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Décentralisation et mise en Å“uvre des stratégies de développement local: analyse du système de gouvernance territoriale du cas de Croix-des-Bouquets

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par Edy FILS-AIME
Université d'état d'Haà¯ti département des sciences du développement - Maitrise en sciences du développement 2012
  

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VIII.3 Déficit de l'autonomisation des citoyens et des citoyennes

Dans tout processus de développement, il faut considérer la capacité des citoyen (nes), surtout des plus vulnérables, à influencer les décisions qui ont une incidence sur leurs vies, et à maitriser les ressources de leur communauté. Un des enjeux majeurs du développement, est de permettre les citoyen (nes) de mieux s'impliquer dans le processus. Pour cela, ils ont besoin d'accroitre continuellement leurs avoirs et capacités afin d'améliorer leurs rapports avec l'État et les autres institutions.

Il a été démontré que là où les citoyen (nes) n'ont pas les capacités à prendre des décisions sur leurs vies et à gérer leurs ressources, se sont développées progressivement, entre les citoyen (nes) et l'État, et entre les groupes de citoyen (nes) eux-mêmes, des relations institutionnelles inadéquates qui atrophient davantage les velléités et capacités des gens à se retirer du sous-développement. Dans le combat contre le sous-développement, il est donc nécessaire que les gens sortent de l'impuissance en développant des capacités leur rendant aptes à négocier, participer, influencer, maitriser et responsabiliser les institutions en présence. Le développement de ces capacités exige une série de conditions minimales : Accès à l'information, participation démarginalisée, mécanismes de responsabilisation, etc.

 

Manque d'accès à l'information

Le flux d'information entre les citoyen (nes) de la Commune et les autorités municipales est peu efficace. En témoignent les résultats de l'enquête :

Les `'avoirs»constituent des biens physiques ou financiers (épargnes, voitures, la terre, maisons, moyens de productions, etc.). Les `'capacités»sont les facultés ou les conditions (santé, éducation, intelligence financière, etc.) permettant aux citoyen (nes) d'exploiter leurs avoirs de façon optimale.

Tableau VI: Extrait de questionnaire I

Questions adressées à 150 personnes (96 hommes et 54 femmes)

Taux de réponses en pourcentage (%)

Oui

Non

Avez-vous déjà essayé sur un sujet ou un autre de vous informer auprès de la Mairie?

25%

75%

Etes-vous informé des grands projets communaux pour les 2 ou 5 ans à venir ?

5%

95%

Avez-vous une idée du montant et de la planification du budget municipal?

0%

100%

Savez-vous la durée du mandat des Maires ?

20%

80%

Source : Auteur

Les citoyens et citoyennes n'ont presque aucun contact avec la Mairie. La minorité soit 25% de ceux qui entretiennent des relations avec l'Institution Municipale sont des gens qui y vont afin de régler quelques trucs personnels comme régler leurs documents de titre propriétaire ou un permis de construire qu'ils ont besoin pour aller voir un consul ou aller prêter de l'argent d'un organisme de crédit. Les 25% concernés ne sont point motivés par la participation ni leur responsabilisation dans la vie de la Commune. Les 75% n'ayant aucun contact avec la Mairie sont en grande partie des gens qui ne travaillent ou n'entreprennent pas d'activités nécessitant des transactions avec les autorités locales. L'institution municipale comme institution moteur du développement communal n'est consultée que par nécessité par ses citoyens et citoyennes.

Contrairement à l'esprit et la lettre de la Constitution de 1987 et de la Charte de la décentralisation
·
en Haïti, la majorité (soit 95% dans le cadre de notre étude) des cruciens et cruciennes ignorent les grands projets de leur Commune. Ils se trouvent donc marginalisés dans


· Formé du parquet des cinq décrets de 2006 dont le décret cadre sur la décentralisation.

