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Analyses des blocages de l'introduction des langues nationales dans l'enseignement élémentaire formel au Sénégal: étude dans la commune de Fatick

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par pape samba gueye
Université Gaston Berger de Saint-Louis - Master 1 2010
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE GASTON BERGER DE SAINT-LOUIS

UFR DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

SECTION DE SOCIOLOGIE

Mémoire de Master 1

PARCOURS : FAMILLE ET EDUCATION

THEME : EDUCATION FORMELLE ET LANGUES NATIONALES

SUJET : Analyse des blocages de l'introduction des langues nationales dans l'enseignement élémentaire formel au Sénégal : étude dans la commune de Fatick.

Présenté par : Sous la direction de :

Pape samba GUEYE Dr Fatou DIOP SALL

pape_samba2005@yahoo.fr Chargée d'enseignement

Année académique 2009-2010

Dédicaces

Je dédie ce travail à :

Mes parents et ma famille qui m'ont tant encouragé et soutenu durant tout mon cursus scolaire et universitaire.

Aux regrettés Joseph KI-ZERBO et cheikh Anta DIOP pour leur ferme dessein d'une éducation endogène basée sur les langues africaines.

A tous les étudiants africains conscients que le devenir de l'Afrique est entre nos déterminations cognitives et citoyennes.

Remerciements

Je remercie plus particulièrement ma directrice, Madame Fatou DIOP SALL pour son attention particulière pour la réalisation de ce document.

Je remercie également le Docteur Aly TANDIAN qui m'a inspiré certaines bases méthodologiques depuis ma licence.

Je remercie tous les professeurs de la section de sociologie qui m'ont donné une formation sociologique sans remords.

Mes remerciements aussi à tous les professeurs de l'université Gaston Berger qui m'ont fait part de leurs remarques ou suggestions pour une bonne finesse de cette recherche.

Je remercie très sincèrement ma personne ressource, l'inspecteur Mass DIEYE et sa famille, qui étaient insensibles aux dérangements de mes visites méthodologiques.

Je remercie très obligatoirement ma famille qui, sans elle, je pourrai ne pas avoir l'occasion et la volonté de fréquenter la sphère de l'enseignement supérieur.

En fin, mes remerciements loyaux à toutes les personnes qui, consciemment ou inconsciemment, ont participé à la réalisation de cette recherche.

Sommaire

Dédicaces et remerciements

Introduction générale .... ....................................................................... 4

Première partie : cadre d'analyse théorique et démarche méthodologique .......... 7

Chapitre 1 : cadre d'analyse théorique ................................................... 7

Chapitre 2 : démarches méthodologiques ................................................ ... 36

Deuxième partie : présentation du champ de l'étude ................................. 41

Chapitre 3 : présentation de la commune de Fatick...................................... 41

Troisième partie : présentation des résultats obtenus ...................................53

Chapitre 4 : analyses et exégèses des résultats de la pré-enquête..................... 53

Conclusion générale : perspectives de recherche en Master 2.......................... 60

Bibliographie générale ...........................................................................62

Table des matières

Annexes

Introduction générale

L'objet de notre recherche consiste à analyser les facteurs de blocages liés à l'introduction des langues nationales dans le système éducatif formel du Sénégal. En d'autres termes, nous nous proposons de décrypter, les « goulots d'étranglement », les facteurs ou les éléments empêchant la modélisation de l'introduction des langues nationales dans le système éducatif sénégalais.

Ainsi, de prime abord, nous nous sommes posé la question de savoir : pourquoi nos langues nationales ne sont jusqu'à présent introduites à l'école formelle malgré toutes les politiques linguistiques et éducatives faites à leur égard.

Le Sénégal, `'indépendant'' depuis cinquante ans a, à son sein une multitude de langues dites vernaculaires et une langue officielle. Son comportement éducatif et administratif reste depuis toujours déterminé par cette dernière, synonyme d'asphyxie pour les autres qui semblent être d'importants vecteurs de transmission de connaissance.

C'est dans ce sens que des politiques de codification et d'introduction des langues autochtones dans l'enseignement étaient entreprises depuis le début des indépendances par l'Etat du Sénégal. Ainsi, de la période des six(06) langues codifiées (1960-1971) jusqu'à celle de la massification avec dix neuf (19) langues codifiées (1971-2001), le Sénégal n'est pas parvenu à intégrer les langues déjà codifiées dans l'enseignement formel ; qu'il s'agisse dans l'éducation élémentaire comme dans l'enseignement moyen secondaire et universitaire.

Dans les années 1977-1984, cette politique d'introduction est entreprise par une mise à l'essai des classes dites `'télévisuelles'' qui se sont vouées à l'échec. Dans les années 2000, une nouvelle posture d'expérimentation, avec les `'classes expérimentales'', a été mise en oeuvre pour introduire formellement les langues nationales de l'enseignement primaire. Mais aussi cette deuxième et dernière tentative est remise aux calendes grecques pour plusieurs motifs.

En effet, suivant notre problème de recherche consistant à analyser les blocages structurels liés à l'introduction de nos langues dans l'enseignement primaire formel dans un contexte où lesdites langues sont, pour la plupart, usitées informellement (et avec atouts) dans tous les secteurs ou instances éducationnels et administratifs  sénégalais, nous avons comme objectif de déterminer et d'analyser les blocages structurels qui empêchent le Sénégal de les introduire dans le système d'enseignement formel afin que les politiques prévues soient plus revues, sérieuses et renforcées. Nous voulons par ailleurs, éveiller les `'consciences scientifiques'' sur la dynamique d'un enseignement via nos langues nationales afin qu'elles puissent analyser scrupuleusement l'enjeu de nos valeurs linguistiques pour un développement socioéducatif capable de nous enraciner dans nos us et de nous permettre ensuite de s'ouvrir au monde.

C'est pourquoi nous avons émis comme hypothèses de recherche : les causes de la non-introduction des langues nationales dans l'éducation formelle au Sénégal ne sont pas uniquement liées à des problèmes socioculturels, économiques ou didactiques, mais plutôt à une velléité politique linguistique des décideurs politiques sénégalais qui reproduisent la violence symbolique linguistique hélas véhiculée par l'administration coloniale. Et selon les représentations faites sur langues nationales par la société sénégalaise, leur usage dans l'enseignement formel apparait comme une régression socioéducative.

En fait, pour la vérification de nos conjectures de travail nous avons entrepris une démarche qualitative pour comprendre, analyser et interpréter les discours de certains professionnels de l'éducation (enseignants, inspecteurs de l'éducation, syndicalistes de l'enseignement...) de la commune de Fatick.

La commune de Fatick qu'est notre cadre physique est dans le département de la région situé à 42 kilomètres de la région de Kaolack et à 62 kilomètres du département de Mbour (région de Thiès).La commune, à l'instar du reste du Sénégal, est déterminée par la présence de plusieurs langues locales /nationales et son comportement éducationnel de base reste marqué par le truchement uniquement de la langue française même si quelques écoles élémentaire franco-arabes privées y ont vu le jour.

En effet, notre étude s'articulera autour de trois grands axes pour répondre à ses préoccupations. Elle part du cadre d'analyse théorique à l'analyse et l'exégèse des résultats de l'enquête, via la démarche méthodologique.

Toutefois, cette étude comme toute autre n'est pas réalisée sans difficultés. Celles-ci sont d'ordre épistémologique et méthodologique.

La complexité du fait étudié nous a bercé de biais épistémologiques et méthodologiques dans la mesure où les langues nationales dans l'enseignement formel posent une problématique dont les solutions ne sont pas encore à la portées des populations.

D'abord, le thème a un caractère sensible et peu préoccupant ; sensible dans le fait qu'il laisse remarquer certaines valorisations particulières d'une langue vernaculaire au détriment des autres par nos enquêtés ;peu préoccupant parce que nombres de sénégalais n'ont ni la volonté ni la conviction que ce thème soit un objet d'étude ou une question de recherche :est-il nécessaire de signaler le désaveu de certains intellectuels qui, après sollicitation de notre part pour leurs suggestions sur le thème , affichent leur désintéressement presque  total?

Aussi, durant notre observation nous avons noté dans le discursif de nos cibles, un certain amalgame redondant entre scolarisation en langues nationales et alphabétisation.

Par ailleurs, se posait la difficulté de joindre nos cibles ou de les faire parler dans le fond des choses en vue de démasquer le sens codé.

Aussi, il faut rappeler que la relation d'enquête n'était pas du tout facile à établir dans la mesure où la quasi-totalité de nos répondants avait un âge très avancé que nous, d'ou la présence d'une pudeur de poser le débat et d'insister sur les non dits.1(*)

En fin, notre guide méthodologique pour les entretiens n'est pas trop fiable pour capter toute l'intelligibilité des réponses fournies du fait qu'il prenait seulement en compte les professionnels de l'éducation, or le discours de tous les acteurs socioéducatifs(parents d'élèves, élèves, infirmier...) pourrait être des bases heuristiques.

Mais, quelles que délicates qu'elles eussent été, ces difficultés ont été contournées en adoptant quelques modalités de résolution afin d'apporter des éléments de réponse à notre objet de recherche. Il s'agissait plus particulièrement de canaliser nos enquêtés dans le vif de notre sujet.

Première partie : cadre d'analyse théorique et démarche méthodologique

Chapitre 1 : cadre d'analyse théorique

I-1.Construction de l'objet de recherche

L'éducation est et a toujours été un enjeu majeur dans la vie des sociétés humaines. En cela, elle est selon Durkheim : « l'action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez l'enfant un certain nombre d'états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et de sa société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné » (Durkheim, Education et Sociologie (1922)).Par l'éducation, l'homme approfondit ses connaissances sur son environnement et transforme le savoir ainsi acquis en aptitudes professionnelles, donc en capacité de maitrise sur ses propres conditions matérielles d'existences.2(*) Par elle, l'homme est capable de retracer son passé, de revitaliser son présent et d'orienter son futur. C'est à ce titre que depuis 1948, avec la déclaration universelle des droits de l'Homme, il y est mentionné :

« Toute personne a le droit à l'éducation .L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé, l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.

L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect du droit de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.

Les parents, ont par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants. » (Article 26).

Ainsi, cette dernière sentence semble être peu prise en considération dans les pays africains qui, par leurs politiques gouvernementales et socioprofessionnelles, incitent les populations à se conformer, parfois contre leur gré au système éducatif formel au moyen de la langue de l'ancienne métropole au détriment des langues maternelles africaines (nationales ou locales).Ainsi comme le rappelle Gerbi HESSELING: « on parle beaucoup actuellement de violations des droits de l'homme. Mais il me semble qu'une des violations les plus fondamentales de ces droits est d'imposer à ceux qui veulent s'instruire l'utilisation d'une autre langue que la leur (...)on peut avancer de nombreux arguments pour soutenir que l'enseignement dans la langue maternelle doit - ou devrait - constituer un droit fondamental » 3(*).Ce qui laisse voir un forçage de système aux populations qui devraient orienter leur choix selon les modalités et les capacités linguistiques appropriées à leur contexte sociohistorique. C'est dire qu'il existe un déphasage entre le système éducatif africain et son contexte sociohistorique dans la mesure où l'expertise africaine est incapable de se dévoiler au moyen des langues empruntées ou qui nous ont été imposées. C'est à ce titre que beaucoup de chercheurs africains, depuis les indépendances, ont eu le sentiment voire le sacerdoce de repenser le statut des langues africaines, leur considération, leurs impacts sur le comportement sociétal...

La question des langues nationales africaines et de leur enseignement, voire de leur officialisation sont une problématique qui implique le continent dans son ensemble. Depuis la colonisation jusqu'à nos jours les pays africains sont marqués par une hybridité linguistique concernant d'une part les langues des colons (britannique, portugais, français..) et d'autre part les langues endogènes ou locales. Ainsi, depuis les indépendances, beaucoup de chercheurs et de penseurs africains ont le réel sentiment de procéder à une sensibilisation pour le recours à nos langues sans lesquelles il n'y aura point de repères vers le progrès. Mais cette situation tant souhaitée est remise aux calendes grecques. A la fin de la colonisation, la plupart des pays africains ont compris que le recours aux langues autochtones africaines peut constituer un enjeu majeur pour le comportement éducatif, socioculturel et économique de l'ensemble des pays de l'Afrique. Pour ce faire, il requiert donc pour certains d'incorporer en fond les langues locales dans le système éducatif formel, pour d'autres il nécessite d'adopter un système éducatif basé sur les langues nationales.

Dans les années 1990, cette perspective est soulevée par Joseph KI ZERBO lorsqu'il mentionne : « l'éducation est une fonction de reproduction et de dépassement social indispensable au progrès de tout pays. Quand cette fonction est abolie, il se produit un dépérissement profond dans le métabolisme de base de la société. C'est le cas en Afrique, où l'école, au lieu de reproduire les sociétés à un niveau supérieur contribue à les mettre en pièces détachées. L'appareil éducatif, au lieu d'être un moteur, est une bombe à retardement qui, compte tenu de la flambée démographie, épuise les ressources économiques sans contre partie suffisante, désintègre les structures sociales et stérilise les cultures »4(*).voilà donc comment KI ZERBO a analysé l'école africaine dans son ensemble qui, vu son déphasage avec nos réalités sociales, ne reflète guère notre identité socioéconomique.

Au Sénégal, depuis l'indépendance, des politiques sur les langues nationales ont été, avec contraste, avancées en vue de leur `'promotion'' dans un système éducatif.

Dans cette optique, l'Etat s'engage dans une perspective de consolidation de l'unité nationale, de construction nationale et ambitionne de prendre en charge l'ensemble des impératifs politiques et socio éducatifs (`'Etat -providence'') en vue de l'instauration d'un `'Etat fort''.

Au plan éducatif, surtout l'école, l'Etat sénégalais avait jugé suffisant au moment de son accession à l'indépendance l'héritage colonial d'un enseignement prétendu moderne avec taux de scolarisation satisfaisant. Il omettait cependant la valeur du contenu de l'école prise sous l'angle socioculturel avec ses impacts dans la société, en reproduisant les valeurs de l'école blanche dont le dessein était d'effacer progressivement les cultures sociales des colonisés. En effet, comme le pense Abdou SYLLA, l'Etat a manqué au début des indépendances :

« Une politique éducative définissant de manière précise les principes et les finalités (....) de l'école sénégalaise, un plan de développement de l'école qui détermine avec précision les phases de son développement avec des projections à cout, moyen et long terme(...) ; il était remarquable que l'école nationale sénégalaise post indépendante soit une simple excroissance, un appendice de l'école française ».5(*)

L'analyse de SYLLA suggère que les langues nationales étaient hors programme en ce qui concerne leur insertion dans l'enseignement dans la mesure où l'élite sénégalaise a maintenu l'enseignement avec la langue occidentale. Mais ce n'est qu'à partir des contestations de Mai 1968 que l'exigence de réforme de l'école se note.

Dans le domaine linguistique, des programmes de revitalisation des langues nationales, avec notamment les décrets des transcriptions, ont vu le jour. En 1968 , le décret n°68-871 relatif à la transcription des langues nationales a été abrogé puis remplacé par celui du 21 mai 1971(n°71-566) et complété par le décret n°72-702 du 16 juin 1972. Le gouvernement a décidé de l'abroger pour les motifs tels que les suggestions adressées au chef de l'Etat par les linguistes, grammairiens ou simples particuliers. Bien avant cette période, SENGHOR6(*), jeune professeur en 1937, réclamait l'introduction des langues nationales dans l'enseignement. Ce qui sera à l'endroit des nombres de critiques venant de certains cadres africains et de l'administration coloniale.7(*)Mais notons que ces litiges ne découragent guère les chercheurs et politiques qui croient aux valeurs de nos langues nationales. Ainsi les politiques envers elles sont renforcées de gouvernement en gouvernement, c'est-à-dire à l'arrivée de chaque nouveau Chef d'Etat. Cependant, malgré cet engouement, nos langues restent davantage au plus bas niveau à l'échelle planétaire. Comment sommes-nous arrivés à ce stade ? Quelles politiques ont subies nos langues nationales ? Quels atouts économiques et socioculturels peuvent -elles regorger si elles sont prises en considération dans l'enseignement formel?

