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Le travail des enfants au Cameroun: le cas de la ville de Yaoundé (1952-2005)

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par Allamine Mariam
Université de Yaoundé I - Cameroun - Master 2010
  

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II- LES BENEFICES ISSUS DU TRAVAIL DES ENFANTS

Le travail fourni par les enfants est certes reconnu et défini. Il présente des coûts sociaux et économiques et multidimensionnels. Mais quelques unes de ces formes représentent des positivités culturelles ou sociales.

A- TRAVAIL DES ENFANTS ET PERENISATION DES CULTURES TRADITIONNELLES

A travers une lecture historique du travail des enfants, il apparaît qu'initialement, le travail des enfants est un facteur culturel incontournable dans l'éducation d'un enfant.

1- Le travail des enfants comme facteur culturel

En Afrique traditionnelle et particulièrement dans les sociétés camerounaises, la culture impose en général à l'individu de fournir un peu d'effort en exerçant une activité même légère afin d'éviter la paresse215(*). De ce fait, il est estimé que le travail des enfants est culturellement fondé. Il y a des cas où les perceptions traditionalistes du travail et de l'enfance contribuent au renforcement de la prévalence et à l'omniprésence du travail des enfants. C'est ainsi que les enfants, dès leur jeune âge, sont entraînés dans l'exercice des tâches ménagères ou des activités économiques à finalité première non lucrative, mais dans le souci de leur socialisation.

L'enfant est ainsi amené à participer aux travaux sans toutefois être un exclu social. Ils sont encouragés à participer selon leur capacité, leur âge, leur physique, leur sexe, aux tâches qui sont à leur portée et dans un cadre spatial bien délimité : le noyau familial. Ils apprennent progressivement les travaux accomplis par les adultes qui les entourent. La transmission, l'acquisition et la pratique des savoirs et des arts constitutifs de la personnalité sociale, occupent une part importante du temps. Cette forme d'organisation familiale n'est pas qu'idyllique. Mais, ce processus socialisant de l'enfant ne constitue qu'une retransmission de la culture laborieuse. Il est convenu d'un commun accord que les enfants aident à la maison et dans des divers travaux qu'exige le fonctionnement d'une famille normale. Cette situation n'est en aucun cas une forme d'esclavage pour les enfants. Comme le confirme ce témoignage :

Et comme je l'ai dit par ailleurs, dès l'âge de 4 ans, j'avais ma calebasse pour aller chercher de l'eau. Elle était à ma taille et elle me permettait d'être utile à ma famille. En dehors de certaines matinées où il faisait très froid et que la rosée du matin manquait de geler mes pieds, je n'avais jamais appréhendé ce travail là comme une quelconque brimade, a fortiori de l'esclavage216(*).

Puiser de l'eau, s'occuper des jeunes frères et soeurs, donner un coup de main à la cuisine, constituent quelques-unes des occupations quotidiennes et incontournables des enfants dans la ville de Yaoundé. Ce travail relève d'une valeur culturelle et une condition sine qua none de la réussite de l'éducation d'un enfant. Dans l'organisation de la société africaine, chaque enfant trouve toujours un travail à sa taille et à sa force.
Dans cette société-là, le travail domestique qui recouvre des tâches telles que, faire la cuisine, les achats, le nettoyage, la lessive, la collecte de l'eau, s'occuper des enfants, est un précieux outil de socialisation pour les jeunes.

Le ménage africain se caractérise par sa grande taille, par le grand nombre et la pénibilité de certaines de ses tâches. Il est donc loisible d'associer les enfants à l'accomplissement de certaines tâches à leur taille sans que cela soit assimilé à de l'esclavage.

Lorsque le travail des enfants est culturellement accepté, il est moins nocif que lorsqu'il est condamné217(*).

Pour nos pays d'Afrique qui sont à construire et qui doivent pour cela mettre leurs peuples au travail, n'appréhender le travail, y compris celui des enfants que comme un fléau qu'il faut absolument combattre et éradiquer sans discernement, s'apparente à un gros piège qu'il faut rapidement démonter. Le piège consiste à vouloir faire de l'école occidentale, la seule forme de socialisation pour les enfants et de pousser sur le bord du chemin, tous les autres enfants qui, pour diverses raisons malheureusement foisonnantes aujourd'hui, ne peuvent plus se maintenir dans le système scolaire.

2- L'éducation au labeur

Le travail des enfants dans nos sociétés n'exprime initialement pas l'idée de compensation et de résolutions de problèmes économiques, mais celle des normes d'une société qu'il faut comprendre et analyser218(*). Le travail, qu'il soit celui d'un adulte ou d'un enfant, relève d'abord de la vertu219(*) en ceci qu'il permet de libérer l'homme et l'éloigne des trois maux que sont l'envie, le vice et le besoin220(*). Le travail des enfants a ici un intérêt éducatif car comme le dit cet adage : `'Plutôt que de lui donner du poisson, il faut lui apprendre à pêcher.''

L'éducation au labeur est d'une importance capitale et fait partie de sa socialisation comme le dit si bien Léonie Djuimukam en ces termes : `'Dés le sevrage de l'enfant débutait sa socialisation''221(*).

Du sevrage qui intervient à 2 ans jusqu'à son âge de discernement à 7 ans, l'enfant commence à observer. Ensuite, il est orienté vers l'apprentissage de la garde de ses cadets. A partir de 12 ans, on procède à une division sexuelle dans l'éducation laborieuse. Pendant que le jeune garçon est initié à la prise des responsabilités d'un digne chef de maison, la fille est préparée à assurer correctement la garde de son foyer. De ce fait, l'impact bénéfique qui découle du travail des enfants dans ce fragment d'analyse contribue à former non pas une société future dépouillée des cellules familiales constituées, mais une société dans laquelle les noyaux familiaux sont bien soudés et mieux construits pouvant ainsi aspirer à un meilleur développement socio-économique.

L'on peut ainsi résumer l'éducation au labeur de l'enfant dans le tableau ci-dessous222(*) :

Tableau n°21: Répartition des différentes étapes d'intégration des enfants dans la société traditionnelle.

Age (ans)

Sexe

Tâches

Méthodes d'approche

2-7

Masculin et féminin

Garde des enfants

Observation + Imitation

8-11

Masculin et féminin

Travaux ménagers

Initiation + Pratique

12-18

Masculin

Assistance et participation aux activités diverses du père

Initiation + Pratique

12-18

Féminin

Assistance et participation aux activités diverses de la mère

Initiation + Pratique

Source : Léonie Djuimukam, `'La main-d'oeuvre infantile dans le Littoral et l'Ouest du Cameroun de 1884 à 1960'', mémoire de maîtrise en histoire, Université de Yaoundé I, 2008, p.21.

De même, le travail peut stimuler un sens accru des responsabilités aussi bien qu'une expérience de l'acquisition et de la gestion des biens matériels223(*). La perspective éducative reflète ici un aspect positif du travail des enfants et n'est en aucun cas une entrave à son développement.

Les parents considèrent souvent que le travail des enfants est un facteur d'éducation leur permettant de se responsabiliser et d'apprécier la valeur des choses et l'effort à fournir pour se les procurer. Les enfants doivent travailler pour gagner leur pain, car leurs parents l'ont fait avant eux et ils n'en sont pas morts, donc leurs enfants doivent faire de même224(*). Il arrive que les enfants soient censés jouer leur rôle social en prenant la suite de leurs parents. Ce fait permet aux jeunes d'apprendre un métier ou une profession, seul garant de leur avenir. En fait, il semble que tous les membres de la famille doivent subvenir aux besoins de la famille et que le travail des enfants les prépare à assumer ce rôle dans leur vie d'adultes. Il permet à l'enfant d'accéder à l'autonomie, d'acquérir un sens des responsabilités et de s'aguerrir en vue de mieux supporter les difficultés et les obstacles225(*).

B- LA LUTTE CONTRE LA PRECARITE ECONOMIQUE ET SOCIALE

L'impact du travail des enfants est visible ici à travers la contribution financière issue du travail ainsi que l'acquisition d'une certaine cohésion sociale.

1- La hausse des revenus familiaux

La mise au travail implique l'acquisition d'un rendement réel même s'il n'est pas considérable. De ce fait, la contribution de l'enfant aux charges du ménage, aussi modique soit-elle, participe à la satisfaction de ses besoins vitaux et à celle des autres membres de la famille, étant donné que 75% des enfants remettent pour la plupart des cas la totalité de leurs gains à leurs parents ou tuteurs, lorsque ces derniers ne les perçoivent pas en leur lieu et place226(*). De ce fait, l'enfant cesse d'être un consommateur pour devenir non pas un facteur, mais un important acteur de production dans la cellule économique de la société. Les familles pauvres ont tendance à privilégier le travail qui permet de dégager des bénéfices immédiats contribuant à la survie de la famille au détriment des risques qui pourront être observés à long terme227(*).

2- La recherche d'une indépendance économique et d'une personnalité sociale

De plus, la plupart des observateurs ont remarqué que les enfants et les adolescents ne font pas qu'assurer leur survie en travaillant mais que tous cherchent, par leur travail, à vivre avec dignité et à démontrer leur utilité économique. Un enfant travailleur déclare : `'Nous travaillons dès l'enfance, pour apprendre quelque chose, apprendre une certaine expérience de la vie, apprendre l'ordre, apprendre à travailler, apprendre à juger, ...''228(*).

Ce qui précède ne signifie pas que l'on méconnaisse les risques ou les abus potentiels du travail infantile : horaires insoutenables, charges trop lourdes, rémunération inappropriée, exposition à des risques pour leur santé, comme nous l'avons démontré dans les lignes précédentes. Mais si ces risques sont évités, et il faut y veiller, l'obtention d'un emploi par un enfant peut lui faire acquérir une nouvelle importance et une responsabilité économique dans sa famille et son entourage. Il ne s'agit pas d'en conclure que le travail des enfants est la meilleure des voies pour son développement, mais qu'il y a peut-être une piste d'analyse différente de sa situation.

Face à l'ampleur et aux multiples facettes que revêt le travail des enfants, il ne peut y avoir de solution simple et rapide pour le combattre. Pour atténuer une situation insupportable, des actions urgentes et ponctuelles ont trop souvent été privilégiées. Certaines d'entre elles ont lésé les enfants qu'elles voulaient protéger. Pour éviter de tels écueils, une vision globale basée sur l'analyse détaillée, sur l'ampleur et la répartition du problème, sur ses répercussions, sur ses causes et sur les systèmes d'exploitation qui le rendent possible, doit toujours être privilégiée. Comment dès lors définir les solutions à apporter, les stratégies à mettre en oeuvre ?

A l'issue de l'analyse évolutive du travail des enfants au Cameroun depuis 1952, il a été constaté que des abus et des violations des droits de l'enfant au point où des convergences se sont consolidées pour s'élever contre l'utilisation de la main-d'oeuvre infantile. Cependant, la réalité sociale, économique et culturelle oblige certaines voix à s'élever contre une abolition complète du travail des enfants au Cameroun.

I- LES POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL DES ENFANTS AU CAMEROUN

Elles découlent de la multiplication des actions nationales et internationales, mais bénéficient aussi d'une base solide sur le plan juridique et théorique.

A- EVOLUTION HISTORIQUE DU CADRE JURIDIQUE LIE AU TRAVAIL DES ENFANTS

Des mesures juridiques se sont succédé au cours du temps. Il s'agit des conventions internationales, des codes du travail et des législations nationales.

1- Le cadre conventionnel lié au travail des enfants

La ratification par le Cameroun des instruments juridiques internationaux que sont les conventions et les protocoles, a apporté une contribution positive dans la lutte contre le travail des enfants. Le tableau ci-dessous indique notre propos :


Tableau n°22 : Liste des conventions internationales ratifiées par le Cameroun en matière de la lutte contre le travail des enfants.

Organisation

Titre

Année

Année de ratification par le Cameroun

29

OIT

Travail forcé

1930

07 juin 1960

 

ONU

Répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui

1949

19 février 1982

 

ONU

Déclaration des droits de l'enfant

1959

 

105

OIT

Abolition du travail forcé

1957

03 septembre 1962

 

ONU

Droit de l'enfant

1989

11 janvier 1993

 

CADBEE

Charte africaine du droit du
bien-être de l'enfant

1997

23 juin 1999

138

OIT

Age minimum d'admission à l'emploi

1973

13 août 2001

182

OIT

Pires formes du travail des enfants

1999

05 juin 2002

Source : Tableau conçu à partir des informations tirées du `'Rapport national sur le travail des enfants au Cameroun'', Yaoundé, INS, décembre 2008, p.8.

A la suite de ce tableau, on peut résumer les principaux textes internationaux de référence à la lutte contre le travail des enfants en ces phrases :

Les conventions internationales ne peuvent à elles seules abolir le travail des enfants. Elles souffrent généralement de manquements importants dans leur précision, leur procédure d'application, de contrôle et de plainte. Mais elles constituent toutefois des textes de référence pour les gouvernements et les organisations non gouvernementales.

La Déclaration des Droits de l'Enfant a été adoptée par les Nations Unies en 1959. Son principe 9 consacre l'interdiction de l'exploitation du travail des enfants : un enfant ne peut être autorisé à travailler que s'il a atteint l'âge minimum ; il ne peut être, ni forcé, ni autorisé à effectuer une activité dommageable pour sa santé ou pour son éducation ou comportant un risque pour son développement physique, psychologique ou moral. La Déclaration des Droits de l'Enfant n'a pas d'effet concret. Son principe 9 a servi de base à la rédaction du chapitre 32 de la Convention des Droits de l'Enfant adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1989. Elle a été ratifiée par 187 Etats sur 191 - un record absolu en matière de ratification de conventions internationales. 96 % des enfants du monde sont donc protégés ... sur papier. Depuis le vote, en 1989, de la Convention des Droits de l'Enfant, de nombreux Etats ont inscrit la répression du travail des enfants dans leurs lois nationales. Mais l'application et le contrôle du respect de ces lois sont presque partout négligés. Banalisation du travail des enfants considéré comme une infraction ordinaire au droit du travail, manque de volonté politique, manque de collaboration des victimes - familles et enfants à la limite de la survie - difficile identification des responsables, rendent généralement l'action judiciaire inopérante.

La Convention n°138 sur l'âge minimum d'accès au travail a été publiée par l'Organisation internationale du travail (OIT) en 1973. Dans son article premier, elle stipule que tout Etat ratifiant ce texte

s'engage à poursuivre une politique nationale visant à assurer l'abolition effective du travail des enfants et à élever progressivement l'âge minimum d'admission à l'emploi ou au travail à un niveau permettant aux adolescents d'atteindre le plus complet développement physique et mental''229(*).

La Recommandation 146 propose des mesures afin de mettre en oeuvre cette convention : combattre la pauvreté, investir dans l'éducation, garantir des salaires adéquats, limiter la durée du travail, établir un système de protection sociale. La Recommandation n'a pas de caractère obligatoire contrairement à la Convention, qui acquiert un caractère obligatoire pour l'Etat qui la ratifie. Cet Etat doit alors la traduire en lois nationales. Mais, en date de mars 1997, seuls 52 Etats, dont seulement 4 pays asiatiques (Iraq, Israël, Népal et Philippines) ont ratifié la Convention n°138.

A partir de 1998, l'OIT élabore une nouvelle Convention sur l'abolition des formes les plus intolérables du travail des enfants. Cette convention adoptée en 1999 marque un grand pas dans l'abolition des formes les plus inhumaines du travail des enfants. Si un consensus international sur l'abolition totale du travail des enfants semble actuellement impossible à trouver, il devrait en revanche être possible d'arriver à un très large accord pour mettre fin à ses formes les plus intolérables et trouver une forme plus décente du travail des enfants.

2- Cadre législatif et réglementaire

Le législateur camerounais a aussi pensé à la protection des enfants contre le travail des enfants et toute autre entreprise de l'homme qui peut l'y conduire à l'instar de la traite ou du trafic.

Parmi ces lois, on relève celle n°52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires et territoires associés relevant de la France d'outre-mer. Son titre IX impose des pénalités aux auteurs de transgression. Dans l'article 222, il est dit :

Seront punis d'une amende de 200 à 500 francs et en cas de récidive d'une amende de 400 à 4.000 francs :

Alinéa b : les auteurs d'infraction aux dispositions de l'article 118230(*).

En effet, l'article 118 est relatif aux pénalités encourues par un auteur de mise au travail de l'enfant et de tout ce qui s'y rapporte.

De plus, la loi n°67-L.F.1 du 12 juin 1967 portant institution du code pénal comporte des dispositions qui peuvent être invoquées pour lutter contre le travail des enfants. Il s'agit des articles 292 sur le travail forcé, 344 sur la corruption de la jeunesse, 349 sur les menaces sous condition et /ou abus de faiblesse et 352 et 353 sur l'enlèvement des mineurs. De même, l'article 293 de ce Code pénal punit l'esclavage qui comprend le servage, le maintien en esclavage et la traite des personnes. L'article 342 aggrave les sanctions encourues par celui qui enfreint les dispositions du précédent article lorsque la victime est âgée de moins de 18 ans231(*). Les articles 337 et 355 du même code répriment le nombre d'atteintes contre l'enfant.

La loi n°92/007 du 14 août 1992 portant code du travail au Cameroun fixe le cadre général du travail : âge minimum à l'embauche et les horaires de travail232(*). C'est ainsi que dans son article 86, alinéa 1, le Code limite à 14 ans, l'âge minimum d'admission à l'emploi. Seulement, une nuance est faite ; dans l'alinéa 3 du même article, il est dit qu' : `'Un arrêté du ministre chargé du travail fixe la nature des travaux et les catégories d'entreprises interdites aux jeunes gens et l'âge auquel s'applique l'interdiction.''

Ce code exclut dans son article 87, l'emploi des enfants dans des travaux dangereux ou excédant leurs forces. Il permet de ce fait d'identifier `'le travail à abolir'' pour les enfants.

Enfin, la loi n°2005/015 du 29 décembre 2005 quant à elle réprime et punit sévèrement la traite et le trafic des enfants au Cameroun

Quant au cadre réglementaire, il est régi par l'arrêté n°17 du 27 mai 1969 relatif au travail des enfants. Cet arrêté fixe l'âge minimum de travail à 14 ans et n'admet aucune dérogation à ce sujet. La durée de travail est de 8 heures par jour. Elle est entrecoupée d'une pause d'une heure au moins pour les enfants de moins de 16 ans. Cet arrêté détermine aussi les conditions que doit remplir un employeur pour utiliser la main-d'oeuvre juvénile233(*).

Le cadre réglementaire est indiqué ainsi qu'il suit :

Le décret n°54-112 du 28 janvier 1954 étendant aux territoires d'outre-mer relevant du ministère de la France d'outre-mer, les dispositions de la Convention internationale du travail n°33 concernant l'âge minimum d'admission des enfants aux travaux industriels234(*).

Le décret n°68/DF/253 du 10 juillet 1968 fixant les conditions générales d'emploi des domestiques et employés de maison réglemente quant à lui l'accès des enfants à la domesticité.

L'arrêté n°16/MTLS/DEGRE du 27 mai 1969 relatif au travail des enfants et son annexe indiquant les travaux interdits aux femmes et aux enfants traduit de manière claire que le travail des enfants est une lourde préoccupation inscrite dans le plan d'action du MTLS. Cet arrêté définit un certain nombre d'activités et de professions dangereuses ou interdites pour les enfants. Mieux que cela, l'arrêté définit des environnements et conditions de travail intolérables pour les enfants235(*). Il fixe en outre les limites des charges que doit supporter un enfant lors des manutentions de levage. De même, l'arrêté n° 17/MTLS/DEGRE du 27 mai 1969 relatif au travail des enfants est une première tentative spéciale de réglementation du travail des enfants en général.

L'arrêté n° 68/MINTSS du 28 novembre 2005 portant création d'un comité national de mise en oeuvre du Programme International pour l'Abolition du Travail des enfants (IPEC) a mis un accent fort et dynamique sur la lutte contre le travail des enfants.

B- ACTIONS MENEES PAR LA SOCIETE CIVILE, LES POUVOIRS PUBLICS, ET LES INSTITUTIONS

Dans un premier temps, il est nécessaire de dresser un répertoire des institutions, puis de parcourir les actions qu'elles ont entreprises en faveur des enfants.

1- Les institutions ayant oeuvré pour la lutte contre le travail des enfants au Cameroun

Il s'agit des institutions nationales, des ONG et associations et des institutions internationales.

a- LES INSTITUTIONS NATIONALES

La première catégorie d'institutions nationales ayant oeuvré dans la lutte contre le travail des enfants est constitué des ministères. Il s'agit essentiellement du MTLS qui devient plus tard MINTSS et du MINAS. Au MINAS, il existe une Direction chargée de la Protection Sociale de l'Enfance qui lutte contre le travail des enfants d'une manière acharnée. Cette direction est fonctionnelle dans chaque Délégation Provinciale du MINAS. Mais d'autres ministères disposent aussi d'une proportion importante dans cette lutte. Parmi ces ministères, on peut citer le ministère de la justice qui punit sévèrement des auteurs de transgression des lois et instruments juridiques en rapport avec la lutte contre le travail des enfants. De même, les ministères chargés de l'Education oeuvrent dans le sens du transfert des enfants du travail vers les milieux scolaires. Ce sont ces ministères qui pourront efficacement diminuer et même éradiquer le travail des enfants en les enlevant des lieux de travail pour les engager dans leur scolarisation.

b- LES ONG ET LES ASSOCIATIONS

Les ONG et associations sont diverses : Centre Bobine d'or d'Ekounou à Yaoundé, ASSEJA, Centre d'accueil et de réinsertion des enfants de la rue d'Etoug-ebe, An-nour, Plan Cameroon.

An-nour est une association qui est créée par autorisation n° 00293/RDA/JO6/BAPP du 8 mai 1994 par le préfet du Mfoundi à Yaoundé. L'homme reste au centre de ses préoccupations et de ses objectifs. C'est ainsi qu'elle oeuvre pour sa protection, son éducation, sa santé, son épanouissement et son humanité. Dans le cadre du travail des enfants, An-nour prône l'incitation à la scolarisation. Dans ce sens, plusieurs milliers d'enfants sont retirés du travail pour des activités scolaires et des formations d'apprentissage.

c- L'OIT ET SES PROGRAMMES ET L'UNICEF

En matière de lutte contre le travail des enfants, une organisation a eu un rôle prépondérant depuis sa création : il s'agit de l'Organisation internationale du Travail (OIT). La création de l'OIT est l'aboutissement de tout un mouvement d'idées en faveur d'une réglementation internationale du travail qui a pris naissance dès la première moitié du 19ème siècle, mais qui ne s'est réellement affirmée qu'au début du 20ème. L'OIT est une Organisation créée plus précisément en 1919 par le Traite de Versailles. Cette organisation a engagé un combat perpétuel et se bat pour un monde dans lequel plus personne ne forcera un enfant, garçon ou fille, à travailler au mépris de sa santé, de son épanouissement, de la possibilité d'accéder plus tard à un travail décent. Pour venir à bout du problème, il faut un élan supplémentaire fondé sur une mobilisation forte et durable à l'échelon mondial. C'est pour défendre positivement ce point de vue que l'OIT a mis en pace dés 1992, un programme d'éradication complète et progressive du travail des enfants à l'échelle mondiale.

L'IPEC, défini comme : International Programm for Elimination of Child labour, est le principal programme de coopération technique de l'OIT engageant 88 pays, 190 actions de terrain dans 55 de ces pays. Il use d'un budget annuel de 60 millions de dollars $, d'une équipe de 450 personnes dont 90% travaillent sur le terrain. La directrice de ce programme est Michèle Janvanish236(*). L'IPEC repose sur le renforcement de la capacité des pays de s'attaquer à ce problème et sur la création d'un mouvement mondial pour le combattre237(*). Devant l'ampleur de sa mission, l'IPEC se concentre dans un premier temps, sur l'éradication des formes les plus abusives et intolérables de travail des enfants. De manière concrète, l'objectif de l'IPEC est l'élimination progressive du travail des enfants dans le monde avec pour priorité urgente les pires formes de travail des enfants. Depuis sa création en 1992, l'IPEC a mis en oeuvre différentes structures pour atteindre son objectif, comme par exemple la promotion des programmes nationaux de réforme des politiques, le renforcement des capacités institutionnelles, la mise en place des mesures concrètes d'élimination du travail des enfants, des campagnes de sensibilisation, de mobilisation visant le changement d'attitudes sociales, la promotion de la ratification et de mise en vigueur effective des conventions de l'OIT y afférentes. L'IPEC prévoit aussi des interventions directes dans les domaines de la prévention même du travail des enfants, la recherche des solutions au problème s'il se présente, comme la possibilité pour les parents d'enfants travailleurs d'exercer un emploi correctement rétribué. Cette attitude aboutit à la réadaptation de ces enfants, leur éducation et une éventuelle formation professionnelle de ces derniers238(*). Ces efforts ont conduit au retrait de centaines de milliers d'enfants au travail, à des mesures de réhabilitation et de prévention au retour du monde du travail.

Pour surmonter cette difficile quantification du travail des enfants, l'IPEC a créé le Programme d'information Statistique et de Suivi sur le Travail des Enfants (SIMPOC). SIMPOC a été lancé en janvier 1998 en tant que partie intégrante de l'IPEC afin d'aider les Etats membres de l'OIT à collecter et à produire des données quantitatives et qualitatives globales et comparables sur le travail des enfants239(*). Plus précisément, SIMPOC vise à établir :

Ø Un programme pour la collecte, l'utilisation et la diffusion des données quantitatives et qualitatives brutes, présentées sous forme de tableaux, qui permettent d'étudier l'ampleur, la distribution, les caractéristiques, les causes et les conséquences du travail des enfants ;

Ø Une base pour l'analyse des données sur le travail des enfants en vue de la planification, de la définition et de l'exécution d'interventions intégrées multisectorielles, du suivi de la mise en oeuvre et de l'évaluation de l'impact et des effets des politiques et des programmes ;

Ø Une base de données consistantes sur le travail des enfants en informations quantitatives et qualitatives ;

Ø La comparabilité des données par pays.

A l'initiative du programme SIMPOC, de substantielles recherches statistiques et qualitatives, des analyses juridiques et politiques, des programmes de suivi et d'évaluation ont permis d'accumuler une vaste base de connaissances en matière de données statistiques, de méthodologies d'études thématiques, de bonnes pratiques, de matériels de formation et de guides divers240(*).

LUTRENA est un programme initié par l'IPEC pour le compte de l'Afrique de l'Ouest et du Centre. Elle a pour mission de combattre la traite des enfants à des fins d'exploitation de leur travail en Afrique de l'Ouest et du Centre. Les grands axes de cette mission sont :

· Appuyer les mandants du BIT qui sont les acteurs gouvernementaux, les organisations des travailleurs, celles des employeurs et de la société civile, dans le développement et la mise en oeuvre d'une politique d'élimination du travail des enfants ;

· Appuyer à la facilitation du processus d'élimination de la traite des enfants ;

· Agir à travers les acteurs gouvernementaux, les organisations des travailleurs et des employeurs, des ONG et des associations qui mettent en oeuvre des programmes d'action sur le terrain ;

· Renforcer les capacités diverses pour garantir une action efficace et durable contre le fléau.

La somme de ces efforts a conduit à un succès presque total car des actions déterminées d'ensemble ont été menées dans ce sens.

Bien que la lutte contre le travail des enfants ne soit pas une de ses premières priorités, le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF), dont l'objectif global est d'améliorer la situation des enfants, joue également un rôle important à ce niveau. Ainsi, grâce à l'initiative `'Say Yes for children'', 94 millions de personne à travers le monde ont exprimé leur engagement envers les dix points de la plus grande campagne de soutien jamais menée en vue de bâtir un monde meilleur pour tous  les enfants et les adolescents241(*). L'UNICEF a également collaboré avec l'OIT à la mise en oeuvre des programmes conjoints dans divers pays parmi lesquels le Cameroun, en vue de lutter contre le travail inacceptable des enfants.

L'abolition du travail des enfants voire des pires formes de travail des enfants par l'élaboration d'un arsenal de textes juridiques internationaux et nationaux n'implique pas forcément leur éradication sur le terrain. Il se pourrait qu'entre la représentation faite à partir des instruments juridiques dans le cadre de la bataille menée contre le travail des enfants, du sens qu'ils veulent bien lui donner et souhaitent qu'il recouvre, et la réalité des choses, il existe de très grandes disparités. Il se pourrait que l'utilisation abusive de certaines expressions, tels esclavage, exploitation... soit de nature à créer une sorte d'amalgame par exemple, lorsqu'on n'a pas pris le temps de se poser les bonnes questions et d'esquisser les réponses possibles. Il se pourrait qu'une approche trop stéréotypée, trop globalisante et finalement trop simpliste de la problématique du travail des enfants ne permette pas l'affinement devant conduire à une meilleure compréhension du phénomène. Il se pourrait que la grille de lecture, utilisée pour décrypter le phénomène, parce que calquée sur des standards foncièrement étrangers à la réalité camerounaise, soit de nature à fausser complètement le diagnostic et finalement la thérapie proposée. Passées ces hypothèses, allons-y voir la réalité de ce combat contre le travail des enfants et surtout, cherchons à comprendre le comment du pourquoi de cette problématique. Il a donc été nécessaire de renforcer les actions en multipliant des campagnes d'information, d'éducation et de communication pour la sensibilisation des populations et d'autres acteurs sur les risques que courent les enfants travailleurs.

2- Les actions de lutte contre le travail des enfants

Plusieurs conventions de l'OIT évoquent le travail des enfants dans divers secteurs d'activité. Mais deux principales ont servi de bases juridiques dans la lutte ; il s'agit de la convention n°138 sur l'âge minimum d'admission des enfants à l'emploi et la convention n°182 sur les pires formes de travail des enfants. Les actions communes envisagées par les acteurs majeurs de lutte sont basées sur ce qui suit :

· Sensibiliser et mobiliser les communautés sur les questions relatives au travail des enfants ;

· Promouvoir l'éducation et l'apprentissage tant classique qu'informel ;

· Améliorer et renforcer la législation sur le travail des enfants ;

· Assurer la coordination et le suivi des activités de lutte contre le travail des enfants.

a- La répression et la prévention

La répression passe dans un premier temps par une protection juridique rigide des victimes. A cet effet, un plan d'action solide a été dressé ainsi qu'il suit :

Tableau n°23 : Plan national d'action de lutte contre le trafic des enfants à des fins d'exploitation de leur travail dans le domaine de la protection juridique au Cameroun.

DOMAINE DE LA PROTECTION JURIDIQUE

Objectifs

Harmoniser le cadre juridique et renforcer la répression du phénomène du trafic des enfants à des fins d'exploitation de leur travail au Cameroun.

Activités

Agences d'exécution

Calendrier

Ø Accélérer la mise en pratique des conventions n° 138 et 182

METPS

Octobre 2000- juin 2001

Ø Ratifier les textes internationaux relatifs à la Cour Criminelle et à la Cour Africaine des Droits de l'Homme

Ministère de la Justice

Indéterminé

Ø Incorporer lesdits textes dans la législation interne

METPS

Ministère de la Justice

MINAS

Janvier- décembre 2001

Ø Elaborer un projet de loi sur la protection de la petite enfance et de la jeunesse adolescente

MINAS

Janvier 2000- juillet 2002

Ø Actualiser et mettre en oeuvre les dispositions du décret du 30 novembre 1928 instituant les juridictions spéciales et les régimes de la liberté surveillée pour les mineurs, simplifier les procédures

Ministère de la Justice

Janvier- juillet 2001

Ø Créer et mettre en oeuvre les brigades des mineurs dans les commissariats

DGSN

Janvier- décembre 2001

Ø Amender l'article 293 du Code Pénal

Initiative du Ministère de la Justice

Janvier- décembre 2001

Ø Actualiser le décret du 30 octobre 1935 sur la protection de l'enfance

Initiative du Ministère de la Justice

Janvier- décembre 2001

Ø Former les intervenants dans la répression du trafic des enfants

Cellule interministérielle-

IPEC.

Juillet 2001

Source : Tableau conçu à partir des informations contenues dans le Rapport de l'atelier sous- régional à Cotonou au Bénin intitulé : `'combattre le trafic des enfants à des fins d'exploitation de leur travail en Afrique de l'Ouest et du Centre'', 18 au 20 juillet 2000, p.29.

Dans ce sens, ces actions à elles seules ne pourront avoir des effets positifs que dans une seule condition. Elles doivent être accompagnées d'une véritable volonté de tous les acteurs sociaux, notamment les familles, les employeurs, les pouvoirs publics.

Parallèlement, la répression pacifique est menée pour l'essentiel par des unités techniques opérationnelles à l'instar des centres sociaux et des services d'action sociale242(*). Au cours de nos investigations, deux centres sociaux ont été répertoriés. Il s'agit du Centre Social de Messa et du Centre Social de Nkolbisson.

Photo n°11 : Centre social de Yaoundé (Messa).

Source : Clichés réalisés par nos soins.

Nos informateurs nous ont avoué qu'ils opéraient en faveur des enfants travaillant dans la rue et y vivant. Après leur identification, ils les plaçaient dans des familles et les transféraient dans des formations qu'ils effectuent en faveur d'une réinsertion plus décente243(*).

Les services d'action sociale sont quant à eux fournis par le MINAS et d'autres départements ministériels engagés dans la lutte contre le phénomène notamment le MINPROFF, le MINTSS et la DGSN. La politique du Gouvernement vise davantage les enfants issus des ménages pauvres, car les enfants vivant dans les ménages non pauvres ont plus de chance d'aller à l'école. De même, Plusieurs ONG agissent sur les causes premières du travail des enfants. Leurs actions incluent la lutte contre la pauvreté au sens large du développement, l'accueil des enfants de la rue dans les abris et des actions en faveur de leur réinsertion, la construction des centres d'apprentissage et la mise en place des activités éducatives. Comme illustration concrète, des CPFF sont mis à la disposition des enfants et des jeunes filles en particulier par le MINPROFF. Ils offrent des formations en industrie d'habillement, hôtellerie et restauration et NTIC qui permettent de retirer des enfants dans le monde du travail et de mieux les replacer dans un monde plus décent.

Photo n°12 : Centre de Promotion de la Femme et de la Famille de Tsinga (CPFF de Tsinga).

Source : Cliché réalisé par nos soins.

Les actions de lutte contre le travail des enfants incluent la sensibilisation de l'opinion publique. C'est ainsi que le plan national d'actions de lutte contre le trafic des enfants à des fins d'exploitation de leur travail dans le domaine de la sensibilisation a été élaboré ainsi qu'il suit :

Tableau n°24 : Plan national d'action de lutte contre le trafic des enfants à des fins d'exploitation de leur travail dans le domaine de la sensibilisation au Cameroun.

DOMAINE DE LA SENSIBILISATION

Objectifs

Prévenir le trafic

Activités

Agences d'exécution

Calendrier

Ø Créer une cellule interministérielle par Arrêté du Premier Ministre et les Comites locaux de lutte contre le trafic

Initiative du METPS

 

Ø Former les personnes ressources

Cellule appuyée par le MINAS et le METPS

Juillet 2001

Ø Elaborer un plaidoyer pour la prise en compte de la dimension exploitation des enfants par le travail/trafic dans le programme national de lutte contre la pauvreté

Initiative du MINAS et du METPS

Avant février 2000

Ø Organiser une campagne de sensibilisation dans les zones à risques

Cellule Interministérielle, ONG et autres partenaires

Août - décembre 2001

Ø Organiser des concours de rédaction sur le travail et le trafic des enfants dans les écoles primaires

Cellule Interministérielle

Janvier - mars 2000

Ø Poursuivre l'élaboration de la carte scolaire

MINEDUC

Décembre 2001

Ø Initier les populations à risque à la création des mutuelles pour jeunes

 

Janvier - décembre 2001.

Ø Eduquer à la parenté responsable dans les zones à risques

Ministère de la Santé, MINAS.

Janvier - décembre 2001.

Source : Tableau conçu à partir des informations contenues dans le Rapport de l'atelier sous- régional à Cotonou au Bénin intitulé : `'combattre le trafic des enfants à des fins d'exploitation de leur travail en Afrique de l'Ouest et du Centre'', 18 au 20 juillet 2000, pp.28-29

Au rang des armes de combat figurent des actions ciblant les entreprises en amont dont la `'consommation citoyenne'' et le boycott, ainsi que les actions de terrain244(*). De même, des projets communautaires des ONG bénéficient d'un rapport de force avec les employeurs permettant de meilleures conditions de travail ainsi que l'acquisition d'une identité nouvelle245(*). Les services d'action sociale visent autant que possible à amener la communauté nationale à prendre conscience des dégâts que peut causer le phénomène et à mobiliser tous les acteurs au nécessaire changement de comportement. Il s'agit de vaincre les traditions séculaires fortement ancrées dans les attitudes et les pratiques pour assurer à tous les enfants la pleine jouissance de leurs droits. Ainsi, l'information du public à travers les media et les divers supports de communication, la vulgarisation du cadre juridique existant, l'opération `'carton rouge pour le travail des enfants'' et la célébration depuis 2002 au Cameroun de la journée mondiale de lutte contre le travail des enfants chaque 12 juin, participent à une solide politique préventive contre le travail des enfants246(*).

Outre l'universalité de l'éducation à travers la suppression des frais exigibles à l'école primaire publique, le Gouvernement oeuvre davantage pour l'amélioration du rendement interne du système éducatif en réduisant les déperditions scolaires notamment les redoublements et les abandons scolaires. Il procède par des mesures incitatives telles que la réduction ou la suppression effective de tous les frais au niveau de l'enseignement de base. Mais ces mesures qui atteignent le point culminant de la phase d'expérimentation ne sont pas déjà des acquis.

Comme politique active et pragmatique, le droit camerounais comporte de nombreuses dispositions réprimant le travail des enfants ainsi que tous les phénomènes connexes. Sur dénonciation d'un tiers ou de l'enfant lui-même, sur signalement d'un travailleur social ou par détection de l'inspecteur du travail au cours de ses descentes de routine auprès des employeurs, les tribunaux sont souvent saisis de cas qualifiés de `'pires formes de travail des enfants''. Ils sévissent donc en conséquence pour punir les atteintes aux droits de l'enfant. Ce tableau l'atteste parfaitement247(*).

Tableau n°25 : Répartition des prévenus et condamnés pour enlèvement de mineurs au Cameroun, 1952-1953.

Années

Prévenus

Jugés

Acquittés

Condamnés

Hommes

Femmes

 

1952

12

5

17

7

10

1953

10

4

14

1

13

Total

22

9

31

8

23

Source : Tableau conçu d'après les données issues des rapports annuels de l'ONU, des années 1952 et 1953.

Ces données traduisent de façon claire que les enfants sont sans cesse victimes de trafics ou de traite dans le seul but de leur mise au travail précoce et brutale et en vue de l'exploitation de leur travail. C'est ainsi que convaincu que `'la peur du gendarme est le commencement de la sagesse'', le législateur camerounais s'est voulu très sévère à cet égard. A titre illustratif, l'article 5 de la loi n°2005/015 du 29 décembre 2005 relative à la lutte contre la traite et le trafic d'enfants, punit les auteurs de traite et de trafic d'enfants à une peine d'emprisonnement de 15 à 20 ans et d'une amende de 100.000 à 10.000.000 de francs CFA248(*).

b- La prise en charge des victimes

Cette prise en charge relève du domaine du MINAS qui a ouvert des centres d'accueil et mis à disposition des travailleurs sociaux, la prise en charge psychosociale, les enfants travailleurs constituent l'un des éléments majeurs de leur traitement. Dans la perspective de l'identification des cas existants, de nombreux programmes et projets sont élaborés par le gouvernement camerounais avec l'appui des bailleurs de fonds nationaux et internationaux. On cite à cet égard :

Ø L'adoption depuis 1996 d'un `'Plan d'action de lutte contre le travail des enfants'', sous l'impulsion du Ministère du Travail et de la Prévoyance Sociale de l'époque en partenariat avec le BIT249(*). Ce plan d'action porte sur l'amélioration et le renforcement de la législation sur le travail des enfants, la promotion de l'éducation et de l'apprentissage ;

Ø Le projet conjoint MINAS - Croix rouge de Belgique pour la réinsertion socio-économique des enfants de la rue à Yaoundé. Voici ce que relate la presse au sujet de ce projet :

Les parties conviennent d'un objectif quantitatif annuel évalué à la prise en charge globale de cent cinquante enfants des rues (réunification familiale, accueil en institution, formation professionnelle). Ces enfants s'entendent comme : enfants en rupture plus ou moins totale avec le milieu familial, âgés de six à dix-huit ans, exclus de la famille pour des raisons structurelles profondes (remariage, divorce, décès, pauvreté extrême). L'action privilégie, sans exclusion, la prise en charge des enfants des rues satisfaisant à certains critères : être âgé de moins de 14 ans, avoir vécu moins de 12 mois dans la rue et ne pas avoir consommé de drogues dures, ne pas avoir de passé carcéral250(*).

Après une phase d'implantation 2001-2003, le projet a atteint son rythme de croisière en 2004-2005 réalisant son taux de réinsertion de 180 à 220 enfants par an alors que l'objectif annuel était de 150 enfants251(*). Compte tenu de ces capacités d'actions curatives contre le travail des enfants, plusieurs de ces anciens travailleurs précoces réinsérés sont coupés du monde du travail pour un monde d'éducation et de formation qui devait initialement être le leur ;

Ø Le protocole d'accord de partenariat MINAS-IPEC au Cameroun conclu entre le gouvernement de la République du Cameroun et le BIT
le 22 octobre 2004 qui comporte deux projets dont l'un sur la lutte contre le travail des enfants des cacaoyères notamment dans les zones rurales et l'autre sur la lutte contre le trafic des enfants à des fins d'exploitation de leur travail en Afrique de l'Ouest et du Centre : LUTRENA252(*).

Photo n°13 : Coordonnatrice Nationale du projet LUTRENA au Cameroun: Mme Yolande FOUDA MANGA.

Source : http://sejed.revues.org/document353.html

De ce fait, un plan d'action en faveur de la prise en charge des enfants victimes de trafic et de traite a été mis sur pied ainsi qu'il suit :

Tableau n°26 : Plan national d'action de retrait et de réhabilitation des enfants victimes de trafic au Cameroun.

DOMAINE DE RETRAIT ET DE REHABILITATION DES ENFANTS VICTIMES DE TRAFIC

Objectifs

Retirer et prendre en charge des enfants affectés

Activités

Agences d'exécution

Calendrier

Ø Elaborer des manuels de prise en charge des enfants et guide d'orientation

Cellule appuyée par le METPS, le MINAS et les ONG

Janvier - juin 2001

Ø Elaborer un paquet minimum des services pendant l'accueil de l'enfant trafiqué

Cellule appuyée par le MINAS et les ONG

Janvier - juin 2001

Ø Inventorier et évaluer les structures d'apprentissage

MINAS

Janvier - juin 2001

Ø Inventorier et évaluer les structures d'encadrement des enfants en situation difficile

MINAS

Janvier - juin 2001

Ø Elaborer les procédures de retrait des enfants affectés

MINAS

METPS

DGSN

Janvier 2001- juin 2002

Ø Prévoir dans les budgets des différents départements ministériels impliqués, les crédits nécessaires à la mise en oeuvre du plan national d'action de lutte

Tous les partenaires concernés

A partir de février - mars 2001

Ø Elaborer les solutions alternatives en vue du retrait des enfants victimes du trafic

Cellule appuyée par le METPS, le MINAS et les ONG

Janvier - juin 2001

Ø Contrôler systématiquement le déplacement des mineurs

 
 

Ø Créer, encourager la création et assurer le fonctionnement des structures d'accueil

MINAS

ONG

 

Ø Organiser les mécanismes de dénonciation et assurer la protection des éventuels dénonciateurs

MINPOSTEL

ONG

Janvier 2001- décembre 2002

Ø Elaborer les critères d'évaluation des situations nécessitant intervention

MINAS

METPS

DGSN

Janvier - juin 2001

Ø Renforcer les capacités financières, techniques et organisationnelles des structures d'accueil des enfants

MINAS et autres donateurs

 

Ø Prendre des mesures de sécurisation des intervenants

 

Janvier - juin 2001

Ø Renforcer les moyens financiers, matériels et humains des institutions partenaires

Ministère des investissements publics

MINEFI

Janvier 2001

Ø Procéder au retrait des enfants affectés

MINAS

METPS

MINJUSTICE

DGSN

A tout moment au cours du processus

Ø Créer de nouveaux postes frontières à la Sûreté Nationale

DGSN

 

Ø Créer des sections des mineurs au sein des unités de police chargées du contrôle transfrontalier

DGSN

Janvier - juin 2002

Ø Créer un service des mineurs à la Direction de la Police des Frontières

DGSN

Janvier 2001- juin 2002

Source : Tableau conçu à partir des informations contenues dans le Rapport de l'atelier sous- régional à Cotonou au Bénin intitulé : `'combattre le trafic des enfants à des fins d'exploitation de leur travail en Afrique de l'Ouest et du Centre'', 18 au 20 juillet 2000, pp.30-31.

Le 28 novembre 2005, il y a eu la signature par le MINTSS de l'arrêté n°068/MINTSS portant création d'un comité national de mise en oeuvre de l'IPEC253(*).

La synergie de toutes ces actions a certes donné des répercussions positives.

Malgré ces instruments juridiques et l'ensemble des différentes actions qui les supportent et qui tendent à protéger les enfants, la problématique du travail des enfants est d'actualité. Toutefois, une approche parallèle de réglementation du travail des enfants dans la ville de Yaoundé s'oppose à l'éradication complète et propose un réel débat sur la question de l'abolition répondant à un certain nombre de circonstances réelles. Car il est constaté que le principe de base de toutes ces actions se situe au niveau de la protection des jeunes travailleurs et la mise à l'écart des enfants du monde du travail. Deux types de principes qui participent à l'ouverture d'un grand débat.

II- DEBAT AUTOUR DE L'ABOLITION DU TRAVAIL DES ENFANTS : POUR UNE REGLEMENTATION DE L'UTILISATION DE LA MAIN-D'OEUVRE INFANTILE.

Ce débat oppose essentiellement les abolitionnistes aux non abolitionnistes. Il a pour but de trouver une forme décente du travail des enfants. Il est clair que les textes sont précis et formels, mais le problème réside au niveau des pratiques sociales, et de l'évolution matérielle du phénomène. Dans ce sens, des voix se sont élevées pour réclamer une analyse plus nuancée de ce problème. Elles appellent à faire la distinction entre un travail sain et un travail relevant de l'exploitation, tandis que d'autres restent convaincus que ce phénomène doit être éradiqué dans sa totalité et tiennent la position contraire pour un manque de volonté politique254(*). Ainsi, pour comprendre le débat actuel sur le travail des enfants, il nous faut aller plus en avant dans les arguments de chaque partie, tout en accordant une grande importance à l'avis des enfants travailleurs eux-mêmes sur cette question. De ce fait, quels sont ces arguments avancés pour la défense de l'une ou de l'autre position ?

* 215

_
INS, `'Rapport national sur le travail des enfants au Cameroun'', Yaoundé, BIT-IPEC, décembre 2008, p.49.

* 216

_ E., de Tayo, `' Le travail des enfants au Cameroun : gare à l'amalgame'' Afrique intègre, un peuple fier dans un continent prospère, lundi 5 janvier 2009, p.14.

* 217

_
OIT/BIT, Le travail des enfants : un manuel à l'usage des étudiants, Turin, Centre de Turin, 2004, p.20.

* 218

_
L. Djuimukam, `'La main-d'oeuvre infantile...'', p.92

* 219

_
E., de Tayo, `' Le travail des enfants au Cameroun : gare à l'amalgame'', Afrique intègre, un peuple fier dans un continent prospère, lundi 5 janvier 2009, p.1.

* 220

_Une célèbre citation de Claude Voltaire contenue dans son oeuvre littéraire Candides.

* 221

_
Ibid, p.93.

* 222

_
Ibid, p.21.

* 223

_
C. Meillassoux, `'Précis d'exploitation des enfants'', p.166.

* 224

_
Anonyme, environ 65 ans, employeur d'enfants, Yaoundé, 11 décembre 2009.

* 225

_
OIT/BIT, Le travail des enfants..., p.19.

* 226

_
MINAS, `'Contribution du Minas sur le travail des enfants lors de la rencontre annuelle sur le dialogue politique structuré Cameroun - Union Européenne'', Yaoundé, 2005, p.3.

* 227

_
Ibid, p.11.

* 228

_
Anonyme, environ 15 ans, laveur de voitures, Yaoundé, 12 janvier 2010.

* 229

_
IPEC, WACAP/CAMEROUN, `'Lutte contre le travail des enfants, conventions 138, 182 et 184 de l'OIT'', Yaoundé, 2007, p.7.

* 230

_
ANY, Journal Officiel du Cameroun Français, n°1005, 13 janvier 1953, p.73.

* 231

_
S. C., Abéga, et al., La traite des enfants à des fins d'exploitation de leur travail au Cameroun, Yaoundé, BIT-IPEC-LUTRENA, 2005, p.126.

* 232

_
INS, `'Rapport national sur le travail des enfants au Cameroun'', Yaoundé, BIT-IPEC, décembre 2008, p.9.

* 233

_
Ibid, p.127.

* 234

_
ANY, Journal Officiel du Cameroun Français, n° 1005, 13 janvier 1953, p.642.

* 235

_
INS, `'Rapport national sur le travail des enfants au Cameroun'', Yaoundé, BIT-IPEC, décembre 2008, p.10.

* 236

_
Magazine Travail, `'La fin du travail des enfants : des mêmes voix, un espoir partagé'', Genève, BIT, n°61, Décembre 2007, p.4.

* 237

_
A. Cadiou, `'Le travail des enfants'', Mémoire pour le diplôme d'études approfondies en droit privé, Université de Nantes, juin 2002, [en ligne].

* 238

_
ABC des Nations Unies, New York, 2001, p.273.

* 239

_
BIT-IPEC, `'L'action de l'IPEC contre le travail des enfants : Réalisations, leçons tirées et indications pour l'avenir (1998-1999)'', Genève, octobre 1999, p.3.

* 240

_
En ligne, http://ilo.org/ipec/action/lang--french/index-htm, `'Action contre le travail des enfants''.

* 241

_
OIT/BIT, Le travail des enfants : un manuel à l'usage des étudiants, Turin, Centre de Turin, 2004, p.215.

* 242

_
MINAS, `'Contribution du Minas sur le travail des enfants lors de la rencontre annuelle sur le dialogue politique structuré Cameroun - Union Européenne'', Yaoundé, 2005, p.8.

* 243

_
Nke Célestine, 44 ans, Travailleur social, Yaoundé, 12 janvier 2010.

* 244

_
Wikipedia, L'encyclopédie libre, `'Travail des enfants'', p.23.

* 245

_
Ibid, p.24.

* 246

_
MINAS, `'Contribution du Minas sur le travail des enfants ...'', p.8.

* 247

_
ANY, Rapport Annuel de l'ONU, 1952, 1953, p.307, p.313.

* 248

_
MINAS, `'Contribution du Minas ...'', p.8.

* 249

_
Ibid, p.8.

* 250

_
M., Morelle, `'La rue des enfants, les enfants des rues. L'exemple de Yaoundé (Cameroun) et d'Antananarivo (Madagascar)'', thèse de doctorat en géographie, Université Paris I Panthéon Sorbonne, 2004 p.11.

* 251

_
M. Morelle, `'La rue des enfants, les enfants...'', p.9.

* 252

_
Ibid, p.9.

* 253

_
F. Fouedjio, `' Travail des enfants de 5 à 14 ans et rendement scolaire au Cameroun'', mémoire d'ingénieur statisticien, ISSEA, 2006, p.34.

* 254

_
P. ROBIN, `'La politique de lutte contre l'exploitation du travail des enfants et les principes de « spécificité des droits de l'enfant » et « d'intérêt supérieur de l'enfant »'', mémoire de fin d'études, Institut d'Etudes Politiques de Lyon, 2003-2004.

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