la prise des décisions qui auront de grandes incidences sur leur avenir. Ces derniers ne sont pas non plus trop motivés à s'informer. Ils ne verraient aucune utilité à prendre une partie active dans l'implémentation des projets de développement, car ils ne pensent pas pouvoir influencer quoique ce soit en termes de décisions. Les 5 % des informés des grands projets communaux sont en majorité des gens qui sont directement impliqués dans la gestion municipale
·
, d'autres travaillent pour un service déconcentré impliqué dans des projets de la Mairie. C'est encore plus inquiétant quand aucune (0%) de nos interviewés a une idée de la planification et du montant du budget communal. Et cela se comprend car l'idée de budget communal n'était pas une réalité deux (2) avant dans la vie de la mairie. Ce n'est que la troisième budgétaire depuis que le MICTDN et ses partenaires appuient et obligent les Mairies à se doter d'un budget allant de 1 octobre au 30 septembre de chaque année conformément aux lois des finances du pays. La Commune de Croix-des -Bouquets est le lieu de non communication et de la non participation par excellence, en témoignent les 80% des enquêtés qui affirment n'être pas informé même de la durée du mandat des maires. Ils sont allés élire des autorités et c'est fini. Ceux-ci évolueraient tranquillement sans obligation de résultats ni de compte à rendre à personne.

Même les données tirées des observations abordent dans le même sens que les citoyen (nes) ne sont pas suffisamment outillé(e)s pour exploiter les opportunités qui se présentent. Ils ne sont donc pas en situation pour exiger de l'État les services auxquels ils ont droit. Ils ont montré une infime capacité à négocier et à tenir les institutions de la Commune responsables de leurs actions :

...Qui sommes nous pour leur demander de compte ? Ils sont tous des autorités. Ils font comme bon leur semble. ...Si nous posons des questions, on pensera que nous voulons faire de la politique.»


· Ces gens ou leurs très proches font des petits jobs avec la Mairie.

Tels sont les propos recueillis d'une citoyenne qui refusait de participer à un de nos focus group. Elle a été donc interviewée hors du groupe en compagnie de son époux Josias encore plus sceptique.

La diffusion de l'information dans cette Commune est tout un pari. Il n'y a ni station de radio ni de télévision communautaire qui informerait sur la vie spécifique de la Commune. La population est bombardée par un ensemble d'informations (venant des stations de radio ou de télévisions à caractère national) qui ne traitent que des intérêts nationaux. Ainsi les cruciens et cruciennes sont peu informés sur ce qui les intéresserait directement. Sous l'effet de ces informations traitant des intérêts macros, la population crucienne se voit même détournée de ses intérêts directs. Elle est plus informée des enjeux nationaux que de ceux qui ont une incidence directe et immédiate sur sa vie. La Commune n'a pas une culture de discussion et de débats. Les informations restent concentrées et monopolisées. D'ailleurs, le fait de n'être pas curieux de s'informer passe une qualité et une marque de sagesse dans la culture des cruciens.

Aucun effort n'a été observé de la part des institutions oeuvrant de la Commune en vue de mettre en place des mécanismes et des moyens pour informer les gens. Elles semblent ignorer les bénéfices des rétroactions sociales dans le processus du développement. La non communication et la non participation participent des obstacles majeurs du processus de développement de la Commune.

 

Faible degré de responsabiisation des citoyen et des citoyennes

A l'instar du niveau du faible niveau de communication et de participation, le niveau de responsabilisation s'est révélé extrêmement faible, à partir de l'enquête effectué :

Tableau VII: Extrait de questionnaire II

Questions adressées à 150 personnes (96 hommes et 54 femmes)

Taux de réponses en pourcentage (%)

Oui

Non

Etes-vous prêt à collaborer (avec les autorités locales) pour l'amélioration de la gestion de la chose publique de la Commune?

20%

80%

Sentez- vous responsable de l'état des choses (mauvaises conditions de vie, mauvaise gestion, extrême pauvreté etc.) de la Commune ?

2%

98%

Estimez-vous que les autorités locales respectent vos droits (santé, éducation, sécurité, loisir, etc.) ?

5%

95%

Estimez-vous que vous remplissiez bien vos devoirs de citoyen?