Ces interrogations si lapidaires nous permettent de faire recours à un diagnostic situationnel des langues nationales depuis la période coloniale jusqu'à nos jours.

Comme nous le savons, la colonisation est un processus de domination politique, d'exploitation économique et d'assimilation culturelle d'un pays par un autre. En Afrique, ce processus était dûment assuré par les colonisateurs qui orientaient leur politique de domination et d'assimilation le plus souvent sur la sphère culturelle dont le point de départ constitue la langue. Ainsi l'Afrique francophone était plus exposée à cette forme de politique coloniale (le `'direct rule'').Cette période de l'expansion française, appelée par KI-ZERBO, « l'âge d'or des étrangers », consistait en une mainmise par les colons sur l'économie, les structures politiques, la culture et l'éducation.

Sur le plan économique, il s'agit de tirer le maximum de terres conquises, de rentrer dans ses fonds ; c'est en fait la `'doctrine `'coloniale d'Albert Sarraut en 1923 qui présente les colonies comme le recours décisif qui relèvera la France des misères de la guerre.8(*)Cette politique économique coloniale a changé le comportement intellectuel et socioéconomique des populations africaines. Rappelons ces propos de KI-ZERBO : « En générale, la colonisation a mis en train un processus de transformation intérieure. Des sociétés closes et repliées sur elles -mêmes sont déjà travaillées par le levain de l'argent et des idées nouvelles. La propreté privée connue jusque-là s'implante surtout dans les zones côtières et dans les villes. La dot versée à la fiancée, jusque-là symbole et lien, se transforme surtout dans les villes en un prix comme les autres ».

Sur le domaine sociopolitique, la France contrôlait l'Afrique de l'Ouest qui égalait neuf fois sa propre superficie, soit cinq millions de kilomètres carrés. Deux ensembles composaient les territoires français : les territoires de l'A.O.F (Sénégal, Mauritanie, Guinée, Cote d'Ivoire, Niger, Dahomey, Soudan et Haute Volta) et ceux de l'A.E.F (Congo, Gabon, Oubangui-Chari et Tchad).A la tête de ce système il y'avait le ministre des colonies, responsable de l'administration coloniale devant l'assemblée nationale.il était représenté dans chaque fédération par un gouverneur général, ordonnateur du budget fédéral, maître des forces armées et chef des services administratifs centraux de la fédération. Le gouverneur conduisait le travail pratique par un réseau de commandants de cercle, ultérieurement secondés par des chefs de subdivision.

Par ailleurs, la société africaine colonisée connaît une hiérarchisation mettant en oeuvre deux classes sociales :''les citoyens'' et les `'indigènes''.Les premiers étaient favorisés par rapport à leur statut social et intellectuel. C'est le cas par exemple des natifs de quatre communes du Sénégal (Saint Louis, Gorée, Dakar et Rufisque) qui ont la citoyenneté française.

L'éducation ou plutôt l'enseignement des peuples africains colonisés demeure oppressif dans la mesure ou le système éducatif était inégalement réparti et asservissait les valeurs africaines. L'enseignement laïque avait été crée par Faidherbe. Il est organisé en A.O.F par l'arrêt de 1903 prévoyant l'école de village, l'école régionale pour la préparation du C.E.P.E. et l'école urbaine pour les fils de citoyens. L'enseignement professionnel était donné à l'école Pinet-Laprade de Gorée. L'école normale et l'école primaire supérieure de Saint-Louis (école Faidherbe) deviendra le premier lycée d'Afrique noire, suivi par le cours secondaire Van Vollenhoven de Dakar. Le contenu de cet enseignement fait partie intégrante du système colonial. Il s'agit d'éviter que l'enseignement des indigènes ne devienne un instrument de perturbation coloniale d'où le malthusianisme culturel, les programmes tronqués sacrifiant la culture générale et l'histoire africaine authentique. Les petits wolofs apprenaient à connaître leurs « ancêtres les gaulois » et les Toucouleurs récitaient des leçons présentant EL-Omar comme sinistre agitateur. Les langues africaines sont prohibées dans ces écoles et leur utilisation entraine la mise à genoux dans un coin avec les oreilles d'ânes...9(*) Rappelons nous du fameux `'symbole'' à l'école primaire qui permettait de sanctionner négativement l'élève qui serait le dernier à parler une langue nationale. Il était symbolisé soit par un gros os, soit par un gros bois pour montrer ou faire savoir à la communauté que cet élève n'a pas les aptitudes à manier le français ;et ça devenait une vexation pour ce dernier. Par conséquent, la langue française demeurait à l'égard des colonisés francophones `'une contrainte sociale'' suivant la conception durkheimienne dans la mesure où, ces derniers étaient libres de ne pas parler le Français mais ils ne pouvaient pas faire autrement. En effet, est-il inutile de rappeler que la langue française est imposée à toute l'Afrique francophone sous domination coloniale ? Il nous est possible alors de rappeler le processus d'aliénation, de substitution et d'institutionnalisation des langues coloniales eu égard aux langues autochtones africaines.

Au Sénégal, à l'instar des autres pays d'Afrique francophone, la colonisation a battu son plein durant des siècles. Les recherches scientifiques témoignent de la présence humaine sur le territoire du Sénégal depuis des milliers d'années. L'apparition des métaux date d'au moins 500 ans avant notre ère, mais la fondation de royaumes sénégalais est plutôt récente, soit avant le VIIème siècle. L'islam est alors apparu dans la région occasionnant de nouveaux royaumes musulmans. Aux IXème siècles, les toucouleurs s'installèrent dans le Fouta-Toro et la vallée du Sénégal. Le puissant royaume du Tekrou, pour sa part, domina l'est du pays à partir du XIème jusqu'au XIVème siècle.

Les premiers Européens à fréquenter la région furent les portugais qui, en 1444, atteignent l'embouchure du Sénégal et l'archipel du cap -vert. Ce fut le début des relations commerciales avec les Européens. Les portugais s'installèrent à Gorée, une petite ile à trois kilomètres au large de Dakar, qui, pendant très longtemps, constituera l'entrepôt principal de la traite négrière. Après 1600, les portugais furent chassés par les hollandais et les français, ces derniers dominèrent vers 1700 le commerce de la région côtière. Un premier comptoir français, fortifié, fut installé en 1959 sur l'île de Ndar, à l'embouchure du fleuve Sénégal : ce fut la ville de Saint-Louis fondée par Louis Caullier, agent de la compagnie du Cap-Vert et du Sénégal, en hommage au roi de France, Louis XIV, alors souverain régnant. Malgré la rivalité franco-britannique et de nombreux conflits à la fin du XVIIème siècle et durant tout le XVIIIème siècle, l'influence française s'étendit dans toute la région, hormis la Gambie. Après une brève occupation britannique (1758-1779 et de 1809-1814), le Sénégal redevint français. Saint-Louis resta un centre actif du commerce des esclaves durant tout le XIIIème siècle. Autour de 1789, la ville de Saint-Louis comptait au moins 10 000 habitants (6000 Noirs ; résidents permanents ,1200 mulâtres, 300 esclaves et quelques 600 Européens, y compris la garnison).Il y eut de nombreux mariages mixtes, car il était interdit aux européens qui se rendaient en Afrique d'amener leur femme et leurs enfants. Plusieurs commerçants et trafiquants blancs laissèrent un héritage important à leur femme et leurs enfants, qui prirent le nom d' « enfants du pays ».La France n'abolit l'esclavage qu'en 1848.

Le général Louis Faidherbe (1818-1889) fut nommé gouverneur du Sénégal en 1854.Il entreprit la réunification du pays10(*) en repoussant les Toucouleurs à l'Est du Haut Sénégal (1855-1863), rejeta les maures au nord du fleuve, puis en 1858 il annexa le pays des wolofs (à l'époque : Yolofes).De retour à Saint-Louis, il décida de relier cette ville au Cap-Vert. En 1895, le Sénégal devint officiellement une colonie française administrée depuis Saint-Louis.

Après la seconde guerre mondiale, une assemblée territoriale fut crée au Sénégal, Léopold Sédar Senghor, l'un des députés du parlement français, domina la vie politique locale de son pays. Le français avait été choisi comme langues officielle durant toute la colonisation française. Donc, force nous est de comprendre que durant toute la période coloniale, les langues africaines en générales et sénégalaises en particulier n'avaient guère d'envergure. Et la politique coloniale a fortement contribué à l'effacement de nos langues dans les secteurs administratifs de l'époque.

En effet, quelle est la situation de nos langues nationales dans un Sénégal indépendant ?

Le Sénégal obtint son indépendance le 18 juin 1960.Après une éphémère fédération sénégalo-malienne, le Sénégal est dirigé par Léopold Sédar Senghor (1906-2001) qui laissera la place à son ancien premier ministre Abdou Diouf. Ce dernier dirigea, en outre, la confédération sénégambienne de 1982 à 1989. Au moment de son indépendance, le Sénégal, comme la plus part des Etats africains francophones nouvellement indépendants, a choisi le français comme langue officielle. Cette clause constitutionnelle signifiait que le français devenait la langue de présidence de la république, de l'assemblée nationale, de l'administration publique, des cours de justice, des forces armées et policières, de l'enseignement à tous les niveaux, de l'affichage, des medias etc. Les dirigeants ont ainsi privilégié la langue qui leur parait la plus immédiatement disponible et opérationnelle. Toute la politique linguistique écrite du Sénégal, à cette époque tenait essentiellement de l'article1 de la constitution qui faisait du français la langue officielle. Par conséquent, le français prenait toute la place dans l'espace politique et socio -économique.

Cependant, le français demeure une langue étrangère parlée par 15% à 20% des sénégalais et par 1% à 2% des sénégalaises. Il est la langue maternelle d'une minuscule élite tout au plus 0,2% de la population du pays.11(*)Ainsi, se demander pourquoi le Sénégal compte un si fort taux d'analphabètes en langue française, revient à se rappeler que 55% des jeunes sénégalais vivent dans les régions rurales et que très peu d'entre eux fréquent l'école ;les enfants étaient considéraient comme des bras supplémentaires aux travaux champêtres. C'est ce qui pourrait expliquer que 80% à 90% des jeunes ne parlent pas français. Par ailleurs, 82% des sénégalais vivant en milieu rural ne savent ni lire ni écrire aucune langue.

La politique linguistique du Sénégal peut être caractérisée en deux volets : d'une part, promouvoir les principales langues nationales pour en faire des langues de culture, d'autre part, maintenir le français comme langue officielle et comme langue de communication internationale. D'ailleurs l'article 1 de la constitution du 7 janvier 2007 le reconnaît officiellement.

Jadis, Léopold Sédar Senghor, dans le décret de 1971, rappelait que la langue officielle est le français et aussi comme langue d'enseignement car, selon lui, vouloir faire des langues nationales un instrument efficace pour l'enseignement des sciences et des techniques peut constituer un retard au rendez-vous de l'An 2000.

Plus tard, en 1991, la loi n°91-22 du 16 février définit les principes généraux de l'éducation nationale mentionnés dans l'article 6 qui stipule :

1-« L'Education nationale est sénégalaise et africaine : développant l'enseignement des langues nationales, instruments privilégiés pour donner aux enseignés un contact vivant avec leur culture et les enraciner dans leur histoire, elle forme un sénégalais conscient de son appartenance et dans son identité ».

2-« Dispensant une connaissance approfondie de l'histoire et des cultures africaines, dont elle met en valeur toute les richesses et les apports au patrimoine universel, l'Education nationale souligne les solidarités du continent et cultive le sens de l'unité africaine ».

3-l'Education nationale reflète également l'appartenance du Sénégal à la communauté de culture des pays francophones, en même temps qu'elle est ouverte sur les valeurs de civilisations universelles et qu'elle inscrit dans les grands courants contemporains ,par là, elle développe l'esprit de coopération et de paix avec les hommes ».

En effet, nous remarquons que cet article est axé nuancement sur la langue française et les langues nationales. Qu'en est-il en réalité ? En d'autres termes, que revêt l'éducation africaine en générale et sénégalaise en particulier face à la domination des langues des anciennes métropoles ?

Nous savons évidement que dans la plupart des pays africains comme au Sénégal, la langue du colon reste toujours officielle. Selon les recherches, seuls un petit nombre de pays ont officialisé leur langue autochtone. Il s'agit de l'Ethiopie (amharic), de la somalie (somali), de la Tanzanie (kiswahili) du Burundi (kirundi), du Rwanda (kinyarwanda) et du Centre-Afrique (sango).Pour sa part, le Mali est doté de plus de huit mille centres d'alphabétisation répartis en six mille cent treize villages dont les alphabétisés participent dans les efforts de développements de leurs milieux (relevés pluviométriques, traitements des champs, enregistrements des décès et des naissances etc. Il a aussi mieux à l'épreuve une « Pédagogie Convergente »(PC) qui consiste à commencer à enseigner en langues nationales tout en introduisant progressivement le Français. Par ailleurs, le Sénégal reste loin eu égard à cette volonté de promouvoir nos langues dans les instances administratives et socio-économiques.

Quelle est la politique linguistique menée par le Sénégal depuis son indépendance jusqu'à maintenant ? Quelles théories ou analyses ont fait les penseurs dans le domaine des langues nationales ? Autrement, comment sont analysées les langues nationales par rapport à leur introduction /adoption dans le système d'enseignement formel sénégalais ?

Ces interrogations ci-dessus requièrent de faire le tour de la question en revisitant l'ensemble des théories ou écrits faits sur le domaine de ces dites langues. Cela nous permettra en outre de positionner la cadre actuel des choses.

I-2.Position du problème

Par leurs langues, beaucoup de pays africains se sont communiqués pour se libérer de la colonisation. Ainsi, depuis ce moment, certains des penseurs africains remarquent la nécessité, la pertinence et l'éminence d'un recours aux langues africaines ; c'est-à-dire leur prise en compte pour une analyse sociolinguistique ou de leur adoption dans un système d'enseignement durable. Pour ce faire tant d'analyses théoriques sont effectuées depuis longtemps par la communauté des scientifiques africains afin de montrer le déphasage existant entre nos langues officielles et l'identité des sociétés africaines.

Notons des penseurs qui ont fait des théories générales pour une éducation endogène africaine s'appuyant sur les langues africaines. A cela, rappelons la vaillante préoccupation de KI-ZERBO lorsqu'il fait savoir que l'Education endogène est absente en Afrique. En d'autres termes, la crise de la société et de l'économie est fondamentalement une crise culturelle. Les cultures doivent être évolutives préparant le changement dans les perceptions, les concepts, les valeurs, les progrès scientifiques et techniques que les sociétés doivent s'approprier et intégrer au point de devenir à leur tour créatrices de ces domaines. S'il  veut vivre, notre continent doit considérer qu'il doit entrer dans le `'temps de l'Education'' dont il faut redéfinir la finalité et le rythme en procédant à une réflexion permanent entièrement tendue vers la recherche d'un mieux-vivre pour le plus grand nombre. Le système d'enseignement africain d'aujourd'hui, inadapté et élitiste, alimente la crise en produisant des inadaptés économiques et sociaux et en dédaignant des pans entiers de la population active. Pour ce constat, il parle de `'déculturation linguistique'' faite par les politiques scolaires coloniales.

Ainsi ,cette posture de Ki-ZERBO est bien comprise par Abdoulaye NIANG12(*) qui le cite dans son article `'l'Afrique dans la renaissance africaine''(2009), lorsqu'il confesse : « nous devons, nous même, essayer d'inventer nos modèles nos concepts et nos stratégies d'attaque... il nous faut faire confiance à nous face aux confiscations qui nous menacent et risquent de compromettre nos efforts »13(*).En d'autres termes, il est obligatoire, nécessaire et possible pour le continent africain, par le truchement de ses propres outils linguistiques, de s'affirmer et de s'auto affirmer au fronton des communautés scientifiques du monde.

Comprenant la pensée de KI-ZERBO nous remarquons qu'il montre que le type d'Education formelle faite en Afrique, au moyen des langues des ex puissances coloniales, constitue un retard pour les sociétés africaines dans la mesure où il favorise des impacts nocifs sur la culture et la société :l'école arrache trop souvent les jeunes à leur milieu social, elle aggrave fréquemment les inégalités sociales et contribue à l'effacement des cultures autochtones. En cela il déclare : « c'est une éducation nouvelle bien enracinée qui peut rendre le sens d'une confiance en soi productrice d'imagination »14(*).Tout compte fait l'analyse de Ki-ZERBO sur la situation linguistique de l'Afrique dans le cadre éducatif était globale pour toute l'Afrique. Il ne prend pas, par ailleurs, en compte les facteurs qui peuvent empêcher sa réalisation.

Par ailleurs, au Sénégal, depuis très longtemps, des analyses ont été au rendez-vous concernant les langues nationales ou locales, l'alphabétisation etc. Au moment même de l'occupation coloniale Lat Dior (1842-1886) dixit en wolof : `'assuma sopp ku naan bonsuur'' (« je n'ai jamais aimé ceux qui disent bonjour »).Ces propos du grand résistant sénégalais laissent comprendre l'opiniâtre refus de l'oppression culturelle voire linguistique par nombres d'africains.

En outre, nous pouvons noter les théories de Cheikh Anta DIOP qui a tant cogité sur la sociolinguistique des langues africaines et le choix unique d'une langue nationale officielle au Sénégal, et ensuite une langue unique pour toute l'Afrique. Ainsi il s'est focalisé le plus souvent sur les valeurs du wolof et de son avantage comme choix pour son intrusion dans les champs de formation. Sur ce, il a fustigé la politique velléitaire de l'Etat du Sénégal eu égard à sa non prise en considération des langues nationales dans le système éducatif formel et de sa réticence dans le cadre des choix théoriques et politiques qui se concrétise par l'absence d'une méthodologie d'alphabétisation clairement définie. Pour sa part, l'alphabétisation touche peu de gens et que les résultats sont médiocres. Depuis les indépendances nous constatons que la langue française et aussi la littérature d'expression française, hors de l'Europe, n'ont jamais été promues, nationalement et internationalement en locuteurs comme en auteurs. Aussi, nos langues nationales sont dans nos pays à des degrés divers et sous formes multiples l'objet :

Soit d'une politique de sollicitude ouverte en vue de l'alphabétisation et de la scolarisation du plus grand nombre dans la plus part.

Soit d'une politique de tolérance délibérée et dynamique dans certains de nos Etats membres.

Soit politique d'étude et de recherche scientifique de tous ou de celle de promotion globale chez encore une minorité.

En effet, que faire suivant cette situation malencontreuse de nos langues nationales ?

A cette interrogation, en découlent des éléments de réponse à travers la théorie toujours, de Cheikh Anta Diop pour qui, il est nécessaire et idoine de développer les langues nationales. A ce titre, il rappelle : qu' « il est plus efficace de développer une langue nationale que de cultiver une langue étrangère ; un enseignement qui serait donné dans une langue maternelle permettrait d'éviter des années de retard dans l'acquisition de la connaissance. Très souvent l'expression étrangère est comme un revêtement étanche qui empêche notre esprit d'accéder au contenu des mots qui est la réalité. Le développement de la réflexion fait alors place à celui de la mémoire. (...).On pourrait objecter la multiplicité des langues en Afrique Noire .on oublie alors que l'Afrique est un continent au même titre que l'Europe, l'Asie, l'Amérique, or sur aucun de ceux-ci l'unité linguistique n'est réalisée ; pourquoi serait-il nécessaire qu'elle le fût en Afrique ? ».15(*).Ainsi, la volonté de C.A.DIOP est de voir les écoles africaines en générale et sénégalaises en particulier livrer ses enseignements par le biais des langues nationales sans lesquelles le développement de l'expertise africaine est sans lendemain meilleur. C'est ce que l'Etat sénégalais, depuis la décolonisation, `'tente d'adopter'' dans sa politique de `'promotion des langues nationales'' (l'alphabétisation) ou `'d'introduction des langues nationales dans le système éducatif formel''.

Ainsi, Abdou Sacor MBOUP 16(*) accorde une place déterminante aux langues nationales dans l'acquisition et la transmission du savoir. « L'école africaine aurait tout à gagner à faire la promotion des langues nationales, non à des fins d'une simple alphabétisation s'adressant plutôt à l'adulte, mais comme un véritable instrument », prêche l'éducateur, qui soutient que l'enfant doit d'abord apprendre à lire, à compter et à écrire dans sa langue maternelle avant d'apprendre une langue étrangère.

« L'apprentissage d'une langue étrangère ne devrait, dès lors, intervenir qu'entre 9 et 10 ans, c'est-à-dire dès que l'enfant sera capable de dépasser son égocentrisme dès les premiers moments de scolarité ».17(*) Quid en réalité de l'usure constatée de nos langues nationales ?

Les approches mises au point par l'ensemble des gouvernements que le Sénégal ait connus sont remises aux calendes grecques dans la mesure où les résultats des politiques linguistiques connaissent des blocages incessants qui permettent guère l'adoption voire l'intrusion des langues nationales dans l'enseignement formel.

Devenu chef d'Etat du Sénégal en 1960, Léopold Sédar SENGHOR multiplie les déclarations officielles soulignant la nécessité de recourir aux langues nationales du pays. Il s'est mis lui-même à la tache en participant pendant 20 ans aux travaux de différentes commissions chargées d'élaborer les alphabets officiels et les terminologies sénégalaises .Ainsi les six langues les plus importantes( Wolof, Peul, Sérère, Diola, Malinké, et Soninké) sont codifiées et se sont dotées d'un alphabet.(Cf. :décret du 21 mai 1971).

L'école sénégalaise est marquée par l'enseignement du français. Ce dernier débute à l'âge de six ans ou sept ans pour les écoles publiques laïques et à l'âge de trois ans pour les écoles privées confessionnelles catholiques et protestants .Le Français constitue la langue d'enseignement pour toute la durée des études. Par ailleurs, il faut noter la forte présence de d'autres langues dans l'enseignement secondaire et universitaire au détriment de nos langues ; d'où le point de rappeler que nos langues nationales sont absentes au niveau de l'éducation formelle.

Dans le rapport remis le 06 juin 1984 au Président de la République, la CNREF (commission nationale de la reforme de l'éducation et de la formation) expose 906 pages la politique générale de l'éducation et ses propositions concernant d'une part le personnel de l'école et d'autre part les moyens de'' l'école nouvelle''.Cette nouvelle politique générale de l'école a consacré son chapitre 7 à l'introduction des langues nationales dans le système éducatif. Elle visait une école nationale démocratique, conçue et fonctionnant dans l'intérêt du peuple, ouverte sur la vie...il s'agit entre autres un cycle fondamental qui reçoit les enfants de 03 à 16 ans suivant une éducation préscolaire et de l'enseignement polyvalent, l'enseignement moyen général obligatoire et gratuit qui prend en compte l'apprentissage de la langue du milieu, l'enseignement des mathématiques, de l'Art, de la religion etc.18(*)

Ses états généraux d'une école nouvelle proposée par la CNREF ne seront appliqués qu'en 1995-1996.Mais, on note d'emblée que le chapitre qui consistait à introduire les langues nationales dans l'enseignement formel n'est guère pris en considération, or certaines langues étaient déjà transcrites pour leur éventuelle entrée dans le système d'enseignement.

Toujours, on note des décrets abrogeant les uns les autres en vue de faire des langues nationales des `'langues de culture'' et de leur insertion à l'école sénégalaise.

A l'occasion de la 29éme semaine nationale de l'alphabétisation le décret n° 85-1232 du 20 novembre 1985 a été revu, complété et remis à jour, lors des ateliers des 7et 8 septembre 2004.L'objectif est de faire des langues nationale sénégalaises des langues de culture et, par la même occasion ,de donner plus de moyens et d'efficacité à l'éducation la modernité et aux efforts de développement, exige que ses langues soient écrites, introduites dans le système éducatif et utilisées dans la vie officielle et publique.19(*)

Ce présent décret atteste que le wolof, par exemple, régisse tous les attributs linguistiques pour être utilisé dans l'enseignement dans la mesure où, il est doté dés lors d'un alphabet (27 lettres dont 21 consonnes et 6 voyelles), d'une phonologie, de nom et ses déterminants, de verbe et ses modalités, de dérivation et de composition ,ainsi que des signes et des ponctuations dont l'ensemble est illustré par un texte transcrit en français.(Cf. Rapport de présentation du décret 2005-992).

Par ailleurs, le gouvernement sénégalais avait annoncé que, au plus tard en 2003, l'ensemble des dispositifs sera mis en place pour que les langues nationales soient réellement introduites à l'école. Un plan d'action a été élaboré posant les premiers jalons de cette introduction des langues nationales dans le système éducatif sénégalais. Ainsi neuf langues nationales codifiées devraient être enseignées ''bientôt'' dans le système formel de l'éducation. L'introduction des langues nationales dans l'école fondamentale de base fait partie des objectifs du programme décennal de l'éducation et de la formation(PDEF).

En conséquence, tant de décrets et de programmes sur les langues vernaculaires sénégalaises se sont succédé depuis 1968 à 2005, mais on note toujours leur absence dans l'enseignement primaire et secondaire formel demeure toujours une triste réalité dont les motifs sont à rechercher dans la totalité de la structure sociétale du Sénégal. Cela revient à poser ces suivantes interrogations :

Comment expliquer cette totale absence d'une ou des langues nationales dans l'enseignement formel ? Comment, malgré nombres de politiques linguistiques, d'analyses théoriques, scientifiques et expérimentales sur les langues nationales, celles-ci ne sont pas encore introduites dans le système éducatif formel ? Autrement, comment expliquer, à l' instant où la quasi-totalité des sénégalais reconnaissent les atouts des langues nationales, leur inexistence dans l'enseignement formel ? Comment expliquer l'absence de nos langues dans l'enseignement formel au moment où elles sont plus usitées (informellement) dans tous les secteurs administratifs sénégalais ?

A ces interrogations, des chercheurs ont présenté une panoplie de blocages qui semblent être sur la voie de notre objet d'étude. Il s'agit en quelque sorte de blocages socio économiques et culturels analysés comme suit :

Pour certains penseurs, la langue maternelle déjà parlée ne peut pas être apprise à l'école car c'est une trivialité d'apprendre ce qu'on assimile à priori. « La majorité des parents n'approuvent pas que l'on enseigne à l'école une langue (sa langue maternelle) que l'on parle déjà. En effet 80% des sénégalais analphabètes veulent apprendre le français pour avoir une bonne situation ».

Par ailleurs, le plurilinguisme pris en compte dans son ensemble dans le système éducatif formel peut constituer une source de blocage dans la mesure où l'introduction de la plupart des langues dans ce dit système requiert une mutation profonde de ce dernier.

« Un enseignement intensif des langues sénégalaises entrainerait une reforme complète et trop coûteuse du système d'enseignement ».

En outre, d'autres chercheurs ont argué sur'' l'insuffisance'' didactique des langues sénégalaises en ce qui concerne «  les recherches terminologiques en wolof qui ne sont pas achevées  et devant être élaborés en quantité de manuels et grammaires scolaires, dictionnaires monolingues, études sociolinguistiques sur les variétés du wolof  et les recherches terminologiques dans les autres langues sont à peine amorcées ».20(*)

Dans son article, Dominique ROLLAND, rappelle que « Des expériences nombreuses ont été menées pour introduire les langues nationales à l'école. Elles se sont heurtées à des résistances considérables : difficultés d'élaboration de matériel didactique, de conceptualisation, sentiment de créer une école à deux vitesses en favorisant l'émergence d'un secteur privé »21(*)En d'autre termes les causes du blocage de l'introduction des langues nationales dans l'enseignement sont à recherche, comme nous l'avions dit en haut, dans l'élaboration d'un cadre linguistique regroupant toutes les normes éducatives tant sur le plan pédagogique que sociopolitique.

Dans un autre cadre, notre objet de recherche semble être effleuré par Souleymane GOMIS qui, sur sa remarque du statut de la langue française dans les écoles sénégalaises, stipule : « Alors on s'interroge sur la réelle volonté des politiques et des intellectuels ,bien qu'ils connaissent les limites de l'usage du français dans l'enseignement pour la transmission des valeurs culturelles locales, ils ne décident pas à joindre à cette langue du colonisateur certaines langues nationales dans la formation du jeune citoyen »22(*)

Ainsi « la seule réponse que les décideurs politiques sénégalais affichent et qui reste purement politique consiste toujours à dire que le choix du français permet d'éviter des tensions entre les différentes composantes linguistiques de la nation sénégalaise » considère Lilyan KESTELLOT.

Dans ce même registre, S.GOMIS précise que : « beaucoup de discours d'hommes politiques sénégalais portaient déjà cette volonté de prise en compte des langues nationales. Mais jamais la classe politique n'a réussi à dépasser cette étape du discours pour arriver à concrétiser l'idée d'enseignement des langues nationales »

Pour toutes ces raisons, selon certains chercheurs, la perspective d'introduire comme langue d'enseignement l'une des langues nationales, voire les six, paraît bien lointaine. Jusqu'a maintenant toutes les politiques de valorisation des langues nationales a porté exclusivement sur l'éducation ; les résultats sont piètres même si des progrès considérables ont été faits depuis une vingtaine d'année.

C'est à ce titre que je me propose, par un souci de complémentarité des thèses ci-dessus, de rechercher les véritables causes de la non- introduction des langues nationales de l'enseignement formel après l'échec des « classes expérimentales »23(*) dont le but consistait à permettre l'introduction `'formelle'' de nos langues dans l'enseignement élémentaire formel .

I-3. Motivations

La langue est souvent le giron d'une identité culturelle. Sans une langue bien définie et clairement nourrie grâce à son enseignement et son apprentissage, il est quasi impossible de s'imposer sur la scène internationale. Ainsi, par souci de voir disparaître nos langues nationales comme le cas du grec, du latin ... à l'heure actuelle, nous sommes motivé à décrypter les facteurs qui pourront permettre leur probable disparition.

En outre, la plupart des intellectuels africains et notamment sénégalais sont pessimistes eu égard au pragmatisme de nos langues dans un système éducatif formel dans la mesure où, à travers certains comportements, nombres de sénégalais manifestent une croyance de l'inefficacité de nos langues. C'est ce qui fait que les politiques linguistiques de l'Etat tant décrites ne sont guère poursuivies intensément.

En fin, ce qui nous motive se justifie aussi du fait que, le Sénégal à l'heure actuelle incorpore dans son système d'enseignement formel plus d'une dizaine de langues extra africaines (anglais, espagnol, portugais...) en omettant les miennes. Par ailleurs, on note même l'émergence de l'enseignement de la langue chinoise dans certains temples de savoir.24(*)

C'est dans ce sillage que je me propose de saisir les causes efficientes de l'absence d'une ou des langues nationales dans l'éducation formelle afin que mes résultats obtenus puissent être pris en compte par les décideurs politico éducatifs afin de pouvoir solutionner durablement les écueils de cette insertion de nos langues dans l'enseignement formel.

I-4.Intérêt du sujet

Notre réflexion sur ce thème n'est pas une construction ordinaire. Elle doit être une participation dans le domaine scientifique. Etant donné que les sciences sociales, surtout la sociologie, se proposent d'expliquer ou de comprendre les activités sociales, alors il serait intéressant pour nous, de se départir des pensées naïves pour mieux se rendre compte des enjeux de l'Education par rapport aux langues nationales.

Ainsi, travailler sur ce sujet peut permettre à l'intelligentsia de la société sénégalaise en particulier et africaine en général d'avoir un aperçu sur les facteurs qui galvaudent les langues africaines et leur participation formelle et scientifique aux secteurs administratifs.

En outre, l'étude peut susciter des recherches futures capables de mieux cerner les goulots d'étranglement que connaissent les langues nationales africaines pour leur adoption dans un système éducatif formel.

Cette question qui, aujourd'hui, se pose en termes complexes, mérite compréhension, explication et éventuellement solutions. Dés lors, notre étude n'atteindra son enjeu que lorsqu'elle réussi à répondre cette triple exigence. Cette dernière est une des raisons les plus valables pour justifier l'intérêt que porte notre étude.

I-5. Question spécifique de recherche

Comment expliquer les blocages liés à l'introduction de nos langues nationales dans l'enseignement élémentaire formel au Sénégal, nonobstant toutes les politiques linguistiques entreprises depuis la fin de la colonisation jusqu'à nos jours ?

I-6.Objectifs de recherche

-Déterminer et analyser les blocages structurels qui empêchent le Sénégal d'introduire les langues nationales dans le système d'enseignement formel.

-Analyser aussi la pertinence de nos langues nationales dans le système éducatif afin que les politiques prévues soient plus revues, renforcées et sérieuses.

1-7.Hypothèses de la recherche

L'usage du français comme langue d'enseignement dans les écoles du Sénégal de la colonisation jusqu'à nos jours, est demeurée un instrument administratif d'un poids décisif. L'ensemble des l'appareil étatique reste régi par des textes en français. P.DUMONT précise à ce sujet que : « le français demeure la langue privilégiée de la diplomatie et de la politique sénégalaise : c'est la langue de l'autorité, celle de l'Etat »

Ainsi, pour être mieux considéré ou se valoriser dans certains milieux administratifs ou professionnels, il faudrait faire «  preuve d'une bonne élocution en français ».certains sénégalais continuent à croire que la bonne maitrise de la langue française est synonyme `'d'éveil'', de `'progression'' ou de `'civilisation''25(*).

C'est à cet état de fait et de croyance que mon objet de recherche s'oriente en partant sous les hypothèses ci-dessous :

-- Les causes de la non-introduction des langues nationales dans l'éducation formelle au Sénégal ne sont pas uniquement liées à des problèmes socioculturels, économiques ou didactiques, mais plutôt à une velléité politique linguistique des décideurs politiques sénégalais qui reproduisent la violence symbolique linguistique hélas véhiculée par l'administration coloniale.

-- Selon les représentations faites sur langues nationales par la société sénégalaise, leur usage dans l'enseignement formel apparait comme une régression socioéducative.

En effet, dans la perspective de vérifier nos hypothèses nous nous proposons, par le biais de l'empirie, de recueillir la conception des professionnels de l'éducation tels que les inspecteurs de l'enseignement, les actuels et anciens enseignants, les parents d'élèves, les chefs d'établissement, les maitres expérimentateurs, les membres de syndicat de l'enseignement etc.).

I-8.Analyse conceptuelle

Cette partie sera le point de procéder à une définition des concepts de nos hypothèses qui font l'objet de notre etude.ils'agit des concepts suivants : Education formelle, politique linguistique, reproduction, violence symbolique linguistique et représentation.

*Education formelle

Le mot éducation vient du latin `'e-deucere `' qui signifie conduire à partir de ; c'est-à-dire tirer d'un état pour conduire à un autre.

Pris dans son sens le plus large, le terme `'éducation'' recouvre toute activité visant à transmettre à des individus l'héritage collectif de la société où ils s'insèrent .son champ de compréhension inclut tout autant la socialisation du jeune enfant par la famille, la formation reçue dans des institutions ayant une visée éducative explicite (écoles, mouvement de jeunesse) ou dans le cadre de groupements divers (associations sportives, culturelles, des mass-médias etc.

Selon DURKHEIM, elle est : « l'action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez l'enfant un certain nombre d'états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et de sa société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné » (Durkheim, Education et Sociologie (1922).

Par ailleurs, lorsqu' elle est suivie du qualificatif `'formel'', elle devient alors un champ plus spécifique et restreint. Ainsi l'éducation formelle concerne plusieurs niveaux et types d'enseignement. Elle est composée de l'éducation préscolaire, de l'enseignement élémentaire, de l'enseignement moyen et secondaire général, de l'enseignement technique et de la formation professionnelle et de l'enseignement supérieur.

A chacun de ces niveaux, on retrouve à côté de l'enseignement public, un enseignement privé. De même, l'éducation spéciale occupe une place de plus en plus importante dans le système.

Pour sa part, la Classification Internationale Type de l'Education (CITE) définit ainsi l'éducation formelle : « enseignement dispensé dans le système des écoles, des collèges, des universités et d'autres établissements éducatifs formels.ils constituent normalement une `'échelle'' continue d'enseignement à plein temps destinés aux enfants et aux jeunes, commençant en général entre cinq et sept ans et se poursuivant jusqu'à vingt ou vingt cinq ans... »26(*).

Appelée également `'scolaire'', l'éducation formelle a pour cadre une organisation nationale relevant du domaine de l'Etat. Elle est dispensée dans les institutions dûment mandatées (écoles), par des professionnels (formés et rémunérés par l'Etat), selon un processus pédagogique déterminé (objectifs, contenus, méthodes et outils)

Les principales caractéristiques de l'éducation formelle sont :

*l'unité et la normativité : l'éducation formelle est prédéfinies dans un cadre législatif applicable pour tous sur l'ensemble du territoire national ;

*la hiérarchisation des enseignants(en programme et cycles) et des entités éducatives suivant une organisation verticale ;

*la cohérence et la permanence des enseignants à travers des programmes et des cycles allant du préscolaire à l'enseignement supérieur ;

*le paradigme d'une éducation gratuite, égalitaire, globale et universelle : l'éducation formelle s'adresse à tous les citoyens « scolarisables », elle est censée leur offrir des chances égales de réussite et d'intégration sociale à travers un enseignement prenant en compte les besoins essentiels d'éducation et de formation.27(*)

Cependant, il semble plausible pour nous, d'évoquer succinctement, pour plus de distinction, les caractéristiques de l'éducation non formelle qui permettent de mieux se rendre compte des deux concepts. Pour sa part, l'éducation non formelle se passe dans le cadre extrascolaire, intègre tous les âges et ne suit pas nécessairement une `'échelle''.

Le secteur de l'éducation non formelle comprend l'alphabétisation, les écoles communautaires de base et les « écoles du 3e type ».

*Politique linguistique

Par politique linguistique, il la comprendre selon HALAOUI comme étant « la conception théorique qui préside à la réalisation des actions entreprises ou à entreprendre sur la langue » (HALAOUI, 2003 :7).Elle désigne alors une orientation qui sous-tend l'ensemble des activités qui caractérisent ou favorisent l'utilisation de la langue. Elle apparaît ainsi comme une dimension de l'aménagement linguistique considérée comme plus large puisqu'il intègre la totalité des actions de l'homme sur une langue.

La politique linguistique du Sénégal, à l'instar de celle de beaucoup de pays africains, n'est pas clairement définie. Mais, la nature des débats autour des langues nationales et les activités menées dans le cadre de promotion des langues nationales, permettent de la classer dans le groupe des politique de « facilitation de communication ». (HALAOUI, 1991, 2002,2003 :9).28(*)

Sous ce rapport, la politique linguistique apparaît, à notre égard, comme la capacité d'une synergie de la volonté et des moyens mobilisée en vue de développer une langue sur le plan socioéducatif. Par elle, la langue peut se hisser au rang des langues traductrices de sciences et par là de se maintenir face à `'la guerre des langues''.

*Violence symbolique linguistique

Le concept de symbolique a en anthropologie une acception restreinte et un sens large. Dans son acception restreinte ou spécialisée, il sert à qualifier des oeuvres de cultures qui ont pour caractéristiques d'être pourvues d'une valeur perçue comme immédiatement expressive : mythes, rites, croyances, etc.

Dans son acception large le symbolique renvoie donc à ce processus constitutif de l'état de culture qu'est l'attribution de sens au monde. Chaque société sélectionne des significations ; chacune classe, réunit, oppose et hiérarchise les objets de la réalité selon la manière propre qui est à la fois le cadre d'intelligibilité qu'elle se donne de la communication entre ses membres.

Au sens sociologique, il importe de mentionner la conception bourdieusienne de la `'violence symbolique'' .BOURDIEU entend souligner que la capacité des agents en position de domination à imposer leurs productions culturelles et symboliques joue un rôle essentiel dans la production des rapports de domination.

Ainsi, il définit la violence symbolique comme « la capacité à faire méconnaitre l'arbitraire de ces productions symboliques, et donc de les faire admettre comme légitime »s, est d'une importance majeure dans son analyse sociologique. Par violence symbolique il faut entre aussi comme « mécanisme premier d'imposition des rapports de domination .Elle renvoie à l'intériorisation par des agents de la domination sociale inhérente à la position qu'ils occupent dans un champ donné et plus généralement à leur position sociale. Cette violence est infra-consciente et ne s'appuie pas sur une domination intersubjective (d'un individu sur un autre) mais sur une domination structurelle (d'une position en fonction d'une autre) ».

Cette structure qui est fonction des capitaux possédés pas des agents, fait violence car elle est non perçue par les agents .Elle est source d'un sentiment d'infériorité ou d'insignifiance qui est uniquement subi puisque non objectivé.

La violence symbolique trouve son fondement dans la légitimité des schèmes de classement inhérent à la hiérarchisation des groupes sociaux.

En effet, dans l'esprit de notre problématique de recherche, nous plagions BOURDIEU dans sa théorie de la violence symbolique en y conjuguant l'adjectif '' linguistique'' dans le but de décrire la manière dont nos langues sont confrontées à une stigmatisation consciente ou inconsciente sur le plan éducatif par les pouvoirs administratifs.

Ainsi, par violence symbolique linguistique nous entendons la capacité ou l'attitude des élites d'une part et des acteurs sociaux sénégalais d'autre part, à reléguer symboliquement, c'est-à-dire par pure représentation, nos valeurs linguistiques au plus bas niveau à l'échelle planétaire.

Cet imaginaire collectif ; `'nos langues valent moins que les langues extra africaines'', est ancré dans la conscience collective sénégalaise et extra sénégalaise.

En effet, ces dires existant depuis la période coloniale ne cessent de se perpétuer tant sur le plan national comme international.

Rappelons la sarcastique affirmation de L.V.THOMAS lorsqu'il dixit : « les négres sont des primitifs ...L'africain n'a pas de langue mais tout au plus des idiomes ou des dialectes ,pas d'histoire mais à la rigueur des chronologies ,pas d'art mais seulement un folklore...Il n'est pas capable de science ou de philosophie, son seul savoir était magique ou empirique ;ni de morale puisqu'il obéit, singulièrement à celle du sexe »29(*)

Cette sournoise et insultante pensée de L.V.THOMAS a et continue de dominer certaines mentalités africaines qui, sans raisonnement, pensent que nos langues sont loin de pouvoir être vecteurs de développement socioéducatif.

*Reproduction

Selon BOUDON et BOURRICAUD dans Dictionnaire critique de la sociologie, le concept de reproduction dans son acception sociologique est dû à MARX. Les processus économiques qualifiés par MARX de processus de reproduction simple sont caractérisés par la constance de la reproduction et de stabilité des relations de production : les individus sont remplacé dans le temps mais le système se reproduit à l'identique. Un processus est dit par MARX de reproduction élargie lorsque la production est croissante mais que l'organisation économique ou, pour par comme MARX, les rapports de production demeurent stables : la production augmente, mais les relations entre les classes comme les relations des individus à l'intérieur des clases (par exemple la concurrence entre les capitalistes) demeurent constante30(*).

Cependant, rappelons que MARX oriente sa conception de la reproduction sous l'angle de l'économie. Ce qui nous permet de faire recours à la conception bourdieusienne qui semble être plus adéquate à notre problématique. Ainsi, BOURDIEU a opéré une conception plus sociale de la reproduction prenant dans ses analyses le facteur enseignement en compte.

Selon lui, la reproduction sociale est « le principe dévoile l'illusion de l'indépendance et de la neutralité des structures sociales ». Elle légitime un arbitraire culturel, reproduit la structure de la distribution du capital culturel et met à nu les contradictions qui affectent le système d'enseignement présentant les agents à la fois comme produits et reproducteurs des structures. La reproduction de la domination s'effectue par le biais de la violence symbolique, c'est à dire la capacité à faire méconnaître l'arbitraire de ces productions symboliques, et donc à les faire reconnaître comme légitimes.

En effet, nous entendons par `'reproduction'', dans l'esprit de notre étude, la répétition globale et incalculée du système d'enseignement légué par nos maitres d'hier(les colonisateurs) qui demeure oppressif et anesthésiant pour nos visions du monde, c'est-à-dire nos capacités à véhiculer nos identités intellectuelles.

*Représentation

L'expression « système de représentation » désigne d'une manière générale les ensembles d'idées et de valeurs propres à une société. Ces données traitées par la sociologie comme des réalités autonomes existant indépendamment de ce les psychologues appellent des « représentations » ou des « images » mentales .Toute société élaborait ainsi plusieurs systèmes de représentations spécialisées : du cosmos, de la totalité sociale, de la magie et de la sorcellerie, etc. Dans l'esprit des individus, de tels systèmes ne sont présents que de façon généralement incomplète et particulièrement conscient : on parlera de représentations collectives, qui témoignent d'attitudes intellectuelles du groupe et non de dispositions mentales individuelles. Cette conception antipsychologique a principalement été défendue par DURKHEIM et par ses continuateurs.31(*)

Par ailleurs, « la représentation sociale comme  un objet mental,' une forme de savoir pratique'', consistant à une intégration spécifique des informations possédées sur un fait .c'est une base de connaissance `'socialement élaborée'' concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble sociale » (JODELET, 1989, p39.)

Ce savoir sert essentiellement `'à l'ajustement pratique du sujet à son environnement (DOISE, 1989, p228).

Il s'agit donc d'un concept plus large que celui d'attitude car l'attitude ne permet qu'un positionnement par rapport à un seul objet. La représentation sociale, par ailleurs, fonctionne comme un `'système d'interprétation régissant notre relation au monde et aux autres, orientant et organisant les conduites et les communications sociales''.Elle fonctionne comme un système cognitif (avec ses interprétations affectives et sociales normatives) d'interprétation et d'action sur le monde. Les représentations sociales d'un groupe prennent appui sur la mentalité du groupe, c'est-à-dire reliées à son système de valeurs et à sa vision du monde.'' Une représentation s'inscrit toujours dans un cadre de pensée préexistant''

Une représentation sociale est le résultat de la transformation d'une série d'expérience concrètes vécues en une sorte de `'théorie spontanées'' à propos des expériences. Cette `'théorie spontanée' est le résultat d'une sélection des informations, dune `'neutralisation'' de certaines d'entre elles (c'est-à-dire, de transformation en choses concrètes).

Les représentations sociales interviennent ensuite dans la perception de la réalité en proposant des schémas touts faits. Elles sont alors à l'origine de préjugés. Elles exercent sur tous les membres du groupe une influence qui les poussent à adopter la représentation sociale dominante et, plus s'y conformer, orque cette représentation sociale concerne leur identité.32(*)

Ainsi, dans le cadre de notre objet d'étude, notre conception de la Représentation peut prendre à la fois le sens durkheimien et celui des psychologues dans la mesure les représentations faites sur les langues nationales sont à caractère collectif et individuel.

A ce titre, nous concevons que le terme `'représentation'' désigne tout simplement un ensemble de comportements psychiques et mentaux collectifs et/ou individuels qui orientent la façon de voir les choses dans une société donnée. Elle peut être, selon le comportement du groupe, une bonne ou mauvaise représentation qui peut être sous-tendue par le contexte sociohistorique de ce groupe. C'est pour dire, par exemple comment le sénégalais individuellement ou /et les sénégalais collectivement voient les langues nationales et leur comportements moraux qu'ils entretiennent à l'égard d'elles après un contexte marqué par la colonisation.

1-9.Construction du modèle d'analyse

Selon Jean Michel BERTHOLOT : « il ne peut avoir en science sociale de constations fructueuses sans l'élaboration d'un cadre théorique de référence »33(*)

Par ailleurs, un fait social doit être « conquis, construit et constaté », voila trois instances que la sociologie en particulier et la science en générale ne peuvent aucunement laisser en rade. En effet après avoir conquis notre fait, il est alors le moment de le construire. C'est ce qui fera l'objet de cette partie. Il nécessite, en substance, de mobiliser nos hypothèses de recherche à travers les schèmes d'intelligibilité du social en vue de mieux les cerner. Pour ce faire, grâce à la nature de notre étude, nous nous referons aux schèmes causal et herméneutique.

1-9-1. le schème causal

Comme le précise, en substance, DURKHEIM dans Les règles de la méthode sociologique(1895) : la cause déterminante d'un fait social doit être recherchée parmi les faits sociaux antécédents .En d'autres termes, le fait social s'explique par le fait social c'est-à-dire qu'un fait de société doit être expliqué par un autre fait de société. Donc ce schème causal a pour but de faire ressortir les relations de causalité, les rapports d'indépendance ou d'interdépendance d'un phénomène particulier à un autre.

Sa formule mathématique est : :(ApB)=B= (A)).

Elle s'explique ainsi :

A est la cause de B et l'on ne puisse avoir B sans A qui est chronologiquement et logiquement antérieur à B.

Appliqué à notre objet, nous aurons :

A= velléité politique linguistique de l'Etat du Sénégal

B= blocages de l'introduction des langues nationales dans l'enseignement formel.

Ainsi, la non-introduction des langues sénégalaises dans l'enseignement formel (B) est produite par un fait qui lui est antérieur, à savoir un manque de volonté politique linguistique des décideurs politiques de l'Etat du Sénégal (A).

En effet, nous pouvons envisager que la cause déterminante de des blocages de l'introduction des langues nationales est en grande partie liée à l'absence d'une politique linguistique ferme et durable de l'Etat du Sénégal.

1-9-2. Le schème herméneutique

Ce schème est utilisé pour visibiliser un fait social complexe qui n'est pas possible à être facilement appréhendé ou compris.

Sa formule mathématique est :(ApB)=BS{B /A}).Elle signifie :

B renvoie à un A qui est son sens ; B est l'expression, la manifestation de A. Ce rapport a lieu dans un champ sémantique représenté par S.

Appliqué à notre objet, nous aurons :

A= mauvaise représentation des langues nationales par la société sénégalaise

B= un facteur de blocage concernant leur introduction dans l'enseignement formel.

S= société des individus concerné par le fait, la société sénégalaise

Dans le cadre (S) caractérisé par la société sénégalaise dans son symbolisme, le sens de(B) ou les facteurs de blocages de l'introduction des langues nationales dans l'éducation formelle est (A) c'est-à-dire la considération symbolique des sénégalais eu égard à ces dites langues.

Chapitre 2 : démarches méthodologiques

« Les faits sociaux consistent en représentation » mais « il faux traiter les faits sociaux comme des choses »34(*).Pour ce faire donc, il nécessite d'élaborer une méthodologie pour le traitement de ces faits. Ainsi, le fait de définir une méthodologie est un principe unanime à toutes les sciences sociales à l'instar de la sociologie. Ces dernières se caractérisent par une pluralité de méthodes et l'utilisation de chacune d'entre elles est guidée par la nature de l'objet à étudier.

En effet, en raison de la complexité du phénomène que nous voulons étudier en voulant saisir son sens que lui donnent les acteurs, nous nous sommes inscrits dans une perspective de recherches qualitative.

Celle-ci va être le point d'un ensemble d'entretiens formels et informels au après des personnes ciblées.

Ce travail a connu plusieurs moments tels que la phase exploratoire, la pré- enquête, les entretiens flottants, semi directifs etc.

2-1.Etape exploratoire

Cette phase a été le point de deux moments forts. Il s'agit de l'étude documentaire et de la pré-enquête.

Notre recherche documentaire, qui consistait, essentiellement, à analyser la production livresque portant sur notre thème. Dans ce contexte, nous avons recouru alors aux ouvrages généraux, aux mémoires d'étude, aux revues, aux sources électroniques les plus souvent conseillés par notre encadreur. Nous avons exploré notre objet par le biais de la culture locale (jeux radiophoniques sur /avec les langues nationales, téléfilms, etc.) Ou /et des émissions (débats) radiophoniques ou télévisées insistant sur le thème.

Le but de ce premier moment était de parcourir la pluralité des théories sur le thème et de pouvoir ensuite nous positionner eu égard à notre préoccupation. Et c'est après un bon temps de tout ceci que nous avons procédé à la pré-enquête.

Cette dernière consiste à des entretiens exploratoires que nous avons opérés auprès des personnes qui réfléchissent sur le rapport du système d'enseignement formel et les langues nationales.

C'est ainsi que nous nous sommes reprochés fréquemment et avons échangé des idées avec un inspecteur de l'éducation de la région qui a été notre personne ressource. Ceci nous a permis de mieux préparer nous entretiens empiriques proprement dits.

2-1.1.Etude documentaire

Pour que cette étude soit inscrite dans les règles scientifiques, nous avons eu recours à une recherche documentaire qui consistait essentiellement à analyser la production livresque portant sur le thème. Nous avons ciblé des ouvrages généraux, des thèses et mémoires d'études, des rapports d'études publiés par certains organismes ou services administratifs de l'Etat du Sénégal concernés par la question.

Le but de cette étude documentaire était de se construire une première représentation et de déterminer avec plus de précision les lignes de forces de notre travail.

Elle consistait, en plus, d'avoir un aperçu assez global sur la question pour une approche multidimensionnelle capable de mieux expliciter les principaux aspects relatifs à notre problématique. De facto, la durée de l'étude documentaire peut être assimilée à celle de notre travail car elle est achevée qu'au terme de l'étude. C'était en quelque sorte des aller et retour entre la lecture et l'empirisme. En, effet, ces lectures ont plus souvent guidé notre pré-enquête.

2-1.2.La pré-enquête

Elle consiste en des entretiens exploratoires réalisés auprès des personnes ressources. Lesquelles sont témoins du comportement du système éducatif sénégalais pendant au moins une décennie. C'est ainsi que nous nous sommes rapprochés de Massamba DIEYE et Pape NDIAYE qui sont respectivement inspecteur de l'éducation et enseignant en retraite. Ainsi ces personnes nous ont permis de mieux peaufiner nos pistes d'enquête. Cette posture méthodologique, conjuguée à la recherche documentaire a permis de retenir une problématique définitive et de mieux préciser et vérifier nos hypothèses de recherche.

2.2. Les entretiens

Cette étape consiste l'empirisme au niveau de notre champ d'étude qui

Est la commune de Fatick pour la collecte des informations. Elle s'est déroulée sous divers procédés à savoir le recours aux entretiens semi directif, flottant etc.

Concernant les entretiens semi directifs, nous avons pris le soin de les faire en se basant sur des thèmes de recherche moyennant un guide d'entretien. Ce dernier nous a permis de canaliser notre cible, en s'appuyant souvent sur des blagues, des effets de halo et /ou des relances... afin qu'il parle avec aisance de ce qu'il pense sur la question.

Pour leur part, nos entretiens flottants ou informels se sont passés suivant une perspective d'observations dissimulées dont les moments forts ont été autour du tour du thé, devant le petit écran et dans la rue par des séries de contingence d'interactions avec tiers personnes. Celles-ci comportaient le plus souvent d'enseignants de notre génération ou de mes anciens professeurs ou maitres qui n'hésitent pas à m'indexer des pistes d'enquête. C'est en quelque sorte ce que d'aucuns appellent l'enquête par'' boule de neige''.

En effet, ces stratégies tant citées nous ont permis d'établir un climat de confiance avec nos cibles par le fait que nous sommes mis en rapport (les enquêtés et moi) par des doyens de l'enseignement.

Une fois ce climat de confiance établi, nous nous sommes arrangé à prendre rendez-vous avec la cible pour que la situation d'enquête réponde aux critères de subtilité.

2.2.1. Les entretiens semi-directifs

Une fois les cibles repérés, nous nous sommes muni d'un guide d'entretien comme outil d'enquête. Ce dernier est structuré suivant un ensemble de thèmes qui animera le moment de l'entrevue. Notons aussi que les entretiens semi-directifs étaient des entretiens armés ; c'est- à- dire par l'utilisation d'appareil enregistreur qui nous permet de mieux saisir l'intégralité du discours de notre enquêté.

2.2.2. Les entretiens informels

Conscients du fait que l'objectivité recherchée n'est pour la plupart logée dans les discours officiels, il nous était ingénieux de recourir à ce type d'entretien, pour assouvir notre désir de recherche des logiques profondes des blocages de l'introduction des langues nationales dans l'enseignement élémentaire formel.

Ces entretiens consistaient à des discussions non averties et spontanées résultantes de questions dissimilées posées au tour du thé.

Les lieux de causerie habituelle ou de fréquentation routinière (« banc diaxlé »)35(*) avec des enseignants, étudiants et autres, ont servi d'espace de réalisation de ces discussions non structurées.

Par ailleurs, le devant de la boutique « sunu shop » gérée par un enseignant en retraite, sis au quartier HLM 1 a abrité beaucoup de nos causeries informelles eu égard aux langues nationales et de leur prise en compte dans l'enseignement formel.

2.3 Échantillonnage et choix des zones d'enquête

Compte tenu de l'option qualitative dans laquelle s'inscrit notre recherche et de la difficulté de lister tous les acteurs à interroger (tout professionnel de l'éducation de la commune) afin de s'offrir une base de sondage fiable, j'ai opéré la technique que j'appelle l'enquête idéal-typique36(*).Celle-ci est le lieu d'un choix porté sur des professionnels de l'éducation devenus des prototypes, de par leur ancienneté dans le système éducatif ou de par leur réflexion sur question des langues nationales.

2.4. Modalité de transcription et d'analyse des données

Ce sous titre consiste à exposer la manière dont nous avons traité les résultats de notre enquête et de décliner quelle technique nous avons usité pour analyser ces dits résultats.

2-4-1.Classification des données

Pour être traitées, nos données empiriques ne pouvaient être regroupées en catégories. Ainsi, leur classification est indispensable. Comme l'a enseigné MACE, cette étape consiste à « classer les faits à l'intérieur de catégories préalablement déterminées par les références empiriques »37(*)

Ainsi, la référence à cet enseignement nous a permis de mesurer le poids de chaque dimension sur le terrain. En effet, la vérification de nos hypothèses s'est faite à partir de la grille thématique issue de cette classification.

Par conséquent, pour une exploitation efficace des discours des enquêtés, nous avons fait usage de l'analyse de contenu.

2.4.2. L'analyse de contenu

Cette technique est utilisée pour étudier les motivations ou les intentions manifestes des acteurs concernés par nu phénomène à travers leur discours. «  Elle permet de décrire objectivement, systématiquement et quantitativement le contenu manifeste des communications (entretiens, discours, articles etc.) ».(BERELSON, 1971).

Par ailleurs, elle a servi à la description et à l'interprétation des récits produits par nos répondants pour en extraire la quintessence.

En outre, elle nous a permis d'avoir une idée de la rationalité et des logiques d'actions des professionnels de l'éducation choisis dans nos enquêtes.

Ainsi, un premier travail consiste à élaborer une grille d'analyse adéquate à l'ensemble des entretiens réalisés pour se rendre compte des tendances catégorielles dominantes. Cela fut le moment de se focaliser sur la prépondérance de certaines idées.

De ce fait, suivant les stratégies préconisées par A.MUCHIELLI, il a été le moment de ranger d'abord les discours en questions des catégories retenues. A cet effet, des unités thématiques servant de grille d'analyse, ont été définies pour noter la fréquence avec laquelle certaines idées apparaissent. Il s'agit : De l'insuccès des classes expérimentales.

Introduire les langues nationales dans le système éducatif formel : y a t-il une volonté politique réelle ?

Entre absence de formation de maitres en langues nationales et faible élaboration de supports didactiques.

Le français comme langue de référence : un sérieux facteur de blocage.

Deuxième partie : présentation du champ de l'étude

Chapitre 3 : présentation de la commune de Fatick

3.1. Caractéristiques physiques

La commune de Fatick, capitale régionales et départementale, est située sur l'intersection de la route nationale N°1 et de la route départementale N°61.elle se situe à 42 km de Kaolack, à 62 km de Mbour, à 82 km de Gossas et de Guinguinéo et à 25 km de Foundiougne. La région occupe donc une position centrale et stratégique dont le développement influe sur les trois régions centrales de Kaolack, Diourbel et Thiès.

Fatick est limité au nord par la communauté rurale de Niakhar, au sud et à l'ouest par la communauté rurale de Diouroup et à l'est par le bras de mer ; le sine.

D'une superficie de 7935 km2, avec une population respectivement de 639100 et 692700 habitants en 2001 et en 2004, la ville est bâtie sur les bords du sine qui, à l'origine a été déterminant dans la définition de ses fonctions. Avec les années de sécheresse, le sine rejoint le Saloum au niveau de Foundiougne après de nombreuses sinuosités, se présente aujourd'hui comme une vallée asséchée ou viennent s'accumuler chaque année les eaux de pluie.

Cette situation géographique constitue une contrainte physique à l'évolution spatiale de la ville dont le site originel est entouré de zones inondables.

A l'intérieur de la ville, avec l'urbanisation progressive et la sécheresse, la plupart des zones marécageuses a tendance à dissiper.

Cependant certains endroits dans le Peulgha, le Darel et le Loganém, demeurent toujours des zones de prédilection des eaux stagnantes.

Par ailleurs, les tannes (sols nus salés) occupant une grande partie dans la ville, constituent aussi un facteur limitant à l'urbanisation et à l'agriculture.

Au nord de la route nationale, l'urbanisation s'est faite autour des services des eaux et forêts et des travaux publics avec la mise en pace du sous quartier `'Saigon''.

En effet, l'intégration de Poukhoum comme quartier de la commune ouvre également des perspectives d'extension.

3.2. Historique et organisation de la commune

3.2.1. Aspects historiques

L'histoire de Fatick se confond avec celle du royaume du sine dont Diakhao, situé à 15 km, était la capitale .le peuplement de la contrée par les sérères venus du Fouta Toro remonterait au 12éme et 13éme siècle, et serait antérieur à l'envahissement de la zone au 16éme siècle par les guerriers Mandingues venus du Gabou, dans l'actuelle Guinée Bisseau.

Fatick est lié au mythe de Val Pal NDIAYE .ce dernier venu du Diolof s'installa à un lieu dénommé « Jugamen » sur la rive droite du fleuve sine. Contemporain du Bour sine Wagane A MASSA, ce dernier lui accorda un droit de fait sur les terres d'une partie de l'actuelle commune de Fatick. Le village d'origine a été brûlé en 1859 par Pinet LAPRADE après la défaite du Bour.

La région a joué un rôle important dans la vie du royaume du sine .En effet, elle sera la résidence du Diaraf Thiagoune NDIAYE, commandant la zone allant de Fatick à Palmarin.

Fatick a aussi été le lieu sacré du culte de Mindiss38(*) qui se déroulait régulièrement en présence du Bour sine, ce jusqu'à la conquête française de 1859.C'est à cette date, à la suite des combats du 25 mai sur l'actuel site du marché centre, que l'emprise française sur le royaume fut effective .alors, la localité de Fatick fut cédée en pleine souveraineté à la France en 1888.

L'intérêt de Fatick aux yeux de l'administration coloniale résidait dans le fait que la région était une position stratégique .En effet, ,la position géographique idéale en faisant un port sur le bras de mer ;le sine ,constituant aussi une porte d'entrée pour la France dans le royaume ,pour y asseoir solidement sa domination tant sur le plan économique, socio -politico culturel, administratif...C'est donc à partir de 1888 que l'escale de Fatick commença à s'organiser comme un véritable centre dont le développement s'appuyait sur la production d'arachide avec la présence de quartier Maisons de fleuve.

A cette période, l'Escale comptait environ 1608 habitants répartis des trois quartiers `'indigènes'' (ndiaye-ndiaye, Loganém, Ndouck) et dans le quartier commercial appelé Escale. Les maisons commerciales tenues pour l'essentiel par des Européens, n'étaient que des succursales des comptoirs de Foundiougne .Le commerce qui a contribué à la promotion des divers métiers (manutention des arachides, commerce de détails, artisanat), traitant déjà trois à quatre mille tonnes d'arachides évacuées vers Niam Diarokh à l'embouchure du Saloum.

En 1891, la signature du traité de protectorat entre le Bour sine. Macké Ndiaye et la France et le transfert du poste du commandant français de Niakhar à Fatick en 1898, ont été des étapes décisives dans la promotion des fonctions administratives, politique set économiques de la cité de Fatick. Alors, fut construite la résidence du commandant français.

Le rapprochement de l'autorité coloniale en vue de la protection des négociants des européens, et la position de l'escale sur le fleuve ont largement contribué au développement de la ville. C'est ainsi qu'une esquisse d'urbanisation et de modernisation fut lancée avec :

-l'ouverture en 1903 d'un bureau de poste ;

-l'ouverture d'une école primaire élémentaire en 1908 ;

-la création d'un dispensaire ;

La création d'un dispensaire de l'enceinte de la résidence du commandant ;

-la création en 1911 d'un premier lotissement.

Puis, successivement, des mesures législatives et juridico-politiques vont marquer l'évolution de l'organisation et le mode de gestion de la ville, notamment.

-l'arrêté du 31 décembre 1917 du gouvernement général de l'AOF créant la commune mixte de Fatick en même temps que Foundiougne, Kaolack et Gossas. Ce statut est maintenu jusqu'en 1957.

-le décret du 17 Août 1957 érigea Fatick en commune de moyen exercice.

-la ville accède au statut de commerce de plein exercice en Février 1960 avec l'élection d'un conseil municipal au suffrage universel.

-en1984, avec la création de région et l'élection de la ville en chef lieu de région, Fatick devient commune à statut spécial à l'instar des autres capitales régionales du pays ;

- à partir de 1990, la commune retrouve le statut de droit commun avec la suppression du statut spécial.

3.2.2 Organisation de la ville

La commune compte officiellement huit (08) quartiers car l'érection du neuvième(Poukhoum) n'est pour le moment qu'un village satellite situé dans la communauté rurale de Diouroup.

La présentation des quartiers selon le rapport de l'ADM (agence de développement municipal) s'est conçue comme suit :

*Le quartier Escale :

Il est le noyau originel de la ville. Le premier lotissement en damier a été réalisé en 1911.Le quartier couvre une superficie de 65,2hectares dont 23,2 pour l'habitat, 31,4 pour la voirie et les espaces libres et 11,6 pour les équipements. Il a une faible densité de population qui s'explique par la présence de plus de 3 /5 des équipements de la ville.

*Le quartier de Ndouck :

Il fait parti du noyau originel et traditionnel de la ville. Il constitue en fait le prolongement du quartier Escale vers le nord. Son extension ne peut se faire que vers la zone de Saigon. Moyennement équipé qu'Escale, il couvre une superficie de 93,7 hectares dont 4,1 hectares occupés par les équipements, 33,5 hectares par l'habitat et 56,6 hectares par la voirie et les espaces libres.

*Le quartier Loganém

L'évolution spatiale de ce quartier traditionnel peut être considérée comme définitive. C'est le prolongement de l'Escale vers l'ouest. Sa superficie est de 30,4 hectares et est occupé par l'habitat 14, 8 hectares, les équipements (1,2hectares) et la voirie et les espaces libres (14,4hectares).Il présente la plus forte densité de population à cause de son ancienneté, de son sous -équipement et de l'occupation quasi intégrale de son périmètre.

*Le quartier Ndiaye -ndiaye 1 :

Il est constitué d'un tissu ancien et de son extension réalisée dans le lotissement de Fatick 1 : son évolution est bloquée au sud par les tannes et est compromise au sud -ouest par les verges et la présence de sources d'eau douce .Sa superficie de 51,5 hectares .L'habitat occupe les 25,6 hectares, les équipements (0,9hectares), la voirie et les espaces libres (25hectares).

*Le quartier Ndiaye-ndiaye 2 :

Un quartier traditionnel dont la seule possibilité d'extension au sud est bloquée aussi par les tannes, il couvre une superficie de 24,1 hectares .C'est un quartier dortoir (habitat 9,1 hectares) et les équipements sont de 0,9 hectare.

*Le quartier de Peulgha :

Sa partie ancienne constitue l'extension de Ndouck et de Loganém, la zone récente est en cours d'occupation. Le quartier connait des problèmes d'inondation durant les saisons de pluies. Selon les limites considérées comme définitives, sa superficie est de 82,3 hectares dont 4,4 hectares d'équipements sont réalisés.

*Le quartier Darel :

Il constitue la zone d'extension naturelle actuelle et future de ville. Dans sa configuration actuelle, son tissu urbain n'est pas encore bien défini.les limites esquissées donnent une superficie de 78,8 hectares dont 2,4 hectares d'équipements réalisés.

*Le quartier Darou Salam :

Il présente les mêmes caractéristiques que le quartier Darel. L'esquisse de son périmètre donne une superficie de 198 hectares. Il devra abriter le second pole d'équipements de la ville dont 10,4 hectares sont déjà occupés.

3.3 Les données de la commune

3.3.1. Les données géographiques

Le périmètre commercial défini par le décret de février 1960 couvrait une superficie de 1582 hectares environ. Les extensions qui ont marqué l'évolution de la ville ont poussé les autorités municipales à repousser les frontières de la commune qui atteint actuellement une superficie de 9000 hectares.

La commune est située au centre -ouest du Sénégal 30 kilomètres des iles du Saloum et à 60 kilomètres de la station balnéaire de Mbour-saly Portugal. Bâtie sur les bords du sine (bras de mer qui lui est donné son nom), la ville se trouve sur la nationale°1 à 157 kilomètres de l'est de Dakar, 42 kilomètres à l'ouest de Kaolack et 60kilométres du nord de la Gambie. La chronique et la salinité des eaux de surface ont vu les zones marécageuses asséchées être remplacées par des sols salés ou tannes.

La structure urbaine de Fatick est caractérisée par son manque d'homogénéité. L'absence de cohérence avec le schéma de développement et d'aménagement urbain(SDAU) de 1974, montre un tissu urbain en faible densité. La ville compte huit quartiers et peut être divisée en trois parties :

-villages très anciens regroupant les quartiers de ndiaye -ndiaye 1, et 2, Escale, Loganém et Ndouck ;

-les lotissements les plus récents(1992) : Peulgha, Darel et Darou Saloum ;

-les lotissements inoccupés.

L'occupation de l'espace en est lui même disparate. C'est ainsi les zones périphériques donnent l'impression d'un aménagement mi-urbain, mi-rural avec l'existence de grands vides à l'intérieur du tissu urbain des quartiers.

Cette commune exerce une faible polarisation pour les communautés environnementales qui sont plutôt tournées vers Kaolack (enseignement, santé, services, commerce écoulement des produits agricoles etc.).

Les paysans urbains de cette commune sont marqués par u habitat peu dense dans un environnement de savane de mangrove et des tannes sur les berges du sine.

Les conditions géographiques sont favorables à différentes activités économique :

Agriculture, arboriculture, pèche extraction du sel qui est l'une des principales sources de revenues de la commune.

3.3.2. Aspects démographiques

La population de Fatick est assez faible par rapport à son statut de capitale régionale. Sa population est passée de 18416habitants au général de la population et de l'habitat(RGPH) de 1988 à 23149 pour celui de 2002, soit une augmentation de 4433 habitants en quatorze ans (14 ans).

La population de la commune est estimée en 2003 à 4500 habitants et est composée majoritairement des sérères, de wolofs et de peulhs. Le tableau ci-dessous permet de suivre l'évolution de la ville. De 7190 habitants en 1961, la population est passée à 3 /4 en 1988.Ce qui consacre à la population un taux de tendanciel estimé à 5,4%.En quarante ans la population de la commune a triplé deux fois de suite.

1976

1988

Taux.1976/1988

1997

2002

200751033

2012

9478

20491

5,2%

32450

40990

 

65775

Tableau d'évolution de la population de la ville-prévisions.

Sources : projection de la direction de la prévision et de la statistique(METP).

La répartition de la population en 1997 en groupes d'âges est la suivante :

48% pour les enfants de 0 à 4 ans ; 29% pour les jeunes de 15 à 35 ans, 23% pour les adultes de plus de 35 ans.

Les immigrants proviennent beaucoup plus de Kaolack, pour les migrations récentes soit 8,3% de la population urbaine, c'est aussi la destination de prédilection des Fatickois, soit 3,1% des habitants de al ville.

La répartition par sexe donne 11051 hommes et 12098 femmes.

La répartition d'habitants par quartier est la suivante :

Quartiers

Effectifs en 2002

Effectifs en 1998

Darel

2254

_

Darou Salam

1976

_

Escale

1845

2423

Logandém

2446

3025

Ndiaye -ndiaye 1 et 2

5025

4229

Ndouck

4846

4339

Peulgha

4757

4400

3.3.3. Les données socio-économiques et culturelles

La commune de Fatick est administrée par un conseil municipal de quarante (40) membres élus, avec à leur tète le maire. La population active représente 16200 habitants, soit 47,6 % des petits commerçants, 23% de travailleurs du secteur primaire ,19% d'employés de l'administration, 12% d'artisans et 0,4% d'actifs du secteur du transport.

Dans la plupart de ces activités, les femmes sont en première ligne .A travers leurs groupements d'intérêt économique (GIE), elles interviennent dans divers domaines d'activités financières sur fonds propres ou par des intermédiaires. Mais la modicité des moyens dont elles disposent limitent leur contribution.

En effet, il n'existe pas à Fatick ni d'entreprises importantes ni d'industries à fort de main d'oeuvre. Les principales unités industrielles sont fermées .Les établissements touristiques sont pratiquement inexistants ou non fonctionnels. La capacité hôtelière est estimée à 08 lits.

Cependant la ville dispose d'une gamme de services et d'équipements nécessitant un dimensionnement. Ce qui permettant de jouer un pleinement son rôle de capitale régionale et de pole d'intègre spatiale, économique et social par rapport à son environnement.

L'eau douce n'est accessible qu'à une partie de la population, sans compter les difficultés liées aux conditions d'hygiènes plutôt défectueuses qui caractérisent sa commercialisation. L'autre partie de la partie ne dispose que d'eau saumâtre, chargée de quantité excessive de sel et de fluor. Les conséquences de sa consommation sont d'ordre dentaire et cardiovasculaire.

La bonne occupation des quartiers (nouveaux lotissements) devrait aller de pair avec une réelle politique de salubrité, d'aménagement d'espaces verts et d'assainissement de la commune de son ensemble.

Par ailleurs, le réseau culturel compte sur un piètre équipement : une grande mosquée, une église, un centre culturel, quatre dancings, un stade de deux cent places seulement, un parcours sportif etc.

Jadis très animée sur le plan culturel, Fatick, malgré la diversité des coutumes, les activités culturelles sont quasi inexistantes : pas de théâtre, pas d'ensemble instrumental, pas de cinéma, pas de salle de conférence.

Sur le plan ethno linguistique, on note la présence, en très grande partie, de sérères. Mais, se trouvent aussi les autres ethnies comme les peulhs, les wolofs, les diolas etc.

L'insuffisance des infrastructures sportives, la vétusté et l'inadaptation des locaux constituent des obstacles pour le développement du sport dans la commune. Le besoin d'organiser la jeunesse de Fatick est réelle pour permettre une éclosion de ses potentialités sportives et de hisser le sport fatickois au sommet.

3.3.4. Les données éducatives avant 2008

L'éducation dans la commune de Fatick concerne les secteurs suivants :

-l'éducation de base formelle (le préscolaire et l'élémentaire) et informelle (essentiellement composée de l'alphabétisation).

-l'enseignement moyen-secondaire

-l'enseignement technique féminin

En effet, le préscolaire présente une faible couverture, passé de 187 à 307 soit une progression de 120 enfants en quatre ans.

L'élémentaire constitue un million important du système éducatif de la commune. Le nombre total de classes est 72 avec un ratio de 65 élèves par classe, soit 4641 élèves dont 2240 filles. Le taux de scolarisation se situe autour de 80% avec 53% de garçons et 47% de filles.

Le privé compte 12 classes avec une ration de 32 élèves par classes, soit 389 élèves dont 183 filles.39(*)

Population scolarisable

Année

1998

1999

2000

2001

2002

Garçons

2079

2086

2178

2273

2374

Filles

1837

2003

2091

2184

2280

Total

3916

4089

4269

4457

4654

Taux de scolarisation

Année

1999

2000

2001

2002

2003

Garçons

126,11

134,18

133,74

127,54

123,33

Filles

137,12

134,34

132,71

128,70

119,86

Total

131,28

134,26

133,23

128,11

121,63

Evolution des effectifs

Année

1999

2000

2001

2002

2003

Garçons

2622

2799

2913

2899

2928

Filles

2519

2691

2775

2811

2733

Total

5141

5490

5688

5710

5661

Ces tableaux ci-dessus ne donne l'occasion de remarquer la carence en classes spéciales dans la commune de Fatick ne couvre que 13,9% sur le taux national estimé à 30%.

Le secteur de l'alphabétisation connaissait un dynamisme certain avec l'intervention de différents programmes y afférent, cependant son émoussement est actuellement notoire.

Au niveau du moyen secondaire, on note un déficit de mobilier scolaire, une insuffisance des moyens alloués, une quasi inexistence d'équipements informatiques, une pénurie de manuel et de matériel didactiques et une très faible implication des collectivités limant les possibilités d'amélioration de la qualité de l'enseignement. Le lycée de la commune est l'un des lycées du Sénégal qui forment moins de scientifiques.

Par ailleurs, le taux d'abandon est un phénomène jouant négativement sur le taux brut de la scolarisation et à terme sur l'objectif de l'Etat d'assurer `'l'éducation pour tous''.Ce taux d'abandon concernant les deux sexes est plus remarquable chez les filles dont les causes efficientes se résument en terme de manque de moyens, de difficultés d'hébergement des élèves venant du rural dépourvu pour la plupart d'enseignement moyen-secondaire et l'inadéquation des structures scolaires au maintien des filles à l'école.

3.3.5. Les données éducatives en 2008

Par rapport à l'éducation, en 2008 la région dans son ensemble compte 97 structures de prise en charge de la petite enfance. (Maternelle, case des touts petits, garderies)(Contre 85 en 2007) ,665 écoles d'enseignement élémentaire, 74 collèges d'enseignement moyen ,10 établissement d'enseignement général dont 8 lycées, 7 centres de formation professionnelle.

Le taux brut de scolarisation qui était de 77,49% en 2006 est passé de 88% en 2007 puis à 106,8 en 2008.La région de Fatick à un taux d'alphabétisation de l'ordre de 34,4% selon la RGPH (recensement général de la population et de l'habitat).Il est plus élevé chez les femmes (50,3%) que chez les hommes (36,4%).

Selon les dernières statistiques on compte au niveau régional 59 centres d'animation et de lecture pour un effectif de 1530 apprenants et 20 écoles communautaires de base pour un effectif de 430 apprenants.

Concernant l'enseignement élémentaire, les écoles publiques de la région sont passées de 583 en 2006  à 625 en 2007 et à 665 en 2008.Dans la même l'effectif des élèves a connu une progression en passant de 118655 élèves en 2006,126372 élèves en 2007 à 127479 en 2008.40(*)

Par ailleurs, l'enseignement élémentaire communal, enregistre un nombre important en matière d'effectif, d'infrastructure et de genre.

Posons le tableau suivant opéré par l'inspection d'académie de Fatick.

Type d'infrastructures, statuts et effectifs en 2008

Structure

type

publique

Privé

total

garçons

filles

total

 

Elémentaire

224

12

236

32293

32115

64408

 

Ecole de 3é type

 

12

12

451

350

801

Total IDEN /Fatick

 

224

24

248

32744

32465

65209

 

Elémentaire

215

2

217

17498

17195

34693

 

Ecole de 3è type

0

0

0

0

0

0

Source : inspection d'académie de Fatick

Troisième partie : présentation des résultats obtenus

Chapitre 4 : analyses et exégèses des résultats de la pré-enquête

Cette partie constitue le moment de faire le point sur les données du terrain afin de procéder à leur analyse et interprétation sociologiques pour visibiliser le fait étudié. Ainsi, dans le cadre de notre étude, par sa nature, il nous est important de recourir à l'herméneutique des acquis empiriques dans le but de décoder les sens caché du fait.

Notre observation s'est portée exclusivement sur certains anciens et actuels professionnels de l'éducation (inspecteurs, enseignants, syndicalistes ...) de la commune de Fatick. Pour nous, ces derniers, témoins des temps forts et faibles du système éducatif, sont les mieux placés pour discourir sur le comportement lié aux politiques de non ou d'introduction des langues nationales dans l'enseignement élémentaire formel.

En effet, les résultats obtenus sont d'ordre structurel, ce qui nous permet dans le cadre de l'analyse de contenue, de les interpréter sous forme de thèmes.

4.1. Synthèse générale des résultats collectés

4.1.1. De l'insuccès des classes expérimentales

Mises en application en 2002 par le Sénégal, les « classes expérimentales » sont des classes bilingues consistant à l'enseignement du français et des langues locales du territoire donné. Le but était de permettre la formalisation de l'introduction des langues nationales dans l'enseignement élémentaire formel.

Ainsi, dans le site de notre étude, où ces classes étaient au nombre de 15, selon nos enquêtes (01 classe en wolof, 01 classe en mandingue ,02 classes en puular et 11 classes en sérère), les facteurs bloquants étaient d'ordre divers.

De la gestion politique jusqu'aux mesures d'accompagnement didactique, via la carence communicationnelle avec les populations, receveuses de ce projet, les écueils ont été notoires sur tous les plans.

Ainsi, souligner ou décrire les contraintes concernant le dynamisme que devraient connaitre ces classes expérimentales, point de départ vers la formalisation des langues nationales à l'école formelle, constitue en amont le décodage ou l'analyse des blocages de l'introduction de nos langues dans l'élémentaire formel.

En effet, à travers notre empirie, les classes expérimentales prises comme une relance vers ce programme d'introduction des langues nationales dans le primaire, sont vouées à la faillite.

En tout état de cause, c'est ce qu'un de nos enquêtés, un inspecteur de l'éducation chargé des classes bilingues nous a confessé : « là  aussi c'est une expérience qui rapidement, a été pratiquement abandonnée même si, dans quelques zones des gens ont eu tant bien que mal à le faire. Elle n'est plus ce qu'elle devrait être. Nous par exemple à Fatick, nous avons pratiquement abandonné cette année, nous avions cinq classes dans cinq villages différents qui fonctionnaient jusqu'à l'année passée mais, en raison de plusieurs difficultés nous avons été amenés à les laisser tomber. Maintenant c'est fini, on a arrêté» (P.FAYE, Fatick, avril 2010.)

Ces propos stipulés par notre répondant signalent tout simplement l'insuccès du programme d'expérimentation navigué pendant huit années (2002-2010) dont l'objectif final était l'introduction des langues nationales dans l'enseignement élémentaire formel.

Les motifs d'un tel échec sont à rechercher dans les paragraphes qui suivent.

4.1.2. Introduire les langues nationales dans le système éducatif formel : y a t-il une réelle volonté politique?

En cette année, le Sénégal, à l'instar de beaucoup de pays africains, a passé cinquante ans `'sans domination coloniale''.Donc libre de choisir ou de redorer le blason du comportement son système éducatif et de son identité linguistique.

Ainsi, des `'classes télévisuelles'' (1979-1984) aux `'classes expérimentales'', le Sénégal n'arrive guère à introduire même pas une seule langue nationale dans le système éducatif de base. Quelle part de responsabilité ont les décideurs politiques ? A cette interrogation, nos enquêtes empiriques nous permettent d'en avoir une analyse plus raisonnée.

Intuitivement et logiquement, nous savons que si les décideurs avaient le ferme dessein de formaliser une, des ou les langues nationales dans le système, ils l'auront déjà réalisé dans la mesure où il est incompréhensible d'avoir mené un véridique combat pendant plusieurs décennies sans en avoir gain de cause.

Par ailleurs, il sied de reconnaitre qu'introduire une, des ou les langues nationales est loin d'être difficile que tant d'autres projets politiques asociaux réalisés pour des fins quasiment inutiles à l'endroit de la totalité sociale.

Un des enquêtés a pu confesser : « il y a un manque d'engagement politique parce que si l'Etat voulait introduire les langues, il l'aurait fait. Par exemple, il a réalisé et inauguré la statue de la renaissance » (Anonyme, Fatick, avril 2010).

En outre, cette carence d'engagement, est analysée, en d'autres termes comme le fruit d'un `'secret d'état'' qui fait que nos langues ne peuvent être insérées dans le système éducatif actuel formel.

Tout compte fait, c'est l'avis d'un ancien éducateur en retraite qui laisse entendre : « je ne sais pas pourquoi les langues nationales ne sont pas introduites dans l'enseignement (...), peut être c'est une raison d'Etat » (M. LY, Fatick, avril 2010.)

En d'autres termes, la `'raison d'Etat'' évoquée par notre répondant, s'analyse comme une silencieuse velléité d'engagement à l'endroit de nos décideurs politiques dans la mesure où ces derniers ne se donnent pas le sacerdoce de viabiliser les projets d'éducation linguistique qu'ils murmurent depuis des décennies.

Dans un autre angle, la pusillanimité de l'Etat constitue aussi un facteur de blocage de la politique d'introduction des langues sénégalaises à l'école formelle dans le fait que le non suivi des politiques linguistiques est une réalité bien existante. Signalons certains propos de nos enquêtés disant : « l'Etat n'a pas du tout suivi parce que les conclusions même de l'évaluation (des classes expérimentales) n'ont pas été exploitées (...) bon, il n' y a pas un engagement ferme de la part de l'Etat, c'est vrai il y a l'option politique mais il n'y a pas d'accompagnement », « le gouvernement prend cette introduction à la légère dans la mesure où les enseignants (expérimentateurs) suivaient une formation de trois (03) jours »

Ces propos quasi similaires énoncés par beaucoup de nos enquêtés mettent en exergue la grande part de responsabilité de l'Etat sénégalais face à ce problème socioéducatif.

En effet, cette remarque tant clamée est, par ailleurs, sous-tendue par la passivité de l 'Etat eu égard à la formation d'enseignants en langues nationales, à leur mobilité professionnelle et à l'élaboration de supports didactiques.

4.1.3. Entre absence de formation de maitres en langues nationales et faible élaboration de supports didactiques.

Si nous partons toujours des classes expérimentales, les facteurs de blocages de l'introduction des langues nationales dans l'élémentaire formel, sont à rechercher par ailleurs sur le plan professoral et didactique. Mise en corrélation avec la volonté politique stérile de l'Etat, la carence d'accompagnement de ressources humaines et de matériels pédagogiques ou didactiques, constitue un des facteurs de blocage les plus remarquables. Citons des extraits de nos enquêtes réalisées mettant en exergue cette problématique :

«  L'Etat a mis la charrue avant les boeufs dans la mesure où il y a une absence d'investigation préalable pour savoir quelle langue introduire dans quelle localité », « il y a une carence de maitres formés du fait de la non généralisation de la formation, de son accélération », « il ya des problèmes de supports, de matériels didactiques(support en calcul et en lecture)d'accompagnement .Il y a des livres au programme par exemple `'le référentiel de compétence'' traduit en wolof, en sérère...(les six premières langues codifiées) mais depuis que le ministère de la structure des langues nationales a commencé à codifier d'autres langues, il s'est posé un problèmes d'équité( ...).On a traduit certains livres comme `'Sidi et Rama'' en mettant `'Sidi ak Rama'',et on s'est rendu compte que c'était pas ça, on devrait prendre des textes purement locaux du vécu quotidien des élèves »

Selon les propos de nos répondants et lorsque nous poussons notre analyse jusqu'à son terme, il nous est force de stipuler que la politique de l'Etat d'introduire les langues locales /nationales à l'école, est velléitaire sur toutes les dimensions et structures requises pour une politique éducative. Ainsi, c'est une lapalissade d'admettre que l'accompagnement didactique ou pédagogique, la formation de professionnels en la matière etc., est en grande partie le rôle et le devoir de l'Etat en l'occurrence les décideurs.

Au demeurant, même si de piètres mesures d'accompagnement ont été notées, il apparait qu'il existait un déphasage entre manuels de procédures et environnement socioculturel (d'après les remarques sur les classes expérimentales) du fait que les manuels constitués en langues nationales n'étaient qu'une reformulation reproductive du contexte socioculturel de la société de la langue officielle(la société occidentale). En somme, les manuels traduis ont manqué de refléter le vécu social quotidien des usagers.

4.1.4. Le français comme langue de référence : un sérieux facteur de blocage

La domination du terrain linguistique par le français est le fruit d'un long processus opéré par l'administration coloniale. Depuis cette période jusqu'à nos jours, l'imaginaire collectif sénégalais considère en somme que nos langues sont loin d'être vecteur de promotion intellectuelle et sociale. Nos langues sont, tout au moins, représentées par la société comme des langues qui, en usage dans l'enseignement, constituent un facteur de régression socio intellectuelle. La société sénégalaise, dans son symbolisme linguistique, a le sentiment que seulement la langue officielle et les langues extra africaines peuvent être des médiums d'enseignement formel. Cette croyance intériorisée en la société et extériorisée par elle-même, est sans doute véhiculée et manifestée par des propos de ce type : « j'ai pas inscrit mon enfant à l'école pour qu'il apprenne le wolof ou le sérère », « a Fatick le problème se pose autrement ;beaucoup d'enseignants refusent ,en tout cas on a l'impression, de parler la langue du milieu qui est le sérère ou en tout cas ils ne font pas beaucoup d'effort pour comprendre la langue et la parler (...) ,il y a aussi le rejet des parents :il y en a certains qui trouvent que la promotion de leur enfant va se faire non pas par la langue maternelle mais par la langue française ;ils se disent qu'ils n'ont rien à gagner en apprenant cette langue »

Ces discursifs venant de certains de nos enquêtés sont en général tirés des écueils liés aux classes expérimentales. C'est pour faire, en quelque sorte, le point sur l'ancrage des valeurs linguistiques occidentales dans la conscience collective sénégalaise qui, à son tour ignore les leurs. Ceci est notoire à l'endroit des parents comme chez les enseignants. Les premiers détestent un enseignement pour leurs enfants en langue maternelle, les derniers n'ont guère l'envie et le devoir identitaire de vouloir transmettre la connaissance via nos langues. En fait, nous avons l'impression que la clôture de la promotion linguistique41(*) (des langues nationales) a vue le jour au Sénégal. Cette clôture semble y être, une croyance fortifiée voire une idéologie.

Combien de fois ai-je entendu ces suivantes expressions lors de mes observations : «  Mais boy ! Est- ce que si on introduit les langues à l'école, est- ce ça ne va pas appauvrir le système éducatif ? » .Voilà une question à laquelle ceux même qui la posent ou la suggère ne trouvent jamais dans leur discours des arguments et preuves convaincants dans la mesure où leurs dires constituent un simple mauvais sentiment.

Cette attitude de clôture en l'endroit des enseignants se prouve par les réponses tirées d'un inspecteur de l'éducation, sis au pole régional et de formation de Fatick (PRF) qui confesse : « il y a un manque de volonté de la part de certains enseignants chargés des classes bilingues du fait que d'aucuns, à l'absence de contrôle d'inspecteurs, enseignaient seulement en français (...) ,au Sénégal on a tenté une fois ,on a abandonné, puis une deuxième fois et on a abandonné et maintenant tout le monde a peur de recommencer, c'est ça  (rire)  » .(M.BA, Fatick, avril 2010).

Cette clôture de la promotion linguistique est caractérisée en grande partie par la « peur de recommencer », c'est-à-dire l'absence d'enthousiasme ou d'audace en ce qui concerne les politiques linguistiques mises en rapport avec l'enseignement élémentaire formel.

De cette clôture, est notée à l'endroit des sénégalais une certaine volonté affichée de recours aux valeurs de la langue de l'ethnie mais, il se trouve que cette volonté est contrastée avec une trop grande référence aux valeurs des langues occidentales. C'est ce que j'appelle le paradoxe de l'occidentalocentrisme et de l'ethnocentrisme de la société sénégalaise.

Ainsi, par occidentalocentrisme, j'entends un cercle de légitimation des valeurs (linguistiques) occidentales qui se présentent comme de bons prêts - à -porter nécessitant pas de diagnostic préalable. En fait, c'est l'attitude de concevoir que tout viens de l'Occident et tout y va. Il constitue le centre du monde, son dénominateur commun ou son noyau dont le contournement est impossible. Cela revient à remarquer que le marché linguistique est dominé par l'Occident avec ses langues. Est -il nécessaire de rappeler les valeurs accordées à la langue française dans et par la société sénégalaise ? Comment comprendre l'attitude de certains individus qui se contentent, à tout moment, de rappeler ou de corriger les gens commettant des fautes de français ? Qu'en est-il avec les fautes commises en langue nationale ?

Paradoxalement, l'importance tant accordée aux langues extra sénégalaises, n'exclut pas ce que j'appelle l'ethnocentrisme c'est-à-dire la conduite à faire valoir ses valeurs ethniques au détriment des autres. Cet ethnocentrisme est le plus souvent sous-tendu par la langue de l'ethnie qui marque chez certains un élément de repère ou d'identité par rapport aux langues. Au Sénégal, cet ethnocentrisme est mis en oeuvre par concurrence ou par rivalité avec les autres langues nationales mais se heurte (l'ethnocentrisme) face aux langues extra africaines. Il n'est pas rare de voir, par exemple un sérère ou un peulh s'irriter pare ce que son frère ethnolinguistique ne communique pas avec lui par le truchement de leur langue ethnique.

En effet, dans nos observations nous avons pu remarquer que l'ensemble des enquêtés, pour discourir sur les blocages de l'introduction des langues nationales dans l'élémentaire formel, ne se focalisaient que sur les valeurs de leur langue ethnique. C'est ce qui nous permet de pousser notre analyse pour arguer que la volonté de chacun à vouloir primer, parfois uniquement, sa langue vernaculaire, constitue en grande partie un argument de taille pour les décideurs politiques à consolider leurs dires lorsqu'ils mettent en exergue le plurilinguisme comme principal obstacle à la mise en application d'une langue sénégalaise comme langue officielle.

Conclusion générale : perspectives de recherche en Master 2.

En somme, cette étude dont l'objet consiste à analyser les facteurs de blocage de l'introduction des langues nationales dans l'enseignement élémentaire formel nous a permis d'aboutir à un certain nombre de résultats.

Rappelons que le Sénégal, à l'instar des autres pays d'Afrique, a longtemps entrepris la bataille de la promotion linguistique qui se traduit par un essai d'utilisation des langues nationales comme médium de communication et outils d'apprentissage scolaire dans le système éducatif formel de base .Cependant cette vision, présente depuis les indépendances dans les politiques socioéducatives et linguistiques de l'Etat du Sénégal, n'est jusque là appliquée. Les motifs de l'insuccès sont d'ordres divers dont notre étude avait l'objet de les visibiliser et de les analyser.

Notre question de recherche était de savoir : Comment expliquer les blocages liés à l'introduction de nos langues nationales dans l'enseignement élémentaire formel au Sénégal, nonobstant toutes les politiques linguistiques entreprises depuis la fin de la colonisation jusqu'à nos jours ?

Pour ce faire, nous avons par un truchement empirique, réussi à répertorier quelques blocages majeurs parmi lesquels il faut se rappeler :

D'abord il faut reconnaitre une absence de volonté à l'endroit des décideurs politique qui sont passifs à suivre les projets ou programmes d'introduction des langues nationales dans l'élémentaire formel. Il ya dans ce cas rien d'autre qu'un comportement velléitaire à l'endroit des décideurs.

A coté de ce blocage, réside celui dû à la représentation sociale de nos langues qui sont considérées comme des éléments de régression tant dans le domaine de la promotion sociale que dans celui du développement intellectuel.

En effet, après l'analyse des données obtenues il apparait que nos hypothèses de départ sont confirmées mais il faut signaler que d'autres facteurs de blocages sont découverts. Cependant, les blocages sont structurels mais selon nous ils sont toujours déterminés par les facteurs majeurs qui ont constitué nos hypothèses.

La non- présence de nos langues dans l'enseignement formel est interprétée comme une carence de volonté politique et une mauvaise représentation sociale. Mais il faut reconnaitre que ses deux facteurs sont l'effet ou le reflet de d'autres facteurs explicatifs à savoir la formation de maitres et l'élaboration de supports didactiques en langues nationales, l'imaginaire collectif à propos d'une langue française plus valable que les miennes etc.

En fin, pour une sociologie critique, rappelons que notre étude est loin d'être scientifiquement parfaite dans la mesure où elle décèle des insuffisances ou imperfections théoriques, méthodologiques et empiriques.

Ainsi, notre cadre théorique n'est pas très bien articulé du fait de la faible élaboration théorique eu égard à notre thème, ce qui justifie par ailleurs une carence de pertinence scientifique majeure de notre problème et question de recherche.

Ensuite, notre approche méthodologique, nos outils de collecte et le planning des enquêtes ne sont pas totalement réunies pour saisir l'essence du fait étudié.

Cependant, pour corriger ces lacunes des recherches futures sont projetées dans le but d'intégrer certains éléments qui nous semblent éminents.

Dans notre prochaine recherche nous allons intégrer l'analyse des discours des non professionnels de l'éducation (parents d'élèves, élèves...), des enseignants ou maitres expérimentateurs qui ont vécu le moment des classes expérimentales.

Nous pensons important aussi de procéder à une analyse comparative des facteurs de blocage dans deux localités différentes. Par exemple faire une analyse comparative entre les facteurs blocage dans le département de Fatick et dans celui de Saint- louis.

En fin, il serait opportun de notre part de nous intéresser aux stratégies d'introduction et de maintien durable des langues nationales dans l'enseignement élémentaire et du moyen-secondaire.

Bibliographie générale

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12- Joseph KI-ZERBO, 1978, Histoire de l'Afrique noire, HATHIER Paris, 731p.

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27- Raymond BOUDON, 1969, Les méthodes en sociologie, PUF, 126p

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www.sudlangue.com

www.dialangue.com

Encarta 2009

Table des matières

Dédicaces et remerciements

Introduction générale.................................................................................. 4

Première partie : cadre d'analyse théorique et démarche méthodologique.................. 6

Chapitre 1 : cadre d'analyse théorique.............................................................. 6

I-1.Construction de l'objet de recherche............................................................... 6

I-2.Position du problème................................................................................ 16

I-3. Motivations ..........................................................................................23

I-4.Intérêt du sujet .......................................................................................24

I-5. Question spécifique de recherche ................................................................25

I-6.Objectifs de recherche.............................................................................. 25

1-7.Hypothèses de larecherche .......................................................................25

I-8.Analyse conceptuelle ...............................................................................26

1-9.Construction du modèle d'analyse ...............................................................34

1-9-1. le schème causal .................................................................................34

1-9-2. Le schème herméneutique ......................................................................35

Chapitre 2 : démarches méthodologiques .........................................................36

2-1.Etape exploratoire ...................................................................................36

2-1.1.Etude documentaire ..............................................................................37

2-1.2.La pré-enquête ....................................................................................37

2.2. Les entretiens .......................................................................................38

2.2.1. Les entretiens semi-directifs.................................................................... 38

2.2.2. Les entretiens informels....................................................................... 39

2.3 Échantillonnage et choix des zones d'enquête ................................................39

2.4. Modalité de transcription et d'analyse des données......................................... 39

2-4-1.Classification des données .....................................................................40

2.4.2. L'analyse de contenu........................................................................... 40

Deuxième partie : présentation du champ de l'étude...........................................41

Chapitre 3 : présentation de la commune de Fatick............................................41

3.1. Caractéristiques physiques........................................................................41

3.2. Historique et organisation de la commune..................................................... 42

3.2.1. Aspects historiques ..............................................................................42

3.2.2 Organisation de la ville.......................................................................... 44

3.3 Les données de la commune...................................................................... 46

3.3.1. Les données géographiques.....................................................................46

3.3.2. Aspects démographiques.........................................................................47

3.3.3. Les données socio-économiques et culturelles...............................................48

3.3.4. Les données éducatives avant 2008........................................................... 49

3.3.5. Les données éducatives en 2008 ..............................................................51

Troisième partie : présentation des résultats obtenus ........................................53

Chapitre 4 : analyses et exégèses des résultats de la pré-enquête.......................... 53

4.1. Synthèse générale des résultats collectés.................................................... ...53

4.1.1. De l'insuccès des classes expérimentales................................................... 53

4.1.2. Introduire les langues nationales dans le système éducatif formel : y a t-il une volonté politique réelle ? ................................................................................54

4.1.3. Entre absence de formation de maitres en langues nationales et faible élaboration de supports didactiques......................................................................................56

4.1.4. Le français comme langue de référence : un sérieux facteur de blocage................ 57

Conclusion générale : perspectives de recherche en Master 2.............................. 60

Bibliographie générale................................................................................. 62

Annexes

Annexes

Guide d'entretien

Ø Guide d'entretien- anciens enseignants

Thème 1 : blocages et politique linguistique de l'Etat

Thème 2 : blocages et massification des langues occidentales dans le système d'enseignement

Thème 3 : blocages et plurilinguisme de la société sénégalaise

Thème 4 : blocages et mesures d'accompagnement (finance, matériels didactiques...)

Ø Guide d'entretien - enseignants

Thème 1 : blocages et politique linguistique de l'Etat

Thème 2 : blocages et massification des langues occidentales dans le système d'enseignement

Thème 3 : blocages et plurilinguisme de la société sénégalaise

Thème 4 : blocages et mesures d'accompagnement (finance, matériels didactiques...)

Ø Guide d'entretien-inspecteurs de l'éducation

Thème 1 : blocages et politique linguistique de l'Etat

Thème 2 : blocages et massification des langues occidentales dans le système d'enseignement

Thème 3 : blocages et plurilinguisme de la société sénégalaise

Thème 4 : blocages et mesures d'accompagnement (finance, matériels didactiques...)

Ø Guide d'entretien-syndicalistes de l'enseignement

Thème 1 : blocages et politique linguistique de l'Etat

Thème 2 : blocages et massification des langues occidentales dans le système d'enseignement

Thème 3 : blocages et plurilinguisme de la société sénégalaise

Thème 4 : blocages et mesures d'accompagnement (finance, matériels didactiques...)

Ø Guide d'entretien -chefs d'établissement

Thème 1 : blocages et politique linguistique de l'Etat

Thème 2 : blocages et massification des langues occidentales dans le système d'enseignement

Thème 3 : blocages et plurilinguisme de la société sénégalaise

Thème 4 : blocages et mesures d'accompagnement (finance, matériels didactiques...)

* 1 _ Je fais référence à la pudeur (kérsa en wolof) qui constitue un élément de socialisation très fondamental dans la société sénégalaise. Le « kérsa »est une attitude de certaines règles de politesse le plus souvent adoptées par le moins âgé à l'égard du plus âge.

* 2 _ Abdoulaye NIANG, 2007, « la jeunesse africaine et le changement social » in Regard sur la jeunesse en Afrique subsaharienne, presse universitaire de Laval.

* 3 _ Gerti Hesseling, 1985, Histoire politique du Sénégal. Institutions, droit et société. Editions KARTHALA, p327.

* 4 _ KI ZERBO(J), 1990, Eduquer ou périr, éd l'Harmattan.

* 5 _ Sylla. A, 1992, L'école : quelle réforme ?in Sénégal, trajectoire d'un Etat, Dakar, CODESRIA

* 6 _Premier président du Sénégal (1960-1980)

* 7 _ AEST (association des étudiants sénégalais en France), UGEESS (union générale des étudiants élèves et stagiaires du Sénégal), 1979, Francophonie et néo-colonialisme. Le combat linguistique dans libération du peuple sénégalais.

* 8 _ .Ki-Zerbo, 1978, Histoire de l'Afrique Noire, HATHIER Paris, p429.

* 9 _ Ki-Zerbo, 1978, op.cit, pp 441-442

* 10 _ Le pays était divisé en petits royaumes rivaux.

* 11 _ Sources : internet (www.google.com).

* 12 _ Abdoulaye NIANG est professeur de sociologie à l'université Gaston Berger de Saint-Louis(Sénégal)

* 13 _ Ki Zerbo, 1992, la natte des autres. Pour un développement endogène en Afrique, paris, Karthala, 494p

* 14 _ Ki-Zerbo, 1990, op cit, p116

* 15 _ Cheick Anta Diop, 1979, Nations, Nègres et Cultures, Tome 2, Présence Africaine, P415

* 16 15 Inspecteur de l'Education

* 17 _Idrissa SANE, « Système éducatif sénégalais : Une réforme ancrée sur les valeurs africaines préconisée », Le Soleil Multimédia.

* 18 _ Papa mangoné BASAL, 98-99, «  La crise de l'éducation au niveau du moyen-secondaire : causes et situation des responsabilités. Quelles perspectives de reforme pour la ville de Saint-Louis, » mémoire de maitrise.

* 19 _ Décret n° 205 992 du 21 octobre 2005, relatif à l'orthographe et la séparation des mots en wolof, journal officiel du Sénégal, Dakar 25 octobre 2005.

* 20 _ Sources : internet

* 21 _ Dominique ROLLAND, Français langue étrangère ou français langue seconde : un grand écart, juillet, 2000.

* 22 _ Souleymane GOMIS, 2003, La relation famille-école, l' Harmattan, pp99.

* 23 _ Une classe expérimentale est une classe bilingue(en expérimentation depuis 2002) qui consiste à l'enseignement de la langue officielle et de la langue du territoire.

* 24 _ Enseignement gratuit de la langue chinoise à l'université Gaston berger de Saint-Louis, année académique 2009-2010.

* 25 _ Souleymane GOMIS, 2003, op.cit, p18.

* 26 _ CITE, 1997, UNESCO, p41.

* 27 _ DIOUF (A) et Alli, Dakar, Mars 2001, L'Education non formelle au Sénégal. Description, évaluation et perspectives, UNESCO

* 28 _ Yéro Dia Abdoulaye BOUSSO et ali, 2008, « l'introduction des langues nationales dans le système éducatif formel .Entre medium de communication et outils d'apprentissages scolaires »p8.

* 29 _ L.v.THOMAS, 1974, « acculturation et nouveaux milieux socioculturels en Afrique Noire », Bulletin de l'IFAN, série B, T.XXXI, p172.

* 30 _ Boudon et Bourricaud, 1982, Dictionnaire critique de la sociologie, PUF, pp500-504.

* 31 _ Bonté -Izard, 2000, Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie, QUADRIGE /PUF, pp 626-627.

* 32 _ Alex MUCCHIELLI, 2001, La psychologie sociale, Hachette, p92-93.

* 33 _ Berthelot, 1990, L'intelligence du social, paris, PUF, p39.

* 34 _ COMBESSIE.J.C, 2001, La méthode en sociologie, éditions La Découverte, 3èm édition, p3 (Cit. .de DURKHEIM dans Les règles de la méthode sociologique, 1895)

* 35 _ Autrefois, des bancs publics fréquentés par des personnes `'étonnées'', les chômeurs le plus souvent.

* 36 _ Je suis inspiré dans ce cas par Max Weber dans sa théorie de `'l'idéal- type''.

* 37 _ Gordon MACE, 1991, « Guide d'élaboration d'un projet de recherche », Laval, PUL, 2éd, p21.

* 38 _ Ancêtre totémique et mythique de la région de Fatick

* 39 _ Sources : audit urbain, organisationnel et financier de la commune de Fatick/ groupe NDETEC-SA.

* 40 _ Situation économique et sociale de la région de Fatick, Agence nationale de la statistique et de la démographie(ANSD), édition 2008.

* 41 _ Je veux dire par cette expression que la société sénégalaise semble clore le débat sur la promotion de nos langues dans les secteurs socioéducatifs dans la mesure où,  on ne peut plus, selon les fausses croyances, faire d'elles des langues de science ou de développement socioéducatif.






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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard