinité avec elle, la rend plus proche et la fait « discerner »29(*) .

La quête de la Sagesse doit nous habiter. Elle doit être présente en nous, et nous donner la disposition d'une âme assoiffée qui a pour seul breuvage la volonté de Dieu. A partir du v. 17, commence une argumentation en forme de sorite30(*), type de raisonnement que les stoïciens affectionnaient 31(*)(du grec soros : tas, monceau, accumulation). Il s'agir selon Aristote,32(*) d'une suite de syllogismes agencés de telle sorte que l'attribut de chaque proposition devienne le sujet de la suivante jusqu'à la conclusion qui a pour sujet, le sujet de la première proposition et pour attribut, l'attribut de l'avant-dernière. Ainsi : tout A est B, or tout B est C, or tout C est D, or tout D est E, donc tout A est E. L'argument est valable si les mots ont même valeur ou signification et si aucune des prémisses n'est fausse ou douteuse.

En voici un exemple classique:

Verset 17-19

- Tous les hommes sont des mammifères

- (Or) tous les mammifères sont des vertébrés

- (Or) tous les vertébrés sont des animaux

- (Or) tous les animaux sont des êtres vivants

- Donc tous les hommes sont des êtres vivants

- Car son commencement, c'est le désir très vrai de l'instruction

- (Or) l'amour, c'est l'observation de ses lois,

- (Or) l'attention aux lois, c'est la garantie de l'incorruptibilité

- (Or) l'incorruptibilité fait qu'on est près de Dieu

- Dernier vers: Donc le désir de la sagesse conduit à la royauté

 

Comme raisonnements les sorites fonctionnent par inclusion ou attribution successives. Bien que l'auteur de la Sagesse évite la répétition littérale des mêmes mots et de la conclusion, il prend soin cependant de joindre dans sa conclusion la notion initiale au prédicat de l'avant-dernière proposition. Aussi le rapport établi entre termes successifs, en est un de conséquence interne, qui fait penser justement à cette logique stoïcienne, constate C. Larcher33(*). Il s'agit de démontrer que la recherche de la Sagesse assure la royauté, démonstration à laquelle des rois ne sauraient rester insensibles. Pour C. Larcher, l'auteur a donc voulu signifier à la fois que le désir de la Sagesse est un commencement, et un commencement « très vrai, authentique, sûr, certain », quand il amène celui qui veut être instruit de tout ce qui la concerne à se soumettre à l'éducation qu'elle patronne ou dispense34(*). Tel est l'enseignement traditionnel des sages : pour eux, la Sagesse et la pratique de la justice garantissent la stabilité d'un trône (Pr 16, 12 ; 20,28), autrement dit, un pouvoir prospère sous le regard de Dieu. C'est à travers un discernement continuel, lucide, toujours tendu vers la quête inassouvie des dons divins que la Sagesse se dévoile à ceux qui la désirent.

La Sagesse est bienveillante, elle est l'objet d'amour : l'observation de ses lois garantit l'incorruptibilité : plus que le savoir-vivre, elle donne accès à Dieu. Voilà pourquoi les rois doivent honorer la Sagesse. Il ne suffit pas de la tenir en estime ; il faut reconnaître effectivement son excellence lui rendre hommage par une soumission entière à ses enseignements et à son influence35(*). Ce n'est qu'ainsi que les princes pourront conserver leur pouvoir. La Sagesse est le vrai début et le sommet dans tout désir du pouvoir dont le Seigneur est la source. Plus qu'une vaine gloire, une élévation humaine, la Sagesse fait siéger auprès du Seigneur, et procure au roi le trône éternel, le sommet de toute aspiration des dirigeants de la terre.

· 3. Vers la Sagesse du pouvoir

Il s'agit ici d'une reprise de l'affirmation de Sg 6, 3, à savoir tout pouvoir vient de Dieu. Si nous admettons que Dieu est au commencement de toutes choses, il serait absurde de ne pas reconnaître qu'il est fondement de tout pouvoir. Notre Dieu est un Dieu de l'ordre, et l'ordre conduit à Dieu. Egal en bonté envers toutes ses créatures, les humains en particulier, Dieu poursuit son oeuvre de création en collaborant pleinement avec les hommes et les femmes de bonne volonté. Le pouvoir que Dieu accorde aux rois, nous l'avons souligné, répond à une aspiration profonde : Dieu nous a créés pour le bonheur. Aussi couronne-t-il des rois afin qu'ils soient, sous son regard, de vrais régulateurs dans l'accomplissement du « déjà-là » de ce bonheur, en rendant possible l'épanouissement général des peuples.

La vision de l'homme qui se dégage du Livre de la Sagesse, ne reconnaît pas en lui l'origine du pouvoir : Le pouvoir est un don du créateur. L'homme, c'est Dieu qui l'a façonné depuis le sein maternel. L'homme n'est pas le fruit du hasard. Dieu se soucie de lui et prend continuellement soin de lui. L'homme doit obéissance à Dieu son créateur, qui est la lampe de ses pas. Dieu a un projet pour ses créatures, projet auquel il fait participer toute la création. La création, qui, toute entière converge vers « le bien ultime ». Ce bien n'est pas utopique ; il est un « projet » à réaliser hic et nunc dans l'ordinaire de nos activités, c'est-à-dire, dans la gestion de nos pays, villes et cités, comme le préconise la théologie de l'espérance de Moltmann.

En effet, Moltmann36(*) maintient que l'eschatologie concerne « l'avenir ultime », contrairement aux auteurs qui font de la réalité eschatologique un déjà-là, éternellement présent, au détriment de la force opératoire dans l'histoire présente, de l'avenir promis par Dieu. Seulement cette force opératoire doit infléchir le cours de l'histoire et investir toute la vie des croyants. Ainsi, tout divorce entre la foi et l'engagement dans le monde de Dieu et la terre des hommes, entre la théorie et la praxis, sera évité. L'eschatologie concerne en même temps un « déjà là », « un pas encore », et confie à l'homme la responsabilité, sous le regard de Dieu de continuer à travailler pour un monde meilleur37(*). Une attitude de prière et d'humilité, à l'instar de celle du roi Salomon, nous permet d'accéder à la Sagesse qui nous guide dans la réalisation de ce projet, et nous comble déjà de bonheur, en prélude à la réalisation des promesses eschatologiques.

La Sagesse, il faut la rechercher, car elle se laisse trouver par ceux qui la désirent. La Sagesse est présente en nous, mais elle est en nous comme un édifice à construire, un don à faire fructifier sous le regard de Dieu. La Sagesse imprime en nous le désir de la réussite et le désir d'accomplir le bien. Dans une cohérence profonde de soi avec soi, la Sagesse nous unifie en nous identifiant à Dieu. Comme un être qui tâtonne dans l'incertitude, l'homme peut manquer de Sagesse et faire un mauvais choix qui le conduit sur le chemin de la perdition. Il peut être l'objet d'une crise spirituelle qui lui fait remettre tout en question. Confusion et obscurité s'ensuivent au sujet de nombreuses questions existentielles, notamment celle du pouvoir qui nous occupe ici. L'affirmation que tout pouvoir vient de Dieu peut, sans l'ombre d'un doute, prêter à équivoque. Mais sa mise en question a souvent pour origine un désir malsain de se dérober du regard de Dieu38(*). Une telle dérobade peut être imputée soit aux rois soit aux peuples.

De la part des rois, elle peut naître de leur volonté de puissance. Des graves dictatures du genre de celles dont le monde actuel nous livre le spectacle, en sont la conséquence. Quand c'est le peuple qui refuse de reconnaître que l'origine du pouvoir est en Dieu, une anarchie mortelle peut s'en suivre. L'histoire politique mondiale en donne de nombreux témoignages. Par contre, quand il est mené sous le regard de Dieu, le jeu politique peut contribuer au bonheur du peuple tout entier. Les fruits tangibles en sont la paix, au-delà de la seule absence de guerre et la bonne gouvernance, avec tout ce qu'elle apporte, avant tout l'établissement d'une société juste.

Notre vie, inévitablement, est traversée de tensions : nous devons faire des choix, établir des priorités. Ces tensions ne peuvent être résorbées pae ce que nous percevons à l'aide de nos organes sensoriels, à savoir les yeux, les oreilles, la peau, la langue, le nez. Bref, la tension est toujours-et-déjà-là, nous devançant dans notre détermination. Pourtant le discernement et la bonne gestion du pouvoir et de nos personnes restent possibles. L'Homme n'est pas le prisonnier de son monde, mais reste ouvert à la transcendance. Dans toute entreprise, la Sagesse sous le regard de Dieu est la condition d'efficacité. Il n'est pas étonnant que l'histoire politique ait constamment remis en question le principe que le fondement du pouvoir est en Dieu39(*). Aujourd'hui encore la question est posée avec acuité. Les différentes démocraties, plus au moins déguisées, du 21e s, préfèrent se confier au pouvoir des armes.

Les abus de pouvoir, dans la gestion politique des choses du monde actuel, nous confrontent à la question de savoir : quel est le socle vitalisant sur lequel se fonde le pouvoir aujourd'hui ? Serait-ce sur le consensus40(*) humain ? Le Livre de la Sagesse de Salomon nous rappelle que le véritable fondement du pouvoir est en Dieu, qui nous préserve de toutes les perversions qui ont pour cause, le manque des repères dans l'exercice du pouvoir. Ces perversions ont élu domicile dans le fonctionnement de l'appareillage politique africain. Fonder le pouvoir autrement qu'en Dieu n'en augmente aucunement l''emprise. Au contraire, reconnaître que Dieu est la source de tout pouvoir est une exigence fondamentale pour un monde qui s'épuise dans une quête de paix sans repères divins qui lui sont fournis.

· 2. Sagesse, un mystère dévoilé

· 2.1. Salomon décrit la Sagesse (Sg 6, 22-25)

Ayant indiqué ce que le désir de la Sagesse peut procurer à l'humanité, l'auteur se propose d'en dire plus sur ce qu'elle est en elle-même. Il énonce son intention en des termes particulièrement prometteurs : «Je remonterai jusqu'au principe de son existence, j'exposerai au grand jour la connaissance de sa réalité » (6, 22). Il ne craint pas de recourir au mot « mystère ». La vraie question ici se pose en d'autres termes: « comment la Sagesse est-elle née ? » avec le sous-entendu « en moi ». Le développement qui suit, en effet, n'expose en rien la genèse de la Sagesse elle-même en tant qu'entité divine (Pr 8, 22), mais montre plutôt comment l'auteur l'a acquise. La naissance de la Sagesse et son évolution restent un mystère. Autrement dit, Salomon a conscience qu'il s'agit d'une réalité qu'on ne peut aborder qu'avec recueillement.

Notre effort de dire la Sagesse doit lui-même se laisser instruire à l'école de la Sagesse : nous devons suivre le chemin qu'elle nous trace. Un vrai pèlerinage sur les pas de la Sagesse peut jeter quelques lumières sur le chemin qu'il nous faut suivre. La trace de la Sagesse nous permet d'en savoir quelque chose. Sa trace nous révèle une présence dans l'absence. Mais la question persiste : par où est-elle passée, la Sagesse ? Plus précisément, la route de sa pérégrination nous est-elle intérieure ou extérieure ? Retrouver les traces de la Sagesse dans l'expérience existentielle des hommes de bien est indispensable à tout exercice du pouvoir. Une révolution qui est en réalité une renaissance de la tradition doit être fondée sur le roc, s'il veut assurer l'avenir radieux du peuple. Toutefois, ce ne sont pas des considérations générales sur la Sagesse qui nous sont offertes, mais un témoignage personnel. La Sagesse est au fondement de toute bonne gouvernance terrestre41(*) : seul un roi avisé assure le bien-être de son peuple (6,24).

· 2.2. Salomon n'était qu'un Homme (Sg 7, 1-6)

C'est le roi Salomon qui est supposé parler, comme cela est précisé dans la suite du texte, v. 5ss surtout 9, 7-8. Il sait que, pour obtenir la Sagesse, il faut prier. C'est là l'idée essentielle du livre (8, 20). Il commence par une profonde prise de conscience de sa dimension finie, conscience qu'il manifeste en faisant allusion à sa propre naissance. Car c'est dans de tels moments qu'on en vient à considérer toute l'humanité sur un pied d'égalité (cf. 2 Mac 7, 28). Ce rappel souligne aussi le fait que c'est de l'ordinaire que Dieu crée l'extraordinaire.

Cette vision des choses est assez forte pour que de nos jours, on puisse encore y trouver un fondement de « l'égalité naturelle entre les humains ». La conscience devrait se laisser nourrir par ce « fondement anthropologique », dans tout exercice du pouvoir. Ce fondement est d'autant plus fort qu'il ne renvoie pas seulement à ce moment originaire, initial, mais qu'il se prolonge aussi dans une vision téléologique. Autrement dit, l'égalité des Hommes se manifeste aux deux bouts de notre vie. Lorsque nous naissons, comme lorsque nous retournons à la poussière. C'est pourquoi la volonté de puissance, la perversion dans l'exercice du pouvoir, est un leurre, tant il est vrai qu'aucun roi n'a débuté autrement dans l'existence (Sg 7, 5).L'humanité de l'Homme a sans cesse besoin de se ressourcer en Dieu pour donner aux apports intersubjectifs leur juste dimension.

La Sagesse acquise par la conscience d'être créé à l'image de Dieu (Gn 1, 27), dans une communauté d'Hommes créés, nous confronte en même temps à un devoir, celui de la reconnaissance de « l'autre comme soi-même ». Il s'agit d'un appel intérieur auquel une créature raisonnable et sensée est supposée ne pas se dérober. Hors de cette conscience, l'Homme n'est qu'ignorance de son essence, et donc en tourment perpétuel. Telle est la situation du méchant, qui ne se soucie pas de la communauté humaine ; telle est la situation de l'inassouvi qui se cherche hors de lui-même. L'impunité de la part des hommes le soumet à des peines plus terribles devant Dieu (Sg 6, 5). Comme le souligne Bossuet, la primauté de l'état des rois leur attire une primauté dans les supplices42(*).

· 2.3. La Sagesse émane de l'inspiration Divine (7, 7-21)

La Sagesse vient au-devant de ceux qui la cherchent (6,12-16) : encore faut-il la chercher. Salomon demanda à Dieu la chose la plus belle et la plus grande, celle que Dieu a le plus de plaisir à donner et l'homme le plus de profit à recevoir. Il ne demanda ni l'or, ni l'argent ni quelque autre richesse, comme un homme, jeune encore, aurait jugé opportun de se voir attribuer, mais il voulu obtenir un esprit saint et un juste discernement pour bien conduire le peuple de Dieu. Salomon s'était décentré, grâce à un amour vitalisant pour le peuple. Sa requête plut à Dieu qui lui donna en plus de ce qu'il avait choisi, toutes les autres choses qu'il n'avait pas évoquées : richesse, honneur et victoire sur ses ennemis43(*). La Sagesse est à l'origine de toute vertu et de toute science. D'un être qui n'est que poussière, que peut-on espérer de bon ? Conscient de sa finitude, Salomon a trouvé son inspiration auprès de Créateur. A genoux devant le Seigneur, Salomon est comblé d'un esprit de Sagesse, ce bien qu'il estime plus noble que toutes les richesses, plus précieux que toutes les prières précieuses réunies.

De fait, la Sagesse possède un éclat qui ne connaît point d'usure, et dont les reflets régénèrent tous les biens. La Sagesse est ce bien qui semble insignifiant en lui-même à moins que l'on se mette à l'écoute du Seigneur, mais qui donne accès à tous les autres biens. C'est un bien véritable qui se diffuse à travers toutes les expériences humaines, mais ne s'épuise jamais. La Sagesse travaille au rassemblement des fils et filles de Dieu de par le monde entier. C'est dans un esprit de Sagesse que l'humanité est appelée à cohabiter et la Sagesse se révèle enfin comme la trace de Dieu au milieu de son peuple . Dieu étant lui-même au centre de son unité. La Sagesse rappelle à l'Homme sa profonde humanité et le replace dans les dispositions requises, pour trouver sa paix en Dieu tout en travaillant pour un monde plus humain. Par la prière de Salomon, le Seigneur apprend aux rois que rien ne leur manquera dès lors qu'ils auront la Sagesse, et qu'elle seule leur attire tous les autres biens.44(*) Selon 1 R 5, 9-14, la Sagesse accordée à Salomon ne concernait pas seulement les sciences morales et religieuses mais aussi les sciences naturelles et physiques. L'auteur du livre ne méprise pas les sciences profanes, fussent-elles d'origine grecque : « constitution du monde » et «  activité des éléments » sont des conceptions prises à la physique des Grecs. D'après Flavius Josèphe45(*), Dieu accorda à Salomon l'art de combattre les démons, pour le bien et la guérison des hommes46(*). « La Sagesse, artisan de tout » : le mot technitis, appliqué à la Sagesse, rappelle le rôle qui lui est donné dans la création, selon Pr 8, 30.

Par la notion de Sagesse, l'ensemble du réel est saisi dans une profonde unité, liée au projet du Créateur. La Sg 7, 15-21 expose la conception d'un univers où il n'existe pas de séparation entre un domaine purement technique ou « profane », et un autre qui relèverait de la démarche « religieuse »47(*). Dieu est le seul guide des sages. Il n'y a de sage qui ne se reconnaisse en Dieu. La Sagesse est un pur don de Dieu. Un don accompagné de l'empreinte de l'humilité de sorte qu'il ne peut pousser l'homme à s'enorgueillir. C'est Dieu qui donne la connaissance de toutes les choses créées. Il en va ainsi de la connaissance du cosmos (faune et flore y comprises) Dieu est le maître de ce qui déjà connu et de ce qui st encore inconnu, du visible et de l'invisible.

Conclure 

Au terme de notre relecture de Sagesse 6,1 -7, 21, relecture qui a fait ressortir les fondamentaux possibles du pouvoir et montré que seule la recherche de la Sagesse assure la vraie royauté, et ainsi « redoré » le sens du pouvoir (Sg 6, 1-11) terni par une politique dévitalisante, nous voulons rappeler ceci : Tout pouvoir vient du Très Haut (6, 3). Les rois doivent à toujours avoir le regard tourné vers le Seigneur. Se laissant instruire par Dieu, ils peuvent à leur tour guider les peuples. Le jugement divin s'exercera avec rigueur à l'égard des grands (6,5). « Le souverain de tous ne reculera devant personne (...), sa providence est la même pour tous » (6, 7).

Conscient de l'importance de ces vues, qui doivent s'imposer aux gouvernants, l'auteur offre ses services, non seulement à ceux qui ont de lourdes responsabilités, mais aussi à chacun de nous: par ses paroles, l'auteur veut nous apporter son aide pour que nous apprenions la Sagesse, la « mère », la génitrice de toute vertu et que nous ne trébuchions pas (6, 9). La tâche du roi lui impose une grande responsabilité devant le Seigneur. C'est une fonction que l'homme honnête n'accepterait du Créateur qu'avec crainte et tremblement. Pour quiconque recherche la Sagesse, la puissance et la grandeur, loin d'être des instruments de domination et d'oppression, devraient permettre d'établir l'ordre tel que voulu par le Seigneur depuis les origines. Le seul appui de l'homme et le fondement de toute bonne gouvernance se trouvent dans l'observance de la volonté du Seigneur.

Voir en Dieu l'origine du pouvoir amène à une profonde prise de conscience, que nous qualifions « de conscience anthropologique ». Par l'écoute continuelle de la Sagesse créatrice se forge en l'humain cette conscience de « Homo imago-Dei », qui lui dit à tout moment : « tu es mon fils, aujourd'hui, je t'ai engendré ». Dès lors que l'humain se reçoit comme créature, il ravive en lui non seulement la conscience que son être au monde est un don, mais aussi la disposition à rendre grâce, par une ovation individuelle et communautaire, à l'éternel donateur, le Dieu de gloire.

La conscience anthropologique qui caractérise les convictions politiques du roi Salomon fait de l'humain un éternel adorateur Père et lui donne le courage de se tourner contre tout attrait d'idolâtrie. L'absolutisation du pouvoir est une tentation qui, de manière continue, frappe à la porte de la conscience humaine. La conscience anthropologique par contre, qui est en nous comme une disposition originaire et divine, se renouvelle sans cesse, dans chaque cadre social. Don venant d'en haut, la conscience anthropologique est la chose la mieux partagée parmi les humains et elle leur permet de réaliser une harmonie horizontale dans leur vivre ensemble. Au fond, le Livre de la Sagesse circonscrit l'exercice du pouvoir dans le cadre de cette conscience anthropologique qui en appelle à la reconnaissance de l'autre comme soi-même, image d'un Autre suprême qui est Dieu.

C'est dans ce sens que le chapitre suivant veut réaliser « l'enveloppement » de cette prise de conscience pour un développement qui met en lumière la grandeur anthropologique. Une telle prise de conscience de la condition humaine à la dignité de l'Homme, nous l'élaborons dans le cadre culturel africain. Une conviction la sous-tend, à savoir que l'exercice du pouvoir qui se veut au service de l'humain, doit, pour son bon fonctionnement, revisiter la grandeur de l'homme en tant qu'il est par essence image de Dieu et par conséquent un être social.

CHAP. II.

DE LA CONSCIENCE ANTHROPOLOGIQUE SELON Sg 7, 1-6

A L'EXAMEN AFRICAIN DE LA DIGNITÉ DE L'HOMME

Au départ du présent chapitre, un principe doit être admis, à savoir que si l'Homme est reconnu à sa juste valeur, les aberrations politiques seront de moins en moins nombreuses. Mais le roi Salomon nous convie à un exercice plus noble encore qui doit mener à la profonde connaissance de soi. La démarche qu'il nous invite à entreprendre doit nous conduire à une connaissance toujours plus approfondie du mystère qu'est l'homme. La voie la plus appropriée, c'est la voie de la Sagesse qui l'amène lui-même à reconnaître : « Je suis, moi aussi, un homme mortel, pareil à tous, un descendant du premier être formé de la terre. J'ai été modelé en chair dans le ventre d'une mère, où, pendant dix mois, dans le sang j'ai pris consistance, à partir d'une semence d'homme et du plaisir, compagnon du sommeil. A ma naissance, moi aussi j'ai aspiré l'air commun, je suis tombé sur la terre qui nous reçoit tous pareillement, et des pleurs, comme pour tous, furent mon premier cri. J'ai été élevé dans les langes et parmi les soucis. Aucun roi ne connut d'autre début d'existence : même façon pour tous d'entrer dans la vie et pareille façon d'en sortir » Sg 7,1-6. Ce n'est pas seulement sa condition mortelle qui retient son attention : le roi Salomon veut insister sur le fait qu'il est strictement humain (anthropos), rigoureusement et foncièrement égal ou encore de même nature que tous les hommes. Salomon met en lumière cette égalité en se référant à la tradition biblique48(*) il renvoie ainsi à l'ancêtre commun de l'humanité par l'usage du mot apogonos (né ou issu de).

La tradition transmise dans le récit de la création (cf. Genèse), pose l'archétype de l'humanité dans une relation d'analogie avec le Créateur : l'homme est créé à l'image de Dieu (Gn 1, 27). Cette expression ne prend tout son sens que dans le mystère du verbe incarné (GS 22). Dès lors que la condition humaine est reçue et vécue comme un don, c'est-à-dire dans l'acceptation de soi comme un être de fragilité mais ouvert à la transcendance, cela devient plus intéressant. Car l'homme n'est pas tout simplement un roseau qui pense mais il est aussi et surtout un être capable de Dieu. Ainsi, la condition humaine plus qu'une déficience, elle est la trace même du Créateur en l'Homme. Le Créateur étant le seul principe de la dignité de l'Homme créé à l'image de Dieu, le Dieu le plus noble qui puisse exister. Ce chapitre sera développé autour de trois grands points, à savoir la question de la spécificité de la dignité « supérieure » de l'Homme ; la dignité de l'Homme dans l'enseignement social de l'Eglise et le principe de vie au fondement de la dignité de l'Africain.

· 1. La question de la spécificité de la dignité « supérieure » de l'Homme

L'Homme possède quelque chose de noble, qui fait de lui une espèce spécifique parmi tant d'espèces qui existent dans la nature. « En vérité, l'homme ne se trompe pas lorsqu'il se reconnaît supérieur aux éléments matériels et qu'il se considère comme irréductible, soit à une simple parcelle de la nature, soit à un élément anonyme de la cité humaine. Par son intériorité, il dépasse en effet l'univers des choses : c'est à ces profondeurs qu'il revient lorsqu'il fait retour en lui-même où l'attend ce Dieu qui scrute les coeurs et où il décide personnellement de son propre sort sous le regard de Dieu » (GS 14). De plus en plus, l'Homme s'affirme par sa capacité d'organisation sociale. Il a mis en place, pour communiquer, un outil efficace qu'est le langage articulé. De plus « ... il jouit de deux prérogatives exclusives et propres à sa nature : l'intelligence et la volonté libre. Grâce à l'intelligence, il comprend l'univers et se comprend, étend son activité aux horizons illimités de l'esprit, sur la voie des domaines matériel, biologique, scientifique, esthétique, moral, religieux. [...], il accède non seulement à l'univers sensible, mais aussi au monde intelligible : il perçoit les valeurs transcendantes de vérité et de justice »49(*). L'Homme est jusqu'à nos jours, la seule créature qui se questionne au sujet de sa propre existence et pose aussi les conditions de possibilité de l'existence d'un Être suprême : Dieu. « ... L'homme est et demeure l'être de la transcendance, c'est-à-dire l'étant auquel l'infini de la réalité, disponible et silencieuse, se rend durablement présente comme mystère. C'est par là que l'homme est fait pure ouverture à ce mystère, et c'est ainsi qu'il est posé devant lui-même comme personne et sujet »50(*). La question afférente aux bases de la dignité de l'Homme peut se poser à plusieurs niveaux. Pour Axel Kahn51(*), d'un point de vue dualiste, religieux, tout est simple : si l'Homme a été créé à l'image de Dieu, la question de sa dignité supérieure est évidente. L'évidence s'impose aussi si de tout le règne vivant, l'on venait à reconnaitre à l'Homme seul le fait de posséder une âme (question très débattue en philosophie). Mais  dans une approche moniste et laïque la question est, en revanche d'une extrême complexité. Du point de vue, de la vision évolutionniste, l'Homme serait l'égalité de tous les êtres vivants qui dériveraient d'une cellule originelle apparue sur la terre il y a environ 3,8 milliards d'années. Dès lors, la question de la spécificité de la dignité « supérieure » de l'Homme se se pose : Pourquoi, s'il est vrai que tous les êtres vivants sont issus d'une même cellule originelle (cf. le mot apogonos), certaines pratiques seraient-elles moralement applicables et sont de fait appliquées à d'autres êtres vivants, mais deviendraient-elles illégitimes dans leur application à l'Homme ? La réponse à cette question fait l'objet d'un discernement chez Axel Kahn. Il souligne, outre les capacités intellectuelles, de créativité, l'aptitude au sens moral, technique et langagier dont jouit l'Homme, le rôle de la société, mieux de « l'humanisation ». Il reprend aussi l'affirmation de Karl Marx, à savoir que « l'Homme est le monde de l'Homme »52(*). Toutefois cette affirmation ne doit pas amener à la négation de l'individu dans sa communauté. La capacité qu'a l'être humain de se poser lui-même la question de sa dignité et de ses droits, en conscience et en raison, constitue un fondement essentiel de la dignité de l'Homme. Cette capacité d'auto-projection et d'auto-détermination, comme sujet de droits et de dignité, se concrétise soit en « promesse » soit par « transfert ». Dans l'ordre de la promesse, cette capacité prend en compte le cas de l'embryon, du foetus, du nouveau-né et, pourquoi pas, du « non-encore-né » dans certaines cultures. La promesse veut tout simplement dire que le foetus et l'embryon, qui n'ont pas de capacité directe de revendiquer leur dignité et leurs droits sont cependant en attente de le faire, ils en sont la promesse. Dans l'ordre du transfert, la capacité se révèle au niveau de l'intersubjectivité, quand les relations ou les traitements infligés à un alter ego sont perçus comme l'expression de soi comme être de dignité et de droits.

Au-delà de la recherche des bases de la dignité de l'Homme, l'une ou l'autre perspective, l'on se rend bien compte que l'Homme reste une énigme, mieux un mystère! La présence de l'Homme dans le monde est, en réalité, une trace de la présence divine dans laquelle toute dignité repose. C'est justement cette dignité d'essence, en tant qu'elle est fondamentale, et va au-delà du périssable que procurent les contingences existentielles53(*), qui fait l'objet de notre quête dans ce chapitre. Cette dignité, nous voulons la relire à travers l'être de l'Africain en tant qu'il est « un homme venant de Dieu ». Il s'agit là d'une affirmation qui est explicitement formulée dans la tradition africaine. A ce propos, Bujo écrit: « Dieu est un postulat qu'on ne remet pas en question, bien qu'on le mentionne assez rarement. On sait une fois pour toutes qu'il est premier et sans lui rien ne se fait et ne subsiste54(*)». A partir de là, les traditions africaines appellent à l'admiration de la merveille qu'est l'homme. Mais avant d'approfondir ce point, qu'en est-il de la conception de la dignité de l'homme par le magistère de l'Église ?

· 2. La dignité de l'Homme dans l'enseignement social de l'Église

Nous voulons, avant d'entrer dans le vif du sujet, éclaircir le concept de dignité humaine selon la vision de l'Église. Qu'entend-on par « dignité humaine » ? La dignité inhérente à la personne humaine ne se définit qu'à partir de la conception même que l'on se fait de l'Homme55(*). Le modèle de l'Homme que l'Église propose à partir de la révélation est riche de sens. Non seulement l'homme a été « créé à l'image de Dieu mais aussi Dieu l'a institué seigneur de toutes les créatures terrestres pour les dominer et s'en servir » (GS 12). L'homme de la révélation chrétienne est tiré de la solitude dès la création. Il est fondamentalement « un être avec » malgré le mystère du mal qui l'affecte tant comme individu qu'à travers lui, dans les structures sociales qu'il institue. Le péché est le signe de la profonde misère au coeur même de la sublimité de la vocation humaine (GS 13). L'Homme est considéré dans son ensemble, il est vraiment un, il est son corps et son âme (GS14). Il est en même temps esprit et intelligence, capable de découvrir l'invisible et rechercher l'amour de l'absolu (GS 15). L'homme est donc une conscience libre, responsable des actes dont il devra se justifier devant Dieu (GS17) qui est la visée ultime de sa vie (GS 18). En ce sens, « Tous les hommes, doués d'une âme raisonnable et créés à l'image de Dieu, ont même nature et même origine ; tous, rachetés par le Christ, jouissent d'une même vocation et d'une destinée divine : on doit donc, et toujours davantage, reconnaître leur égalité fondamentale » (GS 29). Van Parys56(*) définit la dignité comme un sentir « personnel » qui peut s'exprimer de manières bien différentes. Ce sentir est présent et actif chez tous les hommes et chez toutes les femmes de notre temps, savants comme illettrés. Que ce sentir s'exprime dans la politesse ou les manières de table, dans l'attitude face au pouvoir ou au corps social, dans le refus de l'oppression ou dans la revendication sociale, il n'est pas d'Homme en possession de lui-même chez qui ce sentir ne s'exprime.

Dès lors, la dignité en laquelle on croit, implique non seulement le refus de toute différence naturelle entre les personnes unies dans l'image de la « famille humaine » mais aussi l'égalité des droits, qui découle directement de cette égalité originaire. Dans la pensée de l'Eglise comme dans le Préambule de la Déclaration Universelle des Droits de Homme, l'on retrouve les traces de la sagesse qui jaillissait déjà de la conscience du roi Salomon qui se reconnaissait en tant que foncièrement égal ou encore identique de nature à tous les hommes (Sg 7,1-6).

· 3. Principe de vie au fondement de la dignité de l'Africain

Les bases de la dignité supérieure de l'Homme ainsi posées, « la dynamique qui promeut la Dignité humaine n'est pas à chercher dans les tâtonnements intellectuels des idéologues, ni dans les violences politiques et militaires. Il est à chercher dans l'exemple du meilleur des hommes, qui est aussi - qu'ils le sachent ou non- l'Amour dont ils sont tous issus »57(*). Nous disons qu'en Afrique, l'Homme est porteur d'une richesse inaliénable. Une richesse dont l'estime fait l'unanimité de tous : la vie. Il s'agit d'une vie qui va au-delà du phénoménal. Elle tend vers extrémités de l'infini de la réalité disponible et à espérer. Autrement dit, la vie comme valeur primordiale des Africains ne saurait se réduire aux simples faits de respirer, de marcher, de manger etc. Elle est plus que ses différents attributs. La vie est une réalité dans laquelle l'Africain entre et sort sans que celle-ci ne s'épuise. La vie est à situer au-delà de « l'être et le temps », dans le déroulement existentiel des sociétés noires. Si la vie est une réalité dans laquelle l'on entre, il faut admettre que la vie précède l'individu. Celui-ci prend part à cette vie pendant son séjour sur la terre. La vie est une réalité continue à laquelle l'Africain communie sans cesse, même après son séjour sur la terre. La vie intègre toutes les autres réalités, y compris les réalités cosmiques. C'est en ce sens que, considérant l'héritage culturel des peuples de l'Afrique subsaharienne, au-delà de toutes différences, (que ce soient des facteurs psycho-biologiques, de milieu, de la production matérielle ou de la conception du monde) Elungu souligne que la valeur commune à tous ces peuples est celle de la vie. « La vie qui est mienne est aussi fondamentalement ma vie après ma mort, elle est ma vie dans le clan, ma communion substantielle avec les ancêtres, les « vivants », et ceux à venir qui sont les miens, elle est aussi ma participation aux autres vies de l'univers naturel, aux autres réalités ou forces, elle est enfin mon union à la source de vie, le Père de tout, Dieu»58(*). Dans cet ensemble complexe que constitue la vision africaine de la vie, la dignité humaine est forcement liée à toutes les actions mutatis mutandis qui contribuent à l'accroissement de cette vie. Voilà pourquoi, la dignité humaine est reconnue dans les milieux africains. Une vie en péril, quelle qu'en soit la nature, suscite « l'empathie » de tous.

En effet, la dignité humaine, du fait qu'elle est liée à la vie, et parce que la vie est la valeur la plus noble pour les Africains, elle ne laisse personne indifférente. L'on a beau souligner le caractère émotionnel (Senghor) de l'Africain ; mais en réalité, il s'agit d'un « sentir », d'une « intuition » beaucoup plus humaine que l'on ne le pense. Merleau Ponty, en tant que phénoménologue existentialiste, a bien su articuler le concept de « chair »59(*). Pour lui, toute l'humanité est tissée de la même « chair » qui, fondamentalement, nous porte dans un « sentir commun ». Il n'est pas du tout inexact que la tradition africaine a trouvé le fondement de la dignité humaine dans cette « chair africaine » qui n'est autre chose que la vie. L'intuition, en Afrique, est que la vie possède une extension qui dépasse la perception, même si dans l'ontologie africaine60(*)on en a souligné le caractère hiérarchique. La réinterprétation de la valeur de la vie nous semble être le point sensible par lequel il faut « sensibiliser » la conscience des hommes politiques noirs en général et africains en particulier.

Pour nous, la vraie métanoia politique ne peut resurgir que d'une profonde prise de conscience des pratiques aberrantes qui corrompent petit à petit la res publica. Il s'agit donc bien d'une question urgente. Mais quand la corruption s'habille splendides, l'homme qui se couche sur l'or, boit et mange à son aise, peut ne pas se rendre se rende bien compte de la progression du mal. Le déguisement du démon en ange de lumière surprend parfois. Lorsque le goût du vin cesse de plaire seulement la langue pour se saisir aussi de la raison et du coeur de l'Homme, le mal est fait. L'intention première, avons-nous dit, n'est pas de protéger la dignité humaine contre les violences politiques et militaires. Cependant la pratique de la politique, sur la terre africaine, et le traitement dévitalisant infligé à l'Homme réduisent l'humain à l'état d'objet, et partant, attaque aussi sa dignité. Avant que l'ivresse ne brouillent nos jugements, entreprenons une évaluation de la dignité de l'Africain qui se manifeste dans quelques aspects de sa culture, à savoir la communauté, l'hospitalité et la croyance à la survie. Il s'agit de montrer, en spirale, comment la valeur de la vie fait partie intégrale et constante de l'héritage culturel de l'Africain.

· 3.1. Communauté et dignité humaine

Dans une étude récente, Bujo précise quelques sont les caractéristiques de la communauté traditionnelle africaine. Il s'agit d'une communauté tridimensionnelle, faite des vivants, des morts et des non-encore-né. « Selon cette conception, la communauté, contrairement à la société, est un tout organique qui n'est pas basé sur un contrat quelconque, mais est plutôt un lien plongeant ses racines dans une alliance qui, elle, opérationnalise généralement une réalité fondée sur une origine commune soit naturelle, soit symbolique »61(*). Après avoir ainsi dépeint la communauté, il déplore le fait qu'il n'est pas rare qu'on entende critiquer l'influence, qu'en Afrique, le groupe exerce sur les individus, aux dépens, dit-on des droits humains. Il rappelle que l'idéal de la tradition africaine, à savoir que la morale est essentiellement basée sur les relations interpersonnelles, n'est pas à confondre avec les manquements qui doivent être corrigés à corriger à la lumière de l'idéal lui-même. L'approche de la liberté en Afrique doit se démarquer par rapport aux schèmes de la conception occidentale qui ont leur propre histoire. Si en Occident, la liberté est vue dans l'autodétermination hautement personnelle de chaque individu (telle qu'elle s'opère dans la problématique kantienne, qui est reprise dans la défense de droits humains), l'éthique négro-africaine exalte l'épanouissement de l'individu dans un véritable « processus qui se déploie à travers l'interdépendance entre individu et communauté, laquelle comprend non seulement les morts et les non-encore-nés, mais aussi le cosmos et Dieu lui-même »62(*). Autrement dit, la liberté individuelle non intégrée dans la communauté n'atteint jamais le niveau d'une liberté communautaire. Celle-ci devait offrir un garde-fou contre les dictatures qui s'imposent aujourd'hui dans le monde.

La dignité humaine est toujours et déjà liée à l'individu en tant que personne avant d'être une dignité collective. « La tradition se préoccupe de la personne humaine en tant que multiplicité intérieure appelée à s'ordonner et à s'unifier, comme à trouver sa juste place au sein des unités plus vastes que sont la communauté humaine et l'ensemble du monde vivant. Synthèse de l'univers et carrefour des forces de vie, l'homme est ainsi appelé à devenir le point d'équilibre où se conjoindre, à travers lui, les diverses dimensions dont il est porteur»63(*). Dès lors, l'on peut se poser la question de savoir comment discuter de la dignité humaine dans une société où tout le monde est conscient de la primauté de la communauté sur l'individu ? Les auteurs s'accordent pour dire que dans la société africaine, c'est la communauté qui détermine l'individu. Certes, mais il est tout aussi vrai que l'individu n'y reste pas inactif. Chaque individu qui, grâce à ses efforts soutenus par la communauté entière, c'est-à-dire celle des vivants et des morts, arrive à réussir dans la vie, contribue en même temps à l'augmentation de la force vitale de sa communauté. Il s'ensuit que toucher à la vie, à la dignité d'un individu, c'est toucher à la dignité de sa communauté. Sans pour autant être instrumentalisé, l'Africain est en réalité débiteur de la valeur de la vie, de la dignité de sa société. Encore que la notion de « société » en Afrique est très éclatée, il est tout à fait possible de discuter de la dignité de l'individu dans la société. La société « en soi » ou encore tout simplement à but « sociétariste » peut ne pas être réellement africaine. L'homme comme individu reste en amont et en aval des projets communautaires. Les objectifs que poursuit la société visent tout d'abord à protéger l'homme en qui la vie atteint son expression suprême. La société offre un cadre à cette vie. Comme fondement de la dignité humaine, la vie est une responsabilité et dans ce sens, il est du devoir de la communauté de veiller à son bon déroulement.

Il est évident que l'individu qui vient à la vie, y entre par la famille. Celle-ci s'inscrit dans le cadre assez plus large de la parenté, dans laquelle les modalités de vie sont régies par des modèles établis en bon fils et bonne fille de sa famille, de son clan l'individu s'y laisse instruire etc. Dès lors, il devient responsable de l'héritage culturel qui l'a façonné. C'est lui qui a formé sa conscience et sa personnalité. Cette « conscience », est un condensé des connaissances et de savoir-vivre, n'est que la participation toujours dynamique de l'individu à la conscience collective de sa société. Autrement dit, dans la société africaine, la complicité « individu-communauté » reste déterminante dans l'appréciation de la dignité humaine. L'individu est l'ambassadeur de la conscience communautaire dont il exprime le caractère propre par des actes concrets. Nous en analysons un aspect dans notre présentation du concept de « l'hospitalité ».

· 3.2. L'Hospitalité africaine et la dignité humaine

L'Africain est un être de conscience ; il prend en compte l'existence de l'autre. Mieux, en l'Africain il y a la conscience de « l'autre comme soi-même ». Cela suppose tout d'abord une profonde connaissance de soi-même comme être spécifique, différent des autres. Il s'agit de dépasser le simple fait d'une nature où les oiseaux de même plumage cohabiterent de manière pacifique, pour aller à la « co-naissance » des aspirations les plus élevées qui amènent les hommes à la coexistence. L'Africain communie, dès le sein maternel, au sens de la dignité humaine. Ce sens de la dignité lui est inculqué ensuite par son éducation et aussi par le monde avec lequel il est en constante communion.

L'hospitalité africaine n'a pas son fondement dans l'émotion, moins encore dans un amour sentimental. L'hospitalité est l'une des vertus hautement estimées par les Africains. Elle trouve son fondement dans « l'être » africain, qui est tout d'abord un « être avec » selon les mots chers au Père Matungulu64(*). C'est parce qu'au fond de lui, il reconnaît la présence de la vie que l'Africain est disposé à communier avec l'étranger comme avec un alter ego. Chez l'Africain la vie n'est ni passion, ni naïveté. Elle est l'élément mobilisateur et déterminant dans l'agir et la connaissance de l'Homme. En elle, l'être et l'avoir s'embrassent. Et puisque l'agir ne peut être séparé du savoir, chez l'Africain, l'hospitalité s'impose, comme une obligation incontournable.

L'hospitalité suppose, outre l'intercommunication vitale (intersubjective), et la reconnaissance de l'autre comme soi-même dans sa dignité humaine, un dessaisissement total de soi. Dans l'hospitalité, l'hôte fait place à l'autre avec qui il partage son humanité. En termes bibliques on dira « qu'il grandisse et que moi je diminue » (Jn 3, 30). L'hospitalité est une valeur importante pour l'homme africain. Elle est en fait, un savoir vivre qui façonne le quotidien de l'Africain, et prend forme dans la vie sociale. Tout aussi légitimement, une lecture plus large du sens de l'hospitalité africaine peut être faite: elle peut être saisie comme une disposition intérieure en l'homme, qui trouve son fondement dans la conception de la « vie » commune à tous les Africains. En ce sens, l'hospitalité dépasse largement le simple cadre de relations humaines.

L'hospitalité africaine est plus qu'une disposition : elle se prolonge dans une attitude d'ouverture à l'égard de toute la création et de tout le cosmos. C'est pourquoi l'Africain se sent constamment lié à la création, dans laquelle il perçoit le prolongement de son être. Le sens du concept de « dignité » dans la vision africaine, trouve son fondement dans « cette vie » à laquelle et les humains et les autres créatures participent à différents degrés. La personne humaine, comme synthèse de l'univers et carrefour des forces de vie, situe sa dignité autrement qu'elle ne le fait pour d'autres créatures. « La personne est et [reste] un ordre dans un ordre ; elle est une relation d'être et de vie au monde, une vie reçue, participée à partir d'une même source. Elle n'est pas en dehors du monde, elle n'est pas seulement dans le monde, elle est tissée, fabriquée, faite du monde, dont cependant elle est à la fois archétype et centre »65(*). La spécificité du mode de compréhension de la dignité humaine en Afrique, donne aussi l'Africain un sens propre de sa responsabilité face à la gestion du cosmos. Là encore, soulignons-le, c'est une question qui se pose à l'homme et par l'homme.

En posant des questions écologiques, et en cherchant des réponses, l'Africain ne fait que manifester son souci de préserver l'autre en lui-même, c'est-à-dire la vie dans son caractère englobant. La nature a bel et bien une « dignité », qui n'est pas égale à la dignité humaine mais qu'il faut respecter. L'humain, tout en restant la fin de la création, est tout d'abord un participant, qui prend part à la « vie commune » qui régit l'univers africain. De cette vie lui vient sa dignité spécifique, et elle se prolonge même après son passage sur la terre.

· 3.3. Croyance à la Survie et la Dignité Humaine

Bien des questions se posent à propos de ce que l'Africain entend par la vie. S'il est vrai que l'Africain croit à la continuité de la vie après la mort, pourquoi est-il constamment en lutte contre toute force contraire à la vie ? La vie, dans son expression actuelle, vaut-elle tellement plus qu'une vie prolongée dans le monde invisible ? Certes, selon les conceptions ontologiques africaines les forces peuvent entrer en lutte. Elles peuvent s'affaiblir mutuellement. Le monde des initiés cherche à influencer l'issue de la lutte. Il tient compte de l'existence de forces maléfiques qui ont pour objectif de réduire la force vitale des autres, peut-être jusqu'à l'anéantissement de ses expressions actuelles, dans la mort. Mais la croyance à la survie reste très ambigüe. Elle peut signifier que les forces maléfiques n'ont pas le pouvoir de réduire à néant la vie qui anime les vivants et les morts. Si tel est le cas, on comprend le message véhiculé par la vénération des morts en Afrique. Même chez les morts l'on trouve encore la chose la plus fondamentale : la vie. Nous avons montré comment la dignité humaine a son fondement dans la vie. En ce sens, la croyance en la vie après la mort ne fait qu'affirmer que la vie et la dignité humaine sont plus fortes que la mort. La valeur suprême de la vie, dans les conceptions africaines, est ainsi rendue manifeste nous aurions pu la poser dès le départ : même après la mort, la dignité humaine ne cesse pas de s'imposer.

Lorsqu'on entreprend l'analyse des forces, il ressort clairement que certains les morts disposent de plus de forces vitales que les vivants. Les ancêtres peuvent intervenir directement dans la vie de ceux à qui ils ont donné vie. Ils peuvent prolonger leur existence à travers tel ou tel symbole de la vie : un arbre, une rivière, une colline, qui sont invoqués en cas de problèmes. L'Africain n'aurait aucun recours aux morts, aux ancêtres s'il n'avait aucune croyance en la survie et s'il ne croyait pas à la communion des vivants et des morts. Croire en cette communion est une expression de la dignité de la vie, qui possède un caractère permanent.

Conclure

Nous voulons conclure cette réflexion en rappelant ce qu'a été la démarche poursuivie : partir de la « conscience anthropologique » exprimée dans Sg 7, 1-6 pour justifier la dignité humaine telle qu'elle est perçue en Afrique. Pour ce faire, il nous a paru opportun d'aller au-delà de l'intuition première que l'homme a droit au respect, intuition qui se retrouve dans toutes les cultures. En Afrique, nous avons retrouvé les éléments justificateurs de la dignité humaine dans ce que les Africains considèrent comme la valeur la plus fondamentale : la vie. Notre analyse a été focalisée autour de trois dimensions de la vie, à savoir la communauté, l'hospitalité et la survie, qui toutes mettent en lumière la dignité humaine. Il ressort de notre analyse que dans la société africaine, la complicité « individu-communauté » reste déterminante dans l'appréciation de la dignité humaine ; en effet, toucher à la vie, à la dignité d'un individu, c'est toucher à la conscience anthropologique de sa communauté. L'hospitalité n'a sa justification que dans l'intercommunication vitale, signe de la reconnaissance de l'autre dans sa dignité humaine. Toutefois, le concept de dignité n'est pas dernier, puisqu'il trouve son fondement dans « cette vie » à laquelle et les humains et les autres créatures participent tous, à différents degrés.

L'humain qui achève la création, est tout d'abord un « participant », celui qui prend part à une « vie commune », à la Sagesse qui englobe tout l'univers africain.  L'Africain n'aurait aucun recours aux morts, s'il n'avait aucune croyance en la survie et s'il n'y avait pas en lui la foi à la communion des vivants et des morts.

Mais que nous demande le Seigneur lorsqu'à travers le Livre de la Sagesse de Salomon, il nous dit : « prêtez l'oreille vous qui dominez sur les multitudes » ? Quel est son message hic et nunc? Certes, la Sagesse est animée d'une puissance révélatrice. Elle est présente dès le commencement, quand le créateur s'en sert pour réguler toutes choses. C'est la même Sagesse qui, de manière dynamique, nous parle aujourd'hui à travers notre tradition africaine. Nous avons montré que la tradition africaine permet de trouver le fondement de la dignité humain dans ce que nous avons désigné du nom de « chair africaine ». Une réalité qui nous donne un sentir commun d'humanité et n'est autre chose que la vie. La vie serait-elle l'autre non de la Sagesse en Afrique ? Ecouter la vie lui parler, c'est pour l'Africain, s'écouter soi-même, dans sa conscience anthropologique, dans son essence la plus profonde! La vie constitue pour l'Afrique ce « locus » endogène du renouvellement de sa « conscience anthropologique ». N'y a-t-il pas un effort à faire pour revisiter sa propre culture, qui est un don de Dieu et un lieu de rencontre authentique avec le Christ qui est Africain dans ses membres66(*) ? Lorsque l'analyse du sens de la communautaire africain, de la signification de son hospitalité, et de sa croyance à la survie, redynamise la « conscience anthropologique » africaine, et fait prendre conscience de la grandeur et de la dignité humaine qui sont exprimée dans la conception de la vie, l'on comprend mal les aberrations suicidaires des gouvernants africains. Quel diagnostic porter sur le ratage de l'exercice du pouvoir en Afrique? Écoutons-nous suffisamment la Sagesse divine, en nous et à travers notre tradition ? Le troisième chapitre voudrait à cette question. Nous croyons que l'Afrique a besoin d'une nouvelle impulsion pour réinventer une culture du bien commun, et revitaliser l'Afrique. La Sagesse peut nous l'offrir et nous aider à rendre à l'Homme la conscience anthropologique que Dieu lui a donnée à l'origine. La conscience anthropologique telle qu'entendue ici, soulignons-le, n'est pas infaillible. Mais elle est, sans cesse rachetée et récréée, à l'image du Christ, l'homme-Dieu, le seul parfait.

CHAP. III.

UNE APPROCHE DE LA SAGESSE POUR

LA PROMOTION DE LA CULTURE DU BIEN COMMUN.

Le présent chapitre voudrait suivre le fil de la Sagesse tel qu'il traverse différentes cultures et les entraîne vers la réalisation complète de leur visée ultime. S'il est vrai que la Sagesse devance ceux qui la désirent, en étant la première à se faire connaître (Sg 6, 13), alors la Sagesse éprouvée peut bien se dire « culture ». Elle est toujours dynamique et ouverte à la volonté divine. Voilà pourquoi, se passionner pour la Sagesse, c'est la perfection du discernement (Sg 6, 15). Celui-ci cherche le juste milieu et y trouve une vertu divine. La Sagesse circule continuellement en quête de ceux qui sont dignes d'elle, elle leur apparaît avec bienveillance sur leurs sentiers et, dans chacune de leurs pensées, elle vient à leur rencontre (Sg 6, 16) pour les amener à réaliser la volonté divine. Elle veut que l'homme soit heureux et s'accomplisse dans la pleine révérence, la louange et le service du créateur67(*) à travers ses semblables créés à l'image de Dieu (Gn 1, 27). Pour donner corps à l'oeuvre de la Sagesse, et la présenter comme le ferment de toute culture, pour le bien être intégral de l'humain, nous traiterons de deux grands points, à savoir : la culture comme trace de la Sagesse et la réinvention de la culture du bien commun.

· 1. La Culture comme trace de la Sagesse

Dans Pour une éthique de la culture68(*), G. Defois, cherchant à définir la culture, prend conscience de la complexité de la question. Le sens que l'on donne au concept peut être coloré par différentes approches, philosophiques, ethnologiques, sociologiques, historiques ou politiques. Nous disons avec lui que : « Nous ne prétendons pas en donner une expression exhaustive comme si nous pouvions caractériser définitivement ce que tant d'autres s'épuisent à délimiter dans les confrontations et controverses multiples »69(*). Pour lui, la notion de la culture doit tenir compte de toute l'activité humaine notamment de l'histoire, de la transmission du savoir commun ethnographique, technique, économique, esthétique, artistique, langagier, religieux70(*), etc. Nous proposons ici une approche définitionnelle de la culture qui ressort de l'expérience de vie d'un peuple. Il s'agit d'une expérience de quatre décennies à travers lesquelles nous voulons déceler la trace, mieux la présence de la Sagesse. Il s'agit de l'expérience de l'Eglise de la RD Congo en tant qu'elle est aussi corps social, et partant, en interaction avec les autres systèmes sociaux. Ce choix nous est facile parce qu'il nous fait séjourner dans notre propre culture71(*).

Le mot « culture » est employé, en s'inspirant de l'exhortation apostolique Evangelii nuntiandi (n°20). Elle invite à une évangélisation profonde des cultures et ne se contate pas d'adapter des éléments décoratifs. Le vocabulaire de l'inculturation ayant été officiellement adopté étant officialisé par Paul VI, il devient possible pour l'évangile de véritablement s'incarner dans la vision du monde d'un peuple. Toutefois, l'usage fait du mot « culture » se prête encore à une lecture individualiste du phénomène. Le mot « culture » est considéré comme un aréopage (Ac 17, 16-34) parmi tant d'autres, vers lesquels il convient d'orienter l'activité missionnaire de l'Eglise (Centesimus annus n°37). Il faut rendre à la culture son sens collectif. C'est ce qui se produit dans l'expression «  groupes culturels » qui désigne des entités où se manifeste le caractère social de l'homme, qui ne renvoie donc pas seulement au cadre étatique.

En ce sens, la culture désigne l'ensemble des valeurs communes par lesquelles un groupe s'identifie. Vue comme une construction sociale qui s'élabore au cours de l'histoire, la culture comprend toute l'activité humaine. D'elle dépend le sens que l'Homme ou la société donne à ses comportements : chaque culture a sa manière d'aborder la question du sens de l'existence. Chacune offre une lecture d'ensemble de la vie. C'est dans ce sens que Jean Paul II parle d'une culture de la mort (Centesimus annus n°39), d'une culture du totalitarisme (Centesimus annus n°42), d'une culture de la paix (Centesimus annus n°51). La culture prend la forme d'une force historique, qui est toujours incarnée (Paul VI). La culture est l'alma mater qui enracine l'Homme dans son contexte, et définit la langue, l'histoire, les positions qu'il adopte devant les événements fondamentaux de l'existence, tels la naissance, l'amour, le travail... La culture est en constant dialogue avec le social.

Dans les deux premières décennies de quatre que nous analysons ici (de 1956 à 1976), le mot « culture » est repris justement dans le cadre de l'indépendance avec un soubassement de vrai retour à l'authenticité. Le mot « culture » n'a que le sens d'une vie raisonnable, dont l'homme doit jouir dans ce cadre nouveau (épargne, assurance sociale, repos dominical, loisir convenable), etc. Au niveau des relations humaines, la « culture » désigne tout le domaine social, qui peut constituer un obstacle à la nécessaire collaboration de tous à la prospérité matérielle et spirituelle du pays72(*)). Le défi est pour les chrétiens de promouvoir la loi de la charité, un climat de confiance et d'entraide, afin d'éviter «  des chocs violent »73(*) dans un monde où des cultures diverses existent côte à côte.

L'Eglise du Congo est à l'aube de l'indépendance. Le mot « culture » dans ce contexte, est employé pour appeler les chrétiens à la réappropriation de l'évangile. L'Eglise est animée du souci de christianiser les cultures, et de permettre au Christ s'incarner dans chaque peuple. Le problème est que la présentation du message évangélique est faite par des missionnaires imprégnés de la culture occidentale. La rationalité qui gouverne leur action n'est pas toujours africaine. La « culture » se révèle ici comme un mode de vie. On ressent le besoin de retrouver les modes de pensée et d'expression propres au peuple Congolais dans les domaines du culte, de la liturgie, de la prédication, de l'organisation architecturale, et de l'art religieux, de la vie monastique et de la manifestation sociale de la vie religieuse.

Une prise de conscience s'y manifeste du désarroi spirituel causé par la brusque introduction d'une culture nouvelle et le bouleversement des structures collectives traditionnelles. On déplore une sorte d'aliénation, qui n'a pas aidé l'homme à réaliser son unité interne, car il est écartelé entre deux cultures. La rencontre entre la culture et rationalité occidentale d'une part et la tradition africaine74(*)d'autre part, crée un problème. Ceux qui se sont crus investis d'une mission civilisatrice ont abusé de la bonne volonté des populations : ils ont cédé à la tentation de faire une tabula rasa des valeurs constitutives de la vision du monde africain. Dans ce contexte, l'Eglise affirme avec force que tous les peuples et toutes les cultures se valent, et contribuent, par leurs apports originaux et irremplaçables l'enrichissement de la famille humaine75(*). « La culture » reste un moyen de socialisation.

L'Eglise est au service du monde76(*). La « culture » est considérée comme une richesse à évangéliser. Les cultures qui se rencontrent sont considérées comme le soubassement sur lequel le peuple de Dieu, ferment irremplaçable de la paix et de l'unité fraternelle entre les Hommes, doit s'appuyer. La communion des cultures peut aider à trouver la solution aux problèmes du monde. Pour y parvenir, la foi, dans la charité, la patience et la persévérance doivent être des sources d'inspiration. La connaissance de la culture est recommandée, comme un des éléments qui contribue à donner une réponse adéquate aux problèmes du monde. La hiérarchie de l'Eglise au Congo a vu la population ébranlée par les secousses sociales et culturelles. Le clergé doit relever ce défi. Il y parviendra en s'appuyant sur la culture, qui est comme le véhicule de la promotion sociale authentique de la population. Dans le domaine culturel, la généralisation de l'esprit scientifique et technique doit aller de pair avec la formation intégrale de l'humain. La culture est ici envisagée comme un ensemble des connaissances à divulguer pour former l'Homme77(*).

L'Eglise est libre par rapport à toutes les cultures. Mais elle doit collaborer à la promotion culturelle et sociale de tous les habitants du pays. L'Assemblée va plus loin dans sa conception de la « culture » lorsqu'elle l'envisage dans le contexte de la relation Etat-Eglise : l'Etat national et politique est tenté de s'appuyer sur un droit religieux et culturel, comme il fit pendant la monarchie en Israël sixième (siècle Av. JC78(*)). Mais une telle conception de la culture pourrait conduire à l'installation d'une culture dominante, puisque appuyée par l'instrument politique. Le droit à la liberté religieuse et de confession serait alors étouffé, et une cohabitation pacifique rendue difficile. L'Eglise ne s'identifie à aucune structure culturelle, politique, économique. Mais doit tâcher de s'inculturer dans chaque Eglise particulière.

S'il est vrai que le christianisme transcende toutes les cultures et civilisations, il est tout aussi vrai que le christianisme intègre dans son message tout ce qu'il y a de valable dans chaque culture. Il s'agit d'une intégration qui suppose une étude approfondie, de la culture en question d'une part, et d'autre part, du message chrétien pour distinguer ce qui est essentiel et accidentel. « La culture » congolaise est l'ensemble des valeurs de pensée et le génie d'organisation qui sont propres à notre Eglise particulière. L'Eglise du Congo peut être légitimement fière d'être parmi celles qui ont le plus fait pour l'intégration du christianisme dans la culture locale79(*). Mais parmi les effets de l'incarnation de la vie chrétienne dans une culture, la continuité et une rupture doivent être pris en considération. Il y a continuité en ce sens que le converti au christianisme partage l'expérience traditionnelle concrétisée dans des coutumes, des rites et d'autres pratiques de sa culture qui peuvent être considérés à juste titre comme du travail accumulée. Il y a rupture par le changement des motivations profondes et de l'axe principal de référence, qui désormais, se trouvent dans le Christ.80(*) Du point de vue culturel, le Congolais actuel (le discours date de 1972) est un homme écartelé entre sa personnalité culturelle et les apports étrangers : d'où la recherche de l'authenticité, l'effort pour le redevenir soi-même.

L'Eglise tient compte de la rénovation et de l'intégration culturelle qu'a connues le pays, dans le but de retrouver son identité. L'Eglise collabore à cette quête par la revalorisation du patrimoine ancestral du Congo. On cherche désormais à « africaniser le christianisme », qui doit participer à l'effort pour penser et expliquer en langage africain son expérience du chrétien (doctrine et vie), dans l'expression théologique et symbolique. Le souci de l'africanisation s'étend à tous les domaines, notamment celui des structures de gouvernement et des genres littéraires africains dans la prédication et dans la liturgie. On cherche aussi à revaloriser les traditions qui demandent la solidarité, le partage, la vie commune, l'hospitalité, etc. La « culture » doit arriver à une assimilation du christianisme, en concrétisant son expression noire.

L'expression « patrimoine culturel » désignant l'ensemble des valeurs que l'on doit valoriser. En tant que chrétiens, les fidèles doivent trouver comment intégrer leurs valeurs dans leur vie. La participation à la vie du Christ ne peut se faire par procuration. Elle doit être assumée par chacun, par tout ce qu'il est en lui-même et dans son enracinement socio-culturel. Toutefois, la foi n'est pas à confondre avec la culture, c'est-à-dire, avecle mode de vie, de penser et d'agir dans lesquels une civilisation a pu l'incarner81(*). Puisque le prêtre séculier, vit au milieu du peuple, connaît son langage et qu'il est pétri de sa culture, il doit être le premier à définir les traits particuliers qu'une Eglise particulière doit rendre.

De 1977 à 1998 (les deux dernières décennies de notre analyse), le concept de culture est davantage axé sur la collaboration entre Eglise et Etat dans le domaine de l'éducation. En 1985 le message des évêques se présente plutôt comme une exhortation moralisatrice, une apologie plus qu'une lecture prophétique des événements. Car le pouvoir est devenu de plus en plus exigeant : Il veut que tous soient formés à la fierté culturelle, et prêts à collaborer à différentes manifestations culturelles. L'Eglise cependant considère les loisirs comme un des moyens mis à la disposition de tous pour acquérir une culture intégrale : elle veut promouvoir une détente saine de l'esprit et du corps, et l'établissement de relations fraternelles entre les hommes de toutes conditions. Pour elle, veiller à la dimension culturelle, fait partie intégrante de la formation de l'Homme à l'image de Dieu. Les valeurs spécifiques de sa culture ancestrale sont prises en compte : elles font partie du patrimoine spirituel de l'humanité. Les valeurs culturelles authentiques sont désormais synonymes de tout ce qui a été réalisé en 25 ans d'indépendance (à l'heure où nous écrivons, on dira cinquante ans d'indépendance). On célèbre ainsi l'unité du pays, le sens patriotique, le retour à la terre avec la volonté de la valoriser par l'habitat, l'agriculture et l'élevage, la promouvoir de la femme, la liberté.

L'attention se porte sur «  les facteurs culturels du développement ». La « culture » désigne désormais toutes les réalités sociales. Il est plus question d'organisation de la vie sociale et de l'autorité, du système éducatif, de la recherche scientifique, des services de santé, de la sécurité sociale, de la crise économique, de la poursuite du bonheur (bien) commun82(*). Après l'irruption de la modernité dans nos pays, nos traditions ancestrales sont corrodées. Il s'avère nécessaire d'organiser une éducation à partir du milieu culturel, pour assurer le respect et la protection du patrimoine. Le prêtre doit s'appliquer à connaître les conditions de son peuple pour travailler à l'amélioration et au relèvement culturel de son peuple83(*).

Dans le contexte de la reconstruction, que nous avons tantôt signifiée par le concept de « ré-confection ». Le mot « culture » revient dans le cadre précis des options politiques : les reformes dans le système politique doivent promouvoir les vraies valeurs culturelles de notre peuple. Il s'agit de sauvegarder les droits fondamentaux et les libertés inhérentes à la dignité de l'homme, une distribution juste de la production, la construction d'une économie autocentrée au profit de l'économie nationale. La crise culturelle, qui a été générale dans la nation, est déplorée. Nos élites n'ayant pas réussi à promouvoir une « synthèse culturelle », autrement dit « la sagesse commune de vie », parce que l'ancienne colonie maîtrisait leur culture, c'est celle-ci qu'ils nous ont proposée, en lieu et place de la nôtre. Ainsi, on on insiste sur « la culture politique » dans le contexte post conférence nationale souveraine (1993), en vue de concevoir et surtout d'exercer le pouvoir politique dans le cadre institutionnel qui prévoit que l'accès au pouvoir doit passer par la voie des urnes84(*). Le premier synode pour l'Afrique a mis en évidence les valeurs chrétiennes et culturelles susceptible de donner un souffle nouveau à la mission de l'Eglise, confrontée à un monde « sécularisé ».

Après le constat de la faillite de la deuxième République, le pays s'est doté d'un nouveau projet de société enrichissant son patrimoine « culturel » : tels des actes, des résolutions, la loi fondamentale de transition et des institutions voulues démocratiques. « La culture » prend ici le sens d'un patrimoine, établi par un travail laborieux et qui doit être préservé à tout prix. Il en va de l'épanouissement de toute la nation. La culture renvoie aussi à une éthique fondée sur des valeurs chrétiennes dont l'Eglise est la gardienne. L'ensemble des valeurs ainsi reconnues doivent sauvegarder les particularités culturelles des différentes régions qui composent le pays.

Après avoir examiné les différentes composantes de la culture à travers ces quatre décennies de la culture congolaise (1956-1998), il est difficile de formuler une définition de la culture. « Disons simplement qu'elle est un ensemble de symboles, d'images de représentations et de langages par lesquels un peuple dit ce qu'il est, développe ses activités pratiques et théoriques, promeut ses institutions et régule ses relations en termes de communication et d'appartenance »85(*). En ce sens, la culture est pour nous la trace d'une Sagesse s'incarnant toujours davantage en l'homme en tant qu'il est un être social et appelé à sa pleine réalisation.

La culture est le fruit des efforts de réalisation de soi de tous ceux qui sont animés par des projets, par une mémoire et une ouverture à la transcendance. La culture comprend toute l'activité humaine. Elle est donc « l'universel » du sens que l'homme ou la société donne à son éthos : la manière d'aborder la question du sens de l'existence fait la culture. Il s'agit d'une lecture d'ensemble de la vie où tout l'humain est engagé, dans la mesure où il veut humaniser le monde. La culture prend aussi à son compte la promotion du bien commun de la société.

· 2. La réinvention de la culture du bien commun

· 1. Notre approche du bien commun

Le bien commun comme nous l'entendons, va au-delà du « bien de la communauté » (cette somme des biens privés et publics, matériels et moraux pour la prospérité d'une société donnée) et s'ouvre à la « communauté du bien » (cette forme universelle) c'est-à-dire un bien qui dépasse la simple satisfaction des besoins des membres dans une communauté encore close et les adjoint, dans leur désir de l'être universel qui est en l'Homme plus profond encore que tout désir égoïste. Au niveau de l'universel, la prospérité que procure la communauté du bien transcende les simples jouissances de l'avoir collectif (le bien de la communauté) et comble ce désir qui vit au plus intime de chaque individu, et le constitue en personne. A ce niveau, on ne saurait plus dire de façon simpliste que « l'intérêt général prime l'intérêt particulier ». Tous et chacun, en tant que communauté, doivent se mettre au service les uns des autres, pour le plus grand bien de tous et de chacun. C'est pourquoi toute autorité qui nie et viole les droits d'un individu se nie et se détruit elle-même86(*), tous étant constitués par « la même chair87(*) ». Le bien commun est essentiellement un bien moral qui « demeure commun car indivisible et parce qu'il n'est possible qu'ensemble de l'atteindre, de l'accroître et de le conserver »88(*). Au-delà du débat concernant le libéralisme, qui considère que la liberté individuelle établit une tension continuelle entre les principes universels et les intérêts particuliers, nous voulons saisir le bien commun selon la perspective du magistère de l'Eglise, qui conjugue la dialectique entre la personne humaine en tant qu'individu et la communauté comme lieu de sa socialité éthique. C'est dans ce sens que Léon XIII écrit : «  Le Bien est le principe créateur et l'élément conservateur de la société... ce Bien commun est après Dieu, dans la société, la loi première et dernière »89(*). Pour Jean XXIII, le bien commun est « l'ensemble des conditions sociales permettant à la personne d'atteindre mieux et plus facilement son épanouissement »90(*). S'efforçant de maintenir l'équilibre entre société et individu, Jean XXIII considère que le bien commun « embrasse l'ensemble des conditions de vie en société qui permettent à l'homme d'atteindre sa perfection propre de façon plus complète et plus aisée »91(*). Selon ces différentes approches, le bien commun réunit « tout ce qui existe d'institutions, des règles juridiques et administratives, d'habitudes de vie et de pensée qui font que les biens spirituels et temporels de la communauté sont attribués à chaque groupe et à chaque personne »92(*). C'est pourquoi, la réinvention de la culture du bien commun en Afrique doit établir un équilibre qui englobe tout ce qui perfectionne la nature humaine, l'achève, l'épanouit. Il s'agit d'aller au-delà de toute vision matérialiste qui pourrait « transformer le bien commun en simple bien-être socio-économique, privé de toute finalisation transcendante, c'est-à-dire de sa raison d'être profonde »93(*).

· 2. Vers la Sagesse du bien commun 

Nombreux sont ceux qui voudraient se soustraire au noble devoir de veiller à la bonne gestion de la res publica. Il s'agit d'une fuite de responsabilité politique qui se traduit souvent par une évasion langagière du genre : « on n'est pas là pour faire de la politique ». Cette attitude se prolonge dans une méfiance quelquefois injustifiée à l'égard de l'autorité. Une dérobade s'ensuit parfois implicite, qui révoque l'appartenance à une identité qui est caractéristique de l'Homme : « celle d'être un être social par essence », comme nous l'avons montré dans les chapitres précédents. Cette dérobade qui, en réalité, est une démission, voire une négation de son identité profonde, se répercute et s'extériorise dans une fuite ou encore dans l'abandon de ses responsabilités politique. C'est si, déjà la communauté était abandonnée à son sort.

Dans l'Afrique actuelle, au visage multiforme et fort contrasté, une Afrique désunie et affaiblie par de graves injustices, une telle attitude ne peut qu'étonner. La prise en charge de la responsabilité politique est une question de vie ou de mort en Afrique; ce n'est pas une question nouvelle l'histoire nous révèle que de nombreux empires et royaumes africains se sont distingués par leur engagement remarquable dans la gestion de la cité. On peut citer le royaume Congo94(*), l'empire Lunda, l'empire Mandeng, le royaume Akan, le royaume de Monomotapa, l'empire Zoulou95(*) et j'en passe. L'histoire suivant son cours, ces empires et royaumes puissants ont été confrontés avec la civilisation occidentale. Malheureusement, il s'est avéré que cette confrontation eut un effet dévorant contrairement à ce que préconise aujourd'hui S. Huntington dans le cadre des relations internationales96(*).

De cette rencontre violente la tradition africaine est sortie perdante. L'âme de la tradition africaine c'est-à-dire le dénominateur commun de sa culture au-delà de toute diversité a été engloutie par la marée coloniale, si bien que, jusqu'à nos jours, s'il venait à manquer un peu de sel importé (dans sa forme actuelle), même dans nos villages les plus éloignés des centres, l'on ne pourrait plus avaler sa nourriture97(*). Ceci montre jusqu'à quel point l'organisation africaine fut ébranlée.

A vrai dire, l'époque coloniale aurait pu mériter de la « reconnaissance » de la part l'Afrique si elle ne s'était pas caractérisée par une multitude de violences, et au dénigrement de « l'âme » africaine. Elle aurait eu droit à la reconnaissance, parce qu'elle aurait pu être un « nouveau » point de départ. Les systèmes politiques aurait pu épargner à l'Africain de rester l'éternel élève d'un maître dont il ne peut se défaire. C'est là la conséquence de la violence exercée par un pouvoir instrumentalisé qui est tout à fait le contraire du pouvoir de la Sagesse, que seul Dieu accorde (Sg 6,3). Sans verser dans la nostalgie d'un paradis perdu, la présente réflexion veut mettre en lumière l'exigence naturelle qui s'impose à l'Homme africain : c'est dans la cité que l'Homme doit vivre en vue de réaliser son bien-être. Ce bien-être, dans la société, ne peut voir son accomplissement que dans un cadre éthique où la poursuite du bien commun demeure la norme qui doit façonner l'exercice du pouvoir. Le bien commun n'est pas à rechercher dans la contemplation d'une « forme immuable d'un bien cosmique», afin d'y conformer son éthos ici bas. Le bien commun nous semble être revêtu de brillante (Sg 6, 12) étoffe de la Sagesse, la génératrice de tous les biens (Sg 7, 12). L'écoute de la Sagesse permet de percevoir des évidences qui sont propres à l'espèce humaine, notamment dans le don du discernement pour le bien commun.

Or, c'est là parfois le tendon d'Achille de la sphère politique africaine. Nos systèmes politiques ont ignoré ou négligé la valeur du bien commun et se sont voilé la face, plutôt que de reconnaître la splendeur de la Sagesse (6,12). Le bien commun, qui est la raison d'être ultime des instances politiques, a été désacralisé et banalisé. L'homme politique africain abhorre l'austérité qu'exige la quête du bien commun, et se réfugie dans des pratiques illégales, qui le détournent de l'appel et de l'idéal que son métier lui propose: la réalisation du bien commun. La perte du sens sacré intrinsèque au bien commun affecte nos communautés politiques dans toutes leurs dimensions. Car s'il est vrai que le caractère du politique (comme vision d'une société) et de la politique (comme ensemble d'actions concrétisant le politique) d'une communauté doit se jauger par rapport au bien commun, alors il est tout aussi vrai que la perte du sens du bien commun dans une communauté politique représente une option suicidaire pour la communauté entière.

En réalité, cette perte de sens déshumanise la communauté politique, et la rend incapable de répondre à sa vocation en tant que communauté d'Hommes. Des conséquences néfastes s'ensuivent, faisant obstacle au plus grand épanouissement de la vie de toute la communauté. Outre les conditions liées à son histoire, il sied de se demander si la perte du sens de bien commun ne serait pas la cause profonde des misères qui bloquent le décollage du développement africain ? L'Afrique a de donner à la culture du bien commun un nouvel élan. La réinvention de l'Afrique, et une réorganisation politique digne de ce nom, inspirées par la Sagesse divine, dépendent d'une prise en charge du bien commun par les Africains et pour l'Afrique. Comment y parvenir ? Notre réflexion distingue deux voies, à savoir : l'éducation comme disposition à la Sagesse du bien commun et l'organisation institutionnelle en vue du bien commun.

· 2.1. L'éducation comme disposition à la Sagesse du bien commun

Une bonne politique, avons-nous souligné, doit s'efforcer de réaliser le bien-être général de toute la communauté. Au-delà de toutes les différences individuelles la communauté comme une seule personne, est portée par cette aspiration à un épanouissement commun. La communauté parviendra à réaliser ses aspirations profondes en s'organisant de manière appropriée. Elle devra se doter d'une autorité qui portera haut l'idéal de toute la communauté. Toutefois, il est bon de souligner que la réussite de la gestion de « la chose publique » n'est pas le seul devoir de l'autorité. Tout le peuple est appelé à mettre la main à la pâte pour la réalisation d'une meilleure communauté politique.

Voilà pourquoi nous nous inspirons de ceux qui ont pensé l'organisation politique à partir de son noyau le plus restreint qu'est la famille (notamment Aristote). C'est en prenant appui sur cette petite entité de la communauté humaine que la marche vers la construction de la communauté politique idéale peut prendre élan. C'est dans la famille d'abord que le sens du bien commun doit être inculqué aux futurs citoyens. Il n'est pas aisé d'élever les Hommes des simples passions égoïstes au sens idéal du bien commun. Pourtant, le bien commun, dans toute sa noblesse, demeure la raison d'être ultime d'une communauté politique. Le bien commun est le phare qui éclaire la bonne marche d'une communauté politique. La conformité au bien commun protège la communauté politique de tout égarement irrationnel dans la gestion étatique.

La recherche du bien commun est donc ce qui motive l'action de la communauté politique. Eduquer au bien commun c'est alors, entraîner le peuple à assimiler le sens du bien commun tel que décrit ci-dessus. Toute éducation demeure exigeante. Etymologiquement, ex-ducere signifie conduire hors de ; éduquer le peuple au sens du bien commun veut dire le conduire hors, mieux l'arracher de l'obscurité des passions naturelles comme l'égoïsme, le narcissisme à outrance, etc. Pour lui donner le sens noble de l'intérêt universel ou politique, (le sens de ce bien qui dépasse la simple satisfaction des besoins des membres dans une communauté encore close et les rejoint dans leur désir de l'être universel qui est en l'Homme plus profond encore que tout désir égoïste). Il faut y mettre suffisamment de temps et les moyens nécessaires. Une analogie à l'allégorie de la caverne de Platon traduit bien ce que nous voulons montrer : le bien commun est comme le soleil dont les rayons sont nécessaires à la bonne marche de la politique communautaire. Comme les rayons solaires éblouissent ceux qui sortent de l'obscurité de la caverne pour arriver à la lumière de la vérité, l'éducation, l'initiation à la montée vers le sens du bien commun fait violence à nos sens, ces envies de « l'humain trop humain » qui nous trompent souvent. L'importance du bien commun exige qu'une telle éducation soit permanente. Si brèf que soit le séjour de l'Homme sur terre, l'éducation au sens du bien commun ne doit jamais être interrompue, car aucun mortel n'est le possède pleinement. L'éducation scolaire sera prolongée dans la vie courante et l'organisation institutionnelle de la société fera régner une conscience politique plus capable d'assumer ses responsabilités.

· 2.2. L'Organisation institutionnelle en vue du bien commun

Nous avons reconnu, ci-dessus, la nécessité d'une autorité, au sein de toute organisation politique. L'autorité, nous semble-t-il, remplit son contrat dans la mesure où son action réalise l'idéal que poursuit la communauté toute entière. Il s'agit d'une tâche délicate dont dépend le destin de toute communauté qui a pour vocation de cohabiter, en vue de réaliser ses aspirations profondes : vivre son humanité et atteindre son bien-être. Toutefois, l'autorité qui incarne cet idéal, n'est pas un Dieu. L'idéal qu'est le bien commun doit prendre appui sur une instance qui est capable de soumettre à sa loi et l'autorité et le peuple. Dans le contexte actuel, cette instance ne peut être que le cadre constitutionnel dans lequel l'idéal, mieux la sagesse d'une société politique donnée se trouve exprimé. C'est cet idéal que nous désignons ici par le concept de « bien commun ». L'idéal du bien habite chaque membre d'une société en tant qu'il est humain, quel que soit le taux de criminalité, de corruption qui y prévaut. Même lorsque les hommes sont en lutte les uns avec les autres, au point d'en arriver à un anéantissement mutuel, cette lutte « s'inscrit » dans l'économie d'une quête du bien-être. Pour tant le bien être qui s'acquiert dans et pour la communauté éthique reste possible.

Seul un cadre éthique peut mettre à jour et cultiver ce qu'il y a de noble dans l'Homme, pour l'orienter vers une fin plus noble encore, telle que la recherche du bien commun dans une société politique. C'est dans un cadre éthique que l'homme découvre qu'il vaut mieux réaliser son épanouissement avec l'autre, plutôt qu'à son dépens, car nul ne peut être réduit à n'être qu'un moyen, sans valeur propre. L'homme est un être profondément social, qui porte en lui l'idée du bien. Dans un cadre institutionnel, cette idée peut être développée pour que se réalise l'idéal de la communauté politique. En ce sens, aucun homme ne peut espérer trouver son accomplissement dans une société où tout le monde vit dans la misère. On ne voudrait pas ici se faire l'avocat d'un nivellement social, par une répartition égale des biens ce n'est pas cela la pensée de l'Eglise98(*). Il s'agit plutôt d'établir une société où les libertés et les droits fondamentaux de tous sont respectés. Un cadre institutionnel qui se base sur une éthique du bien commun, et en fait une culture commune, offre à l'Afrique en quête de développement la voie de salut.

Conclure

Nous ne voudrions pas conclure cette réflexion sans rappeler ce qui l'a motivée : la mauvaise gestion de la chose publique dans l'Afrique actuelle. Cinq décennies après les indépendances, les structures politiques d'Afrique sont loin d'être rassurantes. Si elles ne sont pas restées statiques, elles ne se sont pas donné pas les moyens nécessaires pour une indépendance réelle. Les dirigeants africains se distinguent surtout par leur mauvaise gestion. Ils hypothèquent et aliènent les ressources de leurs pays, pour ne servir que des intérêts individuels et égoïstes. Le continent, laissé à lui-même, ressemble à un champ de bataille où les petits sont engloutis par les plus puissants. Les violations des droits fondamentaux n'étonnent plus personne. Un jugement inexorable s'exercera sur les gens haut placés ; au petit, par pitié, on pardonnera mais les puissants seront examinés puissamment (Sg 6, 5-6).

Une question se pose avec acuité : Outre les conditions liées à son histoire, la perte du sens du bien commun ne serait-elle pas la cause profonde des misères qui bloque le décollage du développement africain ? S'il en est ainsi, il nous semble que la réinvention de l'Afrique, pour une réorganisation politique digne de ce nom, demeure corrélative à une culture efficace de la prise en charge personnelle du bien commun par les Africains et pour les Africains. Voilà pourquoi nous avons lancé deux appels : l'éducation au sens du bien commun dans tout son caractère austère et une forte organisation institutionnelle où le cadre éthique guidé par le sens sacré de la constitution donnerait une nouvelle poussée à la ré-confection du tissu politique des Etats modernes en terre africaine. Nous soulignons le caractère inachevé de cette réflexion que nous voudrions bien voir se poursuivre.

Conclusion Générale

Au terme de notre travail, une réflexion enracinée dans le Livre de Sagesse de Salomon, une conviction s'impose : toute marche humaine d'un point vers un autre doit être parsemée de repères. Autrement, on se perd. Le Livre de la Sagesse de Salomon nous en indique un, qui peut revitaliser notre approche existentielle. Telle est la fonction première du message de Sg 6, 1 - 7, 21 : Salomon y exhorte les rois à la Sagesse du pouvoir. Nous avons laissé ce message rencontrer notre vécu réel. En jeune théologien Africain, nous avons laissé la Sagesse de Salomon nous interpeller et provoquer une conversion du regard face à l'exercice du pouvoir sur la terre africaine. La cécité du regard dont nous sommes parfois victimes, tellement nous sommes habitués aux dysfonctionnements presque structurels de l'appareil politique, a fait place à la découverte du sens originaire du pouvoir : le Livre de la Sagesse nous a montré qu'il doit être au service du peuple sous le regard de Dieu (Sg 6, 4). Nous avons voulu en appeler à la réhabilitation de l'humain qui doit être au centre de toute activité politique. Le Livre de la Sagesse nous a aidés à revisiter les éléments fondamentaux du pouvoir, qui doivent être respectés pour parvenir à une bonne gouvernance. Ayant établi en Dieu l'origine de tout pouvoir (Sg 6,3), l'écoute continuelle de l'instruction divine doit faire naître dans le coeur du roi l'estime de la Sagesse. Seule la Sagesse permet au au roi d'exercer son pouvoir d'une manière appropriée, et d'être assuré de l'incorruptibilité, qui rend proche de Dieu (Sg 6, 18-19). Seule la Sagesse maintient, de manière continuelle, le roi dans « une conscience anthropologique » (Sg7, 1-6), et lui rappelle la présence de l'autre, image de Dieu, foncièrement un « alter ego » qu'il doit pourtant gouverner. La conscience anthropologique qui détermine l'exercice du pouvoir a été mise en exergue et présentée comme la leçon principale de notre premier chapitre. Elle a ensuite servi de fil conducteur au deuxième chapitre. Nous sommes partis de la «  conscience anthropologique », telle qu'elle est proposée par le roi, qui Salomon se reconnaissait entièrement égal à tous les mortels, pour penser la dignité de l'Homme dans notre culture africaine. Pour ce faire, nous avons jeté un pont entre la conscience de la condition humaine offerte en Sg 7, 1-6 et la dignité humaine. L'Homme étant au-delà de sa condition humaine, donc fragile, un être de transcendance et capable de Dieu. Bref, l'image du Créateur, principe de sa dignité. Un passage basé essentiellement sur la « conscience anthropologique ». L'homme africain participe à la dignité supérieure de l'humain, mais trouve aussi dans sa propre culture des éléments qui le caractérisent d'une manière spéciale, à savoir la communauté, le sens de l'hospitalité et la croyance à la survie. En présentant ainsi de manière systématique ces divers éléments, nous arrivons à répondre à la question qui a motivé dès le début de cette étude : comment les dirigeants politiques peuvent-ils, de manière consciente et réfléchie, redonner une juste espérance au peuple d'Afrique par leur manière d'exercer le pouvoir ? Voilà pourquoi, dans le troisième chapitre, nous avons jugé bon de procéder à une lecture de la Sagesse, telle qu'elle se manifeste dans différentes cultures et les amène à la réalisation complète de leurs aspirations profondes. C'est pourquoi nous avons entrepris une étude concrète du concept « de culture » dans Eglise et Société, le discours socio-politique de l'Eglise catholique du Congo (1956-1998), tome 1 «  Textes de la conférence épiscopale ». Il s'agissait de retrouver les traces de la Sagesse dans la réalité d'une culture et d'y introduire un ferment qui pourrait contribuer à la réinvention de la culture du bien commun, entendu comme un bien qui dépasse la simple satisfaction des besoins des membres d'une communauté encore close et les rejoint dans leur désir de l'être universel qui est en l'Homme plus profond encore que tout désir égoïste. Comme on peut le constater, une herméneutique du pouvoir, en Afrique, inspiré de Sg 6, 1 - 7, 21, invite fondamentalement à une disposition profonde d'écoute. Il s'agit d'écouter l'instruction du Seigneur dans l'exercice du pouvoir. Seule l'écoute de la Sagesse divine façonne en moi la conscience anthropologique et me dispose à l'écoute continuelle de l'autre pour cheminer avec lui vers le bonheur que Dieu accorde aux Hommes. Tous sont appelés par vocation à vivre dans une cité organisée.

Table des matières

Bibliographie.

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- SEVAISTRE (O.), « Nation et bien commun », dans Le Supplément, Revue d'Ethique et Théologie, n° 167 (1988) pp. 59-65.

* 1 _ G. Von Rad, Israël et la Sagesse, Genève, Labor et Fides, 1970, p. 9.

* 2 _ Au regard de la foi catholique, après la définition du Concile de Trente, le Livre de la Sagesse fait partie des Ecritures sacrées et canoniques. Néanmoins il n'a pas toujours été considéré comme tel dans certains milieux ecclésiastiques, enclins à accorder une autorité moindre ou à réfuter tout caractère sacré aux « deutérocanoniques », à savoir l'Ecclésiastique ou Siracide, la Sagesse, Baruch, Judith, Tobie, le premier et le second livre des Maccabées, les sections grecques des livres d'Esther et de Daniel. Aussi diverses confessions chrétiennes, surtout protestantes, le rangent-ils délibérément parmi les « Apocryphes » de l'AT. Cf. C. Larcher, Etudes sur le Livre de la Sagesse, Paris, Librairie Lecoffre, 1969, pp. 11-84.

* 3 _ En affirmant ceci, nous sommes pleinement conscients des efforts individuels de certains dirigeants dans la visée d'un monde plus humain.

* 4 _ Fr. Schleiermacher, Herméneutique, trad. et Introd. de Marianna Simon, avant-propos de Jean Storobinski, Genève, Labor et Fides, 1987, p. 104.

* 5 _ C. Geffré, Croire et Interpréter. Le tournant herméneutique de la théologie, Paris, Cerf, 2001, p. 17.

* 6 _Cf. l'introduction au Livre de la Sagesse dans la Bible de Jérusalem, Paris, Cerf, 1995. Maurice Gilbert dit encore que ce livre, que la tradition latine appelle aussi « Livre de la Sagesse », a été écrit directement en grec et nous parvient dans la Septante. Cf. M. Gilbert, Les cinq Livres des Sages, Paris, Cerf, 2003, p.227.

* 7 _ Le livre n'a pas été découvert parmi les manuscrits de la Mer Morte et, à ce jour, il ne subsiste aucun exemplaire ni même aucun fragment de la Sagesse de Salomon en langue hébraïque ou araméenne. Plusieurs études ont cependant cherché à démontrer l'existence d'un original sémitique (hébreu ou araméen (cf. Margoliaouth et Zimmermann) derrière tout ou partie du livre. Les résultats de ces recherches ne se sont pas révélés convaincants. Cf. Thomas Römer, Introduction à l'Ancien Testament, Labor et Fides, Genève, 2004, p. 656 (Contribution de Thierry Legrand).

* 8 _ A ce propos, C. Larcher offre une étude minutieuse des différentes hypothèses formulées à propos de la langue originale du livre de la Sag, depuis le 18èmes. à nos jours. Le problème est posé d'abord à partir des chap. 1-5, puis des sections entières des chap. 6 et 8, enfin par les chap. 9 et 10. Il conclut que l'auteur a pu connaître certains écrits hébraïques et s'en inspirer pour rédiger telle ou telle partie du livre. Mais, pense Larcher, le livre donne l'impression d'une composition suivie où se mêlent d'une façon indissociable les composantes d'une même personnalité littéraire. Il est contre-indiqué de prendre l'une ou l'autre partie du livre et de la ramener telle quelle à un prototype hébreux. De nombreux versets ou développements n'ont pu être pensés et écrits qu'en grec. Cf. C. Larcher, Le Livre de la Sagesse ou La Sagesse de Salomon. Tome I, Paris, Librairie Lecoffre, 1983, pp.91-95.

* 9 _ A. M. Dubarle, Les Sages d'Israël, Paris, Cerf, 1946, p.188. Pour C. Larcher, le problème de la date du livre, souvent confondu avec celui de sa composition, a reçu dans l'histoire de l'exégèse des solutions diverses. Pour lui, les hypothèses s'échelonnent depuis la fin du 3e s av. J.-C. jusqu'au milieu de 2e s de notre ère. Lui-même estime que l'ensemble du livre a été rédigé au cours des trente dernières années avant notre ère. L'ordre actuel correspondrait à la succession chronologique de sa composition. Un même auteur en serait le responsable. Cf. Op., cit., pp. 142-161. Pour M. Gilbert ce dernier livre de notre AT, a probablement été écrit au début de la domination romaine sur l'Egypte. Il faut dater la rédaction au lendemain de la victoire navale d'Octave, le futur empereur Auguste, à Actium en 31 avant notre ère. Cf. Cf. M. Gilbert, Les cinq Livres des Sages, Paris, Cerf, 2003, p.228.

* 10 _ A ce propos, la Bible de Jérusalem note que l'oeuvre du philosophe et la Sagesse de Salomon sortent du même milieu et elles ne peuvent pas être très éloignées dans le temps bien que n'ayant pas d'interaction directe. Cf. Introduction au Livre de la Sagesse dans la Bible De Jérusalem, Paris, Cerf, 1995.

* 11 _ M. Gilbert, Op., cit., p.227.

* 12 _ C. Larcher, Le Livre de la Sagesse ou La Sagesse de Salomon. Tome I. Paris, Librerie Lecoffre, 1983, pp.125-139.

* 13 _ Cf. M. Gilbert, Les cinq Livres des Sages, Paris, Cerf, 2003, p.227-228.

* 14 _ A. M. Dubarle, Les Sages d'Israël, Paris, Cerf, 1946, p.187.

* 15 _ M. Gilbert, Les cinq Livres des Sages, Paris, Cerf, 2003, p.228.

* 16 _ C. Larcher, Le Livre de la Sagesse ou La Sagesse de Salomon. Tome I, Paris, Librerie Lecoffre, 1983, pp. 100-101.

* 17 _ . Cf. Th. Römer, Op., cit., pp. 656 (Contribution de Thierry Legrand).

* 18 _ Selon M. Gilbert et C. Larcher, en 1962, J. Ziegler a donné la meilleure édition critique actuelle de Sg. Les manuscrits B (Vaticanus), C (Sinaiticus), du IV e s. et A (Alexandrinus), du Ve s. représentent à son avis, l'état ancien du texte. Cf. M. Gilbert, « Sagesse de Salomon (ou Livre de la Sagesse) » in Dictionnaire de la Bible. Supplément. Tome XI, Paris-VI, 1991, pp. 58-61. C. Larcher, Etudes sur le Livre de la Sagesse, Paris, Librairie Lecoffre, 1969, pp. 30-84.

* 19 _ C. Larcher, Le Livre de la Sagesse ou La Sagesse de Salomon. Tome I. Paris, Op., cit., 1983, pp. 120-123; A. M. Dubarle, Les Sages d'Israël, Paris, Cerf, 1946, p. 190.

* 20 _ Cf. M. Gilbert, « Sagesse de Salomon (ou Livre de la Sagesse » in Dictionnaire de la Bible. Supplément. Tome XI, Paris-VI, 1991, pp.107-108.

* 21 _ En morale, on parlerait en termes de repères.

* 22 _ L'auteur semble penser ici moins à une pluralité de souverains se partageant la terre, qu'à une autorité s'exerçant, par des représentants divers (dikastai), jusqu'à l'extrémité du monde connu. Il s'agit d'une allusion à la puissance romaine que les Juifs connaissaient et qui paraissait de plus en plus comme une puissance mondiale. Cf. C. Larcher, Le Livre de la Sagesse ou La Sagesse de Salomon. Tome II, Paris, Librairie Lecoffre, 1984, p. 402.

* 23 _ Ibid., p.339.

* 24 _ La doctrine de l'origine divine du pouvoir était affirmée déjà sous différentes formes par l'Ecriture, en particulier par Pr 8,15-16 ; Dn 2,37 ; 1Ch 29, 12 ; Si 10, 4. L'idée que l'autorité exercée par des hommes provient de Dieu est reprise aussi dans le N T, toutefois dans un contexte différent, par exemple dans le fameux passage de Rm 13, 1 : « Il n'y a d'autorité que par Dieu et celles qui existent sont établies par lui ». Par ailleurs Luc 22, 24-27 propose aux disciples du Christ une manière de vivre qui ne soit pas calquée sur celle des rois des nations qui « agissent en seigneurs », mais qui s'inspire, au contraire, de l'exemple de celui qui s'est mis « à la place de celui qui sert ».

* 25 _ J. Bénigne Bossuet, Politique tirée des propres paroles de l'Ecriture sainte, Paris, Dalloz, 2003, pp. 102-103.

* 26 _ M. Gilbert, Op., cit., pp.227-228.

* 27 _ Cf. Le Prince de Machiavel.

* 28 _ On pourrait à ce niveau dire de la Sagesse qu'elle est le chemin, la vie, la lampe de nos pas.

* 29 _ C. Larcher, Le Livre de la Sagesse ou La Sagesse de Salomon. Tome II. Paris, Op., cit., pp.418-419.

* 30 _ Il s'agit d'un raisonnement souligne C. Larcher qu'on ne trouve nulle part ailleurs dans l'AT même pas en Os 2, 23-24  qui en donne l'air. Il diffère aussi du climax de Rm 5, 3-5 et de l'inclusion de 1P 1,5-7. Cf. C. Larcher, Op., cit., p. 426.

* 31 _ Cf. Sénèque, Ad Lucilium, lettre 85.

* 32 _ Cf. Aristote, Metaphy. 1, 3,11, etc.

* 33 _ C. Larcher, Le Livre de la Sagesse ou La Sagesse de Salomon. Tome II. Op., cit., 1984, pp.418-419.

* 34 _ Ibid., p. 427.

* 35 _ C. Larcher, Op., cit., p. 432.

* 36 _ C'est ainsi que Claude Geffré comprend la théologie de l'espérance de J. Moltmann. Cf. C. Geffré, Un nouvel Age de la théologie. Paris, Cerf, 1972, pp.104-112.

* 37 _ Cf. Contemplation pour parvenir à l'amour. Exercices Spirituels n° 230.

* 38 _ Dans l'histoire de la Bible nous savons bien que les sujets doivent au roi une entière obéissance (Sg 6,6 ; Dt 17, 12 ; Rm 13, 1-2). Il n'y a qu'une exception à l'obéissance qu'on doit au roi, c'est quand il commande contre Dieu (Mt 22,21 ; 1P 2,13 ; Eph 6,5 ; Col 3, 22).

* 39 _ Telle la thèse contractuelle qui a constitué l'arsenal argumentaire du politique classique du 16ème siècle (Cf. Hobbes, Machiavel...)

* 40 _ La question ne voudrait pas mettre en branle tous les travaux de grands théoriciens de l'éthique du dialogue du 20e s. Nous sommes bien conscient de leur contribution dans la gestion politique mondiale. La question se pose plutôt au niveau de ce qui imprime le caractère sacré à un tel « consensus » qui ne devrait une simple factualité.

* 41 _ J. Trublet (Dir.) ACFEB, La Sagesse Biblique de l'Ancien au Nouveau Testament. Cf. la contribution de Damien Noël « Quelle sotériologie dans le livre de la Sagesse ? », Paris, Cerf, 1995, pp.188-196.

* 42 _ J. Bossuet, Politique tirée des propres paroles de l'Ecriture sainte, Paris, Dalloz, 2003, pp. 102.

* 43 _ F. Josèphe, Antiquité Juive. Volume IV : Livres VIII et IX. Paris, Cerf, 2005, p. 10.

* 44 _ J. Bossuet, Op.,cit., p. 106.

* 45 _ Cf. J. Flavius, Antiquités juives, Paris, Cerf, 2005, volume IV  Livre VIII, 2.5.

* 46 _ Ibid., p. 16.

* 47 _ A. M. Dubarle o.p, Les Sages d'Israël, Paris, Cerf, 1946, pp. 197-202.

* 48 _ Selon la tradition biblique l'homme reste un tout vivant (corps- âme) animé de nefesh, ou ruah qui l'ouvre à la relation à Dieu son créateur (Gn 2,7). Dans le NT, psyché ou encore anima, l'âme, désigne l'unité vitale de l'homme et ce qui fait vivre la chair. Tandis que pneuma (spiritus), esprit désigne ce par quoi l'homme reste docile à Dieu, vit de Lui et inaugure la vie éternelle. Soma (corpus), corps, ou sarx (caro), chair désignent aussi l'homme et ont leur sens par rapport à la vie morale. Cf. Le cours d'Anthropologie théologique donné à l'ITCJ par le Prof. R. Kazadi, 2008-2009.

* 49 _ Mudiji Malamba Gilombe, « Interpellations culturelles et éducation morale de la jeunesse », in Etudes des Moralistes Zaïrois. Actes de la deuxième rencontre des moralistes Zaïrois de Kinshasa du 11 au 16 novembre 1985, pp. 129-139.

* 50 _ K. Rahner, Traité fondamental de la foi. Introduction au concept du christianisme, Paris, Le Centurion, 1983, p.49.

* 51 _ A. Kahn, Et l'Homme dans tout ça ? Plaidoyer pour un humanisme moderne, Paris, Nil, 2002, pp. 63-69.

* 52 _ Cf. A. Kahn, Et l'Homme dans tout ça ? Op., cit., p.68.

* 53 _ Cf. Jean -Marie Breuvart « Dignité humaines des souffrants » dans Le supplément. Revue d'Éthique et théologie morale, n°191 (1994), pp. 99-129, traitant du « concept philosophique de la dignité humaine » dans son évolution historique.

* 54 _ B. Bujo, Introduction à la théologie africaine, Fribourg, Presse Universitaire, 2008, p.128.

* 55 _ Cf. H. De Decker, « Quelque réflexions sur Justice et Paix ». Dignité humaine en Afrique. Hommage à Henry De Decker. In Cahier de l'UCAC, n°1 (1996), Yaoundé, Presses de l'UCAC, pp. 61-63.

* 56 _ J.M. Van Parys, Dignité et droit de l'homme. Recherches en Afrique, Kinshasa, Loyola, 1996, pp. 24-27.

* 57 _ J. M. Van Parys. Op., cit., p. 5.

* 58 _ Elungu P.E.A., Tradition africaine et rationalité moderne, Paris, L'Harmattan, 1987, p. 23.

* 59 _ M. Merleau Ponty, Le visible et l'invisible, texte établi et édité par C. Lefort, Paris, Gallimard 1964, p.302.

* 60 _ P. Tempels, La Philosophie bantoue, Paris, Présence Africaine, 1965.

* 61 _ B. Bujo, Introduction à la théologie africaine, Fribourg, Presse Universitaire, 2008, p.141-145

* 62 _ Ibidem.

* 63 _ HAMPATE BA « Notion de Personne en Afrique Noire » Cf. Acte du Colloque International sur La Notion de Personne en Afrique Noire. G. Dieterlen, Dir., Paris, Harmattan, 1993, pp.181-192. La même conception de la personne a déjà été développée chez Buakasa. Cf. Lire la Religion Africaine, Bruxelles, Noraf, 1988, pp. 15-25.

* 64 _ Cf. Matungulu Otene, Etre avec pour vivre vrai. Essai d'une spiritualité bantu, Lubumbashi, Saint-Paul Afrique, 1982.

* 65 _ Buakasa Tkm, Lire la religion africaine, Bruxelles, Noraf, 1988, p. 21.

* 66 _ Jean Paul II, cité par Bujo. Cf. B. Bujo, Dieu devient homme en Afrique noire, Kinshasa, Paulines, 1996, p. 7.

* 67 _ Cf. Exercices Spirituels n° 23, le Principe et fondement, où Ignace de Loyola souligne que «  L'homme est créé pour louer, révérer et servir Dieu notre Seigneur et par là sauver son âme, et les autres choses sur la face de la terre sont créées pour l'homme, et pour l'aider dans la poursuite de la fin pour laquelle il est créé ».

* 68 _ G. Defois, Pour une éthique de la culture, Paris, Le Centurion, 1988.

* 69 _ Idid., p. 8.

* 70 _ Idid, pp. 11-14.

* 71 _ Cette expérience, nous lisons à travers Eglise et Société. Le discours socio-politique de l'Eglise catholique du Congo (1956-1998), tome 1 «  Textes de la conférence épiscopale ». A travers, ce document de 495 pp, le mot « culture » apparaît constamment. Pour arriver à une lecture plus précise de la conception de la culture qui s'y dégage, nous avons jugé bon de restaurer les différents emplois du mot « culture » dans leur contexte tel qu'utilisé dans le livre. Pour ce faire, nous nous sommes laissé guider par le plan même du livre. Nous avons noté que le livre se développe autour de onze différents chapitres qui sont portés par une introduction générale. C'est à travers ces différentes articulations du livre dans ses grandes parties que nous avons retrouvé les différents sens du mot « culture ». Il s'agit d'un effort de fidélité à l'esprit du texte même des évêques du Congo.

* 72 _ Idid., p. 57.

* 73 _ Ainsi, Samuel Huntington dans son livre, Le Choc des Civilisations, citant Vaclav Havel, «  The new Measure of Man », New York Times, 8 juillet 1994, p. 27; Jacques Delors, «Questions Concerning Europan Security», discours, Institut international d'études stratégiques, Bruxelles, 10 septempbre 1993, p. 2, réaffirme que « les Conflits à venir seront provoqués par des facteurs culturels plutôt qu'économiques ou idéologiques ». Cf. Samuel P. Huntington, Le Choc des Civilisations, Paris, Odile Jacob, 1997.

* 74 _ Cf. Elungu P.E.A, Tradition africaine et rationalité moderne, Paris, L'Harmattan, 1987.

* 75 _ Cf. Léon de saint Moulin et Roger Gaise N'ganzi, Eglise et Société. Op., cit., pp.83-85.

* 76 _ Ibid., pp. 115-146.

* 77 _ Ibid., p. 142.

* 78 _ Ibid., pp. 154-155

* 79 _ Cf. les réalisations dans le domaine théologique et liturgique qui sont bien connues.

* 80 _ Léon de saint Moulin et Roger Gaise N'ganzi, Eglise et Société. Op., cit., pp. 164-167.

* 81 _ Ibid., p.224.

* 82 _ Ibid., pp. 293-304.

* 83 _ Ibid., pp. 317-331.

* 84 _ Ibid., pp.408-426.

* 85 _ G. Defois, Pour une éthique de la culture, Paris, Le Centurion, 1988, p. 14.

* 86 _ G. Fessard, Autorité et Bien Commun, Paris, Aubier, 1944, pp. 51-66 ; Cf. Les Annales de l'Académie d'éducation et d'Etudes Sociales (A.E.S), Immigration et bien commun, Paris, François-Xavier de Guibert, 2005-2006, pp. 205-207.

* 87 _ Merleau Ponty Le visible et l'invisible, Op., Cit., p. 302. Le concept de « chair » chez M. Ponty renvoie au fait que, toute l'humanité est tissée de la même « chair », « un tissu commun » qui, fondamentalement, nous porte dans un « sentir d'ensemble ».

* 88 _ Cf. Compendium de la doctrine sociale de l'Eglise, n° 164.

* 89 _ Léon XIII, le 3 mais 1892. Cité par Gaston. Fessard. Cf. G. Fessard, Autorité et Bien Commun, Paris, Aubier, 1944, p.52.

* 90 _ Jean XXIII, Mater Magistra, n°65.

* 91 _ Jean XXIII, Pacem in Terris, n° 58 ; Vat.II, GS., n°26.

* 92 _ Sevaistre, Olivier, « Nation et bien commun », dans Le Supplément, Revue d'Ethique et Théologie Morale, Volume 41, n° 167 (1988), pp. 59-65.

* 93 _ Les Annales de l'Académie d'éducation et d'Etudes Sociales (A.E.S), Immigration et bien commun. Op., Cit., pp. 206-207.

* 94 _ G. Balandier, Au Royaume de Kongo, du XVIè au XVIIIè Siècle, Paris, Hachette, 1965.

* 95 _ Cette conception du pouvoir que se faisaient les « Maîtres » est illustrée par l'explication de Chaka lorsqu'il rebaptise son clan du nouveau nom de « Amazoulou , clan du ciel». C'est parce que, dit-il, « je suis élevé ! tenez, je ressemble à ce grand nuage où gronde le tonnerre : ce nuage personne ne peut l'empêcher de faire ce qu'il veut. Mais aussi je regarde les peuples et ils tremblent et celui que je viens frapper ne se relève plus, tel Zwidé. Zoulou ! Amazoulou ! ». cf. Thomas Mofolo, CHAKA, Paris, Gallimard, 1940, p. 171.

* 96 _ Résumant les six parties de son livre, Le Choc des Civilisations, S. Huntington en arrive à la conclusion suivante : « Nous éviterons une guerre généralisée entre civilisations si, dans le monde entier, les chefs politiques admettent que la politique globale est devenue multicivilisationnelle et coopèrent à préserver cet état de fait. » cf. Samuel P. Huntington, Le Choc des Civilisations, Op., cit., pp. 17-18.

* 97 _ C'est ce genre de transformation que note Elungu Pene lorsqu'il voit la tradition africaine perdante dans sa rencontre avec la rationalité moderne, et qu'il l'invite à la vie de la raison. cf. Elungu P.E.A, Tradition africaine et rationalité moderne. Paris, L'Harmattan, 1987, pp.153-182.

* 98 _ Il est nécessaire de rappeler encore une fois le principe caractéristique de la doctrine sociale chrétienne: les biens de ce monde sont à l'origine destinés à tous. Le droit à la propriété privée est valable et nécessaire, mais il ne supprime pas la valeur de ce principe. Sur la propriété, en effet, pèse «une hypothèque sociale», c'est-à-dire que l'on y discerne, comme qualité intrinsèque, une fonction sociale fondée et justifiée précisément par le principe de la destination universelle des biens. Cf. Jean Paul II dans Sollicitudo Rei Socialis, n° 42.






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