20%

80%

Source : Auteur

La plus grande partie des enquêtés soit 80% d'entre eux se disent n'être pas prêts à collaborer (avec les autorités locales) pour l'amélioration de la gestion de la chose publique de la Commune. Ils avancent que leur volonté de collaborer peut être interprétée comme une intention politique visant à remplacer les autorités locales. Pour éviter des éventuels ennuis, ils se disent prudents par rapport aux gens impliqués dans la gouverne publique de la Commune. Cela révèle entre autres comment le poids de culture de la politique centraliste et machiavélique a marqué l'histoire du peuple haïtien. Une sorte de psychose de peur, le plus souvent infondé,

habite constamment l'imaginaire des citoyens et citoyennes de la Commune. Cette perception citoyenne du politique est souventefois renforcé par les conflits relativement ouverts entre les instituions du même État. Pour exemplifier, citons le cas de la vice-délégation de l'Arrondissement de Croix-des-Bouquets qui n'arrive pas exercer le contrôle de tutelle ou de légalité sur l'institution municipale. Celle-ci ne reconnait à peine les compétences octroyées de l'État central à la vice-délégation. Ces institutions ne ratent jamais l'occasion pour s'affronter publiquement. Des aspirants candidats à la magistrature communale et à la députation sont trouvés morts dans des conditions mitigées. Les batailles hégémoniques et les incidents insolites traduiraient une dangerosité extrême à laquelle seraient exposés ceux qui se seraient immiscé dans la gestion de la chose publique.

Même si la plus grande partie de la population ne serait pas volontiers pour jouer un rôle actif pour le changement communal, la population quasi entière (soit 95% selon l'enquête) estime que les autorités locales ne respectent pas les droits collectifs, c'est-à-dire les droits que possède la population à la santé, éducation, sécurité, loisir, etc. Leur comportement semble confirmer l'hypothèse de Gerald Chéry selon laquelle tout est exigé de l'État et rien des civils. C'est sans surprise quand 80% des enquêtés admettent ne rien fait pour faciliter la tache des autorités locales, en termes de la tenue d'un comportement digne d'un citoyen ou d'une citoyenne (respecter des principes établis, l'entraide, etc.). De part leur comportement, ils semblent être des citoyens et des citoyennes qui rentrent en rébellion contre les institutions locales ou du moins ils n'y croient même pas :

... quand ils ont besoin de nos votes ou de notre appui ils se font dociles et attentifs comme des chiens bien apprivoisés, après c'est la merde, ils font leur affaire avec leurs proches copains on devrait incendier ces boites de mairie, de tribunal, de DGI et tout...ils sont bon à rien...

Tels sont les propos d'un jeune homme de 30 environs qui nous faisait rencontrer son groupe afin de préparer une rencontre d'entretien.

Comment amorcer le développement de la Commune si les citoyens et citoyennes ne se responsabilisent pas ? Surtout s'ils rentrent en rébellion contre les institutions ou les autorités ? Les cruciens et cruciennes semblent perdre (s'ils l'ont eu) toute aptitude à s'adresser aux autorités, aux fonctionnaires, aux fournisseurs de services publics pour que ces derniers justifient et ajustent leurs actions dans l'intérêt collectif. Cette anémie de responsabilisation se manifeste tant sur plan politique que social et à la fois de manière horizontale et verticale. Personne n'est tenu pratiquement responsable de quoi que ce soit, quand la collectivité crucienne ne s'enlise dans un je-m'en-foutisme, elle se console dans bondieurisme lamentable qui ne fait freiner davantage le processus de développement local.

 

Marginalisation des citoyen et citoyennes dans la prise des décisions

Dans la pratique de la politique de décentralisation à la Commune de Croix-desBouquets, la participation citoyenne n'est pas encouragée. Bien que les dispositions pour la participation soient théoriquement prises au niveau des lois haïtiennes, les citoyen (nes) sont pratiquement mis hors de la gouvernance de la vie publique communale. Les autorités locales au niveau communal ne se préoccupent pas de la participation. Le plus souvent, les autorités locales passent sous silence le devoir de communiquer avec les citoyen (ne)s. Si jamais, un groupe de citoyen (nes) revendique une certaine participation, elles font alors appel à diverses formes de boycott.

`'Les autorités dans cette Commune ne font nullement cas de la démocratie locale.
D'ailleurs elles ne savent pas ce que c'est, comment peuvent t-ils en faire une priorité ?
Elles ont peur de la solidarité des citoyens à Croix-des-Bouquets. Elles savent qu'elles

Conception de certains haïtiens qui consisterait à tout laisser sur le dos du Bon Dieu qui fera tout à leur place.

ne sont pas compétentes. Elles barrent la route partout et tout le temps, même avec le président de la république... `'
·

Les autorités semblent ignorer que la participation citoyenne constitue un élément fondamental dans le cadre du développement qu'elles promettent à la population cruccienne. Elles devraient appliquer de manière efficace et efficiente les dispositions participatives prévues par la loi ou mettre en place les mécanismes qui garantissent le modèle de participation que requiert la Constitution du pays.

`' Le maire qui est là n'incite pas les citoyens à participer à la vie communale. Ils sont gardés en dehors de tout. Le budget, on n'en sait pas, les personnels, on n'en sait pas, et on ne cherche pas non plus à savoir, on veut rester en vie»

Les citoyen (ne)s de la Commune de Croix-des-Bouquets sont pour ainsi dire marginalisé(e)s. Ils plus intéressés à voter pour designer le président de la république ou le sénateur dans leur département que de s'informer sur le profil de ceux qui seront maires dans la Commune. La participation électorale pour les postes municipaux est faible. Les maires sont élus généralement par une minorité d'activistes qui leur sont proches. Le processus de démocratisation à la base est tout à fait compromis à la Commune de Croix-des-Bouquets.

 

Corruption et manque d'accès aux services sociaux de base

L'accès de la population crucienne aux services sociaux de base ne constitue pas une préoccupation majeure des autorités municipales, quoique l'État l'aie situé au coeur de ses politiques de décentralisation et de développement. En effet, la fourniture des services sociaux de base à la population locale est l'un des trois (3) objectifs visés par le cadre général de la


· Propos recueillis d'un monsieur qui avait raté notre séance defocus groupe au centre ville et à qui on a eu une conversation sur les thèmes débattus lors du focus groupe. Ce monsieur dirige une organisation émergeant dans le centre ville de Croix-des-Bouquets.

Propos recueilli d'un jeune de 27 ans qui vit dans la Commune depuis dix (10) ans.

décentralisation en Haïti. De surcroit, cette préoccupation figure en bonne place dans le Plan d'Action National de Relèvement et de Développement d'Haïti dont elle constitue un des axes prioritaires. Toutefois, la mise en oeuvre de cette politique de fourniture de services sociaux de base n'a pas produit à date les résultats escomptés et tant attendus par la population crucienne. Désormais, la corruption est perçue dans la Commune comme un phénomène qui ne cesse de répandre ses effets malsains sur tous les secteurs sociaux de base du milieu. Dans un tel contexte de pénurie en services sociaux de base, des citoyen (nes) voient la seule façon d'accéder à certains services nécessaires est de passer par la corruption (pots de vin, passe droits, etc.) comme voie rapide. Des agents de l'administration publique, de leur point vue, voient la corruption comme l'unique voie pour satisfaire ses besoins et se procurer le minimum de bienêtre et de confort social nécessaire. Qui pis est, la corruption se répand à un niveau scandaleux dans tous les secteurs sociaux de base (santé, éducation, environnement, infrastructures, eau, électricité, propriété foncière, etc.). Le constat est d'autre en plus amer qu'elle n'appelle aucune action vigoureuse ni des autorités locales ni de l'État central pour lutter contre ce fléau.

Santé

La corruption dans le secteur de santé s'est particulièrement accentuée à cause de la croissance démographique et l'étroitesse de l'offre de service. Ce déséquilibre entre l'offre et la demande crée les possibilités au personnel de santé de s'enrichir au moyen de la corruption. Des professionnels dans ce secteur, au travers de multiples formes, abandonnent progressivement les valeurs déontologiques du métier pour se livrer à pratiques illicites par lesquelles ils banalisent la souffrance humaine et la mort au profit de l'appât du gain rapide :

`' Si tu n'as pas d'argent, tu es plus qu'un chien, car un chien dont le maitre est riche a son vétérinaire. On nous prend ici pour des laissés pour compte. Quand nous demandons au personnel de prendre soin de nous ou de nos parents, il nous conseille d'aller vers les centres privés si on est pressé. Là-bas, ils sont sûrs de pouvoir nous rançonner tranquillement. On fait la queue depuis des heures, mais ceux qui ont payé de pot de vin

passent avant nous. Nous sommes des humains, même si nous sommes pauvres, ce n'est pas une façon de nous traiter. `'

Cette jeune dame, qui exprimait ses colères lors d'une de nos séances d'observation, résume toute la corruption dans le secteur. La fixation des rendez-vous est le plus souvent fonction de la capacité du patient à payer. Pour une consultation de deux cents clinquantes gourdes (250 gdes), le patient voit un médecin dans environs dix (10) minutes, par contre pour une consultation de 50 gourdes, le patient doit attendre plus d'une heure. Souvent cela se passe dans le même centre hospitalier, sous le fameux prétexte que le centre a une partie communautaire et une partie privée. Généralement, les patients dont la capacité financière répond sont délocalisés dans des cliniques privés pour toute petite chirurgie. Qui pis est, ces chirurgies mineures sont pratiquées avec les mêmes instruments du centre dit communautaire. Cela vaut pour les examens de laboratoires.

Par voie de conséquence, la corruption renforce et entretient l'inégalité d'accès aux soins. L'appât du gain facile tente à déshumaniser la pratique de la médecine. Des professionnels corrompus dérégulent le fonctionnement des services de santé en utilisant les services publics à des fins privées, ils contribuent donc à détériorer progressivement la qualité des services rendus. Les autorités municipales semblent n'avoir aucun contrôle de ce jeu pervers.

Education

Encore dans le secteur de l'éducation, le déséquilibre entre l'offre et la demande renforce les possibilités de corruption. En principe, les écoles privées, mêmes celles dites semi-lycée, sont les plus couteux. Pour éviter les coûts trop élevés des écoles privées, beaucoup de parents sont prêts à s'acheter une place au lycée public de la Commune. Les dirigeants qui sont donc très

Des types d'écoles où l'on paie soi-disant la moitie des frais régulières. Cette stratégie n'est utilisée en réalité que pour bâtir la clientèle scolaire au tout début. Le plus souvent la qualité de l'enseignement de ces écoles laisse à désirer.

sollicités sont enclins à la corruption. De fait, la corruption se pratique sous forme de recrutement parallèle des élèves, de favoritisme (des enseignants qui présentent des clients comme des proches parents, etc.), et de magouilles (falsification des résultats des concours, etc.). C'est un constat malheureux que d'entendre Yves Joël, jeune de 13 ans, exprimer sa joie pour avoir réussi aux concours d'entrée du lycée communal:

`' Au premier affichage des résultats du concours, j'étais à la troisième place. Au nouveau affichage je suis le treizième, ca ne fait rien je suis quand même admis au lycée. Je n'avais pas payé ils ont le droit de protéger leurs clients pourvu que je sois encore parmi eux, ce qu'on veut c'est être admis au lycée, non ! `'

La corruption se manifeste également dans le mode d'expulsion des élèves du lycée. En principe, la répétition des classes (le redoublement) n'est pas acceptée au lycée. Cependant, il y a un réseau, selon l'avis des parents, qui reçoit de l'argent afin de permettre aux élèves qui n'ont réussi de reprendre les classes ou même d'aller en classe supérieurs certaines fois.

En fin de compte, l'impact de la corruption sur le secteur éducation à Croix-des Bouquets devient de plus en plus dévastateur, la corruption a occasionné une baisse progressive et tendancielle de la qualité de l'enseignement. Les effectifs pléthoriques dans les classes entravent sévèrement la qualité de la formation. Le recrutement des enseignants- tout comme celui des élèves- se fait sous la base de favoritisme. Des parents se plaignent du comportement de certains enseignants qui abusent des jeunes filles sous prétexte de leur souffler les questions d'examens ou des concours. En plus de l'iniquité sociale dans l'accès à l'éducation au niveau de la Commune, celle-ci risque de fournir au pays entier des citoyen (nes) sans aucun repère civique et moral.

Eau et électricité

Il n'existe pas un système de distribution d'eau dans la Commune de Croix-desBouquets. La population se sert davantage de puits artésiens. Sans les moyens pour s'acheter de l'eau traitée vendue à des points fixes dans la Commune, la majorité des citoyen (ne)s boivent

de l'eau des puits artésiens sans pouvoir la potabiliser. Qui pis est, certains des points fixes on l'on vend d'eau, subissent les méfaits de la corruption. Il a été constaté des faux documents de

laboratoires sur la porte de ces entreprises. Des inspecteurs des Travaux Publiques et de Santé publique ont livré de faux documents d'autorisation. Sous peine de voir leurs entreprises fermées pour cause d'hygiène ou de non potabilisation de l'eau, certains entrepreneurs- refusant de soumettre un spécimen de leur produit aux testes de laboratoire comme exigé- s'achètent de faux documents d'autorisation par ci par là. Même si tous les documents exigés sont sur la porte de l'entreprise, la corruption ne recule pas, car les inspecteurs voient les entrepreneurs comme des richards dont on doit enlever une partie de biens. Si l'on se réfère au propos d'un petit entrepreneur anonyme du centre ville, on ne manquera pas de comprendre les menaces que ces pratiques placent sur l'économie communale.

`'L'inspecteur d'hygiène, celui de la DGI et de la Mairie sont comme des actionnaires dans mon petit business. Chaque deux ou trois mois, ils viennent comme pour balancer les comptes et arracher leur part des gains. C'est un calvaire avec ces gens. Les bénéfices sont déjà très maigres, en plus on doit partager avec l'État. Nous ne pourrons pas tenir longtemps dans cette situation. ?

La situation de distribution d'électricité ne se différencie très peu de celle de l'eau. Il y a un bureau d'EDH dans la Commune sans la capacité de satisfaction des besoins de la population. 80% des équipements électriques (transformateurs, cables, poteaux, etc.) sont achetés par des

particuliers voulant électrifier leurs demeures. La population peut passer deux à cinq jours sans électricité au moment où il' n'y pas de problèmes techniques graves. Il peut arriver qu'il n'y a pas d'essence, ou l'employé qui gère l'essence est à Port-au-Prince pour quelques jours à cause des problèmes familiales, ou parce qu'il est malade, ou autres. A son absence, personne d'autre ne voudra bosser à sa place :

`'Elle (une employée absente) gagne tout son argent ce n'est pas moi qui vais bourriquer à sa place. J'ai fait mon propre job, donc personne n'a le droit de me dire quoi que ce soit. Je ne suis pas le mari de cette dame, ni la personne qui la baise».

L'employé s'exprimait ainsi devant une vingtaine de clients (dont l'auteur de cette recherche) parce qu'un lui a suggéré ceci :

`'Je sais que d'habitude c'est la dame qui reçoit sur la caisse, nous sommes là à attendre depuis ce matin, si elle ne viendra pas aujourd'hui, tu pourrais nous recevoir à sa place pour aujourd'hui, tu ne sembles pas trop occupée d'ailleurs».

Non seulement le souci du client et le respect des clients sont absents dans le comportement de cet employé de l'EDH, mais aussi son propos dévoile la discrimination contre les femmes qui existe dans les rapports au niveau de l'entreprise. Les hommes jouissent d'un traitement largement plus favorable au détriment des femmes qui remplissent le même niveau de fonction. Cette inégalité se décline à différents niveaux : inégalité en droit, inégalité de traitement, mais aussi inégalité des chances et égalité.

La corruption dans le secteur de l'électricité se manifeste également au niveau des travaux de branchement. Généralement, l'EDH invoque les raisons de manque de personnel pour effectuer les travaux, manque d'équipements nécessaires ou tas de travaux en attente

depuis longtemps et qu'on devrait urgemment réaliser. Mais ces subterfuges ne visent qu'àdécourager le client qui devient impatient et finit par conclure un marché avec un agent pour

accélérer le processus. En passant par ce chemin pour avoir le branchement, les clients qui ont satisfait les négociations sont servis sans attendre. Cette situation favorise le nombre de branchements illégaux qui ne semblent pas déranger trop les agents de l'EDH. Quand ils découvrent un branchement illégal, ils préfèrent le plus souvent passer un "deal" avec le client fautif. Ce que l'État perd quotidiennement est gagné comme une rente mensuelle par des agents malhonnêtes qui gardent le silence.